| (kellssan) love's di-vino |
| | (#)Mar 4 Mai 2021 - 9:09 | |
| kelly & hassan love's di-vinoYou're a mystery, you're a true work of art, like an answered prayer, like a light in the dark - Ooh, I'm in ecstasy when you're next to me, it's the closest thing to heaven I could be. Tell me everything about you, wanna get into your mind, gotta be forever, rain or shine because you're divine, girl. ☆☆☆ Fortitude Valley. C’était un peu le quartier dont tout le monde faisait l’éloge, celui dont on s’accordait à dire qu’il était animé juste ce qu’il fallait et en toutes circonstances, et où l’on adorait forcément vivre pour peu que l’on ne soit pas trop pantouflard. Et se voilant un peu (beaucoup) la face Hassan estimait ne pas l’être tant que cela lui non plus, malgré le goût pour le jardinage, malgré l’envie de se réveiller au gazouillement des oiseaux plutôt qu’au brouhaha d’une rue commerçante … et malgré les années qui l’éloignaient de plus en plus de l’étudiant typique pour qui ce quartier était un rêve. Mais voilà, Hassan détestait profondément Fortitude Valley. Pour les raisons les plus bêtes et les plus subjectives, sans doute, parce qu’il avait vécu ici divorce, maladie et dépression avant de retrouver enfin l’ambiance si rassurante de Logan City … Reste qu'il détestait ce quartier, et n’y mettait guère les pieds que pour honorer rendez-vous et réunions dans les bureaux qu’Amnesty International y possédait. C’était d’ailleurs précisément pour cette raison qu’il s’y trouvait cet après-midi-là, les locaux de l’ONG en ébullition à l’approche de la journée mondiale pour la liberté de la presse la semaine suivante. De la grisaille du midi au bleu qui avait succédé malgré quelques nuages persistants, le brun avait retrouvé les tons roses précédant le coucher de soleil sitôt avait-il mis le pied dehors et levé le nez vers le ciel. Il était plus tard qu’il ne l’aurait cru, et jetant un œil au cadran de sa montre il s’était presque attendu à devoir remettre à une autre fois la perspective d’un détour avant de rentrer chez lui. Mais il avait encore tout juste le temps, et le sac à dos sur l’épaule, le casque de moto dans une main, il avait remonté Brunswick Street d’un pas tranquille et l’attention glissant d’échoppe en échoppe jusqu’à atteindre celle qui était sa destination. L’enseigne encore flambant neuve du « Di-vino – wine shop » se dressant enfin devant ses yeux, il avait d’abord jeté un bref regard à travers la vitrine à la recherche de la propriétaire des lieux, mais sans y trouver Kelly. Les lumières dans la boutique étaient pourtant allumées, et la porte s’était ouverte sans encombre lorsqu’il avait tout de même décidé de la pousser et fait tinter du même coup la clochette signalant la présence d’un visiteur – mais pas d’un client potentiel, cette fois-ci. L’intérieur de la boutique était décoré avec goût, et même pas si éloigné de l’idée que s’en faisait Hassan avant de le voir de ses yeux ; C’était ce qu’il imaginait d’une cave à vins, quand bien même il n’avait jamais mis les pieds dans aucune avant cela. Furetant entre les étales et les rayonnages il lisait quelques étiquettes, sans autre choix que celui de croire sur parole ce qui y était indiqué mais avec la certitude qu’il existait autant de nuances dans le vin que dans le thé pour peu que l’on soit un peu connaisseur. Et puis le claquement des talons de Kelly sur le parquet, finalement, avait récupéré son attention et lui avait fait lever les yeux tandis qu’elle ressortait de ce qu’il supposait être l’arrière-boutique. « Celle que je cherchais. » Se fendant d’un sourire, il avait laissé là l’assortiment de vins italiens qui l’occupait jusqu’à présent et fait quelques pas pour rejoindre la jeune femme. « J’avais une réunion dans le coin, je me suis dit que j’allais en profiter pour venir voir à quoi ressemblaient tes nouveaux quartiers. » Une façon comme une autre de se rattraper, lui qui avait dû décliner l’invitation de la brune à l’inauguration de sa boutique pour cause d’enregistrement chez ABC.
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| | | | (#)Sam 22 Mai 2021 - 21:51 | |
| | | ► LOVE'S DIVINO
I'm remembering how the night was so clear You were whispering "I'm so glad you are here"
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Finalement, une fois lancée, elle n'avait pas trouvé l’aventure si terrifiante. Dénicher le local idéal avait relevé de la chasse au trésor et Lee s’en était tout particulièrement amusée. Elle qui craignait, à l’origine, que nul endroit ne saurait cocher toutes les cases de larges, incertains et changeants critères, on lui avait rapidement proposé la perle rare dans le quartier le plus en vogue, composée d’un étage, d’un sous-sol et d’une large vitrine. Confier le design d’intérieur à un cabinet de décorateurs lui avait ôté un important poids des épaules. Il lui aurait sûrement fallu tout un mois pour ne choisir que la couleur des murs. Le nom, quant à lui, relevait du jeu de mot bancal issu de cet humour timide dont la brune n’était jamais tout à fait certaine du bon goût. La guidance de spécialistes ayant immédiatement cerné sa personnalité et proposé une vision concrète de la future boutique avait rendu le rêve fort réel tout à coup. En moins de temps qu’il ne lui en avait fallu pour le réaliser, le local était métamorphosé, les étales vides. Alors entrait en jeu les seules compétences de la sommelière, l’unique domaine dans lequel elle ne connaissait pas la notion de doute. Sélectionner les vignobles et millésimes qu’elle souhaitait proposer à ses clients fut assurément la partie la plus amusante du projet. Et lorsque l’odeur de peinture fraîche s’estompa, quelques jours avant la grande ouverture, Kelly ressentit une nouvelle fois ce sentiment de fierté tout particulier après des semaines d’adrénaline ; une émotion semblable au jour de sa victoire à Race of Australia, mais plus intime, plus personnel. Cet endroit n’appartenait qu’à elle, à la Kelly qui n’osait pas le rêver, à celle qui avait peur de ses propres ambitions, et désormais, à celle dont la quête d’épanouissement la poussait à concrétiser ses projets. Quelques semaines plus tard, l’australienne se lançait de nouveau dans l’aventure télévisuelle, son nom en grand sur les billboards, et la clientèle ne cessait d’affluer chez Divino où on la trouvait chaque jour lorsqu’elle n’était pas en studio.
Le dernier client de la journée, un amateur de merlot, s’en était allé une dizaine de minutes plus tôt. L’heure de la fermeture approchant, il paraissait peu probable que quelqu’un passe les portes de la boutique d’ici l’heure fatidique. Lee venait de verrouiller toutes les étagères et tiroirs de l’étage où se trouvaient notamment les vins internationaux et méconnus qu’elle appréciait tant faire découvrir au grand public sur le petit écran. Les fameux rouges d’Argentine et les blancs d’Afrique du Sud entre autres. Au sous-sol, elle effectua un rapide inventaire et nota dans un grand carnet, à l’ancienne, le nom et le nombre de caisses à commander de nouveau pour les best sellers. Le lendemain, la sommelière avait rendez-vous dans un vignoble au sud de la ville pour une dégustation et, bien entendu, une négociation. Et rien au monde ne saurait la satisfaire plus qu’un programme de ce genre. Sauf, peut-être, la visite surprise d’Hassan qu’elle découvrit dans la boutique une fois en haut des escaliers, lui faisant immédiatement afficher un sourire d’oreille à oreille. « Celle que je cherchais. » Oh, si seulement. « J’avais une réunion dans le coin, je me suis dit que j’allais en profiter pour venir voir à quoi ressemblaient tes nouveaux quartiers. » Elle en était heureuse et flattée, bien sûr, mais ne put passer à côté de l’occasion de répondre un “Il était temps”, soulignant que son absence à la soirée inaugurale s’était faite sentir, même si elle ne lui en tenait pas rigueur.
“Et qu’est-ce que tu en penses, à première vue ?” elle demanda en indiquant vaguement les lieux du bout des mains. Bien que son voisin n’avait aucune notion en matière de vins et qu’il ne mettait probablement jamais les pieds dans ce genre de boutique habituellement, il avait forcément un avis sur la question. Kelly était curieuse, elle ne courrait pas après les compliments et les flatteries en interrogeant le brun, pas pour quelque chose d’aussi important à ses yeux. “J’ai voulu garder l’esprit simple, accessible…” Après plusieurs années dans le secteur du luxe, à côtoyer une clientèle relativement fortunée, la sommelière avait décidé de se tourner vers des consommateurs d’une gamme inférieure. L’atmosphère de la boutique inspirait toujours une certaine élégance, mais elle avait tenu aux accents artisanaux faisant écho à un esprit terroir qui reflétait parfaitement, à ses yeux, l’ambition de partage et de découverte de Divino. Elle recevait les clients comme elle recevrait chez elle ; motivée par le souhait que les visiteurs se sentent chez eux. “...et j’ai fait les abat-jour moi-même, comme tu t’en doutes.” elle ajouta, indiquant d’un index malicieux les luminaires au-dessus de leurs têtes, fabriqués à partir de cagettes dont elle avait repeint l’intérieur. Une touche de fantaisie qui lui correspondait définitivement bien.
Venue du fond de la boutique, une jeune femme interpella Ms Ward avant de se figer en apercevant un client. Lee lui fit signe d’approcher sans craindre de les déranger. “Je te présente April, l’une des conseillères de vente.” fit-elle en passant un bras autour des épaules de la demoiselle. Elle était agréable au regard, April. Bien plus petite que sa patronne, toute aussi menue, visiblement avenante et énergique, il existait entre elles une indéniable entente et une forme de complémentarité ; lorsque la sommelière passait trop de temps à peser le pour et le contre d’une décision, la jeune femme tranchait sans cérémonie. “Hassan est un très bon ami, et c’est probablement la seule et unique fois que tu le verras passer cette porte parce que Monsieur n’a pas le moindre intérêt pour le vin.” Elle salua le brun ; si le ton d’un bonsoir devait valoir l’intensité d’une poignée de main, celui d’April sonnait comme une étreinte ferme et directe. Puis elle se tourna vers Lee. “J’ai clôturé la caisse.” Ce qui signifiait, entre les lignes, qu’elle avait terminé sa journée et qu’il était temps pour elle de rentrer chez elle. “Bien sûr. Merci. Passe une bonne soirée.” Et après un signe de tête succinct à l'intention d'Hassan, réhaussé d'un sourire enjôleur, April les laissa seul à seul. Oh boy. "Deux minutes montre en main et tu fais tourner les têtes." ironisa la brune en forçant un rire. D'un réflexe nerveux, elle glissa ses cheveux derrière son oreille. Deux minutes et elle se sentait éclipsée.
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| | | | (#)Lun 5 Juil 2021 - 20:38 | |
| Peut-être était-ce seulement une impression, après tout Kelly et lui ne se connaissaient pas suffisamment bien pour qu’il puisse le certifier, mais il semblait à Hassan n’avoir jamais vu la jeune femme aussi rayonnante et aussi enjouée que depuis ces dernières semaines. Ses récents projets professionnels semblaient la porter d’une nouvelle manière, et si le brun suivait cela à la distance raisonnable que lui conférait son rôle de voisin, la chose ne lui faisait pas moins plaisir à voir. La surprise n’en était donc pas vraiment une lorsque, apparaissant au seuil de l’escalier qui menait à l’étage, Kelly s’était empressée de le redescendre en faisant claquer ses talons sur chaque marche avec légèreté, son sourire s’étirant jusqu’aux oreilles lorsqu’enfin elle l’avait rejoint en bas. « Il était temps. » ne manqua-t-elle par ailleurs pas de lui faire remarquer, soulignant sans trop de sévérité l’absence par laquelle il avait brillé lorsqu’elle avait présenté les lieux à son entourage de manière plus officielle. Mais il était précisément là pour se rattraper, et ne s’appesantissant pas plus longuement sur la question Kelly s’était empressée de lui désigner les lieux d’un geste circulaire avant de demander « Et qu’est-ce que tu en penses, à première vue ? J’ai voulu garder l’esprit simple, accessible … » Elle attendait très certainement quelque chose de plus constructif qu’un simple « c’est joli » de sa part, quand bien même il ne possédait pas le moindre point de comparaison en matière d’aménagement de cave à vin. « ... et j’ai fait les abat-jour moi-même, comme tu t’en doutes. » Instinctivement le brun avait levé le nez vers le plafond et esquissé un sourire en observant les cagettes en bois colorées. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » avait-il aussitôt questionné d’un ton amusé – en pure rhétorique, évidemment. « C’est chaleureux et élégant. Ça me donnerait presque envie d’acheter du vin moi-même … » Ce qui n’était pas peu dire. « T’as bien bossé, vraiment. Tu as l’air dans ton élément. » Parce que c’était aussi ce que l’on pouvait dire d’elle, élégante et chaleureuse ; Et parce qu’il l’imaginait totalement avoir eu son propre avis sur chaque élément de décoration, de la teinte du bois des étagères au matériau du garde-corps de l’escalier. Là où le brun pensait sa voisine seule dans la boutique – son second royaume – une seconde paire de talons avait retenti depuis l’arrière du magasin pour venir à leur rencontre, sur lesquels était juchée une petite blonde au regard avenant. « Je te présente April, l’une des conseillères de vente. » avait aussitôt présenté Kelly après avoir fait signe à la concernée d’approcher, expliquant en retour « Hassan est un très bon ami, et c’est probablement la seule et unique fois que tu le verras passer cette porte parce que Monsieur n’a pas le moindre intérêt pour le vin. » tandis qu’Hassan tendait une main polie vers la concernée, qui s’en était aussitôt saisie en le saluant d’un ton enjoué. « Elle oublie de préciser que j’ai d‘autres qualités pour compenser ma méconnaissance dans ce domaine. » avait de son côté plaisanté l’enseignant après avoir salué en retour, et les politesses désormais échangées l’employée de Kelly avait obtenu l’autorisation de rendre son tablier pour aujourd’hui et tourné les talons pour quitter la boutique après un sourire et une dernière salutation. « Deux minutes montre en main et tu fais tourner les têtes. » Laissant échapper un bref rire mais préférant réfuter modestement l’affirmation, il avait répondu d’un ton taquin « Même la flatterie ne me fera pas acheter de vin italien, jeune fille. Cela dit je reconnais que celui-ci a une très belle étiquette … » Parait-il qu’il n’y avait pas moyen plus efficace pour taquiner un caviste que de prétendre vouloir choisir un vin à l’esthétique de son étiquette. « Je te taquine. » Esquissant un sourire, il avait néanmoins repris un brin de sérieux pour demander ensuite « Combien de minutes supplémentaires il me faudrait pour persuader la propriétaire des lieux de baisser le rideau pour aujourd’hui et d’aller prendre un verre avec moi ? » Et comme elle se souvenait probablement autant que lui des déconvenues qui s’étaient enchaînées la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés tous les deux à la table d’un bar, il s’était empressé d’ajouter sur le ton de la plaisanterie « Pas de mojito jeté à la figure par inadvertance cette fois-ci, c’est promis. »
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| | | | (#)Dim 1 Aoû 2021 - 22:55 | |
| | | ► LOVE'S DIVINO
I'm remembering how the night was so clear You were whispering "I'm so glad you are here"
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Elle souffla un remerciement du bout des lèvres, toute souriante et flattée, tandis que quelques compliments supplémentaires venaient confirmer son succès après toutes les aimables paroles déjà récoltées auprès de ses amis -et leurs amis- depuis l’ouverture de Divino. Lee se baignait dans toute cette validation extérieure, fioul de ses journées, avec un immense plaisir. Impossible pour elle de se contenter de sa satisfaction personnelle de ses accomplissements ; si les autres ne faisaient pas pleuvoir sur elle admiration et éloges, cela n’avait pas de valeur à ses yeux. Un besoin chronique qui, contre toute attente de sa part, s’avérait comblé par le renouveau de sa présence audiovisuelle auprès du grand public. Cela sonnait pourtant comme une évidence, que les lentilles des caméras représentant un pays entier étaient l’unique moyen d’assouvir la nécessité de cette confirmation systématique ; impensable pour elle qui n’avait toujours cherché qu’à se fondre dans le décor. Néanmoins elle s’épanouissait, fleurissait, dans ces conditions inédites, une joie de vivre retrouvée. Oui, elle était dans son élément. Elle ne s’en cachait plus. Elle méritait chaque once de liesse dont elle jouissait après ces années passées à subir l’ombre de son divorce comme la menace d’un nuage gorgé d’orage. Il n’y avait qu’une pensée pour crisper son sourire ; l’idée que rien de tout ceci n’était suffisant pour persuader ses parents de lui ouvrir leur porte à nouveau. Mais elle s’y attardait rarement. Cela ne lui permettait pas non plus de tromper le célibat. A cela, peut-être finirait-elle par se résigner également. Plus facile à dire qu’à faire, lorsque Hassan débarquait à l’improviste avec son indéfectible bienveillance et son humour, lorsqu’il fallait le croiser matins et soirs et subir son sourire. Le seul pincement au coeur que Kelly avait ressenti au moment où April détailla le brun démontrait bien que, de ce côté-là, la sommelière n’était pas sortie de l’auberge.
« Même la flatterie ne me fera pas acheter de vin italien, jeune fille, qu’il reprit alors que le tintement de la clochette de la porte d’entrée du magasin mourrait tout juste après le passage de l’employée. Cela dit je reconnais que celui-ci a une très belle étiquette… » Lee se décomposa probablement de manière instantanée face à la dernière remarque de son voisin. Les yeux ronds, la bouche molle, son air de poisson hors de l’eau devaient sans doute être le résultat escompté par la plaisanterie d’Hassan. « Je te taquine. » Elle sourit à pleines dents, à la fois embarrassée d’être une fois encore tombée dans un panneau grand comme le nez au milieu de la figure, et soulagée de ne pas avoir à lui expliquer que non, cela n’était pas un critère valable dans un sélection d’un cru. “Ceci dit, l'étiquette est vraiment jolie.” souligna-t-elle en indiquant la bouteille en question. Il fallait bien admettre que cela pesait son poids lors de la vente, elle en avait parfaitement conscience. « Combien de minutes supplémentaires il me faudrait pour persuader la propriétaire des lieux de baisser le rideau pour aujourd’hui et d’aller prendre un verre avec moi ? » Le regard de Kelly se posa de nouveau sur Hassan avec une surprise qu’elle peinait à dissimuler, comme si elle réalisait tout juste qu’il lui parlait bien à elle -puisqu’il n’y avait plus personne d’autre. « Pas de mojito jeté à la figure par inadvertance cette fois-ci, c’est promis. » Elle rabattait ses cheveux derrière son oreille en se remémorant ce moment particulier. Depuis ce soir-là la brune n’avait cessé de regretter d’avoir opté pour son éternelle complaisance en pardonnant à son date son immense retard plutôt que de ne pas accepter ce comportement et rester avec Hassan. Elle n’aurait pas mis sa main à couper que l’occasion se présenterait de nouveau un jour. “C’est une sacré promesse ça, plutôt vendeur.” dit-elle en faisant mine de s’accorder un moment de réflexion. Cependant il était évidemment hors de question de passer à côté de sa chance, l’invitation qu’elle n’osait plus espérer, et un moyen de réparer ses mauvais choix de la fois précédente. “Hm, c’est d’accord. Tu me dois bien ça de toute manière.” Pour avoir raté l’inauguration, bien sûr. “Et puis, j’allais fermer.”
En effet, Kelly invita le brun à l’attendre à l’extérieur le temps d’éteindre les lumières et baisser le rideau métallique, mettant officiellement un terme à la journée de travail. Trench sur les épaules, sac à main sous le bras et talons claquant sur le trottoir, elle fit signe à Hassan de la suivre en direction du bas de la rue. Elle avait déjà toutes ses habitudes dans le quartier, et son visage désormais connu s’était fait remarquer par sa régularité d’apparition dans les commerces environnants par leurs propriétaires. D’un geste de la main, elle salua d’ailleurs le manager de l’épicerie indienne à deux pas de là. “Il y a un petit bar au bout de l’avenue, au bord du fleuve, elle reprit auprès de son voisin en empruntant la prochaine rue à gauche. Ça ne paie pas de mine de l’extérieur mais ils servent leurs boissons dans ces immenses verres en forme d’animaux qui sont kitchs au possible et ça me donne toujours le sourire.” Sans oublier les ombrelles en papier et les brochettes de bonbons sur le bord du verre. “Et puis, la vue, bien sûr. Vivre loin du centre permet de mieux l’apprécier, je crois.” Il n’y avait que les riverains pour s'octroyer le luxe de se lasser du fleuve et des éclairages sur les ponts qui traversaient celui-ci de part en part. Lee, elle n’avait jamais vécu à même le centre-ville. Outre ses dix ans à Logan City, elle avait habité non loin de l’université et s’était donc tenue à distance des hauts buildings. Malgré ses fréquentes allées et venues dans le cœur battant de Brisbane, elle trouvait toujours le paysage impressionnant. Elle ne comprenait pas qu’on puisse un jour tant s’en accommoder au point de passer à côté sans lever les yeux et se fendre d’admiration. Le bar se situait sur la rive, les fenêtres donnaient droit sur le Story Bridge. Une fois descendus sur le quai, il ne leur restait plus que quelques pas le long de l’eau. “J’adorerais croire que tu t’es déplacé juste pour mes beaux yeux mais quelque chose me dit que tu avais à faire dans le quartier, je me trompe ? L’université n’est pas exactement à côté.” Cela ne la dérangeait pas le moindre du monde d’être l’objet d’un détour courtois. Kelly était surtout curieuse, cela n’était plus à prouver. Elle était intéressée, c’était un fait général ; et forcément elle souhaitait tout savoir des activités d’Hassan en dehors de ses nouvelles fonctions de doyen. C'était un homme occupé, elle l’avait bien compris. Elle n’en était que plus heureuse de ne pas être totalement oubliée à l’issue de ces longues journées.
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| | | | (#)Lun 13 Sep 2021 - 13:09 | |
| La première (et unique) fois qu’ils avaient partagé un verre dans un cadre formel n’avait été qu’une succession de hasards et d’imprévus, du retard de celui avec qui Kelly avait initialement rendez-vous à l’ennui qui gagnait Hassan face au manque de conversation dont souffrait celle avec qui il avait débuté la soirée. Et si le brun n’était pas du genre à se perdre en scénarios et en probabilités, il lui était déjà arrivé de se demander ce qui se serait passé si le rencard initial de la jeune femme n’était jamais arrivé pour les interrompre – quelle qu’ait été son excuse elle n’avait en tout cas pas eu l’air suffisante, puisqu’il semblait bien à l’enseignant n’avoir jamais revu ensuite ne serait-ce que l’ombre du bonhomme dans les environs de leur quartier. Ce dont il était en tout cas à peu près certain, c’était que les conditions leur étaient bien plus favorables à Kelly et à lui ce soir-là, raison pour laquelle il avait proposé de lui offrir un verre en promettant à demi-sérieusement qu’aucune indélicatesse antérieure de sa part ne serait de nature à venir interrompre la conversation. « C’est une sacré promesse, ça, plutôt vendeur. » Inconsciemment ou non, Hassan cherchait probablement à tâter le terrain quant à cette mésaventure, pour voir à quel point la jeune femme lui en tenait (ou non) encore rigueur. Son ego s’en était rapidement remis, bien qu’il ne s’agisse pas d’une habitude ce n’était pas la première fois qu’il froissait sans le vouloir l’humeur d’une compagnie féminine par son côté détaché … Mais restait à vérifier si Kelly, elle, ne gardait pas en arrière-pensée l’envie de lui retenir. « Hm, c’est d’accord. Tu me dois bien ça de toute manière. Et puis, j’allais fermer. » Se mordant le bout de la langue pour s’empêcher de répondre qu’ évidemment, il n’avait pas choisi totalement par hasard l’heure à laquelle passer, il s’était contenté d’un sourire satisfait et d’un « Il faut croire que c’est mon jour de chance. » léger, avant de se laisser reconduire à l’extérieur où il avait sagement attendu que la sommelière termine de fermer boutique. Contrairement à Hassan, qui peinait à se laisser charmer par le quartier, Kelly y semblait comme un poisson dans l’eau et ouvrait la marche d’un pas décidé, obtenant ici et là un sourire ou un signe de la main de nature à prouver qu’elle avait déjà ses habitudes dans les environs. « Il y a un petit bar au bout de l’avenue, au bord du fleuve. » indiqua-t-elle finalement alors qu’ils tournaient au coin de la rue. « Ça ne paie pas de mine de l’extérieur mais ils servent leurs boissons dans ces immenses verres en forme d’animaux qui sont kitchs au possible et ça me donne toujours le sourire. Et puis, la vue, bien sûr. Vivre loin du centre permet de mieux l’apprécier, je crois. » Le tout lui avait arraché un sourire, et même un rire très bref qu’il s’était vu obligé de justifier devant le regard circonspect de la jeune femme « C’est rien, c’est juste … Tu as toujours l’air de savoir t’émerveiller de tout. Je trouve ça rafraîchissant. » Rafraîchissant et séduisant, en réalité, mais ce second qualificatif il avait préféré le garder pour lui, l’ajoutant au même titre que le reste de Mojito étalé sur la chemise dans la liste des risques de passer pour un imbécile. « Je suis un peu fâché avec le quartier, pour tout t’avouer … J’y ai habité quelques temps, mais je crois que Logan City me manquait trop pour que je l’apprécie à sa juste valeur. » Tout cela aurait au moins eu le mérite de confirmer à Hassan qu’il n’était pas fait pour vivre en centre-ville ; Il préférait le plaisir de dormir la fenêtre ouverte et d’être réveillé par le piaillement des oiseaux, à celui de n’avoir que la rue à traverser pour trouver un bar où un traiteur asiatique. Alors qu’ils empruntaient l’escalier menant aux quais, l’eau du fleuve s’assombrissant à mesure que le soleil disparaissait et l’ombre du bar où les conduisait Kelly se profilant quelques mètres plus loin, cette dernière avait fini par questionner « J’adorerais croire que tu t’es déplacé juste pour mes beaux yeux mais quelque chose me dit que tu avais à faire dans le quartier, je me trompe ? L’université n’est pas exactement à côté. » et force avait été pour lui d’admettre qu’elle avait touché juste. « Je crois que je suis démasqué. » Levant les mains avec l’air de s’avouer vaincu, il avait repris « Les bureaux d’Amnesty sont à cinq minutes, à peine, et j’avais une réunion cet après-midi. J’étais pas certain de sortir à temps pour te croiser avant que tu fermes, d’ailleurs ... » Et peut-être avait-il un peu expédié les politesses au moment de prendre congé, pour une fois. « Mais j’aurais fini par passer, réunion ou pas. » avait-il en tout cas fini par ajouter, ne souhaitant pas qu’elle s’imagine à tort qu’il ne l’avait fait que par opportunisme, et non pas parce qu’il en avait véritablement envie. « Et puis … Enfin, ça fait un moment déjà que je me dis qu’il faut que je te propose un verre. Mais entre Noël, mes neveux, la rentrée ... » Le temps avait filé plus vite qu’il ne l’avait vu passer, comme l’avait illustré le geste de la main avec lequel il avait ponctué la fin de sa phrase. Mais ils y étaient enfin, et tandis qu’ils passaient la porte du bar et étaient abordés par l’un des serveurs Hassan avait fait signe à Kelly de passer la première, lui laissant ainsi le loisir de valider ou non la table qu’on leur choisirait – avec vue sur le fleuve, donc.
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| | | | (#)Ven 22 Oct 2021 - 16:22 | |
| | | ► LOVE'S DIVINO
I'm remembering how the night was so clear You were whispering "I'm so glad you are here"
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Grandir en communauté avait suscité chez Kelly le besoin de retrouver cette sensation d’unité partout où elle allait. La rue où elle habitait, celle où elle travaillait, le bâtiment où elle tournait son émission ; elle formait des groupes dont elle était l’épicentre, créant une dynamique de partage et de bienveillance. L’unité était un facteur d'harmonie dans la vie de la sommelière, qu’importe que cela soit superficiel. Les apparences lui convenaient tant que l’illusion était parfaite. Cela lui avait toujours suffi. Alors elle souriait à pleines dents jusqu’à ce qu’on lui sourit en retour, elle agitait sa main pour saluer ici et là comme une princesse britannique jusqu’à obtenir un signe à son tour, et elle persistait jusqu’à forcer l’habitude chez les autres. Ils appréciaient cela, Lee ne savait. Le pli était difficile à prendre pour ces inconnus et passer pour une personne un peu étrange les premières fois ne la dérangeait pas. Le monde moderne avait divisé les gens, les avait éloignés les uns des autres et créé un individualisme destructeur ; plus personne ne se disait bonjour dans la rue avec un sourire sincère et un regard franc. Mais quelle agréable chaleur vous chatouillait le cœur lors des trop rares moments où cela se produisait. Elle voulait être cette chaleur, provoquer le moment. Elle donnait l’impression que Mister Sandman jouait en fond tel la bande son de sa vie derrière chacun de ses pas. Il était facile de l'impressionner et de la distraire, Kelly, elle était bon public dans tous les domaines. Elle avait manqué bien des possibilités et des plaisirs dans la bulle religieuse de ses parents ; la soif de découverte n’avait jamais tari depuis qu’elle avait quitté Toowoomba. « C’est rien, c’est juste … Tu as toujours l’air de savoir t’émerveiller de tout. Je trouve ça rafraîchissant. » expliquait Hassan avec léger rire qui, lorsqu’elle était plus jeune, aurait était susceptible de vexer l’australienne. Elle était passée à côté de choses qui relevaient de l’évidence pour n’importe qui d’autre, et l’étonnement des enfants ou des jeunes adultes se traduisait souvent par de la moquerie ; alors elle se sentait bête, mise à l’écart. L’aide de sa cousine lui avait permis de dépasser cela. “Tout le monde devrait être émerveillé par un tiki-bar !” était-elle désormais capable de rétorquer avec encore plus d’enthousiasme. Et puis, elle pourrait s'extasier face à toute l'ingénierie nécessaire pour former un pont -un beau pont qui plus est. Cela n’était pas aussi simple que de placer un bâtonnet de glace entre les rives d’une flaque d’eau pour aider les fourmis à traverser. C’étaient des merveilles, impressionnantes et monumentales. « Je suis un peu fâché avec le quartier, pour tout t’avouer … J’y ai habité quelque temps, mais je crois que Logan City me manquait trop pour que je l’apprécie à sa juste valeur. » C’était donc là qu’il se trouvait, avant d’emménager de l’autre côté de la haie. Lee imaginait bien mal Hassan dans l’agitation et le vrombissement constant de la ville. Pas lui qui appréciait les plantes au moins autant qu’elle, le thé chaud, et l’espace pour les chiens. “Tant mieux. Ca ne serait pas pareil si tu n’étais pas dans le quartier.” Définitivement pas pareil.
Sur le quai, le fameux pont derrière eux, ils pouvaient admirer la skyline se reflétant dans l’eau du fleuve. Le soleil baissait doucement. Leurs pas résonnaient sur le béton, lui dans ses chaussures, elle sur ses talons. Kelly appréciait la spontanéité de leur programme ; elle qui pensait rentrer chez elle pour ne demeurer qu’en compagnie de Tobey comme n’importe quel autre soir se retrouvait en chemin pour ce bar avec Hassan. Le genre d’occasions qu’elle ne se permettait même pas d’espérer. Cela lui semblait bien trop présomptueux de penser qu’il voudrait l’inviter. Avoir tort, pour une fois, était plaisant. « Je crois que je suis démasqué. - Je suis une bien trop bonne enquêtrice, tu devrais le savoir.» Toujours un œil à travers la fenêtre, guettant les habitudes, les anomalies et les nouveautés ; rien n’échappait à Lee. « Les bureaux d’Amnesty sont à cinq minutes, à peine, et j’avais une réunion cet après-midi. J’étais pas certain de sortir à temps pour te croiser avant que tu fermes, d’ailleurs … Mais j’aurais fini par passer, réunion ou pas. » Elle glissa furtivement une mèche derrière son oreille, lèvres pincées. Puis ses deux mains serrèrent un peu plus nerveusement la hanse de son sac à main. « Et puis … Enfin, ça fait un moment déjà que je me dis qu’il faut que je te propose un verre. Mais entre Noël, mes neveux, la rentrée ... » Être adulte, c’était avoir l’impression de constamment manquer de temps. C’était voir les mois défiler avec dépit et les plans stagner plus qu’on ne le voudrait. C’était espérer qu’il ne soit jamais trop tard. “Vous êtes un homme fort occupé Mr. Jaafari, je le sais bien.” dit-elle avec un sourire, loin de le railler mais comprenant parfaitement ce que cela était, de courir après le temps. Kelly ne pouvait pas prétendre avoir un planning aussi chargé que celui du brun, ni même autant de responsabilités entre les étudiants, le bénévolat et le crédit de sa parole dans les médias. Elle, elle tenait une cave à vin et faisait de la cuisine à la télévision. Les tournages avaient cependant bien chamboulé son emploi du temps bien défini. “Je suis quand même contente que tu aies trouvé du temps pour moi.” ajouta-t-elle pudiquement.
La sommelière s’arrêta devant la porte de l’établissement dont l’allure relevait plus de l’espace de stockage d’agents de maintenance des bords du fleuve que du charmant petit bar qu’elle avait mentionné. Pourtant, à travers les fenêtres, on devinait déjà les kilomètres de branches de bambou décorant les murs, le mobilier en bois et la jungle de plantes envahissant l’espace. “C’est là.” Mais avait-elle besoin de préciser l’évidence ? Dans le doute, Hassan pourrait croire à une blague. Pourtant ce fut bien l’océan de kitsch promis qui se déversa sur le brun à peine la porte d’entrée ouverte. “Talofa !” s’exclama Kelly en direction du barman, qui le lui rendit avec un sourire égal. “Ca veut dire bonjour en samoa.” qu’elle précisa à Hassan avec presque plus d’enthousiasme et de fierté qu’il n’en faudrait pour avoir appris un unique mot dans la langue du propriétaire des lieux. A son aise, elle leur sélectionna une table non loin d’une fenêtre où leur espace vital serait à moitié dévoré par un immense areca. Et bien sûr, lorsqu’une serveuse vint leur suggérer les cocktails du moment et prendre leur commande, Lee fut incapable de lui demander son habituel Mai Tai sans brasser du vent en small talk pendant cinq bonnes minutes. Finalement, elle s’accouda sur son fauteuil en jonc, la joue reposée dans sa main, et détailla Hassan un instant. Il avait l’air fatigué -elle ne le lui mentionnerait pas. Elle était surtout ravie d’avoir le plaisir de sa compagnie. “Entre l’Université, l’hôpital, la télé, Amnesty… J’ai l’impression que la seule chose qui manque à ton CV bien fourni en bonnes actions c’est “justicier masqué”. Tu y as déjà songé ?” De ses mains, à distance, Lee couvrit le haut et le bas du visage d’Hassan et ne laissa entrevoir que ses yeux -de son point de vue en tout cas. “Je suis sûre qu’on peut te trouver un nom accrocheur.”
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| | | | (#)Jeu 18 Nov 2021 - 3:47 | |
| Kelly donnait l’impression que tout, absolument tout glissait sur elle sans jamais l’atteindre pour de bon. Comme si les tracas du quotidien ne parvenaient pas à s’y accrocher, comme si les contrariétés plus importantes n’étaient jamais que temporaires et vouées à disparaître tels les nuages cédant leur place au soleil après une averse. Alors bien sûr Hassan n’était pas naïf, personne ne pouvait se vanter de voir le verre à moitié plein trois-cent-soixante-cinq jours par an, mais il enviait à la brune cette capacité à donner le change et à ne jamais se laisser abattre trop longtemps – au moins en apparence. Il lui enviait et en même temps il y trouvait un certain réconfort, lorsqu'elle lui adressait un sourire ou un signe de la main depuis l'autre côté de la clôture, et l'espace de quelques secondes la bonne humeur de la jeune femme parvenait presque à chasser la mélancolie avec laquelle il se débattait quasi-quotidiennement. Et lorsqu'elle avait répondu « Tant mieux. Ça ne serait pas pareil si tu n’étais pas dans le quartier. » avec légèreté, il n'avait donc pas pu s'empêcher de songer qu'il aurait tout aussi bien pu en dire de même à son sujet. Loin de le lui rendre correctement d’ailleurs, le brun avait tardé à se donner le temps de rattraper l’absence dont il s’était rendu coupable à l’inauguration du commerce de la sommelière. La faute non pas à son éloignement du cœur de cible lorsqu’il était question de vin, mais à un emploi du temps chargé que le concerné ne faisait pour ainsi dire aucun effort pour alléger. « Vous êtes un homme fort occupé Mr. Jaafari, je le sais bien. » lui avait aussitôt concédé la brune avec un sourire, et moins d’ironie que lui ne l’aurait peut-être fait s’il avait lui-même dû décrire la situation. « Disons que je tâtonne encore un peu pour ce qui est d’optimiser mon temps … Mais j’y travaille. » avait-il quant à lui simplement assuré à ce sujet, s’avançant certes un peu trop quant aux moyens développés pour y parvenir, mais au moins sincère quant au fait que l’envie était là. Il voulait encore croire que tout n’était qu’une question d’organisation, et que le problème n’était pas la quantité d’engagements qu’il s’imposait mais simplement le fait de ne pas avoir encore trouvé comment les répartir au mieux. « Je suis quand même contente que tu aies trouvé du temps pour moi. » Au sourire par lequel Kelly avait ponctué sa phrase, Hassan avait répondu par un autre ; La seconde suivante, ils arrivaient à destination. L’extérieur ne payait pas de mines, à se demander s’il arrivait à l’établissement de recevoir autre chose que des habitués tant on avait peu de chance d’en pousser la porte par hasard, mais ceux qui s’y risquaient étaient récompensés par une abondance de couleurs et de végétation – dont une majeure partie n’était même pas artificielle, un point supplémentaire pour le bar (et un probable enfer à entretenir, avait forcément songé Hassan en botaniste du dimanche). Comme à son habitude à l’aise presque comme chez elle, Kelly s’était fendue d’un « Talofa ! » enjoué aussitôt avaient-ils passé la porte et visiblement pas surpris pour deux sous le barman avait répondu pareillement, la brune indiquant aussitôt « Ça veut dire bonjour en samoa. » avec une fierté non dissimulée. « Plus que “Bienvenue” et “Je connais le vin parfait pour aller avec ce plat” et tu pourras presque envisager un partenariat. » s’en était amusé Hassan avec candeur, ponctuant sa phrase d’un sourire et se laissant docilement guider jusqu’à la table que sa compagnie estimait être la plus à son goût. « Tu viens souvent ? On n’imaginerait jamais que ça ressemble à ça depuis l’extérieur. » Presque comme si le petit bout de jungle sur fond de mobilier en rotin devait se mériter. L’oeil allant avec la force de l’habitude directement vers la (petite) section de la carte réservée aux boissons sans alcool, il avait mis de côté sa tendance au Perrier-citron qu’on lui jugeait ennuyeuse et s’était laissé tenter par un mocktail au nom difficilement prononçable, mais dont les ingrédients – mangue, coco, ananas – faisaient office de valeur sûre. Il n’avait écouté que d’une oreille involontairement distraite le brin de discussion entre Kelly et la serveuse, abandonnant à ses pieds sa sacoche et son casque de moto et s’installant un peu plus à son aise contre le dossier de son fauteuil. Lorsqu’il lui avait rendu la carte des boissons, le brun avait néanmoins répondu au sourire de la serveuse par un autre du même acabit comme s’il avait tout suivi à la conversation, mais aussitôt avait-elle tourné le dos que son attention était revenue à Kelly. « Entre l’Université, l’hôpital, la télé, Amnesty … J’ai l’impression que la seule chose qui manque à ton CV bien fourni en bonnes actions c’est “justicier masqué”. Tu y as déjà songé ? Je suis sûre qu’on peut te trouver un nom accrocheur. » Le geste se joignant à la parole, elle avait fermé un oeil et emprisonné son profil entre ses doigts fin comme pour jauger du rendu potentiel, et provoqué un rire aussi bien amusé qu'un peu gêné de la part du concerné « Je pourrais te le dire, mais après ça je serais obligé de te tuer … ou de faire de toi mon acolyte, j'espère que tu n'as rien contre les capes et les couleurs flashy ? » Heureusement, les justiciers du vingt-et-unième siècle avaient abandonné le lycra pour des matières un peu plus flatteuses. « Mais je crois que je manque un peu trop de goût pour la bagarre pour faire un bon justicier masqué … Je suis meilleur avec les mots qu'avec les poings. » Preuve en était qu'il n'hésitait jamais à rentrer dans le lard des interlocuteurs avec lesquels ses opinions divergeaient sur les plateaux d'ABC – mais lever la main sur quelqu'un ? Jamais. « En parlant d'être à l'aise avec les mots : ça a l'air de bien se passer pour toi chez Network 10 ? On croirait que tu as fait ça toute ta vie. » Véritable facilité à s'exprimer face à une caméra, ou simple capacité à donner le change à la perfection, dans les deux cas l'illusion était parfaite et Kelly donnait l'impression d'être dans son élément. « Si ma tante te croise en sortant de chez moi elle risque de vouloir te parler cuisine pendant des heures, elle ne rate aucune de tes émissions. Tu es prévenue. » Une émission qui mêlait cuisine et potins ? Fatima n'aurait pas pu rêver mieux pour assouvir ses deux passions principales.
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| | | | (#)Mer 5 Jan 2022 - 17:33 | |
| | | ► LOVE'S DIVINO
I'm remembering how the night was so clear You were whispering "I'm so glad you are here"
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Il y avait toujours quelque chose de spécial dans le fait d’ouvrir les portes d’un lieu apprécié à une personne y étant extérieure. La volonté de partager se teintait d'expectations, un mélange d’enthousiasme et d’appréhension. Allait-il aimer cet endroit autant qu’elle ? N’y verrait-il pas d’intérêt, ou pire, en détesterait chaque détail ? Les divergences, lorsqu’elles arrivaient, menaient souvent à une remise en question de soi. S’il considérait que ses goûts en la matière étaient pauvres ou cheap, qu’est-ce que cela disait sur elle et comment cela impacterait son image à ses yeux ? Kelly réfléchissait trop, ce n’était pas nouveau. Le naturel et la simplicité de chacune de ses actions, son aise générale, dissimulait un calcul précis né d’une foule d’angoisses. Elle maîtrisait simplement l’air que son cerveau n’était jamais aussi encombré qu’il ne n’était vraiment. La brune jetait donc des regards réguliers à Hassan, scrutant le pli de ses yeux, le coin de sa bouche en quête d’une première impression. « Tu viens souvent ? On n’imaginerait jamais que ça ressemble à ça depuis l’extérieur. » Bonne ou mauvaise surprise, Lee ne saurait le dire, mais sa nervosité était glissée sous le tapis. “N’est-ce pas ? C’est un client qui m’en a parlé, il vit dans le quartier et c’est un habitué. J’ai l’impression que c’est le genre d’endroit qui ne se laisse connaître que par le bouche à oreille.” Les clients pouvaient se sentir spéciaux, comme partageant tous ensemble un secret commun. Un petit coin exotique au coeur de la ville pour de courts voyages en milieu de semaine. Elle, elle aimait l’énergie du lieu, l'authenticité. Ce n’était pas aussi instagramable qu’elle l’aurait voulu -trop chargé, trop fouillis- mais cela avait le mérite de lui faire lâcher son téléphone portable. C’était un coin qu’elle ne voulait pas partager avec le monde. Le partager avec Hassan, en revanche, ne la dérangeait pas. Les tête-à-tête avec son voisin étaient assez rares pour considérer cela comme une occasion particulière. Peut-être bien l’occasion qu’elle attendait.
Lee ne s’estimait pas réputée pour son sens de l’humour, mais les tournages de Chop & Talk avaient le mérite de lui avoir inspiré quelques notions d’improvisation. Les moments où son premier degré reprenait le dessus étaient toujours ceux qui faisaient rire l’ensemble de l’équipe derrière les caméras ; elle avait appris à embrasser ce côté d’elle et y voir une sorte de signature. Ses plaisanteries étaient quitte ou double, et l’australienne fut soulagée d’entendre un rire sortir de la bouche d’Hassan tandis qu’elle le mettait dans la peau d’un super-héros. « Je pourrais te le dire, mais après ça je serais obligé de te tuer … ou de faire de toi mon acolyte, j'espère que tu n'as rien contre les capes et les couleurs flashy ? » Kelly se voyait mal dans le rôle ; se battre contre les criminels n’était pas une mission adéquate pour ses quatre membres en bâtons façon cure-dents. Et puis elle serait obligée de garder les ongles courts pour ne pas les casser à la moindre action. “J’ai toujours rêvé de porter une cape, c’est le lycra que je redoute. Je ferais un excellent Alfred ceci dit.” Et c’était là que se dessinait la limite de sa culture pop. Les costumes, elle était plus douée pour les coudre que pour les porter. Ceci dit, les tissus étirables étaient pires que tout à travailler à la machine. « Mais je crois que je manque un peu trop de goût pour la bagarre pour faire un bon justicier masqué … Je suis meilleur avec les mots qu'avec les poings. » Pour l’avoir vu sur un terrain de rugby plus d’une fois et faire profiter son équipe d’un excellent jeu de jambes et d’épaules, Lee se permettait d’en douter. D’un autre côté, une cape à motif Déclaration des droits de l’Homme, voilà un concept intéressant.
« En parlant d'être à l'aise avec les mots : ça a l'air de bien se passer pour toi chez Network 10 ? On croirait que tu as fait ça toute ta vie. » On croirait, pourtant rien ne l’y destinait et le syndrome de l’imposteur était un véritable petit diable sur son épaule qui lui faisait remettre en question sa place sur le plateau régulièrement. Ce pourquoi elle refusait de connaître les scores d’audience ; pour ne pas donner le change à cette petite voix dans un coin de sa tête qui lui ressassait qu’elle n’était pas assez bien. "Ça se passe bien, très bien, merci. J’y suis de plus en plus à l’aise avec le temps, ce n’était pas gagné.” répondit-elle avec lucidité. Lors de son premier tournage, Lee osait à peine marcher dans le décor tant ses mollets tremblaient. Sa parfaite élocution en avait pâti et ses joues avaient rosi plus que de raison, forçant son maquilleur à cacher ces véritables plaques cramoisies qui lui servaient de pommettes. « Si ma tante te croise en sortant de chez moi elle risque de vouloir te parler cuisine pendant des heures, elle ne rate aucune de tes émissions. Tu es prévenue. » La trentenaire se pinça les lèvres, flattée et ravie. "Ça serait avec plaisir.” Après tout, Kelly ne présenterait pas sa propre émission à ce sujet s’il ne s’agissait pas d’une thématique dont elle était, elle aussi, capable de parler durant des heures. Leurs boissons leur parvinrent et la brune fit immédiatement tinter son verre contre celui d’Hassan avec un sourire. Une gorgée de Mai Tai plus tard, elle le déposa vivement sur la table, soudainement agitée par une idée venant de lui traverser l’esprit ; “Ou mieux, tu devrais l’amener au studio, elle reprit rapidement avant que la pensée ne lui échappe. Je pourrais lui faire faire un tour du propriétaire et la laisser regarder l’enregistrement. A la fin du tournage on se partage le plat qui a été préparé avec toute l’équipe. Parfois, l'invité du jour reste un peu. Teresa Palmer l’avait fait, une chic fille. Le curry vegan était excellent.” Nommer subtilement les personnalités qu’elle avait rencontrées était un tout nouveau sport dans lequel Lee excellait sans même s’en rendre compte. “Enfin, voilà. Et si tu veux accompagner ta tante, tu es le bienvenu aussi, bien évidemment.” Evidemment.
A vrai dire, si elle le pouvait, Kelly l’encouragerait vivement. Rien ne lui ferait plus plaisir que de lui montrer le plateau, même si ce genre d’environnement n’avait rien de nouveau pour lui. Ils avaient cet univers en commun désormais, ou presque, et elle voulait tant qu’il remarque qu’elle avait le potentiel de faire un peu plus partie de son monde. C’était un grand écart, mais s’il voyait concrètement qu’ils partageaient cela, alors peut-être pourraient-ils partager plus encore, et cela se transformait, dans l’imagination fertile de Kelly, en une grande porte ouverte vers tout ce qu’elle espérait depuis des années. Un trop grand écart, peut-être. Songeant à tout ceci, ses doigts manucurés jouaient avec le pied de son verre. “Je suis vraiment contente que tu aies proposé de se voir.” confia-t-elle à voix basse. “Depuis la fois au bar, je…” Oui, deux ans plus tôt. Non, elle n’avait pas terminé de le ressasser. “J’aurais dû dire à ce cher Pete d’aller se faire cuire un œuf. Je me sentais bien avec toi.” Et elle avait déjà demandé pardon, cherché à réparer cette erreur, admis sa bêtise ; mais pas de cette manière. Elle avait fait trois pas en arrière le jour où les étoiles s’étaient alignées pour lui offrir un tête-à-tête comme elle en avait rêvé. Le destin avait décidé qu’elle n’était pas prête, ce jour-là, qu’elle manquait de confiance en elle, qu’elle se cherchait encore. Qu’avait-elle à offrir, à ce moment-là, en dehors d’une déprime inavouée et d’une solitude la poussant à croire que la seule affection qu’elle méritait était celle qu’un Tanguy du fin fond de l’Internet était en mesure de donner ? Lee n’était pas moins nerveuse à cet instant, bien au contraire, alors qu’elle sentait que par la brèche qu’elle venait d’ouvrir allait se glisser une vérité, un secret qui ne voulait plus attendre sagement. "Ça va te sembler incongru mais j’attendais une opportunité de ce genre depuis l’université.” Elle lâcha un rire embarrassé -un toussotement plutôt. Pavé dans la mare, au moins le poids n’était plus sur sa poitrine mais lancé, dans l’air, lui faisant attendre l’ampleur du splash. Elle s’imaginait qu’il allait rire d’elle, sûrement. Après tout, il n’y avait pas d’autre réaction possible à une confession pareille.
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| | | | (#)Sam 29 Jan 2022 - 1:31 | |
| La nouvelle carrière télévisuelle de Kelly, c’était la preuve qu’un petit rien à priori sans importance pouvait parfois faire basculer en un rien de temps votre vie vers quelque chose de radicalement différent. Hassan la revoyait encore le jour de son départ, à se demander si s’inscrire à cette émission sur un coup de tête n’était pas une grossière erreur, à se dire que laisser ainsi son chien et son emploi était de la pure folie, et à tenter de se persuader comme pour rationaliser sa décision que tout cela ne durerait de toute façon pas plus de deux ou trois semaines – car qui se serait imaginé que la brune se hisserait jusqu’à la fin de la course et finirait même par la remporter ? Probablement personne, certainement pas Hassan, et assurément pas Kelly elle-même. Et voilà qu’aujourd’hui elle n’avait non plus une mais bien deux carrières parallèles, lesquelles étaient toutes les deux directement liées à ce risque qu’elle avait accepté de prendre l’année précédente. Un seul petit risque. Et si l’achat et l’ouverture de sa propre boutique ressemblait, au moins d’un point de vue extérieur, de la suite logique à ce vers quoi elle évoluait jusque-là, le retour à la télévision dans un cadre un peu plus consensuel et professionnelle que celui de candidate de télé-réalité avait de quoi surprendre … Et en même temps pas vraiment, tant la brune semblait finalement dans son élément. « Ça se passe bien, très bien, merci. » avait-elle en tout cas remercié, Hassan faisant mine de ne pas voir le rose venu instantanément teinter ses joues. « J’y suis de plus en plus à l’aise avec le temps, ce n’était pas gagné. » Et s’il la croyait sur parole et se rappelait n’en avoir lui-même pas mené large lors de ses premières apparitions sur les plateaux d’ABC, il s’en était sorti avec le même esprit que lors de ses premiers jours face à des élèves. « Du moment que tu faisais illusion, les autres n’ont pas à savoir la vérité. » Et à prétendre même maladroitement être tout à fait à l’aise, on finissait forcément par le devenir un peu plus à chaque tentative. Il y en avait une en tout cas qui n’y avait dès le départ vu que du feu, et elle ne tarissait depuis pas d’éloges au sujet de Kelly ; À moins que Fatima n’ait encore une idée derrière la tête en mentionnant ici et là sa voisine, mais passé maître dans l’art de ne pas donner d’eau à son moulin le brun préférait la croire réellement intéressée par l’émission. « Ça serait avec plaisir. » avait en tout cas assuré la concernée quant à la possibilité de tomber fortuitement sur la marocaine, le retour de la serveuse avec leurs cocktails interrompant cependant aussitôt la discussion et les deux jeunes gens remerciant tour à tour avant de trinquer. Hassan aurait bien été capable de remettre le doigt sur le nom imprononçable de celui pour lequel il avait opté, mais le contenu de son verre semblait le satisfaire tout à fait. « Ou mieux, tu devrais l’amener au studio, » reprenant la conversation là où elle l’avait laissée, Kelly avait poursuivi avec enthousiasme « je pourrais lui faire faire un tour du propriétaire et la laisser regarder l’enregistrement. A la fin du tournage on se partage le plat qui a été préparé avec toute l’équipe. Parfois, l'invité du jour reste un peu. Teresa Palmer l’avait fait, une chic fille. Le curry vegan était excellent. » Ironiquement le souvenir du curry lui était revenu plus facilement que celui de Teresa Palmer … Il lui avait trouvé un air de ressemblance avec Olivia, il se souvenait de cela en revanche. « Enfin, voilà. Et si tu veux accompagner ta tante, tu es le bienvenu aussi, bien évidemment. » L’emploi du temps d’Hassan serait sans surprise beaucoup plus difficile à faire plier que celui de Fatima, encore que cette dernière semblait toujours avoir des tonnes de choses à faire de ses journées, mais acquiesçant d’un air tranquille le brun avait assuré « C’est adorable. Je garde ça dans un coin de la tête. » en offrant un sourire, certain déjà qu’il tâterait à nouveau le terrain plus tard pour jauger de si la proposition était toujours sérieuse ou s’il ne s’agissait là que de la politesse aimable dont Kelly savait également user. Pour l’heure l’un et l’autre avaient pris le temps de faire honneur à leur cocktail, et Hassan devait bien admettre que le sien était de nature à lui faire admettre qu’il aurait eu tout intérêt à se montrer un peu plus souvent aventurier en termes de boisson … Le Perrier et le thé glacé étaient des valeurs sûres, mais manquaient tout de même un peu de panache. « Je suis vraiment contente que tu aies proposé de se voir. » Kelly avait-elle remarqué qu’il la fixait depuis quelques secondes sans réussir à détourner le regard ? Sa phrase en tout cas avait tiré le brun de son nuage, et son attention était à nouveau toute à ce que la jeune femme avait à dire « Depuis la fois au bar, je … J’aurais dû dire à ce cher Pete d’aller se faire cuire un œuf. Je me sentais bien avec toi. » Oh, ça. Il y repensait parfois, c’est vrai – pas pour le ruminer, mais pour se demander où cela aurait pu mener. Si leur duo d’éternels seconds rôles n’en serait devenu que le souvenir d’une soirée amusante, ou s’ils auraient eu envie d’un second tête peut-être moins fortuit après celui-là. « Parfois le timing est simplement mauvais. » Tellement que lorsque Pete s’était effacé Gwen était apparue, et lorsque Gwen avait disparu le fantôme d’un possible retour de Chad dans le tableau avait pris la suite. « Tu y penses, parfois ? À ce qui se serait passé, si on était allés au bout de cette soirée. » Ou était-ce une question qu’il était le seul à se poser ? « Moi oui. » Elle trouverait peut-être cela idiot ; Ça l’était sans doute un peu. Mais qu’avait-il à perdre à l’admettre, après tout, si ce n’était le risque qu’elle égratigne un peu son ego ? Il en avait vu d’autres. Mais au lieu de ça le « Ça va te sembler incongru mais j’attendais une opportunité de ce genre depuis l’université. » qu’elle avait ajouté ensuite l’avait pris au dépourvu, et malgré tous ses efforts il n’était pas parvenu à camoufler entièrement sa surprise. Sa tête était tellement ailleurs, à l’université : à regarder tout ce que le campus avait à offrir en terme de gente féminine d’abord, à ne plus regarder que Joanne ensuite. Mais jamais à regarder la moitié de l’un de ses coéquipiers, car au milieu de tout ce qu’il y avait de discutable dans ses agissements de l’époque subsistaient quelques principes auxquels il ne dérogeait pas. « J’étais un crétin, à l’université. » avait-il finalement argué, son regard comme accroché à celui de Kelly. « J’en suis un peu moins un aujourd’hui, à ce qu’on dit. » Encore que. « Peut-être que c’est une meilleure opportunité. » Meilleure même que celle qu’ils avaient laissé passer trois ans plus tôt, si elle tenait véritablement à saisir là où il voulait en venir. « Ou peut-être que c’est moi qui ait tenté d’en saisir une, en allant te cueillir à la fermeture de ta boutique. » Peut-être, oui.
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| | | | (#)Mer 18 Mai 2022 - 22:13 | |
| | | ► LOVE'S DIVINO
I'm remembering how the night was so clear You were whispering "I'm so glad you are here"
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« Parfois le timing est simplement mauvais. » résumait si bien Hassan. Kelly avait toujours calibré sa vie sur cette chronologie parfaite qu’elle s’imaginait être la normalité, ne supportant pas d’être en retard sur les autres -ces fameux autres qui constituaient comme un genre de compétition, elle ne savait pourquoi. Puis les choses avaient déraillé et, depuis, il ne paraissait plus possible de remettre les événements dans un ordre précis. Admettre que le monde était chaotique, hors de son contrôle, était encore trop lui demander. Pour elle, le timing n’était pas mauvais ; une force supérieure se chargeait de ce genre de choses, Ce qui devait arriver arrivait, ce qui ne devait pas être ne se faisait pas. Alors pourquoi avait-elle le sentiment d’avoir saboté elle-même la chance qu’elle avait eu ce fameux soir ? Était-ce l’excès de politesse, offert à la naissance par elle ne savait quelle bonne fée au-dessus de son berceau, qui l’avait empêchée de voir ce qu’elle avait sous le nez ? « Tu y penses, parfois ? À ce qui se serait passé, si on était allés au bout de cette soirée. Moi oui. » Lee se pinça les lèvres. Bien sûr qu’elle y pensait, la question était plutôt ; quand est-ce qu’elle n’y pensait pas ? Elle lui disait bonjour le matin et se revoyait rire à la même table, elle le croisait le soir et revivait la manière dont elle l’avait congédié. Un signe de la main, un sourire, et elle s’imaginait baisers et étreintes qui auraient pu découler de plusieurs autres rendez-vous si la soirée avait suivi son cours. Pouvait-on nommer cela une obsession ? “Parfois.” souffla-t-elle avec une éternelle modération. Tout le temps. Il n’était pas question de faire peur à Hassan en confessant plus que le nécessaire, bien que, une seconde plus tard, la brune osait enfin révéler son béguin de jeunesse.
Les yeux sombres de son voisin se vissèrent dans les siens ; elle attendait de sa part un rire moqueur qui ne vint pas. Il était probablement trop gentil pour cela. Quoi qu’il en soit, il était clair que le brun ne s’était pas douté de l’intérêt qu’elle lui portait à l’époque, et cela la conforta dans l’idée qu’il ne l’avait sûrement jamais remarquée, encore moins songé à elle de cette façon. Heureusement qu’elle avait rapidement enterré ses espoirs -au profit de son adonis digne d’une couverture de magazine, bien plus acceptable pour sa famille. « J’étais un crétin, à l’université. » Kelly n’était pas de cet avis. Elle aimait son énergie, son impétuosité, son assurance. C’était ce qui lui avait mis des étoiles dans les yeux et des papillons dans le ventre. Il était si différent de ce qu’elle connaissait, de ce qu’elle croyait vouloir ou avoir besoin. Il paraissait inatteignable, aussi, et cela suffisait à émoustiller n’importe quelle jeune femme, il fallait l’avouer. Hassan avait changé depuis, comme tout le monde le faisait, Lee l’avait bien remarqué. Pas en bien, pas en mal, juste en âge, en maturité, en ridules. Et elle continuait à lui trouver ce quelque chose d’inqualifiable qui l’attirait comme un aimant. « J’en suis un peu moins un aujourd’hui, à ce qu’on dit. Peut-être que c’est une meilleure opportunité. » Est-ce que le fameux timing était meilleur désormais ? Quoi qu’il en soit, Kelly n’avait pas l’intention de répéter ses erreurs. Hors de question d’écourter le moment, de se trouver des excuses ; de quoi pouvait-elle encore avoir honte maintenant que son plus grand secret au sujet de son voisin avait été avoué et reçu comme une banale anecdote entre vieux camarades de classe ?
Elle se sentait stupide d’avoir cru que cela ferait plus de bruit, que la réaction d’Hassan lui ferait prendre ses jambes à son cou avec la honte au ventre. S’il fallait une preuve supplémentaire qu’elle accordait trop d’importance au passé, elle était là. « Ou peut-être que c’est moi qui ait tenté d’en saisir une, en allant te cueillir à la fermeture de ta boutique. » A son tour d’avoir les yeux ronds, d’être prise au dépourvu. Est-ce que cela signifiait qu’il avait un semblant d’intérêt pour elle ou se faisait-elle des idées ? Qu’est-ce qui avait changé ? Et si l’invitation n’était qu’une lubie momentanée d’un homme en proie à l’ennui ? Cesse de te poser trop de questions, ma fille. Après tout, il suffisait d’un regard sur Hassan pour voir qu’il était sincère. A moins que cela soit ce qu’elle voulait désespérément voir. “Je suis contente que tu l'aie fait, si c’est le cas.” fit-elle en portant la paille de son cocktail à ses lèvres, faisant glisser un peu d’embarras dans son gosier et trouvant du courage dans le fond du verre. Pour elle, la soirée ne pouvait pas mieux se dérouler. Elle se vit rire et sourire à tout ce qu’il disait, ravie de tout avec une certaine candeur. Elle avait le coeur léger, euphorique. C’était son moment, ça l’était forcément. Et lorsqu’il la raccompagna à sa voiture, un peu avant la fermeture du bar, elle se sentit pousser des ailes, assez pour déposer un baiser poli sur sa joue en le remerciant pour le bon moment qu’elle avait passé en sa compagnie. Un moment qui ne serait que le premier de bien d’autres, elle l’espérait.
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| | | | | | | | (kellssan) love's di-vino |
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