Les échos de la musique au loin présage que nous ne sommes plus très loin. Mon regard se pose doucement sur lui, alors que ma main tient la sienne depuis que nous avons quitté mon appartement. Je l’ai convaincu de venir avec moi au défilé qui a lieu sur Brunswick Street à l’occasion du carnaval. Un sourire vient étirer mes lèvres alors que je ressers un peu plus mes doigts autour des siens. Cela faisait déjà un mois que je me sentais apaisée à ses côtés, que j’avais l’impression d’avoir droit enfin à être heureuse avec lui. Qu’il avait aussi droit à ce bonheur qu’il s’était refusé jusque-là. Chaque jour était plus agréable encore, chaque moment accordé ne représentait pas celui de trop. Parce que les séparations se faisaient plus rare, quand, au quotidien, nous étions incapables de ne pas nous voir. Comme la veille où, après mon cours de danse de samba auquel il n’a pu m’accompagner car il avait des choses à gérer, il m’a rejoint très tard dans la soirée à l’appartement. M’endormir dans ses bras, me réveiller à ses côtés me rendaient heureuse de jour en jour. J’aime cette vie que nous nous autorisons ensemble, j’aime ce quotidien beaucoup plus doux. Et aujourd’hui, lorsque je lui ai proposé d’aller voir le défilé des chars pour le Carnaval, il n’y a pas eu d’objections de sa part. Peut-être un peu quand il a fallu quitter la chaleur des draps après nous être longuement égarés toute la matinée dans ceux-ci.
En ce samedi après-midi, alors qu’il fait encore un temps agréable bien que nous sommes désormais en automne, l’agitation dans les rues se fait de plus en plus ressentir plus nous approchons de notre destination. La foule se fait de plus en plus omniprésente alors que nous faufilons désormais un chemin parmi celle-ci. « Tu es déjà venu voir le défilé ? », je lui demande alors qu’on trouve un endroit où s’arrêter pour pouvoir admirer les chars qui approchent au loin. « Je te demande pas si tu as déjà défilé en revanche. Je te verrai bien pourtant sur un de ces chars », je fais, sourire un peu moqueur au bout des lèvres, alors qu’un d’entre eux passe devant nous, les personnes dessus se déhanchant au rythme de la musique, leur costumes plus colorés les uns que les autres « Ca te tente pas ? Y’a un début à tout ». Je ris doucement, me mettant sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser subtil sur les lèvres, comme pour me faire pardonner de le taquiner un peu. « Je peux même venir avec toi. Ça fait un bail que je ne l’ai pas fait, ce serait l’occasion ». Des souvenirs d’enfance me reviennent alors en tête quand mes parents m’amenaient ici même pour qu’on puisse admirer la parade. J’avais réussi une fois à monter sur l’un des chars, alors que j’étais encore et toujours déguisée en princesse, avec ma couronne sur la tête et ma baguette magique à la main. Je souris alors et me retourne pour admirer le défilé.
Le carnaval, la musique au loin qui retentit, les gens heureux, déguisés, il peut prétendre être qui il veut dans cette foule. Sa main est liée à la sienne sans peur d’être reconnu par quique ce soit. Ici il est indivisible. Ici l’homme qu’il est avec elle prend toute la place, efface le Club et ses contraintes. Il est un homme parmi d’autres, ils sont un couple parmi d’autres. Il n’y a rien d’exceptionnel, rien qui sort de l’ordinaire. Ils se baladent main dans la main, à discuter de tout et de rien, à parler de leurs voyages ou des endroits où ils aimeraient aller, ensemble, à deux. Pour la première fois il se projette avec quelqu’un. Peut-être qu’il se berce d’espoirs futiles, peut-être qu’il a tort de se sentir aussi invincible à ses côtés, comme si rien ne pouvait les atteindre, comme s’il n’y avait aucun risque. Mais ça n’a pas d’importance. Il préfère maintenir l’illusion, tant les moments avec elle sont les seuls où il se sent bien , tant le Club lui prend trop de temps et d’énergie, trop de son bonheur.
« Tu es déjà venu voir le défilé ? » Il réfléchit un instant, il ne se souvient plus de la dernière fois. « Ca fait quelques années que je ne l’ai pas vu ! » Il y était toujours passé en coup de vents, sans jamais réellement s’arrêter, profiter de la vue, à croire qu’il avait toujours mieux à faire ailleurs. Pourtant avec elle il se prend à profiter de ces moments, la musique de plus en plus présente, étirant sa bouche dans un sourire. « Et toi tu l’as vu l’année dernière ? » Il glisse un baiser sur sa tempe, ses mains effleurant ses cotes, se découvrant une tendresse qu’il n’ pas montré depuis des années. « Je te demande pas si tu as déjà défilé en revanche. Je te verrai bien pourtant sur un de ces chars » Il rit ouvertement cette fois en regardant les danseurs se déhanché au son de la musique, un tournoiement de couleurs qui ne semble pas s’arrêter. « Ca te tente pas ? Y’a un début à tout. Je peux même venir avec toi. Ça fait un bail que je ne l’ai pas fait, ce serait l’occasion. » Son baiser sert d’excuses à ses taquineries et lui a un rictus moqueur, sa main venant lui pincer les cotes. « Hahaha, très drôle. Je crois que je ferais un peu tache, on peut pas avoir tous les talents du monde, jte cuisine des bons petits plats jpeux pas être EN PLUS danseur professionnel ! Madame est bien exigeante ! » Il rit, attrapant ses hanches pour la rapprocher de lui, l’entourant de ses bras, alors qu’il pose sa tête contre la sienne pour regarder les chars qui défilent. « T’y allais avec tes parents quand t’étais petite ? » demande-t-il en voyant des familles avec leurs enfants. Il ne peut s’empêcher de se demander alors s’ils pourraient y aller en famille un jour. L’idée le traverse sans même qu’il ne s’en rende compte, lui arrache un sourire. Elles sont insidieuses ces idées d’une vie future, elles sont naïves peut être aussi. Alec devrait sans doute arrêter de se bercer d’illusions, mais alors qu’elle s’appuie contre lui, il en est incapable.
« Ca fait quelques années que je ne l’ai pas vu ! ». Mon regard se pose sur lui, peut-être un peu triste parce que je sais que ce sont des petits moments comme ça qu’il ne s’autorise plus depuis longtemps. Que je sais que c’est pour cette raison qu’il n’a pas vu le défilé des chars, depuis des années, lui pourtant qui est sur Brisbane depuis longtemps. Finalement, l’amener avec moi aujourd’hui est un moyen de lui redonner ce goût à tout ça, à cette vie plus normale, lui qui pense être définitivement bloquée dans cette vie qu’il a choisie. « Et toi tu l’as vu l’année dernière ? ». J’acquiesce doucement alors qu’il me dépose un baiser sur la tempe, fermant les yeux quelques instants pour le savourer avant qu’un sourire amusé apparaisse au bout de mes lèvres « Oui, avec un ami. Mais, disons que nous n’étions pas forcément dans notre état normal, et je ne suis pas sûre de complétement m’en souvenir ». Je grimace alors, repensant aux souvenirs de cette journée avec Pete, ou du moins ce qu’il m’en reste. Nous nous étions encore lancés des défis plus stupides les uns que les autres, l’alcool aidant beaucoup. Désormais, cela dit, je me sens aussi un peu honteuse quand je pense à ce qu’a enduré mon ami d’enfance récemment, à cause de l’alcool. Je reporte mon attention sur les chars puis ne peut m’empêcher de taquiner Alec en lui disant que je le verrai bien sur un char en train de danser. Il rit et j’en rajoute un peu plus en lui disant qu’on peut même y aller tous les deux. Je l’embrasse subtilement sur les lèvres, comme pour faire un peu mieux passer la taquinerie mais il vient me pincer les côtes avec sa main, ce qui me fait avoir un petit mouvement sur le côté alors que ma main vient le stopper et que je ris doucement « Hahaha, très drôle. Je crois que je ferai un peu tache, on peut pas avoir tous les talents du monde, jte cuisine des bons petits plats jpeux pas être EN PLUS danseur professionnel ! Madame est bien exigeante ! ». Il vient m’attraper par les hanches pour m’enlacer contre lui, mes doigts venant s’entrelacer au sien pour resserrer un peu plus son étreinte alors que nous regardons défiler les chars « Tu sais, je suis sûre que tu aurais du succès, rien qu’en enlevant ce tee-shirt. Tu ferai sensation. Même si tu ne sais pas danser. Je pourrais t’apprendre les quelques pas de samba que j’ai appris hier cela dit ». Mon sourire est malicieux alors que je penche ma tête sur le côté pour trouver son regard. Je ris doucement alors que je reporte à nouveau mon regard sur le défilé « T’y allais avec tes parents quand t’étais petite ? ». Il ne le voit pas mais j’ai ce scintillement soudain dans les yeux en repensant à mon enfance « Oui… » je réponds doucement, un grand sourire aux lèvres « C’était un rituel chaque année, mon père tenait impérativement à m’y amener. J’étais émerveillé par les couleurs, j’imitais les pas de danse des danseuses sur les chars. J’ai même eu droit une fois à monter sur l’un d’eux. J’étais déguisée en princesse évidemment ». Je me souviens très bien de cette robe que je portais, que j’avais d’ailleurs récupéré il y a quelques temps dans le grenier de ma maison d’enfance pour la donner à Bonnie. Je souris encore quand je viens à poser ma tête un peu plus contre le torse d’Alec, rêveuse. Je pense à ces souvenirs heureux de mon enfance, ceux que j’aimerai pouvoir offrir un jour à mon futur enfant. Un petit garçon ou une petite fille dont les éclats de rire résonneraient parmi la foule, où l’émerveillement se lirai dans ses yeux alors qu’il nous tiendra par la main, Alec et moi. Parce qu’à ce moment même, je ne pense qu’à lui pour avoir cette vie-là, celle d’une famille que nous finirons peut-être à réussir à construire ensemble.
« Oui, avec un ami. Mais, disons que nous n’étions pas forcément dans notre état normal, et je ne suis pas sûre de complétement m’en souvenir ». Son rire raisonne dans la foule alors qu’une grimace étire les lèvres de Mia qui semble se souvenir de cette soirée qui avait apparemment dû lui laisser un mal de tête impressionnant.
Il l’enlace contre lui. « Tu sais, je suis sûre que tu aurais du succès, rien qu’en enlevant ce tee-shirt. Tu ferais sensation. Même si tu ne sais pas danser. Je pourrais t’apprendre les quelques pas de samba que j’ai appris hier cela dit ». Il ne peut s’empêcher de venir déposer un baiser dans le creux de son cou avant de murmurer contre son oreille. « Pourquoi tu veux me partager ? » Ce n’est pas une question qu’il pose avec sérieux, car c’est bien la première fois depuis bien longtemps qu’il n’a aucunement l’intention d’être partagé ou de la partager.
Le séducteur se découvre en réalité complètement monogame. Mais c’est aussi pour ça qu’il ne s’est jamais laissé s’attacher à quique ce soit, conscient du fait qu’il aimait peut-être de manière trop passionnelle. Son frère lui avait dit que ses sentiments le perdraient. Sans doute avait-il raison. Car il ne voulait plus qu’elle, ne s’imaginait pas avec quique ce soit d’autre et savait qu’il n’aurait pas supporté qu’un autre homme la séduise. Non elle était à lui autant qu’il était à elle. « Tu me montres quand tu veux tes pas de danse Mia. » Il se force à se souvenir qu’il est en public, ne lâchant pourtant pas son étreinte, souhaitant profiter de chaque instant avec elle.
Lorsqu’il lui demande si est déjà venue avec ses parents au carnaval, il entend au son de sa voix, que le sujet est plus dur à mentionner. « Oui… C’était un rituel chaque année, mon père tenait impérativement à m’y amener. J’étais émerveillé par les couleurs, j’imitais les pas de danse des danseuses sur les chars. J’ai même eu droit une fois à monter sur l’un d’eux. J’étais déguisée en princesse évidemment ». Alec pose doucement sa tête contre la sienne, cherchant à la tirer de sa nostalgie, ou plutôt à l’y accompagner. Lui n’a pas de souvenirs heureux de son enfance. C’est sans doute pour cela qu’il s’accroche autant à celui d’un futur qu’il sait pourtant un rêve stupide. Mais malgré tout l’envie d’une famille est là et bien présente. Il se force malgré tout à l’étouffer. C’est une chose de l’aimer en secret, mais une famille ? Qui serait-il pour offrir cette vie-là un enfant ?
C’est à ce moment là que son regard se pose sur la petite fille non loin d’eux. « En parlant de princesse, c’est pas Bonnie ça ? » Il se détache de Mia pour mieux observer l’enfant dans la foule qui se dirige vers eux. Soudain elle semble les remarquer criant « Miaaaa, Aleeeec. » La petite fille qui a passé la soirée avec eux au feu d’artifice se met soudainement à courir, mais ce n’est pas dans les bras de Mia mais bel et bien ceux d’Alec qu’elle se jette. Lui a réagi par instinct, se baissant pour rattraper l’enfant, la soulevant. Elle parait minuscule dans ses bras. « Bah qu’est ce que tu fais là toute seule toi ? » Il fronce les sourcils, se tournant vers Mia d’un air interrogateur.
Andrew avait toujours apprécié l’ambiance si particulière du carnaval. Bien qu’il n’aimait pas particulièrement se déguiser, - il était loin, le temps où il enfilait une fausse moustache et un chapeau de cowboy pour faire rire sa fille - il y avait quelque chose d’euphorique dans ces festivités. Les chars, les couleurs, la musique, le rire des gens. Il fallait être un sacré psychopathe pour ne pas être enthousiasmé par toute l’effervescence qui régnait ici. Cette année, à défaut de pouvoir y emmener sa fille, il avait pris la décision d’y emmener Bonnie. Il savait qu’elle s’y amuserait comme une folle. Si Andrew n’avait pas voulu enfiler un quelconque déguisement, Bonnie avait insisté pour enfiler la robe de princesse que Mia lui avait offerte. Andrew avait fini par céder, et il lui avait avait même promis que s’ils trouvaient un stand de maquillages pour enfants au carnaval, ils iraient y faire un tour.
Et comme prévu, Bonnie était tout simplement intenable. Elle refusait de tenir la main d’Andrew et courrait de stands en stands, émerveillée par tout ce qu’elle voyait. Elle manquait de trébucher entre les jambes des passants, et le vieux McKullan avait du mal à la suivre. « Doucement, Bonnie, tu vas finir par te perdre ! ». La menace flottait dans l’air, mais la petite n’en avait que faire. Elle continuait à courir, les volants pailletés de sa robe virevoltant autour d’elle, au rythme de la musique. Ils réussirent à s’arrêter à un stand qui vendaient des ballons. Andrew serrait fermement la main de la petite dans la sienne. Mais une toute petite minute d’inattention suffit. Quelques instants où Andrew se pencha pour fouiller dans son portefeuille et donner quelques dollars au bénévole qui avait gonflé un joli ballon rose métallique. Il sentit à peine la main de la petite glisser de la sienne. « Bonnie ! ». Pris de panique, Andrew eut à peine le temps de la voir courir, en direction dont ne savait trop où. Le ballon à la main, il se précipita parmi la foule, cherchant une petite princesse aux cheveux dorés entre tous les gens. Son coeur battait la chamade, il observait tout autour de lui. Et puis, en se frayant un chemin, il aperçut sa petite protégée dans les bras d’un homme. Homme qui n’était pas seul, puisque le vieux McKullan put apercevoir sa fille à ses côtés. Un sourire se dessina largement sur ses lèvres, soulagé de voir que Bonnie s’était simplement enfuie pour revenir en terrain connu. Essoufflé, il se faufila parmi tout le monde pour arriver à leur hauteur. « Ma petite, tu vas avoir de sacrés ennuis ! ». Il avait pris sa grosse voix, celle qu’il utilisait jadis avec Mia. Celle qui montrait qu’il n’était pas content, mais qu’il ne lui en voulait pas trop. Ca avait l’air de fonctionner, puisque Bonnie glissa ses petites mains derrière son dos, penaude. Il lui tendit son ballon. « C’est à toi, jeune fille ».
Il se tourna ensuite vers sa fille, retrouvant son sourire. Il était toujours autant ravi de la voir. Elle avait cette sorte d’aura, d’énergie, qui suffisait à emplir le coeur d’Andrew de mille et une vagues de bonheur, malgré tout ce qu’il avait traversé. Il se pencha vers Mia, lui déposant un baiser sur le front. « Hello, princesse. Je suis content de te croiser ici ». L’espace d’un instant, il avait presque oublié la présence de l’homme avec eux. Il avait replongé quelques années en arrière, Mia sur ses épaules, qui riait aux éclats en voyant les chars. Il aurait donné tellement cher pour revivre ces moments. Il se tourna enfin vers le grand gaillard, le jaugeant quelques instants. « Et à qui ai-je l’honneur ? ». Il tendit sa main, par pur réflexe. Il observa également Bonnie, qui semblait déjà connaître cet homme. Andrew fronça le nez. « J’ose espérer que vous n’êtes pas le père de la petite, parce que sinon, on va avoir quelques problèmes à régler, vous et moi… ». Il espérait vraiment que ce n’était pas son père, parce qu’il aurait très probablement eu envie de lui casser la gueule sur le champ. Paradoxal, quand on savait que McKullan avait lui aussi abandonné sa fille quelques années auparavant. Mais s’il pouvait empêcher d’autres de faire les mêmes erreurs que lui, il s’en donnerait à coeur joie.
« Pourquoi tu veux me partager ? ». Je laisse échapper un petit rire, ma tête penchée sur le côté après avoir ressenti ce baiser dans mon cou et son souffle contre ma peau. Ma main vient se glisser en arrière dans ses cheveux, lui caressant doucement ceux-ci « Non, je n’y tiens pas » je réponds sourire aux lèvres, me blottissant un peu plus contre lui. Je lui appartiens tout comme lui m’appartient, l’idée de le perdre, l’idée que notre histoire puisse prendre fin m’effrayant déjà suffisamment sans que je ne songe à le partager avec une autre. Tout comme il m’est inconcevable de m’imaginer dans les bras d’un autre alors que je me sens si bien à ses côtés, que mon amour pour lui est indéfinissable. Il me le montre chaque jour un peu plus de son côté, et je n’ai aucun doute à ce sujet. « Tu me montre quand tu veux tes pas de danse Mia ». Les sous-entendus me font sourire un peu plus, une chaleur soudaine se faisant ressentir dans mon corps alors que je suis toujours blotti contre lui. Le fait que nous sommes en public m’empêche de me retourner pour me jeter dans ses bras, venir lui susurrer que je serai ravie de lui faire une démonstration et venir déposer ce baiser un peu plus fougueux. A la place, je me canalise, venant mordiller ma lèvre inférieure, résistant à cette envie soudaine « Si tu es sage… » je donne en guise de réponse, sourire malicieux au bout des lèvres.
Je raconte à Alec mes souvenirs d’enfance concernant le carnaval. Cette nostalgie d’un temps définitivement révolu, qui pourtant me donne envie de les revivre à travers un futur que j’espère pouvoir avoir à ses côtés. Une rêverie de laquelle je suis vite extirpée par ses paroles « En parlant de princesse, c’est pas Bonnie ça ? ». Mon regard suit le sien et c’est en effet, une petite blondinette aux cheveux dorés que je reconnais non loin de là. Elle a cette petite robe de princesse justement, celle à laquelle je songeais en contant mon souvenir quelques secondes auparavant, celle que je lui avais précieusement offerte « Miaaaa, Aleeeec ». Je la vois se précipiter en courant les bras d’Alec, alors que je cherche mon père du regard, pensant qu’elle devait très certainement se trouver là parce qu’elle était avec lui. Ma main vient se poser sur le bras d’Alec alors qu’il a la petite fille dans ses bras « Bah qu’est-ce que tu fais là toute seule toi ? ». « Je pense qu’elle a dû échapper à la vigilance de mon père, il ne doit pas être très loin… ». Une réponse à double sens, annonçant à Alec qu’il n’est pas improbable qu’il fasse la rencontre de mon père dans une poignée de secondes.
Et en effet, celui-ci était entrain de se diriger d’un pas décidé vers nous, ce qui me soulage même si une certaine appréhension se manifeste en moi. La rencontre entre mon père et Alec n’était pas prévu au programme. Pas de sitôt en tout cas. « Ma petite, tu vas avoir de sacrés ennuis ! ». Cette voix qu’il emprunte me fait sourire, cette voix qu’il a si souvent eu à mon égard lorsque je faisais une bêtise. En tout cas, elle semble toujours marcher quand l’air de Bonnie change sous les remontrances de mon père. Il lui tend ce petit ballon rose qu’elle attrape avec un certain sourire aux lèvres retrouvé.
« Hello princesse. Je suis content de te croiser ici ». Je souris, fermant les yeux quelques instants alors que mon père vient déposer un baiser sur mon front et que mon bras vient l’étreindre doucement. « Bonjour papa. Je pense que tu peux remercier Bonnie… indirectement ». Je grimace, me rendant compte que mon père n’allait sûrement pas apprécier ce trait d’humour quand je l’incitais à ne pas trop en vouloir à Bonnie de lui avoir échappé. « Et à qui ai-je l’honneur ? ». Il reporte son attention sur Alec, tendant la main et mon cœur commence à tambouriner dans ma poitrine, telle une adolescente présentant son premier copain à son père. Ce dernier ne lui laisse d’ailleurs pas le temps de répondre « J’ose espérer que vous n’êtes pas le père de la petite, parce que sinon on va avoir quelques problèmes à régler, vous et moi… ». Sa réaction m’oblige à réagir immédiatement, non sans sourire « Non papa. Je te présente Alec… » Et il y a ce petit moment de silence, échangeant un regard avec lui « c’est mon petit-ami ». Je dois avouer appréhender la réaction de mon père face à cette nouvelle, ne lui en ayant pas toucher un mot jusqu’alors. « Alec, je te présente mon père… Mais je pense que ça tu l’avais compris ». Il y a un sourire amusé qui s’affiche malgré tout sur mon visage, peut-être un peu crispé aussi face à la situation. « Et rassure-toi Bonnie ne se jette pas dans les bras de n’importe qui, elle a déjà rencontré Alec. Le soir du feu d’artifice ». Les souvenirs de cette soirée auraient pu être meilleurs, quand avec mon père il n’y avait eu que de la rancœur balancée en pleine figure et quand, avec Alec, il y avait eu une désillusion parfaite de ce qu’il ne pensait jamais pouvoir avoir avec moi…
« Non j’y tiens pas. » La remarque lui arrache en sourire, alors qu’il joue avec une mèche de ses cheveux blonds. « Tant mieux. » souffle-t-il dans le creux de son oreille. « Si tu es sage… » Son rire raisonne, sincère, sans inquiétude aucune comme si elle arrivait à l’amener dans un autre monde.
Leur rêverie est interrompue lorsqu’Alec pose son regard sur une petite tête blonde qu’il reconnait rapidement pour être la petite fille qui avait accompagné Mia au feu d’artifice. Bonnie. Il attrape l’enfant par réflexe, la soulevant dans ses bras.
« Je pense qu’elle a dû échapper à la vigilance de mon père, il ne doit pas être très loin… ». Il fronce les sourcils en la regardant, réalisant à ses mots qu’il est très probable qu’il rencontre son père d’ici peu de temps. Son père. Lui qui n’a plus jamais rencontré le père de qui que ce soit depuis le Nouveau Mexique. Le regard de l’américain scanne la foule à la recherche du père en question et lorsqu’un homme assez grand, barbu s’approche d’eux, il comprend que c’est le père en question. Ses muscles se sont tendus imperceptiblement. C’est une chose d’accepter d’être avec Mia malgré les risques. Une autre de rencontrer son père. « Ma petite, tu vas avoir de sacrés ennuis ! » Dire qu’il n’est pas habitué à ce ton, celui d’un père qui fait clairement semblant d’être en colère alors que son regard brille de douceur, est l’euphémisme de l’année. Il eut même presque le réflexe de serrer un petit peu plus l’enfant contre lui comme une habitude forgée par des années d’abus. Heureusement il remarque rapidement le sourire de Mia, la douceur dans les yeux du père de cette dernière.
« Hello princesse. Je suis content de te croiser ici » Le père embrasse le front de sa fille et à nouveau Alec semble soudain se rappeler ce qu’est censé être un père. « Princesse ? » il commente avec un sourire moqueur en direction de Mia. Le surnom ne l’étonnait absolument pas. « Bonjour papa. Je pense que tu peux remercier Bonnie… indirectement » Bonnie qui était responsable à cette rencontre à laquelle il n’était absolument pas prêt.
Enfin l’attention de l’homme semble se tourner vers Alec lui tendance la main. « Et à qui ai-je l’honneur ? » S’il hésite une demie seconde, il retrouve bien vite contenance, remettant en place un masque d’habitudes sur son visage. Celui du chef de restaurant, celui d’un homme sympathique et honnête, celui d’un homme plein de charme. Mais il n’a pas le temps de répondre, que déjà l’homme à enchaîner. « J’ose espérer que vous n’êtes pas le père de la petite, parce que sinon on va avoir quelques problèmes à régler, vous et moi… ». Alec manque de s’étouffer, regardant l’homme sans comprendre. « Le père de la petite ? Ah non ça, ça m’étonnerait. » Il n’avait jamais eu d’enfants et ne les aurait jamais abandonnés.
« Non papa. Je te présente Alec… » Il en profite pour serrer la main de l’homme avec un sourire. « Enchanté. » Enchanté il ne l’était pas vraiment, mal à l’aise bien plus en réalité. « c’est mon petit-ami ». Encore une phrase à laquelle il n’est pas habitué et il doit se faire violence pour ne pas réagir. Cela faisait combien de temps qu’il n’avait pas été le petit ami de quelqu’un ? « Alec, je te présente mon père… Mais je pense que ça tu l’avais compris » « Andrew c’est ça ? J’ai beaucoup entendu parlé de vous » Peut-être n’était-ce pas la meilleure manière de commencer cette conversation. « Et rassure-toi Bonnie ne se jette pas dans les bras de n’importe qui, elle a déjà rencontré Alec. Le soir du feu d’artifice » Ces mots lui font réaliser qu’il tient toujours l’enfant dans ses bras. « Euh, vous voulez la prendre ? » dit-il en tendant l’enfant vers l’homme, qui soudainement se met à se débattre, têtue bien décidée à rester dans ses bras. « Noooon Alec ! » Et mince. Cette rencontre n’allait décidément pas comme prévue. Tout simplement parce que cette rencontre n’aurait jamais dû avoir lieu. « C’est une des petites dont vous vous occupez ? »
L’espace de quelques instants, Andrew avait eu l’impression d’être suspendu hors du temps. Une fois la panique passée après avoir vu Bonnie disparaître parmi la foule, il avait retrouvé cette forme d’apaisement dès qu’il s’était retrouvé proche de sa fille. C’était très cliché, mais dès qu’il était avec elle, il avait l’impression que chaque seconde durait des heures, avec toutefois l’impression paradoxale qu’il ne passait jamais suffisamment de temps avec elle. Elle avait ce don si particulier d’apaiser son esprit et d’étreindre son cœur d’une façon si particulière. Mais aujourd’hui, cette sensation allait quelque peu basculer. Pas un seul instant il ne s’était imaginé qui pouvait être l’homme qui se tenait à ses côtés. Bêtement, il s’interrogea sur son lien avec Bonnie. L’homme rétorqua immédiatement que cela l’étonnerait qu’il soit son père. Bon, déjà, c’était une bonne chose. Il aurait eu du mal à avoir cette ordure en face de lui - cette ordure qui, soit dit en passant, lui ressemblait un peu trop sur les bords. Et Mia surenchérit. « Non papa. Je te présente Alec… » Un instant de silence, là encore. « C’est mon petit-ami ». Les mots flottèrent quelques instants dans les airs. Suspendus aux lèvres de Mia, peinant à arriver au cerveau du vieux McKullan. Il répéta, quelque peu incrédule. “Ton petit ami ?”. Andrew déglutit péniblement. Il oubliait que sa fille n’avait plus dix ans. Il oubliait qu’elle avait sûrement eu plusieurs relations avant ce Alec. Qu’elle avait sûrement eu des amourettes de lycée, des relations plus longues. Il n’avait juste pas l’habitude, parce qu’il n’avait pas été là pour être habitué. Son coeur se serra quelque peu, il observa tour à tour Mia et Alec. “Et bien, ma princesse n’est plus une si petite princesse que ça, il faut croire !”. Il sourit. Il n’avait pas l’intention de faire le gros dur avec Alec. Il l’aurait fait si Mia avait douze, quinze ans. Mais elle était grande maintenant, et Andrew devrait probablement arrêter de protéger ses plates-bandes. Mia présenta Andrew à son petit-ami. « Andrew c’est ça ? J’ai beaucoup entendu parlé de vous ». Andrew serra les dents, se demandant l’espace d’un instant ce qu’elle avait bien pu raconter sur lui. Mia précisa que Bonnie le connaissait déjà puisqu’elle l’avait rencontré au feu d’artifice. Et visiblement, le courant passait plutôt bien, puisque Bonnie refusa de quitter les bras d’Alec quand il proposa à Andrew de la récupérer. Le vieux McKullan ne put s’empêcher de rire. “Je suis content de voir qu’elle s’est entichée de quelqu’un d’autre que moi, je pourrais peut-être vous la refiler en pension, j’aurais quelques week-end tranquilles à moi, comme ça !”. Mia comprendrait ce qu’il voulait dire, il n’était pas si sûr pour Alec. « C’est une des petites dont vous vous occupez ? ». Andrew hocha vivement la tête. Il était toujours ravi de pouvoir parler de ce qu’il faisait. “Tout à fait, je l’ai prise sous mon aile dès que je suis revenue à Brisbane, en septembre. Elle est incroyablement douée, un peu pot de colle, aussi. Mais elle n’a pas une vie facile”. Il évita de parler de la mère de Bonnie devant elle. Il n’aimait pas trop évoquer ce sujet là. Il y avait une raison pour laquelle la petite passait plus de temps chez lui qu’au centre, et plus de temps au centre que chez sa mère. Il n’était pas certain que ressasser tout ça fasse du bien à la petite. “Je vais bientôt devoir installer une salle de jeu chez moi, si elle continue à y passer autant de temps !”. Il allait bientôt devoir décorer la chambre et investir dans un coffre à jouets, si ça continuait. Même ses collègues avaient commencé à dire qu’ils se cotiseraient pour qu’il puisse acheter une balançoire à installer dans son jardin pour la petite. Mais tout ça n’était pas très professionnel, il le savait. Il releva la tête vers Alec, lui retournant la question. “Et vous, Alec, que faites-vous dans la vie ?”. Il le vouvoyait, marquant volontairement une distance entre eux pour le moment. Même si Mia était grande, il avait envie de sonder le personnage. Il n’allait pas y aller des phrases typiques des films américains du style “Attention, si vous faites du mal à ma fille, vous aurez affaire à moi”, mais il n’en pensait pas moins. Il devait toutefois avouer que ce Alec avait l’air d’une montagne de muscles ambulante, et il n’avait que peu envie de se frotter à lui. Sa fille semblait avoir bon goût. Comme son père.
La rencontre entre mon père et Alec n’était pas une chose que j’avais prévu de si tôt. Surtout quand cela ne faisait qu’un mois que nous étions ensemble. Et puis, il faut dire que la situation particulière qu’était celle d’Alec n’aidait pas pour le moment à envisager une quelconque présentation avec mes proches. Il y avait aussi peut-être une part d’égoïsme, celui de vivre notre relation pour nous et pas aux yeux de tous. Un mélange de toutes ses raisons explique que cette rencontre puisse nous mettre mal à l’aise Alec et moi. Je le sens, ma main posée sur son bras quand j’annonce que mon père est en approche qu’il y a une certaine tension qui se manifeste chez Alec.
« Princesse ? ». Mon père use de surnom qui a toujours été mien et Alec ne peut s’empêcher de s’en moquer. C’est ce qui lui vaudra aussi ce subtil coup de coude dans les côtes sans que je ne quitte pourtant mon père du regard et que je lui signifie que Bonnie pourrait être remercié du fait de nous avoir permis de nous croiser. En vrai, même si je suis contente de voir mon père, il y a une certaine peur qui se manifeste. Celle semblable à une gamine qui présente son petit-ami à son père et qui craint les questions qu’il va bien pouvoir lui poser ou encore qu’il lui mette la honte devant lui. Et c’est vraisemblablement ce qui m’attend…
Mon père cherche à savoir qui est Alec et commence même à émettre l’idée qu’il puisse être le père de Bonnie « Le père de la petite ? Ah non ça m’étonnerait ». Je me précipite alors à prendre la parole pour rectifier le tir et avouer finalement à mon père l’identité de l’homme qui se tenait à mes côtés. « Enchanté ». Mon père ne réagit pas réellement, semblant quelque peu décontenancé surtout quand j’indique qu’Alec n’est autre que mon petit-ami. « Ton petit-ami ? ». Je grimace, ayant encore plus l’impression de retomber en enfance. Mais il y a aussi ce petit pincement au cœur qui me fait me rappeler que mon père n’a pas été là pour que je lui présente mon premier petit-ami, comme les suivants. Alors, sa réaction est compréhensive mais, en même temps, il ne peut que se blâmer lui-même de ne pas avoir connu ça… Et de la découvrir seulement maintenant alors que j’ai trente ans… « Et bien, ma princesse n’est plus une si petite princesse que ça, il faut croire ! ». Mes yeux s’écarquillent alors qu’il prononce ces mots, le moment où j’ai juste envie de m’enterrer six pieds sous terre, telle une ado dont le père lui fou la honte de sa vie devant son mec. C’est surtout un regard en coin que je jette à Alec, car je sais qu’il risque de se moquer de la remarque qui vient d’être faite. Pourtant, j’affiche un sourire alors en me raclant la gorge pour reprendre les présentations « Andrew c’est ça ? J’ai beaucoup entendu parler de vous ». Et voilà qu’Alec aussi en rajoute une couche. Le coup de coude me démange alors, parce que je me doute que mon père va se douter que les histoires qu’a pu entendre Alec à son sujet ne sont pas les plus glorieuses. Je me mords la langue et retiens mon bras du mieux que je peux pour pas réagir.
Alec propose à mon père de récupérer Bonnie, mais celle-ci s’approche. Un regard attendrit s’affiche sur mon visage alors que j’observe Bonnie se blottir un peu plus dans les bras d’Alec et que cette image me donne du baume au cœur. Ma main vient alors caresser la joue de Bonnie, alors que mon autre main vient se placer dans le dos d’Alec, que je frictionne doucement. « Je suis content de voir qu’elle s’est entichée de quelqu’un d’autre que moi, je pourrais peut-être vous la refiler en pension, j’aurais quelques week-ends tranquilles à moi, comme ça ! ». A ça, je pouffe un peu et réponds immédiatement « Ou c’est elle qui en aurait bien besoin ». Je fais un sourire narquois à mon père, essayant peut-être aussi de détendre un peu l’atmosphère. L’humour, cette arme qu’il est plus facile d’utiliser quand la situation devient un peu délicate… Alec demande alors si Bonnie est une petite dont il s’occupe, ce à quoi mon père lui répond en lui expliquant la situation « Tout à fait, je l’ai prise sous mon aile dès que je suis revenue à Brisbane, en septembre. Elle est incroyablement douée, un peu pot de colle, aussi. Mais elle n’a pas une vie facile. Je vais bientôt devoir installer une salle de jeu chez moi, si elle continue à y passer autant de temps ! ». « C’est qu’elle se sent en sécurité et bien avec toi », je réponds alors avec un sourire sincère. Mon regard se porte à nouveau sur Bonnie, vêtue de sa petite robe de princesse, alors que j’attrape sa petite main libre de sa baguette magique « Et en plus, j’ai encore pleins d’autres petites robes de princesse à te prêter ». Bonnie me souris « princesse ? ». J’acquiesce alors doucement d’un signe de tête alors que je lui lâche la main.
« Et vous, Alec, que faites-vous dans la vie ? ». Je me crispe à ce moment même que la question est posée par mon père. Voilà une des raisons qui faisait qu’envisager qu’Alec rencontre mes proches était compliqué. Parce que la réponse à cette question était bien trop délicate. Alors, mon regard trouve celui d’Alec, il peut y voir de l’inquiétude mais aussi une sorte de culpabilité qu’il se retrouve dans l’embarras face à cette question.
Rencontrer le père de Mia n’était pas quelque chose qui faisait partie de ses plans. Il n’avait même jamais imaginé la possibilité tout simplement parce qu’il n’était pas quelqu’un qu’on présentait à sa famille et qu’il n’avait pas eu de relations sérieuses depuis des années. Cette rencontre avait de quoi le mettre mal à l’aise. Car c’était une chose de montrer un visage charmant du chef cuisinier à la vie simple devant des personnes qui n’avaient aucune idée de ses réelles occupations, ca en était une autre de jouer sur les apparences à côté de quelqu’un qui connaissait qui se cachait derrière le masque. « Ton petit ami ? » Le père de Mia semble incrédule, et la nouvelle n’a pas l’air de lui faire plaisir. “Et bien, ma princesse n’est plus une si petite princesse que ça, il faut croire !” Le sourire d’Andrew enlève un peu de la tension des épaules d’Alec, au moins le père n’avait pas l’air d’avoir l’intention de l’écraser pour montrer qui était le patron. Il ne peut s’empêcher de rire en voyant l’air déconfit de Mia qui donne l’impression d’avoir envie de disparaître.
Bonnie refuse toujours de quitter ses bras et vient se blottir un peu plus dans son cou au grand désarroi de l’américain qui ne sait plus quoi faire pour rendre l’enfant au père de Mia. Cette dernière a un regard attendri et il ne peut s’empêcher à nouveau pendant une demie seconde d’imaginer ce futur avec elle. « Je suis content de voir qu’elle s’est entichée de quelqu’un d’autre que moi, je pourrais peut-être vous la refiler en pension, j’aurais quelques week-ends tranquilles à moi, comme ça ! » Il n’ose pas dire qu’il serait incapable de s’occuper d’un enfant mais cela doit se lire à la panique dans ses yeux rien qu’à l’idée. « Ou c’est elle qui en aurait bien besoin » Alec ne peut s’empêcher de rire, jetant un regard à la petite. « Ca va elle a l’air plutôt cool comme gamine, ou alors t’es une terreur à la maison Bonnie. » La petite sourit en faisant non de la tête, son regard malicieux lui arrachant un nouveau rire. « Tout à fait, je l’ai prise sous mon aile dès que je suis revenue à Brisbane, en septembre. Elle est incroyablement douée, un peu pot de colle, aussi. Mais elle n’a pas une vie facile. Je vais bientôt devoir installer une salle de jeu chez moi, si elle continue à y passer autant de temps ! ». « C’est qu’elle se sent en sécurité et bien avec toi. Et en plus, j’ai encore pleins d’autres petites robes de princesse à te prêter. »
« Et vous, Alec, que faites-vous dans la vie ? » Si tension il y a, elle n’apparait absolument pas sur son visage qui reste calme, un sourire de façade apparaissant. Une façade qu’il a construite depuis quinze ans et dont il maîtrise chaque pan présenté au reste du monde. « Je tiens un restaurant, je suis chef cuisinier. » Est-il vraiment cuisinier quand en ce moment son restaurant est sous scellé et qu’il passe le plus clair de son temps à gérer toute la partie illégale de sa vie ? Il lance un regard à Mia avant de préciser : « Je vais changer bientôt, je vais gérer le restaurant du nouveau casino de Fortitude Valley, l’Octopus, peut être que vous en avez entendu parler ? » Le casino commençait tout doucement à faire sa publicité d’ici son ouverture dans quelques semaines. Une apparence tout à fait légale, un restaurant prestigieux, une façade. « Et vous, ça fait longtemps que vous bossez dans le social ? » Tout pour éviter un blanc, un moment de silence qui le pousserait à se demander qu’est ce qu’il foutait là à parler au père de sa petite amie quand il était tout sauf le petit ami idéal et encore moins le gendre rêvé une fois qu’on ouvrait la boite de pandore.
Pendant toutes ces années passées à l’étranger, Andrew n’avait pas cessé une seule seconde de penser à sa fille. Elle envahissait ses pensées, guidait chacune de ses actions. Quand il ne savait pas quoi faire, il se demandait souvent ce que sa fille aurait fait. Ou ce qu’elle aurait pensé de lui. Leurs contacts avaient été plutôt sporadiques. L’un craignant la réaction de sa fille, ne l’appelant que quand cela était nécessaire. Il avait trop de fois fait sonner le téléphone jusqu’au répondeur, trop de fois il avait surchargé la messagerie. De l’autre, elle n’avait probablement jamais eu envie de l’appeler. Par crainte de se rendre compte qu’il lui manquait beaucoup trop. Ou qu’il avait changé. Pendant tout ce temps, Andrew n’avait pu qu’imaginer ce que sa fille était devenue. Il avait souvent imaginé qu’elle s’était mariée et qu’elle ne lui avait rien dit. Alors, de la voir ici avec cet homme, c’était un grand pas pour le vieux McKullan. Il avait à la fois l’impression d’avoir loupé énormément de choses dans la vie de sa fille, mais en même temps d’être arrivé au bon moment. Au bout moment pour être témoin de toutes les belles choses qui allaient lui arriver.
« Ou c’est elle qui en aurait bien besoin ». Andrew releva la tête vers sa fille, amusé par les propos de sa fille. “Tu crois qu’elle ne supporte plus les petits plats cuisinés que je lui fais ? Ou alors c’est Peppa Pig en boucle à la télé qui commence à devenir longuet ?”. Andrew devait sérieusement penser à refaire sa collection de dessins animés pour enfants, mais il n’y connaissait absolument rien, ce temps étant révolu depuis longtemps dans sa vie. Il demanderait de l’aide en temps voulu. Andrew prit alors le temps d’expliquer à Alec toutes les péripéties avec Bonnie. Il n’aurait jamais vraiment su comment l’expliquer. Peut-être que son attachement à la petite n’était qu’un simple moyen de racheter toutes les années qu’il avait perdu avec sa propre fille. « C’est qu’elle se sent en sécurité et bien avec toi ». Andrew hocha la tête. Il espérait sincèrement que c’était le cas. Il avait toujours cette boule au ventre qui lui faisait craindre le contraire. Une sorte d’angoisse que Bonnie ne comprenne pas ce qu’il faisait avec elle et qu’elle finisse par tourner les talons. Ou qu’une nouvelle fois, ce soit lui qui merde. Il préférait se concentrer sur les moments présents, essayant de faire taire cette angoisse sourde qui le prenait parfois aux tripes. « Et en plus, j’ai encore pleins d’autres petites robes de princesse à te prêter ». Andrew s’empressa de secouer la tête dans un mouvement de mécontentement. “Par pitié, pas d’autres robes de princesse...J’ai déjà pas assez de place pour ranger toute sa garde-robe, si en plus tu en rajoutes !”. Un coffre à déguisement, voilà ce qu’il faudrait qu’il achète, un de ces jours.
Assez parlé de lui ou de Bonnie. L’homme du moment, c’était ce fameux Alec. Andrew ne voulait pas paraître trop pressant, au risque de les embarrasser tous les deux, mais il avait tout de même bien envie de savoir s’il était digne de confiance. Et si Andrew pouvait dormir sur ses deux oreilles, sans craindre de devoir se lever au milieu de la nuit pour aller récupérer sa fille dans un sale état. Il se faisait sûrement des films, mais il n’avait confiance en personne quand il s’agissait de Mia. Qu’il touche à un seul poil de ses sourcils. « Je tiens un restaurant, je suis chef cuisinier. Je vais changer bientôt, je vais gérer le restaurant du nouveau casino de Fortitude Valley, l’Octopus, peut être que vous en avez entendu parler ? ». Andrew réfléchit quelques instants. Un cuisinier. C’était plutôt positif. Ca ne faisait pas de mal à une mouche, un cuisinier, si ? Si on oubliait le fait qu’il avait probablement 45 couteaux différents dans sa cuisine...Andrew releva la tête vers lui, un sourire se dessinant sur ses lèvres. “Ca ne me dit rien, mais vous savez, je commence à me faire vieux et ça fait un moment que je n’avais pas mis les pieds ici...Tous ces nouveaux lieux de restauration pour les jeunes…”. Il était quasiment certain que pouvait manger des brunchs dans des bars maintenant, ce qui n’avait aucun sens pour lui. “Vous êtes plutôt cuisine du terroir ? Cuisine française ? Asiatique ?”. Il posait trop de questions, il le savait, mais il était sincèrement intéressé.
« Et vous, ça fait longtemps que vous bossez dans le social ? ». Andrew baissa quelques instants les yeux, perdant son regard dans les bouclettes de Bonnie. Il adorait son métier actuel, mais c’était toujours un peu douloureux d’en parler. Parce qu’il avait sacrifié beaucoup pour en arriver là. Il releva les yeux vers Alec. “Disons que ce n’était pas mon premier métier de coeur. J’ai un peu commencé quand j’étais aux Etats-Unis, avant de prendre la direction du centre ici”. Au fond, il avait toujours été un peu dans le social. Rassurer les parents qui venaient soigner leurs enfants. Rassurer les enfants qui venaient se faire soigner. Tapoter dans le dos des grands-parents qui attendaient dans le couloir. Il avait toujours fait ça. Il reporta quelques instants son attention sur Alec. “Vous pourriez passer au centre, un jour. Les enfants ont besoin de voir que le monde est rempli d’opportunités. Si vous pouviez donner le goût de la cuisine à quelques-uns…". Il était certain que ça plairait à certains d’entre eux. Sans compter Bonnie qui prendrait un malin plaisir à tremper ses doigts dans la pâte à gâteau.
« Tu crois qu’elle ne supporte plus les petits plats cuisinés que je lui fais ? Ou alors c’est Peppa Pig en boucle à la télé qui commence à devenir longuet ? ». Je ne peux m’empêcher de m’amuser aussi de sa réponse sans ajouter un « On va dire ça… » qui veut en dire long, lançant cependant un clin d’œil complice à mon père. Bonnie est toujours dans les bras d’Alec et je viens à lui adresser la parole pour lui dire que je compte bien lui prêter pleins d’autres petites robes de princesse « Par pitié, pas d’autres robes de princesse… J’ai déjà pas assez de place pour ranger toute sa garde-robe, si en plus, tu en rajoutes ! ». Je fusille mon père du regard, reportant immédiatement celui-ci sur la petite fille « Ne l’écoute pas, on fera de la place dans son dressing à lui, pour toi » fais-je alors en lui caressant doucement sa joue alors qu’elle penche sa tête sur le côté en riant.
La discussion sur Bonnie s’écourte rapidement et toute l’attention est reportée sur Alec. Voilà que mon père vient à l’interroger sur sa vie professionnelle, ce qui me met tout de suite mal à l’aise, mon regard venant se poser sur Alec « Je tiens un restaurant, je suis chef cuisinier ». Il est impassible, il ne laisse rien transparaitre quand pourtant, il y a une part de mensonge dans sa réponse, et qu’il manque surtout beaucoup de vérité. « Je vais changer bientôt, je vais gérer le restaurant du nouveau casino de Fortitude Valley, l’Octopus, peut être que vous en avez entendu parler ? ». « Ca ne me dit rien, mais vous savez, je commence à me faire vieux et ça fait un moment que je n’avais pas mis les pieds ici… Tous ces nouveaux lieux de restauration pour les jeunes… ». Mon regard se reporte sur mon père et mes yeux se lèvent au ciel. « Vous êtes plutôt cuisine du terroir ? Cuisine française ? Asiatique ? ». Et le voilà qu’il s’éternise à en savoir plus, et cette fois, je me permets d’intervenir « Il fait d’excellents lasagnes ». Et je me dis que j’aurai peut-être dû me taire car il n’est pas impossible que mon père émette l’idée qu’il puisse un jour y goûter, quitte à être l’hôte et qu’Alec passe derrière les fourneaux. J’échange un bref regard en coin avec Alec, grimaçant comme pour m’excuser d’avance si jamais la proposition venait à sortir. Parce que je sais que cette rencontre, malgré les apparences qu’il sait parfaitement maintenir intacte, le met mal à l’aise. Alors, un diner avec mon père serait sûrement le pompon.
Alec à son tour pose les questions pour en apprendre davantage sur mon père. « Et vous, ça fait longtemps que vous bossez dans le social ? ». Je remarque que mon père baisse le regard à la question d’Alec. Je sais aussi que cette question ravive sûrement chez lui de vieilles blessures, comme elles ravivent les miennes. « Disons que ce n’était pas mon premier métier de cœur. J’ai un peu commencé quand j’étais aux Etats-Unis avant de prendre la direction du centre ici ». J’apprends moi-même cette information, ignorant au final beaucoup de choses sur la vie que mon père a pu mener pendant ces quinze années d’absence. Je fais abstraction cela dit de ce détail alors que Bonnie commence à s’agiter dans les bras d’Alec, finissant par en descendre « Vous pourriez passer au centre, un jour. Les enfants ont besoin de voir que le monde est rempli d’opportunités. Si vous pouviez donner le goût de la cuisine à quelques-uns… ». « Avec plaisir ». J’ai envie de lui demander vraiment ? mais je me retiens devant mon père. Je feins de regarder l’heure alors qu’il n’y a rien qui presse et que nous avons encore toute l’après midi devant nous. Mais je sens qu’il est temps que cette rencontre touche à sa fin alors je dis à m’adressant à mon père « On doit y aller papa. Je manquerai pas de t’appeler dans les prochains jours ». Je m’approche alors et vient déposer un baiser sur sa joue puis vient à me baisser pour étreindre Bonnie qui noue ses petits bras autour de mon cou « A bientôt petite poupée ». Je lui remets sa petite couronne correctement sur sa tête, me relevant ensuite avec le sourire aux lèvres. Alec dit au revoir également à mon père et Bonnie, ma main venant ensuite trouver la sienne pour tourner les talons sur cette rencontre impromptue.