| | | (#)Lun 19 Avr 2021 - 8:05 | |
| Le mois dernier, Ally avait fêté ses quatre ans au sein de l’association FareShare et elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine fierté à cette pensée. C’était, et de loin, l’une des choses qui l’empêchait de trop regretter son retour à Brisbane. Ça avait été le lien nécessaire entre ce nouvel environnement et ce qu’elle avait vécu pendant quatre ans, ce qui l’avait aidé à garder la tête hors de l’eau lorsqu’elle doutait de ses choix de vie. Alors quand on lui avait proposé ce poste de manager, elle n’avait pas hésité longtemps avant d’accepter. Au-delà de la satisfaction d’être enfin rémunérée pour quelque chose dont elle était fière, elle était ravie de pouvoir contribuer encore davantage au développement de l’association. Ally avait donc repris avec enthousiasme les projets qui avaient été amorcés quelque temps auparavant. Et parmi eux, il y en avait un qui lui tenait particulièrement à cœur, au point qu’elle l’avait largement intégré dans son planning, alors qu’elle n’en était pas obligée. Il s’agissait de se rendre dans plusieurs écoles primaires de Brisbane, et d’aider les enfants à créer et entretenir de petits jardins potagers. Le projet ayant été amorcé par son prédécesseur, la prise de contact avait déjà été réalisée, et ils en étaient maintenant à la mise en place concrète - ce qui, il fallait l’avouer, arrangeait grandement Ally qui préférait être sur le terrain plutôt s’occuper de régler tous les détails pratiques. Alors ce matin, ce fut dans l’ancienne école de Tom qu’elle se rendit. Elle arriva en même temps que tous ces jeunes parents qui déposaient leur chère progéniture devant les grilles, et elle étouffa un rire en réalisant qu’elle était certainement plus à l’heure que lorsqu’elle-même était censée déposer son fils à l’école. A l’époque elle devait jongler entre des horaires pas toujours évidentes, et il lui était arrivé - à plusieurs reprises - de rater son réveil. A la vue de ces enfants de 6 ou peut-être 7 ans, le cœur d’Ally se serra sans qu’elle ne puisse l’en empêcher. Ils paraissaient si petits par rapport à Tom, et pourtant elle avait l’impression qu’hier encore il s’endormait sur ses genoux en suçant son pouce au beau milieu du repas. La jeune femme chassa rapidement ses pensées de son esprit et se dirigea d’un pas assuré vers le bureau qu’on lui avait indiqué par mail quelques jours auparavant. Elle était censée avoir rendez-vous avec Mme Peterson, ou Jefferson, elle ne savait plus très bien.
“Bonjour !” commença-t-elle d’une voix enjouée en entrant dans le bureau. Son sourire se figea lorsqu’elle croisa le regard de la jeune femme qui lui faisait face. “Oh. Bonjour Mme Jefferson.” Sa voix était beaucoup plus mesurée cette fois. En fait, Ally connaissait Mme Jefferson, elle avait été la première enseignante de Tom lorsqu’ils étaient arrivés à Brisbane. Elle ne savait même pas pourquoi elle n’avait pas fait le rapprochement avant. Mais le moment n’était pas le mieux choisi pour se demander comment elle avait raté cet élément. “Je suis là pour le projet de FareShare, les jardins potagers.” Ally n’était pas sûre que Mme Jefferson ferait le rapprochement à son tour. Après tout, elle rencontrait certainement des centaines de parents d’élèves chaque année. Elle ne pouvait certainement pas se souvenir de chacun d’eux. Pourtant Ally avait l’intuition que Tom n’avait pas tout à fait été un élève comme les autres et que, peut-être, elle se souvenait de lui, et par conséquent de sa mère - elle, donc. “Comment préférez-vous qu’on procède ?” Ally préférait rester sur le terrain professionnel, c’était moins risqué. Pas qu’il existe une réelle animosité entre l’enseignante et la jeune femme. Disons qu’elles avaient eu quelques différends dans le passé, qu’elles ne voyaient pas tout à fait la parentalité de la même manière, mais tout cela était toujours resté relativement courtois et Ally n’avait pas l’intention de changer cela aujourd’hui. Surtout pas alors qu’elle était là dans le cadre de son travail.
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| | | | (#)Ven 23 Avr 2021 - 7:39 | |
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« HELLO AGAIN »
Lorsque madame Byers entra dans son bureau, l’enseignante haussa les sourcils, visiblement surprise. Elle ne s’attendait visiblement pas à retrouver après tant de temps CETTE personne. Incapable de cacher sa surprise – Joyce Jefferson était très mauvaise pour cacher ses émotions – elle se leva de sa chaise un peu trop brusquement.
« Mademoiselle Byers … Je … je ne m’attendais pas à vous voir ici … »
Joyce s’était toujours refusée à l’appeler « madame ». Après tout, ce titre était réservé aux femmes en couple et mariées, ce qu’elle n’était visiblement pas. L’enseignante avait toujours eu une certaine forme de défiance vis-à-vis de la mère de Tom. Si ce dernier était un enfant adorable et travailleur, le fait que sa mère l’élève seule était un des faits que son institutrice avait du mal à accepter. Elle s’était toujours demandée comment « mademoiselle » Byers pouvait gérer à la fois le fait d’être une mère et d’avoir un travail, sans avoir de conjoint à la maison. C’était un des grands mystères de la famille monoparentale et de son fonctionnement. Ayant été éduquée dans l’idée qu’une famille fonctionnelle comportait au moins deux personnes pour élever un enfant, l’institutrice avait un tout petit peu de mal à considérer que cette femme puisse réussir à assurer à son enfant une vie paisible, sans se tuer à la tâche.
Et pourtant … Elle était là devant elle aujourd’hui … Et Tom était désormais au collège.
Elle la regarda de la tête aux pieds. Cette femme avait considérablement changé. Elle n’avait plus grand-chose à voir avec la femme à moitié déprimée, à moitié éreintée qui venait cherchait Tom le soir. Elle avait l’air plus en contrôle, plus sereine. Comment avait-elle réussi à concilier sa vie professionnelle et l’éducation de son enfant ? En tout cas, elle n’avait pas de bague au doigt. Force était de constater qu’il existait des gens capables de mener une vie professionnelle bien remplie et d’éduquer avec brio un enfant, sans avoir de conjoint pour les aider. Joyce devait se rendre à l’évidence : ses a priori sur la famille Byers étaient visiblement faux.
Joyce Jefferson était cependant capable de revoir ses a priori sur les gens. Après tout, c’est ce que l’on apprenait à l’église, non ? Le pardon, la rédemption, l’idée que les gens peuvent s’améliorer, … ? D’un geste, elle tendit la main à mademoiselle Byers et lui rendit un léger sourire.
« Je dois dire que je suis surprise. Je n’attendais pas à ce que soit vous qui représentiez l’association pour ce projet. Asseyez-vous, je vous prie. Mais tout d’abord … Est-ce que Tom va bien ? »
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| | | | (#)Sam 24 Avr 2021 - 23:24 | |
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« Mademoiselle Byers … Je … je ne m’attendais pas à vous voir ici … » Apparemment, Ally avait eu tort de supposer que l’ancienne enseignante de Tom ne se rappellerait pas d’elle. Au-delà de ses paroles hésitantes, la surprise de se retrouver face à elle se lisait aussi sur son visage et la manière dont elle s’était brusquement levée de sa chaise. La jeune femme se doutait que si elle avait dû choisir parmi les mères de ses anciens élèves, il y avait peu de chance qu’elle aurait choisi de travailler avec elle. Leurs différends n’étaient un secret pour personne, mais elles allaient apparemment devoir passer outre leurs désaccords.
Ally fut agréablement surprise de voir Mme Jefferson initier une salutation avec un léger sourire et elle n’hésita pas avant de serrer sa main tendue. « Je dois dire que je suis surprise. Je n’attendais pas à ce que ce soit vous qui représentiez l’association pour ce projet. Asseyez-vous, je vous prie. Mais tout d’abord … Est-ce que Tom va bien ? » Ally obéit en hochant la tête et s’installa dans l’une des chaises disposées face au bureau de l’enseignante. La surprise de cette dernière à la voir représenter FareShare était légitime. En effet, elle n’avait repris les rênes de ce projet que récemment et jusque-là n’avait eu aucun contact en face à face avec les écoles qui y participaient. « La personne qui avait initié le projet est partie à la retraite en début d’année et c’est moi qui ai pris sa succession. » Certes, Ally était bénévole pour l’association depuis plusieurs années déjà, mais elle n’y était employée que depuis récemment. Mme Jefferson était bien placée pour savoir qu’avant cela, la jeune femme avait plutôt enchainé des emplois précaires et aux horaires aléatoires. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait prévenu l’école en catastrophe et leur avait demandé de garder Tom une demi-heure ou une heure de plus que prévu parce que son travail n’était pas terminé et que son patron refusait de la libérer plus tôt pour qu’elle aille récupérer son fils. Ca n’avait pas été une période facile, et le personnel de l’école ne devait pas en garder d’excellents souvenirs non plus, elle s’était souvent demandée si elle faisait vraiment les bons choix, mais aujourd’hui Ally ne pouvait s’empêcher d’être fière du chemin qu’elle avait parcouru depuis. « Oui, Tom va bien. » Malgré les incompréhensions qui avaient longtemps régné entre les deux femmes, Ally savait que l’intérêt de l’enseignante pour le bien-être de Tom était sincère, alors elle ponctua sa réponse d’un sourire tout aussi sincère. « Le collège est bien différent de l’école primaire. Je crois qu’il cherche encore à y trouver sa place, mais certaines matières le passionnent. L’art plastique notamment, et l’histoire, évidemment. » Mme Jefferson était bien placée pour savoir que le jeune garçon avait toujours eu un intérêt marqué pour cette matière. S’il avait une préférence marquée pour le Mésozoïque et ses dinosaures, ça ne l’empêchait pas de s’intéresser à toutes les autres périodes également. L’art plastique avait davantage été une surprise, et Ally avait l’impression que son professeur, M. Halstead n’y était pas pour rien.
Soudainement, Ally se sentit prise d’un élan de reconnaissance envers la femme qui lui faisait face. Certes, leurs convictions divergeaient sur certains points, mais ça n’avait pas empêché Mme Jefferson d’être particulièrement attentive au bien-être de Tom. « Je n’ai pas eu l’occasion de le faire avant. » Ou plutôt elle n’avait jamais eu le courage de le faire. « Mais je voulais vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour Tom. Vous l’avez beaucoup aidé. » Et par extension, elle l’avait beaucoup aidée, elle aussi, mais Ally n’était pas tout à fait prête à l’avouer.
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| | | | (#)Jeu 29 Avr 2021 - 8:11 | |
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« HELLO AGAIN »
L’institutrice fut soulagée d’apprendre que le petit Tom allait bien. C’était un des grands plaisirs de l’enseignement que d’apprendre que les enfants que l’on avait instruits parvenaient à s’en sortir dans les classes supérieures. Joyce Jefferson était toujours à l’affût des nouvelles de ses anciens élèves, même si la plupart ne lui écrivaient même pas une lettre de remerciements.
« Je suis contente de l’apprendre. J’espère qu’il s’y plaira … je sais que ce n’est pas toujours simple, cette transition. »
Joyce était prête à passer à la suite quand madame Byers revint à la charge, évoquant une partie de leur passé commun. L’institutrice n’était pas spécialement dans le bon état d’esprit pour remuer les choses du passé … Elle était déjà assez mal à l’aise de la revoir après tout ce temps. Devoir en plus écouter des remerciements de la part d’une femme pour qui elle n’avait qu’une sympathie extrêmement limitée ne lui plaisait guère. Mais comme mademoiselle Jefferson était une personne bien élevée, elle n’eut pas le culot de lui couper la parole. Ses remerciements terminés, elle hocha lentement la tête, perplexe. Que voulait-elle ? Des cookies ? Joyce ne faisait que son travail et n'avait jamais eu à coeur de s'en faire une amie. C'était pourtant très clair ... Alors pourquoi la remerciait-elle après tout ce temps ? Cherchait-elle à sympathiser avec elle ?
Cette perspective n'enchantait guère Joyce ... mais elle ne pouvait pas non plus la repousser alors qu'elle lui tendait la main. Cela n'aurait pas été très charitable de sa part.
« Ecoutez madame Byers … Je ne fais que mon travail. Je n’approuve pas tout ce que vous avez fait, mais il m’a toujours semblé que Tom restait votre priorité. En cela, nous sommes d’accord et c’est tout ce qui m’importe. »
Elle s’arrêta … Sa tournure de phrase était peut-être trop dure, trop sèche. Cela ne convenait pas véritablement à ce qu’elle voulait exprimer. Elle voulut reformuler, d’un ton plus doux, mais sentit que ce n’était pas le moment. Les deux femmes avaient du travail et devaient mettre de côté leurs différents, quand bien même madame Byers ne semblait pas avoir le moindre souci avec Joyce. Bien au contraire, c’était l’enseignante, qui entretenait une petite rancune mal placée contre Ally Byers.
Sans mot dire, elle rassembla les stylos qui trainaient sur sa table et les rangea dans le pot à crayon avant d’ouvrir un classeur en plastique vert. Ce dernier contenait l’ensemble des documents échangés entre l’école et l’association. Fruit de plusieurs mois de discussions et de réunions téléphoniques, ce projet allait enfin pouvoir voir le jour. Rien que pour cela, Joyce était prête à mettre de côté ses a priori envers Ally Byers, sans aucun problème ! Quand il s’agissait des enfants, elle mettait toujours ses scrupules de côté. La femme qu’elle était devait s’effacer derrière son rôle d’institutrice. Elle était là pour instruire, pas pour projeter ses propres idées sur eux.
Elle ouvrit la petite pochette plastique et tira le planning des interventions qui avait été établi avec l’association. D’un geste, elle le tendit à madame Byers pour qu’elle puisse en prendre connaissance.
« Je vous récapitule ce qui avait été convenu entre nos deux établissements. Nous souhaitons toujours que Fareshare intervienne dans notre école, notamment sur la mise en place d’un jardin potager dans lequel les enfants pourront participer, lors des temps d’activités. Les créneaux horaires sont notés en jaune sur ce planning … mercredi ou vendredi après-midi. Ce qui avait été proposé par le directeur, c’était que nous profitions de ce temps pour commencer par cultiver des choses assez simples et rapides à faire pousser … pour que les parents n’imaginent pas que cela soit du temps perdu pour leurs enfants. Bien sûr, il ne s’agira pas que de bêcher le sol : des cours sont prévus avec. Je suppose que vous avez au sein de l’association tout ce qu’il faut pour ça, mais si je peux vous fournir du matériel, n’hésitez pas à me le demander. Je ferai au mieux pour vous satisfaire. Cela vous convient ? »
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| | | | (#)Mar 4 Mai 2021 - 5:51 | |
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Est-ce qu’Ally aurait refusé de poursuivre ce projet si elle avait su qu’elle devrait travailler avec l’ancienne enseignante de son fils ? Certainement pas. Elle était tout à fait capable de mettre leurs différends de côté, merci bien. Ca ne l’empêchait toutefois pas de ne pas être totalement à son aise dans cette situation qui lui rappelait de nombreux autres rendez-vous dans le bureau de Mme Jefferson. Alors comme souvent, elle restait sur ses gardes, mais répondit tout de même poliment aux questions qu’elle lui posait. « Je suis contente de l’apprendre. J’espère qu’il s’y plaira … je sais que ce n’est pas toujours simple, cette transition. » C’était le moins qu’on puisse dire. La transition n’avait pas été facile pour Tom. Elle ne l’était toujours pas, d’ailleurs. Il avait dû quitter le cocon rassurant qu’il s’était construit à l’école élémentaire, pour débarquer dans un univers inconnu plus hostile. Ally ne jugea pas nécessaire d’entrer dans le détail avec Mme Jefferson, alors elle se contenta de hocher la tête en souriant doucement. La suite arriva sans qu’elle ne l’ait anticipé et elle prononça ces remerciements sans vraiment y réfléchir. Ils étaient sincères, certes, mais le moment n’était peut-être pas le mieux choisi, comme la réponse de Mme Jefferson le laissa entendre. « Ecoutez madame Byers … Je ne fais que mon travail. Je n’approuve pas tout ce que vous avez fait, mais il m’a toujours semblé que Tom restait votre priorité. En cela, nous sommes d’accord et c’est tout ce qui m’importe. » Un demi-sourire étira alors les lèvres d’Ally. Elle n’était pas spécialement vexée par cette réponse qui pouvait paraître assez froide. S’il y avait bien une chose qu’elle avait toujours respecté chez Mme Jefferson, bien que leurs avis divergeaient sur d’innombrables points, c’était son honnêteté. Quand c’était nécessaire, l’enseignante n’avait jamais hésité à dire ce qu’elle pensait, et cela convenait très bien à la maman d’élève qui ne supportait pas la langue de bois. Finalement, Mme Jefferson n’avait pas l’air d’avoir beaucoup changé, et l’espace d’un instant, elle eut l’impression d’être de retour quelques années en arrière. Toujours la même réticence à s'appesantir sur des réflexions inutiles. Toujours le même sens du devoir. Non, décidément Mme Jefferson n’avait pas beaucoup changé, et en un sens, c’était assez rassurant aux yeux d’Ally. « Parfait. Nous pouvons donc poursuivre sans ressentiment entre nous dans ce cas. » Elle n’avait pas pu s’empêcher de prononcer cette phrase sur un ton qui flirtait avec une insolence à peine dissimulée. Elle non plus, n’avait pas beaucoup changé depuis que Tom avait quitté cette école, mais elle ne savait toujours pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose.
Mme Jefferson lui tendit ensuite un document. Ally s’en saisit et comprit qu’il s’agissait du planning de ses interventions. Elle l’étudia avec attention pendant que l’enseignante lui fit un compte-rendu de ce qui avait été décidé entre l’école et l’association. « Je vous récapitule ce qui avait été convenu entre nos deux établissements. Nous souhaitons toujours que Fareshare intervienne dans notre école, notamment sur la mise en place d’un jardin potager dans lequel les enfants pourront participer, lors des temps d’activités. Les créneaux horaires sont notés en jaune sur ce planning … mercredi ou vendredi après-midi. Ce qui avait été proposé par le directeur, c’était que nous profitions de ce temps pour commencer par cultiver des choses assez simples et rapides à faire pousser … pour que les parents n’imaginent pas que cela soit du temps perdu pour leurs enfants. Bien sûr, il ne s’agira pas que de bêcher le sol : des cours sont prévus avec. Je suppose que vous avez au sein de l’association tout ce qu’il faut pour ça, mais si je peux vous fournir du matériel, n’hésitez pas à me le demander. Je ferai au mieux pour vous satisfaire. Cela vous convient ? » Après un dernier coup d'œil au planning, Ally se tourna de nouveau vers l’enseignante. Son rictus habituel avait disparu, remplacé par une attitude tout à fait professionnelle. Elle savait être sérieuse et responsable, et elle comptait bien le prouver à Mme Jefferson. « C’est parfait, » commença-t-elle avant de sortir de son sac quelques photos qui allaient illustrer ses propos. « L’idée c’est vraiment que les enfants soient autonomes dans leur jardin. On les accompagne, évidemment, mais on les laisse surtout expérimenter par eux-mêmes. On a remarqué qu’ils venaient plus volontiers mettre les mains dans la terre comme ça que quand on les fait suivre un programme strict. Forcément, c’est parfois moins efficaces que si c’était géré par un maraîcher professionnel, mais dans l’ensemble on a souvent de belles surprises quand même. » Ally était très attachée à cet aspect expérimental, et pour l’avoir elle-même testé avec des enfants lorsqu’elle vivait à Warwick, elle savait que cela fonctionnait plutôt bien. « On discute avec eux de l’emplacement qu’ils choisissent pour telle ou telle plantation, on leur donne des conseils si besoin, mais la décision finale leur revient toujours. » Tout en parlant, elle glissa à l’enseignante des photos des potagers qui avaient été réalisés par des enfants. Elle espérait que cette gestion libre ne lui poserait pas trop de problème, sinon leur collaboration risquait d’être houleuse. Dans tous les cas, Ally était bien décidée à ne pas changer sa façon de faire. « Ce qui fonctionne bien, aussi, c’est la spirale d’herbes aromatiques. C’est assez facile à construire et surtout c’est joli. » Pour appuyer ses propos, elle montra un exemple de spirale en photo. « En attendant que les premiers légumes poussent, on peut organiser des ateliers créatifs pour créer des bordures permettant de délimiter les espaces, installer des pots colorés avec les noms des enfants, etcetera. » Ce qui était sûr, c’était qu’ils ne risquaient pas de s’ennuyer ! « Quant aux cours, je n’ai pas de plan archi précis, je pars surtout de leurs observations et on s’en sert pour explorer ensemble les conséquences de leurs actions. » Chaque intervention était unique, et c’était ce qui permettait à Ally de ne jamais s’ennuyer une seule seconde.
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| | | | (#)Mar 11 Mai 2021 - 5:55 | |
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« HELLO AGAIN »
L’enseignante prit le temps d’examiner les photos des potages que madame Byers lui tendait. Des potagers pris selon un angle plutôt favorable … mais si l’on regardait bien, on voyait qu’une partie des installations avait été réparée par des adultes. Les enfants pouvaient certes faire une partie des travaux, mais c’étaient les adultes qui se chargeaient du rendu final. Le résultat était plutôt cohérent avec ce qu’elle savait de l’association. C’était du travail sérieux et au vu des photos, on pouvait espérer que ce potager n’irait pas faire honte à l’école et aux parents. C’était le risque avec ce type de projets. Cela semblait bien sur le papier, mais une fois l’étape de réalisation passée, on s’apercevait que tout était bien moins grandiose que ce que l’on avait espéré. Les risques avec les potagers, c’étaient que les enfants ne participent pas réellement et qu’au final, l’école se retrouve avec une parcelle de terrain labourée laissée en friche.
Déjà que les espaces libres étaient assez peu nombreux dans l’enceinte de l’école … il fallait absolument que le potager soit une réussite pour éviter que l’échec du projet n’ait pour conséquence une perte d’espace de jeu pour les enfants. Il y avait donc un enjeu non négligeable pour Joyce et Ally. Si cela marchait et se pérennisait dans le temps, il serait possible de continuer à développer la chose et d’aller plus loin dans les expérimentations. Si la mayonnaise ne prenait pas, la direction de l’école serait peu encline à continuer ces activités et l’on retournerait à des choses plus « basiques ». Joyce, en son for intérieur, ne pouvait se résoudre à échouer.
Après avoir longuement examiné les photos et s’être attardée sur l’un des potagers entouré d’une petite barrière de bois rouge aux formes sympathiques, elle tria les photos en fonction de ce qui lui plaisait le plus. Les propositions d’Ally Byers étaient pleines de bon sens … en tout cas, elle semblait savoir de quoi elle parlait. Joyce n’y connaissait pratiquement rien en matière d’agriculture et elle était tentée de laisser Byers faire ce qu’elle avait à faire. Après tout, elle semblait savoir y faire et la moindre des choses, c’était de lui laisser le maximum de place. Si Joyce venait à étouffer cet esprit d’initiative, cela deviendrait particulièrement compliqué de fédérer les enfants autour du projet. Et puis … Joyce était pragmatique. Laisser plus de place à l’association lui permettrait de passer moins de temps à gérer les potagers … Joyce aimait savoir que son temps était correctement utilisé.
« Je pense que nous pouvons tout à fait partir sur vos idées madame Byers. Cela me semble le plus adéquat pour l’instant. J’ai dans l’idée de vous laisser faire pour les premières semaines, pour voir comment tout ceci se déroule. Bien entendu, je serai là pour être votre relais et faire en sorte que les petits ne vous mènent pas trop la vie dure. Cela vous convient ? »
En ce qui concernait les cours, cela pouvait largement attendre. A partir du moment où le projet serait lancé, il n’y avait pas spécialement d’impératif de temps. Le plus gros du travail restait que les enfants et le personnel enseignant reste motivé.
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| | | | (#)Jeu 27 Mai 2021 - 3:46 | |
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Alors qu’elle terminait ses explications, Ally ne put s’empêcher d’observer avec attention les réactions de Mme Jefferson, qui étudiait avec soin les photographies qu’elle lui avait fournies. La jeune femme avait beu dire ce qu’elle voulait - et surtout affirmer haut et fort qu’elle ne se préoccupait pas du regard des autres - elle devait avouer que ce n’était pas toujours entièrement vrai. Surtout quand la personne face à elle avait le pouvoir de faire stopper un projet qui lui tenait à cœur. Plus qu’une activité extrascolaire comme une autre, Ally voyait vraiment ces potagers comme une opportunité pour sensibiliser cette nouvelle génération à des enjeux essentiels : la nutrition, d’une part, mais aussi la préservation de l’environnement et une meilleure compréhension du fonctionnement d’un écosystème. Il n’était pas rare que les enfants avec qui elle avait eu la chance de travailler, quel que soit leur âge, deviennent de véritables petits ambassadeurs écologistes en rentrant chez eux. Et tout le monde savait qu’il était difficile de dire non à un enfant, particulièrement lorsqu’il tente d’expliquer, parfois maladroitement et les mains tachées de terre, que c’est grâce aux vers de terre qu’on peut manger et qu’il ne faut pas les asperger de produits chimiques sinon ils ne reviennent pas préparer la terre pour nos légumes. Au soulagement d’Ally, Mme Jefferson semblait plutôt satisfaite par ses explications et par les clichés qu’elle tenait entre ses mains. Elle entreprit d’ailleurs de les trier avant de reprendre la parole. « Je pense que nous pouvons tout à fait partir sur vos idées madame Byers. » Ally ne put empêcher un sourire satisfait d’étirer ses lèvres, ravie de voir que ses propositions avaient convaincu l’enseignante. Evidemment, elle se doutait du dénouement de cette rencontre - le projet ayant déjà été discuté à plusieurs reprises entre l’école et l’association - mais cela ne l’empêchait pas d’apprécier cette approbation à sa juste valeur. « Cela me semble le plus adéquat pour l’instant. J’ai dans l’idée de vous laisser faire pour les premières semaines, pour voir comment tout ceci se déroule. Bien entendu, je serai là pour être votre relais et faire en sorte que les petits ne vous mènent pas trop la vie dure. Cela vous convient ? » « C’est parfait, » enchaîna immédiatement Ally, amusée par la mention des enfants agités qu’elle allait devoir gérer. Si elle s’était régulièrement occupée de groupes d’enfants à Warwick, elle avait bien conscience que le contexte était totalement différent, mais c’était un nouveau challenge auquel elle était impatiente de se frotter. « Je pourrai aussi vous faire des compte-rendus réguliers de l’avancée du potager si vous le souhaitez. » Pour être honnête, ce n’était pas la partie préférée d’Ally, mais elle savait que c’était nécessaire pour garantir la meilleure collaboration possible entre toutes les parties du projet. Ayant l’impression que l’entretien touchait à sa fin, Ally commença à ramasser ses affaires. « Je peux vous laisser les photos si vous voulez, j’ai gardé les originales. » Cela pouvait par exemple être utile si des parents ou d’autres enseignants souhaitaient en savoir plus sur le potager avec que celui-ci ait commencé à ressembler à autre chose. Avec un peu de chance, le jardin de l’école avancerait assez vite pour pouvoir remplacer les photos et servir de preuve tangible de ce que les enfants réalisaient. « Je ne sais pas si vous avez d’autres questions ? De mon côté je pense avoir fait le tour, » poursuivit Ally les mains sur les accoudoirs de sa chaise, prête à se lever. - Spoiler:
Désolée pour mon délai de réponse ! Je me disais qu'on pouvait soit enchaîner avec la première leçon de jardinage, soit clôturer le sujet ici en disant que la première leçon aura lieu quelques jours plus tard. Qu'est-ce que tu préfères ?
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| | | | (#)Jeu 3 Juin 2021 - 4:25 | |
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« HELLO AGAIN »
Un léger sourire illumina le visage de l’enseignante.
« Ecoutez, ça me parait être la meilleure option que l’on ait. Je veux bien garder les photos. Je les scannerai et les transmettrai à mes collègues pour qu’ils aient eux-aussi une idée de ce que vous proposez et de ce que ça peut donner. Je ne vais pas vous cacher que certains râlent un peu parce que l’on a préféré le potager à d’autres activités. Mais c’est un autre problème et vous n’aurez pas à traiter avec eux. »
Il était vrai que quelques enseignants avaient râlé. Mais dans l’ensemble, on faisait confiance à Joyce pour tirer le meilleur parti de cette situation. Et puis … c’était elle qui investissait du temps dedans donc les autres n’avaient pas leur mot à dire !
La jeune femme se leva et tendit la main à Ally Byers d’un air décidé. Malgré leur passif, madame Byers avait désormais l’approbation de l’enseignante. Elle ne la laisserait pas se faire dévorer par une horde d’enfants de 6 ans.
« Et bien, je n’ai plus qu’à vous souhaiter bonne chance madame Byers. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. J’ai hâte de voir ce que cela donnera. »
C’était dit avec la plus grande des sincérités. Joyce était très peu douée pour le mensonge. Cela se voyait immédiatement si elle mentait, son visage n’arrivant pas à rester de marbre dans ce genre de situations. En tout cas, elle sentait que cette expérience de jardins potagers allait pouvoir se révéler particulièrement intéressante, non seulement pour les enfants, mais aussi un moyen pour peut-être découvrir une autre facette de madame Byers. Peut-être pourraient-elles même … devenir amies ?
- Spoiler:
Je pense qu'on peut clôturer sur ce post. Ca me parait plus cohérent pour la suite. Ca te va ?
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| | | | (#)Mar 8 Juin 2021 - 6:53 | |
| hello again
« Ecoutez, ça me parait être la meilleure option que l’on ait. Je veux bien garder les photos. Je les scannerai et les transmettrai à mes collègues pour qu’ils aient eux-aussi une idée de ce que vous proposez et de ce que ça peut donner. Je ne vais pas vous cacher que certains râlent un peu parce que l’on a préféré le potager à d’autres activités. Mais c’est un autre problème et vous n’aurez pas à traiter avec eux. » Ally ne savait pas si elle était plus soulagée ou déçue de ne pas avoir à traiter avec ces fameux collègues râleurs. Évidemment, cela lui permettrait de se concentrer sur le fond de son intervention plutôt que sur la forme, mais elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer mille et une manières de leur prouver qu’ils avaient eu tort de ne pas croire dans ce projet. Ses parents avaient pourtant lourdement insisté, quand elle était enfant, sur le fait qu’elle ne devait pas se réjouir du malheur des autres, mais comme pour tout le reste (ou presque) elle n’en avait eu que faire. Ces petites batailles d’ego qui jalonnaient son quotidien étaient autant de douceurs sucrées dans sa bouche - quand elle les remportait, évidemment. « Je vous laisse gérer les... » emmerdeurs ; la jeune femme se retint au dernier moment pour une expression plus “politiquement correcte” - elle n’avait pas spécialement envie de gâcher les progrès qu’elle et Mme Jefferson venaient juste de faire ! « ... plus réfractaires dans ce cas, je me concentrerai sur les enfants et le jardin. » C’était de toute manière moins risqué que de la laisser interagir avec des adultes ; les dérapages étaient vite arrivés dans ce cas.
Ally suivit le mouvement initié par Mme Jefferson et serra avec enthousiasme la main tendue de cette dernière. Décidément, cette entrevue s’était mieux passée que ce qu’elle aurait pensé au premier abord. « Et bien, je n’ai plus qu’à vous souhaiter bonne chance madame Byers. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. J’ai hâte de voir ce que cela donnera. » La brune lui adressa un sourire sincère avant de conclure. « A bientôt dans ce cas, et si vous avez la moindre question entre temps, n’hésitez pas à me joindre. » Sur ces mots, Ally prit congé de l’enseignante et sortit du bureau le sourire aux lèvres, avec un air bien différent de toutes les autres fois où elle avait fait la même chose.
SUJET TERMINÉ
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