1er mars. Un simple message envoyé au réveil, pour lui souhaiter son anniversaire. Rien de plus. Pas de promesse que nous nous verrons le soir même pour le fêter. Pourtant, tout est déjà planifié dans ma tête depuis la veille où je lui ai subtilisé un double de ses clés alors qu’il avait le dos tourné. Parce qu’évidemment, je ne compte pas le laisser seul ce soir, surtout quand je sais qu’il n’a pas nécessairement le moral. Si je peux lui offrir ce réconfort, ce semblant de simplicité dont il a besoin, quand il rentre, en retrouvant une atmosphère chaleureuse, alors c’est ce que je ferai, et c’est ce que je compte faire ce soir avec cette surprise. Des petites attentions, rien d’extravagant, juste un petit repas concocté par mes soins. Car je me souviens aussi très bien de sa remarque, soulignant le fait qu’il n’avait jamais eu l’occasion de découvrir mes talents culinaires. Alors, l’occasion est trop bonne pour ne pas la saisir. C’est donc après ma journée de travail et après avoir pris le temps de faire quelques courses et de repasser par chez moi pour me changer que je prends la direction de Toowong, le quartier dans lequel il réside. En arrivant devant chez lui, il y a cette appréhension qu’il soit peut-être déjà rentré. Ce n’est pas le cas et après avoir pris les quelques sacs de course, je pénètre chez lui. Otis m’accueille avec enthousiasme, et après quelques caresses, je me dirige vers la cuisine pour commencer la préparation, l’animal restant à mes côtés tout le long.
Deux heures plus tard, et parce qu’il a vu évidemment ma voiture dans l’allée, je l’entends pénétrer dans l’entrée, hélant mon prénom. Tout est prêt, je viens alors le rejoindre dans le salon « Bonsoir » je prononce doucement tout en m’approchant de lui. Mes bras viennent alors se nouer derrière sa nuque, mes lèvres venant se sceller aux siennes tendrement. « Bon anniversaire babe » je murmure alors. Mon regard vient alors trouver le sien alors que mes doigts caressent doucement ses cheveux. « Je ne pouvais pas me résigner à te laisser seule ce soir… je t’ai peut-être emprunté ton double de clé pour l’occasion ». J’adopte cette mine à moitié coupable et à moitié innocente, pour être certaine qu’il ne m’en tienne pas rigueur « Mais, tu ne devrais pas le regretter ». Je me mordille alors la lèvre inférieure, attirant son attention sur la tenue que je porte. Une robe noire rien de bien original. Mais c’est surtout pour attiser son envie de découvrir ce qui s’y cache dessous que je dis cela. Sur la pointe des pieds, mes lèvres s’approchent de son oreille « Il va falloir être un peu patient Monsieur Strange », je susurre alors, déposant au passage un subtil baiser dans son cou. Parce que je lis bien son impatience dans son regard. Je viens alors glisser ma main dans la sienne, non sans sourire malicieusement, pour l’inciter à me suivre dans la cuisine.
Sur le comptoir, j’attrape les deux verres de champagne que je nous ai servi pour l’occasion « A toi ». Je viens faire tinter mon verre contre le sien avant d’en boire une première gorgée « J’espère que tu as faim car il se pourrait bien que je t’aie concocté un petit repas… tu vas enfin pouvoir découvrir mes talents culinaires. Et je t’assure. Je n’ai vraiment aucune appréhension ». Je ris doucement car évidemment, c’est tout l’inverse, en sachant qu’à chacune de nos rencontres, il a toujours été celui qui se chargeait du repas. Et puis, évidemment, parce que c’est un chef cuisinier et c’est là tout ce qui fait la différence. Je contourne l’îlot central pour venir sortir les deux assiettes que j’ai laissé dans le four pour que le repas reste chaud. Il peut découvrir alors un risotto, dont j’ai tenté de soigner la présentation. Je guette alors la moindre expression sur son visage, attendant qu’il dise quelque chose.
« Mia ?! ». Il y a une certaine appréhension de mon côté aussi quand je ne sais pas comment il peut réagir du fait de ma surprise. Après tout, je lui ai subtilisé ses clés à son insu et peut-être qu’il n’appréciera pas le geste. Car je sais que trouver ma place dans cette vie qu’il mène, même s’il désire m’avoir dans celle-ci, malgré tout, ne sera pas évidente. Qu’il y aura sûrement des hauts, comme des bas quand je m’inquiéterai notamment de ne pas avoir de ses nouvelles jusqu’à tard le soir ou même jusqu’au lendemain. Quand, de mon côté, je peux poser la question de trop, celle qui le fera se renfermer parce qu’il y a des choses dont il préférera certainement me tenir éloignée. Ce soir, c’est un sourire aux lèvres que je le retrouve dans le salon, et il n’y a aucune contrariété sur son visage. C’est même un soulagement que je peux y lire. Un sourire étire davantage mes lèvres quand je viens l’étreindre et lui souhaiter à nouveau un joyeux anniversaire. « Merci. Tu m’as fait une surprise ? ». J’acquiesce doucement, mon regard plongé dans le sien, pétillant car heureuse de le retrouver « Et j’espère que ça te fait plaisir », je dis doucement pour m’en assurer, même si le doute s’est dissipé dès l’instant où je me suis retrouvée dans ses bras et qu’il a ces gestes tendres à mon égard. Il ne dit rien quand au fait que je lui ai pris ses clés, sa main caressant ma joue « T’as pas oublié ». Et cela m’arrache un plus grand sourire « Tout comme cet interview où tout a commencé ». Car c’est à cette occasion que je lui avais demandé celle-ci, même si je ne me souvenais plus vraiment de la raison. En tout cas, cette date était restée dans un coin de ma tête et, de ce fait, je ne pouvais que m’en souvenir. Peut-être volontairement quand une part de moi avait vu en lui un homme qui l’attirait bien plus que pour une simple histoire d’un soir. Quand ce même jour, j’ai été incapable de refuser cette invitation de sa part… et les suivantes. Des souvenirs qui remontent à la surface, ceux de cette proximité physique qui m’incite à jouer sur ce tableau-là, ma phrase pleine de sous-entendus quand je lui dis qu’il ne devrait pas regretter cette surprise, même s’il allait devoir se montrer patient « Tout ce que je ne suis pas ». Et je ne le sais que trop bien et le fait qu’il râle me fait rire doucement, ma main glissant dans la sienne « Tu es belle » « Merci » j’ai à peine le temps de prononcer quand il vient joindre à nouveau ses lèvres aux miennes.
Dans la cuisine, coupe de champagne à la main, je trinque en son honneur, à ce jour qui est le sien aujourd’hui « A nous ». Deux mots qui, encore de ça quelques jours, je n’aurai jamais pensé ne pouvoir entendre, quand il m’a affirmé ne pas être fait pour cette vie. Cette vie de couple, cette vie où il s’autorisait à être heureux, à réaliser une partie de son petit rêve sur lequel pourtant, il n’a pas posé de mots mais qui était implicite « A nous », je répète avant de boire une gorgée sans le quitter du regard. Je fais le tour du comptoir pour venir lui montrer ce que je lui ai préparé pour l’occasion. Un risotto dans lequel j’ai mis du cœur à l’ouvrage, non sans avoir ce petit coup de stress de me foirer totalement quand lui m’a toujours impressionné avec ses petits plats. « Ca a l’air délicieux » « Espérons que ça le soit en bouche surtout », je réponds du tac au tac, grimaçant un peu. Il contourne l’ilot à son tour pour me rejoindre, déposant un baiser sur ma tempe qui me fait sourire alors qu’étant derrière moi, je m’appuie légèrement sur lui, laissant ma tête reposée en arrière sur son torse « Ca fait longtemps que quelqu’un n’a pas fait ça pour moi. Merci ». Je me retourne alors, ma main venant caresser sa joue délicatement, l’incitant à me regarder « De rien, tu as droit à ce petit moment de douceur, Alec ». Parce que je sais qu’il y a toujours une part de lui qui en doute et que je veux être celle qui lui montre qu’il a droit à être heureux ; C’est ce que je lui ai dit ce jour où il a décidé de m’ouvrir son cœur, de me laisser une place dans cette vie complexe qu’il a choisi. Mes lèvres se scellent à nouveau aux siennes, brièvement. « Je suis même pas sûr que j’y aurais pensé si tu me l’avais pas souhaité. Ou que j’aurais fait quoique ce soit d’ailleurs ». Mes sourcils se froncent, triste de l’entendre dire qu’il en était à un stade où il oubliait son propre anniversaire, pensant aussi à ce frère dont il avait décidé de s’éloigner définitivement, quand il pourrait être aussi la personne avec qui il aurait pu le passer cette année. Je comprenais cependant ce choix qu’il avait fait vis-à-vis de son frère ainé « Raison de plus pour savourer cette soirée comme il se doit, toi, moi et… » Je vois alors Otis arriver vers son maitre ce qui me fait sourire. J’appelle l’animal quelques secondes après, attrapant ce petit chapeau d’anniversaire ridicule que j’avais subtilisé chez ma meilleure amie quelques jours plus tôt. « Regarde, lui n’aurait pas oublié, j’en suis persuadée ». Je le mets alors sur la tête d’Otis qui ne rechigne pas et se met à sauter autour de nous, visiblement content. « Désolé, on accusera le champagne pour cette brillante idée que j’ai eu ». J’hausse les épaules et lève les yeux au ciel alors que je prends une gorgée de plus « Prêt pour l’orgasme culinaire ? Ou le désastre culinaire ? Au choix », fais-je en tenant chacune des assiettes dans une main, l’invitant à aller s’assoir pour que je puisse en déposer une devant lui « Bon appétit… ». C’est ce que j’espérais du moins.
« Ca sent bon en tout cas ». Au moins un bon point, peut-être le seul qu’il y aura à retenir de ce plat que j’ai décidé de préparer pour l’occasion. Cette occasion qui n’est pas n’importe laquelle, celle de son anniversaire et dont cela me tenait à cœur de lui organiser un petit quelque chose. Rien que pour lui. Parce que je sais qu’il en a besoin, surtout ces derniers temps et qu’il a besoin aussi que je lui montre que la simplicité est à sa portée. Qu’il peut se permettre ces petits moments de bonheur auquel il a droit autant que n’importe qui. « T’as de la chance qu’il ait pas peur du ridicule, sinon il t’aurait mordu les fesses ! ». Je ris alors, posant ma main sur le comptoir en le regardant « Ca veut dire que si je viens à te mettre ce chapeau, il risque d’y avoir des représailles de ta part ? », je lance malicieusement, sur le ton du défi. Je trouve l’excuse du champagne pour justifier cette histoire de chapeau mise sur la tête de l’animal, assumant peut-être moins le fait que ce n’est que mon côté grand enfant qui ressort. « Est-ce que tu aurais commencé à boire sans moi ? ». Ses chatouilles me font avoir un mouvement de recul, alors que je tente d’attraper ses mains pour l’arrêter « La bouteille de vin entamée hier était tentante mais je suis restée sage ». Un sourire au coin des lèvres vient accompagner mes paroles alors que mon regard est tendre à son égard, celui d’une jeune femme amoureuse et heureuse à cet instant même.
Il est temps de déguster ce risotto que j’ai concocté et il décèle sans difficulté ce petit stress qui se manifeste au moment où nous passons à table « Arrête de stresser, je suis sûr que c’est délicieux ! ». Ma grimace montre que je ne suis pas totalement convaincue. Et disons que sa remarque quelques secondes après ne fait que renforcer cette idée que j’ai depuis le début, que mon plat est un raté total « HORRIBLE ! ». Mes yeux s’écarquillent alors mais je n’ai pas le temps de répliquer qu’il ajoute « Non c’est parfait ! Je savais que tu m’avais caché des talents ! ». Je le fusille du regard « Bravo, j’ai failli te croire ! ». Je lève les yeux au ciel avant de sourire « On en reparlera au prochain repas que je te préparerai ». Parce que ce n’est pas certain que je le réussisse quand il m’est arrivé bien des fois de ruiner un simple poulet au four. Je goutte à mon tour et j’avoue que ce risotto n’est pas décevant. Je relève mon regard sur Alec, qui a retrouvé une mine sérieuse, mes sourcils se fronçant alors, légèrement inquiète « Tu sais je… j’ai jamais eu trop ça… enfin je veux dire, c’est quelque chose que je m’interdis depuis longtemps ». Il y a cette hésitation dans ses mots qui me fait sourire tendrement. « Et je dois reconnaitre que… c’est pas trop mal ». Son sourire moqueur me fait tourner la tête doucement de gauche à droite, levant les yeux au ciel « Pas trop mal ? C’est tout ? ». Je fais en adoptant un petit air vexé. « Je ne sais pas si je vais recommencer si c’est seulement « pas trop mal » » j’ajoute en mimant des guillemets. Je souris malgré tout, le taquinant en voyant très bien ce regard qu’il me porte, celui qui veut en dire bien plus que ce qu’il ne parvient à dire par la parole.
***
Nous sommes installés sur le canapé et je viens le rejoindre avec un petit cupcake sur lequel j’ai mis une bougie pour qu’il puisse la souffler. Je lui tends celui-ci, m’asseyant proche de lui en pliant mes jambes en arrière, ma main droite venant caresser doucement ses cheveux après lui avoir déposé un baiser sur la joue. « Fais un vœu ». Sourire aux lèvres, je ne le lâche pas du regard, attendant qu’il souffle sa bougie. Quelques minutes plus tard, je lui tends un petit paquet qui renferme une montre. Un cadeau simple et sobre, mais que je sais qu’il pourra avoir sur lui, sans pour autant que cela ne puisse éveiller un quelconque soupçon, quand je sais qu’il tient à ce que notre relation soit ignorée par les personnes avec qui il travaille… pour me protéger. Mais peut-être aussi que je lui fais ce cadeau pour qu’il pense à moi lorsque nous ne sommes pas ensemble, et que ce soit la motivation qui le poussera à revenir chaque soir auprès de moi.