La vie s’est, en apparence au moins, apaisée depuis quelques temps. Charlie a une fois pour toutes terminé ses études, elle a été placée sous l’aile d’Olivia au sein de la police et s’est mariée avec la seule personne qu’elle n’a jamais été assez maladroite pour rayer de sa vie. Il en est même venu à vivre chez elle, chose qu’elle n’aurait cru possible qu’après de longues et larmoyantes menaces de le tuer dans son sommeil si jamais il s’obstinait à ce qu’ils fassent maison à part. Cela n’a pas été le cas et aujourd’hui les chats cohabitent avec les jumeaux et le chien sans aucun mal. Elle soupçonne même Siobhan de préférer les chats de Léo plutôt que le chien avec lequel elle avait jusque là grandi. Tant qu’elle est heureuse, pourtant, Charlie ne saurait rien lui reprocher. Elle est toujours bien trop heureuse de rentrer de ses longues journées de travail pour retrouver son mari et de consacrer ses week-ends à ses enfants, lorsqu’Enoch daigne les laisser à la garde de leur mère. Tout semble finalement avoir un certain ordre, même les médicaments à donner à heure régulière à Siobhan.

Elle qui aspirait à une vie d’aventure dans laquelle aucun jour ne ressemblerait à l’autre, elle trouve plutôt bien son compte dans un quotidien toujours un peu plus apaisé et enfin sans heurts. C’est donc avec un sourire sincère qu’elle ouvre la porte de son appartement sans que rien n’ait changé dans son quotidien: elle n’a pas besoin de raison supplémentaire pour être heureuse. Charlie ne cache pas son étonnement lorsque la silhouette de Clément se dessine, là où elle se serait attendue à y voir qui que ce soit d’autre que lui-même. Leur histoire est longue, laborieuse et impossible à cerner mais sa présence n’est certainement pas une mauvaise chose. Tout a changé depuis leur première rencontre, et c’est tout autant le cas depuis leur dernière. “Léo n’est pas là, si c’est lui que tu cherches.” Il a toujours été l’ami (le petit ami) de son mari bien avant d’être le sien, Charlie pense donc naturellement qu’il cherche seulement le brun dans son nouveau chez lui. “Mais entre, si tu veux.” Ce n’est pas une raison pour le laisser à la porte et, aussitôt, elle lui laisse assez de place pour qu’il puisse passer le seuil alors qu’elle pense déjà à aller lui proposer quelque chose à boire ou à manger en s’engouffrant dans la cuisine. “J’ai entendu dire que tu t’exportais en Amérique, d’ailleurs.” Impossible de savoir ni d’où ni comment mais elle partage l’information incomplète avec un sourire fier au coin des lèvres. Le temps de l’éternelle bagarre est passé.

@Clément Winchester

Franchement, j'ai aucune idée de comment ni pourquoi je me retrouve là, devant le bâtiment qui abrite l'appartement de Charlie et Léo. Est-ce mon inconscient qui a décidé que ça faisait bien trop longtemps qu'on ne s'était plus vu, lui et moi ? Depuis notre (très) courte histoire et notre séparation, il s'est passé un nombre incalculables de choses dans nos vies respectives. Et je crois que c'est justement à cause de cela qu'aucun de nous n'a pu se libérer pour l'autre. Ainsi donc, j'ai décidé d'envoyer un message à Léo. Message auquel il n'a jamais répondu. J'avais pensé à le relancer, mais il y a eu mon passage à New-york, le fait que je me sois foiré, mes deux semaines de dépressions assez sévères , l'engueulade avec Loan puis les différentes promesses que je me dois de tenir. Et une de ces promesses a été celle de me reprendre en main.

C'est sans doute pour cette raison que je me retrouve ici, à quelques mètre de mon ex copain dans le but de renouer avec mes anciennes amitiés. Peut-être acceptera-t-il, peut-être décidera-t-il que ça n'en vaut plus la peine. Dans tous les cas, je décide de prendre mon courage à deux mains et me dirige vers la porte d'entrée du bâtiment. Celle-ci s'ouvre sur un des résidents qui me laisse entrer et c'est avec un sourire que je passe à côté de lui. Je monte les escaliers et m'arrête au palier face à la porte du bon étage. Après une profonde inspiration, je lève le poing et toque une fois, deux fois puis une troisième après avoir garder ma main en suspend pendant une ou deux secondes.

Lorsque la porte s'ouvre, ce n'est, pourtant, pas sur Léo que mon regard tombe, mais sur Charlie. Je pince les lèvres en un sourire, l'observe quelques instants puis hausse les épaules lorsqu'elle me dit que Léo n'est pas là.  « Je vois» soufflais-je simplement, près à faire demi tour pour revenir une autre fois. Mais finalement la jeune femme se décale et, d'un geste de la main, m'invite à entrer. Sans trop hésité, je suis la jolie blonde à l'intérieur de la demeure et laisse la porte se refermer derrière moi. Un peu mal à l'aise et ayant l'impression de m'introduire dans un espace un peu trop personnel du couple, je fini même par grimacer lorsque Charlie déclare avoir entendu que je m'exportais aux USA.

 « C'était l'idée, oui» soufflais-je en me grattant le nez et en me mordillant l'intérieur de la joue.  « Mais ça ne se fera pas» je fini par me retourner vers elle et lui faire face  «J'ai foiré mon audition et donc ma chance de faire partie d'un spectacle dont je rêve depuis ...depuis que j'ai 5 ans » j'hausse les épaules comme si ça ne me faisait ni chaud ni froid alors que dans le fond la blessure est toujours rouge, vive et enflammée.

 « Je vais arrêter la comédie musicale » avouais-je finalement  «Même si faire un trait sur ce rêve est horriblement compliqué, je dois bien me rendre à l'évidence que la comédie musicale m'a prit bien plus qu'elle ne m'a rapporté » ma santé physique et mentale en ont bien trop soufferts  «Je vais me tourner vers une carrière dans le théâtre, tout simplement » c'est la première fois que j'annonce cette décision à haute voix et c'est face à Charlie. C'est toujours à elle que je me confie avec une facilité qui est beaucoup trop déconcertante.

Spoiler:

Elle use de politesse pour le mettre à l’aise, décidant dans la seconde de parler de pluie et beau temps puisque c’est l’une des choses en ce monde qu’elle réussit le mieux. Charlie pourrait lui tenir une conversation sur n’importe quel propos sans jamais s’en lasser, passant de la guerre Israélo-palestinienne à la critique des blagues de Big Bang Theory sans le moindre mal. Pour autant, elle garde encore le flot de paroles pour elle et se contente de quelques mots envers le brun, en profitant pour prendre de ses nouvelles, quand bien même il est celui étant venu à sa rencontre. « C'était l'idée, oui. Mais ça ne se fera pas. » Et bien évidemment, il fallait qu’elle mette d’emblée les deux pieds dans le plat. Ses yeux grossissent à peine, sa bouche reste fermée pour ne pas qu’elle se forme d’un ‘ah’ silencieux. “Oh. Désolée.” Avoue-t-elle aussi rapidement que sincèrement, faisant autant allusion à sa maladresse qu’au fait que ‘ça ne se fera pas’. Devenue disciplinée avec le temps, elle n’aurait posé aucune question supplémentaire, mais Clément continue tout de même ses explications, apparemment envieux de les partager. « J'ai foiré mon audition et donc ma chance de faire partie d'un spectacle dont je rêve depuis ...depuis que j'ai 5 ans. » Le monde du spectacle ou de la scène ne ressemble en rien au sien, tant et si bien qu’elle est loin d’en comprendre toutes les ficelles, mais elle peut au moins savoir que s’il s’est vu refuser l’entrée pour un spectacle alors cela ne signifie pas pour autant qu’il en sera de même avec les autres susceptibles de l’intéresser. Non ? “Tu penses retentais ta chance ? C’est ton rêve après tout.” Et chaque rêve mérite qu’on s’en donne les moyens, même les moins légaux ou moraux - ce genre de choses n’a plus aucune importance assez rapidement, aux yeux de la blonde.

La réponse tombe rapidement, unanime et surtout très surprenante. « Je vais arrêter la comédie musicale. » Parce qu’il a été recalé à l’audition ou parce que cela ne lui plaît finalement pas ? Charlie, ayant tendance à rapidement en venir aux conclusions, pense de façon certaine qu’il s’agit de la première proposition et qu’il ne supporte tout simplement pas l’échec ou bien le refus. A ses yeux, cela lui semble disproportionné mais après tout cette vie n’est pas la sienne et ses choix n’ont aucune conséquence sur elle. Ses explications assagissent la plus jeune, laquelle se contente finalement d’un hochement de tête compréhensif. Il a ses raisons, donc, et elles semblent plus que louables. « Je vais me tourner vers une carrière dans le théâtre, tout simplement. » Tel un chat, l’australien tente de retomber sur ses pattes et de viser de nouveaux objectifs. Maintenant qu’elle a un regard maternel, elle ne peut s’empêcher de penser que c’est ce qu’elle aurait aussi espéré pour ses enfants s’ils s’étaient trouvés dans la même situation. Dans vingt ans, peut être. Tu voudrais toujours viser l’étranger ou tu prends finalement goût à Brisbane ? Théâtre ou comédie musicale, après tout, elle serait bien la dernière à comprendre l’exacte différence entre ces deux spectacles de scène. Moi qui t’imaginais déjà dans des costumes ridicules, j’espère que tu ne vas pas me décevoir, jeune Winchester. Finalement, c’est un clin d’oeil couplé d’un sourire qui l’emportent : qu’il fasse quelque chose qu’il aime, c’est bien évidemment le plus important, surtout si cela lui sauve une certaine santé mentale et physique.

C'est presque devenu une habitude que celle de me confier aussi aisément à Charlie. Même si je n'ai encore aucune idée si je l'adore ou si je la déteste, je sais au moins qu'il m'est très facile de la considérer comme une confidente. Je peux lui parler à cœur ouvert comme je le fais actuellement et même s'il lui arrive de me juger, elle ne répétera sans doute pas mes secret. Alors, certes, le fait que je me sois foiré à Broadway et que j'ai décidé d'abandonner la comédie musicale n'est pas forcément un secret -ou du moins, cette information ne restera pas secrète éternellement- mais pour l'instant Charlie est la seule et unique à le savoir. Même Loan n'est pas encore réellement au courant de mes choix !

Elle semble sincèrement compatissante pour moi mais ses paroles sont légères et teintées d'humour. C'est avec un petit rire que j'accueille le fait qu'elle me dise être qu'elle m'imaginait déjà avec des costumes ridicule et qu'elle espère malgré tout qu'elle aura la chance de me voir avec un accoutrement aussi bizarre.  «T'inquiète, ce ne seront pas les occasions qui manquerons » dis-je en haussant les épaules   «Exprès pour toi je vais trouver les auditions pour les rôles les plus ridicules qui me tombent dessus et je t'enverrais des invitations pour venir me voir » je souris doucement puis croise les bras et regarde autour de moi  « Enfin...je vous enverrais des invitations» me reprenais-je, incluant Léo dans l'équation.

 «ça va ? » demandais-je finalement, après quelques secondes de silence  « Et entre vous ? Et les enfants ? Et... Enfin, ça va dans ta vie ? » Je pince les lèvres et relève mon regard sur la jeune femme qui me fait face, la dévisageant discrètement. Elle n'a pas l'air fatiguée en tout cas. Elle a même l'air heureuse. Ou est-ce je me trompe ? Les apparances sont souvent trompeuses et, il faut dire ce qu'il en est : j'ai jamais réussi à cerner Charlie et je suis bien incapable de savoir ce qu'elle pense.  « Félicitation, au fait» reprenais-je, mon regard vrillant succinctement vers une photo du couple  « Au final, tu as quand eu ce que tu désirais» mon ton est doux et compréhensif, je ne suis aucunement dans le jugement et encore moins dans l'amère, bien au contraire. En vrai, je suis heureux pour Charlie car je sais combien Léo est important pour elle et qu'elle l'aime d'amour depuis bien longtemps.

A défaut de vouloir jouer sur la corde sensible et tout le pathos des confessions de Clément, Charlie tente de trouver de quoi en rire et sourire et est heureuse qu’il se prête aussi facilement au jeu. La jeune femme se plaint faussement de ne pas pouvoir déjà l’observer avec des habits ridicules sur scène, sujet sur lequel il la rassure bien rapidement. « T'inquiète, ce ne seront pas les occasions qui manqueront. » Le sourire de la jeune femme s’élargit encore un peu plus, tant en réponse à la blague que pour ce qu’elle comprend derrière ses paroles : il n’abandonne pas. « Exprès pour toi je vais trouver les auditions pour les rôles les plus ridicules qui me tombent dessus et je t'enverrais des invitations pour venir me voir. » Ne s’attendant pas à ce qu’il joue autant le jeu, cette fois-ci elle émet un rire sincère. « Enfin...je vous enverrais des invitations. » Bien sûr, il n’oublie pas Léo. Ou si, justement, il l’oublie un temps, mais c’est pour mieux se rattraper l’instant d’après, personne ne lui en tient donc rigueur. La blonde n’a aucun mal à comprendre qu’il ait du mal à se faire à la nouvelle, qu’elle soit tant au niveau de leur mariage que leur emménagement ensemble. “On se ferait un plaisir de venir te voir ensemble.” Elle n’a aucune idée de savoir si oui ou non cela intéresserait réellement Léo mais puisqu’elle vient de le jeter dans la fosse aux lions, il n’y a plus de libre arbitre possible pour son mari. Désolée.

Après avoir eu le rapide résumé des derniers événements de la vie de son ami, Charlie lui propose enfin de s’installer sur le canapé en même temps qu’elle lui propose un large choix de boissons, allant même jusqu’à des cocktails préparés avec les bouteilles dérobées au DBD. Ce n’est pas comme si elle l’avait fait sous les yeux de Matt, de toute façon - ou si, c’est justement bien ce qu’il s’est passé. « Ça va ? » Prise de court par la question qu’elle n’attendait pas, la blonde ne sait que répondre par un vigoureux hochement de tête. Elle n’a pas à se poser la question : tout n’est pas parfait dans sa vie mais ce n’est pas pour autant qu’elle ne se porte pas bien. Elle est heureuse, en tout cas. « Et entre vous ? Et les enfants ? Et... Enfin, ça va dans ta vie ? » Les questions ciblées sur sa vie de couple avant toutes choses la font rire : Clément est toujours égal à lui-même. Si elle ne doute pas qu’il prenne de ses nouvelles avec sincérité, elle se doute bien qu’il aurait préféré être à sa place et partager une bague avec Léo lui-même. Bien des choses ont changé depuis le temps où les deux hommes étaient en couple. “Tout va bien, oui, on commence à prendre nos habitudes.” Il s’est habitué aux enfants bien plus vite qu’elle n’aurait pu l’espérer et il a pris ses marques chez elles tout aussi rapidement, notamment grâce au fait que l’initiative d’emménager ensemble soit venue de sa part. “Dans ma vie aussi, ça va. Je suis officiellement stagiaire dans la police, si tu veux tout savoir.” Et elle se doute qu’il n’en a sûrement rien à faire mais son évolution professionnelle la rend fière, alors elle se permet de la lui partager, si lui prend le temps de la questionner en premier lieu. Ils ont sans doute bien plus de zones d’ombres et d’incertitudes qu’elle ne voudrait le croire, faute au contact perdu depuis un certain temps maintenant.

« Félicitation, au fait. » - “Merci.” Venant de sa part, ces mots ont une saveur bien particulière et Charlie sait les apprécier à leur juste valeur. Il aurait pu s’énerver, s’emporter, décider de ne plus leur parler ou même leur mettre des bâtons dans les roues mais Clément a continué à être un ami pour eux deux et c’est ce qui importe, bien avant tout le reste. « Au final, tu as quand même eu ce que tu désirais. » Il ose des remarques que beaucoup auraient jugé bon de garder pour eux, faisant sourire Charlie davantage encore. A l’époque où elle s’est confiée à lui, elle n’aurait jamais cru que les choses se passeraient de la sorte, et encore moins aussi rapidement. Être en couple avec Léo paraissait déjà impossible, alors prendre son nom ne lui était même pas venu à l’esprit. Aujourd’hui, c’est pourtant son quotidien. “Je crois que je l’ai un peu menacé de divorcer de son ex-femme pour se marier avec moi, mais c’est pas une histoire que je raconterai à nos enfants.” L'autodérision est de mise alors que Charlie ne le ‘croit’ pas mais sait plutôt pertinemment que les choses se sont belles et bien passées ainsi, et qu’il n’a pas besoin de savoir comment s’est passé le reste. “Mais oui, j’ai eu ce que je voulais, on peut dire ça comme ça. Et toi ? Côté coeur, je veux dire.” Puisque professionnellement parlant, elle a déjà eu la réponse à sa question.

Ça me fait plaisir de revoir Charlie. Et surtout de la voir aussi souriante et joyeuse. J'avoue que ce n'est pas tous les jours que j'ai eu l'occasion de l'entendre rire de la sorte et même si elle a toujours été du genre à faire de l'humour, j'ai bien l'impression qu'aujourd'hui les blagues ne sont pas une façade mais qu'elle est sincère. Elle parvient enfin là où elle a très souvent échouer : me mettre à l'aise. Aujourd'hui, je sais que je peux être naturel et moi-même, je sais qu'il n'y aura pas de jugement ni de ma part ni de la sienne et ça, ça n'a pas de prix.

C'est donc tout à fait naturellement qu'après m'être pris à son jeu, que je lui demande des nouvelles d'elle, ses enfants, son mariage ….bref de sa vie. J'apprends ainsi que tout le monde va bien et qu'elle est stagiaire dans la police. J'arque un sourcil, ne cachant pas surprise lorsqu'elle me dit ça puis hoche doucement la tête  « Eh ben dis donc ...» soufflais-je  « Les forces de l'ordre ….c'est de famille, c'est ça ?» demandais-je avec un sourire amusé, faisant référence à son parrain qui est dans la Navy.  «Enfin, si ça te plaît, tant mieux hein ! » je me redresse  «ça fait combien de temps ? Et pourquoi la Police ? Tu faisais pas des études en ...journalisme ? » je fronce légèrement les sourcils, me rappelant des raisons de notre rencontre.

La suite évidente de notre conversation est Léo et leur mariage. Je dois avoir un certain culot quand même lorsque je lui dis que, finalement, elle a ce qu'elle a toujours désiré, me rappelant pertinemment de ce moment où elle s'est confié à moi concernant l'amour qu'elle éprouvait pour son meilleur ami. Dans un sourire, elle me répond avoir menacé l'ex femme de Léo mais que ce n'est pas une histoire qu'ils raconteront à leurs enfants.  «Ah ouais ... » j'hoche doucement la tête  « Donc les enfants sont aussi prévu ?» demandais-je, avec curiosité.

 « De mon côté tout va pour le mieux» vraiment ?  « j'ai emménagé avec mon copain au début du mois. C'est un danseur qui m'a remplacé un jour dans le spectacle qu'on avait fait avec Northlight, on partageait la scène » avant de partager le même lit, étais-je tenté d'ajouter mais je me retiens bien de faire une telle allusion  « ça fait plus d'un an qu'on est ensemble...c'était un peu compliqué après New-york. Entre le fait que je me suis rétamé là-bas et ...plusieurs autres imprévus, j'étais pas bien et ça s'est fait ressentir sur notre couple mais ...bon bref ça va bien en vrai, maintenant» je me redresse puis ré affiche mon sourire  « On a d'ailleurs ouvert un studio ensemble. Un endroit qui se veut être un safe space pour tout le monde, peu importe leur origine, leur orientation sexuelle, leur identité de genre, bref ...un endroit où les gens viennent pour s'exprimer à travers la danse et le théâtre » j'enfonce mes mains dans mes poches  «Tu sais aussi bien que moi à quel point la scène a été ma thérapie pendant de longues années, du coup ...avec Loan on voulait redonner un peu de tout ça aux autres qui ont en besoin » concluais-je dans un haussement d'épaules.

La blonde est désormais habituée à voir le visage de son interlocuteur se muer en des traits surpris dès lors qu’elle évoque sa nouvelle formation dans la police. Cela n’a pas été une évidence pour elle non plus, il faut bien l’avouer. Au début, tout du moins, puisque maintenant elle ne voudrait changer de vie pour rien au monde, peu importe à quel point le rythme imposé lui en coûte et empiète sur sa vie de famille déjà difficile. « Les forces de l'ordre… c'est de famille, c'est ça ? » Elle a un sourire amusé, ne s’attendant pas à une telle remarque de sa part alors qu’ils sont encore bien loin de tout savoir sur la vie d’autrui. Pour être honnête, elle ne se souvient même pas lui avoir fait part de cette information à un moment donné mais cela n’apparaît en rien comme un problème, bien au contraire. “Dans un certain sens, j’imagine que oui.” Même si elle ne se voit pas rejoindre la Navy un jour et qu’eux ne se voient pas rentrer dans la police non plus. Leurs points communs connaissent rapidement leurs limites. Celles-ci ne sont en rien un problème. « Ça fait combien de temps ? Et pourquoi la Police ? Tu faisais pas des études en… journalisme ? » Doucement Clément, c’est moi la seule (future) enquêtrice de cette pièce. “J’ai passé des examens et ce genre de truc, maintenant on m’apprend petit à petit le terrain.” On lui apprend surtout à bien se tenir derrière le bureau mais dès qu’elle a le droit de sortir d’entre les murs du commissariat, c’est comme si Noël venait frapper à sa porte. Parfois, elle se dit qu’Anwar ferait un très bon Père Noël.

« Donc les enfants sont aussi prévus ? » Ils le sont dans son esprit et dans sa vision du futur, mais elle doute encore sérieusement qu’il en soit de même pour Léo. Le sujet est épineux et même Charlie n’ose pas l’entamer avec lui, malgré toute sa force de caractère et son impétuosité. Elle a bien plus à y perdre qu’à y gagner pour le moment et tout ce à quoi elle aspire, c’est un brin de stabilité, pour un temps au moins. “On est déjà bien occupés avec les jumeaux, mais ce n’est pas une possibilité à exclure.” Elle serait justement la dernière à le faire, et la difficulté qu’elle a à aborder le sujet n’est qu’une raison de plus pour elle de lui demander comment se porte sa vie sentimentale en retour. L’entendre lui dépicter un tableau si paisible est nouveau et c’est une très bonne nouvelle, pour tout le monde. “Il s’appelle comment, ce danseur arrivé au bon moment ?” Elle demande doucement, tente de faire les choses pas à pas puisqu’elle a l’impression de rattraper une année de vie entière en seulement quelques mots. Cette impression est sans doute liée au fait que ce soit justement le cas ; ils ne se parlent pas assez pour rester au courant des choses lorsqu’elles se produisent. “Il a l’air d’être arrivé au bon moment pour toi. Et j’imagine que la réciproque est vraie.” Elle est heureuse, Charlie, sincèrement heureuse. S’il l’est, alors elle l’est tout autant. Malgré toutes les discussions houleuses qu’ils ont pu avoir, elle estime qu’il mérite d’être heureux.

Étonnée de l’annonce de l’ouverture de leur studio, elle est sincèrement fière du parcours qu’ils ont parcouru et de toutes les idées qu’ils ont. Monter un tel projet à deux est une véritable preuve d’amour autant que de confiance, ce qui la laisse avec un interminable sourire au coin des lèvres. “Loan, alors.” Elle a eu sa réponse avant l’heure, elle était trop pressée de tout savoir. Le métier qui rentre, sûrement. “Vous avez des projets pour les autres, mais qu’en est-il pour vous ?” Il y a des étapes préconçues dès qu’un couple commence à emménager ensemble, n’est-ce pas ? Mariage, enfants, et tout ce qu’il s’en suit.

ça va faire deux ans maintenant que Léo et moi nous sommes séparés mais il m'arrive encore d'y repenser régulièrement. Non pas par envie ou regret mais avec cette douce nostalgie que l'on ressent lorsqu'on a accepté que le passé reste le passé, que celui-ci est immuable et que nous ne pouvons plus rien y changé. Avec Charlie, les choses n'ont jamais été facile, j'ai longtemps été incapable de savoir si je l'aimais bien ou si elle m'énervait, mais aujourd'hui, face à elle, j'ai la certitude qu'elle et moi pouvons devenir de bons amis si nous nous laissons la chance. Ainsi, je lui faire part de ma très sincère joie de savoir que leur mariage se passe pour le mieux, m'intéressant autant à elle qu'à son couple.

Rapidement, j'apprends qu'elle est maintenant en stage à la police et ne fait rien pour cacher mon étonnement. Avec un sourire amusé, elle reste évasive et ne répond pas à toutes mes questions. Me doutant qu'il doit sans doute y avoir une bonne raison, je me contente de lui sourire et hocher la tête  « Je vois» dis-je en croisant les bras pour m'adosser contre la table qui se trouve derrière moi  «Tant que ça te plaît c'est l'essentiel  » ajoutais-je pour conclure le sujet et sauter sur le suivant : l'avenir du couple Léo/Charlie

Elle dit être très occupé par les jumeaux mais que ça ne la dérangerait pas si, en temps voulut, il y aurait un troisième petit être qui viendrait s'ajouter à leur famille.  «Je ne peux que vous le souhaiter » assurais-je avec toute la sincérité du monde  « je suis sûr que Léo est gaga devant les gamins, non ?» un demi sourire amusé vient étirer la commissure de mes lèvres, avant qu'il ne prenne une forme plus sérieuse lorsque le sujet dérive sur Loan.

Je ne manque pas de lui parler ouvertement de ma relation avec le danseur, combien je l'aime, combien ce n'est pas tout rose tous les jours mais surtout combien notre couple est fort. Évoquant aussi notre projet, j'avoue être étonné lorsque Charlie me demande si nous n'avons pas des projets de couple, pour nous seulement.  «Comment ça ? » demandais-je en fronçant légèrement les sourcils en une moue de réflexion, l'interrogeant du regard également.  «Tu veux dire ...des projets de mariage ? » c'est maintenant un sourire moqueur qui s'affiche sur mon visage  « Je ne sais pas» haussais-je les épaules  «J'avoue que l'idée même du mariage me fait flipper, mais au final, pourquoi pas ? » me demandais-je en haussant les épaules  «c'est un peu le l'objectif de la plupart des couples, non ? » je souris doucement  «Enfin, on verra bien. Aucun de nous ne se met la pression ni la met à l'autre, on est juste là, à vivre au jour le jour et notre objectifs premier c'est d'être bien et heureux ensemble. Donc autant y aller sans pression et attendre tranquillement ce que l'avenir nous réserve  » et pourtant, en disant cela, Charlie et moi-même sommes loin, très loin, d'imaginer qu'elle vient de planter une idée dans mon esprit et que celle-ci va commencer à germer tout doucement.

Il est plutôt ironique de noter que Charlie n’a aucun mal de parler de son envie d’avoir un nouvel enfant avec Clément alors que le sujet est plus que tabou avec son mari, l’homme avec lequel elle souhaiterait justement agrandir sa famille. Décidément, tout ce qui touche au Winchester devient instantanément un paradoxe digne des plus grandes énigmes de notre temps. « Je suis sûr que Léo est gaga devant les gamins, non ? » - “Bien sûr, oui.” Bien sûr, oui. Il l’est parce que ce sont les enfants de Charlie et que l’un d’eux est même son filleul, mais au-delà de ça la blonde sait bien qu’il n’est pas fan de ces petites choses marchant sur quatre pattes. Il y préfère largement ses chats, et elle redoute encore largement qu’il ne souhaite tout simplement pas engendre de progéniture et assumer les conséquences allant avec. Ce qui aurait tout d’une réponse sensée est impensable pour la jeune policière. Qui plus est, elle est certaine qu’il ferait un très bon père.

Lui ne comprend pas où elle souhaite en venir « Je suis sûr que Léo est gaga devant les gamins, non ? » alors qu’en retour, c’est Charlie qui ne comprend pas ce qu’il ne peut comprendre. L’éternelle histoire du serpent qui se mord la queue. “Comment ça quoi ?” - « Tu veux dire ...des projets de mariage ? » La jeune femme rigole doucement, amusée par toute l’innocence du son de sa voix autant que de la question en elle-même. C’est dans des instants comme celui-ci qu’elle comprend comment lui et Léo ont pu finir en couple - et qu’elle se demande comment quatre mains gauches ont pourtant pu en arriver jusque là. Ces souvenirs sont évoqués avec humour et non plus avec la moindre once d’amertume. Après tout, c’est un passé révolu et chaque chose est rentrée en ordre aujourd’hui : Clément est heureux avec un autre ; elle l’est avec Léo.

Sans ajouter le moindre mot, Charlie l’écoute donc partager sa vision du mariage, ses appréhensions à ce sujet aussi. Elle ne peut que comprendre ce qu’il ressent, sans pour autant partager ses émotions. Il est normal d’être effrayé par un si grand pas en avant autant que par l’obligation juridique de rester après de la même personne pour… toujours ? C’est une chose qui l’aurait fait fuir, si jamais qui que ce soit lui avait proposé sa main. Telle Holly Golightly, elle se serait en allée, n’aurait rien emporté avec elle, aurait tout recommencé ailleurs dans le simple but d’être libre. Pourtant, avec Léo, tout est différent et peut-être qu’il en sera de même pour Clément et Loan. Après tout, s’il rend le danseur heureux alors c’est tout ce qui importe. « C'est un peu le l'objectif de la plupart des couples, non ? » Elle bouge lentement sa tête de la droite vers la gauche. “Pas forcément, non.” Les couples peuvent avoir des dizaines si ce ne sont des centaines de rêves différents et le mariage est loin d’être une fin en soi, un objectif à atteindre. Tous n’aspirent pas à la même chose et Charlie n’y voit rien de plus normal : tout le monde est différent. Ce qu’elle vit auprès de Léo n’aurait pas été semblable si un autre homme lui tenait la main. “C’est un bon objectif premier, je trouve.” Elle conclue dans un sourire après la tirade de son ami qui, bien que quelque peu caricaturale, dégouline pourtant d’une certaine vérité. De toute façon, s’ils en viennent à se marier elle finira par l’apprendre dans les journaux et, avec un peu de chance, elle sera peut-être même confiée à la fête (quoi que Léo serait sans doute le premier invité et elle serait le +1 de politesse, certes, mais la finalité reste la même). “A vous, donc.” Elle lève son verre pour porter un toast à leur jeune couple et leur amour naissant, heureuse d’avoir eu cette conversation avec Clément. Comme quoi, ils semblent capable de se parler comme des personnes normalement constituées, désormais.

Aujourd'hui me montre à nouveau que j'ai réellement passé le cape Léo. Il a, certes, été mon premier copain et le premier homme pour qui j'ai commencé à avoir des sentiments, mais ces sentiments n'étaient que naissant et n'ont pas eu le temps de grandir et prendre plus de puissance. Au final, c'est une bonne chose que notre relation n'ait pas tenue plus de quelques mois, l'attachement n'étant donc pas aussi présent que si nous avions maintenu ce couple plus longtemps. Ainsi, je suis réellement et sincèrement heureux pour lui et Charlie qui méritent de vivre la vie qu'ils veulent. D'autant plus que je suis moi-même totalement comblé par Loan, donc je n'ai absolument aucune raison d'être jaloux de l'amour qui est dépeint par la jeune femme face à moi.

La conversation que nous avons est une conversation de deux adultes qui savent se tenir, qui sont juste heureux l'un pour l'autre et qui ne veulent pas plus de drama dans leur vie qu'ils n'en ont déjà. Simple, doux et léger, voilà comment je pourrais définir cet échange basé sur un respect commun. Nous échangeons des nouvelles comme deux amis de longues dates qui ne se sont plus vu depuis longtemps, nous évoquons le mariage qui, jusqu'à présent, était quelque chose que je ne pouvais et ne voulais absolument pas envisager. Et pourtant ….

Toutefois, c'est en levant le verre en ma direction, que Charlie coupe mon élan de pensé alors qu'elle décide de porter un toast à mon couple. Laissant échapper un rire amusé, je lève à mon tour le verre  « Et à votre amour » concluais-je en laissant doucement tinter les deux verres l'un contre l'autre avant de prendre une gorgé de ma boisson. La suite ? Elle n'est pas encore écrite. Elle sera à vivre et viendra bien assez tôt, alors autant juste profiter de ce précieux moment hors du temps.