| where the streets have no name (craine sisters #1) |
| | (#)Jeu 11 Mar 2021 - 3:34 | |
| i i wanna feel sunlight on my face i see that dust cloud disappear without a trace i wanna take shelter from the poison rain where the streets have no name
« Arrête de changer de chanson, tu m’énerves! » Tu roules des yeux alors qu’elle ne t’écoute pas Wendy, elle ne t’écoute jamais de toute façon. Tu n’es pas vraiment surprise mais tu échappes un long soupir alors qu’elle continue de changer les chansons de cette playlist que tu avais préparé spécifiquement pour ce roadtrip entre sœurs. Autant dire que c’était loin de se passer comme tu l’aurais voulu et tu ne saurais dire si c’est ta mauvaise humeur constante depuis quelques semaines qui minent l’ambiance ou si elle prend un malin plaisir à t’agacer plus que nécessaire, la benjamine. Le moment aurait dû être beau, le moment aurait dû être bon. C’était bel et bien un moment chérit que d’aller essayer des robes de mariée avec sa petite sœur, non? Alors pourquoi est-ce que tu y vas à reculons? Pourquoi est-ce que t’as l’impression de te jeter directement dans la gueule du loup? Pourquoi t’es pas capable de profiter de la présence de plus en plus rare de ta sœur qui se fait une vie complètement à l’opposée de la tienne? Pourquoi c’est si lourd dans ta tête et dans ton cœur?
Tu connais toutes les réponses à tes questions. Tu refuses juste de te les donner parce qu’elles portent toutes son nom.
« Je reconnais pas le chemin. » que tu lances à une Wendy qui s’est finalement — pas déjà! — arrêtée sur un choix de chanson alors que c’est elle qui fait la navigation jusqu’à cette couturière que toute la famille connaît trop bien. C’est celle qui fait la majorité des habits pour tes parents, ta fratrie et toi depuis que vous êtes arrivés à Brisbane. Tu préférais de loin celle que vous aviez à Adélaïde, qui était plus jeune et bien plus gentille avec vous, mais ça, ce n’est qu’une personne de plus qui t’a été arraché quand tes parents ont décidé de jouer à l’autruche et déménager la famille à l’autre bout du pays pour ne pas avoir à faire face aux conséquences de l’adultère de ton père. Ça te met en colère d’y repenser, comme ça le fait toujours. Est-ce que t’as encore le droit toutefois, d’éprouver cette haine et cette rancune pour ton paternel alors que tu fais pareil, pire encore? Tu te rassures en te disant qu’au moins, il n’y a pas d’enfant blessé par tes décisions comme c’était son cas à lui. Mais il y a Lachlan, et il y a Wyatt et les deux sont blessés, à leur manière dans cette histoire. Et puis il y a toi aussi, éternelle prisonnière de tes mauvaises décisions. Encore heureux qu’elle sait rien de tout ça, la benjamine alors que tu commences vraiment à paniquer de ne rien reconnaître autour de toi. « Wendy, est-ce que tu suis le GPS? Je crois qu’on est allées trop loin. » Vous perdre en dehors de la ville est vraiment la dernière chose dont tu as besoin en ce moment et ça s’entend dans ta voix, alors que l’impatience et l’agacement fuient de partout.
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| | | | (#)Ven 26 Mar 2021 - 22:54 | |
| En voiture, à chaque fois, lorsqu’on fait un roadtrip, c’est Rosie qui conduit, calé dans son siège, les bras bien droits. Ma sœur a peur quand je conduis, elle ne veut pas que je touche le volant. Chaque fois qu'on doit écouler la distance, on prend son véhicule instinctivement. On n’a pas à se poser de question. Mon ainée est concentrée sur la route. Je décortique sa playlist, agacée par sa structure. J’ai l’impression d’observer un tableau Pinterest bien construit. Il n’y a pas de surprise : tout est parfaitement ordonné. Les chansons sont le reflet de sa vie. Sans compassion pour ma sœur, je fais défiler les titres, ne laissant que quelques secondes percer le silence : des chansons de Rihanna, Beyonce, Destiny’s Child, James Blunt, et Kelly Clarkson se succèdent sur l’écran. « Arrête de changer de chanson, tu m’énerves ! » Je souris en coin et continue mon numéro. « C’est normal d’être à cran, quand on revit en boucle les plus gros succès des années débuts 2000. Tu as ouvert un radio dans les dix dernières années ? » Rosalie m’a invité pour son essayage de robes aujourd’hui. En temps ordinaire, j’ai toujours assumé que ce genre d’activité se faisait avec une bande de filles avec qui on a grandi. C’est comme ça dans les films : la mariée dans tous ses états assemble la crème de sa horde d’amies avec qui elle allait au collège et fait un grand cas de son après-midi. J’étais prête à faire semblant d’être énervée et prétendre d’être fâchée de ne pas être invité à un événement aussi important. Ensuite, elle m’aurait sermonnée sur mon tempérament d’enfant gâtée, mais au fond, j’aurais été ravie d’être épargnée. Or, je me suis retrouvée de corvée, sans aucun support moral en vue. Je crois que Rory aurait été mieux taillé pour jouer le rôle de la meilleure amie qui fantasme sur les grandes circonstances qui les amènent en ces lieux. Il aurait surement été plus volubile devant le satin des robes : il aurait pu être utile. Cependant, à la suite de l’annonce des fiançailles, la brune m’a réquisitionnée pour les séances d’essayage. J’ai rechigné par principe, parce que ce n’est pas mon genre d’activité. Il fallait que je me montre au-dessus de tout ça, parce que c’est mon rôle à moi. Au fond pourtant, je suis vraiment heureuse d’être là pour les grands moments de sa vie. Nous suivons la longue route pour aller chez la couturière familiale. C’est une vieille dame qui sent les bonbons à la menthe. Elle a des doigts en forme de serres et ses gestes vifs. Quand j’étais gamine, elle me traitait d’ourse mal léchée pendant les essayages. Je dois admettre qu’elle m’a toujours terrifiée. « Je reconnais pas le chemin. » Je laisse tomber le téléphone sur mes cuisses pour observer la route. Je n’ai jamais eu de véritable sens de l’orientation, alors je mentirais si je disais que je reconnaissais quelconque trajet. J’ouvre google map. « Il faut garder la gauche pendant encore cinq kilomètres. C’est écrit sur le GPS. » Je sursaute en identifiant la chanson. Ah, push it. Ah, push it. Ooh, baby, baby. Je tourne le bouton pour augmenter le volume de la musique et commence à me dandiner sur mon siège. J’assume que la question est close. « Salt-N-Pepa? Non, mais tu vas trop loin franchement. » Puis, j’entame des mouvements avec les bras en mimant une chorégraphie imaginaire. Comment aurais-je pu ignorer l’attention ? Elle avait évidemment misé dans le mille. À l’époque de mes 13 ans, j’avais fait une obsession sur le film 10 things I hate about you. Je l’écoutais toutes les semaines et j’avais demandé l’album de la soundtrack pour mon anniversaire. Elle avait embarqué dans mon délire et quand elle m’avait hébergé quelque temps, nous avions concocté une chorégraphie sur cette chanson, au plus grand détriment de son mec antérieur. « Tu te rappelles encore les mouvements ? Wyatt n’arrêtait pas de rager pour qu’on change de disque ! » Je ris en me remémorant les plaintes de son ancien compagnon. Ce n’est pas chez Lachlan que je m’imaginerais faire pareille connerie. « Il avait fini par s’écœurer et avait caché le CD. Il ne me l’a redonné que lorsque je suis retournée chez les parents. » Amusée, je continue à dodeliner de la tête en chantant. « Tourne ici ! » « Wendy, est-ce que tu suis le GPS ? Je crois qu’on est allées trop loin. » Agacée, j’agite l’écran devant elle, lui bloquant l’accès à la route pendant une seconde. « Tu penses que je fais quoi ? J’ai l’air de swiper sur Tinder peut-être ? » Je remets l’appareil sur mes cuisses et tourne la tête vers la fenêtre affichant une moue boudeuse. |
| | | | (#)Lun 5 Avr 2021 - 2:47 | |
| i i wanna feel sunlight on my face i see that dust cloud disappear without a trace i wanna take shelter from the poison rain where the streets have no name
« C’est normal d’être à cran, quand on revit en boucle les plus gros succès des années début 2000. Tu as ouvert un radio dans les dix dernières années? » Elle se croit drôle Wendy, alors qu’elle continue de changer les chansons, passant au travers certains classiques que tu aimerais bien écouter (d’où leur présence dans cette playlist parfaitement arrangée) mais elle en décide autrement sans cesse. Tu n’as droit qu’à deux ou trois notes à peine avant qu’elle n’appuie de manière impitoyable sur le bouton next et tu dois te retenir de lui voler le téléphone des mains pour reprendre contrôle de la musique. Elle ne te laisserait pas faire de toute façon et tu es le genre de personnes à refuser d’enlever tes mains du volant, même pour quelques secondes à peine. « C’est pas de ma faute si la musique d’aujourd’hui ne vaut en rien les classiques avec lesquels j’ai grandi. » Évidemment que tu as ouvert une radio dans les dix dernières années, évidemment qu’il t’arrive d’avoir un coup de cœur pour une chanson ou un artiste plus récent, mais comme une fille d’habitude, tu retrouves toujours un peu trop facilement ce que tu connais bien. How fitting. Il semble éternel toutefois le chemin qui doit vous mener jusqu’à la couturière et tu ne peux t’empêcher de te dire entre chaque bout de chansons entrecoupées que t’aurais peut-être mieux fait d’accepter l’offre de Talia de vous accompagner aussi, l’impression de ne plus savoir passer un moment en tête à tête avec ta sœur soudainement plus fort que jamais. Comme s’il vous fallait automatiquement quelqu’un pour faire les interférences entre vous et que sans la présence de vos frères, il était tout simplement impossible de vous parler ou même de vous comprendre. Ajouter à ça l’impression de ne pas savoir où tu t’en vas et ton manque flagrant d’envie pour le moment à venir, faut bien que l’admettes en effet: t’es clairement à cran Rosalie. « Il faut garder la gauche pendant encore cinq kilomètres. C’est écrit sur le GPS. » Tu échappes un léger soupir. Tu es encore sur la bonne route. T’es toujours sur la bonne route. Alors pourquoi est-ce que t’as cette putain d’impression de te tromper royalement?
Enfin Wendy semble décidé à laisser une chanson jouer pour plus que trois secondes et c’est un sourire rempli de nostalgie qui vient habiter tes lèvres alors que c’est Push It qui gagne l’attention de ta sœur. « Salt-N-Pepa? Non, mais tu vas trop loin franchement. » Et c’est un simple coup d’œil dans sa direction qui te confirme que t’es allée juste assez loin alors qu’elle se met à faire une petite chorégraphie improvisée, pas bien loin de celle que vous avez répétée des centaines et des centaines de fois au beau milieu de ton salon alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente que tu essayais de préserver des frasques et des travers de tes parents. « Tu te rappelles encore les mouvements? Wyatt n’arrêtait pas de rager pour qu’on change de disque! » Tu ne laisses rien paraître devant Wendy, mais tes doigts se resserrent autour du volant alors que tout ton être semble se mettre en alerte à la simple mention du Parker. « Évidemment que je me rappelle encore des mouvements. On a juste fait cette chorégraphie un million de fois, au moins. » Se concentrer sur le souvenir, tenter d’éviter la partie qui fait mention de Wyatt parce que c’est ce qu’il y a de plus simple à faire, prétendre qu’il n’est qu’un souvenir que tu n’as pas particulièrement envie de revisiter. Mais c’est sur lui que Wendy semble concentrée alors qu’elle enchaîne, le mentionnant une fois de plus. « Il avait fini par s’écœurer et avait caché le CD. Il ne me l’a redonné que lorsque je suis retournée chez les parents. » « Il savait pas apprécié tout notre talent, clairement. » Et elle est grande, la pointe de nostalgie qui t’habite alors que tu repenses à cette époque qui avait été bien plus simple pour vous, tellement loin de ce qui existait ou ne devait plus exister entre vous aujourd’hui. T’es distraite alors que l’image de Wyatt semble partout que tu n’entends pas Wendy te dire de tourner, passant tout droit sur la route. Fuck. Comme une mauvaise habitude, tu t’empresses de lui mettre ton erreur sur le dos, soudainement agacée et tendue, encore bien plus que tu ne l’étais au début de ce roadtrip improvisé. « Tu penses que je fais quoi? J’ai l’air de swiper sur Tinder peut-être? » « Me dis pas que tu perds vraiment ton temps sur une application comme celle-là. » T’as jamais compris l’intérêt de swiper pour essayer de rencontrer quelqu’un. Peut-être que t’es vraiment vieux jeu dans ta façon d’être et de penser, mais il est arrivé quoi de la bonne vieille manière de rencontrer quelqu’un? À la prochaine intersection, tu entreprends un virage, dans l’espoir de pouvoir rapidement revenir sur tes pas et ce, sans te laisser distraire. « Tu le vois encore, Wyatt? » que tu demandes, aussi innocemment que possible. Tu sais qu’il fut un temps, il était encore en contact avec ta sœur, mais ça fait un moment de ça. Tu sais que de toute ta fratrie, Wendy était celle qui préférait Wyatt et de loin, celle aussi qui avait le moins bien géré votre séparation il y a de ça presque dix ans maintenant. |
| | | | (#)Mer 14 Avr 2021 - 20:36 | |
| Mes tentatives de connexion avec Rosalie ont toujours été un peu chaotiques. Le jour où je me décide à inviter ma sœur, ce n’est pas pour aller boire un verre. C’est pourtant ce que tout le monde semble faire avec les membres de leur famille difficiles à saisir. Je l’invite à aller au théâtre, à une expo ou une performance ; nous tâtons le terrain. « Ce n’est pas de ma faute si la musique d’aujourd’hui ne vaut en rien les classiques avec lesquels j’ai grandi. » Je roule les yeux, bien que force soit d’admettre qu’elle n’a pas tout à fait tords. Moi-même, j’ai de la misère à me défaire des chansons avec lesquelles j’ai grandi. Je radie de bonheur en entendant le refrain qui a marqué ma jeunesse, devenant nostalgique en pensant à une époque révolue. Je parle de nous, je parle de Wyatt, je parle d’un temps où les choses étaient différentes. « Évidemment que je me rappelle encore des mouvements. On a juste fait cette chorégraphie un million de fois, au moins. » Je glousse à cette mention. Je dois donner ça à Rosalie, elle se démenait pour me rendre heureuse alors que j’étais enfant. Je ne crois pas que j’aurais la même patience, si j’avais moi-même des frères et sœurs plus jeunes. « On sait que la mémoire n’est plus ce qu’elle est en vieillissant. » Je dis ça pour la taquiner, la faire réagir, mais nous savons toutes les deux que ce n’est pas une véritable attaque. Combien de fois m’a-t-elle remises sous le nez qu’elle avait déjà changé ma couche ? Je peux me permettre quelques commentaires de vipères. Elle continue sur le sujet Wyatt. « Il savait pas apprécier tout notre talent, clairement. » « Il a toujours été un peu à côté de la plaque. » C’était tout faux. Wyatt me comprenait et faisait des gros efforts avec la puinée de la fratrie. Il était tout l’opposé de Lachlan. Ce n’est pas pour rien que je n’ai jamais connecté avec le second. Lui, il est trop sérieux. Ce qui le passionne ce sont des trucs sans intérêts, comme les notes et les projets futurs. C’est comme s’il ne vivait jamais dans le présent. Wyatt, lui, il me prend au sérieux. Il sait qu’il y a autre chose à voir ou à s’intéresser. Il m’écoute quand je parle, il voit plus loin que l’image de l’autre Craine à garder sur le droit chemin. Il ne s’inquiète pas de mes choix ou de mes travaux. Il veut juste que je ne me mette pas les pieds dans les plats. C’est un véritable ami, lui. Elle est agressive Rosalie quand elle n’a pas le contrôle. Elle agit comme si j’étais le problème sur la route, comme si j’avais moi-même dessiné les panneaux de signalisation. Je me crispe, ayant l’impression d’être un scorpion qui se recroqueville sur lui-même, prête à attaquer. Je ne peux pas faire mieux que d’indiquer ce que le GPS me dit. Elle voudrait que je prédise les aléas du chemin peut-être ? J’ai l’air d’un satellite? Je lui envoie une pique au sujet d’un réseau de rencontre. « Me dis pas que tu perds vraiment ton temps sur une application comme celle-là. » Je l’observe un instant. Rosalie n’a-t-elle jamais connu la réalité du dating life ? Il me semble qu’elle a simplement enchainé les relations stables qui font plaisir aux parents. N’a-t-elle jamais eu un coup d’un soir ? Si oui, ce n’est pas à moi qu’elle en a parlé. Je ris dans ma barbe en l’imaginant papoter avec Garrett à ce sujet. Impossible. « Ce n’est pas une perte de temps, c’est comme un catalogue. Y’a de tout, pour tous les gouts. Tu veux aller faire de l’escalade avec une fille grano ? Check. Tu veux une soirée vins fromages avec une conservatrice d’art ? Check. Y’a de tout. T’es pas limité aux autres trustfunds kids que paraissent tant affectionner nos parents. » Elle pourrait me rabrouer au sujet de mes relations ludiques et instables, pourtant, je semble être la seule qui s’éclate vraiment. Et puis quoi encore ? Je suis censé présenter une femme à ma mère ? Bonjour, maman, voici Leslie, la sublime professeure de l’université. Elle a presque le double de mon âge, mais ça vous fera surement un terrain d’entente pour discuter de certaines choses. Elle entreprend un virage rapide et je m’agrippe à la portière alors que je ressens le contrecoup. Ma sœur perd patience. Elle ressemble plus à maman qu’elle ne veut le faire croire. Je l’observe pour découvrir les traits de notre génitrice sur son visage. Mon ainée est définitivement plus agréable que Frances Craine. « Tu le vois encore, Wyatt ? » Je sursaute au moment où elle pose la question. Je n’ai jamais véritablement arrêté de voir son ex, mais c’est un sujet que je n’ai jamais osé aborder. La relation s’est absolument mal terminée entre eux et ma fratrie n’approuve pas vraiment de sa personne. J’ai vraiment mal pris son départ, surtout lorsqu’il a déménagé, mais Wyatt ne m’a jamais abandonné. Il m’a un jour fait la promesse qu’il ne couperait jamais les ponts; des années plus tard, il est toujours là. Je me racle la gorge et tourne les yeux sur la route pour ne pas faire face à ma sœur. J’avais espéré qu’on avait une entente tacite qui permettait de ne jamais aborder la question… J’avais même assumé qu’elle savait et qu’elle n’en disait rien. « Quelques fois… » Je change de chanson pour gagner du temps. Quelques notes par-ci, quelques notes par-là. « On s’écrit souvent pour prendre des nouvelles… mais tu sais c’est comme ça. C’est pas bizarre, il est comme de la famille. » La dernière chose que je voudrais, ce serait qu’elle s’imagine que je l’ai dans l’œil. Ce serait absolument dégoutant d’un point de vue familial, puis, il faut le dire, son ex est un homme. J’ai un nœud dans l’estomac et mes paumes sont moites. « Des fois on se voit comme ça oui, c’est comme avant, mais pas comme avant. J’sais pas. » Lui et moi, on parle de nos vies, de nos amis, de nos familles. On parle de tout, mais pas de Rosalie en tant que Rosie. Si je mentionne ma sœur, c’est d’un point de vue strictement neutre. On ne parle pas de son ex au sens officiel, c’est un tabou. « Toi, tu l’as revu depuis? » J’essuie mes mains sur mon pantalon, le véhicule continue d’avaler les mètres de bétons. J’aimerais mieux être au théâtre présentement. Au moins, on n’aurait pas l’occasion de bavarder. Ce serait un silence imposé : un silence sécuritaire. « Tiens la route pendant quatre kilomètres encore. Nous arrivons bientôt. » |
| | | | (#)Jeu 22 Avr 2021 - 0:54 | |
| i i wanna feel sunlight on my face i see that dust cloud disappear without a trace i wanna take shelter from the poison rain where the streets have no name
Tu ne pourrais dire si c’est de passer du temps en tête à tête avec Wendy ou le fait de devoir essayer des robes pour un mariage qui t’emballe de moins en moins avec les journées qui filent trop rapidement qui te rend nerveuse à ce point, mais t’es un véritable paquet de nerfs et si elle le réalise, elle en joue ta cadette. D’abord consciemment à coups de changement de chansons que tu accompagnes de longs soupirs à chaque fois, et ensuite inconsciemment alors qu’elle mentionne le seul et unique sujet de conversation que tu aurais préféré éviter à tout prix aujourd’hui. Wyatt Parker. Même quand il n’est pas là, il est partout et ça te rend complètement folle. Même quand le jeu est terminé, même quand il est plus que temps de tourner la page et de faire comme si les cinq dernières années n’avaient jamais été, il est là. Il s’incruste dans tous les moments, il te colle à la peau. Et inconsciemment, tu lui en veux à Wendy, d’avoir dit son nom. Mais tu ne laisses rien paraître, parce qu’elle ne peut pas savoir, la benjamine. Elle ignore tout sur tout et tu tiens plus que jamais que ça en reste ainsi. « On sait que la mémoire n’est plus ce qu’elle est en vieillissant. » « T’insinues que je suis vieille peut-être? » Ton anniversaire approchait et dans moins de deux semaines, tu allais mettre un pied dans la deuxième partie de ta trentaine, plus proche du 40 que du 30 et il fallait admettre que tu gérais de moins en moins bien avec le passage du temps. T’aurais cru qu’à trente-six ans, tu aurais des enfants. Tu serais posée. Tu ne te poserais plus de questions sur ce que tu veux dans la vie, ou plutôt sur qui tu veux. Mais bientôt, la question ne se poserait plus et tu aurais toutes tes réponses auprès de Lachlan, pas vrai? Tu tournes légèrement la tête, lui offre un regard noir qui se transforme doucement en sourire dans un moment de complicité qui ne vous ressemble pas vraiment mais auquel tu t’accroches dans l’espoir que ça suffisse à faire oublier l’autre, sans succès toutefois. « Il a toujours été un peu à côté de la plaque. » Tu échappes un petit rire qui ne sonne pas tout à fait convaincant, mais tu laisses le silence répondre pour toi. Te concentrer sur la route. Ne pas penser à Wyatt. Lachlan, le mariage, les robes à essayer. Se concentrer sur l’essentiel.
C’est qu’elles se bousculent les pensées dans ta tête et bien rapidement, tu réalises que tu n’es pas aussi concentrée sur ce que tu fais que tu devrais l’être. Le tournant est manqué, il faut faire demi-tour maintenant et tu t’énerves un peu plus sur une Wendy qui ne comprend sûrement pas pourquoi tu t’en prends à elle. Elle n’est que la victime collatérale d’une colère qui t’est entièrement destinée, même si tu la refuses constamment. Elle parle de Tinder et tu roules déjà des yeux alors qu’elle s’engage dans de longues explications. « Ce n’est pas une perte de temps, c’est comme un catalogue. Y’a de tout, pour tous les goûts. Tu veux aller faire de l’escalade avec une fille grano? Check. Tu veux une soirée vins fromages avec une conservatrice d’art? Check. Y’a de tout. T’es pas limité aux autres trustfunds kids que paraissent tant affectionner nos parents. » Tu retiens un rire, te pince les lèvres. Lachlan est définitivement un trustfrusts kid, quand bien même tu ne l’as pas fréquenté à cette époque là de vos vies respectives. Wyatt lui? Le complet opposé. Pas difficile de deviner lequel des deux a aisément gagner l’affection de tes parents et celui qui ne l’a jamais réellement posséder. « Et faire tout ça avec la même personne, ça te tente pas? » C’est bien ironique venant de toi, celle qui jongle entre deux hommes depuis si longtemps, mais ce que la benjamine ne sait pas ne peut pas lui faire mal.
C’est quand même toi qui ramène le sujet de Wyatt étonnamment, curieuse de savoir si Wendy entretient encore des rapports avec ce dernier. Tu as beau espéré qu’elle réponde négativement à la question, tu devines à sa réaction initiale que tu ne risques pas d’apprécier la vraie réponse. Et Wendy, comparativement à toi, elle ne ment pas. Ou du moins, c’est ce que tu penses. « Quelques fois... » Tu te crispes davantage, tes doigts serrant encore un peu plus fort le volant. Elle change de chanson Wendy, essaye de gagner du temps alors que tu retiens un soupir. « On s’écrit souvent pour prendre des nouvelles… mais tu sais c’est comme ça. C’est pas bizarre, il est comme de la famille. » « T’es bien la seule à penser ça. » Ta langue claque contre ton palet alors que tu te rappelles de respirer normalement. Si tu t’énerves trop, elle va trouver ça suspicieux et t’as pas envie que l’interrogatoire change de cible. « Des fois on se voit comme ça oui, comme avant, mais pas comme avant. J’sais pas. » « Comme avant? T’avais treize ans Wendy, tu le vois sûrement pas pour lui montrer que tu te souviens encore de la chorégraphie de Push it. » On repassera pour le rester calme alors que tu réponds trop rapidement, avec un agacement bien trop présent dans la voix. « J’veux dire… j’ai du mal à imaginer ce que vous pouvez faire ensemble, aujourd’hui. » Tu pestes aussi intérieurement de savoir que Wyatt ne t’a jamais rien dit à ce sujet, même si le sujet de conversation ne s’est jamais vraiment présenté entre vous. C’est qu’il a toujours été bien plus aisé dans vos bons moments de ne pas aborder le sujet famille, autant la sienne que la tienne et dans vos disputes, c’est plus souvent le nom d’Ariane qui ait ressorti, celui de Wendy restant dans la boîte des bons souvenirs à ne pas détruire entre vous. « Toi, tu l’as revu depuis? » Tu prends une légère pause. Si elle savait. « Quelques fois. Dans des évènements littéraires. » Ce n’est pas totalement mentir si tu lui offres une partie de vérité, non? « Pas souvent. Et on se parle pas vraiment, normalement. » Ou tu devrais plutôt dire que vous ne vous parlez plus maintenant. Que c’est terminé. Et que c’est sans aucun doute mieux comme ça, pas vrai?
« Tiens la route pendant quatre kilomètres encore. Nous arrivons bientôt. » « Okay. » Et puis il est lourd soudainement le silence, pendant les quelques minutes de route qu’il reste avant de finalement arriver à destination. La boutique n’a pas changé et la couturière non plus. Elle offre déjà un regard plein de dédain à Wendy qui n’a jamais fait bonne impression auprès de la bonne femme et tu te contentes de lui offrir un sourire poli alors qu’elle vous mène jusqu’à l’arrière boutique ou se retrouve un assortiment de robes à essayer, autant pour toi que pour ta petite sœur qui fait office d’essayeuse officielle pour les robes de demoiselles d’honneur. Ça aurait peut-être été moins gênant avec Talia, mais cette dernière ne pouvait pas être là aujourd’hui. Vous ne mettez pas longtemps avant de vous mettre à l’oeuvre, aider de la vieille couturière qui fait des commentaires que tu n’entends qu’à moitié, ton esprit toujours ailleurs. « Qu’est-ce que tu penses de celle-là? » La robe n’est pas tout à fait ajusté à ta silhouette, mais donne une idée assez générale de ce que ça pourrait avoir l’air sur toi pour le jour J. |
| | | | (#)Ven 23 Avr 2021 - 1:55 | |
| Jamais dans ma vie je n’ai eu de relation digne de mention. Je n’ai jamais fait ça, m’asseoir avec ma fratrie, pour leur présenter une fille. Je n’y ai même jamais véritablement songé. Rory, il connait mes histoires, il pourrait les raconter mieux que moi, mais jamais je n’ai eu le sentiment que quelqu’un valait la peine de faire du cinéma. Pourtant, je le sais qu’il saurait se tenir et qu’il serait présentable. Il trouverait rapidement le bon mot pour rendre ma partenaire confortable et la traiterait comme un membre de la famille. Rosalie, elle serait pincée. Je crois qu’elle ne comprendrait pas. Pas qu’elle serait surprise de mes choix, mais plutôt qu’elle serait perplexe à l’idée d’être incluses. Garrett, il désapprouverait n’importe qui. Son activité préférée est certainement de me contredire. Puis, pour ce qui est des parents, je n’y pense même pas. « Et faire tout ça avec la même personne, ça te tente pas ? » Le jugement ou plutôt le désagrément donne un timbre railleur à sa voix. « J’aime mieux être contente avec plusieurs filles, que d’être malheureuse comme Maman avec une seule personne. » Je le dis avec une pointe de reproche dans le langage. Elle sait aussi bien que moi que nos parents ne sont que prétention. « Toi, tu peux pas comprendre ce que c’est de chercher ; de pas savoir. T’es heureuse, t’as trouvé ton comptable avec qui jouer au couple de l’année. C’est pas tout le monde qui tire le bon numéro direct. » Lachlan n’est pas comptable, mais c’est comme ça que je l’appelle quand il m’agace. Ça fait toujours tiquer Rosie. Je la pique de mon venin, pour lui renvoyer son attitude. Ma sœur, elle a eu deux grands amours : Wyatt et Lachlan. Avec mon regard d’adulte, je peine à croire qu’elle a pu entretenir une relation avec le premier. Chez Wyatt, il y a un couloir de deux mètres qui mène à sa chambre. Je l’ai aperçu quelques fois en allant aux toilettes. À l’intérieur, il y a un lit défait, sous le lit des mégots qui datent sans doute d’une autre année, sur le sol, une veste de jeans. Quand je quitte son appartement, je sens la cigarette. Je fume quelquefois, pour le plaisir, parce que je veux comprendre l’intérêt. Je n’ai pas une personnalité addictive, je ne deviens pas accroc. Aujourd’hui, je ne pourrais pas imaginer Rosalie dans le décor. Elle est trop rangée et sent trop bon pour rentrer chez lui. Je lui apprends que je le vois encore, parce que sur certaines choses, je préfère être honnête. Se laisser prendre à faire des mensonges saugrenus persuade les gens qu’on est incapable de mentir. Échapper quelques vérités qui font mal confirme qu’on est une personne intègre. Je lui dis qu’il est de la famille. « T’es bien la seule à penser ça. » Je fronce les sourcils. Évidemment que les autres ne l’aiment pas, Rosalie n’est pas tout à fait innocente là-dedans non plus. C’est correct de vouloir le support de sa fratrie, mais sa tendance à se victimiser en tapant sur lui me met les nerfs à vif. Je grogne. « Comme avant ? T’avais treize ans Wendy, tu le vois sûrement pas pour lui montrer que tu te souviens encore de la chorégraphie de Push it. » « Non, mais c’est si difficile pour toi de penser qu’on puisse me voir parce qu’on apprécie ma compagnie ? Tu sais, moi aussi des fois, j’ai des trucs à dire. J’suis pas écrivaine, mais j’suis pas vide non plus. » Je renifle et tourne la tête sur le côté. Me voilà également à cran. Si je pouvais, je quitterais la voiture et la laisserais la magasiner toute seule sa robe, tiens ! « J’veux dire… j’ai du mal à imaginer ce que vous pouvez faire ensemble, aujourd’hui. » « T’as bien raison. On s’assoit, on fixe le vide et on attend que l’heure passe. » Le silence s’étire entre nous. Je continue d’explorer sa playlist pour passer mes nerfs. Je lui demande finalement si elle ne l’a jamais revu. Je me fiche un peu de sa réponse. Rosalie ne s’abaisserait jamais à trainer avec le Parker : elle est tellement au-dessus de tout ça. « Quelques fois. Dans des évènements littéraires. » Je roule les yeux devant l’absence de pertinence de ses histoires. Pour une fois, j’aimerais qu’elle sorte des grands mots et qu’elle parle avec ses mains : ça serait renversant de l’entendre dire qu’elle a fait une rencontre choc. Le comble serait qu’elle me raconte que son cœur a explosé et qu’elle n’avait qu’une envie : se jeter dans les bras de son ex. Hélas, elle est trop bien mon ainée. Elle ne connait pas la passion et les amours qui torturent. « Pas souvent. Et on se parle pas vraiment, normalement. » « Pas surprise qu’il ne l’ait jamais mentionné. » L’absence de mot meuble le reste du voyage. Nous voilà dans notre zone de confort, à des milles l’une de l’autre dans nos esprits. Je délaisse sa liste de lecture et mets une chanson de Léonard Cohen. C’est une chanson qui parle d’un amour qui se termine entre deux êtres et se quittent en se souhaitant le meilleur.
Now so long, Marianne, it's time that we began To laugh and cry and cry and laugh about it all again
For now I need your hidden love I'm cold as a new razor blade You left when I told you I was curious I never said that I was brave
*** La boutique sent toujours le savon de vieille dame. Les planchers sont fraichement cirés, on pourrait y manger. La couturière a les mêmes mains en serres que dans mes souvenirs et elle me tâte comme si j’étais un bœuf aux enchères. Renfrognée, je regarde dans le vide. Elle me sermonne sur mes manières. J’ai envie de lui montrer mes dents et grogner comme un caniche : ça lui donnerait une raison de gueuler. Elle prend mes mesures et multiplie les rubans autour de moi. Elle pose un patron sur mon épaule avec des aiguilles dessus. « Aïe. » La vieille ne m’a pas piqué, mais j’ai besoin de chialer, pour être désagréable. Je reçois sur-le-champ une gifle sur le revers de la main. Probablement psychique en plus d’être un vieux serpent celle-là. Aussitôt arrivée, aussitôt disparue de la salle d’essayage. Je me mets en sous-vêtements, sachant qu’une pile de robes m’attend sur le banc. Sur la table, il y a un monceau de gâteaux, mais je n’ai pas le goût de manifester qu’ils me font envie. Ça signifierait que je me prête à son jeu. Je glisse dans la soie finement travaillée en maugréant. « Il y a tellement d’épaisseur, impossible de savoir par où passer. Est-ce l’entrée ? Est-ce une manche ? Aucune idée, ce n’est un ensemble de rideaux. » J’émerge enfin et prends une bonne goulée d’air. Ce n’était pas trop tôt. Je me cambre pour attraper la fermeture éclair. « Non, mais t’as vu ça ? J’ai l’air d’un pétunia. » Mon corps se tourne face à elle, mes yeux la maudissent par tous les dieux. Sur le sol, mes vêtements, mon sac et ses affaires parfaitement rangés forment mon unique public. Comme une dame, elle a choisi de se dévêtir derrière le paravent. Elle lisse le tissu, je l’entends. Son temps, elle le prend, comme si elle repoussait le moment de faire ses vœux. J’enjambe mes chaussures, énervée par l’attente et attrape un gâteau dans lequel je m’apprête à croquer. Or, la vieille dame, plus subtile qu’une couleuvre, se glisse jusqu’à moi et me le fait lâcher la collation d’une petite claque. Je secoue la main sous l’effet de la douleur. « Non, mais ça va, c’est la deuxième fois. Ça suffit ! » Ma moue devient aussitôt boudeuse. « Pas dans les robes mademoiselle. Avant ou après. » D’un geste précis, elle échange un morceau pour un autre sur le banc, avant de disparaitre à nouveau. « Qu’est-ce que tu penses de celle-là ? » Resplendissante, la femme modèle se place sous le projecteur pour me faire profiter de la vue. La robe est un peu trop grande, mais rien qui n’est pas modifiable. Son buste est mis en valeur et la coupe dessine ses hanches en forme de sablier. Je ne peux pas nier, elle est magnifique. « Sublime, mais je ne peux m’empêcher de me demander… Nos parents éloignés, ils apprécieront ce décolleté ? J’veux dire, on ne veut pas d’un scandale. » Je regarde au-dessus de mon épaule pour surveiller l’artisane, puis récupère ma pâtisserie pour l’enfourner à moitié dans ma bouche. Mes yeux roulent dans leur orbite, alors que le sucre glacé me fait une moustache. Je pose mon trophée sur une assiette, m’essuie les doigts sur une serviette avant de revenir sur mes pas. « J’veux dire, j’suis complètement fan du Drama, mais après, c’est pour toi. » Je lui fais un clin d’œil et m’élance de l’autre côté de la pièce. Je farfouille les étalages de robes de mariés et en tire une au hasard. « Essaie celle-là? Peut-être ? » |
| | | | (#)Dim 25 Avr 2021 - 9:00 | |
| i i wanna feel sunlight on my face i see that dust cloud disappear without a trace i wanna take shelter from the poison rain where the streets have no name
« J’aime mieux être contente avec plusieurs filles, que d’être malheureuse comme Maman avec une seule personne. » Et comme toi aussi, Rosie. Elle n’a aucune idée de l’impact de ses mots, ta cadette, mais ils lassèrent de partout alors que tu continues de regarder droit devant, alors que tu continues de faire semblant de rien. Il y a longtemps que ta mère a arrêté de jouer la comédie devant vous, ne gardant le tout que devant les invités multiples, que pour les soirées ou elle se perd pourtant dans les multiples verres de vin. Toi, tu arrives encore à faire semblant. Il commence bel et bien à y avoir des failles dans ton jeu, tu n’es certainement plus aussi convaincante que tu pouvais l’être avant les fiançailles, avant que les choses ne dérapent une fois de trop avec Wyatt, mais tu parviens encore à maintenir la façade assez pour que ta petite sœur, ni personne d’autre, ne se pose pas de question. « Toi, tu peux pas comprendre ce que c’est de chercher; de pas savoir. T’es heureuse, t’as trouvé ton comptable avec qui jouer au couple de l’année. C’est pas tout le monde qui tire le bon numéro direct. » Jouer au couple de l’année. Ça t’arrache un soupir, mais pas pour les raisons qu’elle va s’imaginer Wendy. « Je reste d’avis que c’est pas en s’éparpillant dans quinze relations en même temps que tu vas trouver ce que tu cherches. » Tu exagères sans doute un brin, tu espères sincèrement que ta sœur n’est pas le genre à fréquenter quinze filles différentes en même temps, mais la vérité c’est que tu n’en as pas la moindre idée. Jamais qu’elle ne viendrait vers toi pour parler de ces choses-là. C’est à Rory qu’elle se confie, la benjamine. « Et je dis pas que de rester en couple avec quelqu’un qui nous rend malheureux est la solution non plus. » Alors pourquoi tu le fais Rosalie? « Mais je veux croire qu’il y a un juste milieu. » Et dans un monde idéal, Lachlan serait ton juste milieu. Mais le monde idéal, il n’est pas fait pour toi, clairement. Tu jettes un coup d’oeil furtif dans la direction de ta sœur et tu ne peux t’empêcher de te demander ce qui a bien pu se passer entre toi qui ressent le besoin absolu de suivre les traces de tes parents tout en sachant que ce n’est que foutaise et prétention, et elle qui réclame une liberté qui te fait envie terriblement, liberté que tu as longtemps trouvé dans les bras de Wyatt, liberté qui te coûte cher pourtant et qui au final, aura sans doute fait plus de mal que de bien. C’est un sujet épineux que de parler de Wyatt, tu le savais avant même de poser la question, mais tu n’avais pas réaliser à quel point tu te mettrais sur la défensive. T’aurais dû savoir pourtant que Wendy ne te laisserait pas l’attaquer sans se défendre en retour. « Non, mais c’est si difficile pour toi de penser qu’on puisse me voir parce qu’on apprécie ma compagnie? Tu sais, moi aussi des fois, j’ai des trucs à dire. J’suis pas écrivaine, mais j’suis pas vide non plus. » « C’est pas ce que j’ai dit. » Tu ne peux t’empêcher de rouler des yeux légèrement, bien que tu évites délibérément de te retourner vers elle. Tu le sens bien qu’elle est en train de s’énerver aussi, ce qui ne fait qu’augmenter la tension générale dans la voiture, tes doigts désormais complètement crispée sur le volant, les traits de ton visage tirés par l’agacement que tu ne parviens plus à camoufler. « T’as bien raison. On s’assoit, on fixe le vide et on attend que l’heure passe. » « Fais pas l’idiote Wendy. » Elle te prend pour une conne et tu détestes ça, tu détestes pas savoir comment contrôler cette discussion et tu détestes que chaque fois qu’un moment en tête à tête avec ta petite sœur se présente, ce dernier se retrouve automatiquement gâché par vos caractères opposés. Ils sont las, les soupirs. Elle est suffocante, la tension. Soudainement, ce n’est plus vraiment à propos de Wyatt, de ce qui est ou de ce qui n’est pas. C’est entre elle et toi que ça ne passe pas, que ça n’a jamais passé, pas comme ça devrait. « Pas surprise qu’il ne l’ait jamais mentionné. » Tu ne pourrais dire si elle le dit volontairement pour te faire mal, ou si c’est la simple conclusion de cette discussion, mais ça pince plus que ça ne te soulage, même si tu sais que c’est pour le mieux, que ton nom ne sorte jamais entre eux. Pour le mieux de faire comme si de rien était. Il ne reste plus rien de toute façon. C’est le silence complet qui prend le dessus, tu entends à peine la musique qu’elle choisit, les pensées ailleurs. Les pensées avec lui, comme toujours, là ou tu n’as plus le droit d’être mais ou tu te retrouves sans cesse. * * * Wendy se plaint de quelque chose, mais tu n’écoutes pas. Tu entends aussi la voix de la couturière, mais ton attention est complètement portée sur l’amont de tissus blanc qui tombe en cascade le long de ton corps. Ton reflet dans le miroir renvoie l’image d’une femme à l’allure élégante dans cette robe de mariée collée au corps, mais tout ce que tu vois, c’est ce qui manque. Le sourire que tu t’imaginais avoir à la simple idée d’enfiler une longue robe blanche, la certitude que tu t’imaginais ressentir quand viendrait le temps de lier ta vie à celle d’un autre. Les papillons dans le fond de ton ventre qui ne sont pas, remplacé plutôt par un boule dans le fond de ton estomac dont tu es incapable de te débarrasser. Il est loin, le conte de fée et ton moment de princesse, celle que t’as jamais vraiment admis vouloir, sauf à Wyatt, il y a trop longtemps de ça. « Non mais t’as vu ça? J’ai l’air d’un pétunia. » C’est la voix, ou plutôt les plaintes de ta sœur qui te ramène dans le moment présent et tu retiens un soupir. « Attends un peu avant de l’enlever, je veux voir. » Wendy qui en a déjà marre d’être ici, et toi aussi si t’es parfaitement honnête. Tu prends le temps de bien faire les choses toutefois avant de sortir, de t’assurer que la robe est ajustée au mieux même si dans les faits, elle est un peu trop grande pour toi. C’est d’une oreille inattentive que tu entends un autre échange entre Wendy et la couturière, si ça se trouve, vous ne ferez pas long feu dans la boutique avant que la vieille dame n’ait envie de vous mettre dehors. Tu sors enfin et tu retiens un rire alors que la robe n’est pas complètement flatteuse pour une Wendy qui tire une longue tête. « Je crois que c’est pas ta couleur. » que tu parviens à dire, te pinçant toujours les lèvres pour retenir un fou rire. Tu ne voudrais surtout pas insultée la couturière qui semble déjà avoir ses mains pleines avec ta sœur. « J’ai promis à Talia pas de pastel. Essaye plutôt celle-là. » Tu lui tends une robe d’un bleu royal avant de finalement lui demander son avis sur la robe que toi tu portes. « Sublime, mais je ne peux m’empêcher de me demander… Nos parents éloignés, ils apprécieront ce décolleté? J’veux dire, on ne veut pas d’un scandale. » Ton regard descend automatiquement sur ton décolleté qui est plongeant, en effet, même s’il ne t’était même pas passer à l’idée que ça pourrait être trop. « Je crois que peu importe ce que je choisi, il y aura quelqu’un pour se plaindre de quelque chose. » Votre mère la première, sans aucun doute. Elle avait déjà une longue liste de choses qui ne semblaient pas lui plaire, même si en soit, tu ne faisais qu’approuver ses décisions à elle, bien incapable de t’investir dans les préparatifs comme tu le devrais. « J’veux dire, j’suis complètement fan du Drama, mais après, c’est pour toi. » Tu te regardes plus longuement dans le miroir. T’as pas l’impression que cette robe-là soit exactement ce que tu recherches, ce qui te fait rêver. Tu finis par secouer doucement la tête alors que Wendy te tend une nouvelle robe à son tour. « Essaie celle-là? Peut-être? » La robe que Wendy te tend est magnifique, style bien plus princesse que celle que tu portes présentement. Le genre de robe que tu aimerais porter, mais qui ferait sans aucun doute soupirer ta mère. « Tu penses pas que c’est trop de dentelles? J’imagine déjà maman se plaindre du manque de classe. » Et peut-être que c’est pour cette raison que tu décides finalement de l’essayer, de te permettre le rêve ne serait-ce qu’un petit peu, même si tu sais au fond, que ton choix ne s’arrêterait jamais sur une telle robe. « T’en penses quoi? Honnêtement. » Tu avais peur de regarder trop longtemps, d’aimer ça un peu trop alors que tu savais que ce n’était qu’une chose de plus que tu ne pouvais pas avoir. |
| | | | (#)Mer 5 Mai 2021 - 16:55 | |
| Enfant, je lisais beaucoup de roman de science-fiction. J’aimais l’idée d’échapper à la réalité et d’enfiler le costume d’un personnage qui ne pourrait jamais refléter l’univers qui est le mien. Ces histoires étaient sombres, mais les héroïnes réussissaient toujours à faire au mieux de leur situation. Il y avait un sentiment qui liaient chaque protagoniste et c’était l’idée de ne pas concorder avec la norme ou de parler un langage différent que celui de la majorité. Ce sentiment, je le connais et il se manifeste principalement quand j’échange avec ma sœur. Car Rosalie, elle a sa propre vision du monde et une philosophie de vie qui ne me correspond pas. En sa présence, j’ai toujours l’impression de discuter avec un mur de bois ancien. Rigide et insensible aux intempéries. Elle me sermonne sur mes relations et ma façon d’aborder les autres. Pour elle, je ne fais que me mettre les pieds dans les plats. Si elle apprenait que je partage la couche d’une femme beaucoup plus âgée, ce serait probablement la fin des haricots. La fin des haricots… Une expression que j’affectionne particulièrement. Lorsque le mode de production des familles était limité à l’agriculture, la fin des haricots signifiait la fin des vivres. Je me plais à penser que ma façon de vivre évoque la fin du monde pour mon ainée. « Je reste d’avis que c’est pas en s’éparpillant dans quinze relations en même temps que tu vas trouver ce que tu cherches. » « Comme si tu savais ce que je cherche. Charrie pas ! » La conversation s’étire plus que nécessaire. J’ai envie de la mettre en sourdine. « Et je dis pas que de rester en couple avec quelqu’un qui nous rend malheureux est la solution non plus… Mais je veux croire qu’il y a un juste milieu. » Le milieu, ce n’est pas un concept que je n’affectionne pas. Les extrêmes, c’est là où je me sens le mieux, c’est la recherche de sérotonine qui me garde en vie. Souvent, la peur de la stabilité me tenaille l’estomac et engendre des nuits d’insomnie. Un jour, ça va finir par me rattraper, mais c’est un problème pour la Wendy du futur.
*** Cette robe est mon pire cauchemar et le reflet de tout ce que j’ai toujours détesté. J’ai l’air de la jeunesse chrétienne. Plus les minutes s’accumulent dans cet accoutrement, plus je risque de faire un discours sur les bienfaits de la chasteté. « Attends un peu avant de l’enlever, je veux voir. » « Si tu tardes trop, je vais commencer à chanter des cantiques et ce sera ton problème. » Mon humeur devient le problème de tout le monde. À l’image des planches d’un navire qui craquent pendant une tempête, je gronde de mécontentement. « Je crois que c’est pas ta couleur. » Un reniflement démontre mon assentiment. Rosalie a bon gout, elle a l’œil et fait des choix judicieux, contrairement à la sorcière du magasin. Son mariage fera plaisir aux parents, certes, mais le résultat final sera le reflet du sens esthétique de la brune. « J’ai promis à Talia pas de pastel. Essaye plutôt celle-là. » La Craine, elle n’admettra jamais que j’ai raison, elle préfère dire que l’idée vient de n’importe qui sauf moi. C’est sa façon d’approuver mes décisions, pour ne pas reconnaître que je ne suis pas complètement débile. J’imagine que c’est le travail d’une grande sœur d’être désagréable. La bouche pleine de gâteau, je commente son choix de robe, juste pour l’énerver. Compliquer les choses ? Moi ? Jamais ! « Je crois que peu importe ce que je choisis, il y aura quelqu’un pour se plaindre de quelque chose. » « Sage parole, c’est pour ça que je fais systématiquement le contraire de ce qu’ils attendent de moi. Tant qu’à chialer, ils devraient le faire pour de bonnes raisons. » Du bout des doigts, tout en me dandinant d’un pied à l’autre, j’attrape la fermeture éclair de la robe. Le tissu glisse sur mes hanches, tandis que je m’extrais des nombreuses épaisseurs. Soulagée, je récupère la robe bleue que m’a désignée ma compagne. Le matériel est beaucoup plus agréable au toucher et la couleur est beaucoup plus flatteuse pour mon teint. Pendant ce temps, elle essaie le nouveau morceau que je lui avais montré. Notre après-midi me rappelle l’enfance, alors que je faisais défiler mes Barbie dans des robes plus colorées les unes que les autres. Rory était patient, il prenait souvent le temps de regarder mes prestations. Aujourd’hui, c’est Rosie qui joue le rôle de la poupée. Je soupire en pensant aux conseils de Rory qui brillent par leur absence. C’est lui qui devrait aider notre ainée et non pas moi. — J’espère simplement que nous nous en sortirons en meilleur état que les Barbie de mon enfance. En effet, plusieurs avaient fini sans tête. Enfin, nous nous retrouvons face à l’autre. J’aurais aimé pouvoir dire que nous nous reflétons l’une et l’autre, mais ce serait mentir. Nous ne nous ressemblons pas tellement. Je suis le portrait de papa et elle celui de maman. « Tu penses pas que c’est trop de dentelles ? J’imagine déjà maman se plaindre du manque de classe. » Elle a l’air d’un chou à la crème. Ma lèvre supérieure tremble un peu alors que je retiens un fou rire. Je ne peux pas croire qu’elle m’ait écouté. Je n’ai aucun véritable sens du style. « T’en penses quoi ? Honnêtement. » Je n’en peux plus et j’éclate de rire de façon mécanique. Je me couvre la bouche pendant que le rouge me monte aux joues. « Si tu t’étais mariée avec Wyatt back in the days… MAYBE! Mais… » Mes paroles sont entrecoupées par les signes de mon hilarité. « T’as l’air d’une fille de la campagne qui a planifié son mariage depuis qu’elle a sept ans. C’est tout droit sorti d’un scrapbook, c’est débile. » Les secousses me font mal aux côtes alors que je tente de calmer mon amusement. Puis, sans prévenir, je reçois une nouvelle claque sur la main. La couturière s’est glissée derrière moi, plus subtile qu’un chat. Je couine en conséquence de la douleur aiguë qui me picote le poignet. « Mademoiselle, cessez votre impertinence et respectez mon travail. » J’ouvre de grands yeux, légèrement honteuse d’avoir été prise sur le fait. « Je n’ai pas… C’était pas contre la robe… mais… Rosie… » Elle hausse les sourcils pour m’intimer le silence et ça fonctionne. Je retrouve aussitôt mon humeur massacrante et gonfle les joues. « Si vous avez terminé votre petit jeu, je vous inviterai à vous rhabiller et sélectionner les robes qui seront nécessaires pour la cérémonie. Je ne veux plus entendre votre voix de crécelle d’ici là. » Levant les bras, je fais passer la création au-dessus de ma tête et la laisse tomber sur le plancher. Puis, enchainant les gestes vifs, je récupère mes vêtements en faisant le plus de tapage possible. « Non, mais c’était pas la peine de m’amener jusqu’ici, si c’était pour vous liguer toutes les deux dans le but de vous assurer que toute trace d’amusement disparaît de l’univers. » Une fois habillée, je retourne vers l’avant de la boutique à grandes enjambées. |
| | | | (#)Sam 15 Mai 2021 - 4:34 | |
| i i wanna feel sunlight on my face i see that dust cloud disappear without a trace i wanna take shelter from the poison rain where the streets have no name
Tout de cette sortie était une mauvaise idée, tu le savais dès le départ et pourtant, tu as voulu croire que les choses pouvaient se passer autrement. Vous n’êtes même pas rendues à destination que tu as déjà la preuve que certaines choses ne changeront sans aucun doute jamais et ta relation avec Wendy fait sans aucun doute partie de ces choses. Le silence s’installe alors que les derniers kilomètres filent sous vos yeux. Et si tu es habituée au silence qui habite en semi-permanence entre Wendy et toi, il n’a rien de confortable, il n’a rien d’agréable. Il n’est que la preuve une fois encore que tu ne sais pas être une bonne grande sœur, la preuve une fois encore que vous n’arriverez sans doute jamais à vous comprendre. Les robes aux différents tissus et matériaux s’étendent sous vos yeux, et si l’ambiance est légèrement moins lourde ici qu’elle ne l’était dans la voiture, ce n’est pas tout à fait ce que tu t’étais imaginée. Wendy ne porte pas tout le poids de tes déceptions toutefois, tout de ce moment est à l’opposé de ce que tu avais bien pu t’imaginer en grandissant. Il est loin, le moment des contes de fée. Elle est inexistante, l’histoire d’amour parfaite et sa conclusion heureuse. Ce moment, comme tout le reste, n’est que show de boucane pour cacher ce qui se trame vraiment derrière les rideaux, ce que tu n’admets jamais à haute voix mais qui te ronge de l’intérieur. « Si tu tardes trop, je vais commencer à chanter des cantiques et ce sera ton problème. » Tu roules des yeux et tu soupires, assez fort pour qu’elle puisse entendre, la benjamine. Pas question qu’elle se mette à faire l’idiote alors que la couturière semble déjà user du peu de patience qu’elle possède avec ta sœur. La robe est une horreur et tu ne tardes pas à lui offrir une alternative alors que de ton côté, tu n’es pas non plus certaine de la robe que tu portes actuellement. Elle est simple, élégante, mais loin de la robe de tes rêves, tu le sais bien au fond. « Sage parole, c’est pour ça que je fais systématiquement le contraire de ce qu’ils attendent de moi. Tant qu’à chialer, ils devraient le faire pour de bonne raison. » Ça t’arrache un rire, mais jamais que tu ne serais en mesure de faire comme elle, de penser comme elle. T’as pas été conditionné comme ça, t’as appris à faire ce qu’on attend de toi et à fermer ta gueule.
Mais à quel prix?
Tu essayes une nouvelle robe et elle aussi. Une fois l’une en face de l’autre, tu prends le temps de la regarder de haut en bas. Le bleu royal lui va à merveille et la robe est beaucoup avantageuse sur sa silhouette que la précédente. Tu essayes d’imaginer Talia et la sœur de Lachlan dans cette dernière, ça te semble déjà être un choix plus prometteur que le précédent. Tu sais toutefois qu’à un moment ou un autre, il te faudra revenir avec toutes tes demoiselles d’honneur et tu appréhendes déjà, quand bien même cette première visite n’est même pas encore terminée. C’est sans réaliser que tu l’as dit à haute voix que tu lâches un « T’es magnifique » à l’écart de ta sœur avant de finalement lui demander ce qu’elle pense de la robe que tu portes. C’est sûrement trop, beaucoup trop, tu vois l’hésitation dans son regard pendant quelques secondes. Et puis elle éclate de rire et ton visage tombe automatiquement. T’as l’air ridicule, elle a même pas besoin d’ouvrir la bouche pour que tu le comprennes et tu peines à ne pas prendre sa réaction trop personnel. « Si tu t’étais mariée avec Wyatt back in the days… MAYBE! Mais... » « La ferme Wendy. » Il est dur, le ton avec lequel tu répliques instantanément à la mention de Wyatt. Mais elle en ajoute encore, ta petite sœur, comme si elle ne voyait pas à quel point tout de cette situation est en train de te faire perdre le peu de patience qu’il te restait. « T’as l’air d’une fille de la campagne qui a planifié son mariage depuis qu’elle a sept ans. C’est tout droit sorti d’un scrapbook, c’est débile. » « J’ai dit la ferme Wendy. » Tu répètes, toujours aussi sterne alors que tu retournes dans ta cabine et ferme le rideau, incapable de regarder le visage hilare de ta sœur plus longuement. Tu arracherais presque cette robe trop de dentelles de ton corps, t’assures toutefois de ne rien briser alors que tu la fais glisser le long de ta silhouette. Tu n’as même pas réaliser que la couturière s’était rapprochée de vous jusqu’à ce que sa voix s’élève à nouveau, pleines de reproches pour ta cadette.
« Mademoiselle, cessez votre impertinence et respectez mon travail. » « Je n’ai pas… C’était pas contre la robe… mais… Rosie... » « Si vous avez terminé votre petit jeu, je vous inviterai à vous rhabiller et sélectionner les robes qui seront nécessaires pour la cérémonie. Je ne veux plus entendre votre voix de crécelle d’ici là. »
Tu finis de te rhabiller au même moment, tire le rideau au moment même ou Wendy commence une scène digne d’une adolescente pétulante qui n’aurait pas obtenue ce qu’elle veut. Elle tape ta petite sœur, se défait de la robe sans aucune délicatesse, laisse tomber le vêtement sur le sol alors qu’elle récupère ses affaires. « Non, mais c’était pas la peine de m’emmener jusqu’ici, si c’était pour vous liguer toutes les deux dans le but de vous assurer que toute trace d’amusement disparaît de l’univers. » Et là voilà qui enfile ses vêtements à toute vitesse, dans le silence le plus complet avant de disparaître à l’avant de la boutique. Tu hoches la tête, éternellement gênée des comportements de ta sœur. Tu t’excuses auprès de la couturière, la rassure lui disant que tu vas revenir sans Wendy la prochaine fois, que tu n’as pas encore fait de choix final mais que tu allais être en contact avec elle dès que possible. Tu imagines déjà la conversation entre ta mère et la couturière, le sermon que tu vas te prendre de pas savoir tenir ta sœur tranquille par ta mère, comme si t’étais en contrôle d’une Wendy qui aura toujours été la plus sauvage des Craine. Tu finis par la rejoindre à l’extérieur et tu lui offres un regard noir. « Tu sais vraiment pas te tenir Wendy. Tu m’fais honte. » Et ce sont les seuls mots que tu lui offres alors que tu viens t’installer derrière le volant de ta voiture. Elle fini par prendre place à tes côtés et tu ne lui donnes pas la possibilité de choisir la musique cette fois. Tu choisis volontairement la pire de tes playlists, laisse la musique remplir le lourd silence. C’est sans un mot, sans un regard que vous faites le chemin inverse jusqu’à Brisbane, jusqu’à l’entrée qui mène au manoir des Craine. Pas question que tu y mettes les pieds aujourd’hui, t’es pas d’humeur à tolérer les commentaires d’une Frances intoxiquée, ni les plaintes d’un Mark qui n’est jamais content de rien. Tu ne dis rien, ne regarde même pas Wendy alors qu’elle sort de la voiture. Tu ne t’assures même pas qu’elle soit bien rentrée avant de redémarrer la voiture et de reprendre la route. Mais pas pour aller chez toi. N’importe ou mais pas là-bas. Mais elle est lourde, la réalisation, quand tu comprends que tu n’as nul part ou aller. |
| | | | | | | | where the streets have no name (craine sisters #1) |
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