Lucia est retournée au travail. Evelyn lui a donné deux semaines (après qu’elles aient sûrement été demandées, mais soit) et elle a été bien gentille de le faire. Il pense à lui faire parvenir des fleurs ou un petit cadeau, parfois, parce que Lucia ne parle toujours d’elle qu’en bien et que ça lui ferait sûrement plaisir. L’instant d’après, il a un peu peur de passer pour un psychopathe, alors il se retient. Mais il n’en pense pas moins.

Lucia est de retour au travail, donc. Le cabinet, lui, est fermé pour une semaine. Congés annuels, qu’ils disent. Connerie. Il n’est pas allé travailler depuis trois semaines maintenant et ça le démange. Sa petite-amie n’a sûrement jamais eu le droit à autant de massages de sa vie, mais elle n’a étrangement jamais jugé bon de s’en plaindre. Au moins, l’anglais est heureux d’avoir pu passer autant de temps en sa compagnie, il aurait simplement préféré qu’elle ne se mette pas à l’observer du coin de l’oeil dès qu’il s’approchait de la salle de bain. Ce sont des souvenirs qu’il n’a pas le pouvoir d’effacer et une culpabilité qui continuera éternellement à peser sur chacun des deux amoureux. Y penser le rend triste, c’est un fait, alors il tente de s’occuper en faisant tout et n’importe quoi. Ses poignets vont bien mieux, ils ne le font même plus souffrir. Ne reste que de vilaines traces qu’un séjour au soleil ne pourrait pas aider. Swann pense peut-être à se faire un tatouage mais pour ça il devrait se renseigner davantage à propos de la particularité de son cas. En attendant, donc, il cuisine. Il n’est toujours pas très bon dans le domaine mais au moins personne ne pourrait lui reprocher de ne pas persister ou même s’exercer.

La plupart du temps, pourtant, c’est une seule et même personne qui vient lui imposer une pause entre deux gâteaux et trois gratins. Il lui rejettera la faute dessus si jamais la cuisson n’est pas optimale. “Tu vas rendre jaloux tout l’immeuble, à faire passer sous leur nez ces petites merveilles tous les jours.” Elle ne vient pas aussi souvent, en réalité, mais elle est encore incapable de faire passer deux nuits consécutives sans prendre de ses nouvelles. Il n’est pas stupide et connaît la raison à tout cela ; cela ne l’empêche pour autant pas d’être sincèrement heureux de la voir, elle et ses parfaits jumeaux. “C’est Bailey qui va finir par être jaloux.” Il s’amuse et lui ouvre la porte en grand pour qu’elle puisse faire passer la poussette, en profitant pour déposer un baiser contre sa joue lorsqu’elle arrive à sa hauteur. “Je crois que t’as un pied de Barbie dans tes cheveux. Nouvelle mode ?” Il retire l’objet du bout des doigts, affichant un immense sourire de petit frère exécrable. Pourtant, il n’a rien à voir dans cette histoire.

Elle a compté les jours depuis que Swann s’est retrouvé à l’hôpital. Elle se sent coupable la McGrath, elle a laissé son petit frère de côté. Elle n’a pas fait assez attention à lui, elle aurait dû voir que ça n’allait pas, se rendre compte qu’il n’avait même plus la force de continuer de vivre avec eux. Elle s’est occupée de ses enfants, de la famille qu’elle crée en oubliant complètement celle qu’elle a depuis toujours. Même si Swann n’est pas là depuis le début (et c’est tant mieux pour lui), c’est son seul et unique petit frère, et elle en prendra soin comme la prunelle de ses yeux, surtout maintenant qu’elle sait qu’il est toujours aussi fragile. C’est un McGrath, l’autodestruction est un trait de caractère dans cette famille, et, malheureusement, il n’est pas passé au travers des mailles du filet. Même en aillant grandi loin des pires parents du monde, il n’a pas pu éviter de devenir comme tous les enfants de la famille.

Comme presque tous les jours depuis qu’il est rentré de l’hôpital, Jill débarque dans l’appartement de Swann avec les jumeaux. Ils ont besoin de voir leur oncle, c’est la meilleure excuse qu’elle trouve pour pouvoir le surveiller de près. Surtout aujourd’hui, parce qu’il est de nouveau seul chez lui, Jill sait que Lucia recommence à travailler et ça l’inquiète un peu. “Tu vas rendre jaloux tout l’immeuble, à faire passer sous leur nez ces petites merveilles tous les jours.” “Je peux peut-être les louer à tes voisins, ça me ferait un paquet d’argent.” Elle sourit, elle commence à s’habituer à ses enfants, et elle se rend compte qu’elle les aime vraiment. C’est un grand pas pour elle, et un soulagement pour son entourage. Elle entre, laisse Swann l’embrasser et dépose toutes les affaires au milieu du salon. “C’est Bailey qui va finir par être jaloux.” “De toi tu crois ?” Elle hausse un sourcil, il comprend, il sait qu’elle accorde trop d’importance à sa famille pour laisser Swann seul après de tels évènements. “Il sera jaloux seulement quand j’aurais décidé d’investir cet appart en laissant quelques affaires des jumeaux ici.” Elle hausse les épaules, c’est peut-être ce qu’elle devrait vraiment faire. Ca lui ferait une excuse de plus pour pouvoir passer ici plusieurs fois par semaine. “Je crois que t’as un pied de Barbie dans tes cheveux. Nouvelle mode ?” Elle fronce les sourcils jusqu’à ce que Swann retire le pied de barbie et le lui montre. “Ca c’est ta nièce qui a décidé de démembrer toutes les poupées qui lui passent sous la main” Elle place le parc au sol et prend Bowie dans ses bras, laissant tout le loisir à Swann de pouvoir pouponner la petite fille. “Achète lui des voitures pour son anniversaire c’est moins risqué. Lui il est plus branché peluches géantes.” Elle fait tout, absolument tout pour détourner l’attention et faire comme si tout allait bien.

“Je peux peut-être les louer à tes voisins, ça me ferait un paquet d’argent.” A choisir, il préférerait sans aucun doute qu’elle les loue à lui-même directement, il serait prêt à payer un prix d’or pour garder ces têtes blondes à longueur de journée - à croire qu’il n’a jamais vraiment compris le principe de réciprocité dans le babysitting. Pris au milieu de ses blagues vaseuses, il en profite pour rigoler doucement de son mari et de la possibilité qu’il soit jaloux de tout le temps qu’elle passe avec Swann, sans qu’il ne veuille jamais s’en plaindre. “De toi tu crois ?” - “Qui d’autre ?” Et il sourit. Jamais il ne voudrait transformer cette simple blague en un reproche : il est toujours bien trop heureux de la voir pour oser de telles choses. “Il sera jaloux seulement quand j’aurais décidé d’investir cet appart en laissant quelques affaires des jumeaux ici.” Ni Lucia ni lui ne seraient contre l’idée que les jumeaux restent à l’appartement quelques heures, jours, semaines, mois, années - et pour la vie, tant qu’à y être. C’est une raison parmi bien d’autres pour laquelle il ne répond pas et la laisse simplement entrer dans l’appartement, lui qui pourrait lui tenir la tête pendant des heures à la porte sans jamais penser à la laisser passer. Tête en l’air comme il est, il en serait largement capable.

Au passage, il retire un pied d’une Barbie démembrée d’entre les cheveux de sa sœur, jugeant pourtant l’accessoire plutôt à la mode et, au moins, très original. “Ça c’est ta nièce qui a décidé de démembrer toutes les poupées qui lui passent sous la main” - “C’est bien ta fille, ça.” Il voudrait bien ajouter “comprendra qui pourra” mais il ne faut pas connaître Jillian dans les moindres détails pour savoir quel genre de phénomène elle est à elle seule et ce qu’il peut donc en être de sa précieuse progéniture. La jeune mère de famille propose des idées de cadeau à la volée mais Swann, lui, se promet déjà de les ajouter à sa liste mentale déjà infiniment longue, surtout pour des bambins fêtant leurs moisniversaires et pas encore les anniversaires. “Ils ont été sage, depuis la semaine dernière ?” En sachant qu’elle est venue en fin de semaine et qu’ils ne sont que lundi ; tout ça pour dire qu’elle n’a laissé que trois jours s’écouler avant de déjà revenir pour vérifier qu’il ne s’était pas ouvert les veines à nouveau. Mais ça, bien sûr, ce n’est pas à préciser oralement. Ce n’est pas correct. “J’ai le droit de lui acheter des peluches, pour de vrai ? Quand tu dis géant, c’est géant comment ? Ma taille, c’est ok ? Et les voitures, ça peut aller avec un circuit géant, non ?”

“Qui d’autre ?” Elle lève les yeux au ciel. “Je suis plus avec lui, il peut pas être jaloux.” Elle ment, ils font ça avec absolument tout le monde et jussque là ça fonctionne. Ils ont besoin de temps pour eux, et Jill compte jouer la comédie le temps qu’il faudra. Elle évolue à vitesse grand V la McGrath. Il y a quelques ratés, des épreuves à surmonter, mais elle arrive à passer au-dessus de tout ça grâce aux personnes qui l’entourent. Cette fois elle est entre deux, elle fait des crises mais elle se gère, elle tente de gérer se famille et son histoire avec Bailey, à l’abris de tous les regards qu’il peut y avoir autour d’eux.

Elle pose les deux bébés et elle se retrouve face à Swann, avec une jambe de poupée dans les cheveux à sa plus grande surprise. “C’est bien ta fille, ça.” “Elle va avoir ma peau.” Il fallait bien qu’un des deux prenne de son caractère. Et elle sait que la petite fille est presque aussi insupportable que Jill a pu l’être tout au long de sa vie. “Ils ont été sage, depuis la semaine dernière ?” La semaine dernière qui était il y a seulement 3 petits jours. Il pourrait avoir envie de la virer, de lui dire de ne plus venir une jour sur trois dans son appartement, mais il ne le fait pas. C’est Jill qui est censée prendre soin du jeune homme, et pourtant, c’est bien plus lui qui la protège et la préserve que l’inverse. “Devine lequel a décidé de chouiner dès qu’il arrive à se retourner et à être sur le ventre et lequel a décidé que le biberon de l’autre était toujours meilleur que le sien.” Elle sourit un peu, parce que ça lui fait plaisir de connaître de tels détails sur ses enfants, ça n’était pas le cas il y a quelques mois encore.

“J’ai le droit de lui acheter des peluches, pour de vrai ? Quand tu dis géant, c’est géant comment ? Ma taille, c’est ok ? Et les voitures, ça peut aller avec un circuit géant, non ?” Jill fronce le nez en secouant la tête. Ca ne l’étonne pas qu’il décide de vouloir gâter ses neveux autant qu’il le peut. Elle sait qu’avec de tels oncles et tantes ses enfants deviendront des teignes pourries gâtées bien plus vite qu’elle ne peut l’imaginer. “Tant que ça rentre dans la maison j’imagine que c’est ok.” Elle grogne un peu, mais elle finit par sourire à son frère. Elle ne sait pas dans quoi elle s’embarque.

“Je suis plus avec lui, il peut pas être jaloux.” Swann pince les lèvres, ne croyant absolument pas à ce mensonge. Il ne le statue pourtant pas à haute voix, sachant par avance que ce n’est pas le moment pour avoir ce genre de discussion avec sa soeur. Il attendra qu’ils décident de se “remettre ensemble” pour les féliciter et leur dire qu’ils vont très bien ensemble et ainsi tout le monde sera content. A vrai dire, à partir du moment où ses sœurs sont heureuses, il l’est tout autant. Il n’est pas difficile à contenter, l’anglais. Si jamais vous ajoutez un peu de nourriture offerte, il serait prêt à qualifier ce jour de “le plus beau de toute sa vie”. Non, vraiment pas compliqué à satisfaire.

” “Elle va avoir ma peau. - “Ca s’appelle être maman et comblée.” Il reprend et corrige avec humour, sachant que son regard à la maternité a bien changé depuis les derniers mois écoulés et qu’il ne risque pas de ranimer des blessures en s’osant à des blagues du genre. Jamais il ne voudrait lui faire de mal, c’est une évidence et il espère qu’elle le sait. A défaut de s’attarder sur le sujet, il divague donc en prenant des nouvelles de ses neveux, qu’il a pourtant vu il y a peu. “Devine lequel a décidé de chouiner dès qu’il arrive à se retourner et à être sur le ventre et lequel a décidé que le biberon de l’autre était toujours meilleur que le sien.” - “Tu t’étonnes vraiment qu’ils se disputent à propos de la nourriture ? Ce sont des McGrath, voyons.” Il faisait sûrement la même chose depuis le jour de sa naissance, même si sa mère ne risque pas de lui raconter de telles anecdotes à son sujet. Cela ne l’empêche pas d’en être certain.

Bientôt, la jeune mère regrettera d’avoir autant confiance en son cadet pour choisir un cadeau aux enfants, sans même que ce soit Noël ou bien leur anniversaire. “Tant que ça rentre dans la maison j’imagine que c’est ok.” Qui dit deux enfants dit deux cadeaux, dit double raisons d’être détesté par les parents qui vont voir leur salon envahi de peluches bien trop grandes pour des bambins qui n’en auront sûrement rien à faire. ”C’est l’heure du repas, non? Je peux leur donner le biberon, tu crois?” Ils sont bougons, Swann le ressent. La seule réponse qui existe à cela est justement un peu de nourriture et il n’a qu’une envie: le leur en donner et ainsi mieux s’occuper d’eux.

Elle est contente de voir son petit frère. Elle a besoin de savoir qu’il va bien, la McGrath a toujours joué à la maman ours avec les membres de la fratrie. Et, même si elle le connait depuis moins longtemps que les deux autres il ne passera pas entre les mailles du filet. Et certainement pas après ce qu’il vient de se passer. Il va mal, et elle compte essayer de le voir le plus possible. Elle est terrifiée à l’idée de savoir que personne ne peut le surveiller et faire attention à lui. “Ca s’appelle être maman et comblée.” Elle lui fait son plus beau faux sourire. “Alors je suis vraiment hyper comblée.” Elle passe une main dans ses cheveux pour vérifier qu’il n’y a aucun morceau de poupée qui y traîne encore. “Tu t’étonnes vraiment qu’ils se disputent à propos de la nourriture ? Ce sont des McGrath, voyons.” Elle pouffe de rire, il n’a pas tort sur ce point. La nourriture et le café sont deux piliers de la famille.

Les minutes passent et elle se rapproche des jumeaux avec Swann. Il adore les enfants, et il est très doué quand il s’agit de les faire rire et leur faire passer un bon moment. Il est fait pour être père, elle en est persuadée. Elle lui laisse souvent les jumeaux sans se poser une seule question, elle lui fait confiance les yeux fermés. ”C’est l’heure du repas, non? Je peux leur donner le biberon, tu crois?” Elle sourit, c’est lui qui a l’air d’un enfant à cet instant. Elle aime voir cette lueur qui brille dans son regard, ça lui donne l’impression qu’il va bien et qu’il ne compte pas se faire du mal. Elle a besoin de se raccrocher à ça, bien trop terrifiée à l’idée qu’il remette ça et que personne n’arrive à temps cette fois. Elle n’y pense pas, ou alors, elle utilise toutes ses forces pour ne pas y penser. “Bien sûr, ils sont bien plus sages quand c’est toi qui les gère. C’est pour ça que je viens te voir !” Il sait que ce n’est pas pour ça, mais personne ne remettra ce sujet sur le tapis. Ils parlent avec les yeux et avec le coeur, c’est bien pour ça qu’elle n’a pas besoin d’utiliser de mot pour lui exprimer à quel point il est important pour elle et qu’elle ne le laissera jamais tomber, quoi qu’il arrive.