Elle lui a laissé le temps de revenir vers elle. Shiloh ne l’a pas fait. Pourquoi l’aurait-elle fait quand elles n’avaient jamais été proches ?  Puis il y avait eu tant de choses qui avaient monopolisé son attention, faire revenir le père de Maddox dans la vie de ce dernier mais aussi dans sa vie, accepter ce nouveau quotidien. Sa sœur était passée en second plan encore une fois. Mais en février lorsque Shiloh n’était toujours pas revenue vers elle, elle avait fini par rattraper son téléphone et à ne plus lui laisser le choix. Danika lui avait demandé son adresse, ou du moins l’adresse à laquelle elle logeait et avait finalement demandé une matinée où la jeune femme était libre pour qu’elles se voient. Elle ne lui avait partagé ses plans, avait éludé toutes questions sur ce qu’elles allaient faire où le lieu dans lequel elles allaient se rendre. Elle lui avait simplement dit qu’elle serait devant sa porte à neuf heures et de s’habiller en affaires de sport et lui avait envoyé un message en arrivant, l’attendant dans sa voiture. Shiloh Atkins était apparue et sans s’en rendre compte le regard de Danika s’était adouci dès l’instant où elle était entrée dans la voiture.

« Salut Shiloh. Tu vas bien ? » Elle scrute son visage, y cherchant au fond la preuve que son ex-petit ami n’est pas revenu dans sa vie, que ce n’est pas de nouveau arrivé, qu’elle va bien ou du moins, mieux que la dernière fois qu’elles se sont vues. Elle est prudente, ayant un peu l’impression de marcher sur des œufs, se rendant compte qu’elle connait bien trop peu la jeune femme. « Merci d’être venue. » Elle plonge son regard sombre dans le sien. Ce n’est pas comme si elle avait eu le choix, la jeune femme n’aurait pas accepté un non comme réponse. « Tu as petit déjeuné ce matin ? » demande-elle en démarrant la voiture,  fixant la route plutôt qu’elle, prenant la direction de Logan City vers le dojo de son père, ou plutôt, à présent, vers son dojo. « Si tu veux j’ai des barres de céréales juste là. » Elle pointe du doigt la boite à gants en s’arrêtant à un feu rouge. Un sourire un peu ironique étire ses lèvres. « Si ça peut te rassurer j’ai pas l’intention de t’emmener faire un marathon. »


@Shiloh Atkins  

Depuis mon retour, les jours et les semaines s'étaient enchaînés dans un flou général. Il avait fallu trouver un logement, puis un petit travaille pour survivre. Il avait fallu se cacher, avant de revoir mes proches petit à petit, éluder leurs questions, avant de finalement lâcher toute la vérité auprès de Nathan. Si j'avais su mentir à mes amis, si j'avais pu maintenir Louisa loin de moi, je fus dans l'incapacité de mentir à mon frère jumeau. J'avais besoin qu'il soit au courant de la vérité, j'avais besoin de ses bras, besoin de sa protection. Et pourtant… C'est dans le silence que je me suis de nouveau enfermé dès l'instant où Lawrence à commencer à me harceler. Ce qui a commencer par de simples messages de temps en temps, c'est transformer en un véritable cauchemar. Il appelle à toutes les heures du jour et de la nuit, m'envoie une centaine de messages entre mots d'amour et insultes en tout genre. Il ne s'arrête jamais et surtout, il jure qu'il viendra me chercher. Chance pour moi, son emploi du temps semble le forcer à devoir rester à Sydney pour le moment, mais je sais qu'il finira par débarquer en ville. Il viendra et je ne sais ce que je pourrais faire face à lui. Alors je me terre dans mon coin, j'attends que les jours passent, j'angoisse dès que mon téléphone sonne. Je ne vis plus vraiment, je me laisse aller, mais au moins dans tout cela, j'ai pu me remettre à coudre. J'arrache la moitié de mes croquis, jette le tiers de mes créations, mais j'essaye malgré tout, de reprendre un pied à l'étrier.

Entre les dizaines de messages de Lawrence, était venu se glisser un texte de la part de Danika. La jeune femme que j'ai parfaitement ignorée depuis notre dernière rencontre. Elle qui semble avoir tenu sa promesse, mais que je n'étais pas prête à retrouver. Pourtant, je lui avais promis que l'on pourrait essayer. C'est elle qui a choisi de faire le premier pas, me donnant rendez-vous pour une activité inconnue. J'ai longtemps hésité, je l'ai longuement questionné, mais ai fini par céder. Elle a fait le premier pas, je me dois de lui reconnaître cela. À mon tour, de faire un effort.

Lorsque je grimpe dans sa voiture, en tenue de sport, je ne suis pas très à l'aise. « Salut Shiloh. Tu vas bien ? » Je hoche la tête alors que je sens son regard sonder chacun parcelle de mon âme. « Oui oui, ça va. Et toi ? » La conversation semble bateau, mais c'est bien tout ce que je peux lui offrir. Je reste nerveuse à l'idée de me diriger vers une destination inconnue, la tenue de sport n'aidant pas à s'imaginer quelque chose de plaisant. « Tu as petit déjeuné ce matin ? » Je secoue la tête à la négative. « Si tu veux, j’ai des barres de céréales juste là. » « J'ai pas très faim, mais peut-être tout à l'heure. » Pour le moment, la seule chose qui m'intéresse est bien de savoir où est-ce que l'on se rend. « Si ça peut te rassurer j’ai pas l’intention de t’emmener faire un marathon. » Je pourrais en rire, mais je compte d'un sourire fermer. Elle ne pourrait pas être de mèche avec Lawrence, cela me paraît complètement dingue. Et pourtant, je ne cesse de penser à cela. « Tu pourrais me dire où on va maintenant ? » Si j'aimais les surprises auparavant, ce n'est plus vraiment le cas désormais.

« Oui oui, ça va. Et toi ? » « Ca va. » la conversation est bateau, elle ne peut que l’être. Danika observe le visage de Shiloh, un visage marqué par la fatigue à défaut d’être marqué par un coup comme la dernière fois. Son regard est alerte, son corps tendu, comme si la jeune femme était en danger. De quoi a-t-elle peur ? De passer du temps avec elle ? Elle ne la connait pas assez bien pour arriver à la lire.

« J'ai pas très faim, mais peut-être tout à l'heure. » La jeune femme fronce les sourcils, profitant d’un feu rouge, pour se pencher vers Shiloh et la boite à gants et sortir une barre de céréale protéinée, la tendant à la jeune femme. « Mange tu vas en avoir besoin. »  Son ton est ferme, elle ne compte pas laisser la jeune femme faire un entraînement le ventre vide. Cependant, elle se force à la rassurer sur le fait qu’elle ne l’emmène faire un marathon, la remarque ne semble pas la faire rire, son visage restant fermé, voir même inquiet, ce qui fait froncer les sourcils de la brune « Tu pourrais me dire où on va maintenant ? »


« On va à mon dojo. » dit-elle simplement en regardant la route, arrivant dans Logan City.  Son dojo depuis que la succession avait eu lieu, depuis qu’elle détenait la moitié de la propriété de ce lieu, l’autre appartenant toujours à son oncle. Ce dojo où elle n’avait jamais proposé à la jeune femme de s’y rendre.  Ce dojo où aucun membre de sa famille maternelle n’avait pu s’y rendre, tout simplement parce que Danika n’avait jamais avoué à son père qu’elle voyait ses frère et sœurs. Mais même s’il avait su, elle aurait sûrement proposé à Louisa de l’accompagner, jamais à Shiloh. Pourtant aujourd’hui, c’était elle qu’elle emmenait. « J’aimerais te le montrer et te faire découvrir ce que j’y fais. » souffle-t-elle, posant son regard noisette sur la jeune femme. Elle ne dit pas, on va s’entraîner, tu n’as le choix. Elle ne la forcera pas, la poussera peut-être un peu, mais cela restera son choix. Shiloh a l’air d’avoir été privée de ses choix depuis longtemps. Elle gare la voiture sur le parking, le moteur éteint elle se tourne vers sa sœur. « T’as pas besoin d’avoir cet air inquiet, promis, ça va être si horrible que ça en a l’air. »  Elle sourit, un peu moqueuse, comme si elle essayait de détendre l’atmosphère, d’étirer l’écho d’un sourire sur les lèvres de Shiloh. « Il y a pas grand monde à cette heure-ci. Et il y a des salles à part. On sera tranquilles. » tente-t-elle de la rassurer, son ton plus doux. « C’est un lieu important pour moi. » lui dit-elle en plantant son regard dans les yeux de la jeune femme. « Il m’a beaucoup aidé. » Le dojo, les arts martiaux, le self defense, la boxe. C’était un ensemble qui l’avait forgé, qui l’avait aidé à affronter des épreuves et qui avait aidé des dizaines de personnes à affronter leurs propres épreuves. Elle espère au fond que ce lieu pourra aider Shiloh, d’une façon ou d’une autre, et qu’à travers lui,  Danika pourra aussi être là et créer enfin une relation avec cette sœur qui ne lui ressemble en rien.

@Shiloh Atkins  

La conversation est on ne peut plus banale tant je ne sais réellement quoi lui dire. Danika est à l'initiative du rendez-vous et je dois avouer que je suis bien trop stressée pour alimenter le silence de quelques banalités d'usages. Je ne sais ce qu'elle a prévu et toutes les possibilités ne cessent de s'enchaîner sans suite logique. J'envisage la simple activité un peu sportive, comme le fait qu'elle pourrait me livrer en pâture à mon ex-petit ami. Tout semble plausible lorsque c'est l'angoisse et la panique qui prennent le dessus. « Mange tu vas en avoir besoin. » Est-ce que ce commentaire est censé me rassurer ? Pour faire bonne figure, je vais attraper une barre de céréales à l'endroit indiqué. Elle restera probablement intacte entre mes doigts, mais cela soulagera probablement Danika. Je voudrais pouvoir me détendre, mais mon regard reste rivé sur la route. Je ne connais pas le chemin qu'elle emprunte et selon moi l'on s'éloigne bien trop de ma zone de confort.

Alors, j'insiste encore. J'ai besoin de savoir où elle m'emmène, j'ai besoin d'une réponse concrète. La jeune femme semble comprendre mon désarroi lorsqu'elle me répond enfin. « On va à mon dojo. » Son do- quoi ? Il me faudra quelques secondes pour me souvenir de ce qu'avait bien pu me raconter Louisa une fois. Je crois que Danika est une fan des arts martiaux ou quelque chose dans le genre. C’est bien à cela que ça sert un dojo non ? Mon regard ne cesse de se balader entre son visage et la route que nous sommes en train d’emprunter. « Pourquoi tu veux m’emmener là-bas ? » « J’aimerais te le montrer et te faire découvrir ce que j’y fais. » Je hoche la tête sans être pleinement rassuré sur le programme qu’elle semble avoir concocté pour nous. Pourquoi maintenant ? Pourquoi elle semble réellement tenir à vouloir me présenter tout cela ? J’avoue être un peu perdu. « T’as pas besoin d’avoir cet air inquiet, promis, ça va être si horrible que ça en a l’air. » Je tente de lui rendre son sourire même si j’ai du mal à me retrouver pleinement rassurer. « Pardon, c’est juste… » Comment lui dire sans la vexer ? « Assez inattendu. » que j’avoue alors lentement.

« Il y a pas grand monde à cette heure-ci. Et il y a des salles à part. On sera tranquilles. » Une nouvelle fois, je hoche la tête prête à lui faire confiance. Je vois dans la façon qu’elle a de s’adresser à moi qu’elle cherche réellement à bien faire. Peut-être que l’on va pouvoir passer une journée ensemble sans que cela se transformer en véritable catastrophe après tout. « C’est un lieu important pour moi. Il m’a beaucoup aidé. » « D’accord. » Et comme si les choses allaient un peu mieux, je finis par prendre l’une des fameuses barres de céréales qu’elle m’avait proposées auparavant. « Si je dois me mettre au sport. » que je marmonne en souriant un peu. Elle fait un effort et je crois qu’il est temps que j’en fasse de même après tout. « Mais j’aime pas vraiment la violence, tu sais… » que je lui dis un peu plus calmement.

« Pardon, c’est juste..assez inattendu. » Ca ne peut être qu’inattendu quand les deux femmes n’ont jamais eu de relations, n’ont jamais appris à se connaître. « Tu savais que j’avais un dojo ? Enfin mon père en avait un. Quoique il est à moi maintenant. » Peut être qu’elle n’a jamais demandé, peut-être qu’elle ne l’a jamais su. Danika réalise alors à quel point les deux femmes ne se connaissent pas ou peu. Elles connaissaient si peu de choses l’une de l’autre, tout est à écrire.  « On ne s’entraînait pas là avec Louisa par contre. Mon père a jamais su… » que les deux femmes se voyaient, s’entraînaient ensemble. Que Danika voyait sa famille maternelle tout court, la jeune femme se racle la gorge observant la route, préférant changer de sujet.

Elle tente de la rassurer, ne veut pas lui faire peur, espère que la jeune femme ne partira pas en courant. « D’accord. » Les épaules de Danika se détendent. C’est un bon début, elle n’aura pas à la traîner à l’intérieur, n’aura pas à abandonner complètement ses plans ou à changer de route.

« Si je dois me mettre au sport.  Mais j’aime pas vraiment la violence, tu sais… »  Elle lui sourit avant de sortir de la voiture et de refermer la porte. Un sourire avec une pointe de malice alors qu’elle se traverse le parking son sac sur l’épaule. « Ce n’est pas à propos de la violence. »  Non les arts martiaux, les sports de combat ne sont pas à propos de la violence. Bien sûr certains l’ont en eux, comme Danika à vrai dire, cette soif de se battre, d’entendre le bruit des os qui se brisent, ce besoin d’extérioriser une tornade d’émotions à coups de poings. Mais elle n’avait pas commencé pour ça. Ce n’était pas ce qu’on lui avait appris. Elle lui ouvre la porte la laissant passer. Le lieu est lumineux, la salle principale immense, composé de rings, d’un grand tatami et de matériel de combat. Les gens sont peu nombreux à s‘entraîner ce matin-là, la foule arrivera plus tard. Son regard inévitablement comme à chaque fois se porte vers le haut, vers ses fenêtres vitrées qui surplombent la salle là où elle espère toujours, même aujourd’hui, voir le visage de son père apparaître, concentré, à observer ses poulains.  Il n’est pas là bien sûr et elle se dit que cela devrait être elle à l’étage aujourd’hui.  Elle chasse la pensée aussi vite qu’elle est arrivée. Elle n’est plus digne de cet héritage-là.

Danika se tourne de nouveau vers Shiloh. « C’est à propos du contrôle. » Son regard s’ancre dans le sien. « Le contrôle de soi, le contrôle des autres, le contrôle de chaque geste que tu feras et de chaque geste que tu accepteras. » Elle l’incite à la suivre alors qu’elle traverse la salle. « Mon père et son frère ont créé ce lieu pour tous. Ca a commencé avec la boxe et le karaté, aujourd’hui on enseigne bien d’autres disciplines. »  La fierté est présente dans sa voix elle ne cherche pas à la cacher, elle a été élevée ici après tout.  Elle entraîne sa sœur dans une salle séparée, vide, enlevant ses chaussures avant de marche sur le tatami et de fixer la jeune femme droit dans les yeux. « Est-ce que tu crois que tu es en contrôle ? »  De tout ce qui lui arrive ? Des mains qui se sont posées sur elle ? De la peur qu’elle lit encore dans ses yeux malgré toutes les apparences qu’elle essaye de maintenir.  




@Shiloh Atkins  

« Tu savais que j’avais un dojo ? Enfin mon père en avait un. Quoique il est à moi maintenant. » Instinctivement, je hoche la tête, sans même avoir jamais eu, qu'une vague idée de la chose. À dire vrai, je n'imaginais pas grand-chose de la vie de Danika. Tout a toujours été très flou dans un coin de mon esprit depuis que j'ai connaissance de son existence. Elle était l'autre. Celle dont personne ne parlait, celle que maman avait garder secrète, celle que Louisa avait d'abord jalousement garder pour elle. Tout semblait compliqué lorsqu'il s'agissait de Danika et aujourd'hui encore, je ne sais sur quel pied danser en sa compagnie. Au plus profond de moi, je sens que je peux lui faire confiance, que l'on pourrait réellement établir une relation d'importance. Pourtant, me voilà a balbutié, incapable de vraiment me rappeler si ce qu'elle me racontait faisait appel à un souvenir déjà évoquer. La seconde de flottement qui suit lui laisse le temps d'ajouter un détail. « On ne s’entraînait pas là avec Louisa par contre. Mon père a jamais su… » Ce n'est que de la tristesse face à ses paroles lourdes de sens. Tout n'avait été que secret dans sa vie. « Je suis désolée... » C'est bien tout ce que je réussis à formuler alors qu'un léger silence est retombé dans l'habitacle de la voiture. Je suis désolée qu'elle n'ait pas pu grandir avec nous, désolée qu'elle ait dû cacher sa relation avec Louisa. Je suis mal à l'aise et le sentiment est bien loin d'être plaisant.

On finit par s'arrêter sur un parking relativement vide en face de la salle. Je me demande encore bien pourquoi elle tient absolument à ce que je l'accompagne dans un endroit qui ne représente à mes yeux, que le défoulement d'une violence contrôlée. « Ce n’est pas à propos de la violence. » Je retiens un léger soufflement alors que mon regard vient croiser le sien. Elle me semble déterminer Danika, fixer sur l'idée qui semble s'être ancrée dans un coin de sa tête. « C’est à propos du contrôle. » Je hoche la tête sans même lui laisser le temps de terminer. « Le contrôle d'une certaine violence. » C'est ce qui m'effraie dans ce lieu, la simple possibilité de ramener des souvenirs que j'aimerais garder enfouit. « Le contrôle de soi, le contrôle des autres, le contrôle de chaque geste que tu feras et de chaque geste que tu accepteras. » Dois-je en comprendre un message sous-entendu ? Je n'arrive toujours pas à faire le lien avec la raison de ma présence à ses côtés. Je commence à m'inquiéter, incapable de poser mon regard sur un point fixe, les mains soudainement bien trop moites. « Mon père et son frère ont créé ce lieu pour tous. Ça a commencé avec la boxe et le karaté, aujourd’hui, on enseigne bien d’autres disciplines. » Elle est fière de son héritage, fière de cet endroit et j'aimerais réellement la questionner pour en apprendre plus sur ses origines, mais mon attention se focalise sur le bruit des poings qui s'abattent contre le cuir.

C'est comme si elle avait cerné mon malaise lorsqu'elle nous entraîne dans une salle à part. La porte se ferme et je respire déjà un peu mieux, loin des bruits ambiants qui me stressaient. J'imite ma demie-soeur en retirant mes chaussures pour venir me placer à ses côtés. Va-t-elle me demander de me battre ? Je crois bien que j'en serais incapable. « Est-ce que tu crois que tu es en contrôle ? » Est-ce une blague ? Est-ce un jugement ? Je ne sais plus réellement comment me positionner et pourtant la réponse s'écoule sans hésiter. « Non. » Bien sûr que non... Depuis des mois, je n'ai plus la sensation d'avoir le contrôle sur quoi que ce soit. C'est Lawrence qui gérait pour moi, lui qui savait ce qui était bon ou pas pour moi. Sans lui, je flotte dans un espace que je ne saurais complètement me réapproprier. « Tu peux me dire où tu veux en venir ? » Je ne suis pas bien à l'idée d'évoquer ma relation, de devoir, ne serais-ce qu'émettre l'idée qu'il avait une emprise sur moi.

« Je suis désolée… » Un sourire triste étire les lèvres de la métisse dans l’habitacle silencieux de la voiture.  « T’as pas à être désolée. C'est pas de ta faute. » Non elle n’y est pour rien dans la situation que leurs parents ont créée. Elle n’y est pour rien dans le fait que Dania n’ait jamais voulu de sa deuxième fille, aurait préféré sûrement avorter plutôt que d’avoir cet enfant avec James Riley. Tout comme elle n’y ait pour rien que son père ait tout fait pour la couper de cette famille, pour la garder au plus proche de lui et pour lui rappeler l’abandon de cette mère qui sans doute n’avait pas été prête à l’être à ce moment-là. Et si Danika a toujours eu du mal avec les jumeaux c’est sans doute parce qu’elle les a voulus, qu’ils sont nés après elle et qu’elle les a voulus et aimés. Il n’est pas si facile d’effacer des années à se persuader que ces personnes sont les méchants de son histoire. Ce n’est sans doute que maintenant qu’elle commence à avoir un peu plus de recul et des regrets bien sûr.

Shiloh et Danika n’ont rien partagé, ne sont tout au plus que deux inconnues alors qu’elles auraient pu être élevées ensemble, auraient pu se voir tous les weekends, auraient pu être bien plus proches et peut être qu’il n’y aurait pas eu ce silence lourd dans cette voiture.  Peut-être que le dojo aidera cette situation ou ne fera que l’empirer. La jeune femme n’en a aucune idée.

« Le contrôle d’une certaine violence. » Bien sûr Shiloh n’a pas tort et plus que tout aujourd’hui Danika baigne dans cette violence, les combats étant devenue sa façon d’avancer, sa peau est marquée de bleus en tous genre, son corps est musclé de ceux qui s’entraînent chaque jour sans relâche. « Non. » Il n’y a pas de jugement dans le regard de Danika, il est même plus doux, s’adaptant à sa jeune sœur qui semble tout sauf à l’aise dans cet environnement.   « Tu peux me dire où tu veux en venir ? » Un demi sourire étire les lèvres de la combattante.« Je ne juge pas Shiloh. Je vois simplement deux choses, t’as l’air terrifiée et pour toi ce qui est arrivé est de ta faute. » Elle aimerait trouver l’homme et le détruire comme elle a l’impression qu’il a détruit la jeune femme, lui prenant sa joie de vivre et sa confiance.  « Tu veux savoir ce qu’il t’a pris Shiloh ? Il t’a pris ton contrôle. » Elle se rapproche de Shiloh lentement comme si elle avait en face d’elle un animal en fuite. «  Je te propose juste qu’on essaye de le retrouver à deux ton contrôle, c’est tout. » lui dit-elle simplement, doucement. Son regard s’ancre dans le sien et c’est là qu’elle remarque pour la première fois qu’elles ont les mêmes yeux verts. « Il est pas là. Il y a que toi et moi ici. » souffle-t-elle dans l’espoir que la jeune femme ne décide pas de partir.




@Shiloh Atkins  

Le lieu sent un mélange de sueur et de vieux cuir tanné. Au loin, résonne le bruit des gants qui frappent contre les sacs suspendus. Je suis bien loin d’être dans mon élément quand tout appelle au sport et au dépassement de soi. Je n’ai jamais été la plus sportive de la famille, préférant mille fois flâner dans les boutiques et me cacher derrière mes chutes de tissu. Si je comprends le désir de Danika de partager quelque chose qui semble lui tenir à cœur, je ne comprends plus réellement ce que je fais debout sur ce ring avec elle. Je n’ai jamais été pour la violence et ce n’est pas après ces dernières semaines que je vais commencer à trouver un certain plaisir à frapper dans quelque chose. Elle me parle de contrôle la brune, d’une sorte d’énergie qui flotte dans l’air, mais qui nous serait propre. Un contrôle de soi et de notre force qui me paraît pourtant si étranger. « Je ne juge pas Shiloh. Je vois simplement deux choses, t’as l’air terrifiée et pour toi ce qui est arrivé est de ta faute. » Je déteste la facilité qu’elle a de lire au travers des lignes. Est-ce réellement marqué sur mon front ? Est-ce que je deviens la gamine apeurée parce qu’elle a reçu un coup, juste une fois, juste un jour ? « Tu ne sais rien. » Elle ne sait pas, mais elle voit. Elle n’a pratiquement aucune idée de ce qui pouvait bien se dérouler entre Lawrence et moi, mais pourtant, elle a cerné le problème en un instant. « Tu veux savoir ce qu’il t’a pris Shiloh ? Il t’a pris ton contrôle. » Un léger rire amer m’échappe alors que je sens cette foutue boule se resserrer dans le fond de ma gorge. Ne pleure pas Shiloh, pas devant elle. Ses mots tournent en boucle dans un coin de ma tête tant, ils font sens au sein de la situation. Elle a raison et je ne sais plus vraiment comment le gérer. « Il m’a pris bien plus que ça. » Il m’a enlevé ma confiance en moi, il a su me priver de mes amis, de ma passion. Il m’a emprisonné au point d’en contrôler la moindre de mes pensées. Lawrence a su me matrixer et désormais, je n’ai plus aucune idée de comment faire pour avancer.

« Je te propose juste qu’on essaye de le retrouver à deux ton contrôle, c’est tout. » La solution paraît si simple, comme abordable du bout des doigts. « Il est pas là. Il y a que toi et moi ici. » Instinctivement, je regarde par-dessus mon épaule avant de hocher la tête. Il n’est pas là. Elle veut m’aider. C’est visiblement tout ce qu’elle cherche à faire depuis le début. Je ne sais pas où elle veut en venir, je ne sais pas si cela va aboutir, mais soudainement, j’ai presque envie de lui faire confiance. « Tu proposes quoi ? » Elle m’a amené jusqu’ici, elle semble vouloir me donner de son temps. Je lui avais promis de faire des efforts, de tenter de trouver une ouverture au dialogue afin de créer une relation entre nous. « Pourquoi tu fais tout ça ? » que je ne peux m’empêcher de lui demander malgré tout. Pourquoi est-ce qu’elle perdrait son temps avec moi ? J’ai besoin de comprendre pour encore mieux lui faire confiance.

« Tu ne sais rien. » Non Danika ne sait rien tout simplement parce que les deux sœurs sont deux inconnues. Elles ne se ressemblent pas et si leur mère était présente, peut être un inconnu pourrait y avoir quelques ressemblances dans leurs traits mais les deux femmes ne partagent rien si ce n’est un sang commun. Danika n’a jamais connu les détails de la vie de Shiloh, seulement les grandes lignes données par Louisa. Elle ne connait pas les gestes qui parlent plus que les regards, les mots qui en cachent d’autres, elle ne connait pas sa sœur qui est une inconnue. « Tu as raison. » Ca ne sert à rien de le nier, Danika en est tout à fait consciente et pourtant dans ces lieux qui appartenaient à son père, elle en veut à ce dernier d’avoir joué à sa part dans cette ignorance. « Mais j’aimerais bien savoir…si un jour tu veux en parler. » Haussement d’épaule, elle laisse la porte ouverte, consciente du fossé immense qui les sépare encore, consciente aussi qu’on ne répare pas une relation inexistante en quelques mots. Qu’importe, elle a toujours été volontaire et n’a jamais été arrêtée par un quelconque fossé. Pour l’instant elle se contente de l’observer, de l’analyser, de tenter de deviner ce que cache chacune de ses réactions, d’apprendre à la connaître même quand Shiloh ne le souhaite pas.
Elle ne veut pas lui montrer de pitié, se contente simplement de pointer à ce qui lui parait évident, un homme a planté ses griffes dans sa peau et lui a fait perdre le contrôle qu’elle avait sur elle et sur sa vie. « Il m’a pris bien plus que ça. » La gorge de la jeune femme s’est serrée, l’émotion palpable dans son regard qu’elle cherche à cacher. Le regard de Danika s’adoucie en retour face à l’écho de ces femmes avec qui elle a travaillé par le passé qui ont vécu une expérience similaire à la sienne.
« Tu proposes quoi ? » La porte n’est pas fermée et c’est assez pour qu’un sourire vienne étirer les lèvres de la brune. « Un entrainement simple, je te montre quelques mouvements, on répète, si ça te plait pas on arrête. » Peut être que Shiloh n’allait pas aimer du tout ce sport, peut être que cela lui permettrait pendant au moins un temps de relâcher la pression concentrée dans ses épaules. Danika n’en savait rien, elle voulait simplement tenter de lui offrir son aide, à sa manière.
« Pourquoi tu fais tout ça ? » La question la prend de court, la fait planter son regard dans celui de Shiloh alors qu’elle hésite. « Je sais que toi et moi on a jamais été proches..Je sais que c’est à cause de moi… Mais peut être que j’ai envie de changer ça ? Peut être que j’aimerais essayé d’être…ta sœur ? » Le mot est prononcé de façon hésitante, mais prononcé malgré tout alors que la brune s’attache à ces liens brisés dans l’espoir de pouvoir les réparer. Pas avec sa mère, ça au non, mais peut être qu’avec Shiloh et Nathan, peut-être qu’avec eux, elle peut essayer de réparer les erreurs du passé.
« On commence ? » demande-telle doucement sans la brusquer. Danika commence par lui montrer un échauffement rapide avant de lui montrer les fondamentaux. « Reste agile sur tes pieds. Ton poing, ne met pas ton pouce à l’intérieur de ta main. » lui conseille-t-elle en lui montrant comment former un poing. Puis elle sort un pao de son sac qu’elle passe sur son bras. [color=#006699]« Je veux que tu frappes sur le pao, avec ton poing gauche puis ton droit. » Elle lui donne des conseils, lui conseillant d’accélérer lorsqu’elle semble plus à l’aise, la laissant tomber dans le rythme de ses poings qui s’abattent sur le tissu. « Plus fort, va s’y n’hésite pas. » Et alors que les mouvements s’accélèrent sans que pourtant la jeune femme ne se donne à cent pourcent Danika finit par ajouter. « Imagine le. Imagine que c’est lui le pao. Pense à ce qu’il t’a pris. Il t’a pris quoi Shiloh ? » souffle-t-elle d’un ton encourageant et dur, qui cherche à réveiller la colère et non la peur au fond d’elle.


@Shiloh Atkins  

« Tu as raison. » Pour la première fois, Danika semble admettre qu’elle ne possède pas toutes les cartes pour avoir la meilleure vision d’ensemble. Ce n’est pas que je souhaite lui rejeter à la figure tout ce qui pouvait bien rater dans notre relation, mais la réalité s’entends dans cet aveu. « Mais j’aimerais bien savoir… Si un jour, tu veux en parler. » Elle ne force en rien la discussion et je perçois à quel point elle voudrait que l’on cesse de s’éloigner pour se rapprocher au mieux. Rien ne semble encore parfaitement acquis lorsque je me trouve bien incapable de pouvoir lui faire pleinement confiance. Ce sont des étapes qu’il va falloir franchir, mais je ne souhaite en rien lui fermer la porte complètement. « Peut-être un jour. » que je souffle alors lentement. La porte reste ouverte, le temps fera le reste.

« Un entraînement simple, je te montre quelques mouvements, on répète, si ça te plaît pas on arrête. » Je hoche la tête alors que l’on arrive sur le centre du ring. Qu’est-ce que ça pourrait bien me coûter d’essayer ? Danika semble vouloir me transmettre quelque chose et, peut-être, qu’il serait temps de lâcher prise, de laisser aller tout ce que je retiens depuis si longtemps. « Je sais que toi et moi, on a jamais été proches… Je sais que c’est à cause de moi… Mais peut être que j’ai envie de changer ça ? Peut-être que j’aimerais essayer d’être… Ta sœur ? » Mon regard croise le sien et durant quelques secondes, le silence nous enveloppe, alors que je tente de déterminer où se situe toute sa sincérité. Elle semble vouloir bien faire et je voudrais lui faire confiance. Je voudrais aussi avoir le temps d’en discuter avec Nathan, mais le temps semble compter lorsque l’on est déjà l’une en face de l’autre. « On commence ? » Une nouvelle fois, je hoche la tête lentement. « D’accord. »

« Reste agile sur tes pieds. Ton poing, ne met pas ton pouce à l’intérieur de ta main. » Je reprends ma position, tente de positionner mes poings comme elle me le demande. « Comme ça ? » C’est que je cherche à bien faire même si je n’ai aucune idée de ce qu’elle va bien pouvoir me demander par la suite. « Je veux que tu frappes sur le pao, avec ton poing gauche puis ton droit. » Frapper. C’est tout. Je peux le faire. Frapper. Un poing après l’autre. Un souffle m’échappe avant que les premiers coups ne tombent sur le coussin qu’elle tient entre ses mains. « Plus fort, va s’y n’hésite pas. » Les coups sont réellement timides, je n’ai aucune idée de ce que je suis en train de faire. Je frappe à nouveau, un brin plus fort, sans que ce ne soit encore parfait. Je me sens idiote. « Imagine-le. Imagine que c’est lui le pao. Pense à ce qu’il t’a pris. Il t’a pris quoi Shiloh ? » Les encouragements de Danika se veulent imposants sans jamais être crié. Elle insiste et petit à petit mon souffle s’emballe tandis que mes poings décrochent des coups des plus en plus forts. Il faudra quelques secondes encore avant que je ne visualise parfaitement le visage de mon ex-petit ami. La porte des souvenirs s’ouvre violemment laissant les paroles de Lawrence envahir mon esprit. J’entends à nouveau les reproches, les insultes, tout ce qu’il était capable de me dire pour mieux me descendre et à mesure que les souvenirs remontent, les coups se font de plus en plus violent. Je frappe en oubliant les conseils de Danika. Je frappe pour aller mieux, je frappe parce que j’en ai besoin. Mon souffle se fait de plus en plus erratique, les larmes se mêlent aux coups et après avoir frappé comme un forcené, je m’écroule sur le sol, à bout de forces. « Il voulait plus que je parle à Nathan. » que je souffle entre deux hoquets. « Il m’a interdit de travailler en disant que j’étais nul à ce que je faisais, il l’a tellement répéter que maintenant, je le crois. » Je tente de passer une main sur mes joues sans réellement savoir si cela s’avère utile. « Il me forçait à faire des choses que je ne voulais pas. » Et tout s’étale sans que je ne contrôle quoi que ce soit. « Et j’arrive encore à lui trouver des excuses. » que j’avoue sans jamais relever la tête vers elle tant j’ai honte.

« Peut-être un jour. » C’était déjà la promesse d’un futur meilleur et c’était déjà assez pour Danika qui souhaitait simplement que la porte ne soit pas fermée malgré toute la distance qu’elle avait instauré depuis des années.

Sur le ring, Danika ne savait pas vraiment ce qu’elle cherchait à faire. Peut-être essayait-elle de lui donner un moyen, un outil pour exprimer tout ce qu’elle gardait au fond d’elle, de tenter de l’aider à sa manière. Peut-être que cela ne lui conviendrait pas, peut être que cela serait bénéfique.  Shiloh commença par frapper mollement et timidement mais petit à petit les coups se firent plus forts, plus violents et bien vite les larmes se mêlèrent aux poings alors qu’elle laissait enfin toute sa détresse au grand jour. Lorsqu’elle s’effondra sur le sol, Danika ne la força pas à se lever se contant de s’accroupir à ses côtés silencieuse.

« Il voulait plus que je parle à Nathan. » Il l’avait empêchée de parler à son jumeau, à la personne dont elle était le plus proche. Louisa lui avait déjà parlé du lien qui unissait les deux jeunes Atkins et elle se doutait que la priver de son frère avait été une terrible manière d’isoler la jeune femme. « Il m’a interdit de travailler en disant que j’étais nul à ce que je faisais, il l’a tellement répété que maintenant, je le crois. » Elle écoutait, laissant les mots sortir difficilement du cœur de la jeune femme dont les larmes ne cessaient de couler. Danika se contentait d’être là mais à chaque phrase prononcée elle sentait son cœur se serrer de tristesse et de colère. Elle aurait voulu réduire l’ex petit ami en miette.   « Il me forçait à faire des choses que je ne voulais pas. » Ses poings se serrèrent sans même qu’elle s’en rende compte et elle ferma les yeux un instant pour chasser les images qui s’invitèrent malgré elle.  « Et j’arrive encore à lui trouver des excuses. » Bien sûr qu’elle arrivait à lui trouver des excuses quand il avait tout fait pour l’isoler, pour lui arracher son cœur et le garder prisonnier. Elle avait beau être loin, l’emprise qu’il avait laissé sur son esprit, elle, était toujours là.  Danika s’était accroupie à sa hauteur, non loin d’elle sans non plus envahir son espace physique.

« Shiloh regarde moi. » elle murmura d’une voix douce pour faire relever la tête de la jeune femme aux yeux noyés de larmes. « Tu es ici. Tu n’es plus là bas tu sais ce que ça veut dire ? » elle sourit encourageante. « Que tu as réussie à partie. Que tu as fait le choix de partir. Que tu es forte. » Elle avait appuyé sur le dernier mot, son regard refusant de lâcher celui de sa sœur.  Elle posa son genou au sol, se rapprochant d’elle doucement. « Je vais prendre ta main d’accord ? » Elle ne fit pas de gestes brusques, s’assura que la jeune femme avait acquiescé avant de faire quoique ce soit et elle effleura les phalanges rougies de Shiloh avant de la faire refermer son poing et de mettre ses propres mains autour de ce poing. « Tu es forte Shiloh, bien plus que tu ne le penses. » elle souffla de nouveau avec un sourire. En espérant que malgré les larmes sur le visage de la jeune femme, une infirme partie d’elle-même puisse l’entendre et le comprendre.


@Shiloh Atkins  

À chaque respiration, dans le moindre de mes coups, se cache tout ce que je n’ai jamais su dire, tout ce que je n’ai pu exprimer lors de ma relation avec Lawrence. Des mois de douleur accumulés, des semaines à lentement réaliser tout ce qu’il avait su me prendre sans jamais rien me redonner. Les coups sont maladroits, la force me quittant parfois à mesure que tout semble me heurter de plein fouet. Soudainement, tout explose en cascade quand il ne reste plus que le constat des miettes qu’il a bien su me laisser. Tout s’effondre autour de moi à mesure que je crie à haute voix tout ce qu’il a su me faire endurer, les humiliations, les insultes, ces nuits où il voulait que je couche avec lui sans jamais me demander mon avis et pour finir la violence physique qui aura eu raison de l’amour que j’ai su lui porter durant tout ce temps. C’est le point de la réalisation qui m’amène à genoux, complètement essouffler, sur le point d’en avoir la nausée. Le monde semble tourner à bien trop grande vitesse sans que je ne trouve la force de me relever. « Shiloh regarde moi. » La voix de Danika me paraît comme un songe lointain. Il me faudra quelques minutes encore et le son de sa voix qui résonne à nouveau pour réaliser qu’elle s’adresse à moi. « Tu es ici. Tu n’es plus là-bas tu sais ce que ça veut dire ? » Je voudrais hocher la tête, mais il ne reste plus que les larmes et de bien trop nombreux hoquets m’empêchant de formuler la moindre phrase. « Que tu as réussie à partie. Que tu as fait le choix de partir. Que tu es forte. » Mon instinct premier serait de lui rappeler que je suis bien loin d’être fort quand il m’aura fallu tout ce temps pour me sortir de cette situation. Je voudrais contester, mais tout me paraît bien futile soudainement. « Je vais prendre ta main d’accord ? » Je hoche la tête, consciente qu’elle ne cherche en rien à me faire du mal, bien au contraire. Son contact se veut rassurant, comme une caresse légère rappelant une douceur qui s’était faite étrangère. « Tu es forte Shiloh, bien plus que tu ne le penses. » Et les larmes redoublent alors de plus belle tandis que, sans réfléchir, je viens me loger dans le creux de ses bras à la recherche d’une étreinte qui se voudra salvatrice.

Les minutes se sont écoulées entre mes sanglots et ses doigts qui couraient sur ma peau dans un geste apaisant. Elle était nécessaire la crise de pleurs, comme l’extériorisation d’un mal-être que je ne saurais exprimer par les mots. « Je suis fatiguée. » que je murmure après plusieurs minutes à souffler pour tenter de retrouver un visage normal malgré que mes joues soient striées par le torrent d’eau salée. « Tu peux me ramener ? » Et lorsque ma main vient chercher la sienne, je tente de lui transmettre tous les remerciements qui mettront encore un temps à émerger. Le lien ne sera pas parfait du jour au lendemain, mais jamais je n’oublierai tout ce que Danika viens de faire pour moi.