Pour avancer, il faut cesser de ruminer le passé mais c’est plus facile à dire qu’à faire quand on doit faire face aux mêmes problèmes quatre ans plus tard. J’ai sincèrement cru que cette fois-ci les choses pourraient se passer différemment entre Danika et moi mais je me suis trompé. Je me suis naïvement laissé aveugler par mes sentiments pour elle alors qu’elle me ment encore sans aucun scrupule de son côté. Plus ça change, plus c’est pareil. Je lui en veux d’avoir fait renaître l’espoir qu’on forme de nouveau un nous pour l’anéantir avec ses mensonges, tout comme je m’en veux de m’être laissé berner aussi facilement, d’y avoir cru. J’aurais dû garder mes distances pour me protéger puisque, de toute évidence, je ne peux pas lui faire confiance encore aujourd’hui. Je voyais au départ cette soirée comme un potentiel tremplin vers une deuxième chance pour notre couple. Si Danika n’avait pas menti, peut-être que j’aurais eu le courage ce soir de lui faire part de ce que je ressens toujours pour elle. Si elle avait pris le temps de penser aux conséquences de ses actes, peut-être qu’on aurait pu former une vraie famille tous les trois. Avec des si, on refait le monde.
Tout comme je l’ai fait en novembre lorsque j’ai appris pour ma paternité, j’ai bien l’intention de la confronter sans lui laisser l’opportunité de préparer ses réponses d’avance. Je me prépare donc pour le bal masqué comme prévu pour qu’elle ne se doute de rien, enfilant mon costume que nous sommes allés chercher chez moi il y a quelques jours pour l’occasion. En attendant qu’elle vienne me chercher, je tourne en rond dans son appartement en repensant aux dernières semaines pour voir s’il n’y a pas autre chose que j’aurais pu manquer. La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées et je soupire bruyamment lorsque je comprends au SMS de Danika que je devrai me rendre au bal masqué par mes propres moyens. Comme je ne peux toujours pas conduire pour le moment, une seule solution s’offre à moi : appeler un taxi. Et Dieu sait à quel point je déteste prendre un fucking taxi, d’autant plus que je ne suis pas d’humeur à discuter de tout et de rien avec le chauffeur en ce moment. Great. L’humeur massacrante, j’appelle une compagnie de taxi et je leur demande de venir me chercher au magasin du coin où je me rends à pied dans l’espoir de me calmer un peu, sans succès. Dans une tentative désespérée de calmer ce trop plein d’émotions qui m’étouffe, je m’achète un paquet de cigarettes et un briquet. Dès que je ressors du magasin, je coince une cigarette entre mes lèvres et je fixe en silence mon briquet un instant, hésitant avant d’étouffer le sentiment de culpabilité qui m’habite tandis que je m’apprête à saboter tous les efforts que j’ai faits dans les cinq dernière années pour me libérer de cette dépendance. Je l’allume et je prends une bouffée, les yeux fermés. Il faut choisir ses batailles et aujourd’hui j’ai un plus gros combat qui m’attend.
Évidemment, je suis le premier à arriver sur les lieux du bal masqué et je me sens absolument ridicule avec mon masque parsemé de brillants mais j’essaie de me convaincre que ça a au moins l’avantage de cacher un peu mon humeur de merde. J’envoie un SMS à mon ex pour lui expliquer où je me trouve, puis je l’attends dans un coin de la salle, la boule au ventre, bien conscient qu’il y a peu de chance pour que les choses se déroulent bien ce soir. « Law ! » Sa voix mélodieuse attire mon attention et si mon regard s’adoucit quelques secondes lorsque je l’aperçois dans sa magnifique robe, je détourne légèrement les yeux pour ne pas me laisser influencer, tentant d’ignorer les battements de mon cœur qui s’accélèrent. Parce que même si mon cœur la réclame, ma tête, elle, me crie de partir en courant en sens inverse avant qu’elle ne m’hypnotise encore une fois. « Alors ?! » Danika rayonne tandis qu’elle tourne sur elle-même en souriant et toute cette scène ne fait qu’entretenir l’illusion selon laquelle nous pourrions être heureux tous les deux ensemble, mais ça ne change pas qu’elle m’a menti hier et ça je suis incapable de l’oublier. Ce n’est qu’un mensonge de plus après qu’elle m’ait caché l’existence de Maddox pendant des années. Sur quoi d’autre m’a-t-elle menti depuis novembre? Je ne peux pas lui faire confiance.
« Ca excuse le fait que je sois en retard ? » demande-t-elle en s’approchant de moi. Je ricane en faisant un pas de reculons pour garder une certaine distance avec elle. « Non. » grommelé-je en plantant mon regard dur dans le sien. Le cœur serré, je déglutis difficilement en secouant négativement la tête. « Comment s’est passé ta soirée au travail hier? » demandé-je en croisant mes bras contre mon torse en la regardant de haut, prenant une pause pour lui laisser l’occasion de répondre même si je sais qu’elle me mentira une fois de plus, pour faire changement. « Je voulais te demander quelque chose pour le petit hier et, comme tu ne répondais pas sur ton portable, j’ai appelé au bowling. » Je prends une deuxième pause en guettant ses réactions alors qu’elle doit bien se douter où je m’en vais avec tout ça. « C’est drôle parce qu’on m’a répondu que tu ne travaillais pas hier. T’étais où hier, Dan? » Je serre la mâchoire sans la quitter des yeux, bien décidé à obtenir des réponses à mes questions. J’ai besoin de savoir ce qu’il y a de si important dans sa vie pour que me mentir et tout sacrifier en vaille la peine à ce point.
Je sais que Danika n’a pas travaillé hier, malgré tout ce qu’elle prétend, alors je lui tends un piège en lui demandant comment a été sa soirée au travail hier et, comme une débutante, elle mord à l’hameçon. « Bien, pourquoi ? » Je secoue négativement la tête en la fixant de mon regard furibond. J’ai juste envie de la prendre par les épaules et de la secouer pour qu’elle se réveille et réalise que ça ne sert à rien de me mentir actuellement, que rien de bon ne sortira de tout ça. J’aurais préféré qu’elle me dise la vérité d’elle-même plutôt que je doive lui mettre son mensonge sous le nez pour qu’elle admette enfin qu’elle n’était pas au travail hier. Je lui explique donc que j’ai tenté de la rejoindre hier sur son portable et que, faute de réponse, j’ai appelé au bowling pour lui parler. « Tu as quoi ? » Je suis convaincu qu’elle a très bien compris ce que je viens de dire alors je ne vois pas l’utilité de perdre de la salive en répétant.
« Pourquoi tu me poses cette question Law ? Tu me fais pas confiance ? » Le regard plongé dans le sien, je vois la colère gagner ses yeux et je sais que ce n’est qu’une question de temps avant que le ton monte. Je me sens déjà bouillir à l’intérieur tandis que Danika ne semble pas prête à avouer ses torts une fois de plus. « C’est toi qui me mens mais c’est moi qui ne te fais pas confiance? Tu me fucking niaises là, right? » Visiblement, c’est plutôt elle qui ne me fait pas confiance pour sentir le besoin de me cacher certaines choses. Et si je ne lui faisais pas confiance de mon côté, jamais je ne lui aurais confié le meurtre de mes parents et de mon frère. « Parce que tu m’as menti. Pourquoi tu me mens tout le temps? Comment je suis supposé te faire confiance, Dan? » Pourtant, j’aimerais pouvoir lui faire confiance. J’aurais aimé qu’on puisse se redonner une chance, que notre quotidien soit comme la dernière semaine que nous avons passée ensemble, mais ça ne fonctionnera jamais si elle continue de mentir. J’aurais préféré ne pas avoir eu à l’appeler hier pour ne pas savoir et ne pas douter d’elle, même si je sais que tôt ou tard tout ça aurait probablement fini par nous exploser en pleine face.
« C’est quoi, tu me refais une crise de jalousie là ? Un peu tôt non ? » Surpris par ses accusations, je recule brusquement la tête, l’air renfrogné. « Non! » Je relève légèrement mon masque et je pince l’arête de mon nez entre deux doigts tout en soupirant bruyamment. Même si la question que je viens de lui poser donne en effet l’impression que je lui pique une crise de jalousie, il n’en est rien. La possibilité qu’elle ait pu être allée voir un homme hier ne m’a même pas effleuré l’esprit. Je lui en veux simplement de tout gâcher en mentant une fois de plus comme elle l’a fait durant les quatre dernières années. Et malgré tout le mal qu’elle m’a fait en me cachant ma paternité pendant quatre ans, j’étais prêt à passer par-dessus pour nous redonner une chance. Comme un imbécile j’ai cru que les choses pourraient changer, mais pour une raison que j’ignore, me mentir semble si facile pour elle, comme une seconde nature. « Je ne comprends juste pas pourquoi tu me mens, ENCORE. » protesté-je avec véhémence. Et si je sais que je n’ai rien à me reprocher dans cette histoire, je ressens tout de même le besoin de me justifier. « Maddox s’était fait mal et je ne savais pas quoi prendre pour désinfecter sa blessure. » expliqué-je même si je sais qu’elle trouvera sans aucun doute une façon de retourner ça contre moi encore. Je fouille dans la poche intérieure de mon veston pour en sortir des enveloppes que j’ai trouvées hier en fouillant dans son appartement. Toutes des lettres qui font mention de paiements en retard. « Et c’est quoi ça? » Je les lui tends. « Tu vas mettre ça encore sur le dos de ma jalousie? » Mieux vaut pour elle que non parce que j’en ai plein mon cas’ de me faire prendre pour un épais.
J’ai besoin de savoir pourquoi elle me ment, pourquoi elle détruit tout alors que nous commencions tout juste à reconstruire quelque chose ensemble. Mais Danika évite mes questions sans aucune surprise. Peu importe ce qu’elle me cache, je comprends que ça a plus d’importance que moi, que nous, et ça me fait mal de le constater. « Sérieusement Law ? » Elle se ferme et elle se braque, comme d’habitude. Depuis le temps qu’on se connait, je connais ses réactions par cœur et je sais d’ores et déjà que je n’obtiendrai rien de sa part à moins de lui mettre la pression et ça m’enrage. J’en ai plein le cul de me battre contre elle sans arrêt. « Qu’est-ce que j’étais supposé faire, au juste? Me fermer la boîte et faire comme si de rien n’était? No fucking way. Je trouve que tu l’as déjà assez facile de même, considérant que tu m’as menti pendant quatre ans. » réponds-je sèchement en la fusillant du regard. Je me suis forcé pour ne pas être sur son dos, pour ne pas lui ramener son mensonge sous le nez à tour de bras malgré la frustration pour qu’on puisse s’entendre pour le petit. Mais à quoi bon si elle me ment encore dès que l’occasion se présente. J’ai fini de me faire prendre pour un deux de pique.
Même si je suis d’avis que je ne lui dois aucune explication, puisque le sujet de discussion ici est son mensonge, je lui explique la raison de mon appel au bowling. Et contrairement à elle, c’est la vérité. « Pourquoi tu me l’as pas dit quand je suis rentrée ?! » Je hausse les épaules puis je laisse retomber mes bras le long de mon corps tout en frappant mes mains contre mes cuisses. « Qu’est-ce que ça aurait changé Dan? » demandé-je en plongeant mon regard triste dans le sien avant de détourner le regard en soupirant. « Il allait bien, c’était réglé. Et pour être honnête avec toi, je ne peux pas dire que j’avais particulièrement envie de te parler. » Non, j’avais besoin de ventiler, de me calmer avant de lui poser des questions même si, visiblement, ça n’a pas vraiment fonctionné. J’ai plutôt eu le temps de ruminer le problème et notre passé, et de me rendre à l’évidence que si elle ne me disait pas la vérité, je n’aurais d’autre choix que de m’éloigner pour me protéger d’elle même si mon cœur me crie complètement l’inverse.
Incapable de lui cacher plus longtemps ma trouvaille de la veille, je sors les enveloppes de mon veston et je les lui tends. « Et t’as trouvé ça en cherchant du désinfectant ? Tu t’es dit quoi, que le désinfectant allait être dans un tiroir du salon ? » Je ris jaune en secouant négativement la tête. « J’avais besoin de réponses quand j’ai compris que tu me mentais, ENCORE. » dis-je en haussant le ton pour mettre l’emphase sur le dernier mot. Je sais que je n’aurais jamais dû fouiller dans ses affaires mais je ne peux faire autrement que de me dire que rien de tout n’aurait été nécessaire si elle ne m’avait pas menti. « Pourquoi tu ne m’en as pas parlé? J’aurais pu t’aider! » J’aurais pu l’aider à trouver une solution ou même lui prêter de l’argent temporairement. Mais évidemment qu’elle aurait refusé parce que Danika elle est forte et elle n’a pas besoin de l’aide de personne. À d’autres. « Est-ce que ça te regarde ? Est-ce que t’es chez toi ? Est-ce que ce sont tes tiroirs, est ce qu’il y avait ton nom sur ce putain de courrier ? » Je serre les poings, profondément irrité qu’elle tente de détourner la conversation sur moi. Pourquoi est-ce que c’est toujours si difficile d’avoir une réponse à mes fucking questions avec elle?! Le regard rempli de mépris, je lui réponds du tac au tac : « Oh shut up. Regarde-toi donc dans le miroir deux fucking secondes! Maddox c’est aussi mon fils et ça t’a pas empêchée de le garder rien que pour toi pendant des années pour autant. » Et là, elle ne peut pas dire que ça ne me regardait pas.
« Alors dit moi Lawrence, dit moi ce qui t’a poussé à fouiller mes tiroirs, à fouiller dans ma vie, à trouver ce qui ne te regarde en rien ? » Le regard plongé dans le sien, je la fixe en silence un instant, les poings serrés. Il est trop tard, le mal est fait, ça ne sert à rien de lui expliquer que j’aurais préféré ne rien trouver, que je désirais savoir ce qui se passait dans sa vie parce que tout ce que je voulais c’était d’en faire partie. Ma confiance est loin d’être inébranlable et Danika a démontré à maintes reprises qu’elle ne la mérite pas même si j’aurais aimé pouvoir lui donner comme je lui ai donné mon cœur une fois de plus. Une fois de trop. « VOUS VOULEZ MA PHOTO? » hurlé-je à l’attention de plusieurs curieux qui se sont arrêtés à proximité pour surveiller notre discussion. Je m’avance vers plusieurs d’entre eux en levant les bras, le regard mauvais, et ils se dépêchent de s’éloigner. Lorsque je tourne la tête vers Danika, je me rends compte qu’elle n’est plus là. Mon regard parcourt la salle et je la vois qui se dirige vers le buffet un peu plus loin. Je me lance à ses trousses et j’agrippe son poignet pour l’arrêter. « Où est-ce que tu penses que tu vas? J’ai pas fini! » dis-je sèchement. Sans lâcher son poignet, je lui arrache son masque de l’autre main, brisant l’élastique qui le retenait sur sa tête, dévoilant ainsi son visage violacé. Je fronce les sourcils, le regard mi-inquiet mi-furieux. « C’est quoi ça? » demandé-je en faisant un mouvement de tête vers son visage tout en lâchant son poignet de peur que les gens autour se mettent à croire que je suis la cause de ses hématomes. « T’étais où hier? Pis prends-moi pas pour une valise. » Inévitablement, je repense aux hématomes que j’ai vus sur son corps une semaine plus tôt, à sa réponse lorsque je lui avais demandé comment elle s’était fait ça. « Oh rien…c’était au dojo j’ai pas fait gaffe. », avait-elle répondu mais elle n’aurait pas eu besoin de me mentir hier si ça avait vraiment un lien avec le dojo. Il ne s’agit que d’un mensonge de plus sur la liste qui ne fait que s’allonger malgré moi. Danika est une cause perdue.
« Donc toi tu décides que je mens et ta première réaction c’est de fouiller tout mon appartement plutôt que d’essayer de m’en parler. Putain, t’as pas changé en fait. » Ma mâchoire se serre à ses paroles et mon regard se durcit. Je croise mes bras contre mon torse en la fusillant du regard, profondément irrité par son petit commentaire me concernant. « Ça nous fait quelque chose en commun parce que fuck que toi non plus t’as pas changé en fait. » Je reprends ses mots qui s’appliquent si parfaitement à la situation tandis qu’elle continue de mentir sans aucun scrupule. « Et je t’en parle là. Fais pas semblant que tu m’aurais tout dit si je t’en avais parlé hier, tu te serais braquée aussi parce que c’est rien que ça que tu sais faire. » répliqué-je sèchement en la regardant avec dédain. Tant mieux pour elle si elle se croit en ce moment, mais elle ne m’aura pas une fois de plus. Je commence à la connaître, Danika, je sais trop bien qu’elle aurait tenté de dévier la conversation plutôt que de m’expliquer vraiment ce qui se passe. « Et je n’ai pas « décidé » que tu me mentais, tu m’as menti et c’est tout. Assume for fuck’s sake. » C’est presque insolent de me prendre autant pour un cave. Si elle pense vraiment que je vais fermer les yeux et être docile, elle est vraiment plus épaisse que je le pensais. C’est d’une marionnette qu’elle a besoin, pas de moi.
Même si je me doute de sa réponse, je lui demande pourquoi elle ne m’a pas parlé de ses soucis financiers parce que je l’aurais aidée sans hésiter. Ce n’est pas comme si l’argent que j’accumule me sert à grand-chose actuellement et elle demeure la mère de mon fils. Si elle est stressée par ses soucis financiers et qu’elle doit faire des heures de fou pour tout rembourser, c’est du temps et de l’énergie qu’elle a en moins pour se consacrer à lui. « J’ai pas besoin de ton aide ! » Ma tête bascule vers l’arrière alors que je grogne bruyamment d’exaspération. « Parce que toi tu peux m’aider mais pas l’inverse, évidemment. T’aurais dont l’air faible de ne pas te sortir de ta marde toute seule. » Elle n’a pas hésité une seconde pour me proposer d’habiter chez elle pendant ma convalescence. Elle a pris soin de moi comme jamais pendant ces quelques semaines, mais elle s’entête à refuser mon aide en retour comme s’il s’agit de la pire chose au monde qui pourrait lui arriver. « Ça fait plus de trois ans que tu paies tout pour le petit, t’aurais eu qu’à te dire que cet argent était pour lui! » répliqué-je énervé. Je ne sais pas pourquoi je tente encore de la convaincre alors que je sais déjà qu’elle est trop bornée pour accepter mon aide et que je sais qu’il est trop tard pour sauver ce qui commençait tranquillement à se reconstruire entre nous. Le mal est fait.
La frustration est à son comble, le ton monte et je décroise mes bras, les poings serrés. Lorsqu’elle me dit que ça ne me regardait pas, inévitablement je lui remets sous le nez ma paternité qu’elle m’a cachée pendant près de quatre ans. « Putain mais c’est quoi le rapport ?! » Je ricane en secouant négativement la tête. « Que ça me regarde ou pas ça ne change absolument rien avec toi, c’est ça le rapport! Parce que tu gardes toujours tout pour toi, sans penser à l’impact que ta bullshit peut avoir sur les gens autour de toi. Y’a que toi qui compte. » Même pas son fils, quand on pense qu’elle l’a privé de son père pendant des années probablement par orgueil.
Des curieux se sont amassés autour de moi et je m’empresse de les chasser en leur criant dessus et en me dirigeant vers eux pour les intimider. « C’est ça attire encore plus l’attention. » Je ne réagis pas à ses paroles, trop concentré sur la petite foule autour de nous qui se disperse finalement pour faire attention à ce qu’elle a dit. Je me lance aux trousses de Danika lorsque je me rends compte qu’elle n’est plus là, l’agrippant par le poignet pour l’arrêter. Elle se crispe. « Tu me lâches maintenant Law. » Je finis par lâcher son poignet mais pas parce qu’elle me le demande, non, plutôt parce que je crains qu’on me croit responsable des hématomes que je découvre sur son visage en lui arrachant son masque. Inquiet, je lui demande comment elle s’est faite ça. « A ton avis ? Un combat au dojo, ça parait évident non ? » Énervé, je retire mon masque et je le balance dans une poubelle à proximité avant de pincer l’arête de mon nez une fois de plus, en soupirant. « Ça me parait surtout évident que tu me racontes de la bullshit encore. Parce que tu ne m’aurais pas fait croire que tu travaillais hier si t’étais au dojo. » Mon regard dur pénètre dans le sien et ne le lâche pas en espérant y trouver enfin les réponses à mes questions. C’est plutôt à sa colère que mon regard se heurte. « Tu te prends pour qui ? Je fais pas ça ici. » Sans dire un mot, je suis Danika jusqu’à l’extérieur sans me faire d’attentes.
Maintenant à l’extérieur, elle s’arrête et se tourne vers moi en croisant les bras sur sa poitrine, le regard défiant. J’imite sa position et j’attends qu’elle parle, me doutant à sa posture qu’elle ne compte pas m’en dire plus sur le sujet. « Ces factures ne te regardent en rien. Je dois juste un peu d’argent et parfois les factures s’accumulent. Je n’ai aucune obligation de t’en parler, tout comme je n’ai pas besoin d’aide ni de tes putains d’accusations. » La mine renfrognée, je hoche lentement la tête sans la quitter des yeux. Je n’obtiendrai visiblement rien de plus aujourd’hui, voire jamais. Je suis écœuré de me battre contre elle, de nager à contre-courant. « Je te dois rien. J’ai pas besoin de toi ! » Je la fixe un moment en silence, la mâchoire serrée. Comment quelqu’un peut réussir à me faire ressentir des émotions aussi fortes? Autant d’amour et de haine en même temps? Vient un temps où la colère prend trop le dessus et l’amour ne suffit plus et je dois me rendre à l’évidence que c’est là que nous sommes rendus. Lentement, je sors mon téléphone de ma poche et j’humecte mes lèvres en pianotant mon mot de passe sur l’écran. « J’aurais dû m’écouter et ne jamais recoucher avec toi. » Il faut croire qu’au final je n’aurai été que ce que je craignais : une distraction. C’est tout ce que je vaux pour elle. Le regard posé sur mon téléphone, je cherche le numéro de la compagnie de taxi que j’ai appelée plus tôt pour me rendre ici. Je porte le téléphone à mon oreille sans la quitter des yeux et je leur donne l’adresse. Je raccroche ensuite et je range mon téléphone dans ma poche. « J’ai pas besoin de toi non plus. Ça fait longtemps que j’aurais dû retourner chez nous. Tu vas être contente, c’est aujourd’hui que ça se passe. » Et même si je sais que c’est pour le mieux, j’ai tout de même le cœur serré en prononçant ces paroles. Je croyais que nous avions fait des progrès, que notre relation n’avait pas été aussi positive en plusieurs années et, pourtant, j’ai l’impression qu’on vient de revenir à la case départ et que les derniers mois viennent de s’effacer. Histoire de m’occuper en attendant le taxi, je sors mon paquet de cigarette de mes poches et j’en coince une entre mes lèvres que j’allume avec mon briquet. Je range le tout dans mes poches et, tandis que je crache la fumée d’un côté, je m’éloigne de Danika en silence sans rien dire de plus de peur que ma gorge nouée trahisse la tristesse qui se cache derrière toute ma colère.