I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew avait toujours préféré venir à la plage en fin de journée. Quand le soleil commençait à se coucher et que les familles avaient déserté le sable et la mer. Il avait toujours trouvé une forme de sérénité et d’apaisement à rester assis de longues minutes, en fixant l’horizon, écoutant le bruit des vagues, le cri des mouettes, le sable descendant doucement en température sous ses pieds. Avant de prendre sa planche pour aller tâter quelques vagues. Aujourd’hui, il peinait à trouver une quelconque forme de paix. Son cerveau ne cessait de remuer la rupture avec Tessa de la semaine dernière. C’était une décision commune, consécutive certes à leurs sentiments respectifs, mais aussi et surtout au tantrum que Maxine avait lâché au centre. Il savait que c’était de sa faute, et il s’était déjà excusé mille fois pour cela. Mais tout cela avait un goût amer. Parce qu’il avait un profond attachement pour Tessa. Il se surprenait souvent à avoir envie de l’appeler, de lui demander si elle allait bien. Il voulait retrouver ses moments de complicité avec elle, sans pour autant qu’il s’agisse de moments amoureux. Mais cela lui semblait bien loin. Il avait eu envie de se changer les idées, en ce dimanche soir. Alors il avait invité Mia à une séance de surf, elle qui n’était pas remonté sur une planche depuis un moment déjà. Depuis son accident. Il voulait être là pour l’aider, et il était sûr que ses pensées seraient focalisées sur autre chose que cette rupture qui brisait son coeur un peu plus qui ne l’aurait imaginé.
Il eut à peine le temps de terminer sa dernière cigarette qu’il entendit des pas derrière lui. Il observa une dernière fois l’horizon, les vagues dans lesquelles il avait hâte de se perdre. Avant de se lever et d’accueillir sa fille. Un sourire se dessina sur ses lèvres en la voyant. Déjà en tenue, sa planche sous le bras, déjà prête à affronter ce qu’elle redoutait. Sa fille était une battante, il l’avait toujours su. Mais ici, alors que ses cheveux reflétaient la lumière déclinante du soleil, il en prenait un peu plus conscience, alors qu’elle s’avançait vers lui un grand sourire aux lèvres. Elle avait accepté de le faire revenir dans sa vie, elle avait accepté de passer l’éponge sur ce qui s’était passé jusque là - ou du moins, de faire tous les efforts du monde pour faire presque comme si tout était revenu à la normale. Ils savaient tous les deux que ça prendrait du temps, mais ce soir, elle était là avec lui. Pour passer du temps avec lui et elle lui faisait suffisamment confiance pour que ce soit lui qui la fasse remonter sur une planche. Arrivée à sa hauteur, il la prit dans ses bras. « Salut, princesse ! Tu vas bien ? ». Il l’embrassa sur le haut de la tête. Il redoutait la question qu’elle allait lui poser en retour. Et toi, papa, ça va ? Il ignorait si Tess’ lui avait déjà parlé de leur rupture ou non. Une chose était sûre, il n’avait encore rien dit. A personne, à vrai dire. Il avait gardé ça pour lui pendant une semaine. Il n’osait pas en parler parce qu’il savait déjà que les gens allaient être ravis que cette relation soit terminée. A commencer par Peter, puis Mia. Sûrement Lawrence, qu’il n’avait aperçu qu’une fois. Il décida de ne rien dire pour le moment, préférant se concentrer sur le moment qu’il allait passer avec Mia. C’était sa journée.
« Tu te sens prête ? ». Il se doutait qu’il devait appréhender ce moment, mais il serait là pour elle. Ils s’approchèrent tous les deux de l’eau , mouillant leurs combinaisons avant de rentrer pleinement dans la mer. Andrew fermant les yeux tandis qu’il sentait l’eau se répandre autour de son corps. C’était une sensation qu’il avait toujours adoré. Il se sentait à la fois si grand, et si petit, face à la force qu’avait l’eau. Il regardait sa fille, inquiète. « Tout va bien se passer, Mia, je suis juste à côté de toi. Tu peux le faire, tu as toujours su le faire ». Il se glissa à ses côtés, tenant la planche de sa fille pour l’aider à grimper dessus. « A la prochaine vague ? », demanda t-il, attendant son consentement. Sous l’eau, il sentait le bracelet que Tess’ lui avait offert osciller en rythme avec les vagues, heurtant sa combinaison à chaque mouvement. Il avait envie d’en parler à Mia, ça lui brûlait les lèvres, mais ce n’était pas le bon moment. Pas maintenant. Il devait penser à Mia. C’était son moment.
Je prends la direction du point de rendez-vous que mon père m’a donné. Mais, dans la voiture, il y a une certaine appréhension. Appréhension suite à sa proposition de le rejoindre à la plage… pour une session de surf. Je n’ai toujours pas réussi à remonter sur une planche depuis mon accident fin septembre dernier. La peur a pris le dessus, moi qui ai toujours été très à l’aise dans l’eau, qui suis tombée des millions de fois mais que cela n’a pas effrayé pour autant. Avec cet accident qui a failli me coûter la vie, je n’ai toujours pas réussi à remettre mes deux pieds sur une planche. Il y a bien eu une tentative en novembre mais la rencontre que j’avais faite au même moment sur cette plage ne m’a pas aidé, tout comme les pensées que j’avais en tête. L’issue aurait pu être dramatique à nouveau, bien trop chamboulée pour être concentrée sur mes gestes. Parce que chamboulée, je l’étais au moment de mon accident. Le retour de mon père la veille, cette rencontre impromptue dans ce lieu qui était nôtre auparavant, m’avait décontenancée. Et le terme était faible. Quinze ans après, sans un mot, il faisait son grand retour à Brisbane. Je me souviens de la haine que j’ai pu lui déverser ce jour-là, les mots que j’ai pu prononcer à son égard tellement ma colère était grande. Tellement ma peine était grande. Je lui en voulais, à un point où je lui ai dit que je serai incapable de lui pardonner un jour, que je le détestais et qu’il était mort à mes yeux. Le lendemain, lors de cette session de surf que j’avais cru bon de faire avec mon meilleur ami pour me changer les idées, n’avait pas été suffisante. Parce que ces retrouvailles étaient bien trop présentes dans ma tête, que j’ai perdu le contrôle bêtement… Toutes ces images me reviennent alors que j’approche de la plage. Je tremble. Mes bras, mes jambes. Une fois garée, je mets du temps à descendre de la voiture. J’ai besoin de reprendre ma respiration pour me calmer. J’essaye aussi de retrouver du courage, le même que j’ai eu lorsque j’ai accepté son invitation. Parce qu’il y avait eu une longue hésitation avant que je ne réponde à son message. Je ne m’en sentais pas capable et pourtant, il était le seul avec qui je pouvais espérer renouer avec cette passion qu’il m’avait transmise depuis l’enfance…
J’avance à pas prudent sur la plage, sentant la fraicheur du sable fin entre mes orteils, sentant la brise aussi qui se lève, celle qu’on aime en tant que surfeurs. Celle qui est idéale, quand le mouvement des vagues au loin montre que les conditions sont réunies pour avoir une bonne session. Je frissonne. Je vois mon père au loin, un regain me gagne soudainement. J’avance d’un pas un plus confiant en sa direction. Oui, lorsque j’arrive à sa hauteur, j’ai peut-être cette allure d’une jeune femme forte, prête à affronter sa peur. Pourtant, intérieurement, je suis loin de l’être. « Salut, princesse ! Tu vas bien ? ». Je déglutis, hoche doucement la tête quand il vient à m’embrasser sur le haut de celle-ci. Prétendre que ça va ou lui dire directement que j’ai la trouille ? « Bonsoir papa. Ça va… ». Je choisis de ne pas m’éterniser là-dessus, voulant peut-être me convaincre moi-même que je suis capable de retourner dans le vaste océan qui se profile devant nos yeux. Je ne lui retourne même pas la question, mon regard porté sur l’horizon, essayant de me préparer mentalement à ce qui va suivre. Surtout que mon père semble impatient d’y aller « Tu te sens prête ? ». Là encore, un acquiescement de tête, peu convaincu mais qu’il se contentera en guise de réponse. Je suis incapable de lui dire que non, parce que je ne veux pas rester sur une défaite. Je veux essayer. Je veux y arriver. Mais mon corps et ma tête, eux, ne semblent pas prêt. Pas encore. Peut-être même jamais… On s’approche alors de l’eau, je le suis. J’effectue les mêmes gestes, mouillant aussi ma combinaison, l’arrière de mon cou. Je prends une profonde inspiration alors que mon père pénètre déjà dans l’eau. Je m’engouffre aussi progressivement, une vague vient doucement me bousculer, me faisant perdre un peu l’équilibre. Rien que ça, suffit à me figer, et à ne pas être capable de pénétrer davantage dans l’eau. « Tout va bien se passer, Mia, je suis juste à côté de toi. Tu peux le faire, tu as toujours su le faire ». Je suis bien trop silencieuse, je ne réponds pas, j’acquiesce toujours, cherchant à m’en convaincre moi-même. Il vient tenir ma planche, m’incitant à m’assoir dessus mais je reste de marbre « A la prochaine vague ? ». Mon regard se pose enfin sur le sien, ma gorge se noue et je fais un pas en arrière, en murmurant « Je ne peux pas, papa… ». Je n’y arrive pas, je n’y arriverai pas. Il a beau être à mes côtés, sa présence me rassurant, pourtant, ce n’est pas suffisant. Pas suffisant pour que j’affronte ma peur, que je retrouve la force de monter sur cette planche qui vacille devant moi au rythme des vagues. « Ce n’était pas une bonne idée… Je suis désolé ». Un pas de plus en arrière. « Mais, ne te prive pas pour moi… Je te regarde ». Peut-être que le voir faire m’aidera à retenter ma chance. Mais là, je préfère sortir de l’eau, je préfère retrouver la terre ferme. Je ne prends même pas la peine de récupérer ma planche. Je me sens minable, des larmes roulant sur mes joues, que j’essuie d’un revers de main immédiat pour les faire disparaitre.
I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew voulait que cette fin de soirée soit celle de sa fille. Elle lui avait fait part de ses craintes à retourner dans l’eau et à remonter sur une planche, alors Andrew voulait être celui qui l’accompagnait dans cette épreuve. Il devait bien l’avouer, tout au fond de lui, il s’en voulait : leurs retrouvailles avaient très probablement conduit à l’accident de Mia, même s’il n’en était pas directement la cause. Alors il essayait de se racheter comme il le pouvait. Il s’était dit que peu importe l’issue de cette séance, même si sa fille n’arrivait pas à remonter sur la planche, il s’arrêterait tous les deux à un petit stand pour s’acheter des hot-dog et les manger sur le sable, comme au bon vieux temps. Il s’imaginait déjà râler pendant un quart d’heure parce que des grains sable se seraient glissés dans la sauce moutarde sur sa saucisse. Mais pour l’instant, il devait être là pour motiver sa fille. Il savait qu’il n’aurait aucun mal à persuader Mia de manger une saucisse avec du ketchup, mais pour ce qui était du surf, il avait quelques doutes…Rien qu’à son salut, Andrew avait réussi à comprendre que Mia n’était pas forcément dans son assiette. Les McKullan étaient bavards, c’était bien connu. Alors pour qu’elle ne dise rien, à part « Ça va », c’est qu’elle devait sacrément avoir les jetons. Mais Andrew ne dit rien, parce qu’il comprenait totalement, et parce qu’il n’avait pas envie de la brusquer non plus. Malgré tout, le seul moyen de se remettre en selle, c’était d’y aller. Andrew était partisan que cela ne servait à rien de tergiverser pendant mille ans et qu’il fallait se lancer. Et il n’avait aussi pas envie de rester trop de temps sur la plage, à ruminer sur ce qui s’était passé la semaine d’avant. Il préférait aller dans l’eau directement.
Andrew essaie de rassurer sa fille comme il le peut. Il a beau ne pas avoir été à ses côtés pendant quinze ans, il voit bien qu’elle n’est pas du tout à son aise. Elle qui, depuis sa plus tendre enfance, adorait sauter dans les vagues, n’avait pas peur de boire la tasse…Le vieux McKullan ne peut s’empêcher d’avoir un petit pincement au coeur pour elle. Il n’avait jamais vraiment pris le temps de discuter de l’accident, alors Andrew ignorait à quel point il avait affecté sa fille. Aujourd’hui, il prenait conscience de l’impact que cela avait eu sur elle. Elle fait un pas en arrière. « Je ne peux pas, papa… ». Andrew recule lui aussi, laissant sa planche glisser contre lui. Il tend la main vers sa fille, essayant de l’attirer avec lui. « Tu n’as rien à craindre, Mia, je te le promets ! ». Il aurait voulu lui sortir les phrases stupides qu’on sortait parfois aux enfants, pour les rassurer. Mais Mia n’était plus une enfant. Et sa crainte était fondée. « Ce n’était pas une bonne idée… Je suis désolé. Mais, ne te prive pas pour moi… Je te regarde ». Elle recule, désemparée. Andrew hoche doucement la tête. « Ne t’excuse pas, Mia. On est là pour toi, on y va à ton rythme ! ». Il tourne la tête vers les vagues. L’horizon l’appelle cache un trésor, que tous ignorent. Il regarde de nouveau sa fille. « Je vais faire un petit tour, pour te montrer que tu n’as pas à t’inquiéter, d’accord ? Et ensuite je reviens ici. Petit pas par petit pas ! ». Il caresse de son pouce la main de sa fille. Il aurait voulu lui redonner la confiance qu’elle avait en elle auparavant. Lui montrer que c’était elle la plus forte, la battante.
Alors il prend le large, il pousse un peu sa planche, observe, attend le bon moment. Il s’installe dessus, commence à nager, s’éloignant du bord. Eloigné de sa fille, ses pensées se mettent à se bousculer dans son esprit. Il réalise soudainement qu’il n’a jamais emmené Tessa faire du surf avec lui. Qu’il faudrait remédier à ça, un jour. Si elle acceptait encore de le revoir. En tout bien, tout honneur. Il réfléchit à comment il a fait pour en arriver là. A comment il a pu merder autant de fois dans sa vie. Son fils, sa fille, son ex femme, Maxine, Tessa. Il a toujours déçu tout le monde, y compris lui-même. Il prend une grande inspiration. Là, au milieu des vagues, il pourrait presque se sentir bien. Si seulement son esprit arrêtait de le ramener à d’anciens souvenirs. Son bracelet s’agite, bercé par le mouvement de l’eau. Il devait en parler à Mia. Il tourne la tête, observant sa fille qui se trouve à quelques dizaines de mètres de là. « Mia, je… ». Il n’a pas le temps de terminer sa phrase qu’une vague vient s’écraser contre sa planche, suffisamment violemment pour le faire glisser sur le côté. Il tombe dans l’eau, il ne sait pas vraiment combien de temps. Une mili-seconde peut-être, une seconde ? Suffisamment pour qu’il panique : Mia allait s’inquiéter, toute seule, sur la plage. Il remonte à la surface, tousse, cherche Mia du regard. Les vagues l’ont ramené plus proche du bord. « Mia, tout va bien, je… ». Il se rend compte que son bracelet a disparu. La seule chose qu’il lui restait de Tessa. Le seul lien qu’il avait encore avec elle. Paniqué, il cherche autour de lui. « Mia, mon bracelet ! ». Il regarde, espère apercevoir un reflet doré. « Il faut qu’on le retrouve, Mia, c’est la seule chose qu’il me reste d’elle… ». Il ne sait pas si Mia comprendra. Alors qu’il s’agite dans l’eau, une larme vient perler au coin de son oeil. Alors qu’il était venu ce soir là pour être le pilier de sa fille, il semblerait que les rôles étaient sur le point de s’inverser.
Il est le seul dont la présence peut me rassurer. Il est le seul qui peut m’aider à retrouver cet amour perdu, cette passion perdue pour le surf. Parce qu’il m’y a initié, qu’il m’a rendu forte quand, de nombreuses fois, j’ai voulu abandonner. La première chute, la première tasse, la première fois que la planche est venue s’écraser contre moi. Il m’a toujours dit de ne pas me laisser abattre, de toujours vite remonter en selle. Attendre ne servait à rien mis à part abandonner. Ce conseil, je l’ai toujours appliqué finalement. Sauf cette fois. Cette fois où, après l’accident, j’ai été cloitrée pendant un mois chez moi à ne pas avoir le droit de bouger. Où, lorsque j’ai tenté de remonter sur cette planche, la seule tentative que j’ai pu faire, je me suis résignée. J’ai tourné le dos à cet océan que je connaissais pourtant par cœur. Parce que, le jour de l’accident, c’est ma vie que j’ai vu défiler. Une vie marquée par l’absence d’un père, l’absence de cet homme pour qui je me suis amourachée, peut-être trop vite… La peur de remonter sur une planche et de faire le même constat, encore et encore, celui que ma vie stagne, qu’avec les années, j’ai cette impression de toujours marcher à reculons, de revenir toujours à la case départ. Quoi que je fasse. Alors pour éviter cette triste rétrospective, j’évite le moment. Pourtant, en cette fin d’après-midi, j’ai envie d’essayer. Parce que j’ai l’impression d’avoir fait un grand pas en avant, quand ma relation avec mon père est plus apaisée. Quand Alec et moi nous autorisons enfin à être ensemble. Alors peut-être que tout ça me pousse à accepter, à essayer à nouveau.
La peur parcourt mon corps à mesure que les vagues viennent se fracasser contre le rivage. A mesure qu’elles viennent faire onduler mon corps, à me faire perdre un petit peu mon équilibre. J’avance, je le suis, ma planche devant moi, prête à remonter malgré tout en selle. Et puis, il y a ce moment où je me rends compte que j’en suis incapable, où je recule. Mon père a cette main tendue vers moi « Tu n’as rien à craindre, Mia, je te le promets ! ». Ma tête tourne doucement de gauche à droite, ma main ne viendra pas attraper la sienne parce que je n’y arrive pas. Je ne veux pas l’empêcher de profiter des vagues, alors je me recule encore, l’invitant à surfer lui en attendant, préférant rejoindre la plage « Ne t’excuse pas, Mia. On est là pour toi, on y va à ton rythme ! Je vais faire un petit tour, pour te montrer que tu n’as pas à t’inquiéter, d’accord ? Et ensuite je reviens ici. Petit pas par petits pas ! ». Il est compréhensif, il a toujours ces mots pour me rassurer, ces mots qui m’apaisent. Je me contente d’acquiescer avant de m’assoir dans le sable, essayant de camoufler mes larmes, recroquevillant mes genoux contre moi. Je me sens honteuse, honteuse de ne pas essayer au moins à monter sur cette planche. Je me sens minable quand je ne suis pas capable d’essayer réellement. Je resserre un peu plus mes genoux contre moi, les entourant de mes bras, observant alors mon père à l’eau.
Il attend la bonne vague, celle qui sera parfaite pour se laisser glisser dessus, celle qui lui procurera cette adrénaline qu’on aime tant. Lorsque je l’observe, j’ai l’impression de me revoir quelques mois plus tôt quand j’attendais cette vague moi aussi. Mais que cette dernière a eu raison de moi, parce que mes pensées étaient ailleurs. « Mia, je… ». Soudainement, ce n’est plus une impression mais la réalité qui me frappe. Mon père se trouve engloutit par une vague qu’il n’a pas vu venir. Je me lève subitement et commence à courir vers l’eau, paniquée « Papa ?! ». Il ne reste qu’une micro seconde sous l’eau mais suffisamment pour me paniquer. Il remonte à la surface, je fais encore quelques pas dans l’océan pour le rejoindre, ma main venant attraper son bras. « Mia, tout va bien, je … ». Mon regard inquiet qu’il se stoppe à nouveau dans ses paroles vient chercher le sien, pour comprendre. « Tu es sûr que ça va papa ? ». Je tremble encore de la scène à laquelle je viens d’assister, bien qu’il aille bien. « Mia, mon bracelet ! ». Je ne comprends pas de quoi il me parle, je lâche son bras me reculant un peu « Il faut qu’on le retrouve, Mia, c’est la seule chose qu’il me reste d’elle… ». Il s’agite et je n’arrive pas bien à saisir les mots qu’il prononce. Alors, cette fois, ce sont mes deux mains qui viennent se poser sur ses épaules « Papa, calme-toi, de quoi tu parles ? De qui tu parles ? ». Je ne fais pas tout de suite le rapprochement, je vois surtout cette larme qui s’échappe et que je viens essuyer instinctivement avec mon pouce. Et puis, je comprends « Tessa ? ». Mes mains retombent de sur ses épaules pour se replacer le long de mon corps. Je me baisse alors dans l’eau, cherchant de mes mains cet éventuel bracelet qu’il a perdu. Je sens qu’il y tient et j’essaye de l’aider dans sa recherche… en vain. Je soupire, vient à nouveau vers lui « Papa, on le retrouvera pas… ». La brise devient plus forte et les vagues plus agitées. Je me recule de quelques pas, car je ne suis pas capable de rester plus longtemps dans l’eau. Je l’attrape par la main pour l’inciter à me suivre et venir s’assoir à mes côtés sur le sable. « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». Je comprends alors que si lui aussi s’est fait surprendre par cette vague, ce n’était pas un pur hasard… lui aussi avait ses pensées ailleurs.
I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew avait toujours pensé que l’endroit où il se sentait le mieux pour évacuer ses pensées sombres, c’était l’extérieur. Son jardin, que ce soit pour s’installer sur le perron et lire un livre, ou pour planter quelques plantes aromatiques. La plage, pour profiter du grand air, de la brise sur son visage, de l’odeur de la mer qui venait chatouiller ses narines. Il y avait quelque chose de thérapeutique à tout ça. Quand il y réfléchissait, c’était comme ça qu’il avait rencontré Tessa. Parce qu’il avait eu besoin de faire le vide, de penser à autre chose que Mia et Geo. Sa bonne étoile avait eu l’idée de mettre Tess’ sur son chemin. Et aujourd’hui, il se retrouvait au bord de la mer pour la même chose : vider son esprit, expier son âme. Parce qu’il avait merdé avec Tess’. La boucle était bouclée, en quelque sorte. Peut-être que sa bonne étoile avait tout prévu et que c’était censé se passer comme ça. Ou peut-être qu’il avait tout simplement tout foutu en l’air tout seul, comme il savait si bien le faire. Dans tous les cas, il aurait dû savoir que c’était une mauvaise idée de venir ici. Déjà, parce que c’était trop tôt pour Mia. Il aurait dû être capable de le voir, de le sentir, c’était sa fille, bordel. Forcément qu’elle aurait des réticences à monter sur une planche. Et puis parce que lui non plus ne se sentait pas prêt. Il n’avait pas la tête à ça. Il n’était pas assez concentré. Il aurait dû rester assis sur la plage. A écouter le bruit des vagues, celui des oiseaux, le crissement du sable sous ses pieds. Ou retourner planter des fleurs chez lui. Mais il était là.
Alors ce qui devait arriver. Un moment d’inattention. Une pensée fugace. Et la vague qui arriva devant lui le frappa de plein fouet. Une micro-seconde sous l’eau, suffisante pour lui rappeler à quel point il avait merdé. Encore. « Tu es sûr que ça va papa ? ». La phrase de Mia, tandis qu'il tousse pour recracher l’eau qui avait malencontreusement rencontré l’intérieur de ses poumons, lui serra un peu plus le coeur. Est-ce qu’il allait bien ? Il n’en savait foutre rien. Il avait arrêté de se poser des questions des dizaines d’aller plus tôt. Il avait arrêté de vraiment de savoir s’il allait bien. Jusqu’à ce qu’il explose. Le même schéma se répétait, encore et encore. Il finissait toujours par péter un câble et par se barrer. C’était comme ça qu’il fonctionnait, non ? « Papa, calme-toi, de quoi tu parles ? De qui tu parles ? Tessa ? ». Il sent la main de sa fille qui glisse sur sa joue, essuyant la larme qui s’est mélangée au sel de l’eau de mer. Il hoche doucement la tête, brassant l’eau autour de lui, essayant d’apercevoir le bijou à travers l’écume. En vain. Mia le ramène sur la plage. Elle s’assoit, il reste debout. « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». Il secoue la tête. Il ne savait pas exactement ce qu’il avait envie de dire à Mia. Lui qui ramait déjà pour obtenir sa confiance. S’il lui disait tout l’histoire, est-ce qu’elle l’aimerait toujours autant ? Est-ce qu’elle ne finirait pas par partir, comme Tess’ ? « J’ai merdé, Mia. Parce que je merde toujours. Je finis toujours par merder ». Il ne voulait pas lui dire clairement ce qu’il avait fait. Ou ni avec qui. Pas maintenant, c’était beaucoup trop tôt. « On s’est séparés d’un commun accord. Je crois. Je ne sais plus ». Il tapa son pied dans sa planche, qui ne bougea pas d’un pouce. Son orteil, un peu plus. Il grimaça légèrement, passant sa main dans ses cheveux mouillés. « Je suis désolé, Mia, on était censés être là pour toi… ». Il se laissa tomber lourdement sur le sable. « Je sais plus quoi faire, Mia. Peter, Jax, Tess’. Ca commence à faire beaucoup ». Il tourna la tête vers sa fille, essuyant ses joues d’un revers de main. Il eut un petit sourire. « Je me rappelle le nombre de fois où tu es venu me voir à la suite d’une querelle avec un amoureux, pour me demander quoi faire…Tu pensais faire ça un jour pour ton vieux père ? ». Andrew continuait à scruter le bord de l’eau, espérant de voir une quelconque perle en bois revenir sur le rivage. Mais il n’y avait rien d’autre que de l’écume, mélangée à son amour propre et à sa tristesse.
Il disparait une fraction de secondes sous l’eau et cela suffit pour alimenter encore plus cette peur que j’ai de renouer avec le surf. Une fraction de secondes pendant laquelle je suis effrayée, pendant laquelle mon cœur se met à battre à tout rompre dans ma poitrine. L’idée qu’il ne remonte pas à la surface, qu’il soit entrain de se noyer comme moi quelques mois auparavant m’est insupportable. Pourtant, l’adrénaline aidant, je me lève immédiatement et coure pour retourner dans l’eau. Il réapparait, je me sens soulagée bien qu’il semble désorienté. Je pose une main sur son bras, inquiète de son état. Il vient alors à s’agiter parce qu’il semble avoir perdu quelque chose. Tout est confus, je ne saisis pas tout de suite ce qu’il entend par là. Il parle d’un bracelet, qu’il doit retrouver car c’est l’unique chose qu’il a d’elle désormais. Et puis, il y a cette larme qui s’écoule le long de sa joue, qui n’est pas une simple gouttelette provenant de l’océan. La recherche est vaine quant au bracelet, je décide alors d’inciter mon père à sortir de l’eau, l’attrapant par la main pour qu’on aille s’installer sur le sable. Il ne s’assoit pas tout de suite, ma tête est alors relevée vers lui, tentant de dissimuler le soleil qui m’éblouie un peu en le regardant avec une main posée au-dessus des yeux « J’ai merdé, Mia. Parce que je merde toujours. Je finis toujours par merder ». Mes sourcils se froncent. Il semble dire que tout est de sa faute, mais il n’y a aucune explication détaillée, il ne m’en dit pas plus et, pour le moment, je me contente de l’écouter alors qu’il poursuit « On s’est séparés d’un commun accord. Je crois. Je ne sais plus ». Je sens mon père au bord du gouffre, complètement perdu. Je ne me sens pas forcément à l’aise avec le sujet, quand je ne lui ai pas vraiment montré mon accord face à cette relation qu’il avait débuté avec Tessa. J’ai eu même des mots durs à son encontre, lui défendant de lui faire du mal car elle ne méritait pas d’être malheureuse. Je me souviens aussi que, par ces mots, je l’avais blessé en montrant que je ne me souciais pas vraiment de son sort à lui, de savoir s’il était heureux ou non. Et clairement, aujourd’hui sur cette plage, je me rends compte qu’il est mal et il y a une part de remords. Parce que je me rends compte que je n’aime pas le voir dans cet état, que son bonheur compte tout autant. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé, il semble surtout se blâmer lui, bien qu’il ait ajouté qu’ils se sont séparés d’un commun accord. « Je suis désolé, Mia, on était censés être là pour toi… ». Je tourne ma tête de gauche à droite doucement pour lui signifier que ce n’était pas important, mon regard ne le quittant pas alors qu’il vient enfin s’assoir à mes côtés. Je laisse retomber ma main dans le sable, alors que celle-ci se met à jouer avec quelques grains « Je sais plus quoi faire, Mia. Peter, Jax, Tess. Ça commence à faire beaucoup ». Mon regard s’attriste quand je le vois camoufler ses larmes qui ont eu besoin de s’échapper car sûrement contenues depuis bien trop longtemps. Ma main vient instinctivement attrapée la sienne, pour lui signifier que je suis présente « Je me rappelle le nombre de fois où tu es venu me voir à la suite d’une querelle avec un amoureux, pour me demander quoi faire… Tu pensais faire ça un jour pour ton vieux père ? ». Je me mets à sourire, baissant mon regard quelques instants dans le sable alors que je resserre un peu plus ma main dans la sienne « Non parce que tu savais toujours me donner de bons conseils. Mais je crois que je tiens ça de toi. Je sais aussi conseiller mes amis, mais je suis incapable de les appliquer pour moi-même ». Il a son regard tourné vers l’horizon, se raccrochant sûrement à l’espoir que ce bracelet réapparaisse avec la houle. Je suis son regard alors, fixant l’agitation des vagues qui m’effraie encore « Je peux essayer de t’aider papa. Mais il faut que tu me dises ce qui s’est passé avec Tessa… ». Je sais que ça ne doit pas être évident pour lui, surtout quand il dit avoir merdé, et qu’il n’a sûrement pas envie que sa fille soit au courant. Mais le sujet est lancé et autant jouer cartes sur table « Je sais que j’ai pas été tendre avec toi, vis-à-vis de ta relation avec elle. J’ai laissé ma colère prendre le dessus ce jour-là, avec ce que Pete avait pu te dire… Et je m’en excuse. Je sais que je t’ai blessé, en te faisant penser que ton bonheur me passait complètement au-dessus… Mais ce n’est pas le cas ». Je cherche à retrouver son regard en tournant ma tête vers lui. Les mots sortent tout seul, la situation aidant quand je ressens de la peine en le voyant dans cet état. « Cabbott, fin Lawrence, m’a dit qu’il t’avait retrouvé dans un bar un soir dans un sale état… C’est vrai ? ». Je me souviens que je m’étais emportée contre Cabbott quand il avait osé utiliser mon père contre moi dans notre joute verbale. Je n’ai pas voulu le croire sur l’instant, peut-être que je ne le croyais toujours pas puisque je viens à demander confirmation au principal intéressé. Dans l’espoir qu’il me dise que ce n’est pas le cas, mais lorsque je le vois aujourd’hui dans cet état, je me dis que ce n’était peut-être pas un mensonge, juste pour m’emmerder.
I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew avait cette boule au ventre, ce noeud à l’estomac, qui refusaient tout bonnement de partir, depuis quelques jours déjà. C’était un mélange de sentiments, un mélange de peur et d’anxiété, de tristesse absolue et de sentiment de solitude. Il trouvait plutôt ironique de se retrouver face à sa fille comme ça. Il était censé être son pilier, sa boussole, l’épaule sur laquelle elle pouvait essuyer quelques larmes. Pas l’inverse. Mais Andrew n’était pas suffisamment dans son assiette pour endosser son rôle idéalisé de père, ce jour là. Sa chute très peu impressionnante de sa planche de surf en était l’exemple même. Il ne pouvait pas se concentrer. Il était incapable de se concentrer. Parce qu’outre Mia qui emplissait une grande partie de ses pensées, et dont personne ne prendrait la place, deux autres femmes occupaient ses pensées. Maxine et Tessa. Il ne cessait de se demander ce qu’il aurait pu faire différemment, ce qu’il aurait dû faire différemment. Comme s’il y avait plusieurs solutions à cela. Comme si tout n’était pas de sa faute. Mais il ne pouvait pas raconter tout ça à Mia. Jamais de la vie. Jamais de la vie il n’aurait pu raconter à quel point il avait tout foutu en l’air. Parce que le peu d’amour qu’elle avait encore pour lui, le peu de respect qu’elle daignait encore lui donner, tout serait noyé sous son flot de paroles lorsqu’il lui raconterait pourquoi il était dans un état pareil - et pourquoi il n’était pas aussi bon qu’il aurait voulu le penser. Alors, il préféra rester évasif. Du moins pour le moment.
Les pieds enfoncés dans le sable, il écoutait sa fille lui dire à quel point il avait toujours su donner de bons conseils. Il secoua doucement la tête, pas certain qu’elle pensait ce qu’elle était en train d’avancer. Il avait été absent pendant quinze longue années. Les conseils, il ne les avait jamais donné. Il n’avait jamais été là pour elle. Il savait qu’elle ne faisait qu’appliquer de la pommade sur une plaie bien trop béante pour être soignée. Alors il ne dit rien. Mais il sourit quand même. « Je peux essayer de t’aider papa. Mais il faut que tu me dises ce qui s’est passé avec Tessa… ». Andrew grinça des dents, cherchant machinalement son paquet de cigarettes. Qui n’était bien entendu pas dans sa tenue de plongée, mais plutôt bien à l’abri dans sa voiture. Un jour il devrait penser à régler ce problème là, aussi. Un jour. Pour l’instant, il avait terriblement envie d’une cigarette. « Je ne suis pas sûr que tu aies très envie d’entendre ce que j’ai à dire… ». Il en était même certain. Elle ne le verrait jamais plus sous le même jour, si elle l’avait déjà revu sous un bon jour. Il l’écoute d’une oreille presque distraite lui dire qu’elle est désolée, qu’elle l’a blessé. Il hoche doucement la tête, glissant sa main sur son menton, un vieux réflexe qu’il aurait eu s’il avait eu sa cigarette à la main. « T’excuse pas, va. C’est pas grave ». Il avait été déçu, sur le moment, parce qu’il aurait voulu qu’elle comprenne. Mais ça n’avait plus lieu d’être, puisque de toute façon, tout était fini. Andrew fixait, dépité, les remous de l’eau au bord du sable. Peut-être espérait-il voir débarquer un poisson, la bouche grande ouverte, avec son bracelet dans la bouche. Peut-être qu’une vague viendrait lui donner discrètement ses perles.
« Cabbott, fin Lawrence, m’a dit qu’il t’avait retrouvé dans un bar un soir dans un sale état… C’est vrai ? ». Les orteils d’Andrew se crispèrent un peu plus dans le sable. Il aurait dû s’en douter que ça finirait par arriver aux oreilles de quelqu’un. Il aurait un peu moins pensé que ça serait arrivé aux oreilles de Mia. Cette soirée là était un peu floue, il devait bien l’avouer. Il se tourna vers sa fille, les sourcils froncés. « Qu’est-ce qu’il t’a dit, au juste ? ». Il craignait ce que Lawrence avait bien pu balancé à son sujet. Il n’avait pas été tendre à son sujet. Et il avait surtout eu l’impression qu’Andrew était un vieil alcoolique, une vieille loque qui se traînait de bar en bar en espérant y trouver une quelconque âme charitable pour lui payer un énième verre. Mais ce n’était pas qui il était. Il tourna de nouveau sa tête vers l’océan. « Peu importe ce qu’il t’a raconté, tu n’as pas à te faire de soucis pour moi ». Il allait devoir se justifier. Il savait plus que quiconque que Mia ne se contenterait pas de ça. Alors il continua, n’osant toujours pas se tourner vers elle. « J’étais juste accablé par tout ce que Pete avait pu dire. Extrêmement fatigué. J’avais besoin de retrouver quelque chose qui me faisait du bien. Je suis allé dans ce bar ». Il se tourna cette fois vers sa fille. « Tu sais, le bar où on allait avec ta mère ». Mia savait de quoi il parlait, parce qu’ils lui avaient sûrement raconté un milliard de fois que c’est ici qu’ils avaient annoncé à tout le monde la grossesse de Mary. De nouveau, il tourna le regard vers la mer, incapable de supporter le regard brûlant de curiosité de sa fille. « Et j’ai bu, sûrement plus que de raison. Ca n’arrive jamais. Rarement, en tout cas. Mais j’en avais besoin. C’est pas tous les jours qu’on apprend que son fils était dans les parages pendant quinze longues années ». Ses yeux glissèrent pour venir sur poser sur un coquillage qui traînait là. Les bords légèrement émoussés, comme lui. « J’ai rencontré ton ami, Lawrence. Et puis j’ai fini par partir ». Il déglutit péniblement. Il ne savait pas s’il devait dire où il s’était rendu ensuite. Parce qu’il avait honte. Et sa fille était trop bien positionnée pour lui donner un claque derrière la tête si la suite ne lui plaisait pas. « J’ai vu quelqu’un que je n’avais pas vu depuis un temps. Et c’est là que j’ai merdé ». Oh, sweet Maxine. Cette soirée avait à la fois un goût si doux et si amer. Il n’avait pas envie d’en dire plus à Mia. Parce qu’il sentait déjà son regard inquisiteur lui vriller l’échine.
« Je ne suis pas sûr que tu aies très envie d’entendre ce que j’ai à dire… ». Mes sourcils se froncent, des questions venant se bousculer dans ma tête. Qu’est-ce qu’il entendait par là ? Est-ce qu’il avait annoncé à Tessa qu’il allait partir ? Un nouveau départ précipité, sans réelle explication ? Je ne peux imaginer une autre raison venant de mon père. Cette image qui lui colle à la peau, cette image que j’ai de lui malgré tout. Et le fait qu’il dise que je n’ai sûrement pas envie d’entendre ce qu’il a à dire ne fait que conforter cette idée. Une idée qui me fait avoir une boule au ventre, quand je l’imagine m’annoncer son départ… Comment ne pas y penser quand je le vois dans cet état, si triste, si fatigué, son unique solution étant sûrement de prendre la fuite, la solution de la facilité ? Alors, peut-être que les mots qui suivent cherche à l’apaiser, à le rassurer quand j’exprime mes regrets suite à ma réaction sur la relation entre lui et Tessa. Une bouée lancée en pleine mer dans l’espoir de le faire rester… « T’excuse pas, va. C’est pas grave ». Il ne semble pas m’en tenir rigueur, mais j’y crois difficilement. Mon regard s’attriste un peu plus, le fixant quelques secondes avant de retrouver l’horizon.
« Qu’est-ce qu’il t’a dit au juste ? ». A ça, un sourcil s’arque, repensant aux paroles de Cabbott, ressentant une part de cette colère que j’ai pu avoir à son égard lorsqu’il a osé évoquer mon père, sachant très bien où viser pour faire mal « Peu importe ce qu’il t’a raconté, tu n’as pas à te faire de souci pour moi ». Je reporte mon regard sur mon père, ne voulant pas abandonner aussi facilement « Il m’a dit qu’il t’a ramassé saoul dans un bar, alors que tu avais osé faire une leçon de moral à ce sujet à Pete. Et que je devrais envisager de te surveiller ». On peut ressentir le dédain que je peux avoir à l’encontre de Lawrence quand je rapporte ses propres dires. Je lui épargne pour l’instant la comparaison qu’il a pu faire entre mon père et moi, comprenant d’où venait mon problème de consommation, faisant référence à cette période de ma vie que je préfèrerai oublier « J’étais juste accablé par tout ce que Pete avait pu dire. Extrêmement fatigué. J’avais besoin de retrouver quelque chose qui me faisait du bien. Je suis allé dans ce bar ». Je grimace, me disant que ce quelque chose qui lui faisait du bien se rapprochait plus de l’alcool que du lieu en lui-même « Tu sais, le bar où on allait avec ta mère ». J’hoche doucement la tête, mais il ne le voit pas car son regard ne croise à aucun moment le mien. Il fuit, je le sens, il n’assume pas ce dérapage d’un soir. Du moins, c’est ce que j’espérais, que cela ne tenait qu’à une soirée et que ce ne soit pas récurrent chez lui… « Et j’ai bu sûrement plus que de raison. Ça n’arrive jamais. Rarement, en tout cas. Mais j’en avais besoin. C’est pas tous les jours qu’on apprend que son fils était dans les parages pendant quinze longues années ». Il y a une part de soulagement quand il me confirme que ce n’était qu’une fois, mais mon cœur se serre quand je sens que cette fatigue dont il parle est toujours présente en lui « J’ai rencontré ton ami, Lawrence. Et puis, j’ai fini par partir ». Le mot ami m’étrangle la gorge, m’arrache une grimace rien qu’à l’idée que mon père a de mon lien avec Cabbott. « J’ai vu quelqu’un que je n’avais pas vu depuis un temps. Et c’est là que j’ai merdé ». Mes mains se stoppent, restant figées quelques instants alors que les derniers grains de sable s’écoulent sur le sol. Même s’il n’en dit pas plus, je commence à comprendre cette raison à laquelle je n’avais pas pensé et qui a pu le mener à sa rupture avec Tessa. Je soupire alors, attrapant à nouveau du sable entre mes mains pour le faire glisser à nouveau « On a tous nos moments de faiblesse. Tu sais, je ne vais pas te blâmer parce qu’un soir, tu as décidé de te laisser aller dans les méandres de l’alcool. Je ne serai pas honnête en disant que c’est quelque chose qui ne se fait pas quand, pourtant, il m’est arrivé de trouver ce refuge-là aussi… ». Je marque une pause « Ces soirées que j’ai pu avoir avec Pete, à deux reprises, où nous avons été dans un état lamentable. J’en suis pas forcément fière, surtout quand… ». Ma gorge se noue, repensant à la descente aux enfers dans laquelle mon ami s’était engouffré. « Mais c’était un moyen pour moi aussi d’oublier cette accumulation de problème qui nous tombe dessus sans crier gare, parfois… ». Une nouvelle pause, cette fois, c’est moi qui suis incapable de tourner le regard vers mon père, parce que je lui parle à cœur ouvert, je lui avoue aussi mes faiblesses « Alors, tu n’as pas à t’en vouloir pour cet épisode. Et sache que Lawrence est loin d’être un ami. C’est qu’un hypocrite qui sait reconnaitre les travers des autres mais pas les siens ». L’amertume est présente, parce qu’il a osé cette comparaison. Mon père ne comprendra peut-être pas la virulence de mes paroles et je ne compte pas lui expliquer en lui rapportant les paroles exactes du jeune homme. Un long silence s’installe et puis j’ose lui demander alors « Ce quelqu’un… C’est une femme je suppose ? ». Parce que, hormis ce potentiel départ auquel j’ai pensé en premier, il n’y a qu’une autre raison qui ai pu entraîner leur rupture. La tromperie.
I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew n’avait jamais imaginé qu’il aurait ce type de conversation avec sa fille. De toute façon, quel père aurait pu, ne serait-ce qu’un instant, qu’il évoquerait un jour des problèmes de cœur avec sa progéniture ? Les rôles étaient inversés, et il devait bien l’avouer, c’était assez particulier, comme sentiment. Déjà, parce qu’il se sentait extrêmement mal à l’aise. Mal à l’aise de lui raconter tout ce qui s’était réellement passé. Comme il aurait eu du mal que Mia lui raconte toutes ses aventures, les hommes qu’elle avait rencontrés. Peut-être même que, comme lui, elle avait un jour abandonné certains commes des vieilles chaussettes au fond d’une machine à laver. Il n’était pas certain que lui détailler tout ce qu’il avait traversé, ce soir où il avait rencontré Lawrence, était une excellente idée. Il craignait que l’image qu’elle avait de lui, déjà ternie par les années, ne cesse de se dégrader.
Et pourtant, il restait curieux. Il avait envie de savoir ce que Lawrence avait bien pu dire sur lui. Lui qui l’avait rencontré dans un piètre état, à un moment de la nuit où Andrew n’était pas très fier de tout ce qu’il avait ingurgité...Qu’est-ce qu’il avait bien pu raconter à Mia ? « Il m’a dit qu’il t’a ramassé saoul dans un bar, alors que tu avais osé faire une leçon de moral à ce sujet à Pete. Et que je devrais envisager de te surveiller ». Andrew fronça le nez, baissant une nouvelle fois les yeux pour observer le sable chaud qui entourait ses orteilles. Il ressentait encore une fois ce besoin irrépressible de se justifier, comme si les quelques pitoyables excuses qu’il allait réussir à sortir suffiraient à redorer son blason. « Je ne vais pas te le cacher, il m’a récupéré quand j’étais rond comme une queue de pelle…”. Il n’était pas fier de ça, mais un léger sourire étira ses lèvres. Il se souvint soudain des moments qu’il avait passé avec Mary, dans ce même bar, après les cours. Les longues nuits, à deux ou avec leurs amis, à enchaîner les bières, à rire aux éclats, à se tenir par la main, et à finir tout aussi éméchés qu’il l’était ce soir-là. Il caressait l’espoir de retrouver un jour ces sensations, de revivre une nouvelle fois ces souvenirs. Peu importe avec qui. Mais il avait l’impression que ce temps était révolu, qu’il avait brisé quelque chose qui ne reviendrait sûrement jamais. Parce qu’il avait été incapable de tenir en place, parce qu’il était tiraillé de l’intérieur et qu’il avait l’impression que jamais plus rien ne le rendrait vraiment heureux, que jamais plus rien ne comblerait ce vide à l’intérieur de lui. C’était d’ailleurs sûrement pour cela qu’il s’était rendu chez Maxine, ce soir-là. Parce qu’il avait encore une fois besoin de se sentir vivant, de combler ce trou béant à l’intérieur de sa poitrine. Il soupira légèrement, essayant de continuer à se chercher quelques explications. “Mais encore une fois, Mia, mon comportement de ce soir-là n’avait rien à voir avec celui de Pete. Je n’ai pas été très malin, ça c’est certain...Mais qui n’a jamais bu quelques gorgées pour essayer de penser à autre chose, pour effacer quelques mots de trop ?”. Il se tourna quelques instants vers Mia, cherchant son approbation du regard, avant de retourner à sa contemplation du sol.
Il continua ses explications. Espérant que Mia comprendrait. Elle comprendrait forcément. Il ne pouvait pas lui raconter tout cela sans qu’elle comprenne. Il continua son récit, restant toutefois sur la réserve. Il n’avait pas envie de tout dire, parce qu’il avait trop honte. “On a tous nos moments de faiblesse. Tu sais, je ne vais pas te blâmer parce qu’un soir, tu as décidé de te laisser aller dans les méandres de l’alcool. Je ne serai pas honnête en disant que c’est quelque chose qui ne se fait pas quand, pourtant, il m’est arrivé de trouver ce refuge-là aussi…Ces soirées que j’ai pu avoir avec Pete, à deux reprises, où nous avons été dans un état lamentable. J’en suis pas forcément fière, surtout quand… Mais c’était un moyen pour moi aussi d’oublier cette accumulation de problèmes qui nous tombe dessus sans crier gare, parfois… Alors, tu n’as pas à t’en vouloir pour cet épisode. Et sache que Lawrence est loin d’être un ami. C’est qu’un hypocrite qui sait reconnaitre les travers des autres mais pas les siens ». Andrew avait écouté patiemment sa fille, son coeur se serrant chaque fois un peu plus quand il comprenait à quel point il n’avait jamais été là pour elle. Toutes ces fois où elle avait dû finir allongée sur le canapé d’un bar, toutes ces fois où Pete avait dû lui tenir les cheveux pendant qu’elle se tenait au-dessus des toilettes. C’est lui qui aurait dû être là. Il aurait dû joeur son rôle de père, à ce moment là. Être là pour la récupérer à la sortie du bar, être là pour lui passer un savon parce qu’elle était rentrée bien trop tard et dans un état pitoyable. Mais il n’avait pas rempli ce rôle. « Ce quelqu’un… C’est une femme je suppose ? ». Andrew serra les dents. Il ne savait pas à quel point il était près à lui raconter ce qu’il s’était passé. Il n’avait pas envie qu’elle sache tout à fait qui était Maxine. Mais il en avait déjà trop dit. Il se devait d’évoquer quelques éléments à sa fille. Même si cela signifiait qu’elle aurait une image encore plus mauvaise de lui. Il réfléchit longuement, laissant le temps au soleil de descendre un peu plus dans le ciel. “Je l’ai rencontrée aux Etats-Unis. Elle m’a beaucoup aidé dans mes recherches. On a fait un bout de chemin ensemble”. Il aurait dû raconter à quel point elle avait été son phare au milieu de la nuit à une période bien sombre de sa vie. Mais les mots n'arrivaient guère à sortir de sa bouche. Pas maintenant, pas alors qu’il y avait Tessa qui comptait tout autant pour lui. “Elle est revenue à Brisbane depuis peu. J’aurais dû…”. Il marque une légère pause. “J’aurais dû contacter Tessa. J’aurais dû rentrer chez elle, m’allonger à ses côtés, et passer autre chose. Mais au lieu de ça…”. Il secoua doucement la tête. “J’ai appelé ta mère je ne sais combien de fois, et puis je l’ai appelée elle. J’ai pris un taxi et j’y suis allé. Je crois que j’avais besoin de retrouver un peu de chaleur, un peu…”. Il ne savait pas trop ce qu’il était allé chercher, au final. “Je n’aurais pas dû. Je me suis laissé emporter”. Il tourna son visage vers sa fille, le visage presque implorant. “J'aurais dû lui en parler directement, j'aurais dû lui dire à quel point j'avais merdé...Mais au lieu de ça, je me suis enfermé dans cette spirale, et ça m'est retombé dessus à un moment où j'aurais préféré que ça ne me retombe pas dessus...je me sens terriblement con, Mia, et je ne sais pas quoi faire”. Encore une fois, les rôles étaient inversés. C’était à la fille de donner des conseils à son père, maintenant. Elle endossait le rôle qu’il n’avait jamais endossé pour elle.
« Je ne vais pas te le cacher, il m’a récupéré quand j’étais rond comme une queue de pelle… ». Mon père fait preuve de transparence totale, étant honnête avec moi sur cette soirée où il a, semble-t-il, perdu le contrôle. Evidemment, passer aux aveux devant sa fille n’était pas une chose facile pour lui, et je le vois très bien quand il évite mon regard au maximum. Mais, s’il me serait aisé de le juger, ce n’est pas ce que je fais. Non, aujourd’hui, j’ai une oreille attentive pour ce père qui me semble désemparée, perdue… incroyablement triste. « Mais, encore une fois, Mia, mon comportement de ce soir-là n’avait rien à voir avec celui de Pete. Je n’ai pas été très malin, ça c’est certain… Mais qui n’a jamais bu quelques gorgées pour essayer de penser à autre chose, pour effacer quelques mots de trop ? ». J’étais mal placée pour faire la leçon de morale. Parce que les travers de l’alcool je les connaissais… A l’adolescence quand il a quitté la maison familiale et que j’ai trouvé ce refuge en traînant avec les mauvaises personnes. A l’âge adulte, quand Lukas et moi avions rompu…enfin que dis-je, quand il m’a largué plutôt. Et toutes les fois suivantes où, pour oublier ce sentiment d’abandon qui semblait me hanter, me poursuivre à chaque fois que je retrouvais un semblant de bonheur, l’alcool avait été la seule solution que j’ai trouvé contre mes maux. Les histoires sans lendemain ont été pendant plusieurs mois la bonne solution également. Mais cette autre alternative là, je la tairais face à mon père. Parce que ni l’une ni l’autre n’est une solution miracle. Aucune n’a fait ses preuves. L’alcool ne sert qu’à vous amener plus bas, pourrissant votre santé au passage. Quant aux histoires sans lendemain… le pas d’attache n’a pas vraiment fonctionné quand je me suis finalement entichée d’une des personnes avec qui cela ne devait en rien être sérieux. Pourtant, à l’heure actuelle, je n’ai aucun regret face à cette dernière histoire. Elle m’a permis de rencontrer l’homme que j’aime, celui qui m’aime aussi et qui, ces dernières semaines, me rendait heureuse, m’apaisait…
Alors, non je ne rentre pas dans les détails avec mon père mais je reconnais que, ce chemin-là, je l’ai aussi emprunté. Je ne me rends pas compte de la répercussion de certains de mes mots sur mon père. Il n’exprime rien, il ne démontre rien. Mais je suppose qu’il doit y avoir un certain sentiment de culpabilité de ne pas avoir été présent dans ces moments-là. Ce n’est pas en tout cas ce que je veux lui faire ressentir. Le temps n’est plus aux reproches, du moins, pas alors que nous nous trouvons tout deux assis sur le sable, le cœur déjà suffisamment lourd. « Je l’ai rencontrée aux Etats-Unis. Elle m’a beaucoup aidé dans mes recherches. On a fait un bout de chemin ensemble ». Il m’explique la suite de cette soirée où tout a, semble-t-il, dérapé. Le début de son récit m’annonce bien la suite, me doutant bien ce qui a amené mon père et Tessa à rompre. « Elle est revenue à Brisbane depuis peu. J’aurais dû… J’aurais dû contacter Tessa. J’aurais dû rentrer chez elle, m’allonger à ses côtés, et passer autre chose. Mais au lieu de ça… J’ai appelé ta mère je ne sais combien de fois, et puis je l’ai appelée elle. J’ai pris un taxi et j’y suis allé. Je crois que j’avais besoin de retrouver un peu de chaleur, un peu… » L’instant devient un peu gênant en écoutant le récit de mon père, surtout avec les derniers mots qu’il vient de prononcer. Et puis l’idée qu’il ai pu appeler ma mère en premier, me soulage de savoir qu’elle n’est pas répondue. Parce que, ce qu’il a fait avec cette femme qu’il connait de sa vie aux Etats-Unis, il l’aurait peut-être fait avec son ex-femme… dans un moment de solitude et de désespoir… « Je n’aurais pas dû. Je me suis laissé emporter ». Je sens la culpabilité ronger mon père, encore plus quand son regard vient se poser sur moi et qu’il est triste « J’aurais dû lui en parler directement, j’aurais dû lui dire à quel point j’avais merdé… Mais au lieu de ça, je me suis enfermé dans cette spirale, et ça m’est retombé dessus à un moment où j’aurai préféré que ça ne me retombe pas dessus… je me sens terriblement con, Mia, et je ne sais pas quoi faire ». Ma main vient se poser dans le haut de son dos pour le frictionner doucement. Il me fait de la peine à ce moment et même s’il a clairement ses torts et qu’il doit les assumer, le voir dans cet état me serre le cœur. « Papa… » je commence dans un soupir « La seule chose que tu peux faire désormais c’est assumé… Assumé que tu as merdé et en accepter les conséquences ». Je n’allais pas lui mentir, je n’allais pas le caresser dans le sens du poil non plus. Je joue la carte de la franchise parce qu’il n’y a pas d’autres solutions possibles… « Je suis désolé que ça soit la cause qui ai mené à ta rupture avec Tessa… Mais, peut-être que si tu as fait ça… en oubliant les effets de l’alcool… c’est peut-être aussi parce qu’il y avait une autre raison… ». Peut-être ne trouvait-il pas assez de réconfort auprès de Tessa ? Malgré l’amour qu’il lui portait, peut-être ne retrouvait-il pas ce qu’il a pu partager avec cette femme aux Etats-Unis ? Peut-être qu’entre Tessa et lui, leur relation n’était pas réellement une relation amoureuse, était-ce un simple attachement ? Je poursuis alors, ma main toujours dans son dos « Cette femme… Vous avez été… enfin… tu as essayé de refaire ta vie avec elle quand tu étais aux Etats-Unis ? » De reconstruire une famille avec elle ne sortira pas mais c’est ce que sous-entend ma question. Il y a de l’hésitation dans ma voix et je ne veux pas agrémenter la culpabilité de mon père, alors j’ajoute « Enfin… si tu veux en parler, je ne veux pas te forcer à le faire. Et je ne cherche pas à te blâmer si c’est ce que tu as essayé de faire aussi… avec cette femme... ». Je me rends compte que ma phrase n’a aucun sens et un mince sourire étire mes lèvres après que j’ai levé les yeux au ciel, me trouvant vraiment pas crédible une seule seconde.
I need you, I need you, I need you right now, yeah, I need you right now. So don't let me, don't let me, don't let me down, I think I'm losing my mind now. It's in my head, darling, I hope that you'll be here when I need you the most. So don’t let me, don't let me, don't let me down.
Andrew avait rarement parlé à sa fille aussi ouvertement. En même temps, il n’en avait eu que rarement l’occasion. Il avait passé quinze ans à fuir, loin d’elle, loin de celle qui comptait très certainement le plus pour lui. Sa fille était tout pour lui. Et pourtant, même au moment où tout allait au plus mal, même au moment où tout ce qu’il avait construit s’éffritait petit à petit, il avait été incapable de lui en parler. Comment aurait-il pu trouver les mots pour décrire tous les maux qui l’assaillaient à ce moment-là ? Comment aurait-il pu lui expliquer qu’elle aurait pu avoir un frère, que lui et sa mère étaient sur le point de se séparer, parce qu’il avait très certainement perdu son travail à cause d’elle ? Il n’avait jamais pu se résoudre à lui parler de tout ça, sûrement pour protéger la jeune adolescente qu’elle était en train de devenir. Avec le recul, il ne fut pas certain que ce soit une excellente idée. Mais aujourd’hui, tout cela avait changé. Aujourd’hui, il sentait il avait envie de se confier à sa fille. Parce qu’il savait qu’elle aurait une oreille attentive, et que malgré tout leur passé, elle saurait le comprendre. Elle comprendrait. Parce qu’elle finissait toujours par comprendre. Alors il lui expliqua ce qu’il s’était passé, sans pour autant citer précisément le nom de Maxine. Il n’avait pas envie de la ramener sur le devant de la scène, pas cette fois-ci. Elle le laissa parler, comme elle savait si bien le faire. Il lui en serait probablement toujours reconnaissant. Elle avait cette capacité à l’apaiser, rien qu’en étant là. Plus il parlait, et plus il sentait ce poids qui enserrait son coeur devenir de moins en moins lourd. Les tiraillements dans sa gorge étaient toujours présents, mais peut-être qu’eux aussi partiraient avec le temps.
« Papa…La seule chose que tu peux faire désormais c’est assumé… Assumé que tu as merdé et en accepter les conséquences ». Andrew hocha doucement. Il savait qu’elle avait raison. “Tu sais à quel point je suis doué pour accepter mes conneries...J’ai plutôt tendance à partir et à revenir quinze ans plus tard”. Il eut un petit sourire triste, il savait que ça ne ferait probablement pas rire Mia, mais c’était pour autant la triste vérité. Il était bien obligé d’admettre qu’il était incapable de faire face à ses problèmes. La perte de son boulot, Mary, Mia, puis Maxine et Tessa. Tout était prétexte à prendre la poudre d’escampette. Parce que c’était beaucoup plus simple. « Je suis désolé que ça soit la cause qui ai mené à ta rupture avec Tessa… Mais, peut-être que si tu as fait ça… en oubliant les effets de l’alcool… c’est peut-être aussi parce qu’il y avait une autre raison… ». Andrew ne répondit rien, même si la phrase de sa fille fit son petit bonhomme de chemin jusqu’à sa tête. Il savait ce qu’elle sous-entendait. Que peut-être que l’amour qu’il avait eu pour Tessa n’était pas suffisant. Peut-être que ce n’était pas ce dont il avait besoin. Peut-être que cela avait servi à combler un vide bien trop présent. Peut-être que ce n’était que de l’affection, pour une jeune femme qu’il connaissait depuis déjà bien longtemps. « Cette femme… Vous avez été… enfin… tu as essayé de refaire ta vie avec elle quand tu étais aux Etats-Unis ? Enfin… si tu veux en parler, je ne veux pas te forcer à le faire. Et je ne cherche pas à te blâmer si c’est ce que tu as essayé de faire aussi… avec cette femme... ». Là encore, le vieux McKullan hésita à répondre. Il était délicat de parler de la relation qu’il avait eu avec Maxine, devant sa fille. Saurait-il ne serait-ce que capable de poser des mots sur ce qu’elle avait représenté pour lui ?
Caressant le sable du bout des doigts, il laissa planer un silence pendant quelques instants. Difficile de croire qu’il tenait entre ses mains quelques milliers de minuscules grains de quartz. Comme quelques milliers de morceaux brisés, peut-être aussi brisés qu’il l’était lui. Il ne savait pas trop par où commencer. Peut-être par le commencement ? Sans se retourner vers sa fille, il continua son récit, dessinant au passage des traits dans le sol. “J’ai aimé ta mère plus que tout au monde. Elle a toujours été tout pour moi. Mon pilier. Comme toi tu l’as été. Et contrairement à ce qu’on peut penser, j’ai toujours une profonde affection pour elle”. Même si c’était compliqué, même si cette affection était accompagnée d’une rancœur toute aussi perçante. “Quand tout s’est terminé, je pensais ne jamais retrouver quelqu’un comme elle. Déjà parce que je pensais que plus personne ne voudrait de moi, et puis parce que j’étais convaincu que plus personne ne parviendrait à combler ce qui manquait à ma vie”. Ce vide, immense, qu’il contemplait dès qu’il allait se coucher le soir. Qui avait été quelque peu rempli par les retrouvailles avec Jax. Mais qui absorbait tout ce qu’il y avait autour de lui, comme un trou noir. Il ne désespérait pas à ce que ça aille mieux, un jour. “Et puis je l’ai rencontrée. Si j’avais su que je m’étais trompé autant…”. Maxine. Max. Il n’osait même plus dire son nom. Il serra les dents, empêchant les larmes de monter à ses yeux. “Te dire qu’elle m’a sauvé serait un euphémisme. Elle a été l’étincelle qui a rallumé ce qui était éteint en moi depuis bien trop longtemps. Celle qui m’a permis de remonter la pente. Un caractère de feu”. Il ne put s’empêcher de sourire en repensant aux moments qu’ils avaient passés ensemble. “Je les ai rejoint, elle et son fils. On a commencé à passer un bon bout de temps ensemble. Je pense qu’on aurait pu construire quelque chose si…”. Il lança une poignée de sable sur le sol, éreinté de son propre comportement. “Je suis parti, Mia. Je l’ai laissé parce qu’elle émettait l’hypothèse que peut-être, je ne retrouverai pas mon fils. J’ai eu l’impression de revivre ce que j’avais vécu avec ta mère. Alors je suis parti. Ça a toujours été plus simple de partir”. Nouvelle pause. Il avait la gorge sèche, désormais. “Mais je crois que...j’ai encore beaucoup d’affection pour elle. Plus que je ne l'admet, sûrement. Mais il est trop tard pour faire machine arrière, maintenant. Elle ne voudra plus jamais de moi”. Il lançait ça comme un enfant, comme une bouteille à la mer, comme si sa fille allait pouvoir l’aider.
« Tu sais à quel point je suis doué pour accepter mes conneries… J’ai plutôt tendance à partir et à revenir quinze ans plus tard ». Mon cœur manque un battement lorsque mon père ose dire cela. Même s’il y a de l’ironie, même s’il y a ce petit sourire triste, je n’arrive pas à prendre la chose à la légère. Je n’arrive pas encore à en rire quand les blessures sont bien trop présentes encore. Je ne souhaite pas le voir repartir, je ne souhaite pas le voir fuir à nouveau alors que nous commençons à peine à nous retrouver. Je ne le supporterai pas. Je lui interdis de fuir à nouveau quand je suis là pour lui, quand je suis prête à lui pardonner alors que le mal restera toujours ancrer en moi. Je lui interdis de fuir à nouveau quand je prends le risque qu’il le fasse malgré tout… Je ne dis rien, mais il verra qu’à la suite de ses mots, je me suis fermée, me recroquevillant instinctivement sur moi-même comme si cela allait me protéger de la réalité. Je préfère revenir sur la raison de sa rupture avec Tessa, cette raison qui est celle d’avoir embrassé une autre femme… De l’avoir trompé. Je ne suis pas fière de mon père, je n’aime pas non plus me rendre compte qu’il est finalement comme beaucoup d’hommes… Mais parce qu’il est aussi mon père, j’essaye de comprendre son geste. L’alcool est peut-être une raison mais pas que à mes yeux… Je ne lui dis rien de plus, mais pour moi, son attachement à Tessa n’était pas forcément un véritable amour. Il ne répond rien à cela mais je retiens surtout qu’il ne me contredis pas, peut-être parce qu’il se rend compte, qu’en effet, cette relation avec la jeune femme n’était peut-être pas ce qu’il pensait…
« J’ai aimé ta mère plus que tout au monde. Elle a toujours été tout pour moi. Mon pilier. Comme toi tu l’as été. Et contrairement à ce qu’on peut penser, j’ai toujours une profonde affection pour elle ». Je l’interroge sur sa relation avec cette femme notamment pour savoir s’il a tenté de construire ou plutôt reconstruire une vie de famille avec elle. Même s’il ne répond pas tout de suite et directement à ma question, je comprends par le début de son explication que celle-ci est positive « Quand tout s’est terminé, je pensais ne jamais retrouver quelqu’un comme elle. Déjà parce que je pensais que plus personne ne voudrait de moi, et puis parce que j’étais convaincu que plus personne ne parviendrait à combler ce qui manquait à ma vie ». Mon regard est triste et désolé qu’il ait pu se sentir à ce point si mal… au point de penser qu’il n’aurait plus droit au bonheur, qu’il ne connaitrait plus ce sentiment d’appartenance à une famille. Je m’en veux aussi quand, lors de son départ et durant les années qui ont suivi, je lui ai souhaité que du malheur… Accentuant sûrement ce sentiment en lui quand j’ai préféré l’ignorer de nombreuses fois, ne pas lui donner suite à ses appels, ne m’éternisant jamais pour lui raconter mon quotidien. Mais la rancœur était omniprésente, la souffrance aussi de son départ… Et finalement, peut-être que si la vérité avait été dite dès le début, nous aurions sûrement évité toutes cette souffrance mutuelle… « Et puis je l’ai rencontré. Si j’avais su que je m’étais trompé autant(…) te dire qu’elle m’a sauvé serait un euphémisme. Elle a été l’étincelle qui a rallumé ce qui était éteint en moi depuis bien trop longtemps. Celle qui m’a permis de remonter la pente. Un caractère de feu ». Il y a comme une sorte d’étincelles qui renait quand il évoque celle avec qui il a tenté de se reconstruire. « Je les ai rejoints, elle et son fils. On a commencé à passer un bon bout de temps ensemble. Je pense qu’on aurait pu construire quelque chose si… ». Je repose mon regard sur lui, même si mon cœur s’est serré lorsqu’il a enfin répondu à cette question de reconstruire une vie de famille « Je suis parti, Mia. Je l’ai laissé parce qu’elle émettait l’hypothèse que peut-être, je ne retrouverai pas mon fils. J’ai eu l’impression de revivre ce que j’avais vécu avec ta mère. Alors je suis parti. Ça a toujours été plus simple de partir ». Le schéma semble se répéter inlassablement. « Mais je crois que… j’ai encore beaucoup d’affection pour elle. Plus que je ne l’admets, sûrement. Mais il est trop tard pour faire machine arrière, maintenant. Elle ne voudra plus jamais de moi ». Et aussitôt, je viens à lui répondre « Il va falloir que tu fasses tes preuves… Comme tu es en train de le faire avec moi Papa ». Je laisse échapper un soupir avant d’ajouter « Et il va falloir surtout que tu arrêtes de fuir… ». La bouée est lancée, l’appel à l’aide, celui de ne plus jamais partir, de ne plus jamais me quitter… Parce qu’une fois de plus serait la fois de trop qui briserait à tout jamais notre lien.