| | | (#)Mar 30 Mar 2021 - 6:23 | |
| À 22 ans, je rencontre Leslie Cohen. À ce moment-là, je me pense libre comme l’air. Je vois plusieurs femmes, je découvre chez l’une, ce que je ne connais pas chez l’autre. J’expérimente avec les gens : j’apprends. J’ai l’impression que ma vie commence tout juste à se dessiner hors du tableau Craine. Leslie a 38 ans, elle est professeure d’anthropologie. Elle a fait ses études loin de chez elle. C’est une dame qui a le gout des grandeurs. Mes amies ne savent rien d’elle, Rory sait seulement que quelqu’un existe. J’ai aperçu Leslie plusieurs fois à la faculté avant d’oser l’approcher. Je la connaissais de nom et j’avais déjà assisté à une de ses conférences pour le plaisir. Nous ne sommes pas dans le même département, elle n’aurait jamais pu soupçonner mon existence. À Noël, l’institution avait organisé une soirée-bénéfice pour les investisseurs. Je m’étais présentée à la place de mes parents. Ils ne savent que signer des chèques et voulaient faire mon bonheur en investissant dans mon avenir. Elle, elle était assise avec d’autres membres du corps professoral. Elle parlait en faisant des gestes avec ses mains. J’ai tout de suite été touché par sa fraicheur, son aire décomplexée et la force qu’elle dégageait. Leslie n’avait rien d’une lesbienne, ni les codes vestimentaires, ni le discours performatif, ni un langage militant actif. Elle était simplement là, à briller sous les feux des projecteurs, mine de rien. Elle était comme une marre qui attend le courant d’air qui la fera s’agiter. J’ai bu mon verre tranquillement, feignant un intérêt pour l’animateur de foule. J’ai patienté qu’elle passe devant moi en allant se rafraichir. Lorsqu’elle est arrivée à mon niveau, j’ai frôlé sa main du bout des doigts, rien d’agressif, un bref salue. « I really like your style » que je lui ai dit.
*** Me voici trois mois plus tard, stationnée quelques maisons plus loin sur sa rue. Je laisse s’écouler les minutes doucement. Leslie a un mode de vie qui me fait oublier son âge. Elle aime apprendre et ses yeux s’illuminent lorsqu’elle s’intéresse à de nouveaux sujets. Son doctorat a occupé la première partie de son existence, c’est comme si la désinvolture de la jeunesse avait patienté, agréablement mue par la sagesse des années. Au début de l’âge adulte, elle quitte sa ville natale pour faire ses études, laissant derrière elle sa fratrie. Je dis laissant derrière elle, mais Leslie n’a rien laissé. J’ai appris que partir ne signifie pas nécessairement abandonner chez elle. Elle a fait ce que je n’ose pas faire : quitter le domicile sans s’en vouloir. Elle a fondé sa propre famille et construit son nid selon ses propres moyens. Leslie est une femme en contrôle. Elle vise un but, elle travaille et elle obtient. J’ouvre la portière et attrape mon sac en toile. Je marche les quelques mètres qui me séparent de sa résidence. Je me stationne toujours plus loin, pour éviter que des gens remarquent cette nouvelle voiture qui apparait hebdomadairement dans son parking. Je gravis l’allée devant chez elle et m’arrête sur le porche. D’une main, je lui envoie un texto. Je suis là. Pas un mot de plus, pas de gentillesses languissantes. Elle m’a demandé de ne pas sonner, pour ne pas déranger sa fille. Je renifle et tourne la tête en direction de la route. Les maisons sont bien cordées, c’est un quartier idéal pour une famille. Je mets la main devant ma bouche et souffle un bon coup. Je fais la moue, horrifiée par mon propre halène. Une pastille à la menthe se glisse entre mes lippes. Du mouvement se fait dans la demeure et la lumière du vestibule s’allume. Leslie m’ouvre la porte, arborant des habits d’intérieurs, comme ceux qu’on porte le dimanche après-midi. « Heyyyyyy, bonsoir. Comment tu vas ? » Je murmure plus bas que nécessaire, attendant sa permission de parler normalement à chaque rencontre. Je recule les épaules vers l’arrière pour faire glisser mon manteau sur mes bras. « Elle dort ? » Je n’ose pas prononcer son nom. Leslie tient à garder les différentes sphères de sa vie séparées, ce que je respecte. J’ai peur de rendre Abby tangible en la nommant. Si je ne désigne pas proprement sa fille, elle ne reste qu’un concept flou et ne devient pas matérielle. Ma main longe le mur pour trouver le crochet à vêtement d’extérieur. Je tends l’autre bras vers ma compagne pour lui donner mon sac. « Je suis arrêté au vendeur de sandwichs que tu affectionnes. J’ai pris ton préféré et une bouteille de vin. Je me doutais que tu n’avais pas mangé. » Comme un vampire, je fige devant la porte. J’attends toujours son signal avant d’entrer. |
| | | | (#)Mar 30 Mar 2021 - 18:13 | |
| Abby a eu le temps de s'endormir dans l'auto sur le chemin en direction de la maison. C'est qu'elle pèse une tonne la gamine alors que ton seul objectif est de ne pas la laisser tomber en plein milieu du palier d'escalier. Bientôt, tu ne seras plus capable de la trimballer endormie d'une place à l'autre sans la réveiller. C'est sûrement dans ces moments là qu'ils sont pratiques, les pères. À peine la porte de sa chambre fermée dans une douceur infinie, tu sens ton portable vibrer dans la poche arrière de ton jeans. C'est le prénom de Wendy qui s'affiche à l'écran. Je suis là. Comment ça, elle est là ? Quoi? Quel jour on est ? Tu as vraiment oublié, sérieux ? Tout dans cette maison est pathétique. Des jouets qui recouvrent la totalité du plancher jusqu'à tes fringues. C'est que vous en êtes encore à l'étape de vouloir plaire à l'autre, de pas trop laisser paraître les mauvais côtés encore. C'est un peu trop tard pour rattraper le coup. Tant pis.
Tu redescends les marches une à une jusqu'à l'entrée en rapidité, mais tout en faisant craquer le moins de marche possible. Et quand tu ouvres la porte, bien sûr qu'elle est là. Elle est là et elle est belle. Comme toujours. « Heyyyyyy, bonsoir. Comment tu vas ? » Elle parle tout bas. Tu l'apprécie sa discrétion pour ne pas déranger ta fille qui dort à l'étage, mais le truc est qu'elle dort comme une bûche Abby lorsqu'elle tombe dans les bras de Morphée. Donc, ça va. Personne ne va se mettre à crier de toute façon. Du moins, pas encore. « Un peu crevé, mais ça va, et toi ? » La journée a été longue et bien remplie, ce qui explique ton arrivée tardive à la maison, ce qui explique aussi que tu en as tellement plein la tête que tu l'as oublié, elle.
« Elle dort ? » Tu lui fais signe de la tête que oui, juste avant de lui faire signe d'entrée. Vous n'allez quand même pas rester planter dans l'entrée toute la journée. Tu refermes la porte derrière Wendy qui te tend le sac qu'elle tient dans ses mains. « Je suis arrêté au vendeur de sandwichs que tu affectionnes. J’ai pris ton préféré et une bouteille de vin. Je me doutais que tu n’avais pas mangé. » Et elle a vu juste. Tu ignorais complètement que tu étais affamé jusqu'à ce que l'odeur de nourriture te monte aux narines.« Merci, t'es parfaite. » Elle tombe à pic, elle et son sac de bouffe et la bouteille de vin qui est toujours la bienvenue. « Désolé pour le bazar. J'viens juste d'arriver. » que tu te confonds déjà en excuse en laissant croire que d'habitude c'est bien moins pire. Menteuse. C'est vers la cuisine que tu te diriges d'abord pour aller chercher deux coupes de vin. « Viens. » que tu lui dis par la suite en désignant d'un coup de tête la cour arrière les mains pleines.
Dehors, il fait déjà noir. Le terrassement n'est éclairé que par les petites lumières qui le survolent et la lune qui est particulièrement brillante ce soir. Tu prends place à même le sol parmi les coussins dispersés ici et là et les couvertures qui ne sont jamais bien loin. Le vin d'abord. Une coupe pour elle et une pour toi. La bouteille pas trop loin pour le remplissage qui risque de ne pas tarder. « C'est divin. » Le vin et le sandwich, bien sûr. Quoi d'autre ? « Toi aussi. » Oh oui, elle aussi. Ta main vient (enfin) se glisser derrière sa nuque, la rapprochant de toi pour lui voler un baiser. |
| | | | (#)Sam 3 Avr 2021 - 4:15 | |
| Entre quinze et dix-sept ans, mon frère Rory m’apprend à faire la distinction entre les sortes de vin. On s’installe dans la cuisine et il me mime les gestes à faire, puisant dans la réserve des parents. Il m’apprend les termes à utiliser : gout rond en bouche, fond boisé, grand cru. J’essaie de m’en rappeler quand je suis seule. Ça m’amuse. Peu de temps après, j’apprends à choisir la bonne bouteille. Je réussis deux fois sur cinq. Je commence à apprécier le vin réellement, sans faire semblant, à mes vingt ans. Avant, quand on m’en servait, je terminais mon verre difficilement, retenant les mimiques dégoutées, mais je ne relevais jamais de véritable différence entre deux bouteilles. Je retenais mon souffle en avalant le breuvage, allez, un, deux, un, deux. Terminé ! Je peux engloutir le plateau de fromages. J’accompagne Leslie dans la cour arrière. Elle s’excuse au sujet du ménage. « T’en fais pas, ça montre que c’est habité. » Je ne sais pas comment lui expliquer que j’ai développé un dégout pour tout ce qui est trop bien rangé. Je considère cela comme une autre sorte de mensonge. C’est malhonnête de faire comme si rien ne pouvait changer. La maison vivante de la professeure est le canevas de sa personnalité. Il n’y a pas de véritable secret, seulement un désir de contrôle. Des coussins sont éparpillés à même le sol, des jouets pour enfants maculent la pelouse. Elle sert le vin rosé. Il est fruité, c’est tout ce que j’en ai retenu à l’achat. « C’est divin. » Je savais que l’attention lui plairait. Les mères, les vrais, ont tendance à s’oublier. « Toi aussi » Sa main se glisse sur ma nuque. Un sentiment de contentement essaie de faire frissonner mon corps. Elle s’approche, je pose deux doigts sur sa bouche, un sourire étire mes lèvres. « Pas tout de suite. Tu dois manger, sinon tu risques d’oublier. » J’approche mon visage du sien et bifurque au dernier instant, frôlant sa joue avec mes lippes. Je m’agenouille devant elle et tiens son assiette en face. Je fronce les sourcils comme si ma demande était indiscutable. Si on commence maintenant, nous ne nous arrêterons plus. La boisson nous monterait à la tête et les choses s’échaufferaient. Cette main qu’elle avait glissée dans mon cou serait maitrisée durement. Des doigts, j’empoignerais sa crinière, mon regard se plongerait dans le sien. Mon souffle effleurerait sa peau et ma salive se mêlerait à sa sueur. Je l’immobiliserais assez longtemps pour grimper sur elle, mais assez doucement pour qu’elle puisse apprécier. Pas tout de suite, il faut être patiente. Ma langue humecte mes lèvres, le vent refroidit mon épiderme. Je prends une gorgée et fais rouler le liquide dans ma bouche. « Je sais bien que tu m’avais oublié. » Je ris légèrement pour atténuer mon propos. Ce n’est pas grave qu’elle ait la tête occupée, le résultat est le même. Je tourne le regard vers la lune pensivement en prenant une autre lampée. « Ta semaine avait l’air de quoi ? » Je fais la conversation, tranquillement. Une amitié étrange s’est installée entre nous dans les derniers mois. Ce n’est pas bizarre si je lui envoie un texto vague quelques fois. Nous limitons nos relations, mais nous ne nous traitons pas comme des personnages à usage unique. D’une main molle, j’attrape sa paume et l’appâte vers moi. Je l’observe en embrassant chaque extrémité de ses doigts. Elle marque une pause et je l’attire vers moi, doucement, mais fermement. Je hoche la tête alors qu’elle continue de parler. Je mime l’intérêt pour la forcer à poursuivre son histoire. Mon index et mon pouce saisissent son menton, mais je ne veux pas l’interrompre. Lorsque le silence s’installe, je tente de lui voler le baiser refusé plus tôt. |
| | | | (#)Dim 4 Avr 2021 - 22:49 | |
| Elle repousse tes avances en posant deux doigts contre tes lèvres, empêchant ton ascension jusqu'aux siennes. « Pas tout de suite. Tu dois manger, sinon tu risques d’oublier. » Elle dévie, effleure ta joue, avant de reprendre bien sagement sa place, juste assez loin pour qu'aucune partie de son corps ne touche le tien. « Cruelle. » Un sourire en coin se dessine sur ton visage alors que tu viens rependre le sandwich à peine entamé qu'elle te tend. « Je sais bien que tu m’avais oublié. » Oh cette phrase que tu as si souvent entendue sous forme de reproche semble prendre une toute autre tournure dans sa bouche à elle quand elle est suivie d'un rire. Elle ne rira plus quand ça fera la millième fois que tu vas l'oublier. « J'suis quand même contente que tu sois là. C'est à moitié pardonné, non ? » Alors que tout le monde te reproche de ne pas prendre de pause, de ne pas faire un pas en arrière pour souffler un peu, Wendy est là. Et elle a endossé le rôle à la perfection.
« Ta semaine avait l’air de quoi ? » Le sandwich est presque terminé. La coupe de vin aussi quand tu viens prendre une pause pour réfléchir à ce que tu as fait depuis la dernière fois que tu l'as vu. Ta vie est sûrement bien moins trépidante que la sienne, jeune, libre et insouciante. « J'ai vu mes sœurs. » Toujours un véritable cocktail d'explosion de bonheur et de vérité (trop) crue avec elles. On ne sait jamais comment ça va tourner quand les quatres sœurs sont réunies. Wendy vient finalement attraper ta main, embrasse avec douceur chacun de tes doigts. « Mission très sérieuse de trouver un nouveau mec à Helena. » Elle vient tirer sur ta main pour te rapprocher d'elle. Tu suis très aisément le mouvement alors qu'elle t'invite à poursuivre ton histoire même si ses baisers n'aident en rien pour te concentrer. Bien sûr qu'elle le fait exprès. « C'est celle qui tombe amoureuse de tout le monde. » que tu précises pour situer Helena est laquelle de tes soeurs. Elle a eu un bref topo de chacune d'entre elles, mais il est facile de s'y perdre, surtout qu'elle ne les a jamais rencontrées. Et puis, elle vient attraper ton menton entre ses doigts. Ton rythme cardiaque s'accélère sur le champ. « Ça l'a traumatisés les dick pic sur tinder. » En fait, c'est surtout Emily qui a été traumatisée. Il y a longtemps qu'elle n'a pas été sur le marché du célibat. « La chance que t'as d'aimer les filles. » que tu souffles contre ses lèvres. Même si, ouais, même les lesbiennes ont droit aux fameuses dick pic. Toujours un con pour s'essayer de s'inviter dans le couple de femmes ou pire, penser rendre l'homo hétéro. Encore étonnant que l'humain ne soit pas encore éteint tant les hommes sont parfois stupides.
Toute cette histoire n'a plus aucune importance du moment où tes lèvres trouvent (enfin) les siennes. Tout est déjà oublié avec ces baisers qui s'enflamment bien rapidement. Tes doigts se glissent le long de ses jambes jusqu'à ses cuisses où tu l'attires vers toi, passant ses jambes de chaque côté de toi alors que tu te penches sur elle. Tes lèvres s'égarent le long de sa nuque, s'aventurent (presque) sagement à la limite de son décolleté que tu ne trouves soudainement pas assez plongeant. « T'es tellement belle. » que tu souffles à son oreille. |
| | | | (#)Ven 9 Avr 2021 - 6:12 | |
| Ma mère disait souvent que les mots c’est « du cinéma », ce ne sont que nos actes qui comptent. Elle détournait les yeux de la télévision quand elle voyait deux personnes se dire je t’aime. Elle disait « ça m’écœure », comme si c’était un acte sale. Elle déclarait souvent que mon père était la source de tous les maux. Mon père il est sale. C’est sans doute pour ça qu’ils font chambre à part. « J'suis quand même contente que tu sois là. C'est à moitié pardonné, non ? » Je souris à Leslie en hochant la tête. Elle n’a pas à se faire pardonner d’avoir oublié l’heure de ma visite. Je n’attends rien d’elle. La lune brille dans le ciel. Je m’étonne toujours qu’elle ne produise pas sa propre lumière. Elle semble tellement indépendante de l’Univers et puis pourtant, sans le soleil, on ne verrait pas sa surface. « T’as qu’à m’le démontrer. » « J'ai vu mes sœurs. » Je l’écoute en jouant avec ses doigts. « Mission très sérieuse de trouver un nouveau mec à Helena. C'est celle qui tombe amoureuse de tout le monde. » Je sens sa concentration faiblir au rythme de mes baisés. Je m’amuse de son apparent contentement. « Et ça a fonctionné? » J’admire cette façon qu’à Helena de s’amouracher de tous et personne. Il y a une sorte de liberté dans l’acte d’aimer. Ce n’est pas tout le monde qui y a droit. « Ça l'a traumatisé les dick pic sur tinder. » Je roule les yeux en pensant aux gorilles qui parcourent les méandres de tinder. Mes amies m’ont souvent montré ce à quoi elles avaient privilège de se frotter : des hommes tenant des poissons, des photos de voitures sans visages et des mecs qui jouent les exhibitionnistes. « Ces mecs, c’est des prédateurs. » Je n’ai jamais compris l’attrait qu’on prête aux hommes. « La chance que t'as d'aimer les filles. » Mon sourire s’élargit alors que je tiens son visage d’une main. Je ne sais pas si je me considère chanceuse. Ce n’est pas comme si c’était vraiment plus simple. L’histoire avec Sara en est bien la preuve. C’était mon amie jusqu’à ce que… Et puis plus rien. Victime d’homophobie intériorisée, une de plus sur la liste. « C’est ma normalité, je ne comprends pas l’inverse. » L’amour c’était tabou à la maison, l’affection et l’érotisme aussi. Quand Rory et moi monopolisions la télévision du salon pour écouter Vampire Diaries, ma mère soupirait. Elle écoutait d’une oreille distraite, les yeux survolant à demi le texte sur sa tablette, à demi l’écran du téléviseur. Il suffisait que la main d’un homme frôle celle d’une femme pour que ma mère jure et change de chaine. Je la trouvais débile. « J’espère pour elle qu’elle trouvera chaussure à son pied… Ma sœur, elle s’est amourachée d’un comptable. Bon… Pas un véritable comptable, mais c’est l’effet qu’il me fait. Toujours bien mis, un gentleman parfait. Je devrais être heureuse pour elle, mais Lachlan, j’peux pas le sentir. » Rosalie, amoureuse de l’amour. C’est l’opposé de notre mère. J’embrasse Leslie langoureusement. Je goute le sandwich sur ses lèvres, mes mains glissent dans sa crinière. Sa peau est douce comme la nuit d’été. T’es tellement douce, disent toutes les filles qui découvrent les femmes pour la première fois. Comme si les hommes étaient faits de papier sablé. Ses doigts effleurent mes jambes et une bouffée de chaleur parcourt mon corps. Je frissonne légèrement, ma respiration s’accélère. Elle m’attire vers elle, je sens la tiédeur de son souffle dans mon cou, contre mes oreilles, sur mes joues. Mes jambes sont de chaque côté d’elle, comme si je l’enlaçais de tout mon être. Sa bouche passe de ma nuque à mes clavicules. Elle hésite attendant ma permission. « T’es tellement belle. » Mes mains longent ses côtes et descendent jusqu’à ses hanches. Le tissu doux de ses habits est agréable au touché. Solidement, je saisi son bassin pour renverser la donne. Je tourne la professeure pour me placer au-dessus d’elle, une jambe logée entre ses cuisses. « Toi t’es comme une ces statues qu’on retrouve au musée. Une sculpture grecque venue d’une autre époque. » Je pose un baiser sur son nez et glisse une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle sent bon à toute heure de la journée, comme si elle était ensorcelée. Je faufile ma main sur le collet de mon haut et tire dessus tranquillement. En retirant le vêtement, la médaille de mon collier me teinte sur les dents. C’est un tag d’armée que j’ai récupéré dans une brocante au nom de Linton Fraser. Je n’ai aucune idée qui c’est, un mec anonyme posé sur mon cœur. Ça a une certaine poésie. Mon t-shirt s’envole pour éventuellement atterrir sur la pelouse du jardin. J’agrippe son poignet que je maintiens au-dessus de sa tête. Je multiplie les échanges de salive, l’embrasse sur la joue et mordille son lobe d’oreille. Ma main libre glisse sur son torse et mime la forme de sa poitrine. Je la regarde dans les yeux, la jambe campée contre son entrecuisse. « Ask for it. » |
| | | | (#)Ven 16 Avr 2021 - 1:55 | |
| « T’as qu’à m’le démontrer. » « T'as qu'à arrêter de m'repousser. » C'est elle qui a d'abord mis fin au premier baiser. Pourquoi attendre ? Elle est venue que pour ça, qu'elle ne fasse pas genre.
« Et ça a fonctionné? » Tu hausses les épaules, lui parle un peu du surplus de testostérone dans cet appli. Tu es quand même convaincu qu'elle va y jeter un coup d'œil même si elle semblait terrifiée de l'inscription. Elle sera beaucoup trop curieuse pour juste supprimer son compte comme elle le laissait sous-entendre. « Ces mecs, c’est des prédateurs. » « Hm, hm. » que tu lui réponds brièvement trop concentré - ou déconcentrée sur les baisers qu'elle perd ici et là, sur le bout de ses doigts qui s'aventurent sans vraiment le faire. Elle tourne, elle aguiche, elle fait monter la pression. Et ca fonctionne. « C’est ma normalité, je ne comprends pas l’inverse. » Bien sûr que ce l'est. Ce n'est pas totalement ce que tu voulais insinuer. Et puis, soyons honnête filles ou gars, il y a des idiots dans toute catégorie. C'est juste qu'on dirait que les mecs se surpassent en nombre. Parfois, tu te demandes comment tu arrives encore à leur trouver ce petit quelque chose. « J’espère pour elle qu’elle trouvera chaussure à son pied… Ma sœur, elle s’est amourachée d’un comptable. Bon… Pas un véritable comptable, mais c’est l’effet qu’il me fait. Toujours bien mis, un gentleman parfait. Je devrais être heureuse pour elle, mais Lachlan, j’peux pas le sentir. » Oh ouais, sa soeur, l'auteure de Boyd, sa chouchou, celle qui déplace beaucoup trop d'air, celle qui te colle un peu trop aux basques à ton goût. Pas lesbienne alors si tu te fies aux paroles de Wendy. Elle cherche juste désespérément une amie ? Peut-être que ça pourrait en être une si tu te taperais pas sa soeur en cachette. Mais bon, va savoir. « Si elle est heureuse… » c'est tout ce qui compte. Tu n'as pas toujours été fan des choix de tes soeurs. En même temps, c'est pas toi qui vit avec, c'est elles. Tant qu'elles sont heureuses et qu'aucun coeur n'est brisé, tu es satisfaite. Vivre et laisser vivre à ce qui paraît.
L'ambiance change du tout au tout lorsque Wendy t'autorise (enfin) à l'embrasser. Elle devient rapidement électrique, silencieuse, laissant comme seul bruit les baisers qui s'éparpillent contre sa peau. Elle n'a rien d'une gamine quand elle renverse la situation, quand elle prend le contrôle - et c'est ce qu'elle aime bien tout contrôler. « Toi t’es comme une ces statues qu’on retrouve au musée. Une sculpture grecque venue d’une autre époque. » « J'vais faire comme si j'avais pas compris que tu viens d'me traiter de vieille. » Tu ris doucement entre deux baisers. Rien à faire de l'âge qu'elle a. Rien à faire que c'est pas une bonne idée vous deux. Tu vas continuer de faire comme si tu savais pas que c'en est pas une tant que personne te le dit - c'est aussi pour ça que t'en parle à personne. Pourtant, tu n'as jamais été friande de secret surtout en ce qui concerne les relations. Tu ne t'attendais pas non plus à ce que ça dure aussi longtemps vous deux. D'une fois à l'autre, tu attends qu'elle te largue pour une fille de son âge.
Elle retire son t-shirt et ton premier réflexe est de poser tes mains contre son corps, mais….non. Elle attrape tes poignets pour les remonter par-dessus ta tête. Tu grognes contre ses lèvres - de frustration ou d'excitation c'est pas trop claire. Ton corps au complet se tortille, s'impatiente. Tu gémis sous ses caresses. « Ask for it. »Tu tires sur tes bras, mais elle les retient toujours. C'est toi la gamine. C'est elle la femme. « J'ai tellement envie de toi… » Absolument rien à faire que tout le voisinage se soit fait réveiller par tes cris qui se sont mêlés aux siens.
* * * Tu remontes doucement la couverture par-dessus vos corps complètement nue alors que tu retrouves doucement un rythme cardiaque respectable. Ta tête se calle dans l'un des coussins. Ta main se glisse de nouveau contre la joue de Wendy jusqu'à sa nuque où tu l'attires de nouveau vers toi pour l'embrasser encore. Oh c'que tu aurais envie qu'elle reste cette nuit, mais tu lui demanderas jamais, tout comme tu serais offusquée qu'elle le propose. Quand l'autre commence à rester, c'est le début de la fin. Et puis ce serait tout simplement malhonnête de ta part qui a seulement envie que quelqu'un reste, pas forcément elle, n'importe qui. Outch. « J'ai pas eu le temps de te retourner la question; c'était comment ta semaine ? » que tu souffles à son oreille, sourire de satisfaction à l'appui. |
| | | | (#)Jeu 22 Avr 2021 - 6:44 | |
| J’ai la sensation d’avoir une double vie. J’arrive chez la professeure, après quelques jours d’éloignement. Leslie est là, elle ne m’attend pas. Je ne fais pas de bruit, lui offre des attentions, mais je ne suis pas là. Pendant notre rencontre, on parle de nos sœurs et d’amour. Notre relation, c’est comme être ailleurs. Tu perds le fil des choses, tu touches et tu vis. Tu en veux à ceux qui t’ont poussé à tout compartimenter. Tu leur en veux à tous. Elle me fait des compliments, c’est sincère. J’esquive, je lui renvoie. Feindre l’indignation en présence d’une fausse insulte. Elle tente d’initier, je prends le contrôle. « J’ai tellement envie de toi… » Dans sa vie, elle agit en maitre, en enseignant et en élevant sa fille. Avec moi, elle est ailleurs, devant le coucher de soleil sur la plage. Seulement, tout est en accéléré. Nous n’étirons pas la bouteille pendant l’après-midi. Nous nous rencontrons, nous mangeons, nous buvons, nous jouissons dans notre ailleurs. C’est un état qu’il faut protéger et chérir quand on le trouve.
*** Elle glisse la couverture sur deux entités séparées. La chaleur qui a envahi mon corps se stabilise. Je retrouve la normalité. Ici. Elle m’embrasse de nouveau, ses doigts fixés sur mon cou. Maintenant. Je me sens bien. Je l’entoure de mes bras, pose une main sur son ventre. Ma main remonte délicatement sur sa peau. Je replace son corps dans l’univers, il a sa propre essence. Ce qui fait d’elle ce qu’elle est, luit sur sa peau, se transmet par les effluves de son corps, brille dans sa crinière, se goute dans sa sueur. Ses lèvres sont sèches et sa respiration est saccadée. Je la sens s’éloigner. « J’ai pas eu le temps de te retourner la question ; c’était comment ta semaine ? » Je ne réponds pas tout de suite. Je caresse ses bras par tressaillements, des mains aux coudes, des coudes aux épaules. J’essaie de figer l’instant. « Drainante, mais gratifiante. C’est la dernière année du bac. » Je suis évasive de crainte qu’elle ne se dérobe en se rappelant mon âge. Le silence est long, difficile à rompre. Mon problème de communication prend toute la place. J’ai le dos tendu d’être couché dans un amas de couvertures sur le sol. L’impression de passer la nuit chez une copine en étant enfant se juxtapose au moment. Pourtant, Leslie est étendu devant moi, le corps nu, bien blotti sous les draps. Elle n’a rien d’une gamine. « Il y avait une manifestation pour faire pression sur le gouvernement. On réclamait des mesures écologiques concrètes de la part de l’État australien. J’y suis allé avec une amie. » Je replace une mèche de cheveux sur son front. La brise fraiche apaise les tourments de mon âme. Le ciel brille de mille éclats lumineux au-dessus de nos corps. Je prends une lampée de vin songeuse. « Je ne sais même pas si t’es du genre activiste. Ça t’arrive d’aller aux manif’ ? » Je m’assois et appuie mon dos sur le mur en gardant la coupe dans une main. Sur la pelouse, les jouets d’enfants semblent oppressants. Ils définissent les limites de l’ailleurs. Ils sont dans le monde réel, concret. Ils font partie d’une vie dans laquelle je n’existe pas. Ça me donne le tournis. « Ça t’embête si je reste encore un peu ? » Question directe, aucune fioriture, aucune mésinterprétation possible. J’évite ce malaise double, cette valse qui pousse les gens à tâter le terrain, à savoir s’il faut partir ou bien rester. |
| | | | (#)Lun 3 Mai 2021 - 22:45 | |
| « Drainante, mais gratifiante. C’est la dernière année du bac. » Oula. La dernière année de bac. Ça remonte à quand pour toi ? Ishhh. Une éternité et une autre encore. Tu n'avais même pas encore la moitié de scolarité de fait encore a cet époque. Elle est du genre passionné à aller jusqu'au bout elle aussi ? Ce doit être des études tellement intéressantes. Ça t'aurait plu. Tu en es certaine. « Tu vas continuer après ? » Tes lèvres se posent au creux de sa nuque puis contre son épaule. Elle passe son bras sur ton ventre. Tu fais de même autour de ses hanches pour la ramener encore un peu plus vers toi - si vraiment c'est possible. « Il y avait une manifestation pour faire pression sur le gouvernement. On réclamait des mesures écologiques concrètes de la part de l’État australien. J’y suis allé avec une amie. » « Jean ? » Tu ne les connais pas ses copines, ne les connaîtra jamais. Il n'y a que Jean que tu connais dans sa vie, parce qu'elle partage aussi la tienne. Tu sais aussi que les manifestations c'est son truc à Jean. C'est plausible qu'elle y soit allée avec elle, mais ça pourrait être n'importe qui. Jean n'est surement pas la seule activiste de son entourage. « Je ne sais même pas si t’es du genre activiste. Ça t’arrive d’aller aux manif’ ? » Tu hausses les épaules, redresses la tête pour la soutenir dans la paume de ta main. « Quand on m'invite. Quand j'ai le temps. » Ça veut dire presque jamais. L'idée n'est jamais venue de toi. Tu ne comptes pas parmi ceux qui pensent (voir même qui veulent) changer le monde. Tu prends la vie comme elle vient avec ses qualités et ses défauts. Tu n'as aucun problème à participer à une manifestation pour faire plaisir à quelqu'un. Sans plus.
Wendy finit par se redresser en reprenant sa coupe. Tu fais de même en ramassant plutôt tes fringues à la dérive, puisque ta coupe n'a pas survécu aux ébats. Elle est vide au sol. Belle terrasse collante en devenir. « Ça t’embête si je reste encore un peu ? » Ça t'embêtait pas avant qu'elle le demande. Toujours un peu délicat quand ces moments-là arrivent; comprendre quand c'est le temps de partir, savoir à quel moment est-ce acceptable de rester chez l'autre. Ça fait partie des raisons pourquoi tu as toujours préféré être ailleurs plutôt que chez toi. Comme ça, tu peux te tirer quand ça te chante - quoique tu ne t'es jamais gêné pour pousser l'autre en bas de ton lit quand il semblait à deux doigts de ronfler sur ton oreiller. Tu remets finalement ton haut, lui balance le sien quand tu tombes dessus. « Juste le temps de- » finir ta coupe ou pas. Tes sourcils se froncent d'interrogation au vacarme monstre que fait Chloe en arrivant (manquant de trébucher est plutôt le bon mot) sur le terrasse à son tour. Pourvu qu'elle ne réveille pas Abby.
« T'as picolé ? » C'est loin d'être un reproche même s'il est sûrement trop tôt pour qu'elle soit bourré. Elle a picolé sans toi. Ouais, c'est peut-être un reproche finalement. Et, oh, oui, c'est la fin de ton aventure secrète avec Wendy. C'est plus un secret maintenant. De toute façon, tu aurais bien fini par le lui dire un jour ou l'autre. Tu n'as jamais vraiment eu de secret pour elle. Tu ne pourrais pas nier de toute façon vu le tableau qui se dessine directement sous ses yeux. « Chloe, Wendy. Wendy, Chloe. » Bah voilà les présentations sont faites. « Tu me laisses deux minutes ? » Le temps de rapatrier le reste de vos fringues. Oh ça va, elle n'a rien vu de compromettant non plus. La couverture cache ce qu'il y a à cacher. Elle a déjà vu pire du temps où vous viviez encore ensemble.
@chloe cohen |
| | | | (#)Lun 10 Mai 2021 - 5:46 | |
| La porte était à gauche la dernière fois, et Chloe sait pas différencier sa droite de sa diagonale. Entre les coupes de champagne et les martinis pour jouer aux adultes, c’est encore un miracle qu’elle et Penny n’aient pas foutu le bordel dans le taxi qui les a promenées à travers toute la ville avant d’en déposer une chez elle, l’autre chez sa sœur. Pen attendait son date Tinder du soir, quand il est apparu dans le hall du bar c’était un -18582/5 qui l’a complètement cancel du plan. Pas leur faute, si elles ont dû oublié le fiasco d’un rencard décevant en noyant leur vie amoureuse décevante – quelle cohérence ! – dans l’alcool et le menu trop peu étoffé pour que les cocktails ne leur montent pas à la tête. De base Chloe rentrait chez elle et emmerdait Victor en espérant qu’il ne dorme pas lui et son horaire de réalisateur bohème décalé. À mi-chemin, elle a décidé que la douche de sa sœur était meilleure que la sienne et que ses serviettes étaient plus douces. Rest is history.
« T'as picolé ? » « T’es pas ma mère. »
Et elle éclate de rire, l’actrice, lançant ses escarpins d’un côté du jardin et son blazer de l’autre. Ses cheveux partent faire leur vie en cascades sur ses épaules, elle les ramène en un chignon qui n’en a que le nom. Plaquant sa main sur ses lèvres, c’est l’impulsion de garder le titre de meilleure marraine de l’année qui lui rappelle qu’une gamine a vraiment Leslie pour mère, et qu’elle dort à l’étage. Depuis quand la porte n’est plus à gauche ? « Chloe, Wendy. Wendy, Chloe. » Chloe tend naturellement la main à Wendy mais file un coup d’œil vers la bouteille de vin errante, l’attrapant de sa paume libre en y cherchant la dernière goutte pour tapisser sa langue d’autre chose même si ses joues rosées prouvent qu’elle n’en a strictement pas besoin. Entre temps, elle arrive à repérer dans la pénombre une culotte en dentelle bleu minuit qui finit sans pudeur aucune au bout de son gros orteil. « J’adore la couleur ! » ses mots accompagnent le compliment, et le sous-vêtement fait un vol plané jusqu’à la terrasse où sa sœur a visiblement passé une excellente soirée.
Depuis quand Les garde ses conquêtes dans les parages, après ? « Tu me laisses deux minutes ? » voilà. Elle demande à l’autre de partir, Chloe pourrait lancer le BBQ tant elle a envie d’un burger. La flemme de cuisiner la garde toutefois loin des briquets. « Si je rentre, je m’endors. J’vais ronfler fort Abby va détester. » ça, c’est spéciale dédicace, quand elle capte pendant une fraction de seconde d’éclair de lucidité que Leslie lui demandait à elle, de les laisser. La blague. « Vous faisiez quoi ?! » et un doublé. Chloe aurait dû faire humour à la fac, quelle occasion manquée. « Avant. » ses sourcils dansent et elle applique sa main en visière même s’il n’y a aucun soleil et qu’elle voit très bien les deux silhouettes confondues se dé-confondre, sur la dalle de pierre. « Chloe ! Ah mais elle l’a déjà dit. » et elle est polie, Cohen junior, tend sa main pour une seconde fois oubliant momentanément la première. Elle capte, pouffe encore, titube par derrière ou devant, c'est pas super clair. Quand elle redresse le menton par contre, y’a un éclat de lune qui colore le visage de poupée de porcelaine qui erre autour de son aînée. « Oh, ah. » le visage de poupée de porcelaine qui erre habituellement autour de Rory. C’est sa sœur. Et Chloe éclate de rire de plus belle. « C’est sérieux vous deux ? Parce que j’ai toujours rêvé de passer Noël chez les Craine ! » quelle empotée. Et elle sourit en plus, dans toute sa fierté.
- Spoiler:
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| | | | (#)Mar 18 Mai 2021 - 23:28 | |
| Pour moi, parler de manifestation est probablement aussi normal que de parler de sa fille pour elle. Cela fait partie de ma vie et de mon quotidien. Dès le moment où j’ai eu le droit de disposer de mon temps comme je l’entendais, je me suis mise à parcourir les rues de Brisbane à la recherche de causes à défendre. Ça permet de s’oublier et de voir les choses telles qu’elles sont : plus grande que soi. « Jean ? » « Toujours. Jamais l’une sans l’autre quand il s’agit de scander des slogans. » J’exagère. J’ai aussi d’autres amies activistes, mais la professeure ne les connait pas. Ça ne donne rien de les mentionner. Je lui demande si elle s’implique quelquefois. « Quand on m’invite. Quand j’ai le temps. » Ainsi, les risques de se rencontrer dans les rues sont minces. Nos univers ne se rejoindront jamais. Je voulais rester, je l’ai admis à voix haute. C’était une erreur de ma part. Ce n’était ni le moment ni l’ambiance pour s’imposer. J’aurais dû feindre de m’endormir, ça aurait mieux passé. Je n’ai pas envie de quitter sa chaleur et de m’installer derrière le volant. Être seule avec mes pensées semble être une terrible épreuve impossible à traverser.
Épreuve, n. f.
- Ce qui permet de juger la valeur de (une idée, une qualité, une personne, une œuvre…).
- Le danger, épreuve du courage.
« Juste le temps de — ». Dans la maison, un kangourou paraît boxer avec le mobilier. C’est probablement sa fille qui s’est réveillée. On dirait presque qu’elle avait senti qu’il fallait intervenir. Elle voulait me jeter à la porte. Crispée, je cherche mes vêtements, prêts à fuir sans demander mon reste. Une furie blonde fait son entrée chambranlante sur le patio. Instinctivement, je remonte la couverture sous mon menton et me redresse pour m’interposer entre Leslie et le maniaque de l’heure. Comme si je pouvais faire quoique ce soit, armée d’un simple édredon. Pourtant, ma compagne ne semble pas se formaliser de cette intrusion. « T’as picolé ? » « T’es pas ma mère. » Je fronce les sourcils en examinant la nouvelle arrivée de plus près. Ce visage m’est familier sans l’être. « Chloe, Wendy. Wendy, Chloe. » « Oh ! » Oui, oh… Mes yeux s’arrondissent alors que les liens se font dans mon esprit. La Chloe de Leslie, c’est aussi la Chloe de Rory. Le rouge me monte aux joues tandis que je sens un filet de sueur à la base de mon dos. Sous la couverture, j’enfile machinalement mon t-shirt pour pouvoir m’éclipser le plus rapidement possible. Si ça se trouve, l’actrice est assez avancée dans sa consommation pour ne pas me remarquer. D’une main, je tâte sous les édredons à la recherche de ma culotte. Or, à mon plus grand damne, je reconnais la couleur et la dentelle de mes sous-vêtements au bout du gros orteil de l’intruse. « J’adore la couleur ! » « Merci. Deux pour quinze dollars chez Victoria Secret. Une aubaine qu’ils disaient. » J’avais vu la promotion en ligne le mois dernier. Légèrement gênée, je récupère mon bien et m’y glisse en m’agitant sous les couvertures. « Tu me laisses deux minutes ? » Leslie m’achète le temps nécessaire pour m’habiller et partir. Je dois dire que ce serait l’idéal pour ne pas s’empêtrer les pattes dans un bourbier que je n’ai pas véritablement envie de gérer. « Si je rentre, je m’endors. J’vais ronfler fort Abby va détester. » N’a-t-elle aucune conscience des convenances et de l’espace personnel ? Je me retiens de ne pas soupirer fort et de ne pas répéter le commentaire de sa sœur. Ce n’est pas ma place de me mêler des affaires de familles. Puis, j’ai un coup de fil enragé à passer à Rory pour lui parler de sa grande amie. « Vous faisiez quoi ?! » « Nous étions assises sur le carrelage à profiter de la soirée. Les étoiles sont sorties et la température est douce. » Je me lève pour enfiler mon jeans. Je n’ai pas envie de faire une danse étrange sous la tente. Puis, il n’y a plus vraiment grand-chose à cacher à ce stade-ci. « Avant. » « C’t’un peu weird d’avoir besoin d’un schéma pour comprendre la scène à ton âge. » Je lui fais un clin d’œil en attachant mon pantalon. Elle se positionne comme un voyeur pour nous regarder. Je remercie mentalement ma fratrie de ne pas être intrusive à ce point. Si c’était Rory qui nous avait attrapées, je pense qu’il aurait fondu sur place. « Chloe ! Ah, mais elle l’a déjà dit. » Un frisson me parcourt le corps alors que je déplie mon bras pour lui serrer la main. Jusqu’ici, elle ne semblait pas m’avoir reconnu et je priais les dieux pour qu’il en demeure ainsi. « Wendy… » que je murmure d’une toute petite voix. Pour me faire invisible et limiter les dégâts. « Oh, ah. » L’expression de son visage change et je sens d’avance ma façade se décomposer. Je l’ai entrecroisé assez souvent pour qu’elle ne puisse pas m’ignorer. Pourquoi suis-je si proche de mon frère déjà ? Était-ce bien nécessaire de connaitre tous ses amis ? « C’est sérieux vous deux ? Parce que j’ai toujours rêvé de passer Noël chez les Craine ! » « Faudrait que tu demandes une invitation à Rory. T’es son amie, c’est lui qui te gère. » Je dis ça sur le ton de la blague, pour rendre ça léger et feindre que je n’ai pas capté sa véritable question. « Les parents ne supporteraient pas de scandale. Moi, j’ai toujours été un peu fan. Surtout, lorsqu’il ne me concerne pas. » Finissant ma phrase, je pose un regard sur Leslie. Je tente d’étudier sa réaction et les changements dans sa physionomie alors que j’évite délibérément d’aborder le sujet. Pour la question du sérieux de cette relation, je n’y avais pas encore véritablement pensé. Au fond, mon épreuve du jour avait pris la forme de Chloe. Au-dessus d’un rapport qui allait bon train, elle venait de placer une épée de Damoclès et un malaise qui n’avait pas lieu d’être. Mon estomac se retourne sur lui-même, mais mon visage garde une émotion neutre. Je n’ai pas envie de me remettre en question. « Je crois que c’est mon heure. » Sans laisser le temps aux autres de répondre ou d’offrir leurs plus plates excuses, j’attrape mon sac et prends la direction de la porte. J’ai le sang qui me bat dans les tempes. C’était trop d’éléments à gérer en une seule soirée. Apercevant l’ombre de ma compagne dans mon angle mort, je lève les yeux vers elle. « On est ok toi et moi ? » Je ne veux pas de véritable conversation. Je veux simplement me fixer. Au fond de moi, je préfère ignorer l’éléphant qu’a installé Chloe dans la pièce. « Je t’enverrai un message. » Demain ou dans trois semaines. Je n’ai pas encore décidé. La main appuyée sur la poignée de porte, j’hésite un instant avant de m’éclipser. Je pose un dernier baisé sur sa joue et prend la direction de ma voiture. La deuxième épreuve de ma soirée. |
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