Ca faisait un moment que tu n’avais pas donné de leçons de piano à Freya. Autant elle que toi avez été très pris dans vos vies. Elle t’a relancé la semaine dernière et vous avez rapidement convenu de l’heure de la prochaine leçon. T’es pas inquiet, si jamais elle a continué à pratiquer de son côté elle aura progressé forcément. Tu ne connais pas grand chose d’elle mais quelque chose te dit qu’elle est plutôt du genre consciencieuse. Dans tous les cas ces cours sont donnés de manière bénévole par ta personne et c’est toujours un moment d’échange que tu apprécies particulièrement. Entre deux conseils et correction de ses notes, vous bifurquez souvent en parlant de choses et d’autres. Au début tu lui donnais les cours dans l’enceinte de l’université et puis le temps a passé, vous avez doucement modifié cette habitude. Venir chez toi directement c’est beaucoup plus pratique pour elle comme pour toi. Tout le monde est gagnant, tu aimes bien quand les choses évoluent comme ça.
T’as beau avoir un piano dans ton salon, c’est celui qui se trouve dans le studio d’enregistrement à ton Rez de chaussé que vous utilisez pour les cours. Tu trouves que ça fait plus professionnel de ne pas être directement dans ton espace de vie qu’est l’étage du dessus de ta maison. Cela dit, une fois que la leçon est terminée, t’as une idée derrière la tête.
« Ma belle mère m’a ramené beaucoup de bouffe tout à l’heure. J’ai genre plus de place dans le congèle. » Ca te fait doucement rire de l’avouer à voix haute. Tu te sens aussi pas mal ridicule de dire ça d’un coup alors que votre session est terminée. « Si jamais t’as faim je peux te filer un tupperwear ou quoi. » Ou quoi qui est carrément une invitation à ce qu’elle reste manger avec toi mais que tu ne formules pas avec autant de mots. Elle a sûrement des trucs prévus de sa journée alors tu ne veux pas qu’elle se sente obligé. « J’ai pas envie de jeter, sa bouffe est trop bonne. J’ai pas été beaucoup chez moi ces derniers temps, mais ce soir je bouge pas. » L’excuse parfaite quand tu veux pas totalement avouer que tu ne manges pas tellement. Même si c’est plutôt la vérité pour le coup. T’as été à droite à gauche pour le boulot. « Tu veux venir voir ce que y’a ? Elle a ramené des enchiladas, elles sont encore toute fraîches celles là. Je comptais taper là dedans ce soir. » ‘Taper là dedans’. Même pas la notion d’un repas. C’est pas grand chose mais ça reste révélateur de ta relation avec la bouffe.
C’est par hasard en parcourant les couloirs du lycée que j’étais tombé sur cette annonce d’une association de musique offrant des cours de manière récréative. La musique, ça a toujours été une passion pour moi et c’est donc en toute logique que j’avais apposé mon nom sur la feuille d’inscription, choisissant le piano comme instrument de musique. Même si je jouais du violon depuis toute petite, j’avais toujours eu un grand intérêt pour le piano mais faute de matériel, mon intérêt n’était jamais allé plus loin. C’était donc l’occasion toute trouvée pour moi d’apprendre et d'ajouter une corde à mon arc. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre, quelques jours plus tard en recevant la confirmation de mon inscription, que mon professeur attitré n’était autre que Jordan Fisher. Comprenez-moi bien, non pas que j’étais une groupie, mais on sait reconnaître un nom reconnu tout de même. C’est ainsi que notre relation de professeur et élève avait débuté. Cela faisait un moment toutefois que nous n’avions pas planifié un cours. Je ne m’inquiétais pas outre mesure, sachant pertinemment qu’il donnait ces cours bénévolement dans ses temps libres. J’avais tout de même décidé de le relancer la semaine dernière afin de convenir d’un moment.
C’est ainsi que je me retrouve, une semaine plus tard, installée au piano de son studio d’enregistrement à ses côtés. Depuis notre dernière leçon, j’ai eu la brillante initiative de m’exercer dans les locaux de musique ouverts aux étudiants de l’université. La qualité du matériel n’accote pas celle du studio de Jordan, certes, mais un piano reste un piano et toutes les occasions sont bonnes pour pratiquer. Mon manque de pratique ne se fait donc pas trop ressentir, à mon grand soulagement. N’ayant pas vu le temps passer, cela doit faire presque deux heures que nous sommes assis là. Mes jointures commencent à être endolories, signe que notre dernier cours remonte à quelques temps, mais je ne laisse pas afficher mon inconfort. Il doit être aux alentours de 19h et s'ajoutant à ma peine, mon ventre commence à crier famine. C’est que je ne suis pas la plus grande, mais mon corps a besoin d’étrangement beaucoup de fuel pour sa petite taille. Mais ça aussi, je ne le montre pas, trop concentrée dans la leçon et ne voulant pas que Jordan croit qu’il s’agisse d’un manque d’intérêt. C’est que malgré nos quelques cours jusqu’à présent, je ne le connais pas encore très bien.
Pourtant, c’est comme s’il avait lu dans mes pensées car il s’arrête dans notre leçon qui tirait de toute façon sur la fin pour me signifier que son congèle est plein des petits plats de sa belle-mère. Il rit doucement, ce qui me fait sourire. Je ne suis pas trop du genre gêné et me mettre inconfortable est chose difficile. Je sens comme une invitation sans qu’elle ne soit dite de façon explicite, sans être en mesure de définir s’il s’agit de prévenance ou de timidité. Dans le doute, j’opte pour la première option. Jordan, à première vue, n’a pas tout à fait la carrure du mec timide. C’est curieux toutefois, à l’entendre parler on pourrait se questionner sur ses intentions, à savoir s'il a l’intention de grignoter ou de manger pour de vrai. Je ne tic pas plus que ça, du moins pas pour le moment. Je le connais à peine, ce serait gênant. « Tu veux dire, venir en haut avec toi? » Je le regarde, les yeux écarquillés. On sent la surprise dans mon intonation. God. Mon habituel manque de délicatesse. C’est que le tact n’a jamais été mon fort. Je me râcle la gorge. « Je veux dire, oui je veux bien. » Je marque une courte pause. « C’est que je n’ai jamais vu ce qu’il y avait là-haut. » Je lui souris amicalement, espérant ne pas avoir créé un malaise. « Si tu cherches quelqu’un pour vider tes stocks de congèle, je suis la personne toute trouvée. » Je ris doucement. Comme par hasard, mon ventre se met à gronder pile à ce moment. Je le regarde, l’air interdit, avant de pouffer de rire de plus belle. « Tu veux monter? »
Cette session a duré bien plus longtemps que d’habitude mais voir qu’elle a progressé te motive à lui offrir d’avantage de ton temps. Ce genre de coupure très agréable dans tes journées un peu trop rempli à réfléchir tout le temps pour une chose et une autre. Merde, j’ai pas répondu au mail sur- Shhh Jordan, tu verras ça plus tard. Et tu déconnectes de nouveau de tes autres obligations. Tu n’es pas en retard dans ton boulot c’est pour ça que tu n’es pas non plus stressé à ce propos. Ne pas avoir d’horaire c’est les meilleures horaires que quiconque puisse avoir. Tu profites de ce moment de pause avec Freya en lui passant ton savoir qu’elle a l’air de bien intégré et c’est ça qui fait le plus plaisir.
Quand tu lui proposes de la bouffe bien sûr qu’elle est surprise. « Tu veux dire, venir en haut avec toi? » C’est pas le genre de chose que tu proposes d’habitude après tes leçons. C’est pas un package cours + bouffe qui est prévu. « Je veux dire, oui je veux bien. » Mais ça passe. Un sourire se forme sur tes lèvres, content de savoir que la bonne nourriture de Maria ne sera pas gâchée. « Cool. » Voilà que t’es déjà en train de te lever. « C’est que je n’ai jamais vu ce qu’il y avait là-haut. » Elle dit ça comme si c’était un sanctuaire ou quelque chose du genre. Il est vrai que toute ta maison est sacré pour toi. Autant le premier étage que le Rez de chaussé avec ton Studio. Tu ne sais pas quelle niveau tu choisirais si jamais on te posait l’ultimatum de n’en garder qu’un. Heureusement ce n’est pas quelque chose qui arrivera un jour. Ta maison est à toi entièrement. « C’est chez moi là haut. » Tout autant que là en bas, mais tu ne trouves pas utiles de l’ajouter. Tu ne comprends quand même pas totalement son incompréhension. Faut dire que tu as peut être jamais parlé de ce qu’il y avait au dessus. Comme t’as une mauvaise mémoire, tu ne te souviens naturellement pas. « Si tu cherches quelqu’un pour vider tes stocks de congèle, je suis la personne toute trouvée. » Voilà que tu en apprends plus sur elle. Tu ignorais complètement qu’elle était du genre estomac sur pattes. Mais c’est une très bonne nouvelle ça, car oui, tu voudrais au moins venir à bout d’un des tupperwear ce soir. A vous deux ça devrait le faire. « Parfait ça. » Le sourire sur ton visage est le même qu’elle. « Tu veux monter? » Tu hoches la tête en lui faisant signe de venir à ta suite. « Interdit de manger dans mon studio. » C’est une règle que tu respectes presque tout le temps. Surtout quand t’es avec du monde pour ainsi dire. Tu préfères être le seul à blâmer si jamais tu tâches ou casse quelque chose par inadvertance en reversant un truc ou quoi. C’est tellement ton bébé ton studio, tu en prends grand soin.
Vous montez les escaliers et arrivez dans ton espace de vie. Le salon en premier, la cuisine ouverte sur le salon dans le fond, une grande baie vitrée qui donne sur une très grande terrasse. Un mur qui n’est qu’une immense collection de disques et vinyl. D’autres étagères avec des photos, des souvenirs. Photos de ton mariage, photos de fêtes. Et puis quelques affiches aux murs qui sont encadrés. Des tournées passées, encore des souvenirs.
Du côté cuisine tu ouvres le tupperwear qui est posé sur le plan de travail et l’enfourne dans le micro onde aussitôt. Tu vas sortir deux assiettes car c’est la moindre des choses. Tu n’es pas non plus un sauvage tu ne vas pas la faire manger dans le même plat que toi. Des couverts, deux verres, tu vas poser tout ça sur ta table non loin. Vous pourriez aller dehors pour profiter de l’air extérieur mais il fait quand même assez chaud et la température entre tes murs est meilleure grâce à ta climatisation. « T’es pas végétarienne ou quoi ? » Que tu demandes en allant ouvrir le frigo pour sortir de quoi boire. De l’eau. Tu ne te rends pas compte que t’as assumé qu’elle allait rester alors que si faut elle voulait juste embarquer un tupperwear avec elle.
Les heures ont passées sans les voir défiler. Rien de plus banal, la musique pour moi ça a toujours été une passion. Je suis Jordan dans son mouvement alors qu’il se relève et me fait signe de le suivre. « C’est chez moi là-haut. » C’est sans doute ce fait qui rajoute à ma curiosité, ce qu’il ne doit sans doute pas comprendre, n’étant pas à la place de l’élève. C’est que même si nous n’en sommes pas à notre premier cours, notre chez soi c’est un endroit sacré, une sorte de zone interdite. Et la curiosité chez moi est quelque chose de fort. Très fort. Qui sait, il y a peut-être des barres de pole dancing là-haut, ou encore un bar extravagant où il pratique l’art de la mixologie? C’est toujours beau de rêver, je peux m’attendre à tout.
C’est ainsi que je le suis, sagement pour une fois, alors qu’il monte les escaliers jusqu’à l’étage. Il commence déjà à faire noir là-dehors, mais la pièce est déjà éclairée. L’endroit est propre et bizarrement chaleureux. Bizarrement, car j’avais peut-être ce cliché des demeures excentriques comme il y en a dans les films, comme si le fait d’être un producteur de musique vous empêchait d’avoir un domicile qui ne soit pas loufoque. Comme quoi, les apparences peuvent être trompeuses. « C’est grand chez toi. » Je marque une pause. « Promis, je vais essayer de rien briser. » J’étouffe un rire. J’observe rapidement les lieux. Salon, cuisine ouverte, d’immenses fenêtres, une grande terrasse même s’il fait sans doute encore trop chaud pour y aller. Ce qui me tape à l’œil pourtant, c’est le mur de disques et les étagères pleines de photos. Les étagères étant le plus à ma portée, c’est sur celles-là que je jette mon dévolu alors que Jordan s’apprête à enfourner un tupperwear. Des photos encadrées un peu partout, avec Jordan quelque part sur chacune d’entre-elles. Sur une photo cependant, je distingue une drôle de robe rouge, avec un homme bien habillé à ses côtés qui ressemble étrangement à Jordan. « C’est toi, là-dessus? » La curiosité, encore une fois. Je ne sais pas si le fait que je regarde le gêne, mais je ne peux pas m’en empêcher. Parfois ça passe, parfois ça casse.
« T’es pas végétarienne ou quoi? » Ses mots me forcent à retirer mon attention de la fouine aux photos croustillantes pour la reposer sur mon tuteur. « Non, je suis pas vraiment difficile avec la bouffe. Tant que ça se mange. » Je dis ça d’un ton léger, un peu à la plaisanterie. C’est à ce moment que je remarque, pas très loin de lui, une table déjà préparée, couverts et verres installés avec un tupperwear au milieu. Si je n’étais pas certaine si j’étais seulement invité à emporter un truc avec moi pour dévaliser les recettes à sa belle-mère, visiblement il préfère qu’on s’y mette à deux. « Je suis invitée à rester? » Je lui souris, toutes dents dehors, et avant même qu’il n’ait eu le temps de répondre, je me dirige vers la table avant de m’installer confortablement sur une chaise, bras derrière la tête. Fait comme chez toi, qu’ils disent.
« C’est grand chez toi. » C’est pas un palace mais c’est loin d’être une boîte de sardine, c’est clair. Tu trouves que c’est juste ce qu’il faut. C’est pour ça que tu as pris la liberté d’installer ton studio au niveau du bas. Tu avais assez en haut pour tout ce dont tu as besoin. Tu comptes pas avoir d’enfants et donc aucunement besoin de cinq chambres. Deux, c’est parfait. Une pour toi, une pour les éventuels invités. « Promis, je vais essayer de rien briser. » Un sourire sur ton visage de l’entendre dire. C’est clair que ça serait bien mieux de cette façon là. « C’est toi, là-dessus? » Tu tends le cou pour voir de quoi elle parle. Photo de ton mariage. Tu hoches la tête.« Ouais c’est moi. » Elle va plutôt droit au but dans ses interrogations. Tu en connais plein qui tournent autour du pot quand ils ont l’impression que tu es marié. Ils lorgnent sur ta main gauche ensuite pour avoir confirmation via l’alliance qui y est enfilée. Tu reprends sur la bouffe car c’est le point numéro un à ce moment précis. « Non, je suis pas vraiment difficile avec la bouffe. Tant que ça se mange. » T’es ravi d’apprendre qu’elle est comme toi à ce niveau là. Tant que t’as de la bouffe qui te tombe tout prêt dessus, tu manges. Ok souvent il faut que tu te forces parce que tu mets jamais ça en priorité, mais il n’est pas rare que tu voies des étoiles lors d’efforts trop importants. Là c’est le moment où tu sais qu’il faut vraiment manger quelque chose. « Je suis invitée à rester? » Voilà, tu te sens peut être un peu bête sur le coup, car tu ne lui as pas demandé avant de supposer que c’était le cas. Tu vois l’immense sourire sur ses lèvres et tu es content de voir que ça n’est vraisemblablement pas un problème pour elle. Voilà qu’elle est déjà assise à la table.
« J’ai supposé et j’ai supposé juste on dirait. » T’as un grand sourire également sur ton visage. Tu sors le tupperwear du micro onde, le tenant avec un torchon car c’est assez chaud. Ca fume bien en tout cas. Tu prends un dessous de plat pour pas niquer ta table et tu le poses auprès de Freya. « C’est un gratin de… Je suis plus trop sûr quoi. Mais y’a beaucoup de fromage et je dis pas ça pour faire genre mais les plats de ma belle mère sont toujours bons. » C’est toujours la surprise ses plats, il est rare qu’il y ait plusieurs fois le même dans le mois. Maria adore cuisiner et elle en fait pour beaucoup trop. Tu sais que tu n’es pas le seul à qui elle ramène de quoi se ravitailler dans ses enfants. Parce que ouais, tu es clairement un de ses enfants spirituel à ce niveau là. Tu vas récupérer une grande cuillère dans la cuisine pour vous servir. « A toi l’honneur. » Tu préfères qu’elle se serve elle, ce qu’elle veut. Tu passeras en deuxième. Tu te sers de l’eau et tu fais de même dans le verre que tu lui as mis pour elle. « C’était quoi ton plan pour cette soirée avant que tu sois accaparée pour vider une partie de mon congèle avec moi ? » Une question pour faire la conversation tout en voulant découvrir ce qu’elle fait quand elle n’est pas ici ou à l’université.
Dernière édition par Jordan Fisher le Sam 22 Mai 2021 - 6:25, édité 2 fois
« Ouais, c'est moi. » Sa réponse est courte, pourtant elle répond bien à la question demandée. J'ai toutefois ce goût amer qu'a l'inachevé, pour autant je ne sourcille pas et résiste à la curiosité qui m'envahit et me pousse à vouloir en savoir plus. Après tout, j'ai seulement demandé si c'était lui sur la photo. Et puis je ne voudrais pas le faire regretter de m'avoir emmené là-haut, peut-être même le vexer et perdre un tuteur, manquerait plus que ça. « J'ai supposé et j'ai supposé juste on dirait. » Je ricane doucement dans ma barbe. Puis il se retourne et sort un tupperwear duquel je suis incapable de décrire le contenu, qu'il approche et vient déposer devant moi. « C'est un gratin de... Je suis plus trop sûr quoi. Mais y'a beaucoup de fromage et je dis pas ça pour faire genre mais les plats de ma belle-mère sont toujours bons. » Je contemple le plat un moment, et mon ventre gargouille à la vue de tant de fromage. Je vois Jordan s'éclipser un moment du coin de l'œil, avant de revenir avec une grosse cuillère. « À toi l'honneur. » Je cligne des yeux en le regardant avec des gros yeux, l'air hébété. « C'est pour moi tout ça? » Pas que je me plaigne, loin de là - s'il le faut, je saurai me sacrifier et manger le tout. Je suis généreuse comme ça. Je me tape intérieurement lorsque je vois les deux assiettes vides sur la table. Bien sûr que non, il va au moins en prendre une part.
J'attrape la grosse spatule et m'apprête à l'engloutir dans le tupperwear encore vierge en me mordant la lèvre, ne pouvant pas cacher mon excitation. La nourriture est toujours meilleure quand elle est faite par quelqu'un d'autre, et surtout quand on sait qu’on n’aura pas à faire la vaisselle. Je dépose une pointe de gratin dans mon assiette, manquant de peu de renverser le tout sur la table. « C'était quoi ton plan pour cette soirée avant que tu sois accaparé pour vider une partie de mon congèle avec moi? » Il dépose devant moi un verre rempli d'eau. Je lève les yeux vers lui. « Comment dire. » Je marque une pause. Comment dire que vous êtes tellement changeant que vous ne savez pas tenir un horaire? Avec moi, rien n’est jamais prévu d’avance. « J'aime bien vivre au jour le jour. Je suis quelqu'un de passionné on va dire. » Façon polie de dire; dispersée. « D'ordinaire un soir de semaine, j'aurai sûrement traîné au bar avec des amis ou je serai resté à l'université bosser sur un ou deux projets. » Parce que oui, la musique c’est beau, mais y’a autre chose quand même. Dit comme ça, je dois passer pour une étudiante modèle, et c'est tout aussi bien. Autant qu'il ne sache pas les déboires auxquels je me suis laissée aller récemment. Je me tortille alors sur ma chaise, déposant ma fourchette et le regardant tout d'un coup avec beaucoup de curiosité. « Alors, dis-moi. » Petite pause. « Il y a une photo d'un mariage là-bas qui semble être le tiens, et tu viens de dire que c'était le plat de ta belle-mère. Ce qui veut donc dire, que tu as une belle-mère. » Bravo Freya, oui c’est logique. « Pourtant je ne vois pas la trace de quelqu'un d'autre dans cette maison. » Je croise les bras devant moi, le regardant avec des yeux brillants de curiosité. Je baisse la voix, comme si je lui parlais d'un sujet interdit - qui l'est probablement d'ailleurs, ou du moins, je le saurai bientôt. « Dis-moi tout. » Si certaines personnes se seraient retenues de ne pas poser de questions aussi personnelles dès le début, ce n'est toutefois pas mon cas. « Il s’est passé quoi? »
« C'est pour moi tout ça? » Elle te fait rire parce que tu ne la prends pas au sérieux, te disant qu’elle est en train de dire une boutade. Tu t’installes avec elle à table maintenant que tout ce dont vous avez besoin pour ce repas est à votre disposition. Elle a l’air un peu maladroite quand elle se sert mais ça te fait plus sourire qu’autre chose. Surtout qu’au final elle parvient parfaitement à se servir. Tu remplis son verre alors que lui demande à propos de ses plans initiaux. « Comment dire. » Tu la regardes, attendant de l’entendre dire la suite et - ou de te passer le tupperwear. Car oui, tu vas quand même faire honneur au plat en en mangeant un peu. « J'aime bien vivre au jour le jour. Je suis quelqu'un de passionné on va dire. » Tu hoches la tête, t’aimes bien ça les gens qui voient pas trop loin dans le futur. « D'ordinaire un soir de semaine, j'aurai sûrement traîné au bar avec des amis ou je serai resté à l'université bosser sur un ou deux projets. » Elle a l’air d’avoir une vie simple de ce que tu entends. « La vie d’étudiant. » Tu récupères le tupperwear pour te servir à ton tour. « Alors, dis-moi. » Tu te mets deux plutôt grosses cuillères de ce gratin. « Il y a une photo d'un mariage là-bas qui semble être le tiens, et tu viens de dire que c'était le plat de ta belle-mère. Ce qui veut donc dire, que tu as une belle-mère. » Tu captes où elle va en venir et elle te fait beaucoup sourire de demander si directement comme ça. « Pourtant je ne vois pas la trace de quelqu'un d'autre dans cette maison. » Après t’as bien des idées où ta moitié pourrait se trouver à ce moment précis. « Dis-moi tout. » Mais elle a l’air d’être assez sûr d’elle, ce qui est plutôt très amusant. Surtout qu’elle a vu juste. « Il s’est passé quoi? » T’as coupé ton gratin dans ton assiette pour que ça refroidisse un peu.
« J’aimerai pouvoir dire que ma femme est au travail ou quoi mais… Elle est décédée y’a trois ans de ça. » Tu te demandes si cette simple information lui suffira. Son dis moi tout qui laissait penser qu’elle voudrait certainement plus qu’une dizaine de mots pour réponse. « Accident de la route. » Voilà un peu plus de détails que tu lui offres alors que tu commences à manger. « C’était quoi tes hypothèses ? » Ca te fait sourire de lui retourner cette question. Tu as surtout envie de lui montrer que y’a pas de malaise, même si t’es quand même curieux de voir ce qu’elle s’était imaginer avant que tu ne lui donnes la réponse à sa question. Le repas est bien évidemment aussi bon que tu l'avais imaginé même si c'est la première fois que tu as ce plat là dans ton assiette. Tu reconnais qu'il y a des olives, Maria sait que tu aimes beaucoup ça. Tu es presque sûr qu'elle en rajoute juste pour te faire plaisir. Elle prépare toujours les plats avec amour.
On dit qu’avec l’âge, les gens gagnent en sagesse. Tirent des leçons des erreurs passées, apprennent à se comporter comme un adulte… pas moi. Même à vingt ans, les mêmes maladresses, les mêmes gaffes. Jordan se tient à l’autre bout de la table, confortablement installé sur son siège à nous servir de l’eau. Je souffle doucement sur le gratin dans mon assiette, histoire que ce ne soit pas trop chaud. J’agis parfois un peu comme un enfant sans m’en rendre compte. « La vie d’étudiante. » J’hoche la tête en silence, la bouche déjà pleine de fromage. C’est pas poli de parler la bouche pleine. Jordan me rejoins alors, se servant deux grosses spatules de gratin alors que je tente pas très subtilement de chercher une explication à cette maison vide, alors qu’une alliance se tient pourtant sur sa main gauche. Il coupe son gratin dans son assiette. « J’aimerai pouvoir dire que ma femme est au travail ou quoi mais… Elle est décédée y’a trois ans de ça. » J’avale de travers et manque m’étouffer avec une olive. Étouffant un hoquet dans le creux de mon coude, je lance un regard au hasard en direction de Jordan. Il se tient là, l’air posé pourtant, tout ce qu’il y a de plus décontracté. Je reprends ma fourchette et l’enfourne dans le gratin comme si de rien était. « Ah. » Je sais pas trop à quoi il s’attend comme réponse mais, réconforter les gens, ça n’a jamais été mon fort. J’ai déjà assez de mal à me gérer moi-même. Si j’étais curieuse quelques instants plus tôt, voilà qui m’aura servi de douche froide. Même si je suis maladroite, j’ai quand même conscience qu’il y a certains sujets plus sensibles dont il vaut mieux ne pas trop poser de questions. « Accident de la route. » Il m’offre quand même ce détail alors qu’il commence finalement à manger. J’hoche à nouveau la tête, toujours sans un mot. « C’était quoi tes hypothèses? » Je lève les yeux vers lui. Il sourit. Bizarrement, il sourit. Je me serais attendue à une moue sérieuse, limite cadavérique, mais pourtant… il sourit. Je me rassois contre le dossier de la chaise, donnant un moment de répit au gratin. Je jette tout de même un dernier regard à Jordan. « Honnêtement? » Puis je me caresse le menton, l’air songeuse. « Je m’étais peut-être imaginé un scénario catastrophe, comme la femme partie avec le proprio de la maison de disques… ou bien un couple non conventionnel ne vivant pas sous le même toit. Je t’avoue que je m’étais surtout imaginé le premier scénario, en fait. » Pour le coup, je n’avais pas tout à fait tort; mais on va pas commencer à faire des blagues macabres, hein Freya. Je me remets au gratin, que je termine d’engloutir en quelques bouchées. Puis j’étire mes bras, que je viens finalement poser derrière ma tête, comme un lion repus après un gros repas. « Tu faisais quoi ce soir? » Pour le coup, j’ai bien sûr quelque chose en tête, mais pas certain que Jordan aimera cependant.
Ca te fait très plaisir de la voir manger aussitôt que la nourriture a touché son assiette. Il est certain que le plat de Maria va être honoré vu comme elle se fait plaisir. Tu aimerais bien que son engouement à manger soit communicatif mais le sujet de conversation est bien plus intéressant que l’idée de te nourrir pour ta survie là. « Ah. » Ta réponse l’a fait prendre une pause dans son repas. Tu vois bien que ça lui en bouche un gros coin et tu as presque l’impression que tu n’aurais pas dû être si direct sauf que… t’es pas du genre à arrondir les coins. Elle t’a posé une question, tu y as répondu. La réponse l’a surprend, c’est à elle de gérer. T’es quand même curieux de savoir ce qu’elle s’était imaginé. « Honnêtement? » Tu hoches la tête alors qu’elle a un peu l’air abattu par ce retournement de situation. Cependant tu vois qu’elle est réellement en train de réfléchir à sa réponse. Tu manges une nouvelle bouchée du gratin sans chercher à la pressée. Vous avez tout le temps. « Je m’étais peut-être imaginé un scénario catastrophe, comme la femme partie avec le proprio de la maison de disques… ou bien un couple non conventionnel ne vivant pas sous le même toit. Je t’avoue que je m’étais surtout imaginé le premier scénario, en fait. » Elle te fait beaucoup rire avec ses hypothèses.
« ‘Avec le proprio de la maison de disque’ » Que tu répètes amusé. « C’est vrai que je l’aurai bien vu être chanteuse Rosa. » Tu aimes bien te faire des scénarios dans ta tête avant d’aller te coucher. Celui où tu produit et mix ses chansons est passé plusieurs fois dans ton esprit. Il aurait été du coup logique qu’une maison de disque se trouve au milieu de votre histoire. T’es bien heureux de jamais n’avoir eu à vivre une telle trahison malgré tout. Qu’elle parte avec quelqu’un d’autre aurait été réellement pire que tout ce qui t’es arrivé.
« Tu faisais quoi ce soir? » « J’aurai sûrement bosser sur quelques sons que je dois envoyer dans la semaine. »
Tu piques une olive dans ton assiette pour ne porter que ça à ta bouche. « Je vais faire ça après je pense. » Parce que t’es pas du genre à aller te coucher tôt et tu ne penses pas que Freya va rester toute la nuit non plus. « Et puis je sais pas. Je verrai sur le moment. » Elle ne t’a pas demandé si loin Jordan de toute façon. Mais ouais, t’es du genre à changer assez facilement tes plans car ton humeur et tes envies changent aussi rapidement. Tu fais quand même passer le boulot en premier parce que tu aimes être dans les délais. Ca a toujours été chose facile car tu aimes réellement ce que tu fais. Tu prends avec toi que des projets qui t’inspirent réellement parce que de toute façon, tu peux juste pas fake. T’es beaucoup trop honnête comme gars, et d’une manière globale, tu es content de ton travail quand ce n’est pas forcé.
Tu passes une très bonne fin de soirée avec Freya et tu sais que tu vas la voir de nouveau dans un futur plus ou moins proche, car ta vie est bien rempli.