Abel est né. Il a poussé son premier cri en Grèce et Saül est plutôt soulagé de le savoir ici plutôt qu’en Australie. Ariane et lui sont rentrés quelques jours après sa naissance, histoire de s’assurer que tout allait bien. Depuis qu’ils ont passé la porte, Saül ne lâche plus l’enfant des yeux. Il n’a de cesse d’observer son visage de porcelaine et ses cheveux blonds. L’après-midi est douce, alors que Ariane est occupée à l’atelier “sieste”. Abel ne dort pas la nuit mais ce n’est pas grave, Saül a déjà repris les habitudes déjà adoptées avec Cosimo, à l’époque. La nuit, c’est son domaine, quand Abel se comporte un petit démon.

Avant qu’il ne réveille Ariane de ses pleurs, Saül l’attrape entre ses bras. Tout lui semble irréel : la naissance de leur enfant, le soleil de la Grèce, la tranquillité dans laquelle ils se retrouvent… Rien à l’horizon, sinon quelques regrets et les vents européens. Abel s’est endormi dans les bras de son père qui déambule dans la petite maison. Ils l’occupent comme une petite famille et Saül ne s’est jamais senti autant en paix qu’en cet instant. Porter Abel tout contre lui rappelle à l’italien des souvenirs italiens. Cosimo, ses grands yeux gris et ses petites mains, les premières semaines et l’air inquiet d’Elise dès qu’il respirait un peu trop fort - ou un peu plus faiblement. A la différence de Abel, Cosimo était un petit bébé très tranquille, silencieux. Peut-être avait-il déjà compris que dans sa famille, le silence et les mensonges étaient de mise. Si Saül avait lu la lettre qui lui était adressée de la part de Elon, il aurait su que lui non plus, n’était pas un bébé très bruyant.

C’est installé dans un siège face à la mer que Saül se décide enfin à reprendre son téléphone. Il n’a pas répondu aux appels de sa mère. Le premier à entrer en contact avec l’exilé sera peut-être Damon, si celui-ci le veut bien. Avant que Saül ne puisse réfléchir à ce qu’il pourrait dire à cet enfant de l’autre bout du monde, ce dernier décroche. « Bonjour, mon garçon. » Que dire de plus ? Pourquoi appelle-t-il, déjà ? « Je voulais prendre de tes nouvelles. » Et annoncer quelque chose, aussi. Mais la nouvelle attendra un peu. Comment vas-tu, Damon ?

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février 2021

@saül williams

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Dire que la lecture du testament avait été de tout repos serait mentir de bout en bout. Dire que le jeune Cosimo s’en était sorti sans aucune égratignure, sans aucune blessure nouvelle, serait rejoindre le point mentionné à la ligne précédente. Il était tout sauf serein, suite à cet événement, Damon. Le passage dans le bureau de la notaire avait laissé place à plus de questions que de réponses, et il ne pouvait adresser ces dernières à personne d’autre que lui-même. Il avait lu la lettre que Elon lui avait adressé. Il l’avait lu tant de fois qu’il en connaissait chaque mot, chaque ponctuation, par coeur désormais. Il était venu analyser avec une précision presque horrifique chaque nouvelle donnée à prendre en compte, et elles n’étaient pas sans conséquences. En effet, là où Elise lui avait annoncé avec toute la conviction dont elle pouvait faire preuve que sa mère biologique était en réalité décédée en couche, Elon lui avait prouvé tout le contraire.

Et c’était sur cette partie là de la lettre que Damon n’arrivait pas à détacher son regard, même des jours et des semaines plus tard. Car cette nouvelle donnée venait remettre, une fois de plus - il devenait presque habitué de ces changements dans sa vie -, tout en cause dans sa perception de voir sa réalité. S’il avait du mettre au placard un père et une mère, ces derniers ne détenant ces titres que par des papiers légaux pourtant achetés, il avait retrouvé un père qui finalement n’était pas si éloigné qu’il aurait pu l’imaginer; également, à travers les lignes écrites par son grand-père, il avait trouvé une mère. Cette dernière ne devait même pas penser à l’existence de ce fils, quelque-part dans le vaste monde, mais Damon lui ne pouvait s’empêcher de penser à elle à chaque seconde qui passait.

Ce fut pour cette simple et unique raison qu’il se retrouva, quelques temps après la lecture du testament, dans un avion en direction de l’Italie. L’idée que son grand-père lui ait légué la maison là-bas n’était plus tant détonnante que ça, à la vue du secret qu’il lui avait également révélé. Si Damon voulait pouvoir faire le bout de chemin manquant et tendre une main envers cette mère dont il ne connaissait que le nom, il se devait de se rendre sur place et de ne pas se retrouver seul et perdu dans une ville qui l’avait pourtant vu pousser son premier cri. Cette nouvelle aventure, cependant, il avait décidé de la vivre seul sans mettre au courant la moindre personne dans sa famille. Cette dernière pensait qu’il avait simplement pris cette quinzaine de jours de vacances pour retourner chez lui, à New-York, là où les choses seraient restées simples et sans encombres. Lui, foulait le sol italien pour la première fois depuis plus d’une année - depuis ce dernier repas de noël où le début de la fin s’était annoncé.

Le soleil lui faisait un bien fou, en cet hiver doux. Pouvoir s’éloigner de celui quelque peu agressif de l’Australie était presque une bénédiction. Pendant la première dizaine de journées passée sur place, le gamin n’avait relevé le nez de ses recherches. Il s’était plongé corps et âme dans cette recherche d’identité qui semblait être sa seule quête en tête désormais. Et, contre toutes attentes, elle s’était avérée plus rapidement fructueuse que ce à quoi il s’y attendait. Comme si ses terres natales voulaient le ramener vers elles, comme si elles voulaient lui montrer que la vie pouvait être douce et bien plus simple avec la distance - plutôt ironique, en sachant qu’il avait passé l’autre partie de sa vie à éviter la distance que ses parents mettaient volontairement entre eux et lui.

Ce qu’il n’avait cependant pas planifié, ce fut le moment où le mot Papa vint s’afficher en gros sur l’écran de son téléphone portable. Le soupire déjà las vint rapidement de paire avec cet événement. Bien sur qu’il vint hésité, un instant, en voyant cet appel entrant. Juste un instant, cependant - car il n’avait eu aucune communication avec ce père depuis la lecture du testament et ce que ce dernier avait apporté, en plus, comme nouvelles. Damon s’inquiétait pour Saül, il ne le cachait pas - ce dernier n’avait cependant pas été dans le coin pour en témoigner.

« Bonjour, mon garçon. » Il ne sut déterminer si la slave de frissons venant parcourir sa colonne vertébrale était de soulagement ou d’inquiétude. Ce fut cependant qu’un petit soupire qui vint en guise de réponse de la part du gamin, ne sachant comment répondre à ce type d’introduction de conversion - bonjours papa ? bonjour Saül ?. « Je voulais prendre de tes nouvelles. » A quand remontait la dernière fois qu’il s’était donné la peine d’adopter ce type de comportement ? Damon ne saurait se remémorer, et cela l’attristait une fois de plus. « Tu as retrouvé le chargeur de ton téléphone ? Car je sais que mamie n’arrête pas de t’appeler mais que ses appels restent sans réponse… » Sa voix était presque douce, et le fait de ne pas avoir son père en face de lui l’aidait beaucoup dans l’idée de lui communiquer des paroles au plus proche de sa pensée - si cette conversation avait eu lieu en face à face, jamais Cosimo n’aurait été capable de réponse une telle chose à Saül.

Qu’a-t-il fait ensuite, Damon ? Est-il rentré avec Elise, vivent-ils ensemble maintenant que tout cet enfer est derrière eux ? Contre l’épaule de Saül, Abel s’agite en silence. Il est étrange de devoir parler à Damon de cet enfant qu’il tient entre les bras. Damon était à sa place, autrefois, quand il était la huitième merveille du monde. Un monde inventé de toutes pièces, bien sûr. « Tu as retrouvé le chargeur de ton téléphone ? Car je sais que mamie n’arrête pas de t’appeler mais que ses appels restent sans réponse… » L’homme d’affaires soupire, lève les yeux au ciel. Bien sûr, qu’ils savent tous. « J’avais besoin de laisser mon téléphone de côté. » De les laisser de côté serait plus exact, au final, car c’est bien des Williams dont il est question et non pas d’un simple téléphone. L’italien a une entreprise à faire tourner et ce genre de business ne se lâche jamais des yeux - surtout pas en ce moment. Bien qu’il n’ait jamais été très présent physiquement pour la famille Williams, Saül a toujours veillé sur son clan d’un œil attentif. Maintenant, il n’est plus très sûr de sa place. L’absence de sang Williams dans ses veines ne change rien, bien sûr, mais probablement était-ce le mensonge de trop. Ses frères et sœurs n’y sont pour rien mais Lucrezia n’aura pas des nouvelles de son fils tout de suite, assurément.

« Elle t’en a parlé, de tout ça ? Mamie. » Saül l’entend encore pleurnicher chez la notaire. Elle aurait probablement voulu l’apprendre à Saül tranquillement, autour d’un café dont elle seule connaît la provenance et le secret. Il aurait fallu le faire quand Saül n’était encore qu’un petit garçon et qu’il n’avait rien à craindre - et surtout pas les mensonges de ses parents. Pourra-t-il un jour rentrer à la maison, en Italie, sans que toutes ses perceptions ne soient changées par la douloureuse annonce ? Pourra-t-il encore la voir comme cet endroit où on lui a toujours dit qu’il était né ?

Et Abel se réveille. Abel a décidé que maintenant est l’instant parfait pour se manifester, alors que Saül n’a pas encore eu l’occasion de parler de lui à Damon. Bien sûr qu’il doit savoir. Il a croisé Ariane à l’aéroport, Elise lui en a peut-être parlé pour descendre un peu plus le père dans l’estime du fils. « Ecoute...  » Comment l’annoncer ? Il doit avoir compris, Damon, puisque Abel s’est mis à râler contre l’épaule de son père. « Je t’appelle aussi pour te dire que Abel est né. » Qu’est-il, pour Damon ? Son petit frère ? Son cousin ? « Je ne sais pas quand nous rentrerons, mais tu seras le bienvenue si tu souhaites le rencontrer. » Il fait vivre un enfer à ses parents mais Saül ne s’est jamais senti aussi bien que de l’entendre pleurer et s’indigner. Il ne s’est jamais aussi bien senti que lorsqu’il l’entend vivre, tout simplement, lui qui a tant attendu ce bonheur sans jamais espérer pouvoir le toucher du doigt. Saül choisit ses mots, bien sûr. Il ne s’agit pas d’effrayer Damon, ni de lui faire sentir qu’il a été remplacé. Qu’en est-il, pour ses yeux à lui ? Considère-t-il encore celui qui a fait son éducation comme son père ? « Il est beaucoup moins sage que tu ne l’as été. » qu’il souffle doucement à travers le combiné, un léger sourire aux lèvres. Si Damon n’a évidemment aucun souvenir de ces moments partagés, ils resteront, dans la mémoire de l’italien, certains des plus beaux moments de sa vie.

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février 2021

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« J’avais besoin de laisser mon téléphone de côté. » Comme si Damon pouvait croire de telles paroles - comme s’il ne connaissait pas déjà son père depuis des années. Il était habitué, à ce comportement, à son comportement. Il en maitrisait une bonne partie des nuances, avec l’habitude et le temps. Afin de réussir à adapter son propre comportement, il avait du apprendre les travers de celui de son père. Il ne comprenait juste pas comment Saül pouvait tenter de le duper de la sorte, une fois de plus. « Elle t’en a parlé, de tout ça ? Mamie. » S’il elle lui en avait parlé ? « Elle n’a fait que ça, quand je suis passé la voir l’autre jour. » Il était passé la voir pour prendre de ses nouvelles, pour pouvoir discuter avec lui de la maison également. Il voulait avoir son ressenti sur cette situation qu’il comprenait mais qui, dans un sens, le dérangeait. Il ne voulait pas marcher sur des plates bandes sur lesquelles il n’était pas le bienvenu. Cependant, il s’était heurté à un mur. Sa grand-mère avait éconduit toutes les conversations qu’il tentait d’engager concernant les sujets desquels il était venu discuter, pour revenir au seul qui l’intéressait vraiment: Saül. Est-ce que tu as des nouvelles ? Comment vas t-il ? Est-ce qu’il répond à tes appels ? Toutes les réponses du jeune homme s’étaient soldées par la négative, et cela n’avait fait qu’ajouter un peu plus de peine à son cœur.

Ce ne fut cependant rien, comparé à la slave de frissons glaciale qui vint lui parcourir l’échine et le reste du corps, notamment son cœur, lorsqu’un petit bruit reconnaissable entre mille se entendre de l’autre côté du téléphone.

« Écoute... » Oh, il écoutait, Damon. Il ne savait faire que ça, écouter, lorsqu’il s’agissait d’avoir son père en face de lui. Il était attentif à la moindre parole, au moindre son. Celui là ne lui échappa en rien en cet instant. C’était le son d’une pleure d’un enfant. « Je t’appelle aussi pour te dire que Abel est né. » Le fils légitime avait donc fini par pointer le bout de son nez. Il était lourd, son cœur, à Cosimo - lui l’enfant relayé au second plan à l’instant même où la vérité avait été mise en lumière. C’était un sentiment étrange qui s’immiscer en son sein, très différent de celui qu’il avait pu ressentir lorsque Sloan était venu au monde - la situation était, de toutes façons, bien différente aujourd’hui de la première. « Je ne sais pas quand nous rentrerons, mais tu seras le bienvenue si tu souhaites le rencontrer. » Damon vint éloigner un instant le téléphone de son oreille, afin de se permettre un long soupire. De sa main libre, il vint se frotter les yeux. Bordel. La voix de Saül à l’autre bout de la ligne était d’un calme que le jeune italien ne reconnaissait presque pas. Sa paternité nouvelle devait en être la raison, il ne voyait pas comment c’était possible autrement - surtout en connaissant les dernières nouvelles que son père avait appris sur sa généalogie. S’autorisant une inspiration supplémentaire loin du téléphone, Damon vint finalement rapprocher ce dernier de son oreille. « Félicitations à vous deux. » Que pouvait-il dire de plus ? Ce n’était qu’une bonne nouvelle, l’arrivée d’un enfant. « Vous devez être contents. » Employer le vous plutôt que le tu pour tenter de rendre cette conversation moins personnelle, moins rasante telle une lame dans ses mots.

« Il est beaucoup moins sage que tu ne l’as été. » Cosco vint serrer les dents, juste un peu, assez visible cependant pour que sa ligne de mâchoire en vienne à ressortir sur son visage. « Il va vous donner du fil à retordre, lui. » Parce-qu’il avait été on ne peut plus sage sur toute la ligne, Cosimo. Il avait été doux, il avait été obéissant, il avait été bon. Il avait adopté toujours le comportement qu’on attendait de lui, pour être sûr de ne pas faire  de vague et de ne pas déranger - ce ne serait qu’un juste retour des choses que le seul des deux qui soit le fils biologique de Saül en vienne à lui casser les pieds dès son arrivée. Dans les paroles du jeune italien, la douceur était une fois de plus présente. Même s'il en voulait plus que tout pour beaucoup de choses à son père, la situation était bien plus compliquée que cela. Même si son coeur ne cessait de lui rappeler qu’il ne saurait être réparé une infinités de fois, il ne pouvait s’empêcher de foncer tête baissée dans le bon, dans le juste, dans le bienveillant. Alors, déglutissant une dernière fois avec grand peine, un fin sourire malheureusement invisible aux yeux de Saül présentement, réussi à se faire un chemin jusqu’aux lèvres de Damon.

« J’ai hâte de le rencontrer, en tous cas. » L’envie était présente, et elle était réelle. Qu’importe les surnoms et titres qu’ils se donneraient, Abel et lui, avec le temps; qu’importe s’ils en venaient une même pas être juste cousins, Cosimo désirait rencontrer cet enfant. Et puis, cela lui permettrait de pouvoir revoir son père également - comme toujours inévitablement attiré, d’une façon étrange et obscure, par cette relation vouée à l’échec dès le début. « Vous ne savez pas du tout quand vous rentrez ? » Où étaient-ils, de toutes façons ? De ce qu’il savait, Saül et Ariane avaient quitté l’Australie peu de temps après la lecture du testament, mais là était le peu d’informations dont disposait Damon.

La mère Williams a toujours eu le chic pour être invasive, avec tous ses enfants. Si Elon Williams était tout à fait absent du quotidien de ses héritiers, Lucrezia Williams a toujours agi comme son contraire. Moins voyante que son époux, elle a toujours cherché à prendre soin de chacune de ses progénitures. Elle n’a jamais posé sur Saül un regard différent, bien qu’il ne soit pas né sous son toit. Elle était dure quand il fallait l’être et Saül a toujours eu beaucoup de respect pour elle. C’est elle qui est restée avec lui à l’hôpital, quand il est tombé dans la rivière pour sauver son petit frère. Elon Williams n’a fait qu’y passer pour rayer son fils, capable de rester tranquille sur un bateau mais visiblement incapable de nager. Jamais Saül n’est remonté sur ce bateau. Lucrezia est devenue plus discrète avec l’âge - ou peut-être était-elle toujours comme cela - et ne s’est probablement jamais opposée à son mari. Saül la revoit pleurnicher à la lecture du testament. Sa lâcheté le dégoûte, voilà pourquoi l’italien est parti si vite. Cette femme qu’il n’avait jamais vu pleurer, sauf quelques rares fois en certaines occasions - accidents, enterrements, départ de Auden.

Lucrezia Williams n’a toujours pas fini de pleurer. Elle pleure auprès de Damon, alors que le jeune homme sait désormais comme elle d’où il vient lui-même. Ils n’ont rien en commun, même pas un quart de sang. Alors que le quarantenaire se perd dans ses pensées, Abel le rappelle à l’ordre, s’agitant contre son épaule pour quémander l’attention qui lui est due. Il pleure, maintenant. Il aurait fini par réveiller Ariane, qui prend dans la chambre un repos bien mérité. « Félicitations à vous deux. » Saül sent le pincement dans la voix du jeune homme. Saül le sent et il aimerait lui dire qu'Abel ne le remplacera jamais, qu’il l’élèvera comme il l’a élevé lui, les absences et toutes les horribles fautes - qu’il mettra encore du temps à identifier lui-même - en moins. « Vous devez être contents. » Oh, Damon ne peut pas s’imaginer le ravissement de son père. Jamais autant de larmes n’ont été versées par l’homme d'affaires que le jour de la naissance d’Abel, le petit roi attendu par ses parents comme le Messie. Pourtant, il retrouve le même ravissement qu’à l’arrivée de Damon : le petit visage de porcelaine de Abel est tout aussi calme que l’était celui de Damon, quand il dort. Les deux garçons ont bénéficié de la même attention émerveillée. Pour autant, Abel montre déjà sa différence avec le bébé silencieux qu’était Damon. « Il va vous donner du fil à retordre, lui. » « Tu m’as donné du fil à retordre sur d’autres points. » que Saül murmure, pas certain que son commentaire rappelle à Damon de bons souvenirs. De la petite enfance de Damon, Saül ne retient que les bons souvenirs. Les spectres de ses erreurs teintent pourtant tout sur leur passage.

« J’ai hâte de le rencontrer, en tous cas. » Vraiment ? « Vous ne savez pas du tout quand vous rentrez ? » Dans les bras de Saül, Abel cesse de s’agiter. Il observe son père comme s’il pouvait clairement le discerner des autres ombres qui peuplent sa vue. « Abel sera capable de voyager d’ici quelques jours. Nous n’avions pas prévu de prendre l’avion si tôt et la Grèce, ce n’est pas la porte à côté. » Abel ne devait pas naître avant leur retour au pays des kangourous et des ennuis, mais là aussi, il s’est montré impatient. « Mais je n’ai pas très envie de rentrer en Australie. » Et l’italien est certain que Damon comprend pourquoi. Il sait lui, ce que ça fait d’être abandonné, encore plus aujourd’hui qu’hier - malheureusement. « Je suis désolé de ne pas t’avoir parlé d’Abel plus tôt. » Des excuses, encore. Elles sont nombreuses et désordonnées en ce moment - et en retard, surtout.

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février 2021

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« Tu m’as donné du fil à retordre sur d’autres points. » Pouvait-il seulement affirmer ceci avec une telle audace ? Saül avait-il été assez à ses côtés pour prétendre avoir eu du fil à retordre ? Il se souvenait de ces journées lorsqu’il était enfant, Cosimo, où son père le surveillait du coin de l’œil lorsqu’il faisait ses exercices de mathématiques. Il se souvenait des autres jours où ils allaient à l’église, et où il se devait d’adopter le comportement parfaitement idéal en tous temps. Ces moments là étaient révolus mais son père les revivrait dans pas très longtemps d’avec Abel - il espérait secrètement qu’il leur donne vraiment du fil à retordre, qu’au moins un de ses deux fils ait la satisfaction de cette action.

Le soupire suivant du garçon fut dédié à une confidence sans voile aucun. Sachant désormais que Abel était né, il n’était pas utile de cacher à Saül qu’il souhaitait rencontrer le bambin. « Abel sera capable de voyager d’ici quelques jours. Nous n’avions pas prévu de prendre l’avion si tôt et la Grèce, ce n’est pas la porte à côté. » Il ne pouvait pas savoir à quel point il avait tort, présentement, Saül. En rien sur la partie où ils se devaient d’attendre avant de placer le nouveau-né dans un avion, mais sur celle où la Grèce ne se situait pas tout à fait à côté. En réalité, seule une mer ou deux venaient les séparer, Cosimo ayant décidé de fuite en Italien pendant un temps. Le jeune homme se retint de soupirer, une nouvelle fois. « Mais je n’ai pas très envie de rentrer en Australie. » Pour la première fois en très longtemps - en peut être jamais ? -, les deux italiens étaient sur la même longueur d’onde. Sous le soleil de la mer adriatique, il n’enviait rien à l’Australie. A mille lieux de leur lieu de résidence, la réalité des choses leur laissait un peu de répit. « Je suis désolé de ne pas t’avoir parlé d’Abel plus tôt. »

La dernière phrase prononcée par son père vint sortir Cosimo de ses pensées. Ses yeux, perdus autant dans le vague que dans les vagues dans les derniers instants passés, vinrent se concentrer sur l’écume laissée sur le sable blanc. Dans toutes ses années de vie, il ne se souvenait pas avoir déjà entendu Saül dire qu’il était désolé - et pourtant, c’était un vocabulaire plutôt commun pour les humains. Ou alors, ces mots s’étaient faits entendre dans des contextes bien moins significatifs, et Cosco n’avait alors pas relevé ces derniers. Aujourd’hui, ils comptaient. « Je t’en veux pas. » C’était peut être dit à demi-mots, mais c’était dit avec le cœur. Il y avait des sujets sur lesquels il en voulait à son père, mais qu’il ait voulu garder une partie de sa nouvelle secrète n’en faisait pas partie. Ces derniers temps, être un Williams n’avait rien de réellement attirant. « Et puis, maman m’avait déjà mis au courant, alors... » Alors quoi, Cosimo ? Comme s’ils étaient encore un couple, Élise et lui, et que si l’un lui parlait de quelque-chose alors tout était en ordre ? Ce n’était plus le cas - il le savait, il l’avait témoigné. Et pourtant, les vieilles habitudes avaient la peau dure.

Finalement, après avoir entendu un nouveau petit cri de l’autre côté de cet appel de la part de Abel, il vint s’autoriser un nouveau soupire. « Je vais pas t’embêter plus longtemps, je pense qu’Abel mérite toute ton attention. » Car s’il en voulait à Saül de privilégier sa nouvelle famille à l’ancienne, jamais Damon lui demanderait de choisir entre lui et un bambin qui n’avait rien demandé. Et à l’entendre pleurnicher, le jeune homme savait qu’il avait besoin d’attention. « Je... » La suite de ses mots et ses pensées vint s’embrouiller dans son esprit. Il aurait tellement de choses à dire à haute voix, et d’autres à formuler en questions silencieuses, qu’il ne savait pas par quoi conclure cet appel. Certaines choses se devaient d’être discutées, entre son père et lui, et pourtant cela ne semblait être ni le moment ni la méthode. Pourtant, Damon savait qu’un jour ils devraient s’y confronter. Se mordant la lèvre distraitement, le blond vint finalement secouer la tête un instant avant de reprendre la parole. « Laisse, c’est... » Pas une bonne idée ? C’était sûrement la meilleure idée qu’il ait eu impliquant Saül ces dernières semaines; cependant, il avait peur de se prendre un stop tellement rapidement que son cœur ne serait sûrement pas capable de s’en relever.

« Je t’en veux pas. » Et un poids s'ôte de la cage thoracique de l'italien, qui soupire un grand coup. Peut-être est-ce la première fois qu'il entend vraiment ces mots dans la bouche de Damon et même s'il ne parle que d'Abel, Saül les mémorise pour toutes les frasques passées et à venir. Je ne t'en veux pas. C'est une phrase qui devrait venir après de très sincères excuses pour tout un tas d'autre choses qui attendront encore un moment avant d'être résolues. Saül n'est pas prêt à se plonger dans le reste des soucis qu'ils rencontreront peut-être un jour, s'ils arrivaient à communiquer. Pourtant, père et fils ne sont qu'au début de leurs peines, comme ils le verront bien assez vite. A l'heure actuelle, rien n'annonce pourtant la chute, la grande dégringolade, le début de la catastrophe. Rien ou presque, sinon les autres fautes qui viennent à l'esprit de Saül et pour lesquelles il aurait presque envie de les entendre encore, ces quelques petits mots : je ne t'en veux pas. Ni pour les cris ? Ni pour les coups ? Ni pour les disparitions, l'emprise, le rejet, le manque d'amour, le manque d'attention, le manque de tout sauf d'angoisse ?

« Et puis, maman m’avait déjà mis au courant, alors... » La bulle explose, Saül hoche la tête comme si Damon pouvait le voir. Il laisse échapper un "mmh" sonore. Elise, bien sûr. Elle ne sait pas se mêler de ce qui la regarde et sur ce point là, Saül et elle sont pareils. Comment lui en vouloir ? Elle a pourtant déjà eu sa petite vengeance, sa villa en Espagne. Saül nouvellement père ne se laissera pas avoir par la colère et l'envie de vengeance qui gronde, au loin, quand même cette annonce là a été volée par son ex-femme. Rien n'était aussi important que cette annonce là. Tant pis. « Je vais pas t’embêter plus longtemps, je pense qu’Abel mérite toute ton attention. » Mais Damon aussi, mérite toute l'attention de son père. S'ils n'ont pas de sang en commun, si Saül ne sait pas lui dire qu'il tient à lui, c'est pourtant le cas. « Tu dois avoir des choses à faire. » Mais Saül ne sait pas lesquelles. Il y a longtemps qu'il n'a pas posé la question. Il y a longtemps que ça ne lui vient plus à l'esprit. S'y est-il intéressé un jour ? « Je... » L'homme d'affaires est tout aussi déboussolé, à l'autre bout du fil. S'il y a bien une chose qu'il ne sais pas faire, c'est trouver sa place au milieu de ces conversations. Elles n'existent pas, d'ordinaire. Saül se tait, à l'autre bout du fil. Il écoute la respiration de Damon, savoure la paix et subit l'angoisse et l'envie de le relancer sur des choses dont il pourrait lui parler. Que Saül pourrait apprendre de ce fils inconnu qu'il a volé a un autre, dont il est fier et à qui il ne sait pas s'adresser.

« Laisse, c’est... »
« J'aimerais te dire que je suis fier. »

Les mots sont sortis tout seuls, alors que l'italien retient un grand soupir. Il aura fallu des tumultes et une naissance pour qu'il les prononce enfin, ces quelques petits mots salvateurs. « De toi, Damon. » Pour clarifier les choses, pour lui parler pour de vrai et sans qu'autre chose n'interfère. La naissance de Abel l'a peut-être assoupli, qui sait. En attendant, il faut savourer l'accalmie. « Ce ne sont pas quelques gènes ou leur absence qui y changeront quoi que ce soit. » Père ou oncle, qu'est-ce que ça change ? Cela, Saül n'est pas prêt à l'exprimer. Pas prêt à l'entendre non plus, même pas en sous-entendu. Quelque chose le retient encore. Son ego, peut-être. Cette barrière sera difficile à faire tomber. Alors que sa prise se serre sur le téléphone, le quarantenaire toussote, soudain mal à l'aise. Il n'a jamais été facile de se livrer, surtout pas pour parler de ce qu'il ressent de façon positive pour les autres. « Tu avais autre chose à me dire ? » Une autre digue à faire sauter ?

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février 2021

@saül williams

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« Tu dois avoir des choses à faire. » S’il savait, Saül, à quoi son fils s’appliquait ces derniers jours, il ne lui laisserait surement pas autant de liberté qu’il ne l’indiquait de l’autre côté du combiné. Cependant, ce n’était pas sur ces autres choses que Cosimo se concentrait, en cet instant. Ce n’était pas sur ces histoires de familles enfouies et perdues qu’il désirait passer du temps, ayant déjà trouvé assez d’informations pour en être satisfait pour le moment. C’était au près de ce père qui était devenu un étranger à ses yeux, au fil des années. Quand était-ce la dernière fois qu’ils avaient discuté de la sorte, sans qu’un geste ne soit déplacé ou sans qu’une parole ne soit exagérée ? Quand était-ce la dernière fois qu’ils s’étaient parlé, tout simplement ? Les mots ne savaient se frayer un passage entre les pensées de Damon et ses lèvres, ne savaient se forger afin de parfaitement refléter ce qu’il ressentait.

« J'aimerais te dire que je suis fier. » Suivi rapidement d’un « De toi, Damon. » Vint couper le souffle du gamin. Ces mots là, il avait prié des centaines de fois pour les entendre. Cette intonation là, il se l’était imaginé trop de fois pour que la raison ait son rôle à jouer dans cette histoire. Des heures et des semaines durant, il les avait attendu. Lorsqu’il avait ramené une meilleure note que la précédente de l’école. Lorsqu’il avait reçu une distinction particulière dans une discipline particulièrement difficile. Lorsqu’il avait appris une nouvelle langue étrangère à l’école. Ces mots là, ils représentaient ce pour quoi Cosimo avait autant donné de sa personne durant toutes ces années. Ils représentaient le Saint Graal de l’attention que Saül pouvait lui apporter. « Ce ne sont pas quelques gènes ou leur absence qui y changeront quoi que ce soit. » Heureusement qu’il ne pouvait voir le visage du garçon en cet instant, sinon Saül aurait levé le yeux au ciel de voir une larme déjà s’échapper à la recherche d’une nouvelle liberté. Ce n’était pas sa faute, à Cosimo. Il était sensible, et son père venait de tirer sur la corde. Ce ne sont pas quelques gènes ou leur absence qui y changeront quoi que ce soit mais c’était l’histoire qui était déjà installée entre eux qui s’en chargeait en prévision, qu’il aurait voulu lui expliciter. Il ne se rendait donc pas compte que les choses étaient déjà installées depuis de nombreuses années, Saül, à parler de la sorte. Bien sur que leur non-affiliation ne changeait rien - même si actuellement, aux yeux de Cosimo, cela représentait beaucoup et qu’il ne serait capable que bien plus tard de s’en apercevoir -, elle venait même dans une certaine mesure expliquer surement certaines choses, certaines situations, restées dans l’ombre jusqu’alors.

Ce n’était pas sur cette partie là des paroles de son père que le souffle de Cosimo se faisait court, se montrait absent. C’était sur la première partie. Il se forçait à enregistrer le son des mots dans son esprit, à les imprimer aussi fort qu’il le pouvait. Son père était enfin fier de lui.

« Tu avais autre chose à me dire ? » Damon vint secouer la tête, écartant le combiné un instant de son oreille. Il avait autre chose à lui, et là était surement le bon moment - le seul bon moment pour ça. Après tout, Saül semblait être d’une humeur qu’il ne lui connaissait que trop peu, et il se devait de profiter de cette phase. « Je… » Il vint s’éclaircir la gorge. « Est-ce que ça te dirait de me rejoindre en Italie ? » Il vint plisser les yeux. Merde, pas de le rejoindre puisqu’il était censé être en Australie. « Je comptais y aller quelques jours pour acter les papiers du notaire pour la maison. » Menteur. « Tu pourrais m’y rejoindre. Avec Abel et Ariane. » Parce-qu’il allait de soi qu’il proposait l’idée au singulier alors qu’en réalité, l’invitation était valable pour toute sa nouvelle famille, à Saül. « Je ne sais pas si le petit peu voyager, mais voilà… » Je lance l’idée comme ça, tu en fais ce que tu en veux. J’espère que tu vas l’accepter et trouver que c’est une excellente opportunité, les mots qui auraient du compléter sa phrase mais qui resteraient à tout jamais sous silence.

La trêve, c'est quand Saül est en capacité de faire la part des choses. Quand il est en capacité de se laisser envahir par la tranquillité. Quand il sait qu'au bout du fil, l'aîné de ses fils est en train de chercher où se trouve le piège. Saül sait faire tomber la grêle même par le plus dégagé des temps et Damon doit le savoir. Mais aujourd'hui, Saül ne cache pas de bâton dans son dos. Aujourd'hui, il est apaisé pour de vrai. C'est l'exception qui confirme la règle et c'est aussi un évènement qu'il faut chérir, avant que ne revienne la tempête. « Je… » Alors, il y a autre chose. A l'affût, Saül attend. Pour une fois, il ne presse pas Damon. Est-il conscient qu'il est lui-même en partie responsable des hésitations de son garçon ? Que l'insécurité créée chez les enfants est souvent le fruit d'un parent trop impatient ? Peut-être. Peut-être que pour une fois, l'homme d'affaires voudrait trouver le pardon et pas seulement pour lui, non. Pour que Damon aussi, puisse se donner la paix à lui-même. Tout est si facile, d'un combiné à un autre... Si seulement les choses pouvaient aussi l'être quand ils se trouveront en face l'un de l'autre.

Et l'occasion se présentera plus tôt que prévu. « Est-ce que ça te dirait de me rejoindre en Italie ? » Saül fronce les sourcils, se masse le front. Bien sûr, qu'il adorerait prendre un avion pour retrouver sa terre natale. Mais peut-il demander cela à Ariane ? Abel peut-il voyager, si jeune ? Saül souhaite-t-il s'arracher à cette paix qu'ils ont trouvé ici, en Grèce ? Le trajet ne serait pas long mais retrouver Damon, c'est aussi retrouver un petit morceau d'ombre et même si les hommes semblent apaisés, qui sait quel orage pourrait se trouver à l'ombre des arbres italiens. C'est la paix qu'il chérit, Saül, maintenant qu'Abel est là. C'est la discorde qu'il fuit avec Ariane et elle dira certainement que c'est pour préserver son vieux cœur. Elle le fera en riant de son vieux riche, mais Saül ne rira que pour lui donner le change. Lui aussi est fatigué de courir la tête la première dans les disputes. « Je comptais y aller quelques jours pour acter les papiers du notaire pour la maison. » Ha oui, la maison. Un endroit dont Saül n'a pas hérité, n'héritera jamais. L'homme d'affaires toussote, cherche un repère visuel qui l'aidera à ne pas se souvenir trop en détail de cette journée. « Les papiers... » qu'il murmure, le regard perdu dans le vague. « Tu pourrais m’y rejoindre. Avec Abel et Ariane. » C'est une occasion rêvée de présenter le bambin à Damon, bien sûr.

« Je ne sais pas si le petit peu voyager, mais voilà… » « J'adorerais, Damon. Je vais me renseigner, pour l'avion. » C'est un oui, même sans avoir consulté Ariane. Elle lèvera les yeux au ciel, trouvera Saül trop sentimental. Il lui donnera des raisons juridiques, lui dira que c'est pour aider Damon avec la succession, quand il meurt d'envie de concrétiser la paix qui l'habite depuis quelques temps. Si Damon pouvait en profiter, lui aussi... S'ils pouvaient construire, ensemble, sur cette base de tranquillité... « Je suis content que tu proposes. Je suis sûr qu'Abel a hâte de te rencontrer. » Dis lui, Saül. Dis à ton garçon combien tu as hâte de le revoir. Dira ? Dira pas ? « Et moi, j'ai hâte de revoir le premier de mes enfants. » Celui qui a fait de lui un père, même intermittent. Même si c'était un mensonge. Même s'il n'a pas su prendre le bon rôle. Aujourd'hui, peut-être Saül est-il en capacité d'humblement demander à obtenir une place plus juste auprès de Damon.

i'll be quiet

février 2021

@saül williams

***
Là, la question était posée. Et ce serait mentir de dire que Damon n’avait pas les mains moites en cet instant, n’avait pas le coeur qui battait la chamade à la suite, peinait à retrouver un souffle normal dans tout ça. Tout pouvait partir dans un sens et dans un autre, à partir de là. Son père n’avait qu’une décision à prendre, mais cela pouvait être la décision de trop - ou, autre contraire, celle qui semblait toute tracée pour être juste. En attendant, le petit Cosimo n’était en rien assuré de l’autre côté du combiné, alors que la brise italienne venait chatouiller son visage et emmener ses cheveux. « Les papiers… » Le pire des mensonges qu’il ait pu sortir. Mais ne pas avoir Saül en face de lui lui permettait de s’autoriser un tel comportement. Si la discussion s’était déroulée face à face, il aurait été incapable de venir lui expliquer sans trébucher sur ses propres mots.

« J'adorerais, Damon. Je vais me renseigner, pour l’avion. » Et finalement, là où il s’attendait à se retrouver face à un mur et à une réponse qui ne lui convenait guère, son père vint lui dire oui. Pas de façon directe, mais bien d’une façon qui vint d’autant plus satisfaire le jeune homme. Un sourire vint s’étirer sur ses lèvres. Pour une fois, ils allaient pouvoir se retrouver sur un terrain neutre et allaient, peut-être il l’espérait, pouvoir faire la paix après tous les événements qui leur étaient tombés dessus ces derniers mois. Qui plus était, Saül venait de l’appeler Damon et non Cosimo - et si pour le reste du monde cela relevait du détail, pour le garçon cela était bien plus important que bien d’autres choses. « Je suis content que tu proposes. Je suis sûr qu'Abel a hâte de te rencontrer. » Un petit sourire attendri vint s’accrocher aux lèvres de l’italien. « J’ai hâte de le rencontrer aussi. » Malgré tout, malgré toutes les circonstances dans lesquelles il s’était malgré lui retrouvé, il avait hâte de voir le nouveau-né. Qu’importe ce que pourrait dire les gênes ou l’éducation, aux yeux de Damon, Abel serait son petit frère tout autant que l’était déjà Sloan. Il ne le dirait pas de suite à haute voix, bien sur - de toutes façons cette dernière était bien trop nouée d’émotions en cet instant pour aborder un tel sujet -, mais il le penserait assez fort pour que cela puisse se voir à travers son comportement.

« Et moi, j'ai hâte de revoir le premier de mes enfants. » Le premier de mes enfants. Le premier de mes enfants. Oh, que personne ne pouvait réellement comprendre à quel point ces quelques mots prononcés par Saül pouvaient être importants pour Damon. C’était idiot, et il s’en voulait de réagir toujours de cette sorte lorsqu’il s’agissait de son père, mais l’empreinte que ce dernier avait sur lui depuis tant d’années ne saurait se défaire au détour d’une révélation et malgré tout, le jeune italien cherchait toujours la validation de son paternel. Il lui aurait dit qu’il était fier de lui, qu’il n’aurait pas été aussi heureux. « J’ai hâte de te revoir aussi. » Les quelques mots qu’il vint réussir à laisser passer la barrière que formaient ses lèvres, alors que sa voix était nouée due aux émotions qui le traversaient. Il se devait simplement se contenir encore quelques instants, le temps de terminer cet appel et il pourrait laisser échapper les larmes qui menaçaient de forcer leur chemin jusque ses joues. « Tu… tu me diras quel jour et quelle heure vous arrivez, je viendrai vous chercher à l’aéroport. » Même si cela devait se faire à l’autre bout du pays pour n’importe quelle raison, il se lèverait à l’aurore pour aller les chercher. Peu lui importait en cet instant, si ce n’était la promesse de cette paix qui lui tentait la main et qu’il n’avait plus qu’à venir saisir.