For once in my life, I have someone who needs me, someone I've needed so long. For once, unafraid, I can go where life leads me. Somehow I know I'll be strong.
Andrew observa pour, probablement, la cinquantième fois qu’il était entré dans le magasin son caddie. Qui était déjà bien trop rempli. Pourtant, il avait pris soin de retirer quelques articles quand il s’était rendu compte qu’il n’avait plus de place, alors qu’il était dans le magasin depuis seulement cinq minutes. A l’origine, il était censé attendre Mia. Mais après avoir attendu approximativement dix secondes sur le parking, il était rentré et avait commencé à remplir son chariot. Il n’était pas sûr que tout soit utile. Il en était même sûr. Mais il était un peu perdu. Il avait hâte que Mia arrive pour l’aider avec tout ça. Il regarda l’heure. Conscient qu’elle ne devait pas être très loin et qu’elle était sûrement déjà en train de chercher sa voiture, il lui fit un message précisément qu’il était au rayon salle de bain. Elle finirait bien par le trouver.
Il ne lui avait pas dit pourquoi il l’avait fait venir. Il comptait lui montrer les papiers qu’il avait dans son sac à dos. Il n’en avait encore parlé à personne. Pour la première fois depuis longtemps, Andrew était anxieux. Il ne savait pas s’il avait raison d’entamer les démarches qu’il avait commencé à entamer. Est-ce qu’il serait capable de tenir la cadence ? Est-ce qu’il serait capable, cette fois, d’assumer l’ensemble de ses responsabilités ? Les doutes rongeaient son âme et la seule personne qui arriverait à apaiser son âme, c’était bien sa fille. Perdu dans ses pensées, Andrew essaya de se concentrer de nouveau sur l’étal devant lui. Bordel, pourquoi c’était si dur de choisir un nouveau rideau de douche ? Plutôt blanc à rayures ou noir avec des triangles blancs ?. Il voulait que tout soit parfait. Il n’avait pas le choix.
Il fut tiré de ses tergiversations par les pas de sa fille qui arrivait dans le même rayon que lui. Elle sembla surprise par la quantité d’articles qu’Andrew avait déjà accumulés, mais comme à son habitude, il ne lui laissa pas le temps d’en placer une. Il déposa un baiser sur son front, sans quitter des yeux les fameux rideaux de douche. “Hello, princesse”. Il ne lui demanda même pas comment elle allait, bien trop fasciné et inquiet par ce qu’il allait pouvoir choisir. “Lequel tu préfères, Mia ? T’as déjà vu ma salle de bain non ? Tu dois bien savoir lequel irait le mieux ?”. Il parlait beaucoup trop vite. Beaucoup trop tout court. Il était conscient que Mia ne comprenait sûrement rien pour le moment. Mais il avait un peu peur. Peur de sa réaction face à ce qu’il allait lui annoncer, des projets qu’il avait en tête. Qui étaient plus que de simples projets, au vu des papiers dans son sac. “J’aurais aussi besoin de toi pour un tabouret. Et une lampe pour la...chambre d’amis”. La “chambre d’amis”. Chambre qui ne pourrait plus vraiment accueillir d’amis, si son projet voyait le jour. Mais qui porterait très certainement, sur la porte, et de manière pérenne, des lettres en bois au nom de Bonnie.
Je ne sais pour quelle raison mon père m’invite à le rejoindre dans un magasin de décoration à Redcliffe mais je n’ai pas pu refuser l’invitation. J’ai d’ailleurs quitté le travail plus tôt cet après-midi exprès pour pouvoir le rejoindre. C’est surtout pour moi l’occasion de passer du temps avec lui. Peut-être que l’envie lui prend de donner un coup de fraicheur en matière de décoration dans sa nouvelle maison qu’il a acquis maintenant depuis quelques mois. J’espère ne pas l’avoir froissé à propos de sa déco en me permettant certains commentaires lors de mes visites. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il me demande de me joindre à lui, ayant pris mes remarques au pied de la lettre ? Un sourire apparait sur mes lèvres en y pensant alors que je conduis en direction du magasin où il m’a donné rendez-vous. Un sourire amusé mais pas que. Un sourire détendu, semblable à mon état d’esprit actuel. Cette relation avec mon père qui se reconstruit de jour en jour me donne du baume au cœur, quand encore quelques mois auparavant je ne pensais plus cela possible. Les blessures resteront mais j’accepte de prendre le risque de nous redonner cette chance de retrouver cette relation si fusionnelle que nous avions alors que j’étais enfant. Parce que, même si je ne le dirais pas, sa présence à Brisbane me rassure. Le savoir si proche m’apaise aussi quand le quotidien devient difficile. Comme au mois de février où j’ai trouvé refuge chez lui après l’hospitalisation de deux de mes meilleurs amis. Ses mots m’ont apaisé, l’échange que nous avons eu nous a aussi permis de repartir sur de bonnes bases. Et puis, si la présence de mon père m’apaise, il y a celle quotidienne d’Alec aussi qui me rassure et qui me comble. Ma rêverie est d’ailleurs interrompu par le message de mon père qui m’indique le point exact dans le magasin où je peux le retrouver alors que je suis en train de me garer sur le parking attenant au magasin.
Je parcoure alors les rayons, suivant les indications sur les pancartes alors que je finis par trouver celle du rayon salle de bain. Compte-t-il changer enfin ce porte savon qui date de l’an quarante ? M’a-t-il vraiment pris au mot la dernière fois ? J’approche alors de lui, sourire aux lèvres alors qu’il semble observer des rideaux de douche. Oui, lui aussi méritait d’être changé. « Hello princesse ». Ce surnom qu’il utilise a toujours le don de me replonger en enfance et un sourire radieux s’affiche sur mes lèvres « Bonjour papa ». Je m’avance pour l’étreindre mais il semble plus préoccupé par les rideaux de douche, me mettant ainsi un vent royal, m’obligeant à me figer avec un air ahuri « Lequel tu préfères, Mia ? T’as déjà vu ma salle de bain non ? Tu dois bien savoir lequel irait le mieux ? ». J’écarquille un peu plus les yeux, ne comprenant pas où était le rush dans son choix de rideaux « Euh… Je dirais, aucun des deux ? » je réponds alors en haussant les épaules. Je ne lui suis pas d’une très grande aide, et je sens l’air dépité arriver incessamment sous peu. Mon regard se tourne alors vers le caddie qui est derrière lui… Un caddie rempli à ras bord. Je me penche pour observer un peu plus le truc, arquant un sourcil avant de reporter mon regard sur lui « J’aurais aussi besoin de toi pour un tabouret. Et une lampe pour la … chambre d’amis ». Il ne semble pas s’agir que d’un simple réaménagement de la salle de bain mais de toute la maison. Je viens alors à croiser mes bras sur ma poitrine, sentant mon père un peu trop stressé. « Ok, tu m’expliques quelle mouche t’a piqué pour que tu décides de revoir toute ta décoration de fond en comble ? Si c’est parce que je t’ai fait des remarques la dernière fois, c’était de l’humour. Demande à Geo, je lui en fait tout le temps et il a rien changé du tout. Bon lui, il est borné et grognon, ça s’explique. Mais toi… ». Je grimace alors, cherchant à comprendre alors que je laisse tomber mes bras le long de mon corps. « Et puis, pourquoi tu as besoin d’une lampe pour la chambre d’ami ? Tu comptes avoir des amis qui viennent te rendre visite ? ». Je me retiens de rire, pinçant mes lèvres entre elle pour ne pas qu’il voit que je me moque légèrement de lui. Je viens alors à me mettre sur la pointe des pieds pour venir déposer un bisou sur sa joue pour enfin le saluer (et peut-être aussi pour me faire pardonner de la mauvaise blague).
For once in my life, I have someone who needs me, someone I've needed so long. For once, unafraid, I can go where life leads me. Somehow I know I'll be strong.
La décoration, ça n’était pas franchement le fort d’Andrew. Il avait bien fait des efforts quand il avait emménagé à Brisbane, en s’inspirant de ce qu’il avait pu voir dans des catalogues ou en magasin, mais disons qu’il n’avait aucun sens de l’esthétique. Alors choisir un rideau de douche ou une lampe qui serait assortie au papier peint, c’était un peu trop pour lui. Il prit à peine le temps de répondre aux salutations de sa fille, tant il était concentré sur sa tâche. Il était certain que si on l’avait laissé quelques minutes de plus tout seul, il se serait mis à transpirer à grosses gouttes. « Euh… Je dirais, aucun des deux ? ». Andrew lâcha un gros soupir de désespoir. On aurait presque dit qu’il était face à un dilemme cornélien, un peu comme dans Matrix. Sauf que les enjeux étaient sûrement un peu moins hauts. Il ne répondit pas, enchaînant sur la suite des emplettes qu’il avait à faire. Peut-être qu’il allait trop vite ? Peut-être qu’il aurait dû attendre avant de faire tous ces achats ? « Ok, tu m’expliques quelle mouche t’a piqué pour que tu décides de revoir toute ta décoration de fond en comble ? Si c’est parce que je t’ai fait des remarques la dernière fois, c’était de l’humour. Demande à Geo, je lui en fait tout le temps et il a rien changé du tout. Bon lui, il est borné et grognon, ça s’explique. Mais toi… ». Andrew tourne alors la tête vers sa fille. Elle a l’air aussi désemparée que lui, mais sûrement pas pour les mêmes raisons. « Et puis, pourquoi tu as besoin d’une lampe pour la chambre d’ami ? Tu comptes avoir des amis qui viennent te rendre visite ? ». Elle avait marqué un point. A part Geo, et éventuellement sa fille, il ne recevait personne. Pas qu’il était asocial... Peut-être un peu, sur les bords. Triturant les bords du rideau qu’il tenait toujours en main, il chercha une excuse à raconter à Mia. Il ne voulait pas le lui dire tout de suite. Peut-être qu’elle commencerait à comprendre par elle-même au fur et à mesure de leur balade dans le magasin. “Je n’ai pas le droit de vouloir rendre mon foyer accueillant ?”. C’était ridicule. Mia savait très bien que son père n’en avait rien à faire. Déjà avant qu’il parte de Brisbane, c’était surtout Mary qui se préoccupait de la couleur du tapis et du verre à brosses à dents dans la salle de bain. Andrew, du moment qu’on lui proposait une chaise, un bureau et un ordinateur, il était content. On aurait tout aussi bien pu l’installer dans une cave que ça lui aurait convenu. Il tenta toutefois de lancer un premier indice. “Bonnie passe beaucoup de temps à la maison, tu sais...Alors je me suis dit que, peut-être, elle apprécierait des petits changements”. Les papiers dans son sac se faisaient soudainement plus lourds. Il devrait cracher le morceau au bout d’un moment. Peut-être au rayon couvertures. Ou au maigre rayon de jouets. “Bon, quelle couleur, le rideau de douche, du coup ?”. Andrew s’impatientait légèrement, le stress parlait pour lui.
Une fois le rideau choisi, Andrew se dirigea vers les rayons du magasin destinée pour les enfants. Il saurait trouver une lampe parfaite pour Bonnie, ici. Il commença à scruter chaque détail de chaque lampe minutieusement. Celle-ci était trop rugueuse, celle-ci avait des bords trop durs. Il avança un peu plus dans le rayon, sans trop rien dire. Il s’avança vers les veilleuses. Il en avait repéré une parfaite. Il la prit dans ses mains, l’observant longuement. Il avait soudain les larmes qui lui montaient aux yeux. Il espérait qu’il prenait la bonne décision. Il espérait que Mia serait d’accord. Qu’elle le soutiendrait. Il tendit la veilleuse à sa fille. “Tu penses que ça lui ferait plaisir ?”. Il savait qu’il était resté énigmatique jusque-là. Il voulait attendre encore un peu. Prendre son inspiration avant de sortir les papiers de son sac. Il avait peur de la réaction de Mia. De sa princesse, son bébé.
J’ignore totalement pourquoi mon père cherche absolument à redonner un coup de neuf à son intérieur. Enfin, cela dit, cela s’entend, surtout que celui-ci faisait un peu vieillot et, au final, je devrais plutôt me réjouir qu’il se lance enfin dans la modernité. Mais cela ne lui ressemble pas et surtout il semble si stressée que je ne comprends pas réellement l’intérêt. Je tente d’ailleurs de le détendre avec un peu d’humour, je viens même à déposer un baiser sur sa joue mais même ça, il en a rien à faire, cela ne le fait même pas réagir, lui qui est pourtant toujours très tactile avec moi. Il y a forcément quelque chose qu’il me dit pas et je finirais bien par le savoir. « Je n’ai pas le droit de vouloir rendre mon foyer accueillant ? ». A ça, je grimace, parce que cette excuse n’est pas vraiment crédible. Je pouffe de rire, mais n’ajoute rien de plus, croisant mes bras sur ma poitrine alors que mon père malmène les rideaux de douches que j’ai désapprouvé à son grand regret. « Bonnie passe beaucoup de temps à la maison, tu sais… Alors je me suis dit que, peut-être, elle apprécierait des petits changements ». J’arque un sourcil, toisant un peu mon père du regard « Tu penses sincèrement que Bonnie va s’attarder sur la déco ? A moins qu’elle soit décoratrice d’intérieur et que cette petite continue à me surprendre de jour en jour, je doute qu’elle t’en veuille si tu laisses ton vieux rideau de douche de grand-mère ». Je grimace, pas sûre là encore que mon père apprécie mes dires, ce qui me fait hausser les épaules, d’un air innocent. Mais je ne comprends pas pourquoi il se met autant de pression et surtout pourquoi son chariot déborde à ce point « Bon, quelle couleur, le rideau de douche, du coup ? ». Il semble déterminer alors je finis par lui en montrer un, non sans un sourire en coin « Regarde, un avec les princesses Disney serait parfait. Là c’est sûr, Bonnie risque fortement de le remarquer ET de l’apprécier. Et je te vois tellement aussi dans ce décor de princesse, Papa. C’est moi qui finirais par t’appeler comme ça, d’ailleurs ». Je me retiens de rire et il ne serait pas surprenant que mon père finisse par regretter fortement de m’avoir appelé pour l’aider dans ses choix de nouvelle décoration pour la maison.
On se retrouve dans le rayon enfant, et plus précisément au niveau des lampes. Je laisse mon père observer les luminaires de son côté, et j’en fais de même du mien. Au point où je me perds un peu dans mes pensées, un petit sourire étirant mes lèvres alors que je tombe sur une lampe adorable. Une idée stupide me traverse l’esprit, ne comprenant pas pourquoi je viens à faire le lien entre une lampe pour enfants et… mes potentiels futurs enfants, ceux que je me permets d’envisager avec Alec, si notre histoire continue sur cette voie. Cette vie que nous rêvons tous les deux, celle d’une vie de famille, celle dans laquelle j’espère nous parviendrons un jour à nous projeter… une vie qui reste pour le moment en suspens, quand je sais aussi que son implication dans le Club n’est pas compatible avec tout ça. Je dépose délicatement cette lampe, mon sourire toujours présent alors que mon père vient à m’interpeller « Tu penses que ça lui ferait plaisir ? ». Mon père a l’air vraiment chamboulé et j’ai besoin de comprendre réellement ce qui se passe dans son esprit pour être ainsi. Je reporte d’abord mon regard sur la lampe en forme de koala, ce qui me fait sourire « Evidemment, même à moi si tu venais à m’offrir la même je serai heureuse », je lance alors sur un ton doux. Je m’approche alors de mon père « Papa, qu’est-ce qui se passe réellement ? Les rideaux de douche, maintenant une lampe ? Je sais que tu n’es pas du genre émotif et attaché à de simples objets. Alors dis-moi sincèrement, qu’est-ce qu’il y a ? » je demande alors prudemment, espérant qu’il fasse preuve de franchise.
For once in my life, I have someone who needs me, someone I've needed so long. For once, unafraid, I can go where life leads me. Somehow I know I'll be strong.
Andrew savait pertinemment qu’il n’était pas crédible. Pas du tout, même. Même s’il avait déjà passé un peu de temps à bricoler dans leur ancien garage, on ne pouvait pas dire qu’il était un amateur de décoration. Ses compétences s’arrêtaient à l’utilisation d’un marteau et de clous. Pour sa maison à Brisbane, il avait fait des efforts. Et par “efforts”, il fallait entendre qu’il avait attrapé un magazine dans un coin de magasin et qu’il avait tenté de reproduire la même chose chez lui. Ca avait...plus ou moins porté ses fruits. Mais il savait très bien que Mia n’était pas dupe. Elle savait que son père tramait quelque chose et il faudrait bien qu’il crache le morceau, tôt ou tard. « Tu penses sincèrement que Bonnie va s’attarder sur la déco ? A moins qu’elle soit décoratrice d’intérieur et que cette petite continue à me surprendre de jour en jour, je doute qu’elle t’en veuille si tu laisses ton vieux rideau de douche de grand-mère ». Andrew continuait d’observer, désespéré, les morceaux de tissus qui s’étalent devant lui. Ses mains tremblaient, et il avait horreur de ça. “Peut-être qu’elle veut devenir architecte, je suis certain qu’elle a déjà l'œil, malgré son jeune âge…”. Il essayait tant bien que mal de se sortir de la situation dans laquelle il s’était mis tout seul. Mais il allait devoir parler. Mia aussi commençait à s’impatienter. Les mots tournaient en boucle dans sa tête, il essayait de trouver la meilleure façon d’annoncer ça à Mia. Au fond de lui, il avait peur qu’elle le prenne mal. Qu’elle lui en veuille. Qu’elle croit qu’il veuille la remplacer. Mais ce n’était pas du tout le cas. « Regarde, un avec les princesses Disney serait parfait. Là c’est sûr, Bonnie risque fortement de le remarquer ET de l’apprécier. Et je te vois tellement aussi dans ce décor de princesse, Papa. C’est moi qui finirais par t’appeler comme ça, d’ailleurs ». Andrew tourna la tête vers sa fille, les sourcils froncés. Par pitié, pas encore des princesses. Bonnie ne faisait que de parler de princesses. Si elle le pouvait, elle se promènerait bien dans la robe que Mia lui avait offerte à longueur de journée. Et par “à longueur de journée”, Andrew sous-entendait qu’il était parfois difficile de lui faire retirer la robe pour qu’elle prenne une douche. Il pointa un doigt vers sa fille. “Je te préviens, si je rapporte ne serait-ce que l’ombre d’une princesse chez moi, une peluche, un DVD, peu importe, je vais devenir fou !”
Changement de rayon, mais pas de changement dans l’état d’esprit d’Andrew. Il observe les veilleuses, la gorge légèrement nouée. Est-ce qu’il faisait le bon choix ? Est-ce qu’il était sûr de prendre la bonne décision ? « Evidemment, même à moi si tu venais à m’offrir la même je serai heureuse Papa, qu’est-ce qui se passe réellement ? Les rideaux de douche, maintenant une lampe ? Je sais que tu n’es pas du genre émotif et attaché à de simples objets. Alors dis-moi sincèrement, qu’est-ce qu’il y a ? ». Andrew déglutit péniblement. En reposant la veilleuse sur l’étagère, il manque de faire tomber la moitié des autres bibelots déposés là. Il avait terriblement envie d’une cigarette, mais ce n’était pas le lieu. Il aurait toujours pu s’enfuir en courant du magasin, prétexter qu’il avait eu terriblement mal au ventre, d’un coup. Ce qui n’était pas tout à fait faux. Andrew baissa la tête, fixant le sol un petit moment. Il avait du mal à trouver les mots. Aussi, il récupéra son sac à dos, dézippant la fermeture éclair. Il en sortit la paperasse qu’il avait prévu de montrer à Mia. “J’ai...entrepris des démarches”. Il passa sa langue sur ses lèvres, continuant à chercher les mots. Il essaya de trouver le courage dans les veilleuses koala, qui lui souriaient bêtement. “Depuis que je travaille au centre, et que je bosse avec tous ces gamins…”. Il marqua une légère pause. Pas avec n’importe quel gamin. “Enfin, surtout avec Bonnie, comme tu l’imagines bien…”. Il était beaucoup trop nerveux. Il passa sa main dans ses cheveux, comme si ça allait l’aider à cracher le morceau. “J’ai fait la demande pour être famille d’accueil, Mia”. Il serra les dents, essayant d’anticiper la réaction de sa fille. Mais ce n’était pas tout ce qu’il avait prévu de dire. “Pour éventuellement accueillir Bonnie”. Il fixait Mia. A la fois impatient et stressé de découvrir la réaction de sa première princesse. Son avis comptait plus que tout. Même si rien n’était sûr, que tout était hypothétique pour le moment, il avait hâte. Le genre de hâte qui vous donnait des papillons dans le ventre...et la terrible sensation d’avoir envie de vomir, aussi.
La situation me fait plus rire qu’autre chose pour le moment. Mon père est beaucoup trop obnubilé par les rideaux de douche, au point de s’en rendre malade. J’ignore pourquoi il se met dans un état pareil alors que Bonnie ne vient chez lui que de temps en temps et, vu son âge, ne s’attardera sûrement pas sur ce détail futile « Peut-être qu’elle veut devenir architecte, je suis certain qu’elle a déjà l’œil, malgré son jeune âge… ». J’ai envie de lancer à mon père un tu t’entends parler ? mais je le garde pour moi. Je vois que ses mains sont tremblantes, ce qui me fait arquer un sourcil, ne comprenant vraiment pas pourquoi il est ainsi. Je tente d’apaiser cette tension qu’il semble avoir, lui montrant un rideau de douche des princesses Disney qui plaira pour sûr à Bonnie. Mais quand je vois la tête de mon père, qui prend un air grave et vient à pointer son doigt vers moi, je me ravise « Je te préviens, si je rapporte ne serait-ce que l’ombre d’une princesse chez moi, une peluche, un DVD, peu importe, je vais devenir fou ! ». Je lève les mains en l’air et laisse échapper un « OK, désolé », laissant retomber le rideau que je lui montrais sur le portant. Au point qu’on repart du rayon sans aucun rideau de douche, et que je viens à le suivre en traînant le pas derrière lui vers un autre rayon, un comportement similaire à lorsque j’étais gamine.
Il me demande mon avis sur une lampe en forme de koala. Je le rassure en lui disant que c’est un très bon choix mais je sens qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Alors je lui demande de me parler sincèrement et de me dire la vérité. Je le regarde reposer cette lampe et il manque de faire renverser tous les bibelots d’à côté. Je m’inquiète de plus en plus, craignant le pire « J’ai…entrepris des démarches ». J’attrape le papier qu’il me tend, celui qu’il sort de son sac. Mon cœur commence à s’emballer, un nœud dans l’estomac se manifestant. J’imagine évidemment des démarches pour vendre la maison qu’il a acheté il y a peu, et je mets alors du temps à vouloir poser mes yeux sur la feuille de papier « Depuis que je travaille au centre, et que je bosse avec tous ces gamins… Enfin, surtout avec Bonnie, comme tu l’imagines bien… ». Mon regard se relève alors sur lui « J’ai fait la demande pour être famille d’accueil, Mia (…) Pour éventuellement accueillir Bonnie ». Je comprends alors de quoi il en retourne, ce qui le rend aussi nerveux depuis que je l’ai rejoint. Mon regard vient à se poser une seconde fois sur la feuille de papier, que je prends le temps de lire davantage. Un silence s’installe, un silence qui doit être un peu trop long pour lui, mais involontaire de ma part « Ce serait le temps que quelqu’un veuille l’adopter ? », je fais alors que je vois le formulaire à moitié remplie et que j’y jette un troisième coup d’œil. Mon air est sérieux, je ne laisse rien transparaitre pour le moment sur l’opinion que je peux avoir de sa démarche. Et puis, lorsque je relève à nouveau mon regard sur lui, un sourire s’affiche alors que je m’approche de lui, posant ma main sur son avant-bras, adoptant un ton rassurant « C’est super papa ». Je marque une pause « Pourquoi tu es si angoissé comme ça ? Je trouve que c’est une bonne chose. Pour toi mais surtout pour Bonnie ». Je réfléchis un peu aux motivations de mon père à ce sujet, lui rendant le formulaire alors que ma main quitte son avant-bras « Je suppose que les choses ne se sont pas améliorées avec sa mère ? » mon regard s’attriste quand je pense à la vie difficile que cette petite connait alors qu’elle est à peine âgée de trois ans « En tout cas, je t’encourage à poursuivre ta démarche, papa. Et si tu as besoin de quoi que ce soit… tu peux compter sur moi ». Je lui souris, un sourire qui se veut rassurant alors que je viens à attraper la veilleuse en forme de koala « Commençons d’ailleurs par prendre cette petite lampe qui, je suis sûre, lui plaira… » Je tourne mon regard vers une autre lampe non loin de là, un sourire amusé au coin des lèvres « parce que je pense que si je te propose encore la lampe avec les princesses là-bas, je vais encore me faire remonter les bretelles ».
For once in my life, I have someone who needs me, someone I've needed so long. For once, unafraid, I can go where life leads me. Somehow I know I'll be strong.
Andrew était rarement stressé. Du moins, il essayait de ne pas trop l’être. Il détestait ça. Les maux de ventre, la sensation d’avoir la gorge nouée, la transpiration excessive qui donnait l’air d’un abruti...Non, c’était très peu pour lui. Au cours de sa vie, il n’avait pas eu beaucoup l’occasion d’être stressé. Disons qu’avec son ancienne profession, et même celle qu’il exerçait actuellement, il valait mieux garder son sang froid. Hors de question de trembler le scalpel à la main ou pendant qu’on tentait de raisonner un enfant qui s’était enfermé seul dans la salle de bain. Alors les seuls moments, et la seule personne avec qui il pouvait se mettre dans tous ses états, c’était bien sa fille. Que ce soit le jour de sa naissance, la première fois qu’elle avait fait du vélo, la première fois qu’elle avait nagé sans brassards, son premier gros contrôle. Ou encore la fois où il lui avait annoncé qu’il partait. C’était toujours pour elle qu’il s’était inquiété, qu’il avait eu cette boule au ventre. Et ce qu’il lui présentait aujourd’hui ne dérogeait pas à la règle, il appréhendait sa réaction. Il essaye de trouver les mots, évitant quelque peu le regard de sa fille, ne sachant pas s’il allait mourir sur place. Un silence. Les dents serrées, Andrew s’attend à tout. Une déflagration, de la colère, de la tristesse, qu’importe. « Ce serait le temps que quelqu’un veuille l’adopter ? ». Le ton est neutre, aussi il ose relever quelque peu les yeux vers elle. Là encore, il cherche ses mots, essayant de trouver la meilleure façon d’expliquer tout ça. “Ce serait plutôt...permanent. Si elle le souhaite, bien entendu. Elle pourrait toujours demander à changer de famille”. La voix d’Andrew se brisa quelque peu. Il n’osait pas imaginer que la petite Bonnie parte avec d’autres que lui. Ils avaient passé tellement de temps ensemble, que ce soit tous les deux ou avec Mia, qu’il n’imaginait pas un seul instant qu’elle soit ailleurs qu’avec lui. “L’idée c’est qu’elle vivrait avec moi jusqu’à ce qu’elle soit en âge de pouvoir vivre seule”. Il jeta un nouveau coup d’oeil à sa fille, ayant de nouveau peur de sa réaction. Elle n’avait pas envie qu’il pense que Bonnie prendrait sa place. Mia le questionne alors sur la mère de Bonnie. Andrew fronce les sourcils, haussant les épaules par la même occasion. Il était profondément fâché contre la mère de Bonnie, et à vrai dire il espérait qu’il ne l’aurait jamais en face de lui de manière trop prolongée, au risque que sa colère ressorte d’une bien mauvaise façon. “Toujours aussi inexistante. On la voit de moins en moins, et les services sociaux commencent à s’inquiéter. Ils songent à faire passer le cas de Bonnie devant le juge des enfants. D’où ma démarche”. Rien n’était encore sûr, mais si la procédure devait s’engager, Andrew était déterminé à montrer qu’il était le mieux placé pour l’accueillir. Il n’avait pas bouffé du Peppa Pig troix week-end d’affilée sans que cela porte ses fruits, d’une manière ou d’une autre.
« C’est super papa. Pourquoi tu es si angoissé comme ça ? Je trouve que c’est une bonne chose. Pour toi mais surtout pour Bonnie ». Andrew ne peut s’empêcher de pousser un léger soupir de soulagement. S’il avait su qu’elle réagirait ainsi, peut-être qu’effectivement il n’aurait pas eu les mains aussi moites. Tout en triturant une seconde veilleuse, il continua ses explications. “Je crois que j’avais peur que tu le prennes mal...Je sais que j’ai pas été le père de l’année…”. Il releva la tête vers elle, un léger sourire au coin des lèvres. “Pendant quinze ans consécutifs ça m’est passé sous le nez, c’est dire…”. Il tourna de nouveau le regard vers l’étagère. “J’avais peur que tu penses que je cherche à me racheter ou je ne sais quoi”. Et pourtant, ça n’avait pas l’air d’être le cas. Il écouta d’une oreille attentive les encouragements de sa fille. Il était touché, mais il ne dit rien. Il ne voulait pas en faire des caisses non plus. Et puis il avait encore son caddie à remplir. Trop de bricoles à trouver. Mia mentionne la lampe princesses qu’il y a derrière eux. Andrew lève les yeux au ciel, glissant son bras derrière Mia, la poussant vers lui pour qu’ils sortent du rayon, après avoir pris grand soin de glisser la veilleuse dans son chariot. “Au lieu de raconter des bêtises, viens plutôt m’aider à choisir un tapis pour sa future chambre…”. Il glissa les papiers que Mia lui avait rendus dans son sac. Il s’arrêta quelques instants avant de changer de rayon. “Tu crois qu’elle sera contente ? Je veux dire, de venir avec moi, si on en arrive là”. Le doute persistait, déchirant son ventre, presque plus que le stress.
Il a ce ton grave, il semble stressé et n’agit pas comme à son habitude. Je le sens que quelque chose ne va pas et je ne peux jouer l’indifférente plus longtemps. La question se pose alors de savoir ce qui ne va pas, et cette feuille de papier qu’il me tend me fait m’inquiéter davantage. Ma crainte est évidemment qu’il reparte. Une peur égoïste, celle de le perdre à nouveau, parce que je ne suis pas certaine de pouvoir le tolérer cette fois, je ne suis pas certaine de le supporter. Sa présence, même si nos rencontres sont encore peu nombreuses, m’est indispensable désormais. Mais je découvre que la raison de son état de stress est en réalité tout autre. Il concerne Bonnie. « Ce serait plutôt… permanent. Si elle le souhaite, bien entendu. Elle pourrait toujours demander à changer de famille ». Alors que mon regard est toujours porté sur la feuille de papier, je le relève en entendant la voix chancelante de mon père. « L’idée c’est qu’elle vivrait avec moi jusqu’à ce qu’elle soit en âge de pouvoir vivre seule ». Je comprends alors qu’il ne s’agit pas d’une solution provisoire pour la petite Bonnie. La démarche qu’il souhaite entreprendre est bel et bien celle de l’adoption. Là encore, un silence s’installe, le temps que je réalise ce qu’il s’apprête à faire. Evidemment, une tonne de questions vienne à se bousculer dans ma tête. Est-ce que c’est une bonne idée ? Est-ce qu’il est capable d’avoir un enfant à charge quand je n’oublie pas pour autant le passé ? Il sera un parent merveilleux, je n’en doute pas. Mais il y a toujours cette part de doute que je ne parviendrai pas à oublier, celle où il peut disparaitre du jour au lendemain. Et puis, Bonnie est encore bien petite, c’est donc une responsabilité sur le long terme pour lui qu’il s’engage à tenir. Je me contente d’acquiescer alors, je ne réponds rien, demandant plutôt des nouvelles à propos de la mère de l’enfant « Toujours aussi inexistante. On la voit de moins en moins, et les services sociaux commencent à s’inquiéter. Ils songent faire passer le cas de Bonnie devant le juge des enfants. D’où ma démarche ». J’adopte un regard désolé, surtout pour la petite blondinette qui n’a pas eu de chance concernant sa famille biologique. Je sens un certain énervement dans les paroles de mon père qui doit évidemment en vouloir à la mère de Bonnie de ne pas être capable d’assumer sa maternité.
Si la réaction n’a pas été immédiate, je finis par dire à mon père que ce qu’il entreprend est une bonne chose, surtout pour la petite fille qui a besoin de stabilité. Je l’interroge sur son angoisse, sur cette tension palpable depuis que je l’ai rejoint dans ce magasin de décoration, même si je me doute de la raison « Je crois que j’avais peur que tu le prennes mal… Je sais que j’ai pas été le père de l’année… Pendant quinze ans consécutifs ça m’est passé sous le nez, c’est dire… ». Je lève les yeux au ciel, il utilise l’humour, comme d’habitude, pour dédramatiser la situation « J’avais peur que tu penses que je cherche à me racheter ou je ne sais quoi ». Je comprends sa crainte, et je ne peux pas totalement le nier « Tu n’as pas été le père de l’année pendant quinze ans, c’est certain », parce que je ne peux pas prétendre penser le contraire « Mais rien que le fait que tu en sois conscient, montre que tu es capable d’avoir ce rôle pour elle… ». Peut-être que ces derniers mots me font un léger pincement au cœur quand je ne fais pas référence à ce rôle pour moi aussi. « Je pense qu’une part de toi a trouvé en Bonnie un moyen de te racheter pour toutes ces années d’absence… Mais je sais aussi et surtout que tu le fais pour le bien de cette petite. Et que tu le feras bien ». Parce que je veux l’encourager, et c’est d’ailleurs ce que je dis ensuite, ne manquant pas de lui proposer aussi mon aide s’il en ressent le besoin à un moment donné. J’essaye de détendre l’atmosphère à mon tour, faisant à nouveau référence à une lampe de princesses Disney. Mon père vient alors à m’attraper pour me pousser vers lui et qu’on parte tous les deux dans un autre rayon, après avoir glissé dans le chariot la petite veilleuse koala. « Au lieu de raconter des bêtises, viens plutôt m’aider à choisir un tapis pour sa future chambre… ». J’acquiesce alors non sans rire doucement alors que nous arrivons dans le rayon en question. « Tu crois qu’elle sera contente ? Je veux dire, de venir avec moi, si on en arrive là ». Je le sens douter ce qui m’incite à le stopper dans son avancée, venant poser ma main sur son avant-bras pour qu’il s’arrête « Papa, elle ne pourra pas être plus heureuse qu’avec toi. Regarde comment elle est constamment attachée à toi. Je l’ai vu de nombreuses fois, cette petite te colle littéralement aux basques sans arrêt ». Je marque une petite pause, un petit sourire se dessinant sur mes lèvres « bon sauf quand Alec est dans les parages » faisant référence à cette fois où, lors du défilé du carnaval, Alec et moi sommes tombés nez à nez avec mon père et que Bonnie n’a pas voulu retourner dans les bras de mon paternel, préférant ceux d’Alec. Je laisse échapper un petit rire avant d’ajouter « Ne t’en fais pas papa, tout se passera bien. Le plus difficile va être la démarche. Mais le bonheur de Bonnie, c’est ce qui va justement te pousser à te battre bec et ongles pour obtenir sa garde ».
For once in my life, I have someone who needs me, someone I've needed so long. For once, unafraid, I can go where life leads me. Somehow I know I'll be strong.
Si Andrew avait toujours été sûr et certain de quelque chose, c’est qu’il aimait profondément sa fille. Et son fils, également, même si cette partie là de sa vie était plus compliquée. Ses enfants représentaient beaucoup pour lui. Certains diraient que c’était cliché, mais il le pensait sincèrement. Même lorsqu’il était loin, le simple fait de penser à sa fille lui permettait de tenir. Comme un fil rouge, une ligne à suivre. Elle était son soleil, et lui, la planète qui tournait autour. Elle ne cesserait jamais de briller. Ces sensations, Andrew les retrouvait avec un peu moins de ferveur avec les enfants qu’il accompagnait au centre. C’était plus fort que lui, mais il ne pouvait s’empêcher de s’attacher à ces petits. Et ce sentiment avait été décuplé, par cent, par mille, quand il avait rencontré Bonnie. Comme il avait déjà eu l’occasion de le penser, si Mia était son Soleil, alors Bonnie était son autre étoile, scintillante, bleue et chaude, qui pulsait de manière régulière au creux de son ventre et qui faisait naître en lui tout un tas de sensations différentes, allant de la crainte à la tendresse la plus pure. Aujourd’hui, les craintes prenaient le dessus, et il comptait sur le pragmatisme de sa fille pour l’aider à surmonter cette montagne de questionnements. Était-il la bonne personne pour s’occuper de Bonnie, était-il suffisamment légitime ? Etait-il assez tout court ? Il savait que Mia ne serait pas tendre avec lui. Elle ne l’avait jamais vraiment été, de toute façon. Elle n’avait jamais eu la langue dans sa poche. Un peu comme sa mère. Mais c’était pire depuis qu’il était revenu, parce qu’il y avait comme une sorte de vengeance inavouée, un petit plaisir secret à bien faire comprendre au vieux McKullan qu’il avait merdé. Et c’est ce qu’il voulait entendre, parce qu’il savait qu’elle serait honnête.
« Je pense qu’une part de toi a trouvé en Bonnie un moyen de te racheter pour toutes ces années d’absence… Mais je sais aussi et surtout que tu le fais pour le bien de cette petite. Et que tu le feras bien ». Andrew baissa les yeux quelques instants, touché par les mots de sa fille. Il fixait le carrelage froid, comme s’il pensait y trouver une quelconque aspiration. Il savait qu’elle avait raison : tout au fond de lui, inconsciemment, s’il s’était attaché autant à Bonnie, c’est parce qu’elle était en quelque sorte la page blanche, la première page du nouveau chapitre de sa vie. Chapitre qu’il était libre d’écrire lui-même. Il releva les yeux vers Mia. “J’espère que tu ne trompes pas. J’espère sincèrement que tu dis vrai. Que je serai à la hauteur”. Il passa sa main dans ses cheveux, soupirant, la glissant ensuite sur son visage usé par la vie. “J’ai pas le droit de merder”. Il avait répété cette phrase il ne savait combien de fois depuis qu’il était revenu ici. C’était devenu son mantra, en quelque sorte. Il devrait commencer à songer à en faire un paillasson, d’ailleurs. Mais peut-être était-ce parce que cette fois, il le pensait vraiment. Ou parce qu’il était intimement persuadé que cette fois, ça allait fonctionner.
Changement de rayon, mais les doutes subsistent encore au creux du ventre du vieux. Comme l’impression qu’il n’arrivera jamais à se détacher de ce sentiment qu’il ne sera pas à la hauteur. Qu’elle ne ressentirait même pas une once de bonheur avec lui. Peut-être qu’il s’imaginait des choses. Peut-être que le sourire permanent de Bonnie n’était pas de son fait. Peut-être qu’il se faisait des illusions. « Papa, elle ne pourra pas être plus heureuse qu’avec toi. Regarde comment elle est constamment attachée à toi. Je l’ai vu de nombreuses fois, cette petite te colle littéralement aux basques sans arrêt ». Mia sourit, Andrew aussi. Elle marquait un point. « Bon sauf quand Alec est dans les parages ». Andrew ouvre la bouche pour répliquer, mais aucun son ne sort tout de suite. Il avait encore un peu de mal à se faire à l’idée que sa fille avait un compagnon. Réfléchissant quelques instants, il finit par pointer un doigt vers sa fille. “Je te préviens, ton Alec n’a pas intérêt à toucher à plus d’un cheveu de Bonnie à la fois…”. Des menaces en l’air, fruit d’une jalousie un peu trop pure, puisqu’il était certain qu’Alec ne ferait pas de mal à une mouche ahum. « Ne t’en fais pas papa, tout se passera bien. Le plus difficile va être la démarche. Mais le bonheur de Bonnie, c’est ce qui va justement te pousser à te battre bec et ongles pour obtenir sa garde ». Andrew sourit cette fois pleinement à sa fille. Il n’avait rien d’autre à dire. Si Mia croyait si fort en lui, alors peut-être que lui devait avoir un petit peu plus confiance en lui. Ses deux étoiles favorites brilleraient pour lui.