« Je peux avoir menthe chocolat avec les sprinkles s’il te plaît ? » Je retiens un rire avant de réciter la commande de ma filleule à la vendeuse du magasin de glace. Comme pris des semaines auparavant, j’avais enfin trouvé le temps de passer une après-midi entière avec Clara. Si l’on avait débuté par un déjeuner à mon appartement, le beau temps, nous avait amené à aller explorer le parc non loin de chez moi avant de se retrouver au bord de la rivière. Pendant près de deux heures, j’ai joué à tous les jeux possible et imaginable faisant un point d’honneur à lui démontrer que contrairement à son père, son parrain tenait encore la route. L’heure du goûter avait sonné et le marchand de glaces avait fini par avoir raison de la promesse que j’avais faite à Thomas concernant le taux de sucre ingérer dans la journée. J’avais autant envie d’une glace qu’elle et c’est un véritable plaisir que de se retrouver assis en terrasse avec la petite demoiselle qui me raconte une histoire qui a eu lieu durant ses heures de classes. Elle a bien grandi Clara et à force de l’observer me raconter son petit monde, je ne peux cesser, m’imaginer manquer tout cela auprès d’Ailis. C’est un sentiment qui me colle à la peau depuis quelques jours, comme une défaite que je n’oserais encore pleinement admettre. Eavan refuse de me laisser voir la petite plus de quelques minutes de temps en temps et la séparation deviens de plus en plus difficile à gérer. En particulier lorsque mon avocat semble coincé dans les démarrages à entamer. « Parrain, tu m’écoutes ? » Je secoue la tête pour me sortir de mes pensées et croise le regard d’une Clara bien moins amusé. « Excuse moi, j’étais en train de rêver. » « T’es tête en l’air ! » Je retiens un rire face à la réplique de la gamine et lui propose d’essuyer l’immense moustache de glace à la menthe qui orne son menton.

Il est un peu plus de dix-sept heures lorsque je me gare devant chez Thomas. Clara s'est assoupi dans son siège auto et je viens la récupérer en douceur. Elle bronche à peine, probablement épuisée après les heures à courir de partout. Lorsque son père vient nous ouvrir, je lui offre un sourire. « Je vais aller la poser sur son lit. » Je m’empresse de monter dans sa chambre pour déposer ma filleule sur son matelas sans oublier de lui rendre son doudou que j’avais coincé dans ma poche. C’était une bonne journée et c’est tout ce dont j’avais besoin pour me sentir un peu plus léger.

« Tu vas avoir la paix ce soir, je l’ai fait courir dans tout le parc pendant trois heures. » que je plaisante alors que je rejoins mon meilleur ami dans le salon. Arthur me fait coucou depuis sa petite table où il est en train d’assembler des legos avec une grande concentration. « Comment va ton dos ? » que je demande à Thomas, n’ayant pas vraiment eu le temps de le croiser depuis la dernière fois.

@thomas beauregard

Clara est avec Cian, Arthur est chez son autre père. Ainsi, aujourd'hui, je suis seul avec Alexander et je pense que c'est une journée dont nous avons besoin, mon aîné et moi. Ça fait maintenant plusieurs mois déjà que nous avons du mal à communiqué, Alex avec ses 14 ans étant en pleine crise d'adolescence. Bien plus traumatisé qu'il ne voudrait l'avouer par mon divorce avec sa mère puis ma séparation de Myrddin, il a beaucoup n'arrive pas à gérer ses émotions et il n'est pas rare de le voir partir dans des crises de rages puis dans d'angoisse. En général je parviens à garder mon calme mais la semaine dernières nous nous sommes engueulé violemment car j'ai perdu patience. Pendant bien vingt minutes nous n'avons pas réussi à nous expliquer, il a tenu des propos horribles et durs envers moi et moi je n'ai pas réagis comme un adulte devrait réagir. J'ai bien vu que les jours suivant , malgré sa forte tête, il était peiné, sans doute autant que moi. A chaque fois que l'un de nous tentait de faire un pas en avant, l'autre reculait jusqu'à ce qu'Alex ne prenne son courage à deux mains et me demande si je peux me réservé la journée de samedi pour lui, sachant que ni Clara ni Arthur ne seront dans nos pattes. Heureux et soulagé qu'il ait osé faire le premier pas, je n'ai pas mit longtemps avant d'accepté.

Et c'est donc ainsi qu'a commencé une journée fun avec mon aîné. Je l'ai emmené faire du karting, puis nous sommes allez mangé puis sommes allé voir un film au cinéma et c'est en débattant de ce que nous venons de voir, que nous sommes rentré, après avoir fait un passage par chez Myrddin pour chercher Arthur. Je ne suis pas resté longtemps, c'est à peine si j'ai dit bonjour en vrai et je suis resté sur le pas de la porte, refusant de rentrer. Après qu'Arthur ait fait un dernier câlin à son papa, je suis allé l'asseoir dans la voiture avant de reprendre ma place au volant. Arthur s'est installé à la table pour dessiner tandis qu'Alex et moi avons discuté encore une bonne demi heure avant qu'il ne décide qu'il avait besoin d'être à nouveau un peu seul. A peine a-t-il atteint sa chambre, que j'entends les crissements de pneu dans l'entrée de garage. Cian n'a même pas besoin de sonner que je suis déjà à la porte, le laissant entrer pour aller coucher Clara dans son lit.

En attendant, je me dirige vers la cuisine et sort deux bières. J'en tends une à mon meilleur ami lorsqu'il me rejoint et hoche la tête à sa question  « Un peu sensible, mais compte tenu de la journée que j'ai eu ça va plutôt bien !» répondis-je en décapsulant ma bière  « Je vais peut-être regretter la partie de Karting demain cela dit» je laisse échapper un petit rire puis me dirige vers le salon où je m'installe sur le canapé dans un soupire  « Vous avez fait quoi Clara et toi ? Elle a mangé combien de glace en tout ?» demandais-je avec un sourire amusé en coin, gardant un œil sur Arthur qui, a part un signe de la main à Cian, ne s'est pas laissé déconcentrer de son dessin.

Lorsque je dépose Clara dans son petit lit, je remarque qu’elle semble avoir créé un véritable petit musée de toutes les peluches que j’ai pu lui acheter depuis sa naissance. Elles sont toutes parfaitement alignée sur la rambarde juste au-dessus de son lit, remplissant à la perfection leur rôle protecteur comme j’ai toujours pu lui dire. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que j’observe la petite fille s’installer plus confortablement contre son oreiller. Je viens déposer un baiser sur sa joue avant de reculer en silence pour fermer la porte et m’échapper à nouveau dans le couloir. En passant, j’aperçois Alex dans sa chambre et frappe doucement au panneau de bois pour lui signaler ma présence. Il m’offre un signe de la main l’adolescent. « Salut Cian. » « Salut mon grand. » J’allais lui poser une question, mais il déjà reparti dans ce qu’il était en train de faire et je ne voudrais pas le déranger bien plus longtemps. Alors je me contente de rejoindre son père à l’étage du dessous.

Il fait le malin Thomas à partir faire du karting avec son fils, mais je crois qu’il va le payer cher demain au vu de la grimace qui anime déjà son visage. « T’es pas possible. » Je sais qu’il avait besoin de passer du temps avec son grand et qu’il a probablement voulu lui faire plaisir, mais je suis pas sûr que le karting était la meilleure des options. Mais il est bien rapide pour changer de sujet mon ami me demandant déjà ce que j’ai bien pu faire avec sa fille toute la journée. « On a cuisiné chez moi, sans foutre le feu. » Bon, j’avais déjà un peu préparé et Clara m’as aidé à réchauffer les légumes. « Après elle a voulu aller au parc, et comme je suis le meilleur parrain de la planète entière, j’ai joué a tout ce qu’elle voulait. » Cela inclut les princesses et tout un tas de trucs enfantin qui m’ont fait rire comme un gamin. « Et elle a mangé qu’une seule glace, je te jure ! » Bon avec un extra de sprinkles sur le dessus, mais c’est pas vraiment du sucre en trop non ? « Puis j’en avais autant envie qu’elle. » Elle est parfaite l’excuse non ? Probablement non.

Avant de filer, je me souviens que Thomas m’avait fait savoir qu’il aimerait me parler lorsque je lui ramènerais sa fille dans la soirée. La maison est calme, Arthur semble vraiment plonger dans son dessin, alors je me tourne vers le militaire un peu curieux. « T’as dit que tu voulais me parler ce matin, non ? »

Tandis que Cian et Clara montent à l'étage, je fini de ranger les quelques affaires qui traînaient encore dans le salon avant de sortir deux bières et rejoindre le salon lorsque mon meilleur ami redescend. Dans un sourire, je lui tend une bouteille puis m'installe sur le canapé, explique rapidement ce que j'ai fait avec Alexander puis demande un peu plus d'information sur sa journée passé avec sa filleule. Le militaire m'explique qu'ils ont joué ensemble dans le parc avant de finir la journée par une glace.  « Elle l'a mérité, donc» commentais-je en haussant les épaules et en prenant une gorgé de ma bière.

C'est alors que Cian me rappelle que je voulais lui parler d'un thème important. Baissant ma bière, je l'observe quelques instants, me demandant sincèrement si c'est une bonne idée que de lui raconter tout cela maintenant, après qu'il ait passé une superbe journée avec Clara, mais je sais aussi que si je ne lui explique pas ce que je sais, il m'en voudrait. Alors, me penchant en avant, je pose ma bière puis me tourne vers mon dernier fils encore présent  «Arthur mon chaton ? » l'interpellais avant de lui sourire lorsqu'il relève la tête vers moi  «il va être l'heure de te coucher » déclarais-je  « Tu veux bien aller te brosser les dents  et te préparer ?» je le vois bien qui hésite, avant qu'il ne commence à débarasser ses affaires  «Laisse, mon chéri, je vais ranger après » il m'observe quelques instants, hésitant, avant de se glisser de la chaise et s'approcher de nous  « Bonne nuit Cian » dit-il au passage puis traverse le salon et monte à l'étage.

J'attends quelques instants encore puis prend une profonde inspiration  « J'ai discuté avec Ida la dernière fois» commençais-je mon explication  « Il s'avère que sa nouvelle voisine c'est...tiens-toi bien … Eavan» je grimace un peu et laisse ma voix en suspens en attendant que Cian encaisse ce que je viens de dire, analysant sa réaction pour savoir si je peux continuer.  «Elle l'a un peu observé et ...je sais pas comment le dire différemment mais elle met la vie d'Ailis en  jeu» c'est peut-être un peu fort, non ?  « En fait, Ida l'a déjà vu plusieurs fois partir le soir, donner la gamine à la voisine et revenir plusieurs heures après, complètement défoncée » je pince les lèvres  «Malheureusement, elle ne peut pas faire grand chose, elle, mais elle m'a promis que si un jour Eavan viendrait sonner chez elle parce que Mme Figs ne pourrait pas s'en occupé ce jour là, elle l'accepterait et m'appellerait sur le champs» j'observe mon meilleur ami  « je pense que si elle continue comme ça et qu'on arrive a avoir assez de preuve contre elle, la garde pourrait lui être retirer» je pince les lèvres  «Mais ça ne changera pas ton problème à toi en vrai étant donné que tu n'as légalement aucun droit sur elle »

La journée fut remplie de pensées douces-amères. Un mélange entre le plaisir de pouvoir passer un moment privilégié en compagnie de ma filleule et la réalisation de tous ces instants que je ne cesse de manquer dans la vie d'Ailis. Le constat est douloureux, chaque jour passé loin de la petite fille, je rate une première fois, un progrès important et toutes ces petites choses qui font que les enfants grandissent à une vitesse fulgurante. J'ai bien tenté d'enterrer mes pensées afin de profiter pleinement du moment présent, mais tout me revient de plein fouet alors que j'observe Thomas interagir avec Arthur. C'est que je n'ai jamais vraiment été du genre à jalouser, mais il faut bien avouer que plus les années passent plus j'envie cette vie de famille que Thomas a su se construire. Pendant trop, longtemps, j'ai voulu jouer au plus malin, celui qui n'avait personne à ses côtés, et que je pensais enfin avoir trouvé la bonne personne... Je me suis complètement plantée. Désormais, il ne reste qu'un sentiment amer et beaucoup trop de regrets d'avoir si facilement pardonné. Un soupir m'échappe, alors que je tente de me concentrer à nouveau sur le militaire qui avait quelque chose à m'annoncer.

C’est quand il demande à Arthur d’aller se coucher que je commence à m’interroger sur la tenue de la confession qu’il cherche à me faire. Le petit garçon me souhaite une bonne nuit tout timidement et je lui offre un sourire tendre. « Bonne nuit bonhomme. » Il hoche la tête et file à l’étage pour mettre son pyjama et se brosser les dents. Le calme retombe dans la pièce alors que je cherche le regard de Thomas. Pourquoi il semble autant hésiter soudainement ?

Lorsqu’il évoque son ex-femme, je me dis que cela doit avoir avec sa vie de famille et probablement le retour incongru de Myrddin dans les parages. C’est que je me mets le doigt dans l’œil et ce qu’il annonce par la suite me fait l’effet d’une douche froide. À chaque mot qu’il avance, mon sang ne fait qu’un tour. Eavan est la voisine d’Ida, d’accord. Eavan sort régulièrement en soirée et en laissant Ailis à la vieille voisine. Eavan laisse sa fille chez une inconnue. C’est la seule chose qui tourne dans mon esprit. L’image d’Ailis abandonné chez une femme qu’elle ne connaît pas pour des heures. Et lorsque Thomas ajoute qu’elle rentre bien souvent défoncer, ce sont mes doigts qui s’enroulent avec force autour de ma bière. Les jointures blanchissent et cela me prend toute ma concentration pour ne pas exploser en hurlant. Il fait comme il peut, Thomas, m’explique qu’Ida veille au grain, mais qu’elle ne peut pas tant agir. Il parle de prochaine fois, de retirer la garde d’Ailis à sa mère, puis de mon problème. Tout se mélange, mais je ne l’entends presque plus. Regard perdu dans le vide, je n’entends plus que les battements de mon cœur qui s’accélère me hurlant d’agir maintenant, de ne plus attendre passivement. Une centaine et des millions de plans d’action se mettent en route dans mes pensées, alors que je sens ma main qui commence à trembler. C’est la raison et le cœur qui se batte en duel. C’est tout mon être qui entre en conflit. « Empêche-moi d’y aller maintenant. » Il faut qu’il me retienne Thomas, il est bien le seul qui sera capable de gérer quoiqu’il arrive, quoique je dise, quoique je décide de manière probablement stupide. Je le supplie presque de me retenir, de ne pas me laisser bouffer par mon impulsion. La colère se mélange à l’angoisse et je commence à avoir chaud, c’est presque difficile de faire entrer de l’air dans mes poumons. Ce sont des minutes à fixer le vide avant de me lever subitement. « Je peux pas la laisser faire comme ça, à attendre que la justice soit de mon côté. » Et frénétiquement, je commence à chercher mes clés de voiture sans jamais les repérer sur la table du salon. « Faut que j’aille la chercher. »

e ne sais pas comment annoncer à Cian ce que je compte lui annoncer. Existe-t-il réellement une façon douce pour aborder un tel sujet ? Le ton, le choix des mots, tout cela est d'une importance extrême lorsqu'on est obligé d'expliquer à son meilleur ami que sa fille est en danger. Et pourtant je le connais, mon Cian. Je sais que, peu importe comment j’amène le sujet, peu importe ce que je dis et comment je le dis, il va se mettre en colère. Pas contre moi, mais contre lui, puis le monde et finalement contre Eavan. Je le sais et surtout je ne le comprendrais que trop bien en vrai. Mais surtout, je sais qu'il m'en voudrait horriblement si je gardais tout cela secret.

Alors, après avoir envoyé Arthur en haut dans sa chambre, je me tourne vers Cian, hésite, prend une profonde inspiration puis lui explique tout ce que Ida m'a expliqué la veille. Évidemment, la réaction de Cian ne tarde pas à arriver : il s'énerve, stress, panique et lorsqu'il se lève j'en fais de même, près à réagir pour ne pas le laisser sortir de ma maison. Il sera capable de tellement de chose sous l'impulsion de la colère qui est très clairement tournée vers la mère de celle qu'il considère comme sa fille. Fouillant les poches de son pantalon, il annonce à haute voix qu'il ne peut pas attendre avant que la justice soit de son côté et qu'il doit y aller tout de suite.

 « Non» déclarais-je sur un ton sans équivoque  «Non, tu ne vas pas faire ça » m'avançant vers lui, j'attrape ses mains et l'oblige à se tourner vers moi  «Si tu fais ça, si tu déboule chez Eavan sans prévenir et que tu lui gueule dessus ou, pire, que tu essaie de prendre Aelis de force, tu ne feras qu'aggraver ton cas et la justice sera alors à 100% pour elle » soupirant doucement, je relâche ses mains et secoue la tête

 « Tu ne peux rien faire» reprenais-je, désabusé  «Du moins, pas tout de suite » j'incline légèrement la tête sur le côté  « Ida m'a promit d'être vigilante et de me contacter dès qu'elle voit quelque chose de pas normal» je souris doucement  «Vu le personnage, il y a de fort risques qu'Eavan revienne toquer à la porte d'Ida avec Aelis dans les bras. Et quand ce sera le cas, crois moi que tu seras le premier qu'elle contactera » mon sourire se fait plus doux, plus compréhensif  «Ida est une mère formidable, elle adore Aelis et est incapable de comprendre Eavan. Mais en plus de cela elle est une amie des plus loyales et je sais combien elle tient à toi » je pose une main sur l'épaule de mon meilleur ami  « ça va aller, ok ? » je penche légèrement la tête sur le côté  «Cian ? » l'interpellais-je alors que je le vois perdu dans ses pensées  « Cian ? Eh, écoute moi» j'attrape sa deuxième épaule et le secoue légèrement pour le tourner vers moi et capter son regard  «Est-ce que tu me fais confiance ? » demandais-je. Même si je connais la réponse, c'est toujours bon de lui rappeler que je suis là pour lui, autant pour le soutenir dans ses décisions que pour le garder dans le droit chemin.

L’ambiance devient comme lourde dans le salon alors que Thomas semble chercher ses mots. Je crois que cela fait bien des années que je ne l’avais pas vu autant hésiter avec moi, comme s’il allait m’annoncer la pire des nouvelles. Alors, j’attends, je prends toutes les périphrases, j’entends ses détours avant qu’il n’arrive au cœur du sujet. Si je ne comprends pas le rôle de son ex-femme dans tout cela, je finis par comprendre qu’en réalité, elle est celle qui aurait dû venir me parler. Ida connaît bien trop mon caractère, mon impulsivité et a préféré passer par son ex-mari. Thomas sait exactement comment gérer la situation, quand il expose tout dans un calme Olympien et encore plus lorsqu’il me rattrape avant que je me jette sur mes clés de voiture. « Je vais pas rester là sans rien faire. » Ma patience a été mise à rude épreuve ces derniers mois, j’ai tout fait pour rester calme, j’ai tenté de ne pas suivre mon instinct premier, mais tout devient bien trop frustrant. Je ne peux plus rester en arrière et attendre que la justice me donne le feu vert pour faire avancer les choses. Je voudrais entendre les paroles de Thomas, mais tout se joue dans un coin de ma tête. « J’en ai marre qu’on me dise que je peux rien faire. » Ce n’est pas moi. Ce n’est pas ma façon de faire, je ne sais pas rester tranquillement dans mon coin et mes proches le savent.

Je pourrais partir maintenant, je pourrais aller chez Ida, juste voir par moi-même. Je pourrais observer un temps, je suis sûr qu’elle me laisserait faire. Je ne veux pas parler à Eavan, je ne compte pas la voir, je veux juste m’assurer qu’Ailis va bien. C’est tout ce que je demande, voir la petite fille plus longtemps que dix minutes sur un parking de magasin. Tous les scénarios se jouent dans un coin de mon esprit, tout me paraît probable ou presque. Jusqu’à ce que Thomas me ramène sur terre. « Hein ? » Ses mains s’ancrent sur mes épaules d’une force qui m’oblige à relever les yeux vers lui. Il est sérieux, il ne veut pas que je m’embarque dans une folie que je pourrais regretter. « Bien sûr que je te fais confiance. » La question paraît idiote, mais je comprends d’où elle vient quand il a besoin que je me calme. Je voudrais protester, je cherche mes mots, mais rien ne me vient. « Je… Je peux plus. » Et pour la première fois, toutes les fondations semblent craquer lorsque j’avoue tout cela à haute voix. « Dans quoi je me suis embarqué ? »