12 février 2021. Gabrielle est assise sur son canapé, le regard dans le vide. Les informations ne cessent de passer en boucle, encore et encore. Et ce nom surtout. Ce nom qu’elle connait que trop bien. Mitchell Strange. Elle ne peut l’ignorer, elle ne peut pas se dire que ce n’est pas son frère ainé quand l’évidence est sous ses yeux. Quand sa photo apparait sur l’écran, à côté de la tête du journaliste. Alexander Strange est en cavale, vivement recherché par la police. Elle a besoin de temps pour réaliser. Parce qu’évidemment, le contact avec son frère est désormais inexistant, et qu’elle ne peut même pas essayer de le joindre pour savoir si tout ce qui se raconte à la télé est la vérité ou de simples conneries. Il y a une sorte de colère qui se manifeste en elle. Celle d’avoir été trahi par l’ainé, mais aussi par son autre frère, Finn. Ou devrait-elle dire Alec ? Mitchell ? Finn ? Alex ? Elle ne sait plus. Elle dépose son verre sur la table basse, calmement alors qu’elle boue de l’intérieur. Elle se trouve démunie soudainement, ne sait pas comment s’y prendre. Gabrielle a trouvé l’adresse d’Alec. Elle sait où il vit. Elle pourrait partir immédiatement à sa rencontre. Mais qu’est-ce qui lui dit qu’elle le trouvera ? Après tout, lui et Mitchell travaillaient ensemble aux dernières nouvelles ? Est-ce qu’il était aussi impliqué ? Gabrielle choisit de ne pas le faire, pas tout de suite. A la place, ses pas la dirigeront vers la plage pour qu’elle puisse retrouver un semblant de sérénité et ainsi éviter que ce verre finisse éclater en mille morceaux contre le mur…
Mars 2021. Deux semaines se sont écoulés. Elle a réussi à avoir l’information comme quoi Mitchell n’a pas été attrapé et est toujours vivement recherché. Elle sait aussi qu’Alec a été interrogé à ce sujet le lendemain de la perquisition de ce qui semblerait être le repère de son criminel, ce sont les mots utilisés par les médias, pas les siens, de frère. Le frère cadet ne serait pas mêlé à cette histoire mais Gabrielle a des suspicions. Elle ne peut qu’en avoir quand elle a bien senti la distance que ses frères ont pris avec elle depuis leur départ de Las Vegas, peu de temps après le décès de leur père. Quand elle a bien senti aussi que Finn n’était plus le même quand il est venu lui rendre visite presque deux ans plus tôt à Los Angeles. Eux, qui ont toujours été proche, eux qui se sont toujours tout dit, tout confié. Désormais, c’est à peine s’il y a un contact pour les fêtes ou les anniversaires. La preuve, voilà six mois qu’elle est sur Brisbane et aucun des deux frères n’est au courant…Elle s’est bien gardée de leur avouer cependant, mais si leur relation ne s’était pas autant égrenée avec le temps, il en aurait été peut-être autrement.
Aujourd’hui elle décide de faire le premier pas. Il est temps. Il est temps qu’elle aille à la rencontre de Finn, qu’elle le confronte pour avoir des explications. Avec elle, elle a pris le dossier de l’arrestation d’Alex en 2015. Quand elle se gare devant le 51 bywong street, elle peut voir qu’il y a de la lumière à l’intérieur, signe que son frère est très certainement chez lui. Accompagné ou non, elle l’ignore, mais cela ne l’arrêtera pas pour autant. Elle parcourt la courte allée jusqu’à le pas de la porte. Trois coups suivront pour signifier sa présence. Malgré tout, un nœud se forme dans le creux de son estomac parce qu’elle va se retrouver nez à nez avec son frère qu’elle n’a pas vu depuis deux ans maintenant. Parce qu’aussi elle redoute sa réaction en la voyant ici. Elle entend des aboiements assez immédiatement alors que sa main descend doucement le long de son corps. Des bruits de pas suivent alors et le cliquetis de l’ouverture du verrou se fait entendre.
Elle se retrouve nez à nez avec son frère et, malgré toutes les questions, malgré toutes les interrogations, Gabrielle ne peut s’empêcher d’avoir un sourire qui s’affiche sur ses lèvres « Bonsoir Finn ». Elle voit très bien à la tête de son frère que c’est la dernière chose à laquelle il s’attendait sûrement aujourd’hui. Voir débarquer sa sœur à Brisbane, elle qui n’avait jamais mis les pieds en Australie auparavant est inattendu. « Salut toi » lance-t-elle alors à l’encontre du chien qui vient la bousculer un peu pour la saluer. Elle lui offre quelques caresses sur la tête, ayant un regard attendri envers l’animal avant de reporter son regard sur son frère « Je ne savais pas que tu avais un chien ». Une remarque anodine qui sonne peut-être comme un reproche aussi, malgré le sourire toujours présent sur ses lèvres. Elle s’approche alors vers son frère, tend un bras alors que de l’autre main elle tient fermement le dossier qu’elle a ramené et vient le passer autour du cou de son frère pour l’étreindre.
« Gaby ?! Qu’est-ce que tu fais là ?! ». La réaction de son frère ne l’étonne pas. Evidemment qu’il est surpris de la voir devant chez lui, évidemment qu’il ne s’y attendait pas. Comment aurait-il pu savoir que sa petite sœur était à Brisbane quand, ces derniers mois, voire même ces dernières années, les contacts étaient inexistants ? Le dernier qu’ils ont eu remonte à quelques jours de ça quand elle a pris la peine de lui envoyer un message pour son anniversaire. Ça n’a jamais été comme ça. Pour son anniversaire, Gaby l’a toujours appelé restant un petit moment avec lui au bout du fil. Cette année, l’échange a été bref, un simple remerciement de sa part et la conversation n’a pas été plus loin. Elle aurait pu l’appeler, mais elle aurait été incapable de ne pas lui dire qu’elle était en ville, elle aurait été incapable de ne pas lui dire qu’elle avait vu les informations et qu’elle voulait comprendre. Et comme elle souhaitait le faire de vive-voix, alors l’avocate s’est tout simplement abstenue…
Face à son air ébahi, elle ne répond rien alors que le chien, qui ne peut être que le sien, vient la saluer. Gabrielle y va de son commentaire, ignorant bien sûr que son frère en avait un « Oui, depuis que je suis rentré de mon voyage ». Elle acquiesce doucement, et vient alors à s’approcher de lui. Parce que, malgré les milliers de questions qu’elle a, malgré l’énervement qu’elle peut ressentir à son encontre, mais aussi à l’encontre d’Alex, malgré la sensation d’être mis à l’écart, ce sentiment d’abandon qu’elle a toujours ressenti depuis leur départ, Gabrielle est heureuse de le retrouver. Elle vient à l’étreindre d’un bras alors que lui l’encercle des siens pour la serrer contre lui « Tu m’as manquée ». Elle se mord la langue pour ne pas lui dire que c’est de sa faute, parce qu’elle ne veut pas entrer dans ce débat pour le moment et peut-être aussi parce qu’elle n’a pas envie de gâcher ce moment de retrouvailles, quand elle sait que ce moment de paix ne va pas durer. « Tu m’as manquée aussi » murmure-t-elle alors en guise de réponse.
« Entre. Otis, laisse-la passer ». Gaby rit doucement en observant l’enthousiasme de l’animal alors qu’elle retrouve là le côté bougon de son frère. Elle pénètre donc chez lui, une première quand elle n’a jamais été conviée à venir lui rendre visite depuis toutes ces années où Finn et Alex sont installés à Brisbane. Gabrielle ne peut totalement leur rejeter la faute parce qu’elle doit reconnaitre aussi qu’elle s’est jetée corps et âme dans son travail et c’est ce qui explique aussi pourquoi elle n’a jamais pris le temps de leur rendre visite, même par surprise. Mais quand elle voit l’enthousiasme de Finn actuellement, elle se dit qu’elle a bien fait de s’abstenir. Son regard observe chaque recoin alors qu’elle arrive dans le salon. Elle tourne le dos à son frère lorsqu’il vient à lui poser les questions qu’évidemment elle attendait « Il s’est passé quelque chose ? Tu es arrivée quand en Australie ? Tu es là pour des vacances ? Pourquoi tu ne m’as pas prévenu ? ». Gabrielle ne peut s’empêcher de rire un peu lorsqu’elle entend toutes ces interrogations. Elle se retourne alors, sourire moqueur aux lèvres « Respire ». dit-elle doucement. « Je n’ai pas le droit de venir voir mon frère sans réelle raison ? Juste parce qu’il m’a manqué ? ». demande-t-elle en toute innocence quand bien sûr il n’y a aucune. Elle s’approche alors de la grande table qui est présente dans la pièce où ils se trouvent « Ou peut-être que tu pourrais répondre à mes questions d’abord avant que je ne réponde aux tiennes Finn ». Son sourire disparait soudainement, redevenant sérieuse, montrant réellement les raisons qui la poussent à être chez lui aujourd’hui. Elle balance le dossier de l’arrestation d’Alex en 2015 sur la table, en direction de son frère qui s’est, à son tour, approché de celle-ci. « Tu pourrais surtout m’expliquer pourquoi Alex, ou devrais-je dire Mitchell, est l’homme le plus recherché actuellement ? Peut-être que tu pourrais me dire aussi, Finn ». Elle marque une pause volontaire, se reprenant « Non, pardon, c’est Alec maintenant, c’est ça ? ». Gabrielle tend une main sur le côté comme pour l’inciter à confirmer ce qu’elle venait de dire « Peut-être que tu pourrais me dire dans quelle merde vous vous êtes embourbés tous les deux pour que je retrouve vos noms dans des rapports de police ? ». Son air est désormais fermé, elle ne lâche pas son frère du regard, attendant qu’il fasse preuve d’honnêteté alors qu’elle a l’impression que, pendant toutes ces années, autant lui qu’Alex en n’ont jamais fait preuve.
Finn semble anxieux. Le flot de questions qu’il lui pose le trahi, et si Gabrielle tente de ne rien laisser transparaitre pour le moment, elle comprend très bien qu’il n’est pas ravi de la voir là. Et ce n’est sûrement pas pour rien alors qu’ils ont toujours été très proche. Il y a forcément quelque chose qu’il ne lui dit pas, quelque chose que lui et Alex ne lui ont pas dit, peut-être même plusieurs choses dont ils préfèrent la tenir éloigner. Et si Gabrielle n’a pas creusé pendant des années, il est désormais temps qu’elle les confronte, surtout avec les événements récents « C’est juste que t’es jamais venu en Australie Gaby, pourquoi maintenant ? ». « Et pourquoi pas, Finn ? » dit-elle avec un sourire aux lèvres alors qu’elle s’approche de la table d’un pas lent, laissant son regard parcourir la pièce.
« Gaby… ». Elle ne lui laisse pas le choix. Elle le met devant le fait accompli tout de suite, ne prends même pas la peine de répondre à ses questions parce que, si elle est venue ici, c’est avec détermination pour obtenir des réponses. Gabrielle n’est pas venue pour parler de la pluie ou du beau temps, même si cela fait presque deux ans qu’elle n’a pas vu Finn. Alec. Elle ne sait plus. Ce changement d’identité, ce dossier posé sur la table qui montre qu’Alex ou Mitchell, peu importe, a fait de la prison. Et maintenant sa cavale. Gaby a besoin de réponses et elle ne partira pas d’ici sans en avoir obtenu. Elle montre d’ailleurs une certaine impatience envers son frère et surtout de la colère quand elle lui demande dans quel merdier ils se sont foutus. « C’est rien de grave Gaby… ». Elle écarquille les yeux « Rien de grave ? Sérieusement Finn ? ». Le ton monte de question en question. « Je sais de quoi ça a l’air. Mais… ». Il bafouille, il cherche ses mots. Gabrielle est bien placée pour savoir que lorsque quelqu’un est aussi hésitant, c’est qu’il ne se sent pas capable de dire la vérité. « C’est juste un malentendu avec la police, rien de grave ». L’avocate lève les yeux au ciel en écoutant les excuses qui ne tiennent pas la route et surtout le peu de considération face à cette situation qu’il n’estime pas grave. Elle tente de contenir sa colère déjà bien trop grande « On a eu quelques petits démêlés avec la justice, on voulait pas t’inquiéter c’est tout. Ça va se tasser, comme en 2015, c’est une erreur tout ça ». Si lui a fait un pas vers elle quelques secondes plus tôt, elle, elle en fait deux en arrière. « Une erreur ? » Elle pouffe de rire, mais d’un rire jaune « Tu t’entends Finn ? Je dois te rappeler que je sais ce que ça signifie tout ça ? » fait-t-elle en montrant de la main le dossier qui est désormais ouvert sur la table. « Alex est inculpé pour la deuxième fois pour exactement les mêmes raisons. Tu crois qu’il va s’en sortir comment cette fois ? ». Elle lâche un long soupir qui montre son agacement « C’était donc ça votre recette miracle ? Ce job qui vous a fait partir après la mort de notre ignoble de père ? C’est donc sur ça que repose mon titre d’avocate ? Sur l’argent sale ? ». Elle est écœurée, ça se lit dans son regard, et elle avance vers Finn cette fois, pointant son index vers lui « C’est pour ça que tu ne m’appelle plus Finn ? Ne nie pas, tu as des choses à te reprocher, VOUS avez des choses à vous reprocher et c’est plus facile de fuir que d’assumer ». Il y a une certaine tristesse qui se dessine dans son regard même si le ton reste toujours autant accusateur « Je pensais qu’on se disait tout toi et moi ».
L’ironie voudra qu’il pose alors cette question qui va aller en contradiction avec ce qu’elle vient de dire. « Pourquoi t’es là Gabrielle ? Pourquoi t’es à l’autre bout du monde loin de chez toi ? C’est quoi ça, cette enquête ? ». Elle doit mentir à son tour, parce qu’elle ne lui dira pas les véritables raisons de sa venue tout comme elle ne lui dira pas aujourd’hui qu’elle est à Brisbane depuis des mois « Pourquoi je suis là ? Par votre faute ». Elle remet tout sur leur dos, ce qui n’est pas totalement faux non plus, si elle a choisi Brisbane, c’est parce qu’ils s’y trouvent « Et cette enquête » elle rit « Votre faute aussi, vous ne m’en laissez pas le choix » finit-t-elle sur un ton ferme.
« Alex s’en sortira d’une manière ou d’une autre. Il s’en sort toujours ». Est-ce que cela sous-entend qu’il y a déjà eu d’autres situations similaires en dehors de ce dossier qu’il ferme d’un geste vif ? En plus de cette cavale actuelle d’Alex ? Elle fronce les sourcils car la manière avec laquelle Finn lui répond lui déplait. « Tu sais où il se trouve ? » demande-t-elle fermement.
Gabrielle a l’impression de découvrir une part de vérité sur ses frères, elle qui les avait toujours admirés, elle qui avait toujours tout fait pour les rendre fière, parce qu’ils ont toujours tout fait pour la protéger. Ils l’ont aidé aussi, malgré leur départ, à subvenir à ses besoins à elle et à leur demi-sœur, mais surtout à poursuivre ses études. Finalement, elle se rend compte que cet argent qu’ils lui ont fourni n’était peut-être pas si clean, contrairement à ce qu’ils ont bien voulu lui laisser croire. « Bien sur que non Gaby, ça repose sur le restaurant qu’on a. Ton titre d’avocate il repose sur toi. L’argent qu’on a envoyé c’était juste pour aider un peu. On ne t’aurait jamais envoyé de l’argent sale ! ». Il a ce regard doux et elle ne peut malgré tout que le croire. Parce qu’il reste son frère, qu’elle veut aussi lui faire confiance malgré les preuves accablantes sous ses yeux. Elle laisse échapper un soupir, fermant ses yeux quelques secondes comme pour tenter de calmer cette colère qu’elle peut ressentir contre ses frères, bien trop secret à son égard, surtout ces dernières années…Bien trop distant avec elle, ne prenant plus la peine de l’appeler ou très peu, surtout Finn avec qui elle a toujours été très proche. Le calme n’aura duré que quelques secondes, car lorsqu’elle réouvrira les yeux, elle reprochera à son frère cette fuite trop facile, celle qui lui a permis de l’éviter pour ne jamais avoir à être totalement transparent avec elle. Il s’approche à nouveau d’elle, un peu plus, et tente de l’apaiser « Arrête Gaby, bien sûr qu’on se dit tout. Je te dis tout. Il y a juste des choses dont moi et Alex on voulait te protéger c’est tout. Nos ennuis avec la justice en font partie ». « J’aurai pu vous aider… » s’ils avaient daigné lui en parler, parce que c’est ce qu’elle aurait fait, elle qui avait l’habitude de ce genre d’affaires. Son ton s’est atténué alors qu’elle le fixe du regard et qu’il a sa main qui vient caresser délicatement sa joue « Tu penses vraiment qu’on serait capable de tout ce qu’il y a dans ce dossier Gaby ? ». Elle ne sait plus parce que les preuves sont là, même si elles sont bancales, mais aussi parce qu’elle a ce ressenti, un ressenti qui n’est pas nouveau, un ressenti qui lui laisse un coup amer de mensonge « Tu ne veux pas nous laisser le bénéfice du doute ? Qu’est-ce qui est arrivé à innocent avant d’être prouvé coupable ? ». Elle déteste qu’il utilise cet argument qui, pourtant, est justifié. Elle lève son regard sur lui, il peut y lire une certaine culpabilité, celle d’avoir eu ce rôle de l’avocate virulente qu’elle peut être, l’assénant de questions sans vraiment lui laisser le temps de se défendre, sans qu’elle ait pris la peine de comprendre avant d’accuser. Peut-être à tort, peut-être à raison. Mais depuis qu’elle est ici, elle n’a rien dénicher sur Finn et Alex… Et peut-être que cela pourrait lui prouver qu’il ne s’agit que de malentendu, comme il tente de l’en persuader « Je ne sais plus Finn… Toi et Alex m’avaient laissé en dehors de vos vies depuis votre départ… J’ai l’impression de ne plus savoir qui vous êtes… ». Le changement d’identité n’aide pas, l’éloignement non plus. Il y a une certaine tristesse qui peut légèrement transparaitre mais elle tente de la camoufler. Elle s’éloigne d’ailleurs un peu de son frère, lui tournant le dos alors que son regard balaye la pièce « Bien sûr que je vous accorde le bénéfice du doute… Parce que vous êtes mes frères et que je vous fais confiance … ». Il y a de la retenue dans cette phrase, car le doute subsiste toujours. Elle se retourne à nouveau vers lui « Mais si je suis venue ici en Australie, et si j’ai choisi Brisbane, ce n’est pas anodin. C’est aussi pour vous retrouver, Finn… » Elle s’avance alors pour s’approcher de son frère « On a toujours été soudés tous les trois. Tu ne crois pas qu’il serait temps qu’on retrouve cette complicité ? ». Elle l’interroge du regard, cherchant à voir si lui aussi voulait la même chose, quand elle s’est sentie bien trop longtemps à l’écart de cette complicité qui semblait unir les deux frères qui ne se sont jamais quittés, eux. « Ce semblant de famille qu’on a pu être ? ». La nostalgie gagne Gaby, peut-être un peu trop et pour ne pas se laisser envahir par l’émotion, elle ajoute avec un sourire amusé au coin des lèvres « Tu n’as pas un bon verre de vin à me proposer ? Ce serait un bon début déjà ». L’avocate ne compte pas partir de sitôt. Elle a envie que Finn prenne le temps de lui raconter et même de lui montrer sa vie australienne, celle qu’elle n’a jamais eu l’opportunité de découvrir.
Gabrielle est inquiète pour Alex. Quoi qu’il ait pu faire, elle aimerait pouvoir le voir lui aussi, l’avoir en face d’elle comme Finn actuellement « Non, j’en ai aucune idée ». Son air s’attriste quand son frère lui dit ne pas savoir où Alex se trouve. Et d’ailleurs, cela l’interpelle aussi, eux qu’elle pensait pourtant proche. La phrase qu’il ajoute ne fait que l’interroger davantage sur cette relation qu’ils entretiennent désormais « N’essaye pas de le trouver Gabrielle, ça ne sert à rien… ». Ses yeux s’écarquillent, l’incompréhension bien présente sur son visage « Pourquoi je ne le devrais pas Finn ? » Elle marque une pause, son sourcil s’arquant alors qu’elle ajoute « Je pensais que vous étiez plus proche que ça lui et toi ». Parce que c’est l’impression qu’elle a toujours eu quand elle savait qu’ils avaient un restaurant ensemble et que depuis toujours, l’un n’allait pas sans l’autre. Alors, elle se demande si, finalement, tout cela n’était qu’apparence, comme bien d’autres choses alors qu’elle semble découvrir peu à peu qui ils sont…
« Non, tu n’aurais rien pu faire Gaby… ». Il a ce geste qu’il a toujours eu envers elle pour la réconforter : après le décès de leur mère, la vérité ayant été apprise quatre ans après, alors qu’elle avait découvert sa lettre de suicide. Ce même geste qu’il a eu lorsqu’Alex et lui lui ont annoncé qu’ils allaient quitter Las Vegas après le décès de leur père. Ce même geste qu’il a eu quand il est parti de chez elle, trois ans plus tôt, lui promettant qu’ils allaient se revoir bientôt… Un geste qu’elle apparente maintenant plus à du mensonge, un geste qu’elle a l’impression qu’il utilise uniquement pour la convaincre qu’elle peut lui faire confiance alors qu’il ne peut lui dire la vérité. Elle se contente de soupirer, la colère ne s’évaporant pas, l’inquiétude non plus.
« Si tu as choisi Brisbane… je ne comprends pas tu n’es pas venue pour nous voir ? ». C’est le moment où elle doit lui avouer qu’elle est venue ici pour les retrouver, mais pas de manière provisoire. C’est à ce moment aussi où elle devrait lui avouer l’entière vérité sur les raisons qui l’ont poussé à quitter Los Angeles et à se retrouver ici désormais. Elle se rend compte qu’elle n’a pas prêté attention aux mots utilisés et elle sait qu’elle va bien devoir être honnête avec lui sur sa présence qui est permanente. Alors, au lieu de répondre, elle se contente de jouer sur cette relation qui les a toujours uni tous les trois, cette envie de retrouver un cercle familial, cette complicité qui les a aidés à tenir face aux différentes épreuves de leur vie « Ca me plairait ». Gaby fronce les sourcils parce qu’elle sent que son frère se recule alors qu’elle a fait un pas vers lui. Pourquoi fuit-t-il ? Ses doutes concernant leur relation ne font que se confirmer, l’enthousiasme étant absent dans la réponse qu’il lui donne. Elle prend beaucoup sur elle et finalement, lui réclame un verre de vin comme pour tenter d’apaiser tout ça et finir peut-être par obtenir un peu plus de confessions de sa part « T’as de la chance que ton frère soit le meilleur cuisiner de Brisbane va ». A ça, elle sourit alors qu’elle le suit dans la cuisine, ses yeux curieux se baladant de gauche à droite pour découvrir un peu plus l’antre de son frère. Elle prend place sur un tabouret face au plan de travail central et le regarde leur servir deux verres de rouge « Ca fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de goûter à tes petits plats. Tu as peut-être régressé depuis », elle lance alors qu’elle lève son verre pour venir le tinter avec celui de son frère « D’ailleurs, si tu t’apprêtais à cuisiner, ne t’en empêche pas pour moi » ajoute-t-elle, sourire aux lèvres, mettant au défi son frère de préparer un petit quelque chose, son ventre commençant à crier famine.
« Tu es là depuis combien de temps ? Tu dors où ? Tu sais que tu peux dormir ici j’ai une chambre d’amis ». Le flot de questions recommence, ce qui fait sourire Gabrielle. Un sourire qui reste peu de temps sur ses lèvres alors qu’elle dépose délicatement son verre sur le comptoir après en avoir pris une gorgée « Je ne suis pas là que provisoirement Finn… » fait-t-elle en posant son regard dans celui de son frère. « J’avais besoin de changement et, comme je te l’ai dit, j’avais besoin aussi de vous retrouver… ». L’avocate se rend compte que si elle ne veut pas être honnête sur les raisons qui l’ont poussé à partir des Etats-Unis, elle va cependant devoir lui dire qu’elle est là depuis bien plus longtemps qu’il ne le pense « Je suis à Brisbane depuis septembre Finn… » Son regard fixe le comptoir, parce qu’elle se doute que la réaction de son frère ne va pas se faire attendre « J’ai même une maison à Bayside que j’ai acheté peu de temps après mon arrivée ici… ». Elle daigne relever le regard vers lui, et se doute que cette nouvelle ne va pas lui plaire…
Il met en garde sa sœur contre son propre frère, leur propre frère. Il lui demande de ne pas le chercher, de ne pas entrer en contact avec lui et forcément, cela éveille à nouveau les soupçons chez elle. Gabrielle ne comprend pas, elle a même l’impression qu’elle n’est pas la seule dont les rapports ont changé avec ses frères, ayant l’impression que cette relation indéfectible que Finn et Alex semblaient avoir est compromise « On l’est Gaby ». Il la rassure, sa réponse sortant brusquement, il semble même agacé « Mais il est recherché actuellement, je veux juste pas qu’il t’arrive quoique ce soit d’une manière ou d’une autre ». Elle comprend qu’il ne veut pas qu’elle soit mêlée à tout ça, qu’il cherche juste à la protéger, comme il l’a toujours fait. Elle marque un mouvement de recul, laisse échapper un soupir, s’avouant vaincu, n’ayant pas trouver les réponses qu’elle recherchait.
Gaby a envie de retrouver un semblant de lien, ce lien si fort qui les unissait autrefois lui et elle. Alors, elle fait abstraction quelques minutes des questions qui la taraudent, réclamant un verre de vin, espérant peut-être que cette normalité retrouvée finira par pousser son frère à parler. Elle lui réclame même qu’il lui prépare un bon petit plat, lui qui est si doué en cuisine depuis toujours quand elle ne l’est définitivement pas. « C’est vrai que ça fait longtemps que je n’ai pas cuisiné pour toi ». Elle acquiesce, se relevant légèrement sur le tabouret pour regarder ce qu’il sort de ses placards et deviner ce qu’il compte bien lui mijoter « N’oublie pas que ta petite sœur est végétarienne », lance-t-elle en guise de rappel, cette affirmation ne le surprendra pas puisque cela fait des années que c’est le cas. « Qu’est-ce que tu prépares alors ? » demande-t-elle, curieuse alors qu’elle l’observe réaliser ses gestes avec une aisance déconcertante.
Tout en préparant le repas, la conversation va bon train entre le frère et la sœur. Finn vient à lui proposer de dormir chez lui si elle en a besoin, lui demandant aussi combien de temps elle compte rester à Brisbane. C’est à cet instant qu’elle est obligée de passer aux aveux, ne pouvant plus mentir et esquiver la question « Je comprends pas… ». Et comment le pourrait-t-il quand elle n’a pas daigné reprendre contact avec lui et Alex depuis son arrivée « Septembre ? ». Finn semble abasourdi et ne pas réaliser tout de suite ce qu’elle vient de dire. Elle fuit toujours son regard alors qu’elle ajoute qu’elle a acheté aussi une villa à Bayside peu de temps après son arrivée. Un court silence s’installe, un court moment durant lequel elle daigne enfin relever le regard vers son frère. Ses traits ont changé, la colère a repris place et il n’en faut pas plus pour qu’il ne l’accable « T’es en train de me dire que ça fait des mois que t’es à Brisbane et que tu ne nous l’as pas dit ? Putain septembre Gabrielle ? Une maison ? Et quoi t’as passé six mois à faire ta petite enquête plutôt que de venir nous parler c’est ça que t’es en train de me dire ? T’es sérieuse là ? ». Gaby savait pertinemment qu’elle aurait droit à une réaction de la sorte venant de Finn. Il en serait sûrement de même s’il s’agissait d’Alex. Elle laisse reposer son verre de vin, dont elle a pris une gorgée peu de temps avant, sur le plan de travail, délicatement, et vient à retrouver le regard de son frère « Qu’est-ce que ça aurait changé Finn sérieusement ? Tu m’aurais réservé un meilleur accueil ? Tu aurais été ravie de me voir ici comme tu l’es en ce moment même ? Alors que tu préférerais me savoir à Los Angeles plutôt que bien trop proche de vos emmerdes ? ». A son tour, la colère prend le dessus « Je n’ai pas passé mon temps à enquêter sur vous, ma vie ne tourne pas qu’autour de la votre et ça depuis longtemps. Ce n’est pas comme si vous m’en avez laissé le choix de toute manière ». Elle lui reproche à nouveau cette distance, ce fossé qu’ils ont creusé entre elle et eux. « Peut-être que je n’avais tout simplement pas le courage de venir vous retrouver, peut-être que je n’avais pas envie de venir m’immiscer dans vos vies quand vous ne faites que m’en repousser depuis tant d’années » et ne pas trouver ma place quand même à cet instant, je me sens de trop. Dans son élan, elle s’est levée, n’a même plus envie de rester manger avec lui, l’appétit coupé par cette gorge qui se serre au fur et à mesure des mots prononcés. Parce qu’elle a souffert de leur départ et malgré les années, malgré son indépendance et cette façon qu’elle a de n’attendre rien de la part de personne, elle ne peut pas nier, au fond d’elle, avoir souffert de leur absence dans sa vie… Le dos tourné quelques secondes comme pour reprendre son souffle et retenir les larmes qu’elle ne laisse jamais couler, elle finit par lui refaire face derrière le comptoir qui les sépare « Qu’est-ce que ça aurait changé Finn ? Dis-moi ? Vous auriez été plus honnête avec moi ? Ou vous auriez tout fait pour me repousser et faire partir ? ». La colère ne désemplit pas, ses yeux commençant à s’humidifier mais elle ne démontrera rien, parce qu’il est hors de question qu’elle se laisse aller, même devant son propre frère.
« De quoi tu as envie ? ». Elle réfléchit un petit temps, repensant en revue dans sa mémoire les nombreux plats qu’il lui avait préparé lorsqu’il était venu lui rendre visite à Los Angeles. Il y en avait toujours un en particulier que Gabrielle adorait et que son frère maitrisait à la perfection. Au point que ce plat-là n’avait jamais trouvé d’égal sous son palais, même dans des restaurants étoilés « De ton risotto ! » s’esclame-t-elle alors assez rapidement, les yeux pétillants et impatients de pouvoir le déguster déjà. Une certaine simplicité se réinstaure à ce moment-là. Celle d’une relation normale entre un frère et une sœur qui ne se seraient jamais réellement quitté, qui sont heureux de se retrouver autour d’un bon repas. Cette sérénité retrouvée apaise les interrogations de l’américaine mais celle-ci sera de courte durée.
Elle est obligée de lui dire la vérité, lui dire que son arrivée sur Brisbane n’est pas provisoire mais permanente. Et ce n’est peut-être pas tant ça le plus dur à avaler pour Finn, le plus dur est d’entendre qu’elle est là depuis des mois mais qu’elle ne lui a rien dit « Bien sûr qu’on t’aurait réservé un meilleur accueil ! On est tes frères putain ! ». A cette réplique, elle pouffe légèrement, l’air moqueur, le haussement de ton de son frère ne l’impressionnant pas « Mes frères ? Vous avez eu une drôle de façon de le démontrer ces dernières années, Finnegan ! ». L’amertume est présente, celle de toutes ces années où Alex n’a pas daigné lui donner de nouvelles et où, peu à peu, Finn s’est éloigné d’elle. Ce sentiment d’avoir été jeter aux oubliettes et totalement mise à l’écart de sa vie et celle d’Alex, dont elle ne connait rien finalement. « On ne te repousse pas Gaby. Je comprends pas t’étais pas heureuse à Los Angeles ? Est-ce qu’on t’a pas aidé depuis toujours ? ». « Si je l’étais ! » Ça sort peut-être trop vite, trop brusquement, sur un ton sec et catégorique. Elle exprime là les regrets de ce choix, qui n’en a pas été réellement un, s’étant imposé à elle, de quitter cette ville dans laquelle elle a réussi à construire sa vie, où elle a réussi à se reconstruire, elle, en tant que Gabrielle Strange. A Los Angeles, elle n’était plus la fille de Nick Strange, ce dératé alcoolique et violent. Elle a redoré le blason de ce nom de famille bien trop longtemps sali en devenant une avocate dont les compétences n’étaient plus à prouver. Forte et indépendante, Gabrielle a finalement tout fait par elle-même, même si elle n’oublie pas le coup de pouce financier de ses frères qui lui ont permis d’atteindre ses objectifs. « Vous m’avez aidé, oui, au début. Mais après ? » parce qu’ils l’ont peut-être aidé un temps, mais au fil des années, leur lien s’est étiolé et elle n’a pu compter que sur elle-même. Alors leur dire qu’elle était sur Brisbane depuis septembre, qu’est-ce que cela aurait bien pu changer finalement ? « Arrête, c’est pas vrai, je te repousse pas, j’ai pas envie que tu partes. Je suis content que tu sois là. Je comprends juste pas pourquoi tu me l’as caché pendant des mois ! » « Les mensonges semblent être de famille » sort-t-elle du tac au tac, évitant ainsi d’avoir à se justifier aussi. « Mais qu’est-ce qui s’est passé à Los Angeles pour que tu quittes tout comme ça ? Pour que tu décides de bouger ta vie entière jusqu’ici ? Je sais pas on aurait pu t’aider à t’installer, on aurait pu être là, on aurait pu te montrer la ville… ». Il insiste à nouveau pour comprendre pourquoi elle se trouve ici, à Brisbane, et bien sûr, elle ne veut rien lui dire. Pas maintenant. « Je n’ai pas eu besoin de vous pendant toutes ces années et je n’ai toujours pas besoin de votre aide. Depuis septembre, je me suis très bien faite à cette nouvelle vie que J’AI décidée, seule, de me construire ici. Et quand je vois qu’Alex est en cavale et que je sens que tu me mens sur toute la ligne, Finn, cela ne fait que me conforter dans ce choix que j’ai fait de ne pas venir vous voir sur le champ ». Elle marque une pause, son regard est noir quand pourtant à l’intérieur elle ressent une tristesse immense d’avoir de tels mots envers son frère « Et j’aurai dû m’abstenir de le faire, même aujourd’hui ». La colère semble avoir disparu, laissant place à un ton plus las, qui laisse entendre le regret, celui d’en arriver à cette conclusion. Encore une fois, elle ne montre pas que ça lui serre la gorge de dire ces mots et préfère attraper son sac à main, en prenant soin de récupérer le dossier sur la table, et partir « Au revoir, Finn » finira-t-elle par dire, en le regardant brièvement, préférant tourner les talons plutôt que d’écouter les quelques mots qu’il prononcera pour tenter sûrement de la faire changer d’avis.