| (keegans #9) grab some ambrosia and let the nectar flow |
| | (#)Mar 13 Avr 2021 - 16:53 | |
| (toowong cemetary) La famille est présente. Ce n’était pas prévu.
Elle ne faisait pas partie du plan, pour la simple et bonne raison qu’elle a toujours été absente de leur vie. Les Keegan ne faisaient pas de barbecue en famille, entourés de leurs cousins et autres parents éloignés. Ils n’ont jamais joué avec leurs cousins, en réalité, et Lily a bien du mal à se souvenir de leur prénom et l’arbre généalogique de chacun. Ce n’est pas en ce jour qu’elle risque de vouloir faire le moindre effort et leur présence n’a pas à modifier le plan initial de la fratrie: ils sont attristés de la disparition de leur paternel. C’est tout. Il n’y a pas de raisons à donner puisque justement chaque enfant aime sa famille et tout particulièrement les deux êtres qui les ont élevés, surtout alors qu’il a disparu si soudainement dans la nuit. Quelle perte pour l’Humanité, n’est-ce pas? C’est au moins ce que Lily doit continuer de faire croire à tous ceux autour d’eux. Seul Joseph connaît la vérité; Matt, lui, en a eu une version condensée dans laquelle elle s’est pour l’instant contentée de lui dire que son père était bien mieux là où il était en ce moment même - de préférence, en Enfer.
Matt est là, d’ailleurs. Il tenait à venir et elle n’a pas eu le cœur à le lui refuser. Il est auprès de Marie parce qu’elle est devenue sa meilleure amie à l’instant même où leur regard se sont croisés. Grâce à lui son fauteuil roulant passe d’un endroit à un autre du cimetière et la brune les soupçonne même de parler fleurs, à en juger par le regard fortement intéressé qu’ils lancent aux différents bouquets. Lily, elle, a encore ses mains accrochées autour du bras de son frère et sa tête posée contre son épaule. Le pire reste à venir: aucune cérémonie n’a encore été actée et ils vont chacun devoir parler devant leur famille pour vanter la vie d’un homme qu’ils ont toujours voulu voir mort. Aujourd’hui, enfin, justice a été faite. La loi du talion a fait son œuvre et leur mère sera toujours bien mieux seule plutôt qu’en présence de leur père. Lily viendra la voir chaque soir et chaque matin s’il le faut, mais elle ne pouvait plus rester avec cet homme, quand bien même elle avait déjà passé cinquante années à ses côtés. “Elle a l’air heureuse.” Elle chuchote à son frère tant qu’ils peuvent encore rester loin de la masse d’invités et qu’elle n’a pas à user de ses meilleures (pires?) larmes de crocodiles. Son visage est fermé mais seul l’enterrement lui amène de la joie dans la semaine interminable qu’elle est en train de vivre. Elle a attendu cet instant patiemment durant de longues semaines et autres mois, prenant finalement plus son temps que prévu pour tuer leur père. Lily devait s’assurer que personne ne pourrait jamais remonter jusqu’à eux et surtout pas Joseph alors qu’il serait le premier inculpé, de toutes évidences. C’est au moins un sujet à propos duquel elle refuse catégoriquement de le laisser plonger, là où elle l’aurait volontairement dénoncé de nombreuses fois pour d’autres. “Au vu de la situation, je veux dire. Elle l’aimait sincèrement.” Leur mère a sûrement été la seule personne sur tout cette Terre à l’aimer, d’ailleurs. Lily sait que leur père ne vaut pas la peine qu’elle s’acharne sur sa personne aujourd’hui, surtout pas alors qu’ils s’apprêtent à mettre son corps en Terre une bonne fois pour toutes. “Mais c’était la meilleure chose à faire. J’en suis persuadée.” Elle se rassure elle autant que son frère. |
| | | | (#)Sam 17 Avr 2021 - 4:24 | |
| Joseph ne reconnait le visage de personne. Il a dû tapoter le bras de sa sœur avec son coude à chaque fois qu’une nouvelle tête les approchait pour leur souhaiter ses condoléances. Il s’agissait parfois de tantes lointaines, de cousins éloignés, de grands oncles partis pendant vingt ans en Russie… Peu importe. Le jeune homme avait l’impression d’avoir bien plus de famille qu’il ne l’aurait jamais pensé.
Il se souvient avoir passé quelques Noël avec certaines de ses cousines plus jeunes que lui. Elles sont toutes devenues des femmes et c’est ce qui n’aide pas Joseph à donner un nom à ces personnes qui approchent Lily pour la prendre dans leurs bras et pour faire semblant d’être désolés pour elle. Elles s’échangent parfois des bises et lui ne se contente que d’esquiver un sourire faussement peiné en espérant que les gens ne seraient pas assez curieux pour lui poser des questions. Jusqu’à présent, leur jeu de rôle se déroule bien. Lily porte sur ses joues de brillantes larmes de crocodile et Joseph se camoufle avec les buissons à la moindre occasion. La plupart du temps, les membres de sa famille font semblant de ne pas le voir et ça le rassure, d’une certaine façon. Toute l’attention est rivée vers Lily, la pauvre Lily qui a perdu son incroyable père aimant d’une crise cardiaque. Ce sont les meilleurs qui partent en premier.
Bullshit.
La cérémonie n’a pas encore commencé et Joseph n’a qu’une seule hâte : couvrir le cercueil de Cyril d’un tas de terre. Si ce n’était que de lui, il aurait apporté une pelle pour faire le travail plus rapidement. Hélas, il n’est pas question de jouer les enfants ingrats aujourd’hui. Tirant une latte sur la cigarette qu’il a coincée entre ses lèvres, il hausse un sourcil en pivotant la tête vers Lily quand elle prend la parole. “Elle a l’air heureuse.” Il suit son regard qui est posé sur Marie, confortablement assise dans sa chaise roulante et portée par Matt, parfait beau fils. Il expire la fumée par ses narines. “Au vu de la situation, je veux dire. Elle l’aimait sincèrement.” Il reste silencieux un moment en contemplant la scène. Sa mère aurait presque le don de lui réchauffer le cœur lorsqu’un si joli sourire étire ses lèvres minces et ridées. Ce doit être Matt qui lui a raconté une blague presque marrante ou une anecdote savoureuse digne des plus grands baristas. « Elle est plus radieuse que jamais et elle ne porte presque pas de maquillage. » Il commente, sceptique devant son état un peu trop radieux. Elle semble avoir rajeuni de dix ans. Il repose ses deux perles bleues sur Lily. « C'est pas une trop grande responsabilité d'prendre soin d’elle ? Comptes-tu la déplacer en maison d'retraite ? » Il demande, réellement curieux de connaître ses plans. Après tout, c’est Cyril qui s’occupait d’elle avant que le terrible accident ne se produise. “Mais c’était la meilleure chose à faire. J’en suis persuadée.” Il inspire longuement en gonflant ses poumons le plus longtemps possible mais, avant qu’il ne puisse répondre, une voix l’interrompt derrière eux. « Lily. José. » Le frère se sépare légèrement de la sœur pour se tourner vers le vieux couple derrière eux. Il les reconnait, ceux-là. C’est le frère de Cyril ainsi que sa compagne – Annabelle, Denise, peut-être Evelyn, il ne sait plus du tout. C’est le genre de souvenir qu’il a réussi à jeter à la toilette quand il a quitté la campagne. « Joseph. » Le garçon marmonne juste avant de croquer le bout de sa clope avec ses incisives. « Ce sont les meilleurs qui partent en premier. » Commence le vieillard, arrachant un rictus impatient à Joseph qui détourne le regard. « Qu’est-ce qui était la meilleure chose à faire ? » Il continue, sa question visant visiblement Lily puisqu’il la fixe incessamment (peut-être qu’il pense que Joseph disparaitra s’il ne lui accorde pas la moindre attention).
@Lily McGrath Que la fête commence. |
| | | | (#)Lun 19 Avr 2021 - 14:43 | |
| « Elle est plus radieuse que jamais et elle ne porte presque pas de maquillage. » n’est pas la phrase qu’elle s’attendait à entendre en premier lieu à un enterrement. Pour autant, il est loin d’avoir tort. Lily observe désormais sa mère sous un prisme différent, sa tête reposée contre l’épaule de son frère. Il a raison. Elle sourit de joie, sans feindre quoique ce soit - et Dieu sait que la jeune femme sait reconnaître un faux semblant lorsqu’elle en voit un. Au milieu de tout ce marasme, sa mère est la seule à pouvoir la faire sourire doucement. Elle qui était condamnée à aller de mal en pire, voilà que Marie s’en sort admirablement bien. Pour peu, ils pourraient penser qu’elle va même mieux. “Elle n’a pas voulu que je lui en mette beaucoup. Papa n’aimait pas ça.” Il comparait rapidement les femmes à des prostituées s’il venait à reconnaître du rose artificiel sur leurs joues, et ne parlons même pas de lèvres plus rouges qu’elles ne l’étaient naturellement. « C'est pas une trop grande responsabilité d'prendre soin d’elle ? Comptes-tu la déplacer en maison d'retraite ? » A bien y repenser, cela a quelque chose d’ironique que leur discussion ne tourne qu’autour de leur mère alors que c’est bien le paternel Keegan qui entre aujourd’hui en terre. Ce n’est pas pour déranger Lily et elle assume que cela arrange même son frère. Tant qu’ils discutent sans animosité, à vrai dire, elle serait prête à parler de la pluie et du beau temps aussi longtemps que possible et nécessaire. “Maman a pris soin de nous toute sa vie, je veux pas l’envoyer en maison de retraite. J’irai la voir tous les jours et j’aviserai si son état se dégrade.” Ils pourraient lui trouver une maison plus petite et moins difficile à entretenir; plus proche de la nouvelle habitation de Lily aussi. Marie a toujours compté sur Cyril pour survivre, elle doit avoir envie d’un peu d’air maintenant. Tant que sa fille peut s’assurer qu’il ne lui arrive rien de mal, c’est tout ce qui compte. “Comme ça tu pourras lui rendre visite quand tu veux.” Leur père a toujours été le problème, pas Marie. Ce sera l’occasion pour lui de renouer un lien perdu bien trop tôt dans son existence.
Leur discussion est mise à mal par une voix familière en direction de laquelle Lily se retourne doucement pour tenter de ne pas ressembler à une personne prise sur le fait. « Lily. José. » - « Joseph. » - “Tonton. Andrea.” Les noms et qualificatifs s’accumulent rapidement, entre ceux qui ne font même pas semblant de sourire et Lily qui esquisse une fausse tristesse. La cigarette de Joseph est une bonne excuse pour qu’il n’ait pas à ajouter quoique ce soit; elle lui fera la morale plus tard à ce sujet. « Ce sont les meilleurs qui partent en premier. » La plus jeune hoche la tête pour confirmer des paroles qui ont tout d’un mensonge. « Qu’est-ce qui était la meilleure chose à faire ? » L’enfoiré. Il écoute aux portes, maintenant? “Qu’il soit mort dans son sommeil. Il n’aura pas souffert.” Qu’il soit mort le premier. Qu’il soit mort, tout court, largement encouragé par Lily et les médicaments donnés chaque matin et chaque soir depuis de longs mois. Elle voulait le tuer plus tôt mais a dû prendre son mal en patience pour s’assurer que tout allait avoir l’air naturel. “Et qu’on l’enterre dans le caveau familial. Je sais qu’il aimera un jour reposer à tes côtés.” Est-ce que lui aussi aurait besoin que la main experte de Lily s’en mêle? Après tout, elle a rapidement pris l’habitude de cette mort à petit feu et, pendant longtemps, elle n’a même pas eu à faire face à aucun remord. “Je pensais que tu parlais du fait qu’il n’ait pas eu à voir trop longtemps José. Le fils revenu de nulle part, n’est ce pas? Il m’a dit que tu étais allé en prison, en plus que tu aies touché à la drogue. Il paraît qu’il se passe beaucoup de choses là-bas.” Ses yeux observent son aîné de long en large, à la recherche du moindre indice pouvant l’inculper de tous les maux du monde. Heureusement que Lily a insisté pour qu’il porte un costume malgré l’éternelle chaleur de l’Australie. |
| | | | (#)Ven 30 Avr 2021 - 3:41 | |
| “Elle n’a pas voulu que je lui en mette beaucoup. Papa n’aimait pas ça.” Et Joseph non plus, mais probablement pas pour les mêmes raisons. Il ne déteste ni le mascara, ni le fond de teint, ni les rouges à lèvres mais il a toujours préféré admirer le véritable visage des femmes ; pas celui caché en dessous d’un masque de cosmétiques. C’est peut-être l’un des quelques résidus restants de son éducation, après tout. Il n’a pas pu se débarrasser de l’entièreté de ses valeurs même en rejoignant un gang et en perdant trois années en prison. « Papa n’est plus là. » Il se contente de souffler après avoir tiré sa fumée vers le haut. Il ne sera plus jamais questions de ce que Cyril pense. Sa voix s’est tue en même temps qu’a cessé de battre son cœur. Mais sa disparition apporte avec elle de nouveau défi : s’occuper de Marie n’est probablement pas la tâche la plus aisée, même pour une Lily qui croit pouvoir panser tous les maux du monde. Il a conscience qu’elle travaille énormément alors il l’interroge quant à ses projets futurs. “Maman a pris soin de nous toute sa vie, je veux pas l’envoyer en maison de retraite. J’irai la voir tous les jours et j’aviserai si son état se dégrade.” Curieux, Joseph observe sa cadette du coin de l’œil. « Tu n’habites plus avec elle, alors ? Tu t’es complètement réconciliée avec Matt ? » Il lève la tête pour observer le garçon au loin. « Enfin, j’imagine que oui, puisqu’il prend soin de Marie comme si elle était sa mère. » Il marmonne en esquissant un sourire amusé. Il sera un meilleur fils que lui, c’est certain. “Comme ça tu pourras lui rendre visite quand tu veux.” Restant silencieux, il se contente d’hausser les épaules en baissant le regard, la clope au bec. Il n’aura jamais l’impression d’être le bienvenu chez elle, que Cyril soit là ou pas. Il n’a jamais cherché à la revoir après toutes ces années. Il avait peur, peut-être, et la crainte ne s’est pas complètement évaporée.
L’enterrement aurait dû se dérouler sans soucis, sans intervention inutile. Pourtant, comme arrivé par magie, l’oncle du frère et de la sœur emprunte leur attention – bien qu’il aurait probablement préféré que seule Lily soit présente aujourd’hui. Ça lui aurait évité d’avouer ne pas connaître le prénom d’un des membres de sa famille. Le garçon juge qu’il est temps pour lui se coudre ses lèvres ensemble lorsque Richard pose une question dangereuse. La jolie menteuse s’en sortira bien mieux que lui, c’est écrit dans le ciel. “Qu’il soit mort dans son sommeil. Il n’aura pas souffert.” Joseph louche un moment sur le sol, notant qu’elle ne répond pas correctement à la question. Son cœur s’agitant dans sa poitrine, il ne peut que tirer une énième latte sur le minuscule embout restant de sa cigarette pour cacher sa panique. “Et qu’on l’enterre dans le caveau familial. Je sais qu’il aimera un jour reposer à tes côtés.” Rassuré, il laisse un discret soupir gonfler ses poumons remplis de tabac. Il vaut mieux flatter le tonton dans le sens du poil, c’est certain. “Je pensais que tu parlais du fait qu’il n’ait pas eu à voir trop longtemps José. Le fils revenu de nulle part, n’est ce pas? Il m’a dit que tu étais allé en prison, en plus que tu aies touché à la drogue. Il paraît qu’il se passe beaucoup de choses là-bas.” Sourcils froncés, il accroche ses perles bleues à celle de Richard mais il arrive à garder son calme, étonnement. Il esquisse un sourire et désigne la clope qu’il tient entre son index et son majeur. « Il paraît que le tabac est une drogue, aussi. Tu fumes, n’est-ce pas ? Je me souviens du cendrier au milieu de la table, lors des dîners de famille. » Il plisse les paupières pour mieux visualiser ce souvenir. « Ni papa ni maman ne fumaient. Tu étais le seul. » Il termine en écrasant son magot en dessous de sa semelle, juste avant de sortir son paquet de clopes pour le tendre au vieil homme, lui proposant l’un des bâtonnets de poison. Évidemment, il refuse en agitant sa main, plein de dégoût – pas envers les cigarettes, mais plutôt envers SES cigarettes. Sans demander son reste, il s’en saisit d’une autre et craque son briquet à son embout. « La prison, ce n’est pas si mal. J’en suis ressorti vivant, après tout, et un homme changé. » Qu’il ment, dans le simple but de faire bonne impression ; même s’il ne pense pas arriver à changer l’avis de ceux qui n’ont entendu que du mal de lui. « Lily ne se tiendrait pas à mon bras si ce n’était pas le cas. Pas vrai, petite sœur ? » Il demande d’une voix fluette, l’interrogeant du regard.
@Lily McGrath |
| | | | (#)Lun 3 Mai 2021 - 21:31 | |
| Parfois les rôles s’échangent et lorsque Joseph se contente des faits, stipulant que « papa n’est plus là. », Lily ne peut pas se contenter de voir les choses aussi simplement. Aux yeux de leur mère, elle sait que les choses ne sont pas aussi simples. Elle ne sait sûrement pas qu’il est mort ou, en tout cas, pas dans le sens général que tout le monde l’entend. Il est parti ailleurs, il voyage. Elle n’a plus à s’occuper de lui, c’est ce qu’il faut en retenir. Pour autant, elle continuera toujours de vouloir lui faire plaisir et Lily, elle, ne se mettra pas en travers de ses désirs. Son frère préfère laisser remonter un autre sujet, lequel elle ne cherche pas un seul instant à lui cacher. Si tel avait été le cas, la plus jeune aurait davantage surveillé ses paroles. « Tu n’habites plus avec elle, alors ? Tu t’es complètement réconciliée avec Matt ? » Si elle a le temps d’ouvrir la bouche pour lui répondre spontanément, il ajoute quelques mots avant qu’elle n’ait pu donner vie aux siens. « Enfin, j’imagine que oui, puisqu’il prend soin de Marie comme si elle était sa mère. » Lily esquisse donc un demi-sourire qu’elle ne retient que parce que l’endroit est mal choisi. La scène, elle, la rend véritablement heureuse alors qu’en effet, Matt s’occupe parfaitement de leur mère, comme s’il la connaissait depuis toujours. “On s’est trouvés une maison à Logan. On s’est réconciliés, oui.” Elle aurait voulu dire ‘ça va mieux’ ou ‘on est heureux’ mais à en juger par les récents événements venus perturber leur vie de couple et la non-fondation d’une famille, elle ne peut pas se permettre d’être aussi optimiste. Son cou se tord pour arriver à se poser convenablement contre l’épaule de son aîné et ses doigts lui serrent un peu plus encore l’avant-bras, comme si elle s’apprêtait à lui poser un garrot. “ll est passé à la maison quand c’était encore compliqué. Maman l’a prise pour son médecin. Il a joué le jeu.” Il est vraiment, vraiment quelqu’un de bien et elle tend à le lui prouver au travers de toutes les anecdotes de leur vie qu’elle accepte de partager avec lui, chose qu’elle n’avait jamais faite avant.
A leurs prémices de confessions viennent faire face la présence de certains membres de la famille dénués de toute forme d’humanité. Lily tente de faire face autant que possible, gardant la face pour deux, éblouissant leur oncle de ses plus beaux et talentueux mensonges. Ses plus grands, aussi. “Je pensais que tu parlais du fait qu’il n’ait pas eu à voir trop longtemps José. Le fils revenu de nulle part, n’est ce pas? Il m’a dit que tu étais allé en prison, en plus que tu aies touché à la drogue. Il paraît qu’il se passe beaucoup de choses là-bas.” - « Il paraît que le tabac est une drogue, aussi. Tu fumes, n’est-ce pas ? Je me souviens du cendrier au milieu de la table, lors des dîners de famille. » La suite n’est qu’une bataille d’ego, un concours de celle qui a la plus longue. Lily est fatiguée, elle n’y prend pas davantage part et se contente d’écouter d’une oreille distraite, au cas où elle devrait ramener la discussion dans le droit chemin du mensonge. Ses yeux sont posés sur le visage de Richard, sa mine est fendue d’un sourire impersonnel. Elle est de nouveau droite, refusant de reposer sa tête contre l’épaule de son frère en une telle occasion. Le besoin de paraître est toujours plus important face aux membres de sa famille. « Lily ne se tiendrait pas à mon bras si ce n’était pas le cas. Pas vrai, petite sœur ? » - “Joseph a raison.” Son sourire s’étire à peine pour marquer ses mots et leur donner consistance, quand bien même elle ne pense pas une seule seconde ce qu’elle est en train de dire. L’important reste que Richard le pense, lui. “Excusez nous, la cérémonie va bientôt commencer.” Ça, au moins, ce n’est pas un mensonge. C’est aussi une issue de secours rapide et simple que Lily emprunte là. Elle a eu mieux fait mais son coeur n’est pas à la création de plans abracadabrantesques aujourd’hui. Sa tête se penche à peine en signe de salutations et elle préfère prendre les devants pour s’assurer que le groupe se scinde effectivement, entraînant son frère à sa suite, toujours collée contre son bras. Ses lèvres, elle, lui murmures des mots qui auraient dû être ‘on va être forts, mon frère’ ou ‘il nous protège de là-haut’ ou quoi que ce soit dans le même genre. Les sons qu’elle forme sont en réalité bien différents. “Ne t’avise plus jamais de parler pour moi.” Certaines choses ne changeront et quand bien même les Keegan semblent désormais réconciliés, ce n’est pas pour autant que leur avis doit toujours s’accorder.
Leur père aurait adoré la cérémonie. La mise en terre du cercueil, les discours religieux, les proches venant un à un témoigner de leur amour pour le défunt. Les Keegan, fratrie et mère, sont bien sûr en premier plan et si Lily a pris une seconde pour échanger une étreinte avec son mari, c’est bien vite auprès de son frère qu’elle est revenue se poser. “Ne mets pas de l’huile sur le feu s’il te plaît. On termine ça et on rentre, on oublie tout.” D’une voix quasi suppliante, elle présente à son frère ses dernières indications avant que la cérémonie ne débute réellement et qu’ils se présentent un à un sur le minuscule promontoire pour jeter des fleurs et Dieu sait quoi encore sur le cercueil. Pour faire leurs discours, aussi. Celui de Lily a été méticuleusement ficelé. “Joseph, vous qui êtes l’aîné, ne voulez-vous pas débuter?” Impuissante, la brune tente autant que possible de cacher des yeux toujours plus immenses. |
| | | | (#)Mer 12 Mai 2021 - 22:37 | |
| Il arrive à ne pas trop penser à l’acte que lui et sa sœur ont commis et qui les oblige aujourd’hui à emprunter des visages aussi impassibles que possible. Ils sont les deux seuls à savoir que Cyril ne s’est pas naturellement endormi et c’est bien la première fois que Joseph et sa sœur partagent un aussi gros secret qui les rend complices. Du coin de l’œil, le jeune homme se laisse divertir par l’image de Matt qui s’occupe un peu trop bien de sa belle-mère. Ils sont probablement déjà les meilleurs amis du monde, à voir le sourire doux sur les lèvres de Marie. “On s’est trouvés une maison à Logan. On s’est réconciliés, oui.” Encore une information qu’il aurait aimé obtenir un peu plus tôt mais, comme il a l’habitude d’être le dernier informé, il commence à ne plus lui en vouloir. C’est dans sa nature de lui cacher des trucs et il a fait la même chose toute sa vie. Ça doit être dans leur ADN d’omettre de partager certains détails. Joseph aurait aimé de pas être obligé de mentir à sa sœur lorsqu’il faisait encore partie des manthas, seulement, on l’aurait tué pour trahir les siens s’il lui avait soufflé le moindre mot. Elle l’a découvert par elle-même dans les journaux. « Je suis heureux pour toi. » Le garçon répond en hochant de la tête, détachant finalement son regard des deux joyeux lurons qui semblant avoir oublié qu’un enterrement aura lieu dans quelques minutes à peine. “ll est passé à la maison quand c’était encore compliqué. Maman l’a prise pour son médecin. Il a joué le jeu.” Un gloussement soulève la poitrine de Joseph et il se mord la lèvre inférieure. Décidemment, Matt sera un meilleur fils que lui-même. De toute façon, il ne pense pas être capable de s’occuper d’elle. Il peine à se garder lui-même en vie.
Richard n’est pas venu en brandissant un drapeau blanc. Dès le moment où il a fait mine d’oublier le prénom de Joseph, ce dernier a su qu’il allait devoir serrer les poings pour contenir sa colère entre ses doigts et ses paumes, comme une boule d’énergie qui ne demande qu’à déraciner tout sur son passage. Les faux sourires, c’est une technique que Lily maitrise bien mieux que lui mais il doit bien pouvoir arriver à ne pas égorger leur oncle. Brillamment, il arrive à détourner les reproches faits en son encontre en rappelant que même la cigarette est une drogue et que, par conséquent, Richard aussi consomme ce genre de substance. À voir les yeux noirs qu’il porte, il n’apprécie pas la répartie mais le débat ne prend pas d’ampleur. “Joseph a raison.” Que conclue Lily juste avant de rappeler la cérémonie qui ne tardera pas à commencer. Ne lâchant pas son oncle du regard, Joseph esquisse à son tour un joli sourire complètement hypocrite et suit sa sœur lorsqu’elle tourne des talons. “Ne t’avise plus jamais de parler pour moi.” Il s’empêche d’en rigoler. Il ne fait qu’acquiescer d’un signe de la tête en gardant la tête bien haute, sans poser les yeux sur la plus petite, pour ne pas attirer le moindre soupçon de la part de la famille présente. D’ailleurs, plus ils se reprochent du gros trou dans lequel leur père sera jeté comme un déchet, plus les yeux curieux se posent sur Lily et son frère. Il se souvient de tous les visages, malheureusement, même de ceux qui sont aujourd’hui couverts de rides. Il remarque le regard acharné d’un de ses cousins, seulement âgé d’un an de plus que lui, qui semble voir un fantôme quand Joseph passe devant lui. Il ne dit pas un mot, faignant de ne reconnaître personne dans la masse. Après tout, il pourrait justifier son impolitesse en disant qu’il est devenu un légume à force de consommer D’HORRIBLES DROGUES ILLICITES.
Ça pue. C’est l’odeur de l’herbe encore humide et de la terre qui grouille de vers. Ou bien c’est le corps en putréfaction de Cyril, dissimulé dans l’énorme cercueil très modeste. Ce dernier est doucement posé dans le fond du trou grâce à de longues ganses en cuir. Les premières personnes jettent une poignée de terre sur l’objet sacré mais Joseph garde ses distances, bien qu’il soit obligé de se poser en premier rang. Les mains dans les poches, il joue avec chaque objet qu’il trouve afin de se changer les idées (il a surtout terriblement envie de pisser sur le cercueil). “Ne mets pas de l’huile sur le feu s’il te plaît. On termine ça et on rentre, on oublie tout.” Insiste Lily quand elle vient le revoir après avoir pris dans ses bras des gens qui croient à sa tristesse. « C’est déjà oublié. » Il murmure, déjà près à foutre le camp alors que les discours n’ont pas encore commencés. “Joseph, vous qui êtes l’aîné, ne voulez-vous pas débuter?” Hum ? Il relève la tête. Le prête vient de prononcer son nom ou alors il vomissait des discours religieux de Marie et Joseph comme il sait si bien le faire ? Voyant que les deux yeux de l’homme sont posés sur lui, et ses mains ouvertes en sa direction, il déglutit. Tous les regards sont rivés vers eux et il entend quelques murmures. Probablement son cousin qui est rassuré de constater qu’il n’est pas le seul à voir ce fantôme. « Eum… » Il s'étonne, déjà à bout de souffle. « Évidemment. » Qu’il réussit à ajouter, faisant un pas vers l’avant, baissant automatiquement la tête pour se préserver des regards accusateurs rivés vers lui. Personne n’est au courant. Personne ne sait que lui et Lily ont signé l’arrêt de mort de Cyril. Il ne devrait pas s’en faire. « Cyril…. Cyril, Cyril… » Il prononce trois fois son prénom comme s’il allait trouver l’inspiration. Il a beau adorer la poésie, les romans et les jolies phrases, il n’arrive pas à penser à une seule chose à dire. Pas un seul mensonge. Alors il dit la vérité. « Cyril était un homme fort. » Surtout quand il maintenait Joseph contre le lit, sa paume lourde et robuste pressée dans le creux de son cou pour mieux dénouer l’épaisse ceinture autour de ses hanches. « Je ne pense pas être le seul à penser qu’il nous a tous marqués à sa façon. » Il ajoute en levant la tête pour observer les feuilles qui dansent dans les arbres. Les marques sur son dos lui brûlent à nouveau. « Certains plus que d’autres. » Il souffle. « Il ne se passe pas une journée sans que je pense à lui. À vrai dire… Il est probablement la personne qui occupe le plus mes pensées depuis toujours. » Il glousse, passant sa main dans sa longue chevelure, se grattant le crâne, s’empêchant de dire toutes les choses qui lui traversent l’esprit. « Je pense que je ne suis pas le seul qui… » Le sanglot de Lily le coupe dans sa lancée, et heureusement. Comme un bon frère, il se tourne vers elle et la prend aussitôt dans ses bras pour qu’elle pleure sur son épaule.
@Lily McGrath |
| | | | (#)Jeu 13 Mai 2021 - 17:17 | |
| « Eum… Évidemment. » C’est la réponse qu’il donnait toujours à leur père, quand ce dernier le laissait au moins parler. Elle entend encore sa voix d’enfant dans son esprit, elle entend son ton tout aussi peu assuré qu’il peut l’être en cet instant. Elle le revoit baisser la tête et la perdre dans ses larges épaules, aussi, lui qui ne se souvient sûrement pas de la couleur des yeux de leur paternel. Lily non plus ne le regardait pas dans les yeux, de toute façon.
Le discours comporte sûrement plus de sous entendus que de mots mais aucun n’est capable d’amener un sourire sur le visage de la cadette Keegan. Elle n’a plus aucun bras auquel se raccrocher et d’un regard elle ordonne à Matt de rester auprès de leur mère plutôt que de la rejoindre. Ce n’est pas sur sa propre personne que doit se focaliser l’attention et à bien y penser c’est la dernière chose dont elle ait envie. Ils parleront plus tard, Lily arrive encore à garder son visage neutre derrière ses lunettes teintées de noir. « Cyril…. Cyril, Cyril… » Est-ce qu’il l’a déjà appelé ‘papa’ une fois dans sa vie? « Cyril était un homme fort. » Trop. « Je ne pense pas être le seul à penser qu’il nous a tous marqués à sa façon. » Égoïstement, elle espère qu’il a été le seul à avoir été marqué. La gifle sur sa joue n’est en rien comparable à ce que son frère a vécu, elle le sait bien assez. « Certains plus que d’autres. » Elle serre la mâchoire, déglutit pour tenter de garder une certaine prestance. En vain. Un premier hoquet de chagrin se fait entendre, rapidement suivi par d’autres, incontrôlables. « Il ne se passe pas une journée sans que je pense à lui. À vrai dire… Il est probablement la personne qui occupe le plus mes pensées depuis toujours. » Son frère trouve encore le moyen d’en rire mais ce n’est pas le cas de la brune qui, déjà, baisse le regard loin de Joseph et de la tombe avec. Personne ne peut lire dans ses yeux mais tous verront les larmes sur ses joues, bientôt. « Je pense que je ne suis pas le seul qui… » Un sanglot se fait plus sonore que les autres et, gênée, la jeune femme se pince les lèvres. Pleurer en public est bien la dernière chose qu’elle ait envie de montrer mais pour la première fois depuis toujours, elle est incapable de se contrôler. Au moins, ils penseront tous qu’elle est à son tour une jeune fille parfaite, désolée de voir s’envoler le premier homme de sa vie.
L’étreinte de son frère est la dernière chose à laquelle elle se serait attendue. Son premier réflexe consiste à vouloir qu’il s’éloigne, continue son discours, fasse comme si de rien n’était. Pour autant elle n’a pas la force de le repousser et, pire encore, elle n’en a même pas l’envie. “C’est ma faute.” Confession d’une sœur à un frère, elle murmure à peine pour qu’il soit le seul à entendre. Ses mains ont trouvé refuge, refermées, contre son dos. Elle aurait préféré être assez forte pour ne pas se montrer ainsi en public mais, réfléchissant rapidement, elle en vient à la conclusion que cela ne fait que donner plus de profondeur à leur rôle d’enfants attristés par la mort de leur paternel. En réalité, Lily pleure surtout la disparition de son enfant alors qu’elle le portait encore dans son ventre, surtout maintenant qu’elle en est venue à la conclusion que les deux disparitions ne peuvent qu’être liées. “J’étais enceinte. J’ai perdu le bébé.” Elle aurait voulu lui en parler avant, elle aurait voulu lui annoncer sa grossesse les yeux dans les yeux et avec un large sourire. Elle le voulait vraiment. Ils auraient été heureux, tous les deux, loin des mensonges et des non-dits habituels. “A cause de ce que j’ai fait.” Un tel acte n’aurait pas pu rester impuni. Elle le sait, pourtant. C’est la loi du talion qu’elle connaît tant, vulgarisé en un simple œil pour œil et dent pour dent. Aujourd’hui, ce sont ses larmes qui se confondent avec les habits de son aîné à qui elle dit toujours les choses trop tard. “Je peux pas. Je peux pas.” Je peux pas faire semblant, pas aujourd’hui, pas à ce sujet. Cette fois-ci, c’est trop lui demander et le deuil d’une mère n’a aucun égal, surtout pas leurs mensonges. Séchant rapidement ses larmes du revers du poignet, elle laisse leur famille terminer la cérémonie sans elle, se doutant que son frère saura saisir l’opportunité de s’enfuir une fois de plus. Aujourd’hui, au moins, ils le font ensemble. |
| | | | (#)Ven 21 Mai 2021 - 4:44 | |
| Il déteste son père ainsi que le cercueil qui cache son horrible visage et les quelques kilos en trop qu’il avait accumulés depuis qu’il ne bossait plus à la ferme. Il déteste ce prêtre qui se lève au-dessus de lui en brandissant la main vers l’avant pour chercher le ciel du bout des doigts. Il déteste sa barbe parfaite, ses rides symétriques, ses yeux probablement bleus qui ne reflètent aujourd’hui que le reflet des nuages gris. Il déteste ces gens qui font la gueule en cercle. Personne n’ose garder la tête droite. Les regards épousent le sol vert, sans exception. Devant le groupe de gens qui sont devenus des inconnus, Joseph ne fait que bavasser comme une pie qui a appris un texte par cœur – alors que, au fond, les mots qui s’échappent de ses lèvres sont improvisés sur le coup. Il se féliciterait même d’arriver à parler sans trop bégayer et sans vomir sa haine sur son père qui ne l’entend de toute façon pas. Parce qu’il est trop occupé à se faire brûler les orteils en Enfer à côté d’Hitler. Ils sont probablement devenus de bons potes, ceux-là. L’image amuserait le jeune homme s’il n’avait pas envie d’imploser en cet instant-même. L’inspiration ne vient plus. Il hésite un moment, lèvres entrouvertes, comme s’il pouvait absorber les idées de Lily (elle est meilleure que lui pour ça) pour être frappé par une illumination. Mais sa sœur ne vient pas à son secours de la façon à laquelle il s’attendait. Au milieu des silhouettes vêtues de noires, elle se casse, diagonales au milieu de lignes bien droites. Les pleurs secouent sa poitrine comme si la peine était réelle. Pendant un moment, Joseph reste interdit, déstabilisé même, parce qu’il réalise qu’il ne pourrait pas distinguer les vrais pleurs des faux. Ne prenant pas la peine de s’excuser à la foule qui, de toute façon, ne l’écoute pas, il s’enfuit dans les bras de Lily et joue le rôle du meilleur frère du monde. Naturellement, le prêtre reprend la parole pour ne pas laisser le silence d’installer. Il veut couvrir les couinements de Lily parce que ces derniers nuisent à l’image parfaite de cet enterrement. La pluie ne tombe pas encore mais elle menace de le faire en même temps que le frère et la sœur se cachent au milieu d’une bulle qu’eux seuls peuvent pénétrer. Personne n’ose les regarder, mal à l’aise. Et c’est tant mieux. “C’est ma faute.” Joseph sent son ventre se retourner. Il n’aime pas l’entendre prononcer ces mots ici. Oui, ils sont tous les deux fautifs, et elle n’avait jusqu’à présent montré aucun remord. « Je… » Il bafouille, ne sachant pas quoi dire. Il s’agit de la vérité, il craint que des oreilles curieuses les espionnent. Ils n’attendent que ça, les oncles et les tantes. La preuve que les enfants de Cyril n’égalent pas les leur. “J’étais enceinte. J’ai perdu le bébé.” Il aurait vomi s’il avait l’estomac faible. Tétanisé, il ne fait que prolonger l’étreinte, posant son menton sur le dessus de sa tête, parfum shampoing à la fleur. Elle peut certainement entendre son cœur qui s’exprime bien plus que lui-même et ses cordes vocales ramollies par la surprise. Ses pleurs sont véritables, alors.
Il se déteste de ne pas l’avoir deviné.
“A cause de ce que j’ai fait.” Il secoue aussitôt la tête pour mettre un frein à ces pensées empoisonnées qui rongent sa petite sœur jusqu’à la moelle. Il ne croit pas au karma. Il a toujours fait de son mieux pour faire les bons choix, s’occuper des gens qui ont besoin de lui, offrir des miettes de pain aux pigeons qui picorent la semelle de ses chaussures quand il contemple la ville tôt le matin. Il n’a jamais rien reçu en retour. Seulement des saignements de nez.
Cette fois, il pleure. Il n’a pas eu besoin de faire semblant. Il s’assure que le reste de la famille avale encore les mots du prête qui fait semblant d’avoir connu Cyril et qui le trouvait ô combien bon, ô combien travaillant, ô combien méritant. Sa sœur se décolle de lui pour trouver un endroit où s’esseuler et aussitôt il essuie le dessous de ses paupières ruisselantes. Il refuse d’accorder le moindre regard à quiconque et suit la seule personne qui compte pour lui à cette cérémonie. Il rejoint Lily, attrape sa main pour l’empêcher de fuir plus loin. Il ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé. « Lily… » Il tente, tâtant le territoire, toujours incapable de trouver les mots sur le coup. « Je refuse de te laisser penser qu’on te puni pour avoir fait ça. Ça n'existe pas, ce genre de karma. » Son ton est ferme mais sa voix menace de casser. « Je ne pourrai jamais ressentir ce que tu ressens mais je veux que tu saches que tu peux me parler. Tout me dire, même. » Il aurait adoré apprendre la nouvelle de sa grossesse, mais il omet de préciser ce détail. Un arbre à côté d’eux les étreint de ses longues feuilles. Dans son mutisme, Joseph lorgne Matt, au milieu du groupe, qui les observe en retour. Il n’ose certainement pas s’approcher. Il pense que ce n’est pas son combat à lui ; au contraire. « Est-ce qu’il est au courant ? Tu auras besoin de soutien, plus que jamais. Quand tu te sentiras à nouveau prête, vous pourrez réessayer. » Parce qu’il n’imagine pas sa sœur ne jamais devenir maman. Elle est née pour prendre soin d’une petite âme. Il ne réalise pas qu'il est maladroit dans son approche ; ce n'est pas le genre de deuil qu'il a vécu et il ne connait pas la profondeur de ce dernier.
@Lily McGrath |
| | | | (#)Lun 24 Mai 2021 - 21:00 | |
| Elle ne se souvient pas de la dernière fois où son frère l’a pris dans ses bras. Elle ne se souvient même pas de la dernière fois où elle a accepté de lui montrer la moindre faille, le moindre défaut. Après tout ce qu’ils ont vécu et traversé ensemble, Lily n’a jamais réellement accepté de faire de lui un ami, un allié. Il est toujours resté dans l’ombre, lui, l’indéfinissable: son frère mais pas vraiment, un drogué mais pas vraiment, un homme bon mais pas vraiment. Il y avait ce qu’elle disait, il y avait ce qu’elle pensait. Les deux ont toujours été bien différents mais elle s’est efforcée de ne pas le montrer, au point où il a sûrement fini par voir seulement ce qu’elle voulait lui montrer. Aujourd’hui la jeune femme regrette tous ses gestes, surtout alors qu’elle se rend compte du pouvoir de son étreinte. Elle en avait besoin depuis des années et ne le savait même pas. Lily tente donc de rattraper le temps perdu à sa façon, préférant laisser ses larmes imbiber les tissus de son frère plutôt que le laisser faire le moindre pas en arrière. Son poing, fermé, garde sans force son aîné près d’elle. Il a beau aller contre les idées de sa cadette, ce n’est pas suffisant pour qu’elle se taise.
Face à sa propre tristesse se transmettant à son frère, Lily préfère prendre du recul avec le reste des invités pour ne pas leur laisser l’occasion d’observer de trop près le spectacle. Elle sait déjà qu’on lui trouvera une excuse pour toutes choses parce que ça a toujours été le cas; comme cela ne l’a justement jamais été pour Joseph. De lui on dira qu’il n’a pas la carrure suffisante pour devenir l’homme de la famille, on lui reprochera de ne jamais avoir été au même niveau que son père. Jamais ils ne comprendront que c’est l’un des plus beaux compliments qu’ils pourraient avoir à son égard. Peu importe: Lily n’a jamais pensé de telles choses et son avis ne changera pas. Ils ont besoin d’espace, à défaut de pouvoir s’offrir du temps. Lorsqu’il rattrape rapidement sa main, ses yeux rendus plus profonds par le passage de ses larmes, sa cadette ne peut qu’en être soulagée. Ses doigts s’accrochent encore aux siens pour faire mentir ceux qui clameraient qu’elle est la plus forte des deux. « Lily… Je refuse de te laisser penser qu’on te puni pour avoir fait ça. Ça n'existe pas, ce genre de karma. » Elle en est la preuve vivante, pourtant. Le pire peut toujours arriver, il n’y a pas de niveau plafond et même lorsqu’on touche le fond on peut toujours creuser. Lui aussi l’a connu, à sa manière. “Comment tu appelles ça alors?” Lily n’attaque pas, elle ne cherche pas non plus à blesser. La question est sincère, intéressée. Comment est-ce qu’il pourrait qualifier ce qui lui arrive si ce n’est pas une question de karma, de vengeance, de punition divine? Il sait tout, Il voit tout. Elle aurait dû l’anticiper. Après tout, ce n’était qu’une gifle. Joseph a vécu bien pire sans jamais s’en plaindre. Elle aurait pu (dû) en faire tout autant. « Je ne pourrai jamais ressentir ce que tu ressens mais je veux que tu saches que tu peux me parler. Tout me dire, même. » Il a les mains brûlantes ou peut-être que ce sont les siennes, difficile de distinguer à force de vouloir triturer ses doigts simplement pour se donner une occupation. “Je sais.” Elle reprend donc à son tour, doucement, toujours aussi faible. “J’ai juste aucune idée de comment le faire.” Matt dit tout à sa famille. Il n’a aucun mal à le faire. Dès qu’une chose lui arrive, il envoie un sms à Ginny, il appelle Jill, il chuchote à l’oreille de Deklan derrière le bar. Il n’a aucun mal à parler à qui que ce soit, en réalité, et parfois l’infirmière en vient à l’envier parce qu’elle ne sait pas en faire de même. Elle ne sait pas accorder sa confiance et même pour les quelques personnes qui ont su la gagner, dont son frère, elle n’a aucune idée de comment se confier. La peur que leur relation change de nouveau et se dégrade l’emporte sur tout le reste. Il n’a jamais été pour son mariage télévisé et en a même été jusqu’à émettre des doutes sur son mari… comment aurait-elle pu être certaine qu’il serait heureux de la savoir enceinte? Il est bien là, le problème: tout ce qu’elle veut, c’est être acceptée par son propre sang, être une sœur dont il peut être fier. “J’avais peur que tu sois contre l’idée qu’on ait des enfants.” Elle avait peur, et c’est sûrement la première fois qu’elle ose lui faire une telle confession. Lily n’a jamais eu peur du noir, des fantômes, des grenouilles jetées au visage, des orages. Elle n’a jamais eu peur des sévices de leur père. Elle ne craignait pas le Berger Allemand hargneux des voisins. Officiellement, en tout cas. Officieusement, l’histoire est bien différente et il le sait sans doute autant qu’elle. “J’avais déjà perdu un bébé. A la fin, je n’étais même plus avec Callum. C’est un ami qui m’a convaincue de le quitter. Et je l’ai fait, et j’ai été heureuse, et j’ai même crue que tout était terminé.” Et, et, et. Elle prononce une phrase après l’autre avec une lenteur infinie, surtout due au fait qu’elle ait besoin de temps pour formuler ses pensées et trouver les mots adéquats. Ce sont des faits qu’elle n’a jamais partagé avec personne; pas dans leur intégralité. Ne manque donc que la fin de l’histoire, alors, celle qui fait trembler le sol de la statuette à l’effigie de la parfaite et incassable Lily Keegan. “Le bébé n’était pas de lui. Il est mort parce que j’ai été infidèle.” Si elle ne pleure plus, elle se mord désormais l’intérieur des joues, les yeux arrondis pourtant posés sur le sol et leurs paires de chaussures. Elle est incapable de l’observer dans les yeux en cet instant et elle le serait encore plus d’accepter son jugement, quel qu’il soit. “Ils n’auraient jamais dû mourir.” Ni l’enfant, ni Callum, peu importe à quel point son ex petit-ami n’était pas un homme bon. Il ne méritait pas la mort et les Keegan n’ont pas le droit de se penser au-dessus de Dieu, capables d’avoir le pouvoir de vie ou de mort sur leurs semblables. Elle aurait dû apprendre la leçon dès la première fois.
« Est-ce qu’il est au courant ? Tu auras besoin de soutien, plus que jamais. Quand tu te sentiras à nouveau prête, vous pourrez réessayer. » Laisser son regard dévier vers son mari lui donne l’occasion de sourire faiblement. Il aura toujours cet effet sur elle, peu importe son état d’esprit. Ce qui la fait moins sourire, ce sont les mots de son frère. Il essaye, elle le lui concède volontiers, mais il a encore bien des choses à apprendre sur ce qu’il faut dire et ne surtout pas dire. “Bien sûr qu’il sait.” A son tour, elle n’en fait pas un reproche. Les mots de la brune sont prononcés avec délicatesse et douceur. Il sait, il sait tout. Il sait qu’il aurait dû être père avant la fin de l’année, tout comme il sait qu’il ne le sera peut-être finalement jamais. “Je sais pas si j’ai envie de réessayer. Je veux pas lui faire vivre ça à nouveau. A moi non plus.” Ses dettes sont peut-être payées auprès de Dieu mais elle doute que cela suffise à apaiser sa fureur. |
| | | | (#)Mer 9 Juin 2021 - 6:19 | |
| La vérité, c’est que j’essaie de faire au mieux. Essayer, je déteste le mot, je déteste la seule optique de pas être capable de faire plus que de tenter.
C’est pas facile parce que la famille n’est pas du genre à accueillir à bras ouverts le type qui a marié leur pupille mais qui surtout sortait de nulle part juste avant. Alors je tente d’être utile là où je peux. M’assurer que les tasses de café et de thé restent pleines, que personne ne fasse tomber quelques fleurs que ce soit au sol. Vraiment, la priorité reste de faire gaffe à ne pas me poser dans un coin rien que pour couver Lily d'un coup d'oeil un peu trop insistant, quand bien même je sais parfaitement qu’elle sera capable de tenir bon sans sourciller autant qu’elle le pourra devant public. Elle est forte la brune, souvent beaucoup trop, mais ce n’est certainement pas aujourd’hui que je serai celui qui lui clamera sans équivoque qu’elle peut ouvrir les valves, qu’elle en a le droit. Elle sait Lily, qu’elle peut tout me dire comme elle peut tout garder pour elle, y'a pas de mauvaise réponse sauf celle avec laquelle elle est à l'aise. Personne ici n’est à même de décider ce qui sera le mieux pour elle sauf elle justement.
Moi, j’ai des cafetières à remplir et de l’eau à faire bouillir alors je m’y tiens, vaillant représentant des liquides de la journée. Quand Joseph apparaît à côté d’elle, je scrute une fraction de seconde le regard de l’un et l’expression de l’autre. Ils ont des tas de trucs à se dire et peu importe qui erre autour d’eux, la bulle qu’ils ont formée reste aussi étanche que nécessaire, c’est pas à moi d’aller l’éclater. Y’a même des tentatives de les laisser à deux qui se faufilent lorsque ma silhouette fait de même dès lors que je repère des gens qui s’approchent un peu trop près d’eux. Tous les sujets de conversation y passent, tous les visages inconnus aux prénoms que j’ai entendus Lily prononcer en pointant vaguement qui était quoi servent de courtepointe dans ma mémoire diffuse. Et j’étale les sujets de discussion les plus passe-partout que je peux avoir en banque rien que pour distraire la compagnie le plus loin possible du duo de frère et sœur qui ont bien mérité leur moment de calme.
« Je veux pas déranger. » et je m’en veux quand même de le faire, imbécile qui en plus le précise lorsque mes pas se compilent aux côtés de la brune et que je profite d’un maigre silence entre les deux pour me greffer. La vérité c’est que j’ai vu Lily froncer des sourcils pendant une fraction de seconde, et que ça a suffi pour que Matt McGrath le grand lourd sur son cheval blanc s’en prenne à ses nerfs de peur que quelque chose cloche. Rien ne cloche, tout va, et le simple fait de me caler contre elle et de laisser mes doigts caresser le revers de sa paume me rassure dans toute ma connerie. Essaie encore Matt, essaie plus fort. Ça sert à rien de paniquer, tout va, je me suis foutu la frousse à moi-même et c’est le moment de faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes malgré les circonstances et tout le reste. « Mais je voulais juste m'assurer que vous alliez pas finir déshydratés. » c’est pas tout de fournir en café la populace, il y a eux aussi qui mériteraient bien un gobelet bouillant entre leurs paumes. Me faut juste leur commande, me faut juste un truc de plus à ajouter à la liste de ce que je peux faire pour m’occuper les mains et m’empêcher de psychoter dans mes retranchements et tout ira pour le mieux. Un baiser sur sa tempe plus tard, et c’est comme si j’étais déjà reparti. « Prends tout ton temps. Je t’aime. » |
| | | | (#)Dim 13 Juin 2021 - 5:49 | |
| Tous les regards sont rivés vers eux. Pourquoi Lily pleure-t-elle soudainement, elle qui arrivait à garder ses yeux secs jusqu’à présent ? Pourquoi le frère et la sœur se sont-ils séparés du groupe en plein milieu de la cérémonie, laissant leur mère autour du cercueil, seule pour vivre le deuil ? Pourquoi Joseph est-il réapparu sans prévenir, lui qui a préféré se cacher du reste de sa famille depuis qu’il a changé de vie quand il était adolescent ? Les questions ne sont pas posées à voix haute mais le garçon les entend, à une dizaine de mètres d’eux, tandis qu’il trouve refuge près d’un arbre avec Lily. Elle semble avoir perdu le contrôle et des hoquets de tristesse trop naturels secouent sa poitrine. Elle dit que le ciel la punie pour avoir décidé de mettre fin à la vie d’un homme qui avait encore la santé parce qu’il ne fumait pas, ne mangeait pas trop de gras, et prêtait encore allégeance à ce dieu invisible qui flotte au-dessus de la Terre parce que les livres en ont décidé ainsi. Joseph est ébranlé par la nouvelle et, si les larmes gonflent ses yeux à lui aussi depuis qu’il a appris que l’enfant de sa sœur n’est plus, il arrive à parler sans que sa voix ne tremble trop. “Comment tu appelles ça alors?” Il reste aphone en observant ses yeux aussi bleus que les siens et il hausse doucement les épaules, incapable de trouver les mots. Il ne croit simplement pas au karma et aux punitions divines. Si quelqu’un avait quelque chose à dire là-haut, Joseph ne sentirait plus son cœur battre dans sa poitrine depuis longtemps déjà. Il ne pourrait pas assister à cet enterrement parce que le sien aurait eu lieu le jour où il a décidé de rejoindre une bande de criminels qui lui promettaient une vie meilleure. « J’en sais rien. De la malchance. On n’est pas très chanceux dans cette famille. » Le garçon souffle, lèvres pincées, déboussolé. Il n’a même pas eu le temps de célébrer la grossesse de sa sœur qu’il doit déjà vivre un deuil avec elle. Il ne veut pas la laisser seule dans cette douleur alors il lui fait savoir qu’il sera toujours là si elle a besoin de lui. “Je sais. J’ai juste aucune idée de comment le faire.” Ce sera un exercice difficile, eux qui ont pris l’habitude de se taire en présence de l’autre. Il comprend parce qu’il n’a pas non plus l’impression qu’il trouverait le courage de lui parler de ses propres inquiétudes. Il craint peut-être qu’elle le blâme comme elle l’a toujours fait, parce que c’est de sa faute à lui s’il dépend de la drogue aujourd’hui, s’il a un casier judiciaire et s’il arrive à peine à trouver de la stabilité. « On apprendra tous les deux. » Il ne sera jamais trop tard. Quelques secondes plus tôt, il prenait sa sœur dans ses bras. Il ne se souvient pas la dernière fois que ses larmes ont mouillé sa chemise. “J’avais peur que tu sois contre l’idée qu’on ait des enfants.” Il fronce les sourcils en tentant de soutenir son regard. « Qu’est-ce que tu dis ? » Il semble choqué, perdu, parce qu’il ne comprend pas comment elle a pu penser ça. Il a toujours su que sa sœur deviendrait une mère. Elle sait comment s’occuper des autres, elle panse les blessures et essuie les larmes. Joseph avait à peine douze ans quand il a su pour la première fois que Lily deviendrait à son tour responsable de plusieurs enfants. C’était comme si c’était écrit sur les murs de leur chambre. “J’avais déjà perdu un bébé. A la fin, je n’étais même plus avec Callum. C’est un ami qui m’a convaincue de le quitter. Et je l’ai fait, et j’ai été heureuse, et j’ai même crue que tout était terminé.” C’est étrange de repenser à cet homme maintenant que Lily connait la vérité derrière son décès. Le ton de la voix de Lily est inquiétant et Joseph se doute que quelque chose cloche. Il ne parle pas et attend la suite, le visage compréhensif, du moins, le plus possible. “Le bébé n’était pas de lui. Il est mort parce que j’ai été infidèle.” Il aurait dû être surpris, vraiment. Mais il reste impassible. Il est une des rares personnes qui sait que sa sœur n’est pas un ange tombé du ciel, comme le prétendait le prêtre à tous les dimanches, en s’abaissant à sa hauteur pour lui échanger un sourire et quelques mots. “Ils n’auraient jamais dû mourir.” Il lance sèchement : « Et tu penses que tu s’rais heureuse aujourd’hui, avec lui ? » Il jette un coup d’œil à Matt, celui qu'elle a trouvé depuis sa libération, mâchoire serrée. Il repose ses perles bleues sur sa sœur. « Il te faisait du mal. Voilà pourquoi tu es allée voir ailleurs. Tu cherchais quelqu’un de mieux et tu n’avais pas les moyens de mettre un terme à ton mariage avec cet autre connard. Il te menaçait, pas vrai ? » La question est rhétorique. Le faux sourire de Lily, en la présence de son ancien mari, n’a jamais convaincu Joseph. « Crois-moi, il méritait de mourir. Si le karma existait réellement, j’aurais à mon tour été renversé sur l’autoroute. » Parce qu’il aurait été puni lui aussi.
Il déteste repenser à ce passé-là, celui qui a été enterré des années auparavant. Elle lui a dit que son cœur appartenait à Matt dorénavant alors il est inutile de faire revivre Callum grâce à cette conversation. “Bien sûr qu’il sait.” Le cœur de Joseph se pince mais il n’affiche aucune moue. C’est ainsi : il ne sera jamais mis au courant avant les autres. “Je sais pas si j’ai envie de réessayer. Je veux pas lui faire vivre ça à nouveau. A moi non plus.” Il comprend et il baisse le nez. « Tu verras. Il te reste du temps. » Il déteste se sentir aussi impuissant mais que peut-il dire de plus ? Il s’agit des choix de sa sœur, pas des siens. Lui, ça fait longtemps qu’il sait qu’il ne sera jamais père même s’il essayait. La question ne pose pas, c’est plus facile ainsi. À sa droite, il remarque la silhouette de Matt et il se pince aussitôt les lèvres en se séparant de Lily de quelques centimètres. Il esquisse un sourire pour le saluer même si le cœur n’y est pas. « Je veux pas déranger. » Il dérange un peu. « Mais je voulais juste m'assurer que vous alliez pas finir déshydratés. » Baissant la tête, Joseph secoue la tête de droite à gauche pour lui signifier qu’il n’a besoin de rien – enfin, si, il prendrait bien quelques shots de Vodka mais le garçon n’a probablement pas prévu de fournir l’enterrement religieux en alcools forts. Enfonçant ses mains dans ses poches, il se pose contre le tronc de l’arbre derrière lui et laisse ses yeux voyager autour dans le cimetière. « Prends tout ton temps. Je t’aime. » Et du coin de l’œil, il observe les lèvres de Matt se poser sur la tempe de sa sœur avec douceur.
@Lily McGrath @Matt McGrath (pardon, Jo est 0 bavard en présence de Matt mais GNNN il venait de parler de meurtre ) |
| | | | (#)Mer 16 Juin 2021 - 15:19 | |
| “J’avais peur que tu sois contre l’idée qu’on ait des enfants.” - « Qu’est-ce que tu dis ? » Quand il a froncé les sourcils, elle s’était de nouveau attendue au pire. Elle s’attendait à ce qu’il lui demande de déguerpir sur le champ et de ne plus jamais venir lui parler, même. Elle s’attendait aussi à ce qu’il lui demande d’oublier leur lien familial une bonne fois pour toutes, qui sait. Il semble pourtant bien loin de tout ça, Joseph, lui qui se contente d’être pris de court par l’aveu de sa cadette. En réalité, elle n’aurait simplement jamais pensé que l’inverse puisse être vrai. Pourquoi est-ce qu’il voudrait que sa parfaite petite sœur ait droit à la vie heureuse dont elle a toujours rêvé alors qu’il n’accède toujours pas même aux miettes ? Prise de court, Lily ne relance pas le sujet, se contentant de hausser les épaules comme un enfant à qui il manquerait la parole. De toute façon, elle n’a toujours pas d’enfant.
Son frère ne semble plus avoir que des questions à la bouche mais elle ne peut pas toutes les esquiver aussi facilement. « Et tu penses que tu s’rais heureuse aujourd’hui, avec lui ? » A la simple idée de s’imaginer à nouveau auprès de cet homme qui le terrifie tant, Lily est envahie de chair de poule et prise de frissons. Pour autant, la réponse qu’elle a à apporter n’est pas aussi tranchée et elle ne coulerait pas de sens pour la majorité de la population. Justement, elle ne ressemble en rien à la majorité. Les yeux de son frère se font pressant quand bien même elle connaît déjà la réponse à apporter. Elle a simplement besoin de courage pour prononcer les mots allant avec. “Si j’avais gardé l’enfant, oui.” Si elle avait eu un enfant à élever et voir grandir alors oui, elle aurait été parfaitement heureuse, quitte à ne pas voir qu’elle aurait reproduit les mêmes erreurs que sa propre mère, quelques décennies plus tôt. Un enfant aurait su la rendre heureuse, peu importe de quel monstre elle aurait pu partager la vie. Il aurait valu tous les sacrifices. « Il te faisait du mal. Voilà pourquoi tu es allée voir ailleurs. Tu cherchais quelqu’un de mieux et tu n’avais pas les moyens de mettre un terme à ton mariage avec cet autre connard. Il te menaçait, pas vrai ? » Et une fois de plus, elle préférera le silence face à n’importe quelle réponse. Il n’a besoin de rien entendre venant de sa cadette. Bien sûr qu’elle s’est retrouvée dans les bras d’Ezra parce qu’il était infiniment plus doux et attentionné que ne l’avait jamais été son petit-ami, même dans les jours où il faisait semblant d’être une bonne personne pour ne pas voir sa précieuse chose s’enfuir. « Crois-moi, il méritait de mourir. Si le karma existait réellement, j’aurais à mon tour été renversé sur l’autoroute. » - “Ne dis pas des choses comme ça. Tu ne sais pas ce qui peut arriver.” Elle le reprend rapidement, bien plus soucieuse qu’énervée. Lily ne veut pas qu’il sorte du tableau à son tour, il n’a pas à envisager de tels scénarios, surtout pas s’ils sont aussi sombres.
Joseph qui lui demande bien trop rapidement si elle veut réessayer d’avoir un enfant, par ailleurs. Sa petite sœur répond comme elle le peut, cette fois-ci bien trop triste pour trouver la force de s’énerver. Elle a les yeux éternellement posés sur son mari, lui qui se retrouve en territoire ennemi sans ne jamais s’en plaindre. « Tu verras. Il te reste du temps. » La brune a un rire nerveux. “Tu seras père avant moi à ce rythme là.” Les années comptent bien plus pour une femme que pour un homme et Lily craint d’arriver au terme bien plus rapidement que prévu. Ce n’est de toute façon pas une discussion qu’ils laisseront s’éterniser bien longtemps, en témoigne la présence de Matt et ses pas se rapprochant petit à petit d’eux. Si un homme arrive, un autre se recule, Joseph ne répondant que par des signes de la tête et décidant finalement de se poser contre un tronc. « Je veux pas déranger. » Ce n’est pas le cas. Ça ne le sera jamais. « Mais je voulais juste m'assurer que vous alliez pas finir déshydratés. » Il veut toujours le meilleur pour tout le monde, Matt, et il vient sûrement vérifier que sa femme va à peu près bien malgré les larmes qu’elle n’a pas su cacher lors de la cérémonie et la mine fermée qu’elle affiche désormais et qui ne lui ressemble pas. Si la présence de son frère à ses côtés est indispensable, celle de son mari l’est devenue tout autant, raison pour laquelle elle esquisse aussitôt quelques pas en sa direction pour venir poser sa main contre ses cheveux une fois arrivée à sa hauteur. Son visage posé contre son épaule, ses doigts jouent de ses mèches brunes, le rassurant muettement qu’elle va aussi bien qu’elle le peut et qu’il n’a pas à s’inquiéter et avoir ces yeux là. Il l’embrasse sur la tempe ; elle ferme les yeux. jamais elle ne se déferra de cette habitude. « Prends tout ton temps. Je t’aime. » Elle tout autant. Il le sait. Elle ne veut pas prononcer ces mots-là si c’est pour qu’elle les teinte de tristesse malgré elle. “Tu veux passer à la maison, Jo ?” Ils ont déménagé, ils ont une chambre d’amis qui ne sert à rien. Son frère peut venir passer la soirée, au moins, et même dormir s’il le désire. Le mal être entre les deux hommes n’a pas lieu d’être, ils sont chacun au courant des mêmes informations dans la vie de Lily - elles arrivent seulement à des périodes différentes, voilà tout. “Ça nous ferait plaisir.” Elle n’a aucun mal à parler pour Matt, laissant ses yeux bleus osciller d’un homme au second sans jamais arrêter de caresser doucement l’arrière du crâne de l’homme de sa vie.
Qu'ils s'en aillent de cet enfer, c'est tout ce qu'elle demande. |
| | | | (#)Sam 26 Juin 2021 - 5:45 | |
| “Si j’avais gardé l’enfant, oui.” Lily est entêtée. Ses yeux sont gorgés de tristesse et ses oreilles complètement fermées. Elle ne veut pas écouter son frère, sans surprise. Il n’a jamais été un modèle de sagesse pour elle, alors pourquoi croire en toutes ces choses qu’il dit ? Évidemment qu’elle serait heureusement avec l’homme qui l’a battait s’il était encore en vie aujourd’hui. Il aurait sans aucun doute changé en voyant les magnifiques iris bleus de leur bébé et son corps si minuscule et fragile. Il serait devenu le père parfait et l’enfant aurait bien été éduqué par deux parents aimants, parfaits. Il serait allé à l’école, jamais il n’aurait subi les moqueries des autres élèves et il aurait réalisé de grands rêves.
Dans le monde de Lily, tout est impeccable. Elle pense qu’il lui suffit de cacher sa peine pour que les nuages libèrent à nouveau leur prisonnier le soleil. Elle pense que ses péchés sont la raison de tous ses malheurs et que, si elle respectait religieusement les mots de la Bible, jamais elle n’aurait souffert de toute sa vie. Ce sont les grands mains dans le ciel qui la punissent quand elle ne garde pas ses bonnes manières à table ou quand elle oublie de se rendre à l’Église un dimanche matin, trop préoccupée à sauver le monde de la maladie. Elle ne connait pas la malchance ; seulement les conséquences directes de ses actes. Joseph et elle sont nés des mêmes parents et pourtant, parfois il oublie qu’ils partagent les mêmes gênes. Pas une seule fois, ni à l’âge de huit ou neuf ans, il n’a pensé que les choses arrivaient par sa faute. Il a tout de suite su que c’est le monde qui ne l’a jamais accueilli et qu’il devait faire avec. Il est bon pour s’adapter, après tout. Il le fait depuis qu’il survie. “Ne dis pas des choses comme ça. Tu ne sais pas ce qui peut arriver.” Un soupire s’échappe de ses lèvres. Si Dieu voulait le punir, il l’aurait fait depuis bien longtemps. Il s’en sort toujours indemne – ou, du moins, sans plus que des écorchures. Sa confrontation avec Alfie aurait pu lui arracher la totalité de sa vue mais, aujourd’hui, il voit le vert de l’herbe, le bleu du ciel et le noir des tenues funéraires. « J’pense que j’ai déjà goûté à tout. Le karma, s’il existe réellement, ne pourra plus m’surprendre. » Le frère répond sans lâcher du regard sa sœur, les lèvres pincées en un sourire qui se veut rassurant. Même s’il pense que les inquiétudes de Lily ne sont pas fondées, il ne peut s’empêcher de constater que la crainte est réelle, dans sa voix. Elle tient à lui. Et cette simple pensée étire sa bouche à l’horizontale. Il ne pourra jamais retrouver toutes ces années qu’il a perdues sans prendre soin d’elle mais il peut tenter de se rattraper. Il est là, aujourd’hui, et il n’a plus l’intention de partir. Il n’a plus la jeunesse fugueuse et le désir de l’aventure. “Tu seras père avant moi à ce rythme là.” La remarque lui arrache une moue qu’il cache en baissant le nez. Elle se trompe. Inutile d’en toucher mot. Heureusement, Joseph peut profiter de l’arrivée de Matt pour s’extirper de cette discussion. Il ne se permet pas de trop espionner les amoureux et il tente de leur laisser un peu d’intimité en instaurant une certaine distance entre eux. Le rythme des battements de son cœur est rapide et bruyant, mais il n’y a aucune émotion qu’il n’arrive pas à cacher derrière un joli sourire ; celui qu’il offre à Matt lorsqu’il refuse gentiment une boisson. “Tu veux passer à la maison, Jo ?” Il relève la tête avec une interrogation sur le visage. Il observe Lily, puis Matt, comme pour chercher son approbation. Il semble complètement partant lui aussi (ce n’est pas surprenant, ce mec est un ourson en peluche, aucunement menaçant). Après quelques secondes d’hésitation, Joseph finit par hocher la tête. Il fait un effort, après tout, parce qu’il a certainement d’autres choses à faire. Des choses peu légales, mais qui lui rapportent du blé. « Ouais. D’accord. » Il prononce, se décollant du tronc. « Si on oublie pas d’aller porter Marie avant. » Il ajoute, désignant leur mère du menton, occupée à ne pas pleurer au-dessus du trou dans lequel a été largué Cyril. « J’imagine que j’peux rester pour la soirée. » Et il sourit une dernière fois avant de suivre la marche, détournant le plus possible le regard de toutes les attentions amoureuses que se font sa sœur et son mari. C’est i.n.c.o.n.f.o.r.t.a.b.l.e.
@Lily McGrath Et voilààààà ! |
| | | | | | | | (keegans #9) grab some ambrosia and let the nectar flow |
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