« Et pourquoi est-ce qu'elle a besoin de me toucher deux mots ? », qu'il demande en fronçant les sourcils, sans même lever les yeux du dossier médical qu'il a entre les mains. « Elle peut pas le faire toute seule son diagnostic ou c'est quoi le souci ? » Il ajoute en levant finalement ses prunelles du dossier médical qu'il referme aussitôt pour le ranger. Bureaucratie habituelle. Glissant les mains dans les poches de sa blouse blanche, il hausse les épaules. « C'est ton interne qui a appelé les services sociaux alors forcément, c'est aussi de ton ressort mon bonhomme … Je pense que c'est une question de formalité, la bureaucratie et tout le patatra. T'emballes pas. » La main de la supérieure se pose sur son épaule qu'elle tapote doucement avant de disparaître dans les méandres des couloirs de l'hôpital. Un coup d'oeil à sa montre et il se demande presque s'il a le temps d'aller se chercher un café. Il hésite quelques instants jusqu'à ce que le visage du gamin réapparaisse devant lui. Il soupire, baisse la tête et emprunte la direction de la salle de réunion où doit certainement se trouver cette responsable des services sociaux, protection des mineurs … ou ce genre de bureaucratie qu'il apprécie plus ou moins. Les pas se font lourds et traînants jusqu'à ce que sa main se pose sur la poignée de la porte qu'il ouvre aussitôt pour tomber sur une femme aux traits fins et soignés, au sourire radieux et réconfortant. Pas le genre de vision à laquelle il a pu s'attendre. Il a d'ailleurs un air surpris pendant une demi-seconde, comme si les choses ne sont pas réelles, comme s'il s'est trompé de portes. Mais non. Alors, il franchit le seuil de la porte, la referme derrière lui pour faire les quelques pas dans sa direction.
« Docteur Iaroslavtsev. » dit-il en tendant une main sérieuse vers ce petit bout de femme. Sans vraiment savoir pourquoi il affiche un sourire lui-aussi. Connerie de mimétisme. « Vous êtes sans doute là pour le cas de Blake Williams. » Pas vraiment une question, il s'en doute. Alors, il prend place sur une des nombreuses chaises libres et lui fait signe de main pour lui faire comprendre qu'elle peut faire de même. Se tournant avec la chaise dans sa direction, il croise les bras devant lui avant d'ajouter : « Je ne sais pas vraiment ce que vous voulez savoir, ce en quoi je peux être utile … dans tous les cas, je peux vous confirmer que ce gamin a les os en miettes, que les images ne mentent pas. Il n'est pas en sécurité chez lui. »
Helena patiente dans une des salles de réunion de l’hôpital, attendant le médecin qui a le fait signalement à la police, ou son responsable, elle n’a pas très bien compris. Elle consulte sa montre, et se dit que si l’entretien est rapide, elle pourra peut-être aller faire un petit coucou à sa sœur Emily, qui travaille dans au service pédiatrie. Elle ne patiente heureusement pas très longtemps avant que la porte s’ouvre. La brunette se lève immédiatement et sourit à son interlocuteur. Les faits pour lesquels elle est là ont beau être grave, Helena est une optimiste. En dehors du boulot, elle vit dans un monde de bisounours, une bulle qu’elle accepte de faire éclater plusieurs heures par jour pour se confronter à la dure réalité. Le médecin qui lui tend la main en se présentant.
« Docteur Iaroslavtsev. »
Helena sert la main tendue mais, comme trop souvent, malheureusement, parle sans réfléchir.
« A vos souhaits. »
Son sourire disparait immédiatement de son visage, alors qu’elle ne peut pas croire qu’elle a dit ça à haute voix. Mortifiée, elle tente de réparer les dégâts.
« Ho, mince, je suis désolée, je ne voulais pas … Toutes mes excuses, je suis souvent maladroite et spontanée, et j’ai tendance à ne pas en louper une … »
Elle toussote, gênée.
« Helena, enchantée. »
Elle préfère ne pas dire son nom de famille, finalement. Elle ne veut pas faire honte à Emily ou lui créer des ennuis. Le médecin poursuit, devant une Helena toujours rouge de honte.
« Vous êtes sans doute là pour le cas de Blake Williams. »
Et finalement, ces quelques mots la ramènent à la réalité : le « cas » de Blake Williams. Ce n’est pas un « cas », ni un numéro sur un dossier à traiter. C’est un enfant, qu’elle est là pour protéger. Elle reprend un peu de contenance et se réinstalle sur la chaise qu’elle avait occupé en attendant le médecin. Sa voix est plus ferme lorsqu’elle reprend la parole.
« Je suis là pour Blake Williams, oui. »
L’homme en face d’elle s’installe et croise les bras. Helena interprète immédiatement cette position comme un geste de défense : il n’a visiblement pas envie d’être là, et ses paroles le confirment rapidement.
« Je ne sais pas vraiment ce que vous voulez savoir, ce en quoi je peux être utile … dans tous les cas, je peux vous confirmer que ce gamin a les os en miettes, que les images ne mentent pas. Il n’est pas en sécurité chez lui. »
Helena lui adresse un sourire triste en hochant la tête. La jeune femme se redresse ensuite sur sa chaise et commence à expliquer sa mission.
« Je travaille pour l’association Thémis. Suite à votre signalement, le procureur a décidé de nous désigner administrateur ad hoc de l’enfant. Cela veut dire que nous allons le représenter en justice, parce que ses parents ne sont pas dans la capacité de le faire, en l’espèce. Et notre mission consiste donc à agir dans l’intérêt de Blake. »
La brunette semble passionnée par son métier. Sa voix est douce, alors qu’elle tente de ne pas trop entrer dans les détails.
« Mais agir dans son intérêt, ça ne veut pas dire faire tout ce qu’il demande, ou se plier à ses désirs. C’est faire ce qui est le mieux pour lui. »
Elle s’arrête un instant, plongeant son regard bleuté dans celui de son interlocuteur.
« Vous comprendrez que pour agir dans son intérêt, j’ai besoin d’en savoir un peu plus, surtout de personnes plus … neutres, plus extérieures. »
Elle sourit doucement au médecin et sort un carnet et un stylo de son sac, prête à noter les éléments clés qu’il livrerait.
« Vous m’avez indiqué que « les images ne mentaient pas ». Est-ce que vous pourriez développer ? Que ses os soient en miettes, comme vous le dites, c’est un fait. Mais qu’est-ce qui vous fait dire que ça vient de la maison ? De son père, si j’ai bien compris ? »
La brunette le dévisage, professionnelle, attendant plus de détails, en espérant que son interlocuteur ne se braque et lui livre davantage d’informations.
« A vos souhaits. » qu'elle lui dit en entendant son nom de famille. Aiden est suffisamment habitué aux réactions particulières quand il se présente, il avait d'ailleurs entendu pas mal de commentaires plus ou moins amusants. Il se contenta de sourire, amusé, en haussant les épaules d'un air innocent. Pas pour rien qu'on le surnommait Iaro, pour simplifier les choses. « Ho, mince, je suis désolée, je ne voulais pas … Toutes mes excuses, je suis souvent maladroite et spontanée, et j’ai tendance à ne pas en louper une … » Il secoua la main comme pour lui faire comprendre que cela ne le dérangeait pas, ou plutôt que cela ne le dérangeait plus. « Comme vous pouvez vous en douter, c'est pas la première fois que le nom à rallonge surprend. Pas de souci. » lui répondit-il d'une voix posée et apaisée. Pas de quoi se mettre la pression ou d'être mal à l'aise. Helena, enchantée.» « L'plaisir est pour moi. » Menteur ! Helena avait les joues rosies et aussitôt Aiden décida de changer de stratégie. Bien que certains puissent douter de ses qualités, il n'était pas un tortionnaire et essayaient toujours – la plupart du temps, la majeure partie du temps – de mettre son interlocuteur à l'aise.
« Je suis là pour Blake Williams, oui. Je travaille pour l’association Thémis. Suite à votre signalement, le procureur a décidé de nous désigner administrateur ad hoc de l’enfant. Cela veut dire que nous allons le représenter en justice, parce que ses parents ne sont pas dans la capacité de le faire, en l’espèce. Et notre mission consiste donc à agir dans l’intérêt de Blake.» Il écoutait avec attention les propos de la demoiselle qui soudainement sembler reprendre confiance en elle … chose rassurante pour Aiden, qui avait toujours des doutes sur la compétence des services sociaux – mauvaise expérience personnelle, disons les choses ainsi. « Mais agir dans son intérêt, ça ne veut pas dire faire tout ce qu’il demande, ou se plier à ses désirs. C’est faire ce qui est le mieux pour lui. » Il hocha d'un signe de tête. Sur ce point-là, il était d'accord avec elle. Ils devaient faire ce qui était le mieux pour lui. « Vous comprendrez que pour agir dans son intérêt, j’ai besoin d’en savoir un peu plus, surtout de personnes plus … neutres, plus extérieures.» Il se redressa doucement alors qu'elle sortait un carnet et un stylo. Les choses devenaient officielles et il semblait se détendre. Doucement mais sûrement. «Vous m’avez indiqué que « les images ne mentaient pas ». Est-ce que vous pourriez développer ? Que ses os soient en miettes, comme vous le dites, c’est un fait. Mais qu’est-ce qui vous fait dire que ça vient de la maison ? De son père, si j’ai bien compris ?»
« Commencons par le commencement alors. Nous avons reçu Blake avec comme explication des blessures : chute de skateboard. L'explication qui est donnée change selon le la personne interrogée et ne correspond pas aux images … Mes collègues ont d'ailleurs rédigé un protocole concernant ces différentes explications. Par ailleurs, en réalisant des examens approfondis,nous avons malheureusement constatés d'anciennes blessures non-traitées … nous nous sommes par ailleurs renseignés si Blake avait été par le passé suivi par un autre médecin. A la non-surprise générale, ils se rendent dans divers hôpitaux, changent régulièrement de médecin. Le dossier médical de Blake semble à première vue minuscule mais quand on rassemble les dossiers des différents hôpitaux, on peut rapidement se faire une image … soit Blake est le roi de la maladresse et du mensonge, soit il y a quelque chose qui cloche. » Il esquisse finalement un fin sourire avant d'ancrer son regard dans celui de la jeune femme. « Je ne sais pas s'il est le seul responsable … tout ce que je sais, c'est que c'est plutôt cloche comme histoire, vous ne trouvez pas ? Est-ce que ça vous semble être la réaction normale d'un père inquiet ? Ou est-ce que ça vous semble être la réaction de quelqu'un qui essaie de brouiller les pistes … ? »
La brunette est mortifiée par son commentaire déplacé sur le nom de son interlocuteur. Ce dernier, en revanche, lui sourit.
« Comme vous pouvez vous en douter, c’est pas la première fois que le nom à rallonge surprend. Pas de souci. »
Mouais. Il n’empêche que c’était stupide et déplacé. Et qu’il doit en avoir assez des moqueries sur son nom. Helena ne reprend finalement pieds que lorsqu’elle explique son métier au médecin : elle n’est pas une assistante sociale, elle ne représente pas les services sociaux, et elle ne va pas s’occuper de trouver une nouvelle famille à l’enfant, s’il en a besoin. Non, elle, elle est juriste, et chargée d’aider le juge à déterminer quel est l’intérêt de Blake. Faut-il le placer en foyer ou en famille d’accueil ? Faut-il prévoir des retours chez les parents le week-end ? Pour cela, la brunette a besoin de comprendre la situation, et de savoir ce qui a déclenché le signalement. Elle doit agir dans l’intérêt de Blake. Si elle l’avait rencontré en premier, il aurait pu lui servir un mensonge répété à divers interlocuteurs. Avec quelqu’un de neutre, elle pense pouvoir se faire une meilleure idée de l’environnement. Le médecin entreprend alors de lui expliquer les raisons du signalement.
« Commençons par le commencement alors. Nous avons reçu Blake avec comme explication des blessures : chute de skateboard. L'explication qui est donnée change selon le la personne interrogée et ne correspond pas aux images … Mes collègues ont d'ailleurs rédigé un protocole concernant ces différentes explications. Par ailleurs, en réalisant des examens approfondis, nous avons malheureusement constatés d'anciennes blessures non-traitées … nous nous sommes par ailleurs renseignés si Blake avait été par le passé suivi par un autre médecin. A la non-surprise générale, ils se rendent dans divers hôpitaux, changent régulièrement de médecin. Le dossier médical de Blake semble à première vue minuscule mais quand on rassemble les dossiers des différents hôpitaux, on peut rapidement se faire une image … soit Blake est le roi de la maladresse et du mensonge, soit il y a quelque chose qui cloche. »
Au fur et à mesure du discours du médecin, la brunette prend des notes. Elle grimace à plusieurs reprises en écoutant ses explications.
« Je ne sais pas s'il est le seul responsable … Tout ce que je sais, c'est que c'est plutôt cloche comme histoire, vous ne trouvez pas ? Est-ce que ça vous semble être la réaction normale d'un père inquiet ? Ou est-ce que ça vous semble être la réaction de quelqu'un qui essaie de brouiller les pistes … ? »
Helena soutient le regard de son interlocuteur, tentant de le jauger lui aussi. Il a l’air de réellement se préoccuper de l’enfant, mais a cette méfiance vis-à-vis d’elle qu’elle n’arrive pas à expliquer. Il ne veut pas être là, de toute évidence, mais il prend sur lui pour Blake.
« Une fois que vous avez réuni tous ces éléments, tout le dossier médical de Blake, avec les blessures non traitées, est-ce que vous en avez parlé avec lui et avec les parents ? »
Le gamin a-t-il révélé l’origine des blessures une fois que les médecins l’ont confronté à la réalité ? C’est parfois plus facile de tout avouer quand les preuves sont là, et que les parents ne sont pas dans la même pièce.
« Que pensez-vous de la mère ? Vous la voyez comme une complice de la maltraitance exercée par le père, puisque j’ai cru comprendre que c’était lui que vous aviez dans le collimateur, ou bien serait-elle aussi victime d’un mari violent ? »
Les deux situations étaient possibles. Les deux situations étaient horribles. Au moins, si elle était elle-même sous la coupe du père, Blake pourrait au moins, à terme, compter sur un de ses deux parents. Un sourire triste s’affiche sur le visage de la jeune femme alors qu’elle plonge son regard bleuté dans celui du médecin, espérant bien malgré elle que la mère soit une victime. Quand on en arrivait à espérer qu’une personne était victime d’une autre, c’est que la situation n’était pas reluisante. Elle soupire en observant un instant les feuilles des arbres onduler sous la poussée du vent. Elle aimerait partir, être déjà dehors. Elle adore son métier, est faite pour aider les autres. Mais c’est un job difficile, d’entendre à longueur de journées les souffrances endurées par les enfants. D’ici quelques heures, elle se remettra dans sa bulle de bisounours et tentera d’oublier ce qu’elle a attendu, jusqu’au lendemain matin, en espérant que Blake ne vienne pas hanter ses cauchemars.
« Une fois que vous avez réuni tous ces éléments, tout le dossier médical de Blake, avec les blessures non traitées, est-ce que vous en avez parlé avec lui et avec les parents ? » Oups. Voilà la question qui fait plus ou moins mal. Qu'a-t-il fait une fois qu'il a compris ce qui se passait ? Est-ce qu'il pouvait lui confier avoir littéralement pêter les plombs et avoir collé une droite au père de famille ? Est-ce qu'il pouvait lui confier qu'il avait perdu les pédales et avait décidé de tirer les conclusions avant même qu'un dossier ne soit ouvert ? Non, il ne peut pas. Il ne peut pas car il pourrait perdre son boulot, le droit d'exercer. Il se contente alors de sourire en faisant une petite grimace qu'il cache derrière sa main. Un gamin. « Que pensez-vous de la mère ? Vous la voyez comme une complice de la maltraitance exercée par le père, puisque j’ai cru comprendre que c’était lui que vous aviez dans le collimateur, ou bien serait-elle aussi victime d’un mari violent ? » Il est en train de préparer un petite phrase pour s'échapper quand elle lui ajoute une nouvelle question et voilà qu'il se tapote les lèvres du bout des doigts d'un air pensif. La mère. Décédée il y a de cela plusieurs années.
« Helena, » dit-il pour commencer avant de se rendre compte qu'il devait sans doute lui demander la permission de l'appeler par son prénom. « Enfin … si je peux vous appeler Helena. » Il attend sa réponse pour finalement reprendre la parole et continuer. « Je ne suis pas du genre à faire confiance aux services sociaux, membres de la petite bureaucratie et je suis désolée pour tous ces apprioris mais vous m'avez l'air d'être pas mal compétente alors je vais vous faire une petiteconfidence, je ne suis pas le mieux placé pour ce genre de discours ni pour tirer les conclusions … je ne suis pas du tout objectif. Moi, je peux juste vous dire ce que disent les images, les faits … ce qui concerne « tirer des conclusions », mieux vaut pas me demander ... » Il lui dit cela avec calme et avec la douceur qu'il emploie quand il est avec ses patients. Le calme incarné. Il accompagne même ses propos d'un sourire réconfortant. « J'suis désolé de pas pouvoir vous aider davantage. »
Les questions s’enchaînent dans la tête d’Helena, et elle ne peut s’empêcher d’en verbaliser certaines. Elle tente de se limiter, pourtant, alors que les interrogations surgissent au fur et à mesure de la conversation. Mais le docteur ne semble pas d’humeur à coopérer.
« Helena. Enfin … si je peux vous appeler Helena. »
Elle se contente de hocher la tête, mais elle sent sa mâchoire se crisper : il va l’envoyer valser, elle le sent. Parce que s’il s’apprêtait à répondre à ses questions, il n’aurait pas commencé par prononcer son prénom d’une voix douce, comme pour atténuer la suite de ses propos.
« Je ne suis pas du genre à faire confiance aux services sociaux, membres de la petite bureaucratie et je suis désolée pour tous ces apprioris mais vous m'avez l'air d'être pas mal compétente alors je vais vous faire une petite confidence, je ne suis pas le mieux placé pour ce genre de discours ni pour tirer les conclusions … je ne suis pas du tout objectif. Moi, je peux juste vous dire ce que disent les images, les faits … ce qui concerne « tirer des conclusions », mieux vaut pas me demander ... »
Et voilà, elle le sentait. Depuis le début de l’entretien, tout indique qu’il a envie de fuir, d’être partout sauf ici. Et le médecin vient de lui en apporter la preuve. Helena rebouche son stylo et referme doucement son carnet. Elle pose le tout sur la table et plonge son regard dans celui de son interlocuteur.
« Docteur … Je peux vous appeler Docteur ? »
Un haussement de sourcil amusé, puis elle poursuit.
« Je ne suis pas des services sociaux, je ne vais pas placer l’enfant, l’accompagner en foyer ou que sais-je. Je suis juriste, je suis … sa voix, je dois exprimer ses intérêts, devant le juge des enfants, par exemple. Donc je suis certaine que vous pourriez faire un effort de confiance. »
Le ton du médecin a beau être calme et doux, la brunette est vexée par son attitude, ce mécanisme de défense qu’il avait érigé dès le début de l’entretien. Son ton est donc légèrement condescendant, et elle ne cache pas son agacement.
« Tout ce que je voulais, c’était comprendre, avoir un avis extérieur avant d’aller voir l’enfant et le père que vous accusez … Mais je vois que c’est trop dur, de faire confiance et de saisir la main tendue … Un problème avec les services sociaux, peut-être ? »
Le brun poursuit, alors qu’Helena range ses affaires dans son sac.
« J'suis désolé de pas pouvoir vous aider davantage. »
Elle se lève, puis se dirige vers la porte.
« Pas autant que moi. »
Elle quitte la pièce pour aller rendre visite à l’enfant et à son père. Après s’être présentée au papa et avoir expliqué son rôle, elle recommence avec le fils, et écoute sa version des faits. Elle ressort à nouveau de la chambre pour échanger avec le père, tout excité, qui ne comprend pas les raisons de sa présence et hurle à l’agression. La brunette met fin à ce premier entretient quelques minutes plus tard et se dirige vers la sortie de l’hôpital. Finalement, elle n’ira sans doute pas voir Emily : tout ce qu’elle a envie, c’est rentrer chez elle et oublier, pour ce soir, cet enfant et ce qu’il subit. Sur son chemin, dans les dédales de l’hôpital, la jeune femme croise le médecin avait qui elle s’était précédemment entretenue. Elle l’interpelle.
« Docteur ? »
Elle se rapproche de lui, réprimant un sourire.
« Alors c’est pour ça que vous ne vouliez pas me parler ? Parce que votre poing a rencontré le nez du père du gamin ? »
Elle tente de prendre un air désapprobateur, mais clairement, elle aussi aurait envie d’en faire de même.
« Vous ne me facilitez pas la tâche. Le père est maintenant fermé à toute discussion ! Vous auriez au moins pu attendre qu’il voie le juge … »
Elle ne peut empêcher un sourire amusé de percer sur son visage. Elle baisse la voix, chuchotant.
« Votre secret est bien gardé avec moi, mais vous devriez faire attention à vos mains. Je pense que vous en aurez besoin pour vous occuper de vos patients. »
L'envie de fuir, de prendre ses jambes à son cou et ne pas avoir à affronter cette réalité. Cette envie, la jeune femme l'a rapidement compris … du moins c'est ce qu'il pense quand il la voit remballer ses affaires avec autorité et assurance. « Docteur … je peux vous appeler Docteur? » Il ne peut s'empêcher de sourire en l'entendant reprendre sa manière de parler. D'une certaine manière, elle parvient à attiser son attention. « Je ne suis pas des services sociaux, je ne vais pas placer l'enfant, l'accompagner en foyer ou que sais-je. Je suis juriste, je suis … sa voix, je dois exprimer ses intérêts, devant le juge des enfants, par exemple. Donc, je certaine que vous pourriez faire un effort de confiance. » Sans savoir pourquoi, il a le sentiment de se retrouver face à un professeur et d'avoir douze ans. Peut-être parce qu'elle parvient avec douceur à le ramener à sa place. Aiden a perdu cette habitude ; qu'on le remette à sa place. « Tout ce que je voulais, c’était comprendre, avoir un avis extérieur avant d’aller voir l’enfant et le père que vous accusez … Mais je vois que c’est trop dur, de faire confiance et de saisir la main tendue … Un problème avec les services sociaux, peut-être ? » Il écoute avec attention, plisse doucement les yeux avant de recroiser les bras. Bien qu'il ne laisse rien paraître, les propos de la jeune femme il les enregistre et elles vont certainement l'accompagner le restant de sa journée. Le coup fatal, elle le porte avec « Pas autant que moi. », le laissant seul avec sa culpabilité et sa mauvaise conscience.
La journée continue sans grand heurt jusqu'à ce qu'une voix féminine l'interpelle. « Docteur ? » Il fait demi-tour. « Alors, c'est pour ça que vous ne vouliez pas me parler ? Parce que votre poing a rencontré le nez du père du gamin ? » Il s'arrête aussi tôt et pose son regard sur celle qui avait rencontré son chemin un peu plus tôt. Il déglutit. « Hm, dit-il pour commencer. « Vous me facilitez pas la tâche. Le père est maintenant fermé à toute discussion ! Vous auriez pu attendre qu'il voit le juge ... » Il fronce doucement les sourcils parce qu'elle lui coupe l'herbe sur le pied et aussitôt les mains se plongent dans les poches. « Votre secret est bien gardé avec moi, mais vous devriez faire attention à vos mains. Je pense que vous en aurez besoin pour vous occuper de vos patients. » Il esquisse un sourire amusé. « Je ne dois pas avoir votre patience pour cotoyer ce genre de personne … comment est-ce que vous faites pour passer vos journées avec ce genre de connards ? Ca doit complétement pourrir la journée... » qu'il dit sans vraiment avouer le fait qu'il ait cogné le père en question. « Je suis sincérement désolé. Je me suis comporté comme le roi des crétins … Je veux dire --- tout à l'heure … », dit-il en agitant la main comme pour désigner cet événement du passé. « Bref, tout ça pour dire --- si je peux faire quoique ce soit pour pas que vous restiez sur un mauvais apriori, faut me le dire. » Un sourire étrangement tendre se place sur ses lèvres.
Après avoir échangé avec le jeune Blake Williams et son père, Helena sort de la chambre et s’apprête à quitter l’hôpital. En chemin, elle tombe sur le Docteur Iaroslavtsev. Elle tente de le sermonner, il a tout de même frappé le père d’un patient, mais elle ne peut empêcher un sourire de naître sur son visage, rendant ses paroles peu crédibles.
« Je ne dois pas avoir votre patience pour côtoyer ce genre de personne … comment est-ce que vous faites pour passer vos journées avec ce genre de connards ? Ca doit complétement pourrir la journée … »
La brunette hausse les épaules.
« C’est vrai que ce n’est pas évident, mais ce n’est pas pour eux que je fais ce métier, je le fais pour les enfants. C’est à eux que je pense, alors ça m’aide à tenir, jusqu’à ce que la journée se termine. Et quand c’est le cas, je retourne ma petite bulle de bisounours dans laquelle le monde est plus beau. »
Elle dévisage un instant intensément le médecin, semblant réfléchir.
« Vos journées ne doivent pas être plus évidentes. Quand on vient vous voir, c’est qu’on ne va pas bien. Comment faites-vous pour tenir quand vous ne pouvez pas aider vos patients ? »
C’était loin d’être un reproche, juste une triste constatation. Helena ne pourrait pas être chirurgienne. Non seulement elle n’avait aucune capacité médicale, mais elle aurait du mal à affronter les cas pour lesquels il n’y a plus rien à faire. Son job n’était pas évident, elle côtoyait sans cesse des enfants en souffrance, mais pour eux, il y avait toujours de l’espoir. Ils finiraient par aller mieux. Et au bout du compte, elle se savait donc utile.
« Je suis sincèrement désolé. Je me suis comporté comme le roi des crétins … Je veux dire … tout à l’heure. »
Helena rit, alors qu’un air espiègle apparait sur son visage.
« Pas que tout à l’heure, apparemment. Vous semblez assez coutumier du fait », réplique-t-elle en faisant référence au coup de poing asséné à Monsieur Williams.
« Bref, tout ça pour dire … si je peux faire quoi que ce soit pour pas que vous restiez sur un mauvais a priori, faut me le dire. »
La brunette plonge son regard bleuté dans celui du médecin, réfléchissant un instant.
« Hum … Bien vous occupez de Blake, le remettre sur pieds, et ne plus frapper son père. Ce sera déjà un bon début. »
Elle lui sourit, hésitant quelques secondes avant de poursuivre.
« Et quand il ira mieux, et que je lui aurais trouvé une famille, vous pourrez peut-être m’inviter à boire un verre. Si vous promettez de ne plus vous comporter comme le roi des crétins, il est possible que je dise oui. »
Elle sort sa carte de visite et rajoute son numéro de portable au stylo à l’arrière, avant de la tendre au médecin.
« C’est vrai que ce n’est pas évident, mais ce n’est pas pour eux que je fais ce métier, je le fais pour les enfants. C’est à eux que je pense, alors ça m’aide à tenir, jusqu’à ce que la journée se termine. Et quand c’est le cas, je retourne ma petite bulle de bisounours dans laquelle le monde est plus beau. » Les propos de la jeune femme le firent doucement sourire. Un doux sourire car ces propos la rendaient tout simplement humaine. Une humanité qui se fait bien trop rare dans ce bas monde. Elle avait ce petit quelque chose qui l'attendrissait sans qu'il ne sache vraiment quoi. « Vos journées ne doivent pas être plus évidentes. Quand on vient vous voir, c’est qu’on ne va pas bien. Comment faites-vous pour tenir quand vous ne pouvez pas aider vos patients ? » Il fit une petite grimace comme pour lui faire comprendre qu'elle marquait un point ; ils vivaient plus ou moins la même chose. Son regard se balançait entre la pointe de ses chaussures et les siennes. « J'essaie de ne pas perdre les pédales. » dit-il d'une voix rieuse alors qu'il n'était pas loin de la vérité. Mais elle n'était pas obligée de la connaître tout de suite. « Pas que tout à l’heure, apparemment. Vous semblez assez coutumier du fait. » La voix rieuse de la jeune femme ne put que le faire lui aussi rire. Elle marquait un point. Une fois de plus. Il haussa les épaules avant de laisser tomber les bras le long de son corps d'un air coupable. Il était le roi des crétins et ils étaient nombreux ceux qui auraient voulu s'ajouter à la liste. « Hum … Bien vous occupez de Blake, le remettre sur pieds, et ne plus frapper son père. Ce sera déjà un bon début. » « Promis. » dit-il en levant les mains pour accompagner sa promesse de se tenir à carreau. Il allait garder ses distances et n'allait s'occuper de Blake qu'à distance. Suffisamment pour ne pas bondir à chaque regard et remarque du paternel, qui de toute manière ne voulait plus l'avoir dans les pattes. « Et quand il ira mieux, et que je lui aurais trouvé une famille, vous pourrez peut-être m’inviter à boire un verre. Si vous promettez de ne plus vous comporter comme le roi des crétins, il est possible que je dise oui. » Un sourire amusé se dessina sur le visage du chirurgien qui saisissait alors la carte pour lire le numéro de téléphone de la jeune femme griffonnée au dos de la carte. Dans la précipitation il ne s'attarda pas sur le nom de famille qui lui aurait rappellé une vieille amie. Il leva la carte avant de la glisser dans la poche de sa veste et en lui confirmant avec assurance : « Je vais en faire bon usage … et je vais essayer de vous montrer que je ne suis pas totalement le roi des crétins, juste parfois …. » Il ponctua sa phrase par un sourire complice alors qu'ils se saluaient avec le plus grand professionnalisme. Leurs chemins se séparaient une nouvelle fois … mais Aiden était intimement convaincu qu'il allait le composer ce numéro. Tôt ou tard.