Chose promise, chose due : il ne m'aura pas fallut plus de 48h pour réellement comprendre l'impacte qu'ont eu mes agissements sur mon copain et combien il avait besoin d'être rassuré sur le fait que NON, ce n'est pas une relation à sens unique. J'ai eu besoin de deux jours en plus pour me remettre correctement d'aplomb et réellement commencé à m'organiser et mettre en place les cours d'art dramatique pour le studio. Normalement, si tout va bien, je donne mon premier cours demain. Et en attendant, je décide qu'aujourd'hui Loan et moi profiterons d'une journée à deux comme nous n'en avons plus profiter depuis New-york. J'ai bien compris qu'il a du mal à me faire à nouveau confiance et je suis bien décidé de lui prouver que j'ai décidé de changer mon état d'esprit. Je ne peux plus dire qu'il me faut du temps, car il m'en a déjà trop laissé. Il faut maintenant que j'agisse !

C'est donc, à 8h du matin, après être sorti pour aller acheter du pain frais, que je reviens dans la chambre. Face à un Loan encore endormi, je m'avance discrètement et, lentement, je lui passe un mug de café sous le nez. Se réveiller avec l'odeur de  caféine est quand même bien plus agréable que de lui sauter dessus, non ? D'autant plus qu'il faut qu'il soit heureux aujourd'hui car la journée est placée sous le signe de la joie et de la bonne humeur. Je ne peux donc clairement pas réveiller mon copain autrement qu'avec la douce odeur du café et un baiser lorsqu'il ouvre les yeux et se retourne paresseusement  «Je te laisse me rejoindre dans le salon quand tu seras près » murmurrais en me redressant alors que je pose la tasse sur la table de chevet  « Faut que j'aille surveiller les crêpes» je lui adresse un dernier clin d’œil avant de me détourner et sortir de la chambre pour aller dans la cuisine, finir ce que j'ai commencé il y a quelques minutes.

La conversation que nous avions eue a agis tel un déclic sur Clément. Je ne vais pas le cacher, j’ai pu voir la différence en quelques jours seulement. Pour commencer, il a cessé de se cacher dans notre chambre pour enfin sortir, prendre une douche et arranger sa tignasse qui ne ressemblait plus à grand-chose. Je l’ai entendu téléphoner à Sybille et prendre des nouvelles de ses amis. Petit à petit, il a commencé à vivre à nouveau dans le reste de la maison et surtout, il s’est enfin impliqué dans le quotidien du studio. J’en étais ravi, réellement. Je pouvais enfin retrouver mon petit ami et non pas seulement cette personne avec qui je partageais mon toit depuis quinze jours sans jamais vraiment avoir un quelconque échange. Alors pourquoi, parfois encore, je me demande si cela va durer ? Il m’arrive d’avoir peur que tous ses efforts ne soient qu’éphémère avant la prochaine baisse de morale ou le prochain coup qui viendra un peu entraver son chemin. Je suis presque méfiant et je n’aime pas me sentir ainsi, mais il faut croire que c’est tout simplement plus fort que moi. Ainsi, je l’observe s’agiter sans jamais trop comment savoir m’impliquer. Les conversations sont là, mais tout reste très simple alors que je suis encore bien secoué par tout ce silence qu’il avait su nous imposer.

C’est comme cela que je me retrouve bien surpris lorsque Clément décide de me réveiller en douceur avec une tasse de café et quelques baisers. L’esprit encore embrumer par le sommeil, j’ouvre un œil pour l’apercevoir dans la pénombre de la chambre aux rideaux encore tirer. Il a un grand sourire le brun et surtout un air apaisé. « Hey… » La salutation s’entend à peine tant ma voix est encore rauque de sommeil. Il me parle de petit-déjeuner et s’échappe en une seconde sans que je n’aie le temps de tout bien réaliser. Je prends quelques minutes pour m’étirer et boire quelques gorgées de mon café. Je l’entends s’agiter dans la cuisine et finis par me lever pour aller à sa rencontre. Bien entendu Moana m’attendait dans le couloir pour me dire bonjour et m’emmener jusqu’au salon. Clément semble avoir sorti les petits plats dans les grands, il a préparé tout un petit-déjeuner varié. « C’est en quel honneur tout ça ? » Je m’attends presque à ce qu’il ait révolutionné son avenir et m’annonce un énième projet un peu fou.

Après avoir réveillé mon copain, je ne suis pas directement allé dans la cuisine. Sachant pertinemment qu'il lui faudra bien dix minutes pour émerger totalement, j'ai décidé de sauter sous la douche histoire d'être fin près dès que nous aurons fini de manger. Malheureusement, dans ma hâte, j'oublie mes habits propre et c'est donc vêtu seulement avec le jogging de mon copain que je sors de la salle de bain, arrivant dans la cuisine peu avant Loan.

Je venais tout juste de déposer une louche de pâte à crêpes dans la poêle lorsque le jeune danseur me rejoint en me demandant en quel honneur j'ai décidé de faire proposer ce petit déjeuné. Avec innocence, je me retourne et hausse les épaules  «Pour ...le plaisir de faire plaisir ? » dis-je simplement avant d'offrir un sourire au jeune homme  «J'avais pensé qu'on pourrait faire un tour au parc après » expliquais-je en me remettant aux fourneaux  « Avec Moana» ajoutais-je en retournant la crêpe  «Y a une rencontre canin qui se tient aujourd'hui et ça lui ferait du bien de se dégourdir les pattes avec des petits potes  » car elle aussi a souffert de mon silence et mon apathie de ces derniers jours.

Certes, Loan s'en occupait brillamment et elle était sortie tous les jours, mais ce n'est pas la même chose. Bien que mon copain adore ma chienne et que elle est en kiff total sur lui, ils n'ont pas la même la relation que nous avons, elle et moi. Et donc il n'est pas le seul à être heureux par ce retournement de situation.  «Et ça nous permettra de passer une journée ensemble aussi » je relève mon regard sur Loan et me passe une main dans mes cheveux encore un peu humide  « ça te dit … ?» pourquoi est-ce que je suis quasiment persuadé qu'il répondra non ?

C'est presque étrange de me réveiller dans un lit complètement vide. Heureusement que Clément est assis au bord du matelas, sinon je crois que j'aurais commencé à flipper. Malgré la conversation que l'on a pu avoir l'autre jour, je sens bien que tout est encore fébrile et me réveiller sans le jeune homme à mes côtés m'aurait probablement amené vers un tas de conclusion bien trop hâtive dès le saut du lit. Mais il est là, son petit sourire aux lèvres et une tasse de café comme offrande entre les mains. Je le regarde s'échapper de la chambre, incapable de deviner ce que la journée va bien pouvoir nous réserver. Je n'ai pas à aller au studio aujourd'hui, mon père passe la journée avec des amis et Martin à Eliott avec lui. Autrement dit, rien qui me fera m'échapper de la maison si Clément a décidé qu'il allait continuer à ruminer ses idées dans le salon.

D'un pas presque timide je finis par le rejoindre dans la cuisine. Mon cœur loupe un battement ou deux lorsque je l'aperçois torse nu près du comptoir. Il vient de prendre une douche et m'a piqué mes fringues. Comment me rendre un brin trop fébrile en une image. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, heureux – presque – de pouvoir retrouver un semble de normalité. Il tente de m'expliquer la raison de ce changement un peu soudain, me parle d'une envie de faire plaisir, mais également d'un programme pour la journée. Tout a été réfléchi, rien n'a été épargné. Clément a compris qu'aussi compréhensif que je puisse être, j'avais été blessé par son comportement des dernières semaines. Alors, il essaye, de toutes ses forces. « Si tu veux oui. » Je prends place sur un des tabourets de l’îlot de cuisine alors que mon regard a bien du mal à se décoller de l’image de son corps. « Tu peux cuisiner tous les matins dans cette tenue. » que je souligne d’un clin d’œil qui se veut complice, mais ressortira probablement bien maladroit. Je voudrais que tout soit simple, que tout redevienne comme avant en un claquement de doigt, mais pour le moment je redoute la retomber. Et s’il faisait des efforts uniquement parce que je lui ai dit que je ne pouvais plus continuer ainsi, que si les choses ne changeait pas quelque chose serait brisé entre nous ? Et s’il ne tenait que quelques jours ? Je me perds dans mes pensées au point de sursauter lorsqu’il dépose une crêpe sous mes yeux. « Merci babe. » Le surnom glisse sur ma langue de la manière la plus naturelle qui soit et cela faisait bien trop longtemps.

Il m'aura fallut 15 jours, une grosse prise de tête et quelques nuits d'insomnie supplémentaire pour me rendre compte à quel point j'étais entrain de foutre ma vie et mon couple en l'air. La discussion que nous avons eu, Loan et moi, était loin d'être plaisante, mais elle était nécessaire pour que nous puissions repartir sur de nouvelles bases bien plus que saine que celles du chemin sur lequel nous étions. J'ai raté une audition à Braodway, et alors ? Ça ne veut pas dire que je vais rater ma vie et que ma carrière est finie ! Dès le moment où j'ai réussi à me mettre cela dans la tête, tout roulait à nouveau correctement et j'ai décidé qu'il était grand temps de renouer avec correctement avec Loan.

La journée d'aujourd'hui a été parfaitement pensé et organisée et elle commence par des crêpes au petit déjeuner pour mon copain. En arrivant dans la cuisine, celui-ci ne manque pas commenter le fait que je pourrais cuisiner 'comme ça' tous les jours, faisant ainsi référence à mon accoutrement des plus sommaires. Avec une moue, je baisse le regard sur mon ventre en le touche du bout du doigts en grimaçant  «Mouais, y a eu du laissé allé et mon corps me le fait sentir » évidemment que si on ne bouge que le minimum possible pendant plusieurs jours d'affilés, qu'on ne s'entraîne plus plusieurs heures par jours et que notre alimentation est tout sauf régulière, les muscles nous disent rapidement 'f*ck*.  «Et c'est pas des crêpes qui vont arranger tout ça » lâchais-je en rigolant doucement alors que je me retourne vers mon copain et que je dépose une assiette de crêpes devant lui.

A peine me suis-je installé face à lui, que je me sens fondre lorsqu'il prononce le surnom si affectueux duquel il ne m'a plus affublé depuis bien trop longtemps. Est-ce que ça veux dire que c'est bon ? Que nous sommes sur la bonne voie et que tout commence à s'arranger entre nous ? Je pince les lèvres alors qu'un petit sourire s'affiche sur mon visage  « Tu me remercieras après avoir goûté, ok ? Parce que peut-être qu'elles sont immangeables et je ne voudrais pas que tu regrettes tes paroles »  j'hausse les épaules, souriant plus franchement et tend la main pour attraper un gâteau  «y a le pride month qui commence aussi la semaine prochaine » je relève mon regard sur Loan  « T'as prévu un truc avec ton association ? Parce que je pense que ça pourrait être une bonne opportunité pour nous faire connaître un peu plus » j'attrape le pot de crème au chocolat  « Parce que bon, y a pas beaucoup de Studio en ville qui sont gérer par un couple homosexuel en plus» oui, j'ai osé prononcé le mot 'couple'. Car au final, jusqu'à preuve du contraire, c'est ce que nous somme encore, non ?

Après l'orage, la tension semble s'être enfin échappée de la maison pour laisser place à bien plus de sérénité. Si ces derniers temps, je me levais avec la boule au ventre et l'envie de filer au studio le plus rapidement possible, ce matin, je me surprends à vouloir rester chez moi. C'est bien l'odeur des crêpes qui m'attire jusqu'à la cuisine, mais la vision d'ensemble qui me donne envie de ne plus trop quitter ma bulle. Il ronchonne Clément d'avoir laissé son corps à l'abandon durant ces dernières semaines et je lève les yeux au ciel. Ses abdominaux sont peut-être un peu moins prononcés, mais il est bien loin de la catastrophe qu'il semble annoncer. En douceur, ma main libre vient se glisser sur son ventre. « Tu es très bien comme ça. » Mes lèvres se posent sur son épaule dans un baiser furtif avant que je ne gagne ma place vers l'îlot de la cuisine. On se danse autour avec Clément, tout semble maladroit et fragile, mais je ne saurais me lasser d'avoir enfin retrouvé son sourire.

Il plaisante sur ses crêpes et un possible empoisonnement quand il est bien meilleur cuisinier que je ne puisse l'être. Mais voilà, l'ambiance est légère et j'ai envie de rire un peu aussi. Je découpe un morceau, bien trop petit pour être même considéré comme une becquée. Je goûte le mini morceau prudemment sans jamais croiser son regard sous peine d'éclater de rire. Les gestes sont amplifiés dans un mouvement théâtral, les traits de mon visage poussés à l'exagération la plus totale. « Ça manque de sucre. » Le verdict tombe de manière sérieuse avant qu'un sourire ne vienne me bouffer la moitié du visage. Je ne sais pas tant rester dans le rôle quand il me regarde ainsi. Cette fois, je pique un bout de crêpes de taille décente afin de le déguster pleinement. « C'est parfait. » C'est tout ce dont j'avais besoin, partager de nouveaux moments avec Clément. 

Lorsqu'il évoque la pride, je réalise à quel point il avait pu se mettre à l'écart ces derniers temps. Le sujet avait été évoqué quelques fois au studio et pris dans l'enthousiasme de certains de mes élèves, je m'étais engagé à leur côté. C'est un moment que je voulais partager avec Clément, quelque chose que l'on n'avait jamais pu faire auparavant, mais il n'était pas disponible et ce n'est pas un moment que je souhaitais gâcher. La pride a été un lieu si important dans ma construction, dans mon évolution au sein de la communauté. J'avais su y rencontrer des personnes extraordinaires qui m'avaient guidé avec tant de bienveillance. Il était temps désormais que je transmette tout ce que l'on avait su m'apporter. Je me sens prêt pour ce genre d'action, pour donner de la visibilité à notre communauté. « Quelques-uns de mes élèves ont voulu créer une danse pour l'occasion. » Ils avaient sur me donner l'excuse parfaite pour parfois m'attarder au studio plus que de raison. « Je vais marcher avec eux, mais tu sais que tu es toujours le bienvenu. » J'aimerais que le défilé de la pride soit un bon moment, un réel partage pour créer de nouveaux liens et pourquoi pas, proposer un lieu safe a ceux que l'on pourra rencontrer. « Certains sont encore des bébés dans la communauté, voire même pas vraiment out. » C'est si important de leur montrer que tout est possible, malgré ce que la société peut parfois bien leur raconter. « J'aimerais pouvoir leur présenter notre studio comme un endroit safe même s'ils ont juste besoin d'échanger. » En rien, je ne cherche à utiliser notre couple comme pouvoir de vente, ce n'est clairement pas le cas et j'espère que Clément le sait. « Certains aimeraient beaucoup te rencontrer. » Parce que malgré tout, j'ai toujours parlé de lui. Le studio est tenu par un couple d'hommes, on ne le cache à personne, mais Clément a été bien trop absent.

C’est un long, doux, délicieux et puissant frisson qui descend le long de mon échine lorsque les lèvres de Loan se posent délicatement sur son épaule et ses mains sur mon ventre. Fermant un instant les yeux, j’apprécie totalement la proximité de mon copain et, venant caresser ses doigts avec les miens, je fais durer l’étreinte encore quelques secondes de plus jusqu’à ce que Loan ne se recule. Souriant doucement, je lui lance un coup d’oeil au-dessus de mon épaule puis retourne à la préparation de mes crêpes. Quelques minutes plus tard, j’apporte le plateau à la table et laisse Loan se servir, le mettant toutefois en garde de ne pas me remercier trop rapidement.

Lorsqu’il goûte, ses gestes sont bien trop contrôlés, si bien que je suis rapidement persuadé qu’il ne joue que la comédie. Ou peut-être pas ? Je fronce légèrement les sourcils lorsque, sur un ton des plus sérieux, il me dit que ça manque de sucre et j’étais déjà près à me lever pour aller lui chercher le paquet de sucre afin qu’il en ajoute, mais il finit par exploser de rire en disant que c’est très bien comme c’est. Je soupire doucement et lève un instant les yeux au ciel avant de secouer légèrement la tête  «C’est que tu commence à t’améliorer en terme de comédie » dis-je en mordant dans ma propre crêpe que j’ai garni de pâte à tartiner au chocolat.  «J’aurais presque cru que t’était sérieux, tu sais » je laisse un demi sourire amusé se dessiner sur mes lèvres avant de prendre une gorgé de mon café et changer complètement de sujet.

La pride month et comment mettre en valeur notre studio. Loan m’explique que quelques unes de ses recrues avaient dans l’idée de faire un petit spectacle de danse et que dans tous les cas il marchera avec eux dans un cortège car c’est quelque chose qui lui tien à cœur mais que, évidemment, je suis totalement le bienvenue pour me joindre à eux. Ainsi, il aimerait prouver à ceux qui sont encore des ‘bébé de la communauté’ comme il le dit si adorablement, voire qui ne sont même pas encore out, que notre studio est le safe space dont ils ont besoin et sur lequel ils peuvent compter. Il aurait pu s’arrêter là, mais décide de me donner à nouveau conscience en disant que la plupart de ses danseurs aimeraient me rencontrer.

Déglutissant, je baisse le regard et pince les lèvres, tout appétit s’étant brusquement volatiliser. Ce n’était sûrement pas dit de façon méchante et Loan ne pensait sans doute pas à mal en me disant ça comme ça, mais ça fait mal. Vraiment mal.  «je sais » dis-je simplement sur un ton bien plus froid que ce que je ne voudrais. N’a-t-il pas vu tous les efforts que j’ai déjà fait ? N’en a-t-il rien à foutre ? Je secoue doucement la tête pour chasser mes pensées négatives puis relève mon regard sur Loan  «pas besoin d’y revenir, à tout ça, ok ? » tout ça signifiant la période noire par laquelle est passé notre couple  «Je sais que j’ai merdé, je sais que j’ai beaucoup de chose à rattraper, mais je le fais. J’ai préparé plein de cours et pleins de thèmes que j’aimerais aborder. Faut ...juste me laisser le temps de mettre tout ça en place. Ok ? » mon ton se fait plus doux et mon regard plus suppliant, n’ayant absolument aucune envie que Loan de remette tout cela encore sur le dos.

C’est que je voudrais le taquiner un peu, jouer sur l’ambiance légère pour lui renvoyer la balle quand il a si souvent utilisé ses talents d’acteur contre moi. Je vois dans son regard qu’il hésite, qu’il est prêt à se lever dans la seconde pour aller chercher du sucre. Nos regards se croisent et je me mords la lèvre pour ne pas exploser de rire. C’est bien mon problème dès que je tente une blague, je ne sais absolument pas garder mon sérieux et Clément le sait parfaitement. Il est bien trop poli lorsqu’il souligne le fait que je m’améliore quelque peu ces derniers temps. « J’ai clairement pas ton talent. » Ou alors, je suis bien plus crédule que lui. C’est probablement cela le souci en réalité, je tombe dans le panneau avec la naïveté d’un enfant de cinq ans.

La conversation avance en douceur, on prend le temps, tout semble calme. Je glisse un petit bout de crêpe à Moana alors que Clément s’applique à étaler toute la pâte à tartiner du monde sur son assiette. Un sourire se dessine sur le coin de mes lèvres alors que je l’observe s’activer. C’est l’homme que j’ai en face de moi qui m’avais tant manqué. Quand il paraît insouciant, quand il chantonne à chaque chose qu’il est en train de faire. On évoque la pride et tout ce qui serait possible de faire autour de cet événement, mais une fois encore Clément s’en va trop rapidement à une conclusion qui n’existe que dans son esprit. Je tente de ne pas partir au quart de tour. Je prends le temps de soupirer légèrement, de finir ma bouchée et boire un peu de café avant de relever les yeux vers lui. « Clément… C’est pas ce que j’ai dit. » Jamais je n’ai eu l’intention de diriger mes mots vers un reproche déguisé. « Tout ce que je voulais dire, c’est que je leur parle tellement de toi, qu’ils veulent te rencontrer. » Rien de plus. Pas de sous-entendu, pas de reproche. « Juste ça. Il n’y avait pas de reproche. » Et cela m’attriste dans le fond, qu’il l’interprète de suite ainsi. Malgré tout, ma main vient chercher la sienne pour la serrer longuement. « Tout le monde a compris que tu préparais quelque chose de spécial et tu sais que tous tes cours sont déjà complets ? » Je lui souris un peu. « On est impatient de te retrouver, mais tout le monde respecte le rythme dont tu as besoin Clément. »

Il n'aura fallut que d'une phrase de Loan pour que je me sente mal, que la honte ne me saute à la figure et que je me rende compte à quel point mon esprit s'est encore emballé sans crier gare. Dans ses paroles, il n'y avait pas de sous entendu ni aucun reproche, il a juste dit que les gens voulaient me voir. Juste ça. Rien de plus. En y réfléchissant, même son ton était tout à fait normal et informatif. Mais alors pourquoi est-ce que je l'ai mal prit ? Pourquoi est-ce que je l'ais pris comme une attaque personnelle ? Je soupire doucement et baisse le regard lorsque Loan m'explique le fond de ses pensées, me rassurant grandement au passage et hoche la tête.  « Désolé» m'excusais-je à mi voix alors que je retire doucement ma main de celle de mon copain. Je continue de manger quelques instants, laissant le silence s'installer entre nous mais décide de ne pas le laisser prendre trop d'ampleur.

 « Bon du coup...» reprenais-je en me redressant, relevant mon regard sur Loan  «pour la Pride tu peux compter sur moi évidemment aussi. Sybbie m'a envoyé hier son design de flyers pour l'association » j'abandonne ma place et me lève pour aller chercher mon ordinateur que je pose sur la table. Après quelques secondes de recherches, j'ouvre l'image qu'elle a créé  « Si ça te convient, on pourrait peut-être imprimer le tout cette semaine et les distribuer dans les différents commerce et tout ça » proposais-je dans un haussement d'épaules.

 « Au fait ...» reprenais-je finalement après avoir fini mon café quelques minutes plus tard  «J'ai prit une décision par rapport à mon avenir professionnel » je pince les lèvres, hésitant puis souris doucement  «Je vais arrêté la comédie musicale. En y réfléchissant bien, ça ne m'a apporté que des emmerdes : entre le burn out, les différentes blessures, les phases de dépressions...bref, je vais retourner à mon amour premier qu'est le théâtre » assurais-je en posant mes couverts sur mon assiette et en m'adossant contre le dossier de ma chaise  «J'ai une audition la semaine prochaine pour un rôle dans une pièce qui se produira au Southern Cross Theater. je vais donc abandonner ma place dans la Northlight parce que sinon ça fera trop. L'avantage c'est que je peux facilement gérer mon emploie du temps ce qui me laissera donc pas mal de liberté pour les cours au studio et les répétitions » concluais-je, priant pour que la réaction de Loan soit celle que j'espère et qu'il ne pense pas que je l'abandonne.

Dès l’instant où il comprend que mes intentions étaient bien loin d’être mauvaises, Clément se renferme dans sa bulle. Plus aucun contact et son regard qui se fixe dans le fond de son assiette. Un instant, je l’observe alors qu’il semble perdu dans sa propre bataille. Je sais qu’il ne cherche pas à réagir de manière aussi intense, que tout lui vient sans explication dans un drôle de mécanisme de défense. Même s’il ne le verra probablement pas, je lui offre tout de même un sourire rassurant. Petit à petit, je me fais à ses réactions. Au fur et à mesure, j’apprends à désamorcer la bombe, à mieux formuler mes expressions pour ne plus créer de tensions, mais il faut croire que je ne maîtrise pas encore parfaitement l’exercice.

Heureusement, Clément ne met pas longtemps à rebondir, préférant évoquer les plans d’avenirs. Il me dit avoir vu avec son amie pour quelques flyers et je hoche la tête suite à son idée. « Oui, on fera ça ensemble. » Je me doute que cela va se finir par un tour de la ville en skateboard pour lui, à vélo pour moi. Cela pourrait être une sortie amusante, histoire de nous changer un peu. « Comment va Sybille ? » J’ose imaginer que les deux amis ont réussi à se parler et j’ose espérer qu’ils feront perdurer ce lien qui leur était si cher.

Alors que j’allais débarrasser la table, il reprend la parole d’une manière bien trop solennelle. Je me coupe dans mon élan pour mieux m’asseoir et l’écouter avec attention. Il semblerait qu’il ait réellement pris le temps de réfléchir à son avenir professionnel et qu’un plan, ce soit dessiner dans un coin de sa tête. Juste quand j’allais m’interroger sur le bien-fondé de ce revirement de situation, je finis par entrapercevoir cet éclat si particulier au fond de ses pupilles. Cette petite étincelle que j’ai toujours aimée chez lui et qui avait disparu ces dernières semaines. Il a retrouvé la flamme et surtout une envie de se produire à nouveau. D’un sourire amusé, je laisse mon pied glisser jusqu’à sa chaise afin de l’attirer vers moi. Je prends le temps de lui voler un baiser avant de murmurer : « Je suis fier de toi. » Fier qu’il ait pu remonter la pente, fier de le voir prendre des décisions qui semblent meilleures pour son bien-être. « Mais promets-moi une chose. » que je lance malgré tout, pour ne plus commettre les mêmes erreurs. « Retournes-y en douceur, d’accord ? » C’est-à-dire, ne pas se mettre une pression de dingue, accepter un potentiel échec et surtout communiquer. « Tu seras parfait au théâtre, j’en doute pas une seule seconde. » que j’ajoute alors avant de revenir capturer ses lèvres dans un doux baiser. « Tu vas auditionner pour quelle pièce ? Et quel rôle ? » Me voilà curieux de tout connaître désormais.

Il faut vraiment que je me calme, que j'arrête de réagir au quart de tour et que je cesse d'entendre du sous entendu là où il n'y en a pas. Alors, préférant ne pas revenir sur le fait que je me sois à nouveau emporter un peu trop facilement, je fini par changer complètement de sujet et, me levant, j'attrape mon ordinateur pour montrer le design de flyer que Sybbie a fait pour que nous puissions faire correctement la promotion de notre association. D'un hochement de tête, Loan approuve puis, reposant son regard sur moi, il me demande si j'ai pu parlé avec Sybbie.  « oui» dis-je doucement en relevant la tête  «je me suis expliqué, je lui ai enfin tout raconté et elle s'est montré très compréhensive. Peut-être même un peu trop mais soit » j'hausse les épaules puis fini la dernière bouché de ma crêpe.

Quelques minutes et un café plus tard, je reprend finalement la parole pour expliquer à Loan ma décision : celle de tirer un trait sur le comédie musicale et de me concentrer sur le théâtre, lui annonçant en même temps que j'ai déjà décroché une audition pour un rôle dans une pièce qui se déroulera au théâtre dans quelques mois. Loan, comme à son habitude, est incroyable mais ne peut s'empêcher de se montrer un peu inquiet lorsqu'il me demande de lui promettre d'y retourner en douceur. Je lui offre un sourire serein et hoche la tête  «promis » assurais-je, solennelle, avant que mon sourire ne s'agrandisse un peu plus  « C'est une pièce qui est produite par le Gretchen Schwartz, la productrice qui s'occupe du Sunset Garden. Ils sont pas très connu, mais elle, elle commence à avoir une certaine renommé aux USA. Il me semble qu'elle est né et a grandit à Chicago mais que l'Australie est son pays d'adoption. » je fronce un instant les sourcils  «Bon dans tous les cas c'est une très grande amie de Charles, c'est lui qui m'a recommandé quand il a sut mon projet et que le Sunset Garden cherchait un comédien pour remplacer celui qui leur à fait faux bon à la dernière minute » je souris doucement puis me lève et rassemble les assiettes et me préparer pour ce qui sera notre plus belle journée depuis plus d'un mois.