Il avait quitté ce cocon qui lui paraissait être le meilleur endroit ou se cacher après sa fuite en urgence de son appartement à Fortitude, il pensait y déposer ses valises quelques temps afin de réfléchir à la suite, de trouver un moyen de se sortir de ce merdier qui s’était imposé à lui alors que l’organisation criminelle battait de l’aile depuis déjà quelque temps. Il avait prit toutes les dispositions nécessaire pour rester à l’ombre et à sa plus grande surprise il était tombé sur Lou Aberline, arme à la main, prête à en découdre avec l’Américain. Il ne pensait pas s’en sortir vivant cette fois-ci, il ne l’avait pas vu venir et se retrouvait plutôt amoché. Sa main remplie de sang, il tentait d’amortir sa blessure comme il le pouvait tout en rejoignant son quatre-quatre garé devant ce pavillon qui le faisait tant rêvé. Il devait partir et vite, rejoindre une planque ou personne ne le trouverait. Il jurait de tout son cœur tout en allumant le contact, il voyait la scène ou cette traitresse lui avait tiré dessus et bien qu’il pouvait lui être reconnaissant de l’avoir laissé partir, sa haine ne s’était pas estompé pour autant. Il roulait tant bien que mal à une allure normale pour ne pas se faire remarquer, les flics devaient déjà être en train de le chercher dans toute la ville et il pouvait être heureux d’avoir un train d’avance sur eux. Il s’éloignait, laissait les lumières de la ville derrière lui craignant de croiser un barrage de police. Les petites routes étaient la meilleure option et c’est seulement lorsqu’il arriva hors de Brisbane et de sa banlieue qu’il pu souffler.
Il était resté quelques minutes au bord d’une route, composant un numéro qu’il ne pensait jamais composer un jour. « C’est Alex, je suis dans la merde. » Il expliquait sa situation à la voix féminine au bout du fil, une voix qu’il n’avait pas entendue depuis de nombreuses années, celle de Sophie. Une femme qui sans lui aurait fini dans un caniveau. Il lui avait donné l’opportunité de vivre une meilleure vie, elle avait fait son temps au Club après avoir fuit les États-Unis et avait gagné sa liberté. Elle faisait partie des rares personnes connaissant le passé de l’Américain, une des seules qui l’avait connu bien avant Brisbane et le Club. Elle s’était faite discrète depuis et fuyait ce monde qui l’avait rendu prisonnière, mais elle devait bien ça à celui qui l’avait sortie de la merde. Une heure plus tard il avait un endroit ou aller, un appartement à Moorina à une heure du centre de Brisbane. En entrant dans l’appartement il était tombé nez à nez avec la jeune qui lui était venue en aide. Il avait de quoi manger et de quoi désinfecter sa plaie en attendant de voir un médecin. « Promet moi d’appeler un médecin, c’est très sérieux comme blessure, tu ne peux pas rester comme ça. » Elle aurait voulu en faire plus pour lui, mais c’était hors de sa portée, elle déposait un baiser sur la joue de l’Américain avant de s’en aller, consciente que c’était trop risqué pour elle de rester.
Il soufflait fortement Mitchell, il souffrait et ressentait chaque seconde qui passaient. Il lui fallait de quoi ce soigner et ce n’était pas des compresses et de l’alcool à 90° qui allait l’aider. Il composait le numéro de Stacey en espérant ne pas faire d’erreur en la conviant à le rejoindre. Pouvait-il lui faire confiance ? Il ne tarderait pas à le savoir. Il s’exprimait avec souffrance, mais parvenait à se faire comprendre. « Il me faut de quoi me soigner, tout ce que tu pourras emmener pour extraire une balle. » C’était beaucoup trop risqué d’appeler un médecin, son portrait était diffusé à la télévision comme était l’homme le plus recherché à Brisbane. Sa position devait être connu par peu de personne et il devait être sûre de pouvoir faire confiance avant tout. « Stacey, personne doit savoir, pas même Alec, t'entends !.» Précisait-il. Il savait qu’il pouvait lui faire confiance, mais c’était plus fort que lui. A présent il devait attendre, noyant son désespoir dans une bouteille de whisky. Il lui demandait beaucoup à la jeune femme. Allait-il voir Stacey comme prévu au petit matin ?
12 février (tard dans la soirée). Mila vient de claquer la porte de la maison. Imprudente et surtout insouciante, je lui ai reproché son comportement lorsqu’encore ce soir, deux hommes sont venus frapper à notre porte à la recherche de notre père. Que, contrairement à d’habitude, elle ne m’a pas écouté, voulant en faire qu’à sa tête, intervenant dans la discussion avec les hommes alors que je lui ai expressément demandé de monter dans sa chambre. Une fois ces derniers partis, les mots ont fusés de ma part, de la sienne. Je ne suis pas parvenue à contrôler ma patience, comme je peux le faire en temps normal. Surtout lorsqu’aujourd’hui, j’apprends que le Club a été perquisitionné, que je n’ai appris cette nouvelle que par les médias. Les quelques mots adressés par Alec en réponse à mon message n’ont pas eu le don de me rassurer pour autant. Encore moi, quand je sais son frère en cavale, recherché activement par la police et qu’il reste injoignable, malgré les nombreuses tentatives d’appel ce soir. Un tout qui a fait que, ce soir, ma colère a explosé, au point que je ne parviens pas à retenir ma petite sœur de dix-sept ans lorsqu’elle décide de quitter la maison familiale. Il ne me faut que quelques minutes pour réaliser, pour regretter, envoyant à travers la pièce ce portrait de famille qui orne un des meubles de l’entrée. Une famille qui est brisé en mille morceaux, comme l’est désormais ce cadre… Une famille qui n’existe plus depuis longtemps, une famille qui a un poids sur mes épaules désormais que je ne suis même plus sûre de pouvoir supporter…
***
Je ne parviens pas à trouver le sommeil cette nuit. Je sais Mila en sécurité chez Lawrence, celui-ci m’ayant envoyé un message pour m’en assurer. Pourtant, je rumine ma dispute avec ma petite sœur et ne cesse de me demander ce qu’il va advenir de mon job au sein de l’organisation, tout comme je m’inquiète du sort de Mitchell. Je sursaute soudainement quand mon téléphone se met à sonner. Je ne reconnais pas le numéro, et pourtant, je décide de décrocher « Mitch ? C’est toi ? ». Il peine à s’exprimer mais il y a un certain soulagement d’entendre sa voix au bout du fil « Il me faut de quoi me soigner, tout ce que tu pourras emmener pour extraire une balle ». Mes yeux s’écarquillent lorsque le mot balle arrive à mes oreilles. Il me donne les indications pour le rejoindre, je lui promets d’être là. « Stacey, personne doit savoir, pas même Alec, t’entends ! ». Je comprends alors que quelque chose s’est brisé entre les deux frères mais les explications viendront plus tard quand, pour l’instant, tout ce qui m’importe, c’est de le rejoindre à l’adresse qu’il m’a indiqué pour l’aider « Je te le promets ».
***
13 février. Il est sept heures du matin quand j’arrive à l’adresse indiquée. Avant de le rejoindre, je suis passée par l’hôpital, prétendant avoir oublié quelque chose d’important dans mon casier. En faisant mine de me rendre au vestiaire, je me suis arrêtée dans le local où tous les médicaments et autres instruments sont stockés. J’ai ainsi pu prendre quelques anti-douleurs mais aussi des compresses de gaz, du désinfectant et surtout une pince pour extraire la balle. Prudemment, je sors de ma voiture, regardant autour de moi, de crainte que quelqu’un ait pu me suivre jusque-là. Je ne vois personne et m’engouffre dans l’immeuble, frappant à la porte de l’appartement dont il m’a donné le numéro « Mitch, c’est Stacey » je fais après avoir tapé trois coups sur la porte. La porte s’entrouvre de quelques centimètres pour m’inviter à entrer, alors que Mitch repart s’installer sur le canapé. Je referme à clé derrière nous et me dirige d’un pas précipité vers lui, voyant son teint pâle et son air faiblard. L’air inquiet, je m’assois à ses côtés, posant le sac sur la table « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». Je ne tarde pas à découvrir sa blessure, horrifiée, soulevant le pansement qui a été fait à la va vite, alors que la balle est toujours à l’intérieur. « Allonge-toi, il faut qu’on retire cette balle ». Il n’y a plus de temps à perdre, surtout lorsque je crains que son état s’aggrave et qu’il n’y ait d’autres choix que de le conduire à l’hôpital, ce qui n’est pas du tout possible à l’heure actuelle. Je me lève du canapé pour lui laisser la place et je commence à désinfecter l’instrument, puis la plaie « Ca va faire mal… Tu es prêt ? ». Je lui demande, attendant son feu vert pour agir.
Après son appel il s’était brièvement endormi, se réveillant à mainte reprise en sueur. Lorsqu’il fermait les yeux il ne savait plus vraiment quoi penser, laissant ses souvenirs prendre le dessus dans son esprit. Il en voyait des images défiler, il se demandait si son dernier souffle aura lieu durant la nuit tellement qu’il souffrait, il se demandait s’il allait retrouver sa mère partie trop tôt dont le visage était difficile à imaginer depuis déjà plusieurs années, il se demandait ce qu’elle penserait de lui, son fils ayant pris le mauvais chemin dans la vie, ayant fait les mauvais choix et surtout ne valant pas mieux que son père, l’homme qui était coupable de sa mort. Allait-il devoir affronter ses vieux démons ? Aaron, son meilleur ami mort par sa faute ou encore Blanche, cette inconnue morte parce qu’elle était proche de Lou ? Allait-il atterrir directement en enfer ? Il devenait dingue, ne cessait de gigoter comme il le pouvait, alors que sa blessure ne lui laissait pas de répit. Il buvait pour oublier, pour apaiser cette douleur qui ne cessait de croitre. Aller voir un médecin c’était se rendre et pour lui c’était impossible de se retrouver à nouveau derrière les barreaux. Il devait tenir, serrer les dents et espérer que Stacey serait bien là au petit matin pour lui venir en aide. Il essayait de penser à de belles choses, à de bons moments passés. Mavis apparu brièvement dans son esprit, sa défunte femme morte d’une overdose. Il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était à cause d’elle s’il en était là aujourd’hui. Il pensa ensuite à son petit frère, celui qui lui avait tourné le dos et qui avait pris la décision de rejoindre l’ennemie. Il avait sûrement voulu se racheter une conscience en le prévenant de la venue des flics, mais ça n’effaçait pas le fait qu’il avait prit part à ce plan le visant et rien que pour ça il faisait lui aussi partie de la liste rouge de l’Américain. Il se mit à penser à Sofia, cette femme qu’il avait rencontrée il y a quelques mois, alors qu’il lui était venu en aide un soir de beuverie. Qu’avait-elle penser en regardant les informations ? Accepterait-elle de le voir à nouveau après tout ça si l’occasion se présentait ? Il grimaçait à l’idée de ne plus la voir. Il fermait à nouveau les yeux et les ouvrit uniquement lorsqu’il étendit toquer à la porte, sursautant par la même occasion. La voix de Stacey le rassura immédiatement. Elle était venue. Il ouvrit la porte, non sans mal et s’empressa de se recoucher pour ne pas aggraver sa blessure en faisant des efforts. « Stacey, merci, merci d’être venue. » Il s’alluma une cigarette en observant Stacey le rejoindre inquiète. Elle ne tarda pas à lui demander ce qu’il s’était passé. Il serra le poing rien qu’en y pensant. « Le fruit d’une vengeance de longue date » Qu’il disait à l’agonie. Il n’était pas en état de se lancer dans un long récit et se rabattu rapidement sur sa cigarette, alors que la blonde observait sa plaie, le prévenant de la douleur qu’il allait subir suite aux soins qu’elle allait lui apporter. Ce n’était pas la première balle qu’il se prenait et il avait conscience de la douleur qu’il allait endurer sans anesthésie pour la retirer et il savait que c’était le prix à payer pour éviter la case hôpital et prison. « Vas-y je suis prêt. » Qu’il disait fermant les yeux quelques secondes avant d’arrêter le bras de Stacey qui s’apprêtait à attaquer. « Attend. » Il attrapait la bouteille de whisky presque vide et la terminait d’un seul coup avant de refermer les yeux. « C’est bon. » Il serrait déjà les dents. Il allait souffrir et sûrement hurler de douleur, mais il était prêt.
Je n’hésite pas une seule seconde à accepter quand il me demande mon aide. Même s’il est activement recherché, même si je me mets en danger en allant à sa rencontre, même si je peux me faire suivre par les flics ou d’autres membres du gang qui lui auraient tourné le dos. Cela n’a pas d’importance et ce sont des raisons auxquelles je ne pense même pas après avoir raccroché. Parce qu’il me dit être blessé par balle et il n’y a pas à réfléchir quand sa vie est à ce point en danger. Et parce que, malgré tout, il n’est pas à mes yeux que le simple dirigeant du Club, ou ancien désormais. Il est plus que ça, il a toujours joué ce rôle de grand frère pour moi, m’accueillant au sein de cette famille qu’était le gang, m’écoutant en retour quand moi je l’écoutais me parler derrière le bar jusqu’à tard la nuit après mon service. Il a toujours tenté de m’aider au mieux, connaissant ma situation sans pour autant vouloir trop m’impliquer dans le Club parce que ce n’est pas non plus ce qu’il voulait pour moi. C’est cette image là que j’ai de lui, quand d’autres y voit un monstre. C’est à cette image-là que je pense et qui me pousse à aller l’aider quand d’autres ne veulent que sa mort. Qu’ils n’attendent que ça, qu’ils aimeraient être même ceux qui rapportent la tête de l’ainé des Strange à la prochaine personne qui dirigera le Club. A moins que ce ne soit la Ruche qui soit derrière tout ça. J’ai toujours eu l’oreille qui traînait, c’est certain, j’en ai entendu des choses… Les frontières entre les deux gangs semblaient flous ces derniers temps, même si la bataille pour gagner du terrain était toujours aussi rudes… Je me demande même en chemin si les deux ne se sont finalement pas alliés pour écarter Mitch définitivement. C’est ainsi que je me rends compte de la cruauté de ce milieu, où le moindre faux pas coûte cher. Peut-être était-ce un faux pas que j’étais entrain de faire ce matin-là. Peut-être était-ce le premier parmi tant d’autres. Qu’importe, la détermination l’emportait, celle qui me poussait à ne pas le laisser tomber quand je n’étais même pas sûre de le retrouver vivant derrière cette porte.
Il finit par m’ouvrir, j’entre rapidement dans l’appartement plongé dans la pénombre alors qu’il se dirige d’un pas claudiquant vers le canapé. « Stacey, merci, merci d’être venue ». Je m’approche de lui, l’observant, mal en point, l’inquiétude se lisant sur mon visage. Je lui demande ce qu’il s’est passé et son explication reste vague « Le fruit d’une vengeance de longue date ». Il souffre, même en me répondant et je décide de ne pas insister davantage à ce sujet. Non, le plus important est maintenant de retirer cette balle logée dans son ventre. L’adrénaline me pousse à prendre les choses en main rapidement car il ne peut pas rester une minute de plus dans cet état. Je lui demande de s’allonger alors que je m’installe sur la table basse, prenant la pince que je désinfecte. « Vas-y je suis prêt ». Il y a quelques secondes d’hésitation et puis ma main fait un mouvement pour plonger dans sa blessure afin d’en extirper la balle que je vois très difficilement « Attend ». Surprise, mon regard se porte sur lui et je comprends qu’il a besoin de ces dernières gouttes d’alcool, pensant sûrement que cela allait apaiser la douleur. Mon air s’attriste un peu en l’observant « C’est bon ». J’acquiesce doucement et cette fois, je me penche pour passer à l’action. « Je suis désolé par avance Mitch’… ». Je plonge la pince dans sa blessure et cherche à attraper la balle. Mon outil étire un peu plus celle-ci mais je n’ai pas d’autres choix. « Essaye de ne pas trop bouger s’il te plait » je lui demande même si je sais que cela est difficile avec la douleur. Ma main libre vient se poser à côté de la plaie et je finis par saisir la balle « Je l’ai… Maintenant, je vais la retirer délicatement… » je lance doucement, cherchant son regard, essayant de le rassurer même si la douleur allait être encore plus atroce. Je fais vaciller la pince doucement de gauche à droite pour déloger la balle tout en essayant de ne pas faire davantage de dégâts. Mon geste est lent mais à aucun moment je n’hésite ou ne tremble. J’ai clairement sa vie entre mes mains et ce n’était pas le moment de flancher. Les cris que peut pousser Mitchell ne me déconcentre pas, essayant d’en faire abstraction. « C’est bon Mitch… », je fais en déposant la balle sur la table, ainsi que la pince. J’attrape une compresse et vient à désinfecter la plaie « Ca va ? » je demande, le regardant inquiète qu’il finisse par perdre connaissance « Tu as de la chance que ça n’ait pas fait plus de dégâts… Faut recoudre maintenant ». Et là encore, ça n’allait pas être une partie de plaisir. Peut-être était-ce même la pire surtout en procédant à vif. Alors, une fois le matériel prêt, mon regard inquiet se porte sur lui avant de retrouver la plaie que je découvre à nouveau pour pouvoir y avoir accès. Il y a une plus grande hésitation cette fois mais si je veux lui sauver la vie, il faut que j’agisse. Et vite. « J’y vais ». Et là, je commence alors à planter l’aiguille dans sa peau et résiste à l’envie d’arrêter à chaque cri de douleur qu’il pourra exprimer, tout comme à contenir cette inquiétude grandissante quand ma gorge se noue malgré tout de l’entendre souffrir à ce point.
Se retrouver dans cet état ne l’enchantait pas et broyer des idées noires non plus. Il était plus vulnérable qu’auparavant dans sa vie. La sueur sur son front et la douleur lui rappelait chaque secondes que tout tenait qu’à un fil. Il le savait qu’un ça arriverait, il le savait qu’il ne pouvait pas être intouchable encore longtemps, mais ce qu’il n’avait pas vu venir, c’était ce coup de feu tiré par Lou Aberline. Il était resté sur ses acquis bien trop longtemps et tout s’était effondré comme un château de cartes en seulement quelques heures. Il avait beaucoup réfléchi durant cette horrible nuitée, il avait essayé de comprendre comment il en était arrivé à souffrir le martyr et à voir le tunnel de la mort face à lui. Était-ce les dernières heures du redoutable Mitchell Strange ? Il y croyait et dans un élan de détresse, il avait voulu composer le numéro de son petit frère pour lui dire qu’il était désolé, qu’il n’avait jamais voulu en arriver là et que son but dans cette aventure n’était pas de l’empêcher de vivre des jours heureux. Il avait tenu le téléphone dans le creux de sa main, il avait hésité longuement avant de se faire frapper par les souvenirs de la veille ou Alec lui avait clairement avoué avoir choisi le camp adverse et il avait du mal à digéré cette trahison de la part de son frère. Il avait soupiré longuement et c’était résinier à ne pas l’appeler. Il avait cogité durant un moment, soucieux de savoir si Stacey, à qui il avait demandé de l’aide, allait être présente au petit matin. Il lui faisait confiance, mais un léger doute rodait dans son esprit, il ne savait plus sur qui compter et il comptait bien rester discret au maximum pour ne pas ébruiter sa position. L’Américain allait devoir faire preuve de patience s’il en sortait vivant et ça n’allait pas être facile.
Fort heureusement, Stacey était présente comme convenu, elle s’était empressée de se lancer dans les soins nécessaires pour le tirer d’affaire. Il avait cogité durant un moment, soucieux de savoir si Stacey, à qui il avait demandé de l’aide, allait être présente au petit matin. Il lui donnait son accord pour attaquer et en seulement trois secondes, il hurla de douleur. « Putain ! » Il restait immobile avec beaucoup de mal, sentant la chaleur lui monter jusqu’au cerveau. Il serrait les dents tout en marmonnant des insultes. Ce n’était pas une partie de plaisir et les hurlements se calmèrent lorsqu’elle saisit la balle avec la pince. Il soufflait fortement, il avait l’impression d’être dans une autre dimension, n’arrivant plus à voir ce qu’il y avait tout autour de lui. Il avait des flash, revoyant Lou lui tirer dessus. Sa haine se nourrissait de seconde en seconde et ce n’était que le début. Il regardait Stacey d’un air ahuri, totalement perdu dans cette réalité qui lui paraissait totalement différente. « Si j’y reste, tu diras à Alec que je suis désolé. » Il ne savait pas si l’intervention de Stacey allait lui permettre de rester en vie, tout allait se jouer par la suite et il préférait prendre ses précautions. Elle poursuivait, retirant la balle petit à petit. Mitchell avait le sentiment de subir une chute de trente étages à ce moment. Il hurlait encore et encore, serrant les poings et tendant les jambes au maximum. Après quelques secondes qui lui parurent des heures, elle sortait enfin la balle et la déposait sur la table. Il soupirait de soulagement, à bout de forces. Sa respiration était saccadée, il levait les yeux vers le plafond avant de regarder Stacey qui lui demandait si ça allait. « A ton avis ? » Qu’il disait presque ironiquement. « J’ai l’impression d’être dans une autre dimension » Qu’il disait, se demandant s’il n’était pas en train d’halluciner et qu’il n’était pas en réalité toujours seul dans cet appartement en train de vivre ces dernières heures. Il était resté silencieux un instant alors que la blonde l’informait de la suite des évènements. Il hochait simplement la tête pour lui donner le feu vert. Elle débuta assez rapidement et chaque mouvement le faisait hurler. Il n’en pouvait plus, il était à bout et atteignait le pic de sa faiblesse et perdu connaissance. « Non, Non, Non !!!! » Il avait l’impression de tomber dans un énorme trou, croisant le regard de chacune de ses victimes, croisant le regard de Mavis et son sourire narquois et tout en haut il observait le visage de son frère accompagné de Lou et de Raelyn riant à tue-tête. Il se débattait pour s’en sortir et parvenait à se retrouver face à sa pire ennemie. Il lui agrippait la gorge sans aucune retenue, un geste qu’il reporta sur Stacey sans s’en rendre compte.
C’est un instant de torture, j’ai la sensation de lui en faire baver encore plus, de le faire souffrir davantage en ayant cette pince à l’intérieur de lui. J’écarte la plaie un peu plus afin d’attraper cette balle et je suis dans l’obligation de faire abstraction des injures et des cris de douleur qu’il peut prononcer « Putain ! ». La concentration est de mise, je m’enferme dans une bulle pour ne pas faire un geste de travers, pour ne pas risquer de le blesser davantage quand déjà sa vie est en jeu. C’est une lourde responsabilité que j’ai sur mes épaules mais je décide de l’endosser et de me montrer forte. J’interdis à mon corps de flancher, je ne m’autorise aucun tremblement malgré la peur que je peux ressentir mais que je préfère enfouir au plus profond de mon être. J’atteins la balle, je la tiens de part et d’autre des extrémités de la pince. J’en avertis Mitch « Si j’y reste, tu diras à Alec que je suis désolé ». Je marque un temps d’arrêt, m’autorise ce mouvement de tête pour trouver son regard, fronçant mes sourcils « Tu lui diras toi-même Mitch ». Parce qu’il ne va pas y passer, parce que je ne me pardonnerai pas de l’avoir laissé tomber. Il est hors de question qu’il y reste, il est hors de question que sa vie prenne fin de cette manière. Il va s’en sortir, c’est ce que je ne cesse de me répéter dans ma tête, tout va bien aller. Ce n’est pas le moment de douter, il faut que je reste concentrer et c’est ce que je fais en extirpant enfin la balle. Je viens tout de suite déposer une gaze sur la plaie pour la désinfecter, demander à Mitchell comment il allait « A ton avis ? ». Mes yeux se plissent un peu alors que je fais compression sur la plaie « J’ai l’impression d’être dans une autre dimension ». Rien d’étonnant puisqu’il n’y a pas d’anesthésie, que je n’ai aucun médicament qui ne pourra atténuer sa douleur. « On a fait la moitié du chemin, Mitch, tiens bon ». C’est tout ce que je lui demande, ma main libre venant se poser sur son bras pour appuyer mes paroles.
La moitié du chemin est faite mais l’autre moitié est pire. Celle où je vais devoir transpercer sa peau avec cette aiguille afin de refermer cette plaie et ainsi éviter qu’elle ne s’infecte. Il y a urgence, et même si l’hésitation est présente un millième de secondes, je dois continuer. Je plante l’aiguille une première fois, la fait ressortir de l’autre côté pour la refaire traverser une seconde fois. Les cris de douleur que laisse échapper Mitch me transpercent le cœur, mon estomac se nouant plus les secondes s’écoulent. Je poursuis, rien ne m’arrête, même pas les quelconques supplications qu’il peut prononcer ou les cris de douleur à nouveau présent. « Non, Non, Non !!!! ». Il perd connaissance alors que je n’ai recousu que la moitié de la plaie « Mitch reste avec moi…. Merde ! ». La panique prend un peu le dessus, je me stoppe, tentant de le réveiller en le secouant un peu « Mitch, Mitch réveille-toi ! ». Je n’ai d’autres choix que de lui donner des petites tapes sur la joue droite pour espérer que cela le ramène. Rien n’y fait. Je me tourne une seconde pour attraper ce verre d’eau posé sur la table quand, tout à coup, je sens ces deux mains agripper ma gorge. Le verre se fracasse au sol alors que mes mains viennent instinctivement trouver ses poignets pour essayer de me défaire de son emprise « Lâche… moi », je lance avec peine. Je me doute que sa perte de connaissance est responsable de son geste, qu’il n’est pas conscient de ce qu’il est entrain de faire « Mit..ch… ». Ma respiration est saccadée et forte et le seul moyen que je trouve pour me défaire de son emprise et de venir appuyer sur la plaie ouverte. Il lâche aussitôt, je me recule, m’asseyant à nouveau sur la table basse, les yeux écarquillés, encore choquée de ce qui venait de se passer, tentant de retrouver une respiration quelque peu normale.
Stacey œuvrait avec précaution pour soigner l’Américain qui était dans un sale état. La veille au soir le coup de feu tiré par Lou Aberline l’avait bien amoché, il avait perdu beaucoup de sang et était plutôt étonné d’être encore en vie pour accueillir Stacey dans sa planque. La perte de sang aurait déjà pu l’achever et ce n’étaient pas les quelques soins qu’il s’était faits qui aurait pu le sortir d’affaire. Il avait une bonne étoile, c’était certain, la vie devait lui donner une seconde chance, c’était sûrement ça ! Tout en serrant les dents, il imaginait ce qu’il allait pouvoir faire pour profiter pleinement de cette chance qui lui était donnée et aucune de ses pensées écartait le mot vengeance. Non, il n’allait clairement pas en profiter pour se ranger du bon côté de la loi et encore moins pour se rendre, il n’était pas fou ! La seule bonne parole qu’il eut concerna son frère, un frère qui s’était éloigné et qui lui avait finalement tourné le dos. Mitchell s’était comporté comme un con, bien trop fier pour assumer face à Alec qu’il avait besoin de lui dans sa vie, bien trop fier pour assumer ses torts.
Finalement, un coup de massue le frappa. La douleur qui était trop présente et le faisait hurler s’empressa de l’assommer sous les bonnes paroles de Stacey qui lui priait de tenir bon. Il avait l’impression d’être entre la vie et la mort à ce moment-là. Son esprit lui jouait des tours, il n’avait plus aucune lucidité et perdait la notion de la réalité. Seul l’écho de la voix de la blonde raisonnait dans ses oreilles, lui donnant l’impression que ses paroles étaient loin, bien trop loin pour y prêter attention. Il était inconscient, regrettant d’avoir crié victoire aussi vite. Il décidait d’affronter ses démons, s’en prenant directement à celle qui l’avait mis dans cet état. Son geste s’était répercuté dans la réalité en s’en prenant à Stacey et c’est après qu’elle appuyât sur sa plaie qu’il lâcha prise. Son souffle ralentissait légèrement et il trouva la quiétude dans un sommeil profond qui put permettre à Stacey de terminer sans encombre. Mitchell ouvrit les yeux une heure plus tard. Il toucha le pansement qui recouvrait la plaie à présent fermé tout en cherchant Stacey du regard. Il avait peu conscience de ce qu’il s’était passé durant l’instant ou il avait perdu connaissance et comptait sur la jeune femme pour qu’elle lui rafraîchisse la mémoire. Il tentait de se redresser avec beaucoup de mal, abandonnant au bout de trois secondes, bien conscient qu’il allait devoir rester au repos. « Stacey ! » Il appelait la jeune femme en espérant qu’elle n’avait pas pris la fuite. Heureusement, elle était toujours là. « Je ne sais pas ce que j’aurai fait sans toi … » il lui saisissait le bras légèrement pour la remercier et c’est alors qu’il aperçut son regard craintif. Il la regardait avec interrogation avant de la questionner directement. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » Son ton était calme, il était épuisé par les récents évènements. Il voulait la remercier pour son aide, mais la tension présente le poussa à mettre de côté ses remerciements pour le moment.
Les gestes sont maitrisés, le peu d’hésitation que je peux avoir ne transparait pas. J’essaye de faire abstraction que ces soins je les administre à quelqu’un qui compte. Parce que Mitchell Strange est peut-être l’homme à abattre pour beaucoup, pour moi, il est l’homme que je dois sauver. Sauver d’une mort certaine si cette balle n’est pas vite extraite de son abdomen et que la plaie n’est pas vite recousue. Parce que je ne me pardonnerai pas que cela arrive, de le voir mourir sous mes yeux. Alors, le sang-froid est de mise et j’use de ces connaissances que j’ai pu acquérir pendant quatre ans d’études en médecine. Ces cours théoriques et ces cas pratiques qui me permettent de lui venir en aide ce soir et qui, je l’espère, seront suffisant pour lui sauver la vie. Je parviens à extraire cette balle qui fut déjà une tâche compliquée. Mais le recoudre le sera tout autant. Les cris de douleur qu’il laisse échapper sont insoutenables mais, là encore, je dois en faire abstraction. Je lui demande de tenir bon mais Mitchell finit par perdre connaissance. Je suis obligée d’interrompre mes gestes et de venir le secouer un peu avant de lui donner quelques gifles sur la joue pour le réveiller. Soudainement, il m’attrape alors par le cou et commence à m’étouffer. Je tente de me défaire de son emprise mais rien n’y fait. L’unique solution que j’ai est de venir appuyer sur sa blessure qui lui fait immédiatement lâcher prise. Il semble s’évanouir à nouveau alors que je reprends ma place sur la table basse, tentant de retrouver un semblant de respiration normale, sentant encore la pression de ses doigts sur mon cou, ce qui me fait poser ma main sur celui-ci. Je suis choquée par ce qu’il vient de se passer, ravalant difficilement, ne sachant pas si ce geste était volontaire de sa part. Le doute s’installe mais, malgré ça, et après quelques secondes pour retrouver mes esprits, je m’attèle à nouveau à le recoudre. Il n’y a plus de cris de douleurs mais cette fois, c’est la peur que je viens d’avoir par son geste qui me fait avoir quelques tressaillements et m’oblige à me stopper plusieurs fois. J’inspire, expire, le regarde du coin de l’œil, par peur que cela ne puisse se reproduire. Mais il ne se réveillera pas, me permettant ainsi de le recoudre sans encombre cette fois.
Le pansement est posé, je pars dans la cuisine pour me débarrasser du sang que je peux avoir sur mes mains et prendre un verre d’eau pour me remettre de ce qui venait de se passer. « Stacey ! ». J’entends mon nom, j’entends sa voix et je me redirige d’un pas prudent vers le canapé où il est toujours allongé « Je ne sais pas ce que j’aurai fait sans toi… ». Il me saisit le bras sur ces mots et j’ai un mouvement de recul. Il y a une certaine crainte dans son geste, qui peut se lire aussi sur mon visage « Qu’est-ce qu’il se passe ? ». Il ne semble pas se souvenir. Je lui donne un verre d’eau que je l’invite à boire avant de reprendre place sur la table basse « Tu ne te souviens de rien ? », je demande, comme pour m’en assurer. Je ne lui laisse pas vraiment le temps de me répondre, soupirant avant de reprendre « Tu… tu as tenté de m’étrangler… ». Mes mots sont prononcés avec hésitation, parce que je me rends compte qu’il n’a aucun souvenir de ce qu’il s’est passé « alors que j’étais entrain de te recoudre. Tu t’es évanouie, j’ai voulu te réveiller et soudainement… tu as porté tes mains à mon cou ». Mon regard se lève enfin sur lui et je tente de le rassurer malgré tout « Mais ça va, ne t’en fais pas… j’ai réussi à me dégager avant que… ». Je m’interromps, n’ajoutant rien de plus il se doute bien de la fin de la phrase.
Stacey avait fait des merveilles, elle lui avait sauvé la vie. L’Américain qui avait souffert le martyr suite aux soins donné par la blonde avait perdu connaissance. La douleur qui était devenue insupportable avait pris le dessus sur lui et c’est après seulement une bonne heure qu’il avait ouvert les yeux. Il s’était durant un instant demandé où il était, il avait regardé autour de lui, s’était rappelé avoir fuit suite à l’alerte donnée par son petit frère, il se souvenait avoir fait face à Lou qui lui avait tiré dessus et se souvenait avoir appelé Stacey pour qu’elle lui vienne en aide, étant la seule personne en qui il avait réellement confiance pour cela. La suite était floue. Il avait hurlé, il avait juré et avait visiblement agrippé le cou de la jeune femme dans un élan de colère alors qu’il était inconscient. Il était resté sans voix durant plusieurs secondes lorsque Stacey lui fit part de ce qu’il avait fait. Il l’avait regardé d’un regard qu’il n’avait jamais utilisé auparavant, un regard rempli de regret. Mitchell Strange n’était pas du genre à regretter ces faits et gestes, bien au contraire, chacune de ses actions étaient parfaitement assumé par l’homme en cavale, il n’avait pas regretté avoir tué Blanche, la pâtissière qui avait tendue la main à Lou sa pire ennemie, il n’avait pas regretté avoir causé l’accident de voiture qui avait tué le père de Milo et regrettait encore moins chacun des crimes qu’il avait commis. Être une mauvaise personne était devenu tout à fait normal pour lui, mais face à Stacey ce matin, il avait perdu le contrôle, il n’était plus l’homme fort mentalement qu’il était habituellement, il s’en voulait et ne pouvait le lui cacher. « Stacey … » Qu’il disait, cherchant ses mots alors qu’elle tentait de le rassurer malgré tout. « Je … » Il avait envie de se frapper à ce moment-là tellement qu’il se sentait mal pour ce qu’il avait fait. Il n’avait pas l’habitude de s’excuser et ça se sentait, mais il allait devoir faire l’effort de le faire face à la jeune femme à qui il devait beaucoup. Stacey c’était comme une petite sœur pour lui, elle avait souvent été présente pour l’écouter, surtout au sujet de son frère. Quand il avait connu la raison pour laquelle elle avait besoin d’argent, il l’avait accueilli à bras ouvert au sein du Club. « Je suis désolé, je n’étais pas conscient, je ne m’en suis pas rendu compte, putain, je suis désolé. » Qu’il soufflait sans la quitter du regard. « Tu n’étais pas obligé de rester, surtout après ça, je ne mérite clairement pas ta gentillesse. » Quand beaucoup lui tournaient le dos, Stacey avait pris le risque de le rejoindre dans sa planque et il ne méritait pas ça. « Je t’ai mis en danger en te demandant de venir ici, je regrette. » Il prenait conscience petit à petit de la gravité de sa présence, si ça se savait elle aurait sûrement des problèmes. « Tu aurais dû me laisser mourir, c’est tout ce que je méritais, je suis un homme très dangereux et il faut croire que je le suis aussi en étant inconscient. » Il laissait sa fierté au placard, il était peut-être temps que Stacey en sache plus sur l’homme qu’elle venait de sauver.
Mes pas sont lents alors que je retourne le rejoindre dans le salon, que je l’entends prononcer mon nom. Lents parce que j’ai eu peur lorsqu’il m’a étranglé. Il était dans un état second, j’en suis consciente, et pourtant, j’ai l’impression d’avoir découvert un autre visage de lui. Ou d’avoir découvert le vrai Mitchell Strange, celui dont beaucoup me dépeigne le portrait depuis des mois comme étant le grand méchant loup. Celui qu’il faut fuir, celui que l’on doit détester. Est-ce que son geste va m’amener à le haïr à mon tour ? Non… Non parce que, contrairement à beaucoup, depuis trois ans, j’ai pris le temps de connaitre Mitchell. Cette autre facette de lui, celle qu’il ne dévoile pas à n’importe qui. Alors c’est ce qui me pousse à rester finalement. J’aurai pu claquer la porte une fois que j’avais terminé de le recoudre. Ce n’est pas ce que j’ai fait, ce n’est pas la solution que j’ai choisie. Alors, je m’approche, tout en gardant une certaine distance, reculant mon bras quand il tente t’attraper ma main, sûrement pour me remercier. Prudente, je le suis, méfiante, peut-être un peu plus de peur qu’il recommence. Il ne se souvient de rien. Je lui rafraichis la mémoire, lui racontant ce qu’il s’était passée. « Stacey… ». Mon regard se pose sur lui alors qu’il est allongé dans ce canapé. « Je… ». Il peine à trouver ses mots je le sens, tout comme je sens qu’il cherche à s’excuser « Je suis désolé, je n’étais pas conscient, je ne m’en suis pas rendu compte, putain, je suis désolé ». Il regrette, et le regard qu’il a tout en parlant me font le croire. Je n’ai pas de doute sur sa sincérité et c’est qui me pousse à m’asseoir à nouveau sur la table basse pour être à sa hauteur « Tu n’étais pas obligé de rester, surtout après ça, je ne mérite clairement pas ta gentillesse » « Ne dis pas ça, Mitch… ». L’empathie reprend le dessus, la défiance s’étant évanouie aussi vite qu’elle a pu apparaitre. « Je t’ai mis en danger en te demandant de venir ici, je regrette » « Pas moi, Mitch. Je n’aurais pas pu accepter d’apprendre ta … ». Je me stoppe quelques secondes « …mort. Si beaucoup le souhaite, ce n’est pas mon cas. ». Il y a de la fermeté dans les mots que je prononce, un ton qui veut lui montrer qu’il ne doit pas penser qu’il n’a plus cette place sur cette terre. « Tu aurais dû me laisser mourir c’est tout ce que je méritais, je suis un homme très dangereux et il faut croire que je le suis aussi en étant inconscient ». Ma gorge se noue un peu quand je l’entends souhaite sa propre mort, qu’il exprime autant de regrets d’un coup alors qu’il ne l’a certainement jamais fait. Ma main vient alors se poser sur son bras « Ce n’est pas l’homme que je connais. Tu n’es pas dangereux à mes yeux, tu as toujours fait en sorte de prendre soin de moi. Alors, il est normal que je te retourne la pareille ». Parce que l’aide que lui et Alec m’ont apporté est inestimable même si elle m’a amené aussi sur une pente glissante, celle de l’illégalité « Ce geste que tu as eu… Je sais que tu ne l’as pas fait volontaire, je sais que… tu ne me feras jamais de mal ». Il y a eu une légère hésitation dans ma voix parce qu’il y a le souvenir de ce qui vient de se passer mais jamais Mitch n’a eu de gestes déplacés à mon égard, jamais il ne m’a adressé de menaces. Il a toujours eu ce ton doux envers moi, ce côté protecteur qui m’a fait me sentir en sécurité dans les rangs du Club.
L’Américain laissait tomber le masque, un masque qu’il portait quotidiennement et ce depuis de nombreuses années. Il venait de frôler la mort, il avait vu toute sa défiler, les erreurs commises, les atrocités qu’il avait commises, qu’il regrettait pour certaine. Allait-il poursuivre son chemin dans le but de trouver la paix ? Allait-il œuvrer pour une meilleure vie ? Il n’en était pas certain. Si la peur de mourir l’avait fait prendre conscience que tout ne tenait qu’à un fil, il ressentait déjà la soif, la soif de vengeance. La liste était longue et il comptait bien se venger de chaque personne ayant participé à sa chute. En attendant, il se retrouvait gêné face à Stacey et tentait de lui faire comprendre qu’elle n’avait pas fait le bon choix en l’aidant, qu’il ne le méritait pas, qu’il était bel et bien une mauvaise et dangereuse personne. Elle le rassurait immédiatement, elle était fidèle à elle-même. Pour elle, Mitchell Strange n’était pas le monstre montré du doigt par tous le monde et entendre cela ne pu retenir le sourire qui s’afficha sur son visage. Elle se sentait peut-être redevable envers l’Américain et c’était peut-être pour cela qu’elle n’ouvrait pas les yeux. Elle devait s’en rendre compte, se rendre compte qu’elle venait de sauver un meurtrier récidiviste, un homme paranoïaque qui avance depuis des années avec une envie de vengeance de sur la vie elle-même. Il était à la fois ravi de savoir qu’elle était de son côté malgré tout et tenait également à lui faire part des atrocités commise, un bon moyen de savoir si malgré ça, elle le regarderait toujours avec bienveillance. « Ce geste reflète la personne que je suis Stacey. » Qu’il disait tout en soupirant.
« J’ai du sang sur les mains, j’ai de nombreux morts sur la conscience. » Il prenait une petite pause, se rendant compte qu’il allait faire ce qu’il n’avait jamais fait auparavant. Se confier, vider son sac et surtout être honnête, sans jouer le moindre rôle. « Blanche, une pâtissière qui avait tendu la main à Lou, morte pour satisfaire ma vengeance. Michael, mort d’un accident de voiture parce qu’il me devait de l’argent. Dan, tué de sang froid de mes mains, il avait osé me tourner le dos. » Et la liste était encore longue. Il soupirait, il regardait la jeune femme dans les yeux sans faillir, prêt à observer le dégout dans ses yeux. Elle ne pouvait pas continuer de le voir comme un sauveur, comme une bonne personne, pour son bien, elle devait se rendre compte de la personne qu’il était. « Je ne te ferai jamais de mal aujourd’hui, mais qui nous dit qu’un jour tu ne vas pas faire ce que fais tous le monde un jour ? Me tourner le dos, me trahir, ou pire encore ? » Il ne comptait pas si bien dire. « Tu me connais, tu sais que je réagis souvent sans réfléchir et j’ai envie de te protéger de ce moment-là. Promet moi de faire tes propres choix et dis moi la vérité. » Il laissa un petit blanc avant de très vite reprendre. « Quand je t’ai demandé de l’aide, tu es venue parce que tu me craignais ou parce que tu le voulais vraiment ? » Il était obligé de lui poser cette question, tout comme il s’était senti obliger de faire son mea culpa.
« Ce geste reflète la personne que je suis Stacey ». Son regard se pose à nouveau sur Mitchell. Un regard peu rassuré quand elle ne peut nier qu’au fond d’elle, elle le sait. Elle le sait parce que, dans les rangs du Club, ça parle. Beaucoup. Elle, en plus qui était derrière le bar tous les soirs, a entendu des tonnes de choses. Concernant les activités du Club, concernant Mitchell lui-même. Des propos qu’elle a préféré ignorer, des propos qu’elle assimilait à de simples rumeurs. Stacey se voilait la face sur la personne qu’était le frère ainé des Strange, parce qu’elle préférait n’y voir que la personne qui lui a ouvert grand les bras et qui a toujours été bienveillant envers elle. « J’ai du sang sur les mains, j’ai de nombreux morts sur la conscience ». Elle craint la suite de ses dires, elle craint qu’il confirme tout ce qu’elle a pu entendre jusqu’à maintenant, et qu’on continuera à lui rappeler au fil des rencontres qu’elle fera après ce chamboulement dans les rangs du Club… « Blanche, une pâtissière qui avait tendu la main à Lou, morte pour satisfaire ma vengeance. Michael, mort d’un accident de voiture parce qu’il me devait de l’argent. Dan, tué de sang froid de mes mains, il avait osé me tourner le dos ». Mitchell a son regard planté dans le sien et lorsqu’il termine son énumération, qu’elle se doute incomplète, elle a les yeux écarquillés et a ce mouvement de recul naturel alors qu’elle était légèrement penchée vers lui. Stacey est horrifiée. Il n’y a rien qui puisse justifier ses gestes, ceux trop facile de donner la mort à quelqu’un. Des règlements de compte pour de l’argent, pour la vengeance. Elle aimerait lui demander pourquoi. Mais aucun son ne sort de sa bouche alors qu’elle l’écoute lui dépeindre son véritable visage… « Je ne te ferai jamais de mal aujourd’hui, mais qui nous dit qu’un jour tu ne vas pas faire ce que fais tout le monde un jour ? Me tourner le dos, me trahir, ou pire encore ? ». Elle a ce regain de courage « Ca n’arrivera jamais ! ». Stacey est sure d’elle, pense que rien ne la mènera à lui tourner le dos. Pourtant, si elle ne le réalise pas encore, ce qu’il vient de lui dire va jouer dans cette décision qu’elle prendra quelques jours plus tard… Et puis il y a aussi la précision du aujourd’hui qui la fait réfléchir, qui la fait tiquer sur cette possibilité qu’il puisse un jour se retourner contre elle. Mais pour le moment, elle ne dit rien à ce sujet « Tu me connais, tu sais que je réagis souvent sans réfléchir et j’ai envie de te protéger de ce moment-là. Promet-moi de faire tes propres choix et dis moi la vérité ». Elle hausse un sourcil, se demandant bien ce qu’il entendait par là. Mais ce qu’elle retient c’est qu’il semble dire qu’il pourrait en arriver à lui faire du mal si elle venait à le trahir. Son regard est toujours stupéfait alors qu’elle attend la suite « Quand je t’ai demandé de l’aide, tu es venue parce que tu me craignais ou parce que tu le voulais vraiment ? ». Stacey n’apprécie pas la question. Elle n’apprécie pas surtout qu’il puisse douter de ses motivations quand elle s’est fait un sang d’encre pour lui jusqu’à ce qu’elle arrive sur le pas de la porte de cet appartement miteux. Ses sourcils se froncent « Tu ne me fais pas peur Mitch ! ». Là aussi elle est catégorique « Je n’ai eu aucune » et elle insiste bien sur ce mot « hésitation quand tu m’as demandé de venir t’aider. Je n’ai pas accepté parce que je te crains ou parce que je te suis redevable. Notre relation va bien au-delà de ça ». Elle marque une pause « Je pensais que tu le savais, et surtout, que tu n’en doutais pas » finit-elle par dire dans un murmure.
Mais Stacey doute. Doute quand il lui pose cette question, doute après ses révélations sur sa personne, doute aussi quand il semble dire qu’il serait prêt à lui faire du mal « Si je viens à faire à te tourner le dos, tu me ferais vraiment du mal Mitch ? ». Comme si elle lui donnait une seconde chance, celle de rattraper ses dires, de réfléchir un peu plus à cette possibilité quand elle avait toujours cru qu’il la considérait comme une petite sœur à protéger plus que comme un simple pion qu’il serait capable de supprimer sans aucun scrupule.
Elle était sure d’elle Stacey et pourtant l’expression de son visage ne suivait pas ses paroles. Il l’observait avec beaucoup d’attention, il aurait aimé lui faire suffisamment peur pour qu’elle se rendre compte qu’il n’est pas une bonne personne et que se tenir éloigner de lui était préférable pour elle. Elle refusait d’entendre son avertissement, elle mettait un point d’honneur sur le fait qu’il ne lui faisait pas peur et ça le rassurait presque de savoir cela. Il se trompait sûrement, il se rendait compte que sa paranoïa n’avait pas lieu d’être à présent et semer le doute n’était pas sa motivation première. « Dans ma vie de nombreuses personnes m’ont fait confiance tout comme je leur faisait confiance. » Il songeait principalement à Lou à ce moment-là. « Et pourtant malgré ça … » Il marquait une pause pour détourner son regard. Lui montrer une image de lui vulnérable n’était pas assumé par l’Américain. « Je me retrouve la plupart du temps, seul, paraissant comme le monstre sous le lit. » Il avait finalement été que ça dans sa vie, un monstre. Seul quelques personnes c’était vraiment intéressé à ce qu’il était vraiment, lisant à travers les lignes pour le comprendre et ils n’étaient plus là pour le soutenir. Son frère lui avait tourné le dos, Mavis était six pieds sous terre, River avait tourné le dos à l’Australie et la liste était encore longue. Finalement seul Stacey était présente pour l’écouter depuis quelques mois, elle était la seule en qui il avait suffisamment confiance pour lui faire part de ses tracas, même s’il ne doutait pas pouvoir compter sur Naomi également, avec qui il avait une tout autre relation. « Je le sais, oublie ça, je délire comme d’habitude. » Qu’il disait avant de fuir son regard suite à sa question. Serait-il réellement capable de lui faire du mal si elle venait à lui tourner le dos ? Il était certain que non, mais il ne pouvait pas voir le futur pour s’en assurer. « Non, je n’en serai pas capable. » Dit-il finalement, n’excluant pas pour autant de s’en prendre à des proches, mise à part sa petite sœur. Il devait sûrement y avoir tout une liste de personne qui ne manquerait pas de la toucher s’ils perdaient la vie, mais c’était bien trop cruelle comme pensée pour lui en faire part. « Je suis désolé Stacey, je pense que la situation me rend nerveux et me fait douter de tout. Mon propre frère m’a planté un couteau dans le dos. » Qu’il rappelait à la blonde pour justifier ses dires. « Je t’ai promis de prendre soin de toi et au final c’est toi qui prends soin de moi. » Il n’était clairement pas en position de prendre soin de quiconque et pourtant il aurait aimé promettre à la jeune femme de pouvoir continuer à veiller sur elle malgré les récents évènements. La douleur recommençait à se manifester et c’est tout en grimaçant qu’il se Repositionnait sur le canapé. « Je pense que je devrais me reposer et arrêter de raconter des conneries. » Un sourire s’affichait sur ses lèvres. « Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait. » Il était temps pour lui de se retrouver réellement seul avec ses pensées avant de dires des choses qu’il regretterait sûrement.
Stacey lui est redevable, c’est indéniable. Mais son choix de venir l’aider aujourd’hui ne se résume pas qu’à ça. Parce qu’il représente bien plus que le simple chef de gang à ses yeux, il représente bien plus que son simple boss. Elle aurait fait exactement la même chose pour Alec car tout deux ont toujours veillé sur elle. Cette façon de la protéger des travers du gang dans lequel ils l’ont finalement entraîné était celle de grand frère. Et c’est cette raison qui a fait qu’elle n’a pas hésité une seule seconde lorsqu’il l’a appelé. Et Stacey est finalement déçue de voir qu’il puisse en douter « Dans la vie de nombreuses personnes m’ont fait confiance tout comme je leur faisais confiance. Et pourtant malgré tout ça… Je me retrouve la plupart du temps, seul, paraissant comme le monstre sous le lit ». Et cette solitude, Stacey l’a bien vu ces derniers mois quand Mitchell venait à la fin de son service et enchainait verre sur verre. Sûrement un moyen pour lui d’atténuer la douleur, celle de la solitude, celle liée aussi à cette sensation que le vent tournait et qu’il allait se trouver seul… définitivement. Elle est désolée Stacey, désolée de ce qu’il lui arrive, désolée de le voir aussi mal en point. Elle ne peut rien faire pour atténuer cette douleur-là. Alors, il pourra lire que de la compassion dans son regard en guise de réponses. Parce qu’elle tente de se mettre à sa place, et elle tente surtout de comprendre ce qu’il ressent. C’est son empathie qui finit toujours par reprendre le dessus et qui fait qu’elle est incapable de s’éloigner de lui… quoi qu’il dise. « Je le sais, oublie ça, je délire comme d’habitude ».
« Non je n’en serai pas capable ». La jeune femme le croit, ne remettant pas en doute sa parole quand elle lui demande s’il serait capable de lui faire du mal si elle venait à son tour à lui tourner le dos. Là encore, cette relation qu’ils ont fait qu’elle n’en doute pas une seule seconde. Sa naïveté une nouvelle fois qui finira bien par lui jouer des tours à la longue. « Je suis désolé Stacey, je pense que la situation me rend nerveux et me fait douter de tout. Mon propre frère m’a planté un couteau dans le dos ». Stacey se fige alors, ses yeux s’écarquillant, montrant bien l’incompréhension totale face à une telle révélation « Alec… ? » demande-t-elle dans un murmure. Pourquoi aurait-il subitement tourné le dos à son frère ? Comment pouvait-il en être arrivé à ce point ? Avec son propre frère ? Elle était consciente de leurs différents mais jamais elle n’aurait imaginé Alec capable d’une chose pareille. L’incompréhension mais aussi la déception peuvent se lire sans mal dans son regard « Je t’ai promis de prendre soin de toi et au final, c’est toi qui prends soin de moi ». Stacey vient alors à déposer sa main sur la sienne, plongeant son regard dans celui de Mitchell « Tu as pris soin de moi Mitch, n’en doute pas, et je suis persuadée que tu continueras à le faire ». Si seulement, elle savait qu’elle ne lui laisserait plus cette possibilité dans quelques jours… « Je pense que je devrais me reposer et arrêter de raconter des conneries ». Il a ce sourire qui renait sur ses lèvres et Stacey l’accompagne à son tour « Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait ». Elle serre un peu plus sa main en guise de réponses, avant de se lever et de récupérer ses affaires « Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m’appelles. Je repasserai de toute façon pour voir si les sutures tiennent bien et te changer ton pansement ». Elle se penche alors, viens à déposer un baiser sur son front avant de finalement tourner les talons et fermer la porte de cet appartement qui sert désormais de repère à l’ancien chef de gang.