« Calme-toi Bonnie, ça sert à rien de t’exciter comme ça ! ». Andrew disait ça mais il ne pouvait s’empêcher de rire. La petite sautait sur place depuis dix bonnes minutes déjà, se trémoussant au rythme de la musique dans sa jolie robe de princesse. Celle que Mia lui avait offerte quelques temps auparavant. Bonnie avait insisté pour la mettre au carnaval. Ils s’étaient installés à côté des chars, pour observer les déguisements des gens, danser sur la musique. Et surtout, Bonnie voulait absolument monter sur l’un des chars. Andrew avait un vague souvenir que, du temps où Mia était enfant, c’était possible. Il se rappelait l’avoir fait monter dessus, elle était si fière, les cheveux au vent. Alors il trouvait légitime de pouvoir y venir avec Bonnie également.
Il chercha du coin de l’oeil le char qui accueillait les enfants. Au vu des cris qui provenaient de pas très loin d’eux, il se dirigea vers le char bleu ciel, avec des plumes de toutes les couleurs. Bonnie était ravie. Il l’aida à grimper dessus, avant de la suivre. A peine arrivée en haut, elle se précipitait déjà sur le bord, pour observer la foule. Elle bouscula au passage un enfant, qu’Andrew ne reconnut pas tout de suite. « Doucement Bonnie, tu vas faire mal à quelqu’un ! ». Il attrapa la petite par la main, la forçant à se tourner vers lui. « Excuse-toi auprès du garçon, Bonnie ! ». Il prit soudain conscience qu’il connaissait le petit garçon. Il aurait très bien pu être un petit enfant du centre, mais pas du tout. Andrew savait très bien de qui il s’agissait. Virgil, lui souffla son cerveau. Et si Virgil était là, alors Jax ne devait pas être très loin. Il n’eut pas à chercher très longtemps avant d’apercevoir la silhouette du grand gaillard, qui cherchait son fils. « Jax », lança simplement Andrew pour attirer son attention. Andrew avait la boule au ventre. Ni l’un, ni l’autre ne s’étaient re-contactés après la dernière fois. Il était gêné, il ne savait pas si Jax avait envie de le voir ou non. « Ne t’en fais pas, je crois que Virgil est entre de bonnes mains… ». Les deux loustics étaient déjà en train de se dandiner sur la musique, faisant des petits coucous aux personnes en bas du char. Andrew rangea ses mains dans ses poches, essayant de cerner si Jax était content de le voir ou non. Il ne savait pas par où commencer, il avait encore tellement de choses à lui demander, à partager avec lui. Mais il préféra rester simple pour le moment. Préférant une petit blague pour détente l’atmosphère. « Je vois que toi non plus tu n’as pas cédé à l’appel du déguisement… ». Andrew avait certes sorti un short, mais il n’avait pas mis de plumes. Et Jax avait l’air d’avoir fait de même. « Je suis content de te voir. Comment tu vas ? ». Simple, efficace. En espérant que son fils ne le jette pas par-dessus bord.
« Je veux mettre celui de pompier » Jax ne pu s'empêcher de sourire. Il aurait pu parier que son fils aurait voulu mettre celui-là de déguisement. Parce qu'au delà que ce soit le genre de costume qui plait aux enfants, il avait une signification particulière pour le garçon. Jax l'attrapa dans le placard avant d'aider son fils à l'enfiler. « J'aimerai bien revoir Aaron et Noah » Les jumeaux avaient été de vrais amis pour le petit Virgil, ils avaient aussi beaucoup aidé à son adaptation à l'école. Et puis, ils se voyaient souvent en dehors vu que les deux papa s'entendaient bien. Ils auraient même été sur le point de devenir de très bons amis avant qu'Adam ne quitte Brisbane. « J'essayerai de l'appeler pour qu'on aille les voir pendant les prochaines vacances » Le petit garçon ne pu s'empêcher de sourire tandis qu'il finissait de s'habiller. Quelques minutes plus tard, les deux garçons étaient parmi la foule pour le défilé des chars. L'an dernier Virgil était trop petit pour vraiment apprécié ce moment mais là, il semblait heureux et avait des étoiles dans les yeux. Et cela n'avait fait qu'augmenter lorsque Jax l'avait porté pour le déposer sur le char. Il était émerveillé de voir tout le monde applaudir et chanter sur leur passage et il était heureux. L'adulte lui se contentait de suivre le char de loin. Il ne quittait pas son fils des yeux mais restait à une certaine distance. Il aperçu cette petite fille qui bouscula involontairement son fils et il ne pu s'empêcher de sourire en voyant la silhouette du père de la demoiselle la forcer à s'excuser. Du moins, de loin, c'était ce qu'il pensait. Il y avait tant de parents qui n'auraient rien fait, il ne doutait pas que ce mec devait être un bon père. Enfin, ça s'était avant de le reconnaître. Il n'avait pas vraiment à chercher qui il était mais la réciproque n'était pas vraie. Et alors que son attention s'était recentrée sur Virgil, il entendit quelqu'un l'appeler. « Jax » Il ne reconnu pas de suite la voix et il fronça les sourcils. Encore plus lorsqu'il tourna la tête et se trouva en face d'Andrew. Le visage du jeune homme se ferma. Un geste de protection. Il n'avait toujours pas décidé comment il devait agir avec Andrew et il aurait préféré avoir encore du temps, le temps de savoir s'il devait le faire rentrer dans sa vie ou l'ignorer. Le destin ne lui en avait pas laisser le temps. « Ne t’en fais pas, je crois que Virgil est entre de bonnes mains… » Il ne savait pas si le fait d'entendre le prénom de Virgil sortir de la bouche de son géniteur était une bonne chose ou pas. Cela faisait plaisir à Jax de savoir qu'il avait retenu le prénom de l'enfant qui en soit était son petit fils ou agacé de savoir qu'Andrew connaissait déjà trop de choses de sa vie et qu'il serait peut-être difficile de l'en faire sortir s'il l'avait décidé. « Tu la connais ? » Jax était un peu sur la défensive mais en même temps, il avait envie de connaître le lien entre la demoiselle et son propre père. « Je vois que toi non plus tu n’as pas cédé à l’appel du déguisement… » Il haussa les épaules. Jax n'était absolument pas du genre à se déguiser, sauf sous la contrainte. Merci Mia et ce souvenir de ce déguisement grotesque de clown. « Je suis content de te voir. Comment tu vas ? » « Je ne peux pas dire de même » C'était clair et franc. « Ecoute, j'ai pas du tout envie qu'on se tape la discut comme si on était proches. J'ai pas envie de te parler de ma vie et j'ai pas envie de connaître la tienne non plus. » Franc mais pourtant, aucune méchanceté dans la voix du garçon. Juste qu'il avait besoin de temps et pour l'instant, c'était encore trop tôt.
Le sentiment de malaise qu’Andrew ressentait face à Jax était presque palpable. Lui qui n’avait quasiment jamais peur de rien, un noeud s’était désormais formé au creux de son ventre, refusant de partir. Il avait beau jouer au gros dur à cuire, au fond, il avait plutôt l’allure d’un ver qu’on aurait forcé à sortir d’un fruit trop mûr. Et pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Il aurait voulu passer des heures avec lui. A essayer de cerner son ressenti, à l’entendre parler de son enfance, des ses passions, de Virgil. Il n’avait même pas envie de parler de lui, pour une fois. Juste d’entendre ce que Jax avait à dire. Mais il fallait bien qu’il se rende à l’évidence : ça n’avait absolument rien de réciproque. Le grand gaillard, à peine Andrew l’avait interpellé, s’était directement fermé. Le visage froid et distant. Comme ce jour dans son appartement. « Tu la connais ? ». Andrew glissa une main dans les bouclettes de la petite, qui gesticula pour lui montrer qu’elle n’appréciait pas trop qu’on lui touche les cheveux, et qu’elle était bien plus concentrée sur ce qui se passait en bas du char que par son protecteur. « Elle s’appelle Bonnie. Une petite qui vit au centre. Sa mère ne la sort pas beaucoup, alors on s’arrange à tout de rôle pour qu’elle passe des week-end ailleurs qu’entre quatre murs ». A tour de rôle ? Quelle bonne blague, McKullan. La petite passait le plus clair de son temps avec, voire carrément chez Andrew. Il n’était pas certain que les services sociaux soient vraiment d’accord avec cette vision de la vie, mais Andrew n’en avait pour le moment rien à cirer. Le plus important pour lui, c’était que la petite soit heureuse.
Il tenta quelques blagues, histoire de dérider Jax. Et de se mettre un peu plus à l’aise, lui aussi. Mais ça n’avait pas l’air de prendre. « Je ne peux pas dire de même ». Le coeur d’Andrew se brisa presque sur ces mots. Il savait que son fils présumé n’avait pas nécessairement envie de le voir. L’entendre, c’était quand même autre chose. « Ecoute, j'ai pas du tout envie qu'on se tape la discute comme si on était proches. J'ai pas envie de te parler de ma vie et j'ai pas envie de connaître la tienne non plus ». Andrew hocha la tête, prêt à prendre congés et à partir avec Bonnie ailleurs. Mais en tournant la tête vers la petite, il se rendit compte que Virgil et elle étaient collés l’un à l’autre. « On va avoir du mal à les séparer, ces deux là… ». Il releva sa tête vers son fils, le suppliant presque des yeux. « Une glace ? Pour les petits ». Les enfants étaient la meilleure excuse qu’il avait trouvé pour passer ne serait-ce que quelques secondes de plus avec Jax. « Et promis, je ne parlerai pas trop, cette fois ».
Le char arrivait à son terminus, c'était le moment pour les parents de récupérer leurs enfants. Jax s'approcha pour mettre ses mains sous les aisselles de Virgil et le porter pour l'aider à descendre. A côté de lui, Andrew faisait de même. « Elle s’appelle Bonnie. Une petite qui vit au centre. Sa mère ne la sort pas beaucoup, alors on s’arrange à tout de rôle pour qu’elle passe des week-end ailleurs qu’entre quatre murs » Si cela ne venait pas d'Andrew, pas de son géniteur qui l'avait abandonné à la naissance, il aurait pu trouver cela cool, attendrissant et très professionnel. Jax avait beau avoir assuré qu'il lui avait pardonné, il avait encore beaucoup de mal à lui trouver des qualités. Pourtant, le jeune Collins était le premier, en règle générale, à donner des deuxième voire troisième chances à tire l'arigot mais pas avec cet homme. Même lui était incapable d'expliquer pourquoi il en était incapable. La vérité, c'était qu'il avait peur, peur de l'aimer plus que Grant, peur de s'attacher à lui mais qu'il l'abandonne à nouveau ou finalement regrette d'avoir connu son fils. Même si on ne dirait pas, Jax était quelqu'un qui avait peur de l'abandon. Il avait connu cela avec les Collins puis avec les Watkins et depuis, c'était une peur enfouie au plus profond de lui même. Pour l'instant, il n'était pas sûr de pouvoir lui faire confiance et il préférait prendre ses précautions. D'ailleurs, il ne répondit même pas à sa remarque, le défilé était fini et chacun allait reprendre sa route. Pour Virgil semblait s'amuser avec la petite fille. « Virgil, on va rentrer. » Le petit garçon fit mine de ne pas répondre. Jax soupira, il n'avait pas envie de rester plus longtemps avec Andrew. « On va avoir du mal à les séparer, ces deux là… » Et en plus, il fallait qu'il en rajoute. « Virgil, j'ai dit quelque chose. » Le petit garçon tourna enfin la tête. « Papa, je veux pas partir. » Soupir encore. Il avait promis à son fils qu'ils resterait longtemps mais maintenant d'être face à son géniteur lui donnait envie de partir. « Une glace ? Pour les petits » Evidemment, Virgil avait entendu et il sauta dans tous les sens. « Oh ouiiiii, une glace » Soupir encore. Jax savait qu'il était incapable de dire non à l'enfant pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. « D'accord mais rapide » Virgil ne pu s'empêcher de s'exclamer de joie. « Et promis, je ne parlerai pas trop, cette fois » Jax se pencha vers lui. « Ne t'avise pas de dire qui tu es à Virgil » Parce que ça, Jax ne serait pas capable de le lui pardonner. Ils se dirigeaient vers le glacier. Virgil commanda une glace au chocolat et Jax en commanda une à l'orange sanguine et une au cassis. C'était au tour d'Andrew et de Bonnie.
Andrew ne lui dirait pas, parce qu’il voulait faire bonne figure devant lui, mais le comportement de Jax lui faisait terriblement mal. Il voyait bien qu’il n’avait aucune envie d’être là avec lui. Qu’il se dépêchait de récupérer son fils, alors même que le char n’avait pas tout à fait fini sa course. Sa façon d’agir lui rappelait sans cesse que tout cela était de sa faute. Que c’était lui, le vieux McKullan, qui avait merdé depuis le début. Alors il s’efforçait de ne pas lui en vouloir. De se dire qu’il devait être compréhensif. Mais plus il le voyait s’agiter autour de Virgil, et plus son coeur se serrait. Par mimétisme, il attrapa Bonnie de son côté, qui secoua ses petites jambes dans le vide pour lui montrer qu’elle n’était que peu ravie qu’on la déloge de sa place de choix. Il entendit Jax indiquer à son fils qu’ils allaient rentrer. Alors Andrew tenta quelque chose. Le tout pour le tout. Parce que passer ne serait-ce que quelques secondes avec son fils et petit-fils présumés représentait énormément pour lui. Alors il tenta le coup des glaces. Bonnie s’excita dans ses bras, tandis que Virgil tapait dans ses mains, aussi excité qu’elle. « D'accord mais rapide ». 1-0 pour McKullan.
Ils descendirent tous ensemble du char, rejoignant la terre ferme et la foule. Bonnie attrapa la main d’Andrew, tandis que Virgil faisait de même avec son père. « Ne t'avise pas de dire qui tu es à Virgil ». Andrew serra la main de la petite Bonnie un peu plus fort. Il regarda Jax, faisant semblant d’être incrédule. « Pourquoi ? Tu ne veux pas lui dire que tu passes du temps avec une connaissance du travail ? ». Andrew savait pertinemment que cela ne ferait absolument pas rire Jax. Mais lui, ça lui mettait un peu de baume au coeur. Il n’avait jamais imaginé balancé au petit Virgil qu’il était son grand-père biologique et il ne le ferait jamais tant que Jax n’aurait pas donné son accord. Ils s’avancèrent vers le marchand de glaces. Andrew nota dans un petit coin de son cerveau les parfums que Jax avaient pris, pour la prochain fois, s’il y avait une prochaine fois. Pour Bonnie, ce serait une glace à la fraise et Andrew opta pour de la vanille. « On va surveiller qu’ils n’échangent pas leurs glaces, les deux loustics ». Il commença à manger la sienne, le regard perdu dans les cheveux de Bonnie. Il releva la tête vers Jax, toujours aussi mal à l’aise, ne sachant pas comment se comporter. « Je comprends tes réticences à me parler. Et je comprendrai que tu ne veuilles plus me voir. Mais ça me fait plaisir qu’on puisse se croiser, comme ça. Et qu’on partage une glace ». Il baissa de nouveau les yeux. « Je suis désolé, Jax. Je sais que c’est pas ce que tu veux. Mais je serais incapable de t’ignorer et de faire comme si tu n’existais pas ».
« Pourquoi ? Tu ne veux pas lui dire que tu passes du temps avec une connaissance du travail ? » Jax hausse les épaules. Il préférait ne rien dire à son fils, il ne voulait pas que Virgil accorde de l'attention à Andrew. Déjà que le fait que l'enfant accorde de l'attention à cette Bonnie n'enchantait pas du tout le jeune Collins. Il ne manquerait plus que Virgil l'apprécie, qu'il demande à son père à la voir plus souvent. Non, il ne fallait pas qu'il pense à cela, non, il ne voulait pas que cela arrive et il ferait tout pour que cela n'arrive pas. En tout cas, il n'avait pas imaginé une seule seconde que la phrase d'Andrew se voulait humoristique. En tout cas, cela n'avait absolument pas marché et cela n'avait pas détendu du tout l'homme. Les deux enfants prenaient place pour savourer leurs glaces tandis que le vieux McKullan essaya à nouveau de faire de l'humour. « On va surveiller qu’ils n’échangent pas leurs glaces, les deux loustics » Aucune réaction encore de la part de Jax. Juste un silence pesant. Jax ne comptait pas faire d'efforts. Si Andrew voulait vraiment nouer quelque chose, il allait devoir ramer, beaucoup ramer et ce n'est pas le Collins qui allait lui tendre une perche. « Je comprends tes réticences à me parler. Et je comprendrai que tu ne veuilles plus me voir. Mais ça me fait plaisir qu’on puisse se croiser, comme ça. Et qu’on partage une glace » Il comprenait ? Vraiment ? Jax en doutait. C'était impossible que le vieux sache ce qu'il se passait dans la tête de son fils vu que même lui ignorait ce qu'il se passait dans sa tête. Tellement de choses contradictoires. D'un côté, il avait envie d'avoir ces moments là et d'un autre, il voulait partir le plus loin possible. « Je suis désolé, Jax. Je sais que c’est pas ce que tu veux. Mais je serais incapable de t’ignorer et de faire comme si tu n’existais pas » « Comment tu peux savoir ce que je veux, hein ? » Il n'y avait pas de méchanceté dans la voix de Jax juste de la désolation. C'était tellement nouveau pour lui tout cette sensation, lui qui était plutôt quelqu'un qui savait ce qu'il voulait dans la vie. « Même moi, je sais pas ce que je veux » Triste confidence et il ne voulait pas que cela encourage Andrew à se montrer trop pesant. Jax continuait à regarder devant lui, hors de question de regarder son géniteur. Il savait que s'il n'enchainait pas, cela donnerait de mauvaises idées à Andrew, l'idée de poser d'autres questions et de devenir trop envahissant. « Et moi, je suis incapable de t'accepter dans ma vie » Toujours pas de colère.
Andrew ne savait pas trop sur quel pied danser. Il avait terriblement envie que Jax l’accepte dans sa vie, qu’il lui laisse ne serait-ce qu’une petite place, une minuscule place dans laquelle il pourrait commencer à faire son trou, commencer à montrer qu’il n’était pas celui qu’il croyait. Mais il voyait bien que ce n’était pas du tout ce que lui voulait. Malgré toutes ses tentatives pour faire la discussion, Jax restait de marbre. Il n’avait pas l’air convaincu par tout ce qu’il lui disait. Mais il n’avait pas forcément l’air agacé non plus. Sinon, Andrew imaginait qu’il aurait plutôt préféré partir. Alors, le vieux McKullan continua, essayant tant bien que mal d’arracher un mot, un sourire, à celui qui était son fils. Rien ne marchait. Andrew aurait dû arrêter, baisser les bras, attraper Bonnie par la main et s’enfuir. Mais rien n’y faisait, il était comme cloué au sol, attiré comme un aimant. Il s’excusa auprès de lui, expliquant qu’il ne voyait pas comment faire autrement, qu’il ne pouvait l’ignorer, même si ce n’était pas ce qu’il voulait. « Comment tu peux savoir ce que je veux, hein ? ». Andrew baissa les yeux. Il marquait un point. Il n’avait jamais été là pour lui, il n’avait aucune place dans sa vie. Comment aurait-il pu ne serait-ce que deviner ce qu’il l’intéressait, ce qu’il aimait, ce qu’il détestait ? « Même moi, je sais pas ce que je veux ». Andrew releva la tête vers lui. Jax n’avait pas haussé le ton, il avait toujours ce même air calme. “Je ne demande qu’à comprendre ce que tu veux. Qu’à t’aider à comprendre ce qui t’anime, ce que tu souhaites”. Il marqua une légère pause, sachant pertinemment que tout ce qu’il dirait n’aurait que peu d’impact sur Jax. C’était comme parler à l’oreille d’un sourd. « Et moi, je suis incapable de t'accepter dans ma vie ». Andrew hocha la tête, laissant son coeur se serrer un tout petit plus face à ces mots. Il comprenait tout à fait la position de Jax, et il ne pouvait pas lui en vouloir. “Je comprends. Et je ne demande pas à être omniprésent dans ta vie”. Il glissa les mains dans ses poches, fixant la petite Bonnie qui avait déjà pris grand soin de s’étaler la moitié de sa glace sur la figure. “Tu sais, j’aurais jamais pensé que je m’occuperai un jour d’un enfant qui n’est pas le mien. Mais quand j’ai rencontré Bonnie...J’ai l’impression que c’est un peu ma manière de me rattraper”. Rattraper toutes les années gâchées avec Mia, toutes celles qu’il n’avait jamais eu avec Jax. “Je pense que j’ai un peu la figure d’un paternel, pour elle.”. Sa tête se releva vers son fils. “Et je ne demande pas à avoir ce rôle avec toi, Jax. Parce qu’un père, tu en as déjà eu un. J’aurais simplement voulu apercevoir ne serait-ce qu’un morceau de toi. Essayer de te comprendre. De t’accompagner dans un bout de ta vie. Je veux juste que tu comprennes que je serai là pour toi, cette fois-ci. Quoi qu’il arrive. ”. Il savait que Jax ne voudrait jamais. En tout cas, pas pour le moment. Mais il voulait qu’il sache qu’il serait là pour lui, peu importe ce qu’il lui arrivait.
« “Je ne demande qu’à comprendre ce que tu veux. Qu’à t’aider à comprendre ce qui t’anime, ce que tu souhaites » Jax avait l'impression de se détendre un peu. Il était un moins sur la défensive que lors de leurs premières rencontres que ce soit à l'hôpital, au marché ou encore chez lui. Même s'il ne le montrait pas, les mots d'Andrew le touchait. Il lui en aurait voulu de vouloir s'imposer dans sa vie, de s'imposer comme un père mais le vieux faisait l'inverse. Il cherchait à faire partie de sa vie mais sans s'imposer. Il lui en aurait voulu aussi s'il avait baissé les bras, s'il n'avait pas cherché à le revoir, s'il s'était enfui. Pour Jax cela aurait été synonyme de lâcheté et il aurait tiré un trait sur celui qui pouvait être son père. Mais là, à ce moment là, les mots de McKullan faisaient mouche. C'était presque ce que Collins aurait voulu entendre sans même le savoir lui-même. Il était pourtant toujours tiraillé entre l'envie de se confier, de lui faire confiance et la méfiance, la peur qu'il parte sans plus se retourner, l'abandonnant une nouvelle fois. Il lui avoua alors clairement être incapable de l'accepter dans sa vie. « Je comprends. Et je ne demande pas à être omniprésent dans ta vie » « Heureusement » Pas de méchanceté encore juste une remarque. N'empêche que Jax ne pouvait s'empêcher de se laisser un peu porter par les paroles de son géniteur. « Tu sais, j’aurais jamais pensé que je m’occuperai un jour d’un enfant qui n’est pas le mien. Mais quand j’ai rencontré Bonnie...J’ai l’impression que c’est un peu ma manière de me rattraper » Jax ne comprenait pas vraiment où il voulait en venir, pourquoi il lui parlait de la jeune demoiselle qui était en train de manger sa glace aux côtés de son fils. « Je pense que j’ai un peu la figure d’un paternel, pour elle. » D'accord ? C'était quoi le rapport avec lui, avec eux et leur possible future relation ? Cela devait se voir sur son visage qu'il attendait la suite, qu'il attendait de comprendre les tenants et les aboutissants. « Et je ne demande pas à avoir ce rôle avec toi, Jax. Parce qu’un père, tu en as déjà eu un. J’aurais simplement voulu apercevoir ne serait-ce qu’un morceau de toi. Essayer de te comprendre. De t’accompagner dans un bout de ta vie. Je veux juste que tu comprennes que je serai là pour toi, cette fois-ci. Quoi qu’il arrive » Il avait envie d'y croire, de croire qu'Andrew serait la pour lui s'il en avait besoin, de croire qu'il pourrait partager des moments avec lui entre père et fils comme il avait fait avec Grant et comme il faisait avec Virgil, il avait envie de croire que ce n'était pas une illusion et qu'Andrew ne finirait pas par l'abandonner une autre fois. « Tu sais quand même que j'ai aucune confiance en toi ? » En même temps, la confiance, ça se mérite et pour l'instant, Andrew n'avait pas démontré qu'on pouvait lui faire confiance. Toujours aucune haine dans les paroles du jeune homme qui continuait de manger sa glace en regardant beaucoup plus Virgil qu'Andrew. « Tu sais aussi que ça va prendre du temps ? Que je risque de te rembarrer de temps en temps ? » Il devait avoir conscience que s'il voulait vraiment apprendre à connaître Jax, il allait devoir ramer et que ce ne serait pas une partie de plaisir tous les jours pour lui. Cela lui laissait la possibilité de prendre la poudre d'escampette de suite.
« Heureusement ». Andrew se racla la gorge, jetant un coup d'œil en biais à son fils. Il n’y avait aucune méchanceté dans sa voix. Il semblait plus faire une constatation qu’autre chose. Malgré tout, cela atteignait Andrew en plein cœur. Il avait cette désagréable sensation que peu importe ce qu’il essaierait de faire, il ne serait jamais à la hauteur. Qu’il aurait beau gravir toutes les montagnes du monde, réussir à décrocher les étoiles, il n’arriverait plus jamais à construire, ou plutôt reconstruire, quoi que ce soit avec Jax. Andrew tenta tant bien que mal d’expliquer ce qu’il ressentait, de dresser le portrait de celui qu’il voulait être - et surtout, ne pas être - pour lui. En espérant que cela l’atteindrait ne serait-ce qu’un petit peu. Que cela permettrait d’apercevoir un trait de lumière. Une lueur d’espoir. Jax ne disait rien, se contentant probablement d’écouter des phrases qu’il n’avait aucunement envie d’entendre. Andrew commençait à se dire qu’il était tant de tourner les talons, même si la bouille chocolatée de Bonnie l’incitait à rester encore un peu. Comment était-ce possible de s’étaler autant de chocolat sur la figure, d’ailleurs ?
« Tu sais quand même que j'ai aucune confiance en toi ? ». La phrase, prononcée par Jax après ce qui avait semblé durer une éternité, flottait dans l’air. Mais elle n’avait rien d’une menace. Elle avait presque l’air d’une invitation. Cette fameuse porte ouverte qui permettait de toucher à un infime espoir, celui d’avoir un semblant de futur. Andrew tourna la tête vers Jax, prenant cette fois le parti de soutenir son regard. Il attendit quelques instants avant de répondre, prenant le temps de l’observer. Il ne l’avait que rarement fait, jusque là incapable de le fixer droit dans les yeux. Mais cette fois, il avait envie. Envie de voir à quoi son fils ressemblait vraiment. Et pas l’image qu’il s’était construite dans sa tête. Andrew finit par hocher la tête. “J’en suis parfaitement conscient. Je sais que je n’ai rien fait pour que tu aies confiance en toi, ou même pour que Mia ait confiance en moi. C’est ton droit et je ne t'oblige en aucun cas à avoir confiance. Juste…”. Il marqua une légère pause, cherchant les mots à utiliser. “Juste de croire en moi et d’avoir bon espoir que j’arrive à faire quelque chose de bien, cette fois”. C’était peut-être un peu trop demander, mais c’était ce qu’il souhaitait de tout son cœur et de toute son âme. « Tu sais aussi que ça va prendre du temps ? Que je risque de te rembarrer de temps en temps ? ». Andrew, sans quitter son fils des yeux, esquissa l’ombre d’un sourire. Là encore, sa phrase sonnait comme une invitation. Il ne refermait plus cette porte. Il lui laissait la clé. Et Andrew s’autorisa à imaginer tout un champ des possibles avec lui. “Je sais que ça prendra du temps. Tu sais, je ne suis plus à quinze ans près”. Sa phrase était bien entendu ironique. Mais au fond, c’était sincère. Il avait attendu des dizaines d’années avant de pouvoir remettre la main sur celui qui était la dernière pièce de son puzzle. Alors, il pourrait attendre encore. Si cela lui permettait au final de se reconstruire auprès de son fils, et d’être heureux, il était prêt à lâcher quelques mois, voire quelques années de plus.
« J’en suis parfaitement conscient. Je sais que je n’ai rien fait pour que tu aies confiance en toi, ou même pour que Mia ait confiance en moi. C’est ton droit et je ne t'oblige en aucun cas à avoir confiance. Juste… » Jax laissa planer le silence, ayant envie de savoir ce qu'Andrew avait envie d'ajouter. « Juste de croire en moi et d’avoir bon espoir que j’arrive à faire quelque chose de bien, cette fois » Est ce que Jax en était capable ? Bien sûr, il avait toujours tendance à laisser une deuxième chance, voir même une troisième et son père ne dérogerait pas à la règle. Pourtant, pas question de lui donner cela tout cuit sur un plateau. Un deuxième chance, cela se mérite et il n'en était pas encore totalement digne. « Je sais que ça prendra du temps. Tu sais, je ne suis plus à quinze ans près » Jax esquissa un petit sourire. Même si au départ, le jeune homme avait voulu garder son père le plus loin possible de lui, il se rendait compte que ce n'était pas possible. Parce que l'homme ne lâcherait pas l'affaire mais aussi parce que Jax avait envie de connaître cet homme. Le jeune Collins avait fini sa glace et Virgil aussi. Il ne voulait pas trop prolongé cette rencontre, il voulait en faire baver Andrew, il ne voulait pas non plus trop vite s'attacher à lui. « Tu as fini Virgil ? On va rentrer, Mamie doit passer nous voir » Est ce qu'il avait fait exprès de parler de sa propre mère ? Peut-être. « Virgil, tu dis au revoir à Bonnie et à Andrew » Le petit garçon fit un bisou sur la joue de la jeune fille avant de faire un signe de la main à Andrew. « Bonne fin de journée » Il ne serra pas la main de McKullan. Ils tournèrent alors les talons pour s'éloigner.