Il n’y avait pas d’ombre au tableau. Tout était parfait quand enfin nous nous autorisions à être un couple. A être ce que nous nous sommes refusés depuis des mois, parce qu’il n’y avait pas de place pour moi dans sa vie, cette même vie que je n’étais pas certaine de pouvoir accepter. Mais les sentiments étaient bien trop fort pour être ignorés. Alors depuis des jours, voire des semaines, le cadre était idyllique… Il n’y avait plus de soirs ou de nuits passées seules, il n’y avait plus de petit déjeuner monotones où mon regard vide fixé le liquide noir de mon café tournoyer dans la tasse, pensant à lui, pensant au manque de sa présence. Parce que, désormais, presque chaque matin, presque chaque soirée, presque chaque nuit était passés à ses côtés. Et lorsque cela n’était pas possible, je savais que je le retrouverai bientôt. Il n’y avait plus cette crainte que ce ne soit qu’un moment accordé, le moment de trop qui ferait encore plus mal au moment de la séparation. Cette dernière l’était moins... Elle le restait quand même en sachant ce qu’il faisait au moment où il me quittait. Une appréhension que quelque chose puisse lui arriver, que j’apprennes qu’il s’est fait prendre par les flics ou pire… Une pensée que je tentais d’étouffer quand pourtant cette crainte était omniprésente tous les jours…
Le réveil à ses côtés ce matin est doux, agréable lorsque son étreinte se resserre sur moi. A regrets, je quitte cette douceur pour retrouver cette réalité, celle qui m’oblige à me lever pour me rendre au Brisbane Times un peu plus tard dans la matinée… A regrets aussi quand désormais je sais que, quelques minutes plus tard, il y aura ces trois coups derrière la porte qui vont chambouler cette matinée qui avait pourtant si bien commencé…
***
En une fraction de secondes, tout s’est écroulé. Il a réussi à détruire une amitié, un lien si fort entre sa sœur et moi. Juste parce qu’il pensait bon de venir exprimer des regrets qui n’ont plus lieu d’être quand il n’y aura plus jamais rien entre nous. Quand il est venu me supplier de retrouver ce que nous avions deux ans plus tôt, quand il a su ressortir à maintes reprises l’histoire de ce baiser d’adieu qui ne semblait pas en être un pour lui lors de ce matin de novembre. Nos échanges dans ce couloir ne sont pas passés inaperçu, sa sœur ayant été en première ligne. Une relation qu’elle ignorait entre Mason et moi, parce qu’il n’a jamais été question de l’avouer à qui que ce soit. Une relation qu’elle nous a reproché, qu’elle ne peut accepter quand ce même frère n’est pas digne d’en être un à ses yeux. Quand elle se rend compte que, celle qui se prétend être sa sœur de cœur, lui a, au final, menti. Elle tourne les talons, disparaissant si soudainement que je ne m’en suis pas aperçue. Parce qu’elle n’est pas la seule à avoir surpris cette conversation. Alec aussi a entendu cet échange. Il en est sorti de l’appartement quand la voix masculine derrière la porte se faisait oppressante sur celle qui était sienne désormais. Quand il y a eu des mots prononcés qui ont dû éveiller des soupçons chez lui… Alors, quand tout le monde disparait dans ce couloir, nous laissant que tout les deux, il finit par lui aussi me tourner le dos…
Je ressens de la colère et de la haine envers Mason. Je bouillonne encore alors que ses derniers mots résonnent dans ma tête au moment même où je pénètre à nouveau dans l’appartement. La porte se claque derrière moi quand je sais que, par sa faute, j’ai perdu Dylane… mais que je vais aussi devoir avoir une explication avec Alec à son sujet. Une explication que je n’ai pas envie d’avoir quand Mason n’a plus d’importance et que je préférerais ne plus avoir à parler de lui. Alec revient de la chambre, habillé complètement cette fois, alors que je suis statique dans le salon. Je remarque immédiatement la froideur dans ses yeux, une de celle que je n’ai plus eu l’occasion de voir depuis des mois… « C’est pas personne, alors, c’est qui ? ». Un long soupir s’échappe de mes lèvres, traduisant aussi mon énervement « D’après toi ? ». Je sors sèchement, parce qu’il a entendu suffisamment de choses pour le comprendre par lui-même. Je me résigne cependant à lui répondre, le contournant pour aller récupérer mon carnet sur la table basse du salon « Mon ex », je lance alors sans même le regarder. Je n’arrive pas à rester en place tellement la colère est omniprésente, et peut-être aussi parce que je n’ai pas envie d’affronter son regard. Je me retourne vers lui « Et comme je te l’ai dit, il n’a pas d’importance. Il n’y a aucun intérêt à ce qu’on en parle, je n’en ai pas envie, pas maintenant, Alec ». Pas après ce qu’il venait de se passer, pas quand ma colère serait injustement tournée contre lui alors qu’il n’y était pour rien. Mon ton est sec, mon regard peu compatissant. Je le contourne à nouveau pour aller ranger mon carnet dans mon sac, m’apprêtant à partir pour me rendre au travail. Une manière de fuir cette conversation même si je doute qu’Alec me laisse partir de la sorte.
La confrontation est inévitable. Parce qu’il n’y a aucun doute, lorsque je pénètre à nouveau dans l’appartement, où Alec m’attend de pied ferme, planté au milieu du salon, qu’il attend une explication de ma part sur ce qui venait de se passer. Est-ce que je pouvais vraiment lui reprocher ? Quand il a entendu des paroles qui ne pouvaient que l’amener à se questionner ? Quand Mason a évoqué ce baiser qui a eu lieu quelques mois plus tôt, quand il a évoqué cette relation que nous avons eu, ses regrets de m’avoir perdu ? Et surtout son souhait de me retrouver ? Mais je fuis, je n’ai pas envie d’avoir cette conversation maintenant, je n’ai pas envie de lui en parler quand je ne sais pas moi-même quoi en penser, prise au dépourvu par tout ça. Ma réponse est froide, mon attitude tout autant, le contournant quand il me demande qui était Mason. Il y a de l’ironie aussi dans ma réponse, comme s’il avait besoin que je lui précise pour qu’il comprenne « J’en sais rien Mia, vu que je suis pas… au courant ». Je me mords la langue à ce moment là pour pas lui répliquer que ce serait malvenu de sa part de me reprocher qu’il ignore quelque chose à mon sujet, quand lui n’est pas en reste sur les secrets. Je préfère me retenir, le contournant à nouveau pour enfouir mon carnet au fond de mon sac et prendre la direction de la sortie, après lui avoir dit que je ne voulais pas en parler, car cela n’avait pas d’importance. « Pas d’importance ? Aucun intérêt ? T’es sérieuse là ? Et quoi tu vas te casser c’est ça ? ». Il s’interpose sur mon chemin, m’empêchant de quitter l’appartement. « On inverse les rôles », je lance alors sans réfléchir, m’en prenant injustement à lui, laissant ce reproche sortir d’entre mes lèvres quand pourtant, je devrais être en train de le rassurer.
« Ca avait l’air d’être assez important pour qu’il vienne te supplier à ta porte en tout cas. » Je suis agacée, mon regard fixe la porte, le peu que je peux en voir, mais à aucun moment celui-ci vient trouver le sien « Peut-être pour lui, mais pas pour moi ». J’essaye de forcer le passage mais il ne bouge pas d’un poil. « Regarde moi Mia. » Je soupire fortement, me figeant devant lui, posant enfin mon regard dans le sien. Il ne peut y voir que de la colère, rien d’autre. Rien qui ne peux le rassurer, rien qui ne lui montrerai qu’il n’a aucun souci à se faire à propos de Mason… « Laisse-moi passer Alec ! », je demande alors que je tente un pas de plus vers lui pour pouvoir passer, mon regard figé dans le sien. Mais rien n’y fait.
« C’était quand ce baiser ? ». Je n’ai pas le choix, je n’ai d’autres choix que de l’affronter maintenant, ce qui alimente encore plus ma colère. « Tu vas me retenir de force c’est ça jusqu’à ce que je réponde à tes questions ? Bien sûr, suis-je bête, c’est un de tes trucs certainement ». Mon ton est mauvais alors que je laisse tomber mon sac au sol et lui tourne le dos pour venir poser mes deux mains sur le comptoir de la cuisine, ne le regardant plus « C’était il y a des mois… », je prononce calmement avant de me retourner subitement, faisant un pas vers lui alors qu’il me rejoint. Mon regard est toujours fermé et mon ton change, devenant plus sec « C’était en novembre, quand j’ai découvert enfin qui tu étais vraiment Alec ! Quand je t’ai vu dans cette allée avec Geo. Quand, au lieu de me donner des explications, tu as préféré fuir, comme tu sais si bien le faire. Quand encore une fois, tu m’as déçu ». Je l’accuse sans ménagement. J’avance d’un pas de plus vers lui « Lui aussi fait partie de mes déceptions, lui aussi n’a pas fait d’effort pour faire en sorte que ça marche entre nous. Le voir sur cette plage ce matin-là, n’a fait que raviver de vieilles blessures, en plus de celles de la veille, à cause de TON mensonge. Je lui ai balancé en pleine figure tout ce que je n’ai jamais réussi à lui dire, parce que j’ai été bien trop patiente avec lui. Comme je l’ai été avec toi ». Je fais référence à ce mois d’août où j’ai été indulgente, où j’ai beaucoup accepté de choses de sa part. Et où pendant des mois, je me suis accrochée encore et encore à lui quand pourtant, il n’y avait plus aucun espoir. J’oublie ce que nous sommes présentement, et continue sur ma lancée. « Ce baiser ne m’a rien fait Alec ! Je n’ai pas eu le temps de le repousser car il a duré une micro seconde. Parce que je n’ai pas réalisé son geste. Et quand bien même je ne l’aurai pas repoussé, qu’est-ce que ça peut bien te faire ? Après tout, à ce moment-là, je n’étais pas assez importante à tes yeux », je lance alors avec une certaine tristesse qu’il peut déceler même si la colère est toujours bien omniprésente. « Tu n’as pas ton mot à dire de toute façon ».
« Non ». Il se refuse à me laisser passer, me barrant le passage pour que je ne puisse pas m’échapper de cette conversation que je préférerai éviter. Il fait ce pas en avant qui m’oblige à reculer, un geste que je n’apprécie pas, me faisant avoir un regard noir à son encontre, et ce commentaire cinglant quant à ce rapport de force qu’il utilise pour obtenir des réponses, pour m’obliger à parler. « J’ai juste envie de savoir qui est le mec qui a embrassé la femme que j’aime, ça me parait logique comme question non ? ». Je le hais à cet instant d’utiliser cet argument, d’utiliser les sentiments qu’il a mon égard pour expliquer qu’il cherche à en savoir plus quand je ne veux pas en parler. Il me fait cependant culpabiliser d’agir de la sorte, quand justement il clame sans aucun filtre m’aimer, lui qui a toujours été si peu expressif quant à ses sentiments. Une chose que j’ai même pu lui reprocher un bon nombre de fois. Je soupire alors, tournant les talons pour rejoindre la cuisine.
Je lui dépeins alors la situation, lui expliquant à quel moment ce baiser avec Mason a eu lieu et surtout pour quelles raisons. Je lui rejette la faute sur lui quand j’estime que tout ce qui s’est passé sur cette plage en novembre avec Mason est de sa faute. De sa faute quand j’ai découvert sa véritable identité, de sa faute quand il a préféré fuir et disparaitre dans cette ruelle sombre plutôt que de m’expliquer, de se battre pour me retenir. Et même s’il y a une part de vérité dans tout ça, je suis quand même hypocrite de lui rejeter entièrement la faute. Parce qu’il y a plus que son mensonge, qu’il y a aussi mon passé avec Mason, notre passé, cette relation que j’ai eue avec lui il y a de ça deux ans maintenant. Cette sensation d’inachevé dans une relation où j’ai trop donné, où j’ai essayé de le sauver de ce gouffre dans lequel il sombrait peu à peu. Que des années après, rien n’avait changé et qu’il y avait cette rancœur perpétuelle que j’ai voulu taire pendant trop longtemps. Des mots exprimés des deux côtés et puis ce moment d’apaisement où il y a eu cet appel à l’aide sa part, me demandant de ne pas le laisser… Ce baiser qu’il m’a fait, ce baiser d’adieu qu’il avait qualifié, entraînant des larmes par le trop plein d’émotions ressentis à cet instant là…
« Pas assez importante ? ». Il répète mes derniers mots, mon regard vient retrouver le sien à ce moment, attendant cette réaction que je redoute de sa part « Tu penses que t’étais pas assez importante ? Tu crois que ça ne me fait rien de savoir que quelqu’un d’autre t’a embrassé pendant ces mois-là ? Que t’as sûrement été avec d’autres personnes depuis l’été dernier Mia ? Tu crois que j’en ai rien à foutre ? Tu crois que je serais revenu si je n’en avais pas quelque chose à faire ? Putain j’essaye de t’oublier depuis des mois, de passer à autre chose, de te laisser vivre ta vie. Pas parce que t’étais pas assez importante Mia. Parce que tu es trop importante et que je ne voulais pas t’embarquer dans cette vie ! ». Je ressens la colère dans chacun de ses mots, et il a ce geste en venant m’attraper par l’avant-bras pour que je daigne le regarder. Mes sourcils se froncent, quand pourtant ses mots me touchent. Mais la colère l’emporte « Comme si tu étais blanc comme neige de ton côté. Parce que j’ai été la seule à avoir eu d’autres personnes que toi pendant ce laps de temps Alec ? Toi qui a su me dire que tu n’étais pas fait pour les relations sérieuses, toi qui m’a rejeté avec une telle indifférence ? Viens, on fait le compte si tu veux, à celui qui l’emporte. Mettons les choses au clair dès maintenant pour ne pas qu’un tel épisode comme celui-ci se reproduise à nouveau. Au cas où, qu’à ton tour, une de tes ex se pointe un bon matin sur le pas de ta porte. Il n’y aura pas d’effet de surprise comme ça ! ». Je n’arrive pas à me dégager de son emprise mais je n’essaye même pas alors que je me suis même approchée, mon visage non loin du sien alors que j’articule ses mots de plus en plus sèchement, presque sur un air de défi.
« Pas mon mot à dire sur quoi Mia ? Sur qui t’embrasse ? » « Nous n’étions RIEN à ce moment-là Alec ! ». Je réponds immédiatement alors qu’il me tient toujours par le bras, mon regard ne le quittant plus depuis « Pourquoi ça te met autant en colère cette histoire Mia ? T’as encore des sentiments pour lui ? » « Lâche-moi ! ». Je ne veux pas répondre à cette question, je tente de me dégager mais rien n’y fait. Je n’arrive plus à le regarder cette fois alors que lui cherche absolument mon regard, attendant fermement cette réponse. Je sais qu’il a besoin de savoir, et je le comprends aussi au fond. Mais cette rencontre m’a chamboulée et je suis incapable de m’exprimer sur ce que je peux ressentir après tout ce qui venait de se passer. Je cesse de me débattre, mon regard croisant à nouveau le sien, ma gorge se nouant « Je ne l’aime plus si c’est ce que tu veux savoir ». Ma voix est plus posée, les mots dits dans un presque murmure alors que je baisse la tête. Je soupire « Il a eu sa place dans ma vie et il en aura toujours une mais ce ne sera plus la même, pas celle qu’il espère. Je me soucie toujours de lui parce qu’il a compté mais le nous n’existera plus. Plus jamais. ». Ils sont là les mots rassurants, ils sont là les mots qui vont peut-être apaiser l’inquiétude d’Alec. Mais il y a une incertitude quand je sens cette jalousie qui bouillonne en lui, que je redoute aussi sa réaction suite à ce que je viens de dire. Mon regard est incapable de trouver le sien, alors que je tente une dernière fois de me détacher de lui.
Ma colère s’intensifie alors que les minutes avancent et qu’il cherche encore et encore à obtenir des réponses. Des réponses que je n’ai pas envie de lui donner parce que les mots de Mason résonnent toujours. Malgré tout, il a semé un doute dans mon esprit quand pourtant Alec est le seul et unique dans mon cœur. Cette phrase que je pourrais d’ailleurs lui dire, ces mots qui pourraient l’apaiser en un claquement de doigts en lui disant qu’il est le seul avec qui j’ai envie d’être, qu’il est le seul que j’aime. A la place, je préfère me laisser emporter, explosant de colère, n’épargnant pas Alec qui n’y est pour rien. Je ne trouve rien de mieux à faire que lui adresser des reproches, revenant sur ces longs mois où nous nous sommes interdits d’être ensemble, où il n’a cessé de me repousser. Surtout, je retourne la situation à mon avantage, cherchant peut-être la vérité que je n’ai jamais eu le courage de lui demander, à savoir si pendant ce laps de temps, il y a eu d’autres femmes que moi dans sa vie… « Il n’y a en aura pas Mia. D’exs qui se pointent de bon matin sur le pas de ma porte. T’as raison je fais pas dans les relations sérieuses ». Il resserre son emprise sur mon bras, je me fige, mon regard le fixant désormais, incapable de le lâcher, peut-être aussi parce qu’il ne m’en laisse pas le choix « Tu veux savoir depuis combien de temps j’ai pas dit je t’aime à quelqu’un Mia ? Plus de quinze ans ». Il y a cette envie de répliquer, d’être encore plus tranchante, de lui montrer que ça ne me touche pas, de me servir de lui comme un punchingball sur lequel je peux me défouler maintenant que Mason est parti et que je ne peux plus le faire sur lui. Pourtant, les mots ne sortiront pas parce qu’il y a ce certain privilège qu’il souligne quand, enfin, il s’est autorisé à prononcer ces trois mots et ça, pour moi. Pour nous. « Ca » Il y a un mouvement de recul de ma part quand il me pointe du doigt « C’est pas quelque chose que je fais. Parce que j’aime pas mentir, parce que je refuse que quelqu’un que j’aime soit blessé à cause de la vie que j’ai choisi Mia ». Les aveux fusent de son côté, étant celui finalement qui se justifie alors que cela devrait être moi et personne d’autre. « Si tu me demandes si j’ai couché avec d’autres filles ces six derniers mois je te dirais que oui ». Et là, il y a ce pincement au cœur qui se manifeste quand je l’imagine dans le lit d’une autre, une certaine tristesse s’affichant dans mon regard et qu’il peut facilement détecter « Si tu me demandes si j’ai été avec quelqu’un qui a compté ses six derniers mois Mia je te dirais que non ». Il y a un soulagement de ce côté-là aussi, mais un soulagement que je n’exprimerai pas. Il ne m’en laisse pas réellement le temps quand il recule et vient frapper ce meuble à côté de nous, ce geste me rappelant la noirceur qui m’a effrayé le soir où j’ai appris la vérité sur cette vie qu’il a choisi. Je ne suis pas effrayée pour autant, je reste impassible face à cette colère qu’il laisse exploser « Parce que j’étais trop occupé à essayer vainement de te sortir de ma vie tout en étant incapable d’arrêter de penser à toi ! Donc non Mia il n’y aura pas d’exs qui viennent me déclarer leur amour sur le pas de ma porte ! ». « Et je dois m’en excuser Alec ? M’excuser d’avoir été dans tes pensées pendant tout ce temps ? M’excuser parce que tu as ces sentiments pour moi ? M’excuser parce que tu m’aimes ?! ». Ses mots ne laissent aucun doute sur ce qu’il ressent à mon égard, ses mêmes mots qui m’ont touché. Pourtant, il y a aussi cette part de doutes, celle où il pourrait regretter d’être autant attaché à moi, où il pourrait regretter que je compte autant. « Dis le si tu regrettes ! ». Je suis de mauvaise foi, oubliant la réelle raison de notre dispute, celle où il a toutes les raisons de se soucier de m’aimer quand un autre est venu lui avouer son amour…
« NON ! ». Il me tient fermement et ne veut pas me lâcher, parce qu’il a besoin que je réponde à ses interrogations. Et finalement, je cesse de me débattre, je m’avoue vaincu et lui avoue que je n’aime plus Mason. Je ne l’aime plus, je ne l’aimerai plus jamais. Mais il y a aussi cette vérité que je dois lui dire, en lui avouant que, malgré tout, il compte. Même si à cet instant-même, je le hais de tout mon être, je sais qu’il aura toujours une place dans ma vie. Alec à ce geste, m’obligeant à reculer « Ca sera quoi sa place Mia ? ». Je m’apprête à répondre, toujours sur ce ton apaisé que j’ai retrouvé mais cette proximité, cette tension palpable entre nous me déstabilise. Il me pousse alors doucement contre le mur, me retrouvant plaquer contre celui-ci, mes deux mains venant se poser de part et d’autre de mon corps, bloqué par celui d’Alec. Il relève mon menton pour me forcer à le regarder à nouveau « Ca sera quoi ma place ? ». Je pousse un long soupir, ma tête partant sur le côté quand il vient déposer ses lèvres sur mon cou, que je ressens la chaleur de son souffle sur ma peau. Les mots ne semblent plus compter, que les gestes, je me laisse enivrer par ce désir soudain que je ressens à son égard. Pourtant, je reprends un peu de contenance alors que je sens sa main caresser ma nuque « Alec.. » je souffle d’abord, tentant de me contrôler. Ma main vient alors se poser sur son torse pour l’inciter à cesser ces gestes. Je résiste à cette envie de l’embrasser, de retrouver ses lèvres, de lui prouver ainsi à quel point lui il compte, lui prouver que sa place est unique auprès de moi. Mes doigts caressent son torse doucement alors que mon regard vient retrouver le sien « Je hais Mason, je le hais pour tout ce qu’il a pu me faire subir. Pourtant, je sais qu’il est devenu cet abruti parce qu’il n’a pas supporté la perte de son frère… ». Mon ton est calme, posé « Alors, sa place sera celle d’une personne pour qui je m’inquiéterai toujours mais avec qui je garderai définitivement mes distances… ». Je marque une pause, mes mains venant se nouer autour de son cou avant de reprendre la parole « Tu comptes plus que quiconque. Tu n’as pas à te soucier de la place que tu peux avoir. Ta place est près de moi parce que je t’aime Alec. Je t’aime à un point où je ne peux même pas imaginer ma vie sans toi. Parce que j’ai été malheureuse pendant ces six derniers mois, parce qu’il n’y avait que toi dans mes pensées, malgré les personnes que j’ai pu avoir pendant ce laps de temps ». Au fur et à mesure des mots, mon visage s’est approché du sien, mes paroles se sont transformées en murmure. Des palpitations se manifestent à nouveau alors que je me plaque un peu plus contre le mur, que je l’incite à venir en faire de même contre moi, l’aidant en l’attrapant par le col de son t-shirt. Mes lèvres se glissent jusqu’à son oreille « Je t’appartiens Alec, aussi longtemps que tu le voudras », je susurre alors avant de déposer un baiser langoureux dans son cou « Je suis à toi… » et finalement planter mon regard dans le sien alors que mes mains glissent sous son t-shirt « Rien qu’à toi… ». Il y a cette hésitation, ce feu vert que j’attends de sa part quand pourtant, nos deux corps sont alertes et s’appellent mutuellement. Et comme pour le persuader, mes mains finissent par quitter son dos et viennent déboutonner un à un les boutons de cette chemise que je porte.
« Sérieusement Mia ?! C’est TOUT ce que tu as retenu de ce que j’ai dit ?! ». Il entre dans une colère noire mais qui ne me fait pas reculer pour autant, qui ne m’effraie pas non plus. Peut-être parce que je sais aussi que cette colère qu’il exprime par la parole mais aussi par les gestes est justifiée. Justifiée quand j’ai fait abstraction de cet amour qu’il me démontre à chaque mot qu’il a pu prononcer. Tous les reproches que je peux lui exprimer sont injustes et je le sais. Ma colère est tournée contre lui alors que je ne lui en veux pas. Je ne lui en veux pas d’être jaloux, de se poser toutes ces questions à propos de Mason et moi. Il en a le droit. A la place, je ne trouve que des excuses pour contourner justement les questions qu’il peut me poser à ce sujet. Ce sujet qu’est Mason, contre qui je ressens une haine immense. Mais je suis incapable de l’exprimer. J’ignore pourquoi, sûrement parce que cette rencontre m’a chamboulée, tout comme les mots que Bradford a pu exprimer. Je m’en prends injustement à Alec, alors que je devrais plutôt extérioriser cette colère que j’ai contre mon ex, qui rassurerait sans aucun doute celui que j’aime, celui qui m’aime sans concession. Je le sais et c’est pour ça que je reste muette face à cette dernière affirmation. Parce que j’ai tort. Parce que je m’en veux de le faire douter quand pourtant, il n’a aucun souci à se faire…
Il me plaque contre le mur, il exprime sa frustration d’une autre manière, comme pour me faire flancher, pour que je finisse par exprimer réellement ce que je ressens. Cette proximité retrouvée a l’effet escompté, des frissons parcourant chaque parcelle de ma peau. J’essaye de résister, résister pour enfin passer aux aveux, être honnête avec lui en répondant enfin à sa question. Je sais qu’elle ne lui plaira pas totalement, mais je ne veux pas lui mentir. Prétendre que je tire un trait définitif sur Mason quand ça ne sera pas le cas. Même s’il est certain que je ne suis pas prête à accepter une quelconque conversation avec lui de sitôt, pas prête de lui pardonner le bazar sans nom qu’il vient de mettre. Mais la certitude et c’est la seule qu’il doit retenir, c’est que Mason et moi, le nous que nous avons pu former un jour et qu’il espère de son côté retrouver, n’arrivera plus, n’existera plus.
Je m’ouvre enfin à Alec, je lui prononce les mots qu’il a besoin d’entendre, lui exprimant ce que je ressens au plus profond de mon être, cet amour que je lui porte. Parce que je l’aime et ça depuis des mois, même lorsque nous n’étions pas ce que nous sommes désormais. Il compte plus que tout. Je n’envisage pas d’être dans les bras d’un autre quand je suis juste comblée d’être dans les siens chaque matin, chaque soir. La tendresse est présente dans mes paroles mais aussi dans ce regard que j’ai pour lui en exprimant mes sentiments. Je remarque son regard triste, surement une certaine culpabilité qu’il peut ressentir et que je ne cherche pas à accentuer quand j’ai déjà eu des mots bien trop dur à son égard depuis que la porte de l’appartement s’est refermée. La tendresse se transforme en autre chose, quelque chose de plus fort, comme une pulsion soudaine celle de ne faire plus qu’un avec lui. Je l’attrape par le col de son t-shirt, l’oblige à se plaquer totalement contre moi alors que mes lèvres se perdent dans son cou et que j’ai ce regard et ce geste plus qu’évocateur en commençant à déboutonner ma chemise…
J’ai encore ce même sourire malicieux sur les lèvres lorsque notre échange se termine. Puis mes mains se nouent autour de sa nuque, le serrant contre moi, ce moment de tendresse dénotant totalement avec les ébats que nous venons d’avoir. « Tu vas être ma mort Mia McKullan ». A ça, je ris doucement, savourant ce baiser qu’il m’offre « Tu seras aussi la mienne Alec Strange ». J’arque un sourcil non sans sourire avant qu’il ne me repose enfin au sol. Je tente de m’arranger un peu, redescendant ma jupe convenablement, passant une main dans mes cheveux ébouriffés, non sans grimacer quand je me sens toute collante et loin d’avoir une apparence convenable pour quelqu’un qui va devoir finir par aller au travail.
« On a tous un passé. Tant qu’il reste au passé, il n’a pas d’importance ». Je relève mon regard sur lui, posant ma main sur la sienne qui est venue caresser ma joue « Tu es mon présent désormais Alec, tu es celui qui a de l’importance ». Les paroles sont sincères, prononcés avec calme cette fois. Je me mets sur la pointe des pieds pour retrouver encore ses lèvres, lui offrant un baiser rempli de tendresse « Je t’aime », je susurre alors pour sceller cette discussion et surtout les doutes qu’il a pu avoir.
« Bon je crois qu’on est bon pour reprendre une douche ? ». J’acquiesce alors en grimaçant « Je vais réussir finalement à la retirer entièrement cette chemise » je lance amusée alors que je tourne les talons, déboutonnant mon vêtement en direction de la salle de bain. Un regard en arrière, je le vois arriver d’un pas précipité vers moi, ce qui me fait rire et partir en courant. La porte se claque aussitôt que nous pénétrons dans la pièce, laissant définitivement derrière nous toute cette histoire, nous enfermant dans cette bulle qui est la nôtre, impénétrable du fait de l’amour fort que nous pouvons ressentir l’un pour l’autre.