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@lily mcgrath

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Promis, il n’avait pas évité les appels de Lily des quinze derniers jours - et peut-être des quinze autres d’avant également. Il les avait vu, tous autant qu’ils étaient, juste avec un léger décalage. Disons que lorsque son téléphone se mettait à sonner, il ne prenait pas la peine dernièrement de venir vérifier qui pourrait être l’interlocuteur à l’autre bout du fil. Même lorsqu’il s’agissait de Lily, et pourtant Dieu savait que pour elle il faisait des efforts qu’il ne prenait pas la peine d’imaginer avec d’autres. Promis, il n’avait pas fait exprès d’oublier de revenir vers elle après ses appels manqués répétés. Un message aurait suffit, pour venir lui donner un signe de vie, lui montrer qu’il n’était pas indifférent. Mais les moments étaient passés, avaient passé, et à quoi bon revenir en arrière de la sorte ? Pourtant, il s’agissait de Lily et il y serait toujours bloqués, en arrière, si ça n’avait pas été pour elle. Depuis le début de la dernière décennie, si elle n’avait pas été présente à ses côtés, Dieu seul savait ce qu’en aurait été la suite de cette histoire. Promis, il ferait des efforts - mais quand mettrait-il en action cette résolution ? Ses actions n’étaient pas en corrélation avec un tel comportement, et il savait que cela allait lui retomber dessus un jour ou l’autre. Il le sentait autant qu’il le savait - ce qui ne l’empêchait pas pour autant de venir allumer une nouvelle clope, comme si les éléments extérieurs ne comptaient pas en cet instant et que sortir sur le balcon pour la griller était un effort bien trop important pour lui présentement.

Le bruit de la sonnette qui résonnait dans tout l’appartement vint alors le faire sursauter sur le canapé. Jetant un œil rapide à l’heure sur son téléphone - sans prêter la moindre espèce d’importance aux différents messages s’affichant sur l’écran -, ce fut avec un soupire non retenu qu’il vint se lever du divan, navigant avec une lenteur à peine exagérée, jusqu’à la porte. Un coup d’œil dans le judas et il dut retenir un fuck entre ses dents pour être sûr que Lily, se tenant de l’autre côté de la porte, ne puisse pas l’entendre. Il aurait dû s’en douter, il aurait pu le deviner. Ce n’était dans aucune des habitudes de l’un de ne pas venir vérifier si l’autre respirait toujours le même air - l’inverse étant tout aussi vrai. Ezra vint s’autoriser un soupire supplémentaire avant de venir ouvrir la porte. Sa dégaine en disait long sur son mode de vie dernièrement: sa barbe était digne d’un pirate étant parti en mer depuis des semaines et ses cheveux commençaient à manger le reste de la partie visible de son visage. Et étant donné qu’il ne s’agissait que de Lily, il n’avait même pas fait l’effort de venir enfiler ne serait-ce qu’un jogging pour être davantage présentable et ne pas la recevoir en caleçon. « Pour une fois que c’est pas le livreur qui vient sonner ici. » La blague était présente mais l’humour totalement absent de sa phrase, de son ton, de son attitude de façon générale.

Les appels à Ezra laissés sans réponse n’ont pas été sans inquiéter la jeune femme qui s’imaginait déjà les pires scénarios qui soient à propos du mécanicien. Elle le pensait malade, affaibli, incapable de parler voire même de se mouvoir. Lily l’imaginait dans les pires cas de figure qui soient mais à aucun moment elle n’aurait pu se douter qu’il évitait simplement tout contact avec le monde extérieur ; surtout pas alors qu’elle se sait bien différente du reste de la population, justement. Il l’est à ses yeux et elle sait bien que tout est réciproque. Ainsi, alors qu’elle aurait pu se contenter d’une conclusion lui laissant le bénéfice du doute et un quelconque besoin de se couper des réseaux en tout genre, l’infirmière n’y voit finalement qu’une urgence à chaque heure un peu plus importante. Au fil des jours écoulés sans aucune réponse de la part du brun, il est rapidement devenu évident qu’il avait besoin d’elle. Elle sait y reconnaître les signes de leur histoire commune, lesquels sont tantôt tendres et tantôt dignes des plus supplices infligés dans les Enfers. Pour rien au monde elle ne souhaiterait oublier ces instants de sa vie mais elle souhaiterait encore moins les revivre.

L’esprit animé par le propre renouveau de sa vie personnelle et de sa vision du futur, la McGrath se présente devant l’appartement de Fortitude Valley avec les bras chargés de nourriture. S’attendant à ne trouver un frigo rempli que de sauces industrielles à moitié entamées, elle a prévu le coup pour pouvoir surpasser n’importe quel imprévu. Après tout, elle connaît le Beauregard depuis plus d’une décennie et est assurée de pouvoir anticiper le moindre de ses mouvements et de ses mots - tout comme l’absence de mouvements menant à un frigo scandaleusement vide. Les anses du sac en carton lui chatouillent les narines mais elle présente son plus beau sourire face à la porte alors qu’elle appuie maladroitement sur la sonnette grâce au bout de son genou. Elle est prête à le modifier en une mine agacée voire même énervée d’un instant à l’autre sans crier gare. Ce n’est pas Ezra qui pourrait en être étonné, elle le lui interdit.

De tout ce qu’elle aurait pu anticiper, cependant, les mots « Pour une fois que c’est pas le livreur qui vient sonner ici. » ne faisaient pas partie du listing qu’elle avait commencé à dresser dans son esprit. La voilà qui fronce les sourcils sans savoir si c’est en réponse à sa remarque (laquelle fait apparemment signe de salutations) ou son accoutrement (ou le manque flagrant de vêtements sur lui, justement). Il y a sans doute beaucoup des deux et elle ne prendra pas la peine de le nier, surtout pas face à un homme qui la connaît sans doute mieux qu'elle-même encore. “Je viens quand même livrer des trucs, ça me donne le droit de rentrer ?” N’ayant aucune possibilité de lui refuser l’entrée, Lily s’impose elle-même sur le pas de la porte tout en sachant qu’il n’aura sans doute pas l’envie de s’interposer avec elle. La jeune femme affiche encore un sourire faux mais pourtant flamboyant, lequel contraste parfaitement avec l’aspect négligé de l’homme qu’elle a tant aimé. Sur la pointe des pieds, elle vient tout de même prendre le temps de le saluer en déposant un baiser contre sa joue. “Tu piques.” L’instant d’après, elle fronce déjà le bout du nez. “C’est pas parce que la barbe de trois jours ne te va pas que celle de trente t’ira mieux, tu sais.” Dans d’autres circonstances, elle aurait pris le temps d’aborder le sujet de son allure plus subtilement pour ne pas risquer le moindre faux pas. Elle sait qu’aujourd’hui, pourtant, la donne est différente et elle ne gagnera rien si elle ne le force pas à sortir de sa zone de confort une bonne fois pour toutes pour enfin se confronter de nouveau au reste du monde.

Ses pas zigzaguent maladroitement jusqu’à la cuisine, pièce dans laquelle elle ne tâtonne pas le moins du monde pour y ranger au frigo les œufs, le bacon et le lait ramenés et dans les placards, la farine allant avec. Sous sa garde, il est évident que personne ne se laissera affamer, surtout pas un Ezra dont elle devine des traits plus tirés que d’usuelle. Peut-être qu’il lui manquait simplement. “C’est quoi ton excuse pour ne pas me répondre ? Ton chat a mangé ton téléphone ?” Il n’a pas de chat et plus quinze ans depuis longtemps, il a bien passé l’âge de l’excuse de l’animal domestique qui dévore ses copies autour du théorème de Thalès. Les bras chargés d’ouvrir et fermer placards et frigos à la chaîne, elle a le regard qui suit le même trajet et c’est là la seule chose qui sauve Ezra d’un interrogatoire en bonne et due forme avec la lumière blanche braquée sur son visage qui l’est tout autant.

Le programme de la journée peut être adapté selon la réponse que le brun daignera lui donner mais Lily doute déjà qu’elle sera capable de changer ses idées. Pour le moment encore, pourtant, elle espère qu’il ne rendra pas les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà et qu’il répondra à ses questions, pourtant éminemment simples en apparence : qu’est ce qui ne va pas ?

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« Je viens quand même livrer des trucs, ça me donne le droit de rentrer ? » Comme s’il pouvait se permettre d’agir de la sorte, Ezra vint prendre une seconde pour se demander si la jeune femme était tout à fait sérieuse quant à sa remarque. Bien sur, elle ne faisait que renvoyer la balle à la phrase d’accueil qui lui avait servi, mais connaissant Lily un minimum parfaitement bien, il était étonné qu’elle se serve de cette approche là pour engager de son côté la discussion - alors qu’elle avait mille autres commentaires à faire et tout autant de façons de venir appuyer là où c’était bien plus délicat. Ils savaient l’être, l’un envers l’autre, délicat - mais ce n’était pas nécessairement pour ça qu’ils récupéraient la présence de l’autre à leurs côtés. « Tu piques. » Qu’elle vint finalement dire, après qu’il se soit légèrement décalé pour la laisser passer et qu’elle lui avait déposé un baiser sur la joue. « C’est pas parce que la barbe de trois jours ne te va pas que celle de trente t’ira mieux, tu sais. » Il la reconnaissait davantage ici, Lily. Dans sa façon de venir lui faire remarquer qu’elle avait vu, mais qu’elle ne s’épiloguait pas sur cette partie là pour le moment. Dans sa façon de venir prendre possession des lieux comme si elle se trouvait chez elle, naviguant mieux que lui-même parfois dans cet endroit devenu trop petit à ses yeux ces derniers temps - un piège qui se resserrait sur lui jour après jour. « Je parie que ça m’ira très bien. » La phrase colorée d’humour, dont les couleurs étaient fanées depuis longtemps. Il aurait gagné ce pari là, Ezra, dans une autre vie - celle où il en aurait joué d’avoir une barbe longue et où il sera venu en prendre soin pour donner tort à la McGrath. Dans une autre vie, il n’aurait même pas envisagé de la laisser dépasser les trois jours, comme elle le disait, parce-qu’il aurait voulu garder un visage un brin plus présentable. Tout semblait mieux se passer dans une autre vie; celle-ci avait finalement un goût amer en y repensant.

« C’est quoi ton excuse pour ne pas me répondre ? Ton chat a mangé ton téléphone ? » Elle avait rangé dans les placards adéquats ce qu’elle avait amené, et même mis au réfrigérateur ce qui ne supportait pas la chaleur. Elle faisait partie du décor et en même temps, elle cherchait à se faire remarquer. Elle ne lui avait pas demandé comment il allait de façon directe, mais la question qu’elle venait de formuler revenait au même. Alors, il leva les yeux au ciel, repartant d’où il venait - c’est-à-dire du canapé. Un bruit sourd se fit entendre lorsqu’il vint s’y échouer, sans cérémonie. « Une mygale géante est entrée par la fenêtre, j’ai pas voulu la contredire. Elle est partie avec, j’ai rien pu faire. » Il fallait croire qu’il possédait un meilleur sens de l’humour lorsque sa vie était risible plutôt que lorsque tout autour de lui semblait stable et appartenant à un environnement sain. « C’est pour ça que t’es venue ? Parce-que j’ai pas retourné un ou deux de tes appels ? » Lily aurait surement envie de lui en mettre une à l’entendre parler avec aussi peu d’entrain, à faire comme si tout autour de lui tournait rond et qu’il n’y avait pas mort d’homme - ce qu’il n’avait pas compris, ou plutôt ce qu’Ezra avait décidé d’ignorer, c’était que Lily l’avait pensé mort plus d’une fois à le voir ne pas donner de nouvelles. Finalement, soupirant, il vint attraper du bout des doigts son téléphone portable qui trainait sur le bord de la table de salon, venant appuyer sur rappeler alors que le nom de Lily apparaissait plus d’une fois sur son écran. L’instant d’après, le téléphone de la brune sonnait et Ezra tournait son visage dans sa direction, un sourire tout autant fier que forcé, en rien enjoué. « C’est toi qui répond pas, là. » En revanche, c’était lui qui jouait à l’imbécile. C’était puéril et inutile, mais il s’enfonçait quand même dans ce comportement. D’ordinaire, il se serait aperçu que la visite de Lily n’était que bienveillance, et il l’aurait remercié plus d’une fois d’être passée par son appartement. Il n’était pas dans un de ces moments là.

« Je parie que ça m’ira très bien. » - “Je parie que non.” Il utilise l’humour mais elle ne souhaite pas le conforter dans ce chemin là. Pas sur ce sujet, en tout cas, et tout va bien plus loin qu’une simple histoire de barbe de trois ou trente jours: il doit se reprendre en main, peu importe ce qu’il se passe. Il l’a toujours fait, il a toujours été fort et peu importe ce qui le met à terre aujourd’hui, cela n’a rien d’irrémédiable. Plus important encore, elle ne pourrait pas supporter qu’il soit au plus mal alors qu’elle pense apercevoir la lumière au bout du tunnel de son propre côté. En attendant d’obtenir de véritables réponses à ses questions, Lily agit comme si elle était chez elle (ce fût presque le cas pendant un temps) et range la nourriture achetée spécialement pour le Beauregard. Si elle a pris soin de ne pas lui prendre des légumes qu’il n’aime pas, elle a pris plus grand soin encore de ne pas ramener une infinité de snacks dans la liste plus longue encore de ceux qu’il aime. Il a besoin de bonne nourriture pour se remettre en forme, elle le savait bien avant de voir son visage pâle et négligé.

Les ressorts malmenés du canapé lui indiquent qu’Ezra vient de s’échouer dedans et elle serait prête à parier qu’un trou est en train de se creuser à la place de ses fesses et qu’il a encore reposé ses pieds sur la table. Il a toujours les mêmes habitudes, surtout quand les choses commencent à mal se passer. « Une mygale géante est entrée par la fenêtre, j’ai pas voulu la contredire. Elle est partie avec, j’ai rien pu faire. » Loin de lui, elle lève les yeux au ciel, très peu admirative de son imagination digne de celle d’un enfant. Il pourrait devenir écrivain, sans doute, s’il n’était pas autant occupé à se trouver des mauvaises situations dans lesquelles se fourrer au quotidien. Sans un mot, elle compose donc de nouveau le numéro de téléphone du Beauregard, ce qui va bien plus vite que de retrouver son nom dans son répertoire. Depuis le temps, il va de soi qu’elle le connaît par cœur et c’était toujours utile lorsqu’elle l’appelait au beau milieu de la nuit. Le numéro ne demandant plus qu’à ce qu’on l’appelle, Lily revient près de lui dans le salon et se repose contre la porte. Son expression est celle d’une mère, à la fois empathique et ô combien sévère. « C’est pour ça que t’es venue ? Parce-que j’ai pas retourné un ou deux de tes appels ? » - “Treize.” Ce sont treize appels qu’il a manqué, éparpillés sur des plages horaires différentes et des jours qui le sont tout autant. Si elle connaît ses horaires de travail, elle lui accorde le droit à l’erreur et à une vie privée (les deux vont de pair avec lui, sans doute) et ainsi à rater un appel, voire peut-être deux. Treize, certainement pas, comme le prouve le ton accusateur qu’elle emploie à son égard. Treize appels manqués ce sont presque autant de raisons pour elle de s’inquiéter pour le stupide Beauregard qui, justement, ne s’inquiète jamais de rien.

Comme pour marquer un peu plus encore les pensées de la McGrath, le voilà qui daigne enfin sortir son téléphone et même rappeler la jeune femme dont le sac se met à vibrer. « C’est toi qui répond pas, là. » Il est trop heureux pour que ce soit réel. Enfin si, il pourrait être aussi heureux si Noah était là et qu’il pouvait profiter de quelques jours avec lui et, ô miracle, il en profiterait même pour répondre au téléphone lorsqu’on le solliciterait sur ce dernier. Aujourd’hui il n’y a ni Noah, ni appel retourné, ni aucune raison d’être aussi heureux. Il ment, donc, et elle aime de moins en moins ça. Ce n’est pas le mensonge à son égard qui la dérange le plus, mais bien le fait qu’il soit à nouveau dans une situation délicate et ne juge pas nécessaire d’au moins lui en parler, ou la laisser voir qu’il ne va pas aussi bien qu’il le prétend. Ce n’est pas parce qu’elle est devenue une McGrath qu’elle n’est plus la Lily qu’il a toujours connu. Ses pas l’amènent lentement jusqu’à son téléphone auquel elle répond comme si Ezra n’était pas face à elle. C’est bien sûr lui qu’elle a ancré ses yeux et qu’elle reporte son visage qu’elle essaye autant que possible de garder neutre. “Salut Ezra, est ce que tu pourrais dire au gars qui squatte ton canapé de me rendre l’homme que je connais? Il ment toujours aussi mal.” Envers elle, en tout cas, il n’a jamais été très bon à ce jeu. Lily n’a jamais qualifié cela comme un défaut.

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« Treize. » - « Oui, oui, c’est du pareil au même. » Depuis quand ils s’arrêtaient à un simple chiffre, entre eux ? Depuis quand ils en étaient arrivés à se poser ce type de question, à venir apporter la moindre importance pour des détails qui n’en valaient pas la peine ? L’attitude de Lily exasperait Ezra, et le pire dans tout ça c’était qu’il ne s’en cachait même pas. Il était insolant, et il mériterait qu’elle vienne lui en mettre une pour replacer ses idées dans les bonnes cases. Car, ce qu’il décidait de ne pas mettre en lumière, c’était que dans leur relation toutes ces petites choses avait toujours compté - et en l’occurence, ce n’était pas tant le nombre d’appels qui comptait mais bien le fait qu’Ezra ne daigne retourner aucun d’eux alors qu’il s’agissait de Lily.

Alors, parce-qu’il ne comptait pas rester là à se laisser mener par le bout du nez par une Lily exaspérante - venant juste montrer qu’elle tenait à lui et qu’elle s’inquiétait, en réalité -, il vint oser prendre son téléphone portable pour rappeler la jeune femme qui se trouvait à quelques mètres de lui. Ca aurait été une bonne blague, pour une autre jour où il aurait fallu annoncer une bonne nouvelle. Ca aurait été d’humour agréable, pour un instant où le sourire qu’il portait sur ses lèvres était réel. Ca aurait été bienvenu, pour tout autre jour qu’aujourd’hui et il aurait pu le comprendre dès la première seconde où la jeune femme vint reporter son regard sur lui, jouant tout de même le jeu, venant décrocher son téléphone. « Salut Ezra, est ce que tu pourrais dire au gars qui squatte ton canapé de me rendre l’homme que je connais? Il ment toujours aussi mal. Elle avait à peine terminé sa phrase qu’il vint lever les yeux au ciel, rendant évident qu’il n’aimait pas spécialement se faire prendre à son propre jeu. Il l’avait cherché, pourtant. Et il savait parfaitement bien que la jeune femme savait aussi bien que lui jouer dans ces situations là. « Il me dit de te dire que si c’est pour l’emmerder comme ça, c’était pas la peine de passer. » Il était dur, bien trop dur. Et pourtant, il ne se voyait pas répondre autre chose que les mots qui venaient de s’échapper d’entre ses lèvres; parce-que son coeur était quelque peu en berne ces derniers temps et qu’il ne savait gérer les émotions qui s’en venaient de paire avec cette attitude, parce-qu’il préférait prendre l’attention des autres sur la défensive et ne pas avoir à les confronter, venant les repousser aussi loin que possible, permettant ainsi de repousser par la même occasion ses émotions à un autre moment. Loin des yeux, loin du cœur, il était facile de mettre ça en place lorsque les gens ne venaient pas mettre leur nez dans des affaires qui ne les concernaient pas.

Il avait simplement oublié qu’avec Lily, cette règle ne s’appliquait pas. Raccrochant son téléphone, il vint se permettre un énième soupire. « Vraiment, t’avais pas besoin de passer. » Plutôt qu’un merci d’être passée dire bonjour et de t’inquiéter pour moi. « Tu te fais du soucis pour rien. » Plutôt qu’un tu sais toujours lire entre les lignes, même après tout ce temps passé. Repousser plutôt qu’accepter, parce-qu’il était plus simple de faire cavalier seul lorsqu’il avait la possibilité. Même s’il savait parfaitement que cela ne fonctionnait en rien, et qu’il aurait toujours besoin de l’aide d’autrui pour se sortir des impasses qui venaient semer son chemin d’embuches. « Je te ferai signe le jour où vous aurez besoin d’intervenir, ton inquiétude et toi. Aujourd’hui, c’était pas le cas. » Plutôt que j’ose pas admettre que j’ai besoin de quelqu’un. Tout, dans le choix de ses paroles et dans l’attitude qu’il venait y accorder de paire, montrer que ses paroles étaient à prendre à sens contraire pour y déceler la vérité qu’il ne daignait pas regarder en face.

« Oui, oui, c’est du pareil au même. » Depuis quand, Ezra? Elle sait qu’elle ne se fait pas d’idées pour eux et le lien qui les unit, pas comme elle a longtemps pu s’en faire à propos d’Alfie (comme elle continue toujours encore aujourd’hui, d’ailleurs). Ils ont vécu bien trop d’épreuves ensemble, le pire comme le meilleur, pour désormais se contenter d’une réponse aussi vague de sa part ainsi qu’une nonchalance qu’il ne prend même pas la peine de cacher. Lily n’est pas déçue, elle s’apprête encore moins à abandonner. Oh non, bien au contraire. Au fond de son cœur naît et grandit plutôt une inquiétude au sujet d’un Ezra qu’elle n’a que peu eu à côtoyer avec cette attitude. Et cela n’a jamais été synonyme de quoi que ce soit de bon, bien au contraire. Il a à peine la force de faire les blagues qui le caractérisent pourtant, signe ultime qu’elle ne risque pas de partir de son appartement de sitôt, au plus grand désespoir du Beauregard. Il va plus mal que ce qu’elle avait pu imaginer, voilà ce qu’il en est. Elle en a d’autant plus la confirmation lorsqu’il marque son mécontentement durant leur nouveau jeu puéril d’appel téléphone en face à face. Le père de Lily aurait dit qu’ils perdent le sens des véritables choses de la vie - tout comme il aurait ajouté qu’Ezra a raté sa vie en étant un mécanicien de pacotille, alors passons. « Il me dit de te dire que si c’est pour l’emmerder comme ça, c’était pas la peine de passer. » La brune ravale ses remarques et cache non sans mal son regard ému de la situation qu’elle ne semble pouvoir qu’observer sans avoir aucun impact dessus. Faire figure de statue de cire n’a jamais fait partie de ses habitudes et cela ne risque pas de changer, surtout s’il en retourne du bien être de son si cher et si stupide Ezra.

Dans un souffle exaspéré qu’elle cache à peine, la jeune femme raccroche le téléphone. « Vraiment, t’avais pas besoin de passer. » Peu importe ce qu’il peut bien lui dire, elle continuera de débouler chez lui à la moindre mauvaise impression ou doute. Il compte trop pour qu’elle ne le laisse aller mal et se reprendre en main seul. Aussi égoïste son élan puisse-t-il être, Lily juge qu’il ne peut pas aller mal sans qu’elle se donne corps et âme pour inverser la tendance. « Tu te fais du soucis pour rien. » Et toi, tu crois encore aux miracles si tu penses pouvoir te débarrasser de moi. Lily campe sur ses positions et, pire encore, elle entame quelques pas pour se frayer une place jusqu’à ses côtés sur le canapé. Si elle est certaine d’avoir entendu des chips craquer sous elle, la jeune femme préfère éluder le sujet pour le moment. Ses jambes se replient sous ses cuisses alors qu’elle octroie à Ezra quelques minutes de répit en se tenant de l’autre côté de son canapé. Étouffante mais avec des limites tout de même, vous voyez.

« Je te ferai signe le jour où vous aurez besoin d’intervenir, ton inquiétude et toi. Aujourd’hui, c’était pas le cas. » - “Tu serais parti si ça avait été moi à ta place? Dans cet état?” Ne sachant par où commencer, Lily tente une approche par les sentiments pour tenter de le faire revenir à la raison. Elle connaît déjà la réponse à sa question. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’Ezra s’en rende compte à son tour et qu’il accepte le fait qu’elle soit encore et toujours incapable de le voir dépérir sous ses yeux. C’est un cercle vicieux dans lequel elle ne souhaite pas être entraînée à nouveau. “C’est à cause de ce qu’on a fait?” Il ne lui donnera pas les réponses aussi facilement qu’elle le voudrait, elle en est donc réduite à devoir trier elle-même le vrai du faux pour se faire un avis objectif (tout sauf objectif) sur la situation. La première idée qui lui vient les fait remonter quelques mois plus tôt, lors de cette nuit partagée ensemble et donc ils payent les conséquences encore aujourd’hui. Les siennes sont peut-être plus salées qu’elle le pensait? “J’ai pas envie de te tirer les verres du nez, Ez. Tu sais que tu peux tout me dire.” Alors elle repose sa tête sur ses genoux remontés sur elle, abandonnant son image de femme parfaite pour redevenir la Lily qui chérit son ami plus que bien des choses en ce monde.

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« Tu serais parti si ça avait été moi à ta place? Dans cet état? » La jeune femme était passée, presque aussi discrète qu’une petite souris, de la cuisine au salon afin de venir se rapprocher d’Ezra. Elle se tenait désormais à quelques mètres de lui, à l’autre bout du canapé, comme si le moindre contact entre les deux jeunes gens pouvait s’avérer fatal. Il ne comprenait pas tout ça, bien sur, Ezra - si ça avait été le cas, on aurait pu entendre son coeur se fendre à l’idée que Lily puisse se méfier à ce point là de lui. Ce ne fut cependant pas l’attitude de la McGrath qui vint attirer son attention, mais bien ses paroles. Il ne comprenait pas complètement à quoi elle faisait référence; de quel état venait-elle donc parler ? Certes, il n’était pas au mieux de sa forme ces derniers temps le Beauregard, mais ce n’était pas quelque-chose de catastrophique. Il avait omis de répondre et retourner quelques appels, il n’y avait pas de quoi en faire tout en plat - et pourtant, c’était ce qu’engageait Lily comme attitude. Il vint froncer les sourcils. Nier était plus simple que d’affronter l’idée même d’être confronté à la réalité. « Tu m’aurais pas laissé entrer dans ton appartement si t’étais en sous-vêtements. » Il répondait faux, il répondait à côté, et il le faisait exprès; toujours cet air à moitié amusé et totalement arrogant accroché quelque-part à son regard. Ceci étant dit, sa réponse n’était pas fausse non plus. Si Lily s’était retrouvée dans une situation similaire à celle qu’il était en train  de traverser, elle en lui aurait jamais ouvert la porte apprêté de la sorte. Ezra aurait sûrement eu besoin de venir forcer l’entrée pour pouvoir constater les dégâts par lui-même.

« C’est à cause de ce qu’on a fait? » A force de venir faire des touché, elle finirait forcément par mettre le doigt sur les choses qui dérangent, sur les choses qui font mal. Ce n’était pas une bonne réponse permettant de faire un coulé, mais elle réchauffait à aborder un tel sujet. En entendant les mots prononcés par la jeune femme, cette fois ci, Ezra vint détourner son regard. Lui qui avait paru si solide face à la situation lors de leur dernière discussion, dans ce même appartement, se défilait totalement aujourd’hui. Pas qu’il était venu la première fois jouer un quelconque rôle, juste que la vie avait en permanence une drôle de façon de venir vous rappeler l’endroit où vous vous trouvez; en l’occurence, pour Ezra, bien loin de tout ce qu’il aurait imaginé. « J’ai pas envie de te tirer les verres du nez, Ez. Tu sais que tu peux tout me dire. » - « Alors tente pas de le faire, s’il te plait. » Ses mots étaient quelque peu rude, mais principalement peu assurés. Sa voix était de nouveau rauque, et son regard ne pouvait être plus fuyant qu’il ne l’était présentement. En venant lui dire qu’elle ne désirait pas lui tirer les vers du nez, c’était exactement ce qu’elle faisait. Et il en voulait pas, Ezra, avoir à parler de façon générale, qu’importe qui se trouvait en guise d’interlocuteur en face de lui. Car agir de la sorte serait avouer à haute voix que quelque-chose le perturbait, ne tournait pas rond, et il avait ça en horreur. Il ne faisait jamais partie de ces personnes qui avaient besoin de parler des choses qui ne tournaient pas rond. Il préférait les ignorer et attendre qu’elles partent - cette technique n’avait, selon l’histoire, jamais porté ses fruits.

« Y’a rien à dire. Si j’ai pas retourné tes appels, c’est peut-être parce-que justement je veux pas parler. » Ils avançaient, sans même que le Beauregard ne s’en rende sciemment compte. Il venait d’avouer à haute voix qu’il avait intentionnellement oublié de retourner les appels de la jeune femme, là où il aurait juré avoir soit-disant oublié l’instant d’avant. Elle ne voulait pas lui tirer les vers du nez mais elle était douée pour réussir à ouvrir l’huitre scellée qu’il était, Lily. « Parce-que c’est pas à cause de ce qu’on a fait, donc ça te regarde pas. » Ça la regardait toujours, en réalité. Ce n’était pas à cause de ce qu’ils avaient fait mais ça y contribuait trop largement pour ne pas qu’elle soit de nouveau impliquée dans la vie du Beauregard. Il ne viendrait cependant pas en cet instant l’avouer à haute voix, préférant simplement tourner son regard plein de désespoir vers Lily. Les gestes valaient mille mots, par moments; peut-être qu’adopter cet adage en cet instant n’était pas une si mauvaise idée. Il ne saurait mettre des mot sur les maux, car ces derniers lui semblaient encore bien trop flous pour être nommés. En revanche, son regard n’avait jamais menti - il ne savait pas mentir -,  et en dirait bien trop long sur l’état instable dans lequel il se trouvait ces dernières semaines. Comment était-il passé de l'homme le plus heureux d’Australie, à qui la vie semblait enfin sourire, pour qui tous les éléments rentraient dans l’ordre, à celui qui était mis de côté et oublié, à celui qui ne savait où mettre le prochain pied sans empiéter sur des plates bandes qui n’étaient pas les siennes et qu’il désirait pourtant voir lui appartenir ?

Ezra a ce don particulier qui se résume à pouvoir gagner un point et en perdre dix autres avec une seule réplique. Il en donne à nouveau un exemple à Lily, quand bien même elle aurait pu jurer pouvoir s’en passer sans aucun mal.  « Tu m’aurais pas laissé entrer dans ton appartement si t’étais en sous-vêtements. » S’il démontre une fois de plus parfaitement la connaître, il lui fait aussi lever les yeux au ciel en faisant du Ezra tout craché. Il n’y a que peu de personnes à qui elle pourrait en vouloir de ne pas raconter la vérité, uniquement la vérité et toute la vérité et malheureusement pour lui, il en fait partie. La jeune femme arbore un visage immuable et sans aucune émotion, si ce n’est sans doute le soucis qu’il pourrait lire au creux de ses iris clairs. “Mais tu serais rentré quand même.” Il aurait lancé une blague stipulant plus ou moins ‘ça vaaa je t’ai déjà vue avec encore moins d’habits’ tout en promettant de fermer les yeux, sûrement sans réellement le faire. Il aurait récolté une gifle ou un regard noir, au choix, et elle ne lui en aurait pas tenu rigueur. La scène est facile à imaginer parce qu’elle n’a aucun mal à prévoir ses réactions en toutes circonstances, ce qui rend l’instant présent encore plus difficile à accepter pour une Lily qui n’arrive pas à emboîter toutes les pièces du puzzle aux bons emplacements. Tu serais rentré quand même, tout comme elle le fait aujourd’hui et insiste dorénavant pour obtenir quelques réponses au moins.

A défaut qu’on lui donne des réponses, la jeune femme essaye de s’en inviter et créer, se détestant par la même occasion car elle remue des souvenirs teintés d’amertume. La première chose qui lui vient à l’esprit est bien sûr cette nuit passée ensemble quelques mois plus tôt, laquelle a eu des conséquences en chaîne qu’ils auraient été incapables d’anticiper. Même Lily qui se vante de toujours tout prévoir; elle n’a rien vu venir. « Alors tente pas de le faire, s’il te plait. » Sa mâchoire se serre à cause de la tristesse seulement. Cette nuit a brisé quelque chose entre lui et Matt, entre elle et Matt. Entre elle et Ezra, aussi. Elle ne s’en était pas rendue compte jusqu’à présent mais ne voit plus que cette raison-ci pour qu’il refuse avec autant d’ardeur de se confier à elle malgré tout ce qu’ils ont déjà traversé ensemble. Lily n’insiste donc pas mais est pourtant loin d’abandonner, cherchant déjà une manière plus délicate de le lester du poids qui semble peser sur son cœur. “D’accord.” Elle rétro-pédale, lui cède du terrain, souffle doucement. Sa tête se repose contre le dossier du canapé mais ses yeux refusent toujours de lâcher les siens. Ce n’est pas parce qu’elle arrête de poser des questions qu’elle l’abandonne pour autant, bien loin de là. Abandonner Ezra, quelle idée. « Y’a rien à dire. Si j’ai pas retourné tes appels, c’est peut-être parce-que justement je veux pas parler. » D’accord. D’accord. Tout sauf d’accord. Elle aurait accepté de ne pas le forcer à parler si jamais elle avait eu l’assurance qu’il allait de mieux en mieux et qu’elle ne l’aiderait pas. Force est de constater qu’en cet instant, ce n’est absolument pas le cas. Peu importe les maux qu’il anime, elle sait (espère) qu’elle peut y changer quelque chose et l’aider. Peu importe ce dont il en retourne, elle se battra avec lui, comme elle l’a toujours fait au fil des années partagées. « Parce-que c’est pas à cause de ce qu’on a fait, donc ça te regarde pas. » En temps normal, elle n’aurait pas réagi. Face à Ezra, elle ne tente pas de cacher sa réaction première, laquelle consiste en une incompréhension grandissante et une part d’elle qui se brise doucement. Bien sûr que ça la regarde. Ce n’est pas qu’elle est curieuse et qu’elle veut tout savoir sur tout, loin de là. Il s’agit de lui, et là est tout le cœur du problème. C’est d’Ezra dont il s’agit et puisque tel est le cas, bien sûr que ça la regarde. Elle a tout partagé avec lui aussi et elle continuera à le faire, Lily ne s’imagine pas lui retourner de tels mots un jour.

Elle gomme la distance entre eux, se fraie une place contre son torse alors qu’elle replace le bras du Beauregard par dessus elle, jouant désormais de ses doigts entre les siens. “Tu pues, Ez.” Ce n’est pas pour autant qu’elle bouge, ce n’est pas pour autant qu’elle fait quoique ce soit. Ses mots sont lancés comme si de rien n’était, une phrase parmi beaucoup. S’il ne veut pas parler de ce qui ne va pas alors elle ne le forcera pas, mais il vient de gagner un boulet à sa cheville pour les heures à venir. “Si tu vas prendre une douche et que je prépare à manger ça te semble être un plan acceptable?” Une pause, une simple pause et ensuite elle recommencera à faire au mieux pour lui, avec cette même insistance qu’il déteste parfois. Il n’aura peut-être toujours rien dit lorsqu’elle repartira mais elle aura au moins l’assurance qu’il ait mangé et fait quelque chose de sa journée, même minime. “Dans deux minutes, juste.” Elle voudrait profiter de ce temps de pause entre les deux vagues du tsunami, rien de plus. Il en a sûrement besoin tout autant qu’elle.

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« Mais tu serais rentré quand même. » Bien sur qu’il serait quand même rentré, bien sur qu’il ne serait jamais resté sur le pas de la porte de l’appartement de la jeune femme. S’il était venu à apprendre qu’elle était mal, il aurait tout fait en son pouvoir pour pouvoir venir la réconforter, même si sa seule présence était tolérée. Il serait rentré, et il n’aurait pris pour comptant ce qu’elle aurait eu à lui dire pour sa défense. Sauf que pour comprendre qu’ils se trouvaient tous les deux à la même place si l’autre avait eu un comportement similaire, il fallait admettre que le premier n’allait pas bien. Et pour Ezra, ce n’était pas grave, cela n’était qu’un petit coup de blues de passage et il n’y avait pas de quoi en faire tout un fromage - et donc, par conséquent, Lily n’avait pas à s’inquiéter de la sorte. Sauf qu’elle savait voir autrement, la McGrath, et surtout elle savait voir au delà de l’attitude qu’il tentait d’endosser. Il pouvait peut-être en tromper d’autres, mais pas elle. Il n’avait jamais su - et n’avait jamais eu besoin surtout. « D’accord. » Qu’elle se contenta de venir lui répondre, lorsqu’il essayait de lui expliquer qu’elle voyait faux. Elle voyait tout sauf faux, et elle ne méritait pas qu’il la rejette de la sorte - mais c’était là le meilleur mécanisme de défense qu’Ezra possédait, et ce depuis qu’il était petit; les mauvaises habitudes avaient la vie rude. Si ses mots n’étaient qu’illusion, le regard qu’il en vint finalement à relever en direction de la jeune femme était on ne pouvait plus vrai, en revanche. Il ne saurait lui mentir réellement, quelque-chose serait toujours là pour venir le trahir; il y avait là de fortes chances pour qu’elle n’en ait aucunement besoin, de ce regard, pour venir confirmer les doutes qui animaient la jeune femme mais ce fut la seule brèche qu’il laissa s’entrapercevoir - qu’il pensait naïvement.

Un instant passa, suivi d’un second où le silence était tout sauf mal venu. Il faisait presque du bien, au moins ce fut un moment où Ezra n’eut ni à s’excuser, ni à se justifier. Finalement, Lily vint se rapprocher de lui - là où elle avait mis un point d’honneur à maintenir une distance presque dite de sécurité entre elle et lui -, se glissant doucement contre lui, sous son bras. Ce serait mentir que de dire que le soupire qui vint s’échapper d’entre les lèvres d’Ezra n’était pas de soulagement. Il y avait toujours quelque-chose de rassurant, d’apaisant, à sentir la chaleur du corps de Lily contre le sien. Le temps avait beau passer, il y avait des choses qui ne sauraient changer. [colot=palevioletred]« Tu pues, Ez. »[/color] Elle ne pouvait le voir depuis l’endroit où elle se tenait, mais un semblant de petit sourire vint soulever le coin de la bouche du Beauregard pendant une fraction de seconde. « Si tu vas prendre une douche et que je prépare à manger ça te semble être un plan acceptable? » S’il avait encore eu la force, il aurait levé les yeux au ciel. Dans n’importe quelle situation, il fallait forcément qu’elle fasse en sorte de le réparer. S’en était plus fort qu’elle, Ezra le savait à l’avoir observé pendant des années. « Dans deux minutes, juste. » Aucun mot ne fut ajouté à cette conversation. Là n’était qu’une nouvelle démonstration que les gestes valaient plus que la parole, lorsque l’étreinte du Beauregard vint se faire un peu plus insistante autour de la jeune femme, lorsqu’il vint finalement reposer sa joue contre le dessus de son crâne, lorsqu’il laissa tomber une barrière de protection - elles étaient de toutes façons inefficaces contre Lily.

Une bonne odeur d’un plat maison se répandait dans tout l’appartement lorsqu’Ezra daigna enfin sortir de la salle de bain - il s’était finalement laissé prendre au jeu de la douche et était resté sous le jet chaud pendant presqu’une demi-heure. Pendant ce temps, Lily avait tenu son côté du pari en se mettant aux fourneaux. Une fois de plus, il y avait quelque-chose de rassurant à se trouver dans ce type de situation; généralement qui plus était, rien de grave ne pouvait les atteindre lorsqu’ils se trouvaient tous les deux - à une exception près. « Qu’est-ce qu’il y a au menu ? » Sa voix avait repris un timbre plus doux, plus Ezra. Elle était loin d’être chantante et amusée comme elle savait l’être la plupart du temps, mais au moins elle n’accusait plus Lily de se trouvait là elle n’aurait pas dû être à tout bout de champ. Lily était parfaitement à sa place à ses côtés, et s’il n’aimait pas les raisons du pourquoi de cette mise en scène, les niant toujours autant d’un seul bloc, au moins il la laissait agir - et ce n’était pas rien; beaucoup d’autres auraient déjà vu l’autre côté de la porte d’entrée à la place de la jeune femme. Ouvrant finalement la porte du réfrigérateur, le jeune homme vint sortir deux bières et une fois décapsulées, vint en tendre une à la jeune femme, la posant à ses côtés sur le comptoir de la cuisine. Dans un autre monde, il lui aurait en même temps avancé des excuses pour son comportement enfantin, pour les mots qu’il avait choisi et l’intonation avec laquelle ils auraient été prononcés. Dans un autre monde, il aurait été reconnaissant de sa présence chez lui alors que sa tête semblait ne vouloir voir que de la grisaille et de la pluie, et l’aurait remercié de s’inquiéter de la sorte. Dans un autre monde - dans ce monde où il se rendait compte qu’il n’était pas au meilleur de sa forme et qu’un petit coup de pouce de temps à autres n’était pas une preuve de faiblesse mais bien une preuve de force.

Lovée contre Ezra, la jeune femme a perdu le compte des minutes écoulées. Ils ne se sont pas retrouvés depuis bien trop longtemps et une partie d’elle craint que ce soit la cause du mal être si profond du Beauregard. Si elle l’avait vu plus souvent alors nul doute qu’elle aurait vu ce dernier s’imiscer en lui, assez pour justement le repousser une fois de plus. Si elle l’avait vu plus souvent, il n’irait pas aussi mal en cet instant, c’est ce qu’il faut en retenir. Elle panse les plaies comme elle le peut, à hauteur de la présence qu’il tolère ou non à ses côtés. Les questions ont fait place à des gestes, son index dessinant des lignes invisibles contre sa peau, sans but aucun.

Dans la cuisine, elle retrouve ses marques en même temps que ses esprits, pestant un peu plus à chaque nouvelle ouverture de tiroir lorsqu’elle se fait une idée plus précise du régime alimentaire du brun. Il aurait bien besoin de quelqu’un pour le rappeler à l’autre et ce quelqu’un ne peut être elle, pas pour chaque jour qui passe. Tout ça pour dire qu’elle aimerait qu’il trouve quelqu’un, lui aussi. Qu’il soit heureux, lui aussi. « Qu’est-ce qu’il y a au menu ? » Elle n’a pas entendu le jet d’eau qui s’arrête, elle a encore moins entendu ses pas derrière elle. Ce n’est pas faute de connaître leur cadence, pourtant. Ezra fait partie du paysage au point où tous ses sens ne jugent pas nécessaire de l’alerter de sa venue. Dix ans plus tôt, il lui posait déjà la même question. Et si à cette époque il aurait sans doute agrémenté ces paroles d’une baiser contre sa nuque (suivi d’un rot, ne le pensez pas aussi romantique), la seule chose qu’elle retrouve aujourd’hui est sa voix qui peine à être totalement heureuse. Il fait des efforts et jamais elle ne pourrait le lui reprocher, surtout pas alors qu’il est plutôt doué. Elle n’a pas réussi un miracle comme elle l’espérait, mais il a au moins l’air d’aller mieux. En tout cas, elle a la prétention de croire que sa présence aura réussi à améliorer les choses pour lui et à lui faire oublier ses démons pour un temps, peu importe le nom qu’ils portent. “Des légumes. Et commence pas à bouder, je sais que tu aimes ceux-là.” Si Lily le traite éternellement comme un adolescent, il saura toujours lire entre les lignes et comprendre que c’est sa façon à elle de tenter d’améliorer les choses pour qu’ils s’en fassent moins. Elle se permet même d’abandonner la surveillance de son plat pour se retourner vers lui, esquissant un sourire, ravie de le voir physiquement dans un meilleur état.

Ses bras se croisent, son dos se repose contre le plan de travail. Elle s’est promis de ne plus chercher à obtenir de réponses s’il le juge aussi peu utile, alors elle ne le fait donc pas. Lily ne compte pas revenir au sujet initial de leur conversation et la raison de sa présence chez lui. Sans le savoir, il force pourtant la conversation à dériver vers un second sujet qu’elle juge d’une haute importance; mais jamais autant que le bien-être du Beauregard. Son sourire se teinte d’une couleur peu ordinaire lorsqu’il sort deux bières du frigo et si elle espère encore qu’il veuille les boire toutes les deux, elle grimace lorsqu’il lui en tend une. Promis, elle n’aurait rien dit sur sa consommation (excessive) pour une fois. A son tour au pied du mur, elle s’éclaircit la gorge sans pour autant faire durer le suspens et le laisser aller à mille pensées erronées. “Je te la laisse.” Elle aurait préféré lui annoncer les choses d’une autre façon. Il est si important qu’elle n’aurait jamais voulu attendre le premier trimestre pour lui en parler; et il est si important qu’elle aurait aimé ne jamais pouvoir le laisser avec le moindre indice de dépit. Ce n’est certainement pas par dépit qu’elle lui confie ses plus chers secrets. “Je suis enceinte.” Son sourire est plus tendre maintenant qu’elle cherche à trouver ses yeux, espérant y trouver de la joie ou un quelconque synonyme. “C’est pour ça que j’avais tenu à t’appeler, la première fois.” Vouloir entendre le son de sa voix au lieu de sms n’a rien d’étonnant mais cette fois plus que toutes les autres, c’était important pour elle. Les paroles de Lily ne sont pas teintées de reproche pour autant, ce n’est qu’une simple information de plus qu’elle jugeait importante pour la porter à sa connaissance. “Je voulais te le dire, à toi et à mon frère. Mais pour le reste, on attend encore un peu.” Matt, Ezra, Joseph. La sainte trinité des hommes de sa vie, ceux qui lui font perdre la tête, à eux trois presque autant qu’Alfie (l’inclassable) à lui tout seul.

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« Je te la laisse. » Il était déjà assis sur l’un des tabouret de cuisine lorsqu’elle vint lui dire ces mots - qui vinrent faire un brin froncer les sourcils du blond. Se disait-elle qu’il voudrait boire pour deux, ce soir ? Il ne dirait pas non, s’il n’y avait que ça pour lui faire plaisir, mais il ne désirait honnêtement pas spécialement boire plus que de raison et aurait préféré partager une bière avec elle plutôt que d’en boire deux seul. « Depuis quand tu refuses une bière toi ? » Le ton n’était en rien méchant mais la sincérité transparaissait dans ce dernier. Jamais, ô grand jamais, Ezra n’avait vu Lily refuser une bière offerte - que ce soit par lui ou quiconque d’autre. Elle était même plutôt du genre à venir remercier avec un grand sourire, même si elle n’en voulait pas, pour la garder à la main tout le reste de la soirée. Il ne se rappelait pas d’une seule fois où elle était venue décliner une telle offre. Il ne voyait d’ailleurs aucune excuse pour ne pas boire celle offerte aujourd’hui - à moins que, oh no -

« Je suis enceinte. » Ca l’avait rattrapé de plein fouet à peine avait-il commencé à chercher des raisons valables pour que Lily décline une bière, mais cela l’avait rattrapé un brin trop tard puisqu’elle avait eu le temps de confirmer la bride de doute qui commençait à pointer le bout de son nez dans son esprit. « C’est pour ça que j’avais tenu à t’appeler, la première fois. » Et c’était sûrement pour la même raison qu’elle s’était faite insistante, afin de pouvoir lui annoncer la nouvelle. Il savait que c’en était une bonne, Ezra, il n’avait aucun doute là-dessus. Il ne connaissait personne dans ce monde plus à même de fonder une famille que la jeune femme - elle serait une mère parfaite, il n’avait aucun doute sur ce point. Il ne savait pas s’il pouvait en dire autant de Matt dans le rôle de père, mais là était des suppositions fondées sur aucune base solide et seulement axée sur l’habilité d’Ezra à venir taquiner, de façon plus ou moins développée, Matt dès qu’une occasion se présentait. « Je voulais te le dire, à toi et à mon frère. Mais pour le reste, on attend encore un peu. » Le regard d’Ezra vint se relever un instant, pour supporter celui de la jeune femme. Elle tenait à lui dire et il savait qu’en temps normal, il aurait plus qu’apprécier faire partie de ces personnes privilégiées à connaître un tel secret - car ce serait un secret tant que le reste du monde entier n’était pas au courant. Il savait également, au fond de lui, que cela marquait une fois de plus l’importance de sa place au sein de la vie de la jeune femme et pourtant, il n’arrivait à se réjouir comme il aurait dû. S’il n’avait pas été dans cette espèce de léthargie depuis plusieurs jours - lire ici semaines réellement -, il serait déjà debout à venir prendre Lily dans ses bras pour la féliciter. Alors effectivement, peut-être que quelque-chose était cassé chez lui comme la McGrath le suggérait depuis qu’elle était arrivée chez Ezra - mais il n’avait aucune envie de se pencher sur la question. A la place il vint étirer ses lèvres en un petit sourire, mince mais sincère, avant de reprendre la parole. « Il est de Matt au moins ? » C’était idiot, mais la blague était toujours l’option la plus facile dans n’importe quelle situation. Il ne posait pas la question pour savoir si elle avait un doute quant à qui pourrait être le père réel du petit bout grandissant en elle, mais juste pour l’embêter. Les calculs étaient bons, et il ne merdait plus de la même façon qu’il le faisait lorsqu’il était plus jeune; les doutes ne le concernaient en aucun moment, tout était juste plus simple avec une blague lorsque la situation vous rendait inconfortable.

Et alors, enfin, après plus d’une minute de silence et tout autant d’indices qui laissaient supposer qu’il n’était que l’ombre de lui-même, Ezra vint se lever pour annihiler la distance entre la brune et lui. « Félicitations, je suppose ? » Qu’il vint glisser d’une douce voix, alors qu’il déposait un baiser délicatement sur la joue de la jeune femme. Il supposait que cela était une bonne nouvelle, à la façon dont elle venait de lui annoncer. Elle aurait choisi un autre ton et une autre tournure si cela n’avait pas été une bonne nouvelle - mais une fois de plus, il ne voyait pas la vie autrement que par Lily ayant un bambin dans chaque bras avant que les rides ne viennent de trop s’incruster sur les traits de son visage. « Comment a réagi le papa ? » Il n’y avait pas à chipoter, la voix du Beauregard s’était sans doute aucun apaisée dans les trois dernières minutes, et même son regard abordait quelque-chose de plus tendre désormais. Il ne saurait dire si c’était l’effet de la présence de la jeune femme, d’une bonne douche chaude ou le fait qu’il y avait effectivement d’autres choses qui se passaient en dehors des quatre murs de son appartement qui étaient bien plus importants - ou un mélange étrange de tous ces éléments là -, mais le coeur d’Ezra se trouvait être un brin plus léger, aussi étrange que cela pouvait être.

Le temps s’écoule bien trop doucement entre l’annonce qu’elle lui fait et les premiers mots qu’il vient enfin prononcer. Elle ne s’attendait à rien de particulier mais s’en voit tout de même déstabilisée et toujours plus inquiète au sujet du brun, sans pour autant savoir ce qu’elle craint réellement. « Il est de Matt au moins ? » Lily se prend au jeu seulement parce que la remarque vient d’Ezra lui-même et qu’il a vécu cette aventure à ses côtés - littéralement. “Non il est de toi, gros Béta.” Elle reprend dans un sourire alors qu’ils savent aussi bien l’un que l’autre que cela ne peut pas être le cas. Il est le seul homme qu’elle ait connu en dehors de son mari ; à ce sujet, au moins, elle ne ment pas. Ezra s’en serait de toute façon douté puisqu’il la connaît à son tour mieux que quiconque en ce monde. Sans savoir comment réagir à son tour, la jeune femme esquisse un sourire en demie teinte. Au fond, son coeur se serre suite à une blague plus stupide encore qu’elle n’y paraît.

Si elle laisse tout le temps du monde au Beauregard de se remettre de cette annonce et de trouver quoi dire, elle ne peut pour autant pas s’empêcher de garder ses yeux clairs ancrés dans les siens. Elle a toujours voulu fonder une famille, il le sait et son avis ne changera jamais à ce sujet mais ce n’est pas pour autant que ce qu’il a à lui dire ne compte pas pour elle, bien au contraire. Son avis comptera toujours, peu importe le sujet, peu importe ce qu’il en dit. Les gestes d’Ezra sont plus lents que jamais lorsqu’il vient près d’elle et dépose un baiser contre sa joue. Lily, apaisée, ferme les yeux en même temps qu’elle dépose une main contre son dos. Maintenant, elle ne peut même plus lui dire qu’il sent mauvais. « Félicitations, je suppose ? » Je suppose lui brise silencieusement le cœur mais elle n’en dira rien, déjà soulagée de sa réaction. Au moins il ne lui fait pas la morale et il ne lui reproche rien non plus, ce qui est déjà bien plus que ce qu’elle aurait pu attendre. “Ne me félicite pas si tu ne le penses pas, s’il te plait.” Avec une voix tout aussi douce que la sienne, Lily reprend et lui murmure à peine ces quelques mots. Ils ont dépassé le stade de la simple politesse et ce ne sont pas des formules toutes faites qu’elle a envie d’entendre de sa part. Tout sauf ça, en réalité. Elle l’estime bien trop pour qu’il puisse être cantonné au niveau de tout un chacun, ceux à qui elle ment chaque jour éhontément. Pourtant, à son tour, elle vient déposer un baiser contre sa joue, comme si son devoir était aussi de le rassurer. Lily n’a pas envie que cette annonce soit plus entachée que nécessaire et encore moins qu’elle affecte négativement le moral de son ami, si cher à ses yeux. « Comment a réagi le papa ? » - “Il a eu beaucoup de poussière dans les yeux.” Matt a bien, très bien réagi. Le sourire de Lily le confirme une fois de plus, au cas où ses mots n’avaient pas été assez clairs à ce sujet: l’enfant est voulu, attendu. “J’aurai une autre personne à qui faire constamment la morale, ça te fera des vacances.” qu’elle reprend, embraye, change plus ou moins délicatement de sujet avec un sourire qu’elle tente de laisser paraître être fort et assuré. Le moindre mot de sa part pourrait tout venir ébranler, en réalité. “Matt va mieux. Il est heureux.” Contrairement à toi. Elle se permet tout de même de le préciser puisqu’ils sont amis et que le bien être de l’un sera toujours important pour le second, peu importe ce qu’ils en disent. “Vous avez pu parler?” Elle a eu l’avis du premier mais celui du second compte tout autant.

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« Non il est de toi, gros Béta. » Il l’entendit plus facilement, la blague, dans les mots de Lily que dans les siens. Mais le point principal était qu’elle y mit à son tour une touche d’humour - car il savait très pertinemment que cette information n’était en rien vraie, et que le bébé ne pouvait être que de Matt.

Il savait que Lily rêvait depuis toute petite de fonder sa propre famille. Tout comme il savait qu’il en était de même de la part de Matt - ou plutôt, pour ce dernier, il supposait justement. Il connaissait le McGrath, mais à quel point désormais ? Bien des choses s’étaient déroulées entre eux, et depuis eux. Sur certains moments, il le connaissait par coeur. Sur d’autres, il découvrait un étranger - et c’était sur ces derniers moments là qu’il se demandait comment ils avaient pu en arriver ici. C’était pour cette partie là de la nouvelle qu’il doutait, Ezra. S’il était certain des attentes de Lily, il tâtonnait avec celles de Matthew. « Ne me félicite pas si tu ne le penses pas, s’il te plait. » - « Je veux être sûr de pas dire de bêtises, si c’est pas ce que Matt voulait aussi. » - « Il a eu beaucoup de poussière dans les yeux. » - « Alors félicitations. Pour de vrai. » Parce-qu’elles étaient sincères, qu’importe ce qu’elle pouvait en penser Lily. Les félicitations qu’il venait lui présenter venaient de son coeur et pour venir les appuyer, il vint rendre un timide sourire en miroir à celui de la jeune femme, plus rayonnant. Ce n’était pas parce-qu’il n’était pas, de son côté, émotionnellement en accord avec le sourire qu’il présentait qu’il ne pouvait pas faire l’effort d’accorder ses pensées et ses gestes pour témoigner d’une véritable réaction auprès de la McGrath. Il était heureux de cette nouvelle, si les deux parents l’étaient aussi. « J’aurai une autre personne à qui faire constamment la morale, ça te fera des vacances. » C’était faux, elle continuerait de débarquer chez lui à l’improviste avec les bras chargés de courses pour deux semaines, comme s’il était tout autant un enfant que le bambin qui débarquerait prochainement dans sa vie. Il n’était pas dupe, il la connaissait bien. Peut-être simplement qu’elle le laisserait un peu plus en paix, mais ça n’irait pas plus loin.

« Matt va mieux. Il est heureux. » Les prunelles du Beauregard vinrent accrocher, un instant mais pas deux, celles de Lily. C’était tant mieux, si Matt allait mieux. Il méritait d’aller mieux - il ne méritait pas ce que Ezra lui avait imposé, malgré tout. « C’est bien. » Dénués d’émotions, les mots du jeune homme semblaient creux; ils étaient pourtant sincères et il espérait fortement que Lily le comprendrait à travers tout ça. « Vous avez pu parler? » Il vint hausser les épaules. « Un peu. » Il vint faire un pas, puis un autre, en arrière afin de se détacher définitivement de Lily. La chaise non loi d’ici ferait l’affaire désormais pour le maintenir assis. « Je savais pas s’il s’en rappellerait, car il était complètement bourré quand on a parlé. » Des semaines et des mois plus tôt, alors qu’Ezra s’attendait à se faire refaire le portrait à peine un pied mis à l’intérieur du bar qui avait accueilli Matt pour la soirée. « Mais étant donné que la paix semblait installée entre nous lorsque Sloan est né, j’ai supposé qu’il s’en rappelait. » Et de nouveau, il vint hausser les épaules, comme si presque de rien n’était - alors qu’il s’agissait de beaucoup. Matt ne lui en voulant pas autant qu’il aurait pensé, c’était quelque-chose. Il avait grandi, il avait muri. Ezra n’avait été en rien capable de la même chose, des années plutôt et surtout des années durant. « Pourquoi, il t’en a parlé ? » Et toujours ses yeux qui prenaient soin de ne pas croiser ceux de Lily.

« Je veux être sûr de pas dire de bêtises, si c’est pas ce que Matt voulait aussi. » C’est ce que Matt veut. Elle ne l’a pas inventé, elle ne se l’est pas imaginée non plus. C’est une certitude. Ils en ont parlé dès leurs débuts, ils se sont confiés à ce sujet, ils ont déjà cru devenir parents une fois. Ezra n’a pas à connaître tous ces détails de leur intimité alors elle les lui résume en quelques mots seulement, l’assurant du désir partagé de fonder une famille qui sera leur. « Alors félicitations. Pour de vrai. » La jeune femme expire un peu plus sereinement à la simple idée de savoir que son nouvel état de santé ne génère aucun sentiment négatif chez le brun. Son avis n’aurait pas pu faire changer celui de Lily mais il aurait considérablement changé son ressenti et sa vision des choses. Elle sent encore le fantôme de son baiser contre sa joue et prend le temps de lui en tatouer un homologue sur la sienne, gardant ses lèvres posées contre sa peau durant de longues secondes pendant lesquelles rien de mal ne peut leur arriver. “Merci.” Pour ça comme pour tout le reste, il l’aura bien compris.

Il lui échappe de nouveau l’instant d’après alors qu’il crée une distance entre eux mais Lily ne le retient pas. Il se pose sur une chaise, elle ne bouge pas du plan de travail. Maintenant qu’ils ont commencé à parler de son mari, elle ne peut pas s’empêcher de continuer la conversation, tentant d’en savoir assez pour agir au mieux pour leur bien commun. Vous avez pu parler? Commencer par le commencement, donc. « Un peu. » Et? « Je savais pas s’il s’en rappellerait, car il était complètement bourré quand on a parlé. » La gorge de la jeune femme se noue à l’évocation de son mari ayant mal au point d’abuser de la boisson. Ils ont toujours des bières au frigo mais il ne les enchaîne pas, jamais. Il travaille dans un bar mais ne boit pas pendant le travail, il ne ramène aucune bouteille après non plus. Les excès ne sont pas dans ses habitudes, ou pas dans celles qu’elle lui connaît en tout cas. Il allait mal au point de ne plus vouloir s’en rappeler et tout ceci était à cause de sa faute, la leur. Elle souffle à peine, baisse les yeux. « Mais étant donné que la paix semblait installée entre nous lorsque Sloan est né, j’ai supposé qu’il s’en rappelait. » Lily hoche la tête comme si elle était déjà au courant de telles choses, quand bien même elle n’était même pas présente à cet instant. Elle déambulait dans les couloirs de l’hôpital et venait les voir dès que son travail lui accordait un peu de temps, mais jamais au point de s’immiscer au milieu d’une de leurs conversations. Lily leur fait assez confiance à chacun d’eux pour ne pas s’en mêler et juger que ce qu’ils ont à se dire ne la regarde pas. Tout ce qu’elle souhaite, c’est s’assurer qu’ils ont trouvé un juste milieu durable. « Pourquoi, il t’en a parlé ? » Avant qu’elle ne trouve la force de parler, c’est un signe négatif de la tête qui parle déjà pour elle. “Il a été plus indulgent que tout ce que j’avais pu imaginer. À propos de tous les deux.” Cela n’étonnera personne qu’elle a imaginé Matt et Ezra se battre dans bien des configurations différentes et avec des conséquences oscillant entre grave et très grave. “Je sais pas comment il fait. J’en aurais été incapable.” Le but n’est pas de chanter les louanges de son mari, surtout pas auprès d’un Ezra qui ne semble toujours pas bien aller, mais elle souhaite au moins lui faire comprendre avec ces mots que tout va un peu mieux, un peu moins mal. Elle les avait imaginé se battre jusqu’au sang; elle avait appréhendé que Matt passe dans le lit de bien d’autres femmes. Rien de tout ceci n’est arrivé. Ils sont se appliqués à tout détruire et le McGrath à tout reconstruire.

Le mécanicien ne souhaite sans doute pas s’étendre sur le sujet et elle ne peut que le comprendre, raison pour laquelle elle abandonne l’idée de retrouver ses prunelles et préfère avoir une nouvelle occupation. Se retournant sur elle-même, la brune profite que sa préparation soit encore chaude pour servir leurs assiettes comme si de rien n’était. “On mange et je te laisse tranquille ensuite.” Il aura au moins mangé et pris une douche, ce sera toujours ça de plus que depuis qu’elle est arrivée. Elle aurait espéré faire plus, voilà tout.

give you the silence that only comes when two people understand each other

@lily mcgrath

***
Les lèvres de la jeune femme vinrent s’apposer un instant de plus sur sa joue à lui, alors qu’un frisson vint parcourir son corps. Il y ressentait là toute l’attention et tout l’amour qu’elle pouvait consacrer à sa personne; et si cela faisait du bien à savoir, cela lui faisait également de la peine, autant que peur. Il n’aimait pas cette accroche qu’elle lui accordait en cet instant, car il ne saurait dire si elle était sincère ou de pitié. Il préférait la première option, à ne pas en douter, et tentait de raccrocher ses pensées à ce wagon là. « Merci. » De bien réagir, d’intégrer cette nouvelle information aussi rapidement, de venir verbaliser son soutien - les possibilités étaient nombreuses, certaines plus encourageantes que d’autres; elles étaient cependant toutes valables, toute acceptable.

Ce qui le fut moins, en cet instant en revanche, ce fut cette proximité électrique qu’Ezra ne saurait tolérer. Il en vint à se reculer, à venir mettre de la distance entre la jeune femme et lui - et l’idée ne fut que précurseur, finalement, du sujet que Lily vint mettre à la suite sur la table. Matt et lui avaient, effectivement, parler. Ezra ne savait même pas qu’ils en seraient capables - il pensait au pluriel, car il n’aurait su de quoi il aurait répondu si le McGrath avait commencé à attaquer -, et ne pensait pas que Matt s’en souviendrait au petit matin. La brune venait donc de lui confirmer avec des mots que ça avait été le cas. « Il a été plus indulgent que tout ce que j’avais pu imaginer. À propos de tous les deux. » Les yeux du Beauregard vinrent se déloger des azures de Lily, venant se perdre bien ailleurs dans la cuisine ou le salon - l’importance n’était pas ici. Il avait été on ne pouvait plus indulgent. Ezra n’aurait pas été capable du quart de sa réaction à lui. Il n’aurait même pas pensé Matt apte à venir s’adapter à cette nouvelle de la sorte, si l’honnêteté devait prôner dans la conversation. « Je sais pas comment il fait. J’en aurais été incapable. » En temps normal, il serait venu esquisser un petit sourire à l’idée que la jeune femme puisse penser comme lui. Il l’aurait peut-être traitée de copieuse en lui disant qu’il fallait qu’elle se trouve ses propres mots et arguments car il y avait pensé avant elle. Mais l’humeur à l’humour n’était pas au rendez-vous, et dans un sens cela venait même lui tordre un brin le coeur de savoir qu’il avait agi face à quelqu’un qui avait été capable de leur pardonner, alors qu’ils n’auraient pu agir de la sorte en retour. Ils avaient définitivement été les méchants de l’histoire, sans aucun doute restant. « Il cessera jamais de nous étonner. » En bien, en mal, apparemment le McGrath avait toutes les cartes en main ou en réserve dans ses manches. Un quelque-chose pouvait cependant être remarqué, il semblait comme le bon vin se bonifier avec les années - Ezra ne pouvait pas admettre qu’il avait bien mieux réagi à cette situation là, bien qu’elle le touche directement, que lorsque sa soeur avait été actrice principale du drame familial.

« On mange et je te laisse tranquille ensuite. » Il lui semblait que plus d’une minute de silence s’était écoulée entre ses dernières paroles et celles dites l’instant d’avant par la jeune femme. Ou alors, il s’était simplement perdu une fois de plus dans ses pensées, Lily abandonnant les armes en comprenant qu’elle ne pourrait faire plus ce soir. Elle vint d’ailleurs glisser les deux assiettes sur la table, s’installant de l’autre côté de cette dernière. Ce ne fut qu’à ce moment là que les prunelles couleur ciel du brun vinrent rejoindre celles couleur mer de la jeune femme. « Merci. » Pour l’assiette remplie et glisser avec le plus de discrétion possible, la compagnie qui venait comme mettre une couverture de chaleur autour de son coeur, la présence rassurante sous ce toit qu’il maudissait quelque peu ces derniers jours, l’inquiétude dont elle faisait preuve encore et toujours à son égard. Les choix étaient multiples, de nouveau, mais elle saurait qu’ils étaient tous autant légitimes les uns que les autres. Et, en regardant de plus près, on aurait presque pu voir un semblant d’esquisse de sourire en coin venir étirer ses lèvres. Il fallait appuyer son attention et ne pas cligner des yeux, mais promis il tentait au mieux. Il finit par attraper la fourchette que Lily lui avait donné avec l’assiette et dans un silence un peu moins pesant, dévora l’assiette préparé avec amour.