Il ne trouvera pas les mots pour aider Caleb à surmonter l'épreuve qui débute. Tim n'a pas l'expérience pour lui apporter son soutien indéfectible, il ne sait pas ce qu'il peut ressentir même s'il a un vif aperçu en vue du mal de coeur qu'il éprouve depuis qu'il a appris la nouvelle du départ d'Alex. Où a t'il fauté? Sait-elle ce qu'il avait sur le coeur avant qu'elle ne parte? Et si tout cela était uniquement de son ressort, même l'âme brisé de son ami? Timothy commence d'ores et déjà à s'en vouloir, comme s'il pouvait être responsable de tous les maux de cette planète. Il a toujours eu cette sensation, celle qui le berce depuis son enfance, que sa mère lui a assené jusqu'à ce qu'il ne puisse plus en dormir la nuit. Decastel en a perdu les pédales à maintes reprises, à chaque douleur infligée par sa génitrice, à chaque mot prononcé de manière plus agressive que le précédent. Il a pleuré, trop de fois, et il continuera encore un long moment parce qu'Alex n'est plus là pour le porter. Non, le supporter. Tim ne peut rien dire pourtant car il s'agit de Caleb pour le moment, de l'abandon qu'il doit traverser maintenant que sa petite amie ne donne plus le moindre signe de vie depuis bien des jours. Comment ont-ils pu en arriver là? Comment expliquer cette indifférence qui a mené l'anglaise à les laisser derrière elle sans l'once d'un regret? Il ne peut plus rien expliquer, Timothy, il ne peut même pas tellement essayer à dire vrai parce qu'il n'a pas les clés de toute cette histoire. Il peut juste émettre quelques hypothèses qui le déchirent en mille morceaux. Aimer Alex, voilà ce qu'il a fait et qu'il n'aurait jamais dû vivre parce qu'ils ne sont pas faits pour ce genre de liens, pas quand la jeune femme a trouvé tout ce qu'elle recherchait auprès du jeune Anderson. Il a tout pour lui, le brun, mais il est persuadé du contraire, de quoi frustrer Decastel au plus haut point. Il n'aura jamais tout cela, il sera toujours seul et il sait que c'est une bonne chose parce qu'il ne mérite pas grand chose, Tim, d'après l'image que sa mère a toujours décidé de lui renvoyer en pleine figure. Le français attend donc que le temps passe, que la douleur cesse, que toute la joie revienne, en tout cas pour son ami qui se noie dans un désespoir colossal. Il a de la suite dans les idées pourtant, Caleb, il veut trouver une solution pour évacuer toute la frustration qu'il conserve au fond de lui, Timothy écoutant sa proposition sans vraiment y croire en réalité. "T'es sûr que c'est pas précipité comme décision? Peut être que demain, tu regretteras après tout... Vous avez passé tellement de beaux moments ensemble, tu l'aimes tant, Caleb." Au moins, il a cette certitude là, à défaut de saisir une once du reste. Anderson a besoin de l'entendre dire, il le doit oui, pour y croire à nouveau et ne jamais oublier qu'on n'efface pas aussi aisément un pan entier de sa vie d'un revers de la main. "Et si elle revient, tu feras quoi?" Il reste cette possibilité là, qu'Alex éprouve quelques regrets et se présente à l'une de leurs portes. Que se passera t-il alors? Le pardon sera t-il aussi facile que la haine? Timothy ne peut pas le savoir mais il peut l'affirmer, il aimera toujours Alex, même si elle a failli. Même si elle l'a tué en partant quelques instants.
“Where the sun don't ever shine I would shiver the whole night through. My girl, my girl, where will you go I'm going where the cold wind blows. In the pines, in the pines where the sun don't ever shine I would shiver the whole night through”
J’ai souvent entendu qu’entre l’amour et la haine qu’il n’y avait qu’un pas, et j’ai toujours trouvé ça ridicule. L’amour c’est quelque chose de fort, de vrai, de sincère. Quand on aime une personne elle devient en un claquement de doigts le centre de nos intérêts le centre de notre vie, elle hante nos pensées et on est prêt à tout pour elle et pour la rendre heureuse, non ? Moi du moins c’est tout ça que j’ai ressenti pour Alex. Un amour inconditionnel et réellement indescriptible. Alors comment est-ce possible de passer de tels sentiments à de la haine envers cette même personne ? Avant aujourd’hui je n’étais même pas sûr de pouvoir un jour détester quelqu’un. Parce que je suis de ces personnes qui prônent la gentillesse et le pardon. Le monde et la vie peuvent déjà se montrer assez difficiles alors autant tenter de nous faciliter la vie un maximum tout en s’aimant et s’entre-aidant tout. C’est ainsi que j’ai toujours réfléchi, c’est comme ça que j’ai toujours voulu mener ma vie et je pense que je peux dire jusqu’ici que j’ai plutôt bien réussi à garder mes principes. Jusqu’ici, oui, parce qu’aujourd’hui j’ai l’impression d’être différent. Aujourd’hui j’ai l’impression d’être un autre homme et je ne suis pas sûr que ce soit pour le sens le plus positif du terme. Parce que malgré tout l’amour que j’ai pu porter à Alex – et que je lui porte encore malheureusement aujourd’hui –, je la déteste. Pour la première fois de ma vie je déteste quelqu’un et c’est étrange ce mélange de sentiments contradictoires. Aimer mais détester en même temps. Je la déteste parce qu’elle ne m’a jamais aimé alors qu’elle m’a fait croire le contraire. Je la déteste parce que j’ai mal. J’ai tellement mal. Je la déteste parce qu’elle m’a fait tomber amoureux d’elle et qu’aujourd’hui j’ai l’impression que je ne pourrais plus jamais ressentir ce sentiment pourtant si beau et si intense. J’ai besoin d’exprimer tout ce que je ressens aujourd’hui et c’est Tim qui doit supporter mes pleurs et mon désespoir. Pourquoi lui ? Certainement parce qu’il me comprend, lui. Primrose est venue sur Brisbane pour m’épauler et m’aider, mais elle ne comprend pas ce que je ressens. Elle sait à quel point j’aimais Alex, mais elle ne peut pas savoir à quel point je me sens au plus mal alors que Timothy lui, il le sait. Parce que lui aussi il était proche d’Alex. Beaucoup trop à mon goût et cela a d’ailleurs été le sujet d’un nombre incalculable de disputes entre Alex et moi. "T'es sûr que c'est pas précipité comme décision? Peut être que demain, tu regretteras après tout... Vous avez passé tellement de beaux moments ensemble, tu l'aimes tant, Caleb." C’est tout en déglutissant que je secoue la tête à la négative. « Je vois pas comment je pourrais regretter ça. Elle s’est foutue de ma gueule, tous ces beaux moments n’ont plus d’intérêt maintenant. Elle a tout sali, elle a tout gâché. Elle a juste eu à me regarder une fois pour que je tombe amoureux d’elle, c’était facile pour elle mais moi, je me suis fait avoir comme un con. » Les yeux perdus dans le vide, je reprends, d’un air résigné. « On s’est fait avoir comme des cons. » C’est une vision bien négative que j’ai maintenant, que ce soit d’Alex ou bien de la relation qu’on a pu avoir tous les deux. Mais c’est de sa faute à elle, après tout. "Et si elle revient, tu feras quoi?" J’hausse les épaules même si je sais très bien ce que je vais lui répondre. « Parce que je suis un con désespéré je suis sûr que j’arriverais à tout lui pardonner. Certainement aussi parce que je ne supporte plus la solitude. » Un solitaire qui ne supporte plus la solitude, on aura tout vu. « Tu lui en veux vraiment pas ? Tu sais que si elle tenait ne serait-ce qu’un minimum à nous jamais elle n’aurait pu partir sans explications. » Un con, oh ça je le suis mais au moins je reste lucide. Plus ou moins.
Il ne peut pas trouver les mots parfaits pour panser les plaies de Caleb. Pourtant, il aimerait. Tim a simplement son expérience pour l'aider et on ne peut pas dire que celle-ci soit suffisamment exceptionnelle pour lui permettre de faire sourire son ami. Il comprend aisément l'ampleur de la déchirure qu'il ressent: la fin d'une histoire d'amour, que peut-il y avoir de plus douloureux et injuste? En un sens, Tim ne peut que le deviner, que se dire que pour les autres, ce sera toujours difficile. Lui, il est seul et il est convaincu que son destin sera toujours de cet acabit, lui et lui seul. Sa douleur. Sa solitude. Il ne peut que compatir à un destin qui ne pourra pas être le sien. Oh que non, Decastel a tellement mal depuis tant d'années: pourra t-il vraiment dépasser son mal-être pour voir le bien chez les autres? Il n'envisage plus d'aimer, pas depuis qu'il a vu Alex tomber dans les bras de Caleb justement, encore une déroute qui l'a enfoncé dans ses croyances solitaires. Il reste le gardien de cimetière du quartier, celui qu'on considère comme l'homme invisible et il ne voit pas cela comme une mauvaise chose dans le fond. Non, il apprécie qu'on ne vienne pas lui chercher des noises, qu'on le laisse se murer dans ses silences et se faire du mal perpétuellement en compagnie de ses plus difficiles souvenirs. Tim est tout simplement malheureux et il ne pourra pas se remettre de sitôt de cet état de catatonie dans lequel il est plongé depuis de longues années désormais. On s'y fait, le mal, les peines, on vit avec le pire en évitant à tout prix le meilleur. Ne pas se confronter à des rires ou des sourires pour ne pas se rendre compte de la profondeur de sa douleur, c'est ce que le jeune Decastel a toujours su faire mieux que les autres. Maintenant, pourtant, il doit faire en sorte d'effacer ce mode opératoire car Caleb a besoin de récolter le meilleur de ce qu'il peut avoir au fond du coeur. Les yeux azur de Timothy se calent dans les siens, ils sont doux, ils l'ont toujours été malgré tout et cette haine qu'il est censé ressentir face aux mots durs de Caleb ne vient même pas. Il ne connait plus ce sentiment, il ne le vit qu'en pensant à ses géniteurs: il aime le reste du monde et peut tout pardonner, en un simple claquement de doigts. "Elle reviendra. Je le sais." Et Anderson l'aimera à nouveau, il ne l'aura potentiellement pas oubliée de toute manière. C'est quelque chose dont Tim est convaincu, même s'il hausse les épaules parce qu'il ne peut pas offrir à son ami une glaçante vérité. "Je sais pas vraiment. Je suis juste persuadé qu'elle a des raisons plus grandes que toi ou moi. Et que quand je les connaîtrai, je lui pardonnerai sans hésiter. Ca me suffit." Tout lui suffit, c'est Tim, il ne peut haïr très longtemps, il ne peut qu'être lui-même et laisser un sourire nostalgique s'étendre sur ses lèvres à ce moment-là. "Et en attendant ce moment-là, j'ai des souvenirs plein la tête, ça compensera un peu." Pas assez, bien sûr mais c'est déjà bien plus que tout ce qu'il a toujours eu avec sa famille.