| (#)Ven 3 Sep 2021 - 3:18 | |
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La conversation prend une tournure vraiment étrange lorsque je dis à Mayers que je l’aime tellement que j’ai même partagé ma sœur jumelle avec lui. Il y voit là une opportunité en or pour me faire presque recracher ma bière, comme si je n’avais pas suffisamment sali son canapé à mon anniversaire. « Bois pas trop vite » Incapable de parler à cause de ma toux, je lui fais un doigt d’honneur, le visage crispé. Après quelques secondes à tousser, je réussis à enfin ouvrir la bouche pour lui répondre malgré la gêne toujours bien présente dans ma gorge. « Je ne bois pas trop vite, on dirait que vous vous faites un malin plaisir à attendre que je prenne une gorgée pour dire une connerie monumentale. » À croire qu’ils me chronomètrent pour savoir qui réussit à me faire tousser le plus longtemps. Bon ok, j’exagère. « C’est vrai, mais t’aurais pu aimer les femmes également. » Ça aurait pu, mais ça n’a jamais été le cas. Du moins pas de la même façon que j’aime les hommes. J’ai essayé, pourtant, et si je m’en suis contenté longtemps, je ne suis pas certain d’en être encore capable maintenant que j’ai sauté le pas avec Byron. « C’est vrai, j’aurais pu. Ça aurait été beaucoup plus simple, mais bon, elles ne font aucun effet. » Pas que je trouve ça laid, une femme, ça ne vient juste pas me chercher en-dedans. Histoire de clore le sujet, je lui confirme que je ne veux vraiment pas savoir ce que ma sœur et lui ont bien pu faire à l’époque où ils étaient ensemble. « T’es sûr? Je peux te donner plein de détails… » Je fais mine de vomir avant de me mettre à rire en le regardant. « Je n’ai jamais été aussi sûr de quelque chose. » Je sais qu’il y a des gars qui se vantent de leurs prouesses sexuelles, les entendre ne m’intéresse pas, même si ce sont celles de mon meilleur ami. De toute façon, je sais qu’il blague et qu’il ne serait pas assez stupide pour le faire. Ce n’est pas pour rien qu’il est mon meilleur ami. « No thanks, c’est une image mentale de Tessa et toi que je n’ai pas envie d’avoir. »
Je lui fais part de mes craintes quant à Byron que j’ai peur de contacter et de me prendre un refus. L’alcool me change, comme bien des gens, et ça m’inquiète un peu parce que Byron ne m’a jamais vu en pleine possession de mes moyens et je suis convaincu qu’il me trouvera ennuyant comme je suis plus renfermé lorsque je suis sobre. Adriel tente de me rassurer et je ne peux m’empêcher de faire une petite blague en insinuant que si nous jouons si souvent à des jeux vidéo c’est peut-être justement parce qu’il me trouve ennuyant lui aussi et qu’on évite de parler trop ainsi. « On est pas en train de gamer, là, on parle. » Je souris un peu plus sans rien ajouter. Je sais qu’il est honnête et je ne vois pas l’intérêt de m’obstiner plus longtemps pour rien. Nous discutons des quelques filles qu’il m’a présentées dans l’espoir que ça débouche quelque chose. J’ai eu des rapprochements avec certaines d’entre elles sans jamais les relancer par la suite, on sait pourquoi. « Y’a tout plein de raisons pourquoi ça fonctionne pas, des fois… ça veut pas dire que t’es difficile. Les matchs forcés, en général, ça ne fonctionne pas. Hétéro, bi, homosexuel. C’est une science presqu’exacte. » Il n’avait pas tort, le cœur avait ses raisons d’aimer une personne plutôt qu’une autre et forcer les choses ne servait à rien. « T’as raison. » Même si Erin avait essayé de forcer un peu les choses en me présentant Byron, nous nous étions déjà rapprochés tous les deux quelques années plus tôt sans l’intervention de personne.
Après avoir caché mon homosexualité pendant autant d’années à mon meilleur ami, je souhaite lui prouver que je lui fais confiance en lui racontant ce qu’il s’est passé avec Andy lorsque nous étions adolescents. Sauf que ce n’est pas un sujet facile à aborder pour moi, j’ai toujours eu honte de cette histoire, de m’être fait avoir comme un imbécile. Ne pas en parler et faire comme si ça ne s’était jamais produit était plus facile, mais ça ne m’a visiblement jamais permis de passer par-dessus et d’avancer, souffrant toujours malgré les années qui ont passé. « Aouch… c’est horrible, man. » Je hoche la tête en fixant mes mains, incapable d’affronter le regard d’Adriel, surtout alors que je m’apprête à lui parler de plainte pour agression sexuelle qui s’en est suivie. « Attend… quoi? » Je n’ose rien dire, le regard fixe sur mes cuises tout en me caressant le bras du bout des doigts pour me rassurer. « Ce gars te mérite juste pas. Tu mérites cent fois mieux. Tu ne l’as pas revu depuis? » Je déglutis difficilement en essuyant le coin de mes yeux. « Non. Je ne veux pas le revoir. » réponds-je d’une voix tremblante. Il m’arrive régulièrement de penser à ce que je lui dirais si je le revoyais, et dans mes pensées je réussis à lui dire ce que je pense sans le laisser m’atteindre, mais je sais que ça ne serait pas aussi facile que dans mes pensées si ce moment se présentait réellement. Tandis que j’essaie de reprendre mes esprits, je sens la main de mon ami sur mon épaule, ce qui m’arrache un petit sourire jusqu’à ce que sa blonde suffise à me changer les idées. « Comme moi, bon point » Je lui réponds avec un clin d’œil. Il comprend vite.
Si c’est surtout la réaction des gens que je ne connais pas vraiment qui m’angoisse parce qu’ils sont imprévisibles, celle de mes proches me stresse également. Dans mes souvenirs, Erin n’avait pas mal réagi, je ne comprends donc pas pourquoi à mon anniversaire elle a soudainement paru dégoûté. Considérant que l’alcool a parfois tendance à nous donner le courage de dire ce que nous n’aurions pas le courage de dire autrement, je me demande si Erin n’a pas toujours trouvé ça dégoûtant mais qu’elle n’a jamais osé le dire pour ne pas me blesser. « Il y a sûrement une raison… elle n’a rien contre l’homosexualité. Elle a elle-même embrassé Leah. » Je hausse les épaules, n’ayant vraiment aucune idée de ce qui pourrait expliquer une réaction si forte de sa part. « Je ne sais pas trop, c’est bizarre. Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle a réagi comme ça… » Tôt ou tard je devrai bien lui en parler, mais pour le moment je ne m’en sens pas près. Je sais qu’elle traverse une période difficile et je préfère l’éviter pour qu’elle ne se doute pas de la situation dans laquelle je me trouve. « Mais non, t’es le seul et unique, Mulligan » Je pose ma main sur mon cœur en lui souriant, touché.
Après qu’on ait abordé certains sujets sensibles de ma vie, j’ose questionner mon meilleur ami sur sa relation avec Erin, me doutant qu’il y a bien plus que de l’amitié entre eux. Mayers tente de me convaincre que ce n’est que de l’amitié et j’ai du mal à le croire, mais je ne veux surtout pas lui mettre de pression. « Ça a toujours été comme ça entre nous. On a dérapé en novembre. C’était un accident. Elle m’a dit qu’elle ne voulait pas qu’on aille plus loin, no big deal… On avait bu. C’est tout. Je suis passé à autre chose il y a longtemps. » Je lui souris en hochant la tête. « C’est toi qui le sais! » L’électricité revient à ce moment et nous pouvons donc passer à un sujet beaucoup plus léger : notre partie de Smash Bros que nous n’avons pas pu terminer un peu plus tôt. Je reprends ma manette et je lui demande s’il est prêt à se faire éclater. « Ah-ah! Nope, c’est toi que j’espère qui va être prêt. À moi la victoire! » Je ricane, convaincu que je réussirai à obtenir la victoire une fois de plus. Nous débutons la partie et c’est serré, je suis soudainement un peu moins convaincu de ma victoire imminente. « Oh my god, je commence à avoir chaud » Alors que j’attends que mon personnage respawn, je tire sur le col de mon chandail en riant. « Moi aussi! » Au bout d’un moment, nous sentons la fatigue nous gagner et nous devons nous rendre à l’évidence que ni l’un ni l’autre ne gagnera ce soir : partie nulle! Je dépose la manette sur la table en baillant. « C’était le fun même si je n’ai pas gagné. » Ni perdu hein! Je tourne la tête vers Adriel, le corps beaucoup trop avachi dans le canapé, la tête écrasée contre le dossier. « Je pense que je vais me coucher. Merci pour la soirée. » dis-je en lui souriant, reconnaissant d’avoir pu penser à autre chose que mes tracas financiers pour quelques heures. J’attends sagement qu’il parte pour m’étendre sur le canapé et je m’endors presque instantanément, tellement brûlé que Mayers a le droit à un show de trompette toute la nuit. |
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