Fin août 2011. Dix mois s’étaient écoulés depuis qu’Hunter avait enterré son père, dix mois que sa vie avait pris un tournant qu’il n’aurait pu imaginer. Une descente aux enfers qu’il n’avait pas prévu à l’horizon et qui pourtant était violente. Novembre 2009, il apprenait que son père était atteint de la maladie d’Huntington, le mois d’octobre suivant on lui annonçait sa mort. Aujourd’hui, il n’était plus le même garçon. Le garçon pétillant, rempli de rêves était parti aux oubliettes. En l’espace de deux ans, le petit garçon était devenu un jeune homme effronté, même perturbé… Il cachait cette cicatrice au fond de lui, mais en plus d’avoir perdu son père, il avait maintenant cette clé de Damoclès au-dessus de la tête, une clé qu’il ne voulait pas retirer car il était sûr qu’elle allait s’abattre sur lui. Son père lui avait prié de faire ce test avant de mourir, sa mère en pleurait encore et toute la famille Stringer était anéantie. Mais, un jour, lors d’un repas de famille Hunter avait fini par imploser, prônant son choix, il ne ferait pas le test. Il ne le ferait jamais. Penny, sa cousine, l’avait soutenu, vivant elle aussi avec ce doute génétique, la jeune actrice avait maintenu partager son point de vue. Pour une fois, il n’y avait plus de rivalités entre les cousins, seulement de la compassion, de l’entraide… de l’amour. Ils s’étaient pourtant tiré dans les pattes pendant toute leur enfance, grandissant dans cette compétition qui était propre aux Stringer.

Hunter n’était pas devenu un méchant garçon, il s’était juste beaucoup renfermé sur lui, jetant par la fenêtre ses rêves - tous ses rêves sans exception : ses voyages, son écriture, ses dessins, sa photographie, son métier de rêve… tout n’était plus qu’un lointain souvenir, des rêves qui le resteront à tout jamais. Penny avait essayé de le raisonner mais Hunter était borné, tout ce qu’il voulait était de trouver de quoi manger le soir même, pour lui, pour sa mère. Alors, il tournait mal, Hunter… Il traînait dans les rues, avait de plus en plus de mauvaises fréquentations, Hunter n’était plus le petit garçon parfait à première vue… Mais il gardait tout de même ce devoir indétrônable d’être là pour sa mère, elle était tout pour lui, il se battrait pour elle. Le jeune adolescent de 17 ans n’avait pas oublié qu’au début du mois, c’était aussi l’anniversaire de sa cousine, l’une des seules à le comprendre ces derniers temps. Ils devaient enfin se voir aujourd’hui, la jeune demoiselle lui faisait l’honneur de lui accorder un peu de temps sur Brisbane… L’adolescent lui avait dit de venir chez lui, chez ses parents… C’était la maison familiale, presque un an qu’ils y vivaient sans leur père et très vite, les factures allaient s’accumuler et ils allaient devoir laisser cette maison pour se retrouver dans un petit trailer aux abords de la ville… Mais ceci était encore un tout autre chapitre de sa vie dont Hunter n’était pas encore au courant. Pour le moment, il était sur la terrasse en train de se rouler une clope quand il vit Penny arriver en voiture, il eut un sourire amusé sur le visage quand elle arriva vers lui. « Penelope Stringer, I feel flattered.» dit-il, car malgré tout, il gardait cet esprit compétitif, ce petit jeu entre eux. La mort de son père les avait clairement rapprochés, mais très vite, après la révélation que Penny était sur le point de lui faire, tout cela allait encore changer. « Happy belated birthday, Penny.» ajouta-t-il en se levant pour la prendre dans ses bras une fois arrivée à sa hauteur.« Please, sit.» Il reprit sa position initiale, reprit sa clope pour la coller d’un coup de langue. L’adolescent avait commencé à fumer cette année, et ça n’allait pas s’arranger avec les années, bien au contraire. « You have some time off for me, huh? » s’exclama-t-il pour en savoir plus sur son emploi du temps de ministre. A la compétition de quel était le meilleur enfant Stringer, Penny avait fini par gagner. Hunter avait déclaré forfait, il n’était plus qu’un bon à rien.

La vie commençait tranquillement à reprendre son cours normal à tes yeux. Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis le décès de ton oncle et si tu avais eu du mal à te faire à cette perte, c’est à Hunter que tu pensais constamment, lui qui avait vu son univers complètement chamboulé depuis le diagnostic de Huntington de son père. Le diagnostique en lui-même avait été une onde de choc pour toute la famille Stringer alors que tes parents et ceux de Hunter avaient insisté pour que tout le monde passe un test pour savoir si un autre d’entre vous avait été accablé de ce même gène destructeur. Ton père avait réussi le test, ton petit frère aussi, lui qui vivait déjà avec des grandes différences qui le suivraient toute sa vie. Hunter lui, avait déclaré ne pas vouloir savoir. Tu n’avais pas compris pourquoi au départ, mais il avait insisté et tu avais fini par te ranger de son côté. Tu avais ressenti qu’il avait besoin qu’on le soutienne, qu’il avait besoin que quelqu’un soit là avec lui et c’était naturellement que tu avais pris la décision de ne pas te faire tester toi non plus, malgré les nombreuses protestations de tes parents. Tu voulais être solidaire pour Hunter, lui qui avait longtemps été comme un frère pour toi, bien plus qu’un simple cousin. Mais quelques mois avaient filé depuis que vous aviez pris cette décision et tu n’avais pas su tenir ta parole. À coup de longues discussions avec tes parents et beaucoup de doutes face à l’incertitude de ce qui pourrait ou non t’attendre dans une trentaine d’années, tu avais décidé de passer le test sans même le dire à Hunter. Tu te sentais mal de le faire dans son dos, tu savais que tu trahissais sa confiance en revenant ainsi sur ta parole, mais tu ne pouvais plus supporter l’incertitude qui pesait sur tes épaules, sur ce que ta vie allait vraiment être. Alors tu avais passé le test et les résultats étaient tombés : tu n’étais pas porteuse du gène. Tu étais soulagée de le savoir, mais terrifiée à l’idée que Hunter puisse l’être et tout autant terrifiée à l’idée de la réaction du jeune homme quand il saurait que tu avais passé le test sans lui en parler.

Tu venais de fêter tes 19 ans et tu avais un voyage de prévu à Brisbane pour un retour d’audition. Les réalisateurs de la populaire série Neighborhood semblaient intéressés à t’offrir un rôle important et le tournage se passant dans l’est du pays, tu avais saisi l’occasion pour rendre une visite trop longtemps repoussée à ton cousin. La route avait été longue de Torquay jusqu’à Brisbane, mais tu avais utilisé les nombreuses heures de voiture pour te faire une tête et répéter ce que tu allais dire à Hunter. Tu es fatiguée quand tu arrives finalement devant cette maison que tu connais si bien, celle ou ton cousin a grandi, celle ou tu as partagé des centaines de souvenirs, de fous rires et de compétition de tout genre. Il est assis sur la terrasse lorsque tu arrives et tu ne mets pas longtemps avant de t’approcher de lui. « Penelope Stringer. I feel flattered. » « Don’t. I’m not here for you. » que tu parviens à répondre avec un sourire taquin alors que tes bras viennent l’enlacer. Il pue la cigarette, c’est nouveau, mais tu ne dis rien, ressentant cette nervosité à l’idée de lui faire ce speech que tu as préparé depuis de longues heures déjà. « Happy belated birthday, Penny. » Tu lui offres une bise sur la joue, tu sais qu’il risque de faire la grimace mais ça t’amuse toujours de le faire. « Please sit. » Tu prends place à côté de lui, ton corps courbaturé après un si long voyage. « You have some time off for me, huh? » Tu secoues doucement la tête en un rire. « I actually have an audition in two days for a show that’s shooting around here. But seeing you is a nice bonus. » Ça te fait du bien de le voir, même si ça te met aussi dans tous tes états parce que tu sais que vous êtes sur le point d’avoir une discussion difficile et tu appréhendes sa réaction. Tu repousses d’ailleurs le moment, ayant envie de prendre le temps d’arriver avant de lâcher cette énorme bombe. « How have you been? How’s your mom? » Remplir le silence et repousser l’échéance, ne serait-ce qu’un peu plus longtemps.

Fin août 2011. Depuis que la maladie de son père s’était déclarée au cours de l’année 2009, Hunter avait drôlement changé. Il n’était plus le garçon vif d’esprit et ambitieux qu’il avait pu être durant toute son enfance. Le décès avait même fini par éteindre la flamme qui animait le garçon dans tout ce qu’il pouvait faire. Il gardait toujours un certain attrait pour l’art d’écrire, pour celui de prendre en photo ou de dessiner, mais c’était enfoui au fond de lui, ce n’était plus quelque chose qu’il aimait partager. Il s’était doucement terré dans cette carapace qui le rassurait. Il avait fini par se retirer du système scolaire, abandonnant tous ses rêves de devenir un journaliste reconnu dans le monde entier pour ses investigations mondiales. Hunter n’avait comme seule occupation de s’occuper de sa mère, et c’était suffisant pour lui. Parfois, il se demandait ce qu’ils allaient devenir tous les deux… Ne préférant pas demander de l’aide à qui que ce soit. C’était son problème, et celui de personne d’autre.

En cette fin de mois d’août, il savait qu’il allait avoir la visite de sa cousine. Il la voyait peu souvent car la jeune femme avait fini par se faire une place dans le showbiz, une toute petite place qu’elle finirait par agrandir au fur et à mesure des années… ça, Hunter n’en doutait pas. Toutefois, il n’aimait pas non plus la congratuler pour son parcours, parce qu’au fond, sa réussite ne faisait que lui rappeler son échec personnel… Depuis la mort de son père, cette compétition s’était doucement essoufflée, le jeune Stringer avait abandonné la course au garçon parfait de la famille. Il laissait volontiers la place à Penny, et préférait ne plus regarder derrière lui… Il n’était plus le même de toute façon. « Don’t. I’m not here for you. » Penny s’était approchée de lui sur le perron de la maison, il la serra brièvement dans ses bras pour lui souhaiter un joyeux anniversaire en retard. Elle vint l’embrasser sur la joue, et il ne put s’empêcher de grimacer en venant essuyer -exagérément- sa joue avant de se rasseoir sur le banc en bois peu confortable, mais qui avait toujours été là… « I actually have an audition in two days for a show that’s shooting around here. But seeing you is a nice bonus. » Hunter sourit à cette remarque, ils adoraient toujours autant prétendre qu’ils n’étaient jamais là l’un pour l’autre. « Well, I would’ve been surprised otherwise. » s’exclama-t-il en venant tirer sur sa clope. Cela n’avait jamais été simple entre les cousins, mais au final ce décès avait fini par les rapprocher, du moins pour un temps… « How have you been? How’s your mom? » La jeune femme s’était assise à côté de lui, il haussa des épaules en expirant sa fumée. « Survivin’, I guess. » dit-il, d’un ton détaché. Loin de là l’idée qu’il s’en fichait de l’état de sa mère, bien au contraire, c’était tout ce qui comptait pour lui, mais il ne voulait pas alerter Penny. Ses problèmes étaient juste les siens, Penny ne devait pas s’inquiéter. Il voyait pourtant sa mère se détériorer de jour en jour, et Hunter avait dû mal à supporter le rôle de l’homme de la maison… « How are your parents doin’? David ? » demanda-t-il pour renvoyer la balle, essayant de changer de sujet. Hunter continua de fumer, soufflant à l’opposé de Penny. Il ne se doutait pas une seconde qu’elle était là pour lui annoncer quelque chose qui finirait par détruire leur début de complicité. « Do you know where you’re crashin’ tonight? » demanda-t-il finalement car Hunter se doutait qu’elle préférait dormir dans un hôtel confortable plutôt qu’ici mais elle savait qu’elle était aussi la bienvenue, à tout moment, chez eux.

Elle est puissante, la culpabilité qui te bouffe depuis plusieurs semaines. Celle qui te rappelle sans cesse que tu as joué dans le dos de Hunter. Celle qui te rappelle que tu n’as pas su tenir ta promesse. Celle qui te rappelle que tu n’as pas su être là pour lui comme tu le devais. Tu te sens coupable, mais tu n’arrives pas à le regretter. Tu n’arrives pas à regretter d’avoir été chercher la réponse à cette question qui pesait lourdement sur tes épaules depuis l’annonce du diagnostic de ton oncle. Si tu comprenais le besoin de ton cousin de ne pas savoir, tu ne pouvais faire fit de l’anxiété que de ne pas savoir créait chez toi, mais surtout de l’anxiété que cela créait chez tes parents, chez ta mère qui ne le verbalisait pas en tant que tel, mais qui semblait un peu plus inquiète avec chaque jour qui passait. Elle en avait déjà assez à gérer avec ton frère et sa condition, tu refusais d’être une inquiétude de plus sur sa liste déjà trop longue. Alors oui, tu avais fait le test. Tu étais allée chercher le résultat, celui qui aurait pu faire mal mais qui finalement avait apporté une dose de soulagement au sein de ta famille. Tu t’en veux, mais tu ne regrettes pas. Comment le pourrais-tu après tout? Tu avais vu la souffrance de ton oncle, la maladie qui l’avait emporté petit à petit, prenant absolument tout et tu ne pouvais pas ne pas être rassurée de savoir que ce n’était pas ce qui t'attendait. Et maintenant, tu avais peur plus que jamais que ce soit l’avenir de ton cousin. Tu n’étais pas venue dans le but de le faire changer d’idées, tu voulais malgré tout respecter sa décision.

Mais elle prend tout de suite le dessus, l’inquiétude, alors que tu poses ton regard sur lui et que tu la vois de partout, la fatigue qu’il semble traîner lourdement sur ses épaules. C’est que la vie n’a pas été super clémente avec lui dans les derniers mois et si tu aimerais pouvoir prendre un peu de ce poids sur ses épaules, tu sais que ta présence et ce que tu dois lui annoncer ne va faire qu’empirer les choses alors il cogne, ton palpitant alors que tu fais semblant de rien pour quelques instants, pour te faire croire que tout peut rester simple pour une fois entre vous deux. « Well, I would’ve been surprised otherwise. » Tu lui offres un faible sourire alors qu’il prend une bouffée de plus de sa cigarette, ce qui t’arrache une grimace que tu n’essayes même pas de camoufler. « Survivin’, I guess. » « One day at a time... » Ça te pince le coeur de l’entendre et tu ne peux t’empêcher de te sentir particulièrement inutile. Tu as été occupée dans la dernière année, tu as passé de long mois toute seule à Perth à tourné dans ton premier vrai projet d’envergure et tu sais que tu n’as pas pu être le soutien dont il avait besoin. Tu avais espoir que si tu obtenais le rôle pour cette série tournée à Brisbane, tu allais pouvoir être plus présente pour lui et pour ta tante. S’il acceptait toujours de te parler à la fin de cette journée, évidemment. « How are your parents doin’? David? » Tu hoches doucement la tête. « They’re good. Keeping busy and all that. David has been making major progress with his speech device. » Ton cousin savait que ça n’avait pas été un cheminement facile pour David, le fait qu’il soit toujours non-verbal à dix ans était un défi et la communication entre lui et le reste du monde difficile, mais le jeune garçon commençait tranquillement à s’habituer à sa tablette pour faire des demandes courtes et précises, ce qui était un grand succès pour toute ta famille. « Do you know where you’re crashin’ tonight? » « I got a room close to the studio where I have my audition. I didn’t want to impose on you guys.. » Et puis tu te doutais trop bien qu’après la discussion à venir, Hunter aurait certainement besoin d’espace et tu ne voulais pas lui imposer ta présence. « I have something to tell you... » Tu te racles légèrement la gorge, incertaine face à la bonne manière de lui dire ce que tu étais venue lui dire. « I know we promised we wouldn’t do it but hum… I took the test. » Tu n’oses pas lever les yeux vers ton cousin, préférant garder ton regard sur tes pieds alors que tu te pinces les lèvres, te sentant coupable comme jamais.

Fin août 2011. Hunter et Penny avaient grandi dans la rivalité des Stringer. Les deux frères avaient toujours grandi dans la compétition, déléguant la suite des hostilités avec leurs enfants. David n’était pas dans la course, et Hunter était seul à combattre. Très vite Penny et Hunter avaient donc repris les rênes de ce combat de coq. Sans vraiment savoir pourquoi, comprendre les raisons, ils s’étaient longtemps battus pour être le meilleur dans tout et n’importe quoi. Depuis la mort de son père, Hunter s’était rendu à l’évidence. Il avait arrêté de poursuivre ses rêves, il avait arrêté l’école, et faisait des petits boulots à droite à gauche pour joindre les deux bouts, et survivre avec sa mère. Curieusement cet événement avait rapproché les deux cousins, pourtant longtemps rivaux, aujourd’hui Hunter se sentait proche de Penny. Il gardait toujours au fond de lui cette rivalité, et la voir réussir dans ce qu’elle entreprenait lui faisait rappeler qu’il avait échoué… Mais elle était là pour lui depuis que la maladie avait été déclarée, elle était la seule à le comprendre, et il gardait donc que le positif à son égard.

La voir débarquer sous son porche lui soutirait tout de même un sourire. Hunter n’était pas très expressif ces derniers mois. Il gardait encore ce deuil sur les épaules, cette douleur de voir son père souffrir sous ses yeux, le voir dépérir au fur et à mesure sans pouvoir faire quoique ce soit. Alors Hunter, il tentait d’apaiser ses maux avec des cigarettes, il se bouffait la santé si jeune, et se fichait de ce qu’on pouvait penser de lui. Il tira sur sa cigarette, lançant un regard curieux à sa cousine. « One day at a time... » C’était en effet la philosophie de Hunter maintenant. Il vivait au jour le jour sans vraiment savoir de quoi demain sera fait. Le jeune homme hocha la tête doucement aspirant une nouvelle bouffée de ce poison qui lui rongeait les poumons. Hunter essayait quand même d’être bienveillant envers elle, il lui demandait des nouvelles de ses parents, il savait notamment que le père de Penny avait très mal vécu le décès de son frère. « They’re good. Keeping busy and all that. David has been making major progress with his speech device. » C’était une bonne chose, au moins certains arrivaient à passer à autre chose. « He’s a Stringer, he’ll make it through somehow. » Hunter accorda une oeillade envers Penny, elle mieux que quiconque savait ce que ça voulait dire. Elle aussi avait longtemps subi la pression des frères Stringer. Finalement, il se demanda où est-ce qu’elle comptait passer la nuit. « I got a room close to the studio where I have my audition. I didn’t want to impose on you guys.» Il haussa les épaules, elle ne se serait pas imposée, elle était de la famille, cela aurait été normal. « Okay. No problem. » dit-il d’un ton détaché. « I have something to tell you... » Il prit le bout de sa clope entre son index et son pouce pour venir tirer la dernière barre qui lui brûla la gorge, tournant la tête pour la regarder. « Shoot. » l’encouragea-t-il d’un signe de tête. « I know we promised we wouldn’t do it but hum… I took the test. » Hunter eut un léger rire ironique, il eût dû mal à déglutir, ne s’attendant pas à une telle révélation. « No, you didn’t… » finit-il par dire en la fixant, il se tourna légèrement sur le banc pour la regarder, mais elle n’osait même pas le regarder et il comprit qu’elle ne rigolait pas. « Why would you do that ? » C’était la seule qui le comprenait, et voilà qu’elle le trahissait sans même le prévenir.

Tu n’as jamais aimé les situations dans lesquelles tu te retrouves complètement impuissante, sans le moindre contrôle. Cette sensation toutefois n’avait jamais disparu depuis que vous aviez appris pour la maladie de ton oncle et ça n’avait fait qu’empirer plus la maladie progressait, pour atteindre son point culminant quand la maladie avait envahi son corps au point qu’il ne puisse y survivre. La distance entre Torquay et Brisbane avait semblé immense et si tes parents voulaient être aussi présents que possible pour ta tante et ton cousin, la vie se devait de continuer, les besoins de ton frère prenant de plus en plus de place dans vos quotidiens alors que de ton côté, tu n’avais pas vraiment su mettre tes rêves et tes projets en pause. Et tu te sentais soudainement coupable de ne pas avoir su faire plus pour Hunter quand tu voyais l’état dans lequel il se trouvait. Tu le connaissais assez bien pour voir que tout n’allait pas et il avait beau hausser les épaules et agir nonchalamment, tu savais que tout de cette situation pesait sur ses épaules et tu détestais la simple idée de devoir ajouter une couche de tourments. Les questions partent d’un côté comme de l’autre, c’est la base, c’est prendre les nouvelles en tournant autour du pot alors que la peur et la nervosité grandissent seconde après seconde. « He’s a Stringer, he’ll make it through somehow. » Tu hoches la tête. Tu veux croire qu’il a raison Hunter, et tu veux aussi croire que ça puisse s’appliquer à lui aussi. Les circonstances sont différentes désormais. Ce n’est plus Penny contre Hunter, ce n’est plus le jeu de qui saura impressionner les parents le plus. Du moins, t’as plus envie de jouer. Peut-être parce que tu sais au fond que t’as une large longueur d’avance sur ton cousin et que ce n’est plus fair play. Tu ne peux qu’espérer qu’il sache Hunter, que t’as baissé les armes. « Okay. No problem. » Tu n’arrives pas à savoir s’il est déçu ou pas, il continue de se la jouer au dessus de tout Hunter, et ça ne fait qu’ajouter à ton stress déjà bien présent.

Sauf qu’avec la nouvelle que tu dois lui apprendre, tu as peur qu’il voit le tout comme une attaque alors qu’au fond, ça n’a rien contre lui. Parce qu’avec les semaines qui ont filé, tu as réalisé à quel point ça va au-delà de toi et de Hunter, le résultat de ce test. Tu cherches encore la meilleure façon de lui dire et puis tu finis par comprendre qu’il n’y a pas de bonne façon, aucune manière polie pour mieux faire passer la pilule. « Shoot. » Tu prends une longue respiration et tu la lâches finalement, ta bombe. Elle explose partout sur le visage de ton cousin. Tu te pinces les lèvres, peines à soutenir son regard plus que quelques secondes. Il échappe un rire sarcastique et tu baisses les yeux. « No you didn’t... » Tu te contentes de hocher doucement la tête, pour confirmer que oui, tu as bel et bien fait ça. « Why would you do that? » « I had to. » que tu renchéris aussitôt, ressentant le besoin de te défendre. Tu relèves à nouveau les yeux, croisant les yeux de Hunter. Oh que tu détestes y voir cette déception, cette colère qui y grandit dans le fond de ses prunelles. Ça allait finalement mieux entre vous deux et voilà qu’à nouveau, c’était le jour et la nuit. Le retour d’une guerre qui n’avait jamais été vôtre mais qui vous avait marqué au fil des années. « I didn’t mean to do it behind your back. It was driving my parents crazy, not knowing... » Pas juste tes parents, toi aussi. Mais tu ne le dis pas, comme si tu étais soudainement incapable de prendre la part du blâme qui te revient pourtant. « They have enough on their plates as it is, with my brother… I didn’t want them to worry about me on top of it. » C’est la belle excuse, tu en as conscience, mais c’est la seule que tu as vraiment à lui offrir. « I’m not going to ask you to reconsider your choice, I just need you to understand why I had to do it. » Et avec tout ça., tu ne sais même pas s’il veut entendre les résultats, si ça fait une différence pour lui ou non, que tu sois atteinte ou non de ce gêne maudit.

Fin août 2011. Ces derniers mois Hunter s’était transformé, à la poubelle le garçon passionné, curieux et enthousiaste. Cette version avait laissé place à un garçon beaucoup plus fermé, sur la réserve et sans perspectives d’avenir. Son seul intérêt était de s’occuper de sa mère, de survivre et de faire le deuil qui lui pesait au cœur. On disait que le deuil était une manière de perpétuer l’amour pour l’être perdu. Il en avait conclu que jamais cette cicatrice se refermerait correctement. Tout s’était passé si vite que Hunter n’avait rien vu venir, encore moins cette maladie qui semblait couler dans les veines des Stringer. C’était une pression qu’il ressentait sur les épaules mais qu’il avait appris à taire avec les mois. La seule personne qui savait à quel point c’était difficile, c’était sa cousine. Elle aussi était une Stringer, elle aussi avait subi les remarques de la famille, elle aussi savait que c’était important mais qu’il ne valait mieux rien savoir. Hunter ne voulait pas faire le test, il se refusait à savoir si son destin était scellé par une maladie incurable. Il préférait vivre dans le déni, très probablement… Et imaginer son cousin David sortir plus fort de ce retard que lui avait imposé la vie était l’une des choses qui l’encourageait à rester positif. Quand il vit Penny débarquer chez lui, il était partagé entre ce vieux sentiment de rivalité qu’il ressentait toujours à son égard et le doux soulagement de retrouver quelqu’un qui le comprenait vraiment.

Hunter prit le temps de tirer sur sa clope, sans jamais quitter des yeux sa cousine. Elle semblait anxieuse, elle ne te regardait plus. Elle avait quelque chose à te dire et cela ne semblait pas plaisant à entendre. La jeune femme vint finalement dire les quelques mots qui sonnaient comme un lourd bourdonnement à ses oreilles. Il fronça les sourcils retenant un instant la fumée de sa cigarette dans ses poumons avant d’expirer, et de lui dire que c’était faux. Cela ne pouvait pas être facile de toute façon. Hunter ne comprenait pas, l’information avait dû mal à se traduire dans son cerveau. « I had to. » La blonde finit enfin par lever ses yeux vers son cousin, et Hunter la fixait avec une déception et une incompréhension déconcertante. « I didn’t mean to do it behind your back. It was driving my parents crazy, not knowing... » Elle voulait s’expliquer, se justifier, sentiment normal pour quelqu’un qui savait parfaitement en quoi il avait trahi un être aimé. Il pencha sa tête en la regardant parlant, sentant sa gorge se nouer car il n’avait pas à croire qu’elle ait pu faire ça, sans lui dire. « They have enough on their plates as it is, with my brother… I didn’t want them to worry about me on top of it. I’m not going to ask you to reconsider your choice, I just need you to understand why I had to do it. » Penny venait de marquer la fin de leur amitié, de leur lien du sang. Hunter pensait qu’elle était la seule qui pourrait à tout jamais le comprendre, elle avait bravé sa promesse pour la ruiner en quelques secondes. « Leave. » lâcha-t-il en venant tirer sur sa cigarette qu’il finit par écraser dans le cendrier à côté de lui. Il se leva, sans jamais plus la regarder. Il ne comprendrait jamais pourquoi elle « avait dû » le faire, pourquoi elle s’en sentait obligée, pas après tout ce qu’ils avaient vécu. Hunter posa sa main sur la poignée de la porte d’entrée, il jeta un œil vers les pieds de l’actrice, sans jamais la regarder dans les yeux. « I don’t want to see you again. Never. » pesta-t-il d’une voix sèche et distante. Plus jamais Hunter ne voudrait être associée à Penny Stringer.

Chaque mot qui quitte tes lèvres est lourd de sens. C’est des tentatives bien maladroites d’expliquer l’inexplicable, de justifier l’injustifiable. C’est des raisons et des excuses qui ne servent à rien tant tu sais que cela ne change pas le fait que tu as manqué à ta promesse, que tu n’as pas su tenir parole. Les choses avaient toujours été compliqué avec Hunter mais depuis que ton oncle était tombé malade, il n’y avait plus de compétition. Il n’y avait plus de qui serait le meilleur, de qui aurait les meilleures notes à l’école, de qui réussirait à rendre ses parents les plus fiers. Il n’y avait que Hunter et Penny, paumés devant une maladie qui prenait tout sur son passage et qui laissait derrière une partie du clan des Stringer plus faibles que nécessaire. Et puis quand la mort avait frappé, tu avais été là, présente pour chaque moment difficile, pour chaque décision déchirante, pour chaque instant ou ton cousin avait eu besoin de s’alléger ne serait-ce qu’un poids de ce poids immense qui venait d’être placé sur ses épaules. Il ne le laissait pas paraître Hunter, voulait avoir l’air fort et en contrôle même si tu parvenais à voir au-delà des apparences. Tu avais su te faire un chemin pour être là pour lui, même si tu avais l’impression que ce n’était pas suffisant. Tu avais d’ailleurs laissé passer trop de temps depuis ta dernière visite, depuis la dernière fois ou tu avais pris de ses nouvelles. Sans doute parce que la culpabilité d’avoir fait le test t’empêchait de remplir ton rôle comme tu aurais dû le faire. Et chaque seconde ou tu attends une réaction de sa part est lourde. Son visage qui perd son sourire, l’air sérieux qu’il t’offre ne présage absolument rien de bon alors que tu envisages déjà le pire. « Leave. » « Hunt, come on... » Il ne t’écoute plus déjà quand il écrase sa cigarette et se relève sans jamais se retourner vers toi. « Don’t be like this, please. » Tu te lèves à ton tour, agrippe son bras pour le forcer à se retourner. Ses yeux sont posés sur tes pieds toutefois, et tu as beau tout faire pour chercher son regard, il te refuse toute attention. « I don’t want to see you again. Never. » « Hunter, don’t say that! » Sa main sur la poignée tourne toujours et bientôt, tu sais qu’il va disparaître dans cette maison ou tu n’auras plus jamais ta place. Tu n’auras même pas eu le temps de lui dire les résultats de ton test, pas même le temps de t’excuser comme il faut tant la scène s’est déroulée trop rapidement sous tes yeux impuissants.

Depuis que la maladie de son père s’était déclarée et que tout s’était enchaîné très vite, Hunter avait complètement changé. De la lumière à l’obscurité, l’adolescent n’était plus le même. Il était en train de grandir en un homme renfermé et méfiant, et sa cousine était l’une des seules avec qui il arrivait encore à retrouver un peu de lui. Elle lui rappelait cette époque où ils n’étaient que des enfants à la volonté de briller aux yeux de leur père. C’était une compétition bienveillante qui s’était créée entre eux même si en grandissant dans cette atmosphère, les deux Stringer avaient développé un égo plutôt hors du commun… Maintenant tout ceci était derrière eux, Hunter avait abandonné cette compétition pour laisser briller Penny sous les feux des projecteurs. En plus, elle semblait bien partie pour remporter le cœur des australiens, et même américains, qui sait. Il n’y avait plus ce jeu entre eux, et le jeune homme avait juste appris à apprécier sa réussite, au détriment de la sienne.

La voir ici, chez lui entre deux tournages ou deux auditions restait pour lui surréaliste encore mais il arrivait à se satisfaire de sa réussite quand même. Après tout, Penny s’était montrée très présente pour lui cette dernière année écoulée, il la considérait presque comme la sœur qu’il n’avait jamais eue. Avec le temps, les cousins avaient su dépasser ce sentiment de rivalité pour pouvoir réellement s’apprécier l’un et l’autre. Hunter avait appris à connaître la jeune fille avide de célébrité et il espérait qu’elle puisse réussir dans ce qu’elle voulait. Le brun avait fini par terminer sa clope, et il comprit au regard de Penny qu’elle semblait perturbée par quelque chose qu’elle n’osait dire… C’était quand elle mit des mots à ses tourments qu’Hunter comprit que la seule personne de sa famille qu’il considérait vraiment un tant soit peu l’avait trahi, un couteau dans le dos sans même le prévenir…  « Hunt, come on... » Il s’était levé, et ne voulait même plus la regarder dans les yeux.  « Don’t be like this, please. » Il l’entendit se lever, et il espérait au fond qu’elle ne le retienne pas, il serait capable de lui dire des horreurs et il n’avait pas envie de se montrer ainsi. Il n’avait plus la force d’exprimer sa colère. Mais elle posa son bras sur lui, et il resta figé un instant, bloquant sur ses pieds, incapable de relever ses deux billes vers elle.   « Hunter, don’t say that! » Hunter n’avait même pas envie qu’elle le dise à voix haute mais il avait compris que son test était négatif, sinon il aurait appris par sa mère que sa cousine était positive et qu’il devrait alors, une fois de plus, passer ce fichu test. « Goodbye, Penelope. » dit-il d’une voix distante, froide, elle n’était plus Penny, elle redevenait Penelope, la petite fille qui venait chez lui après des heures de route. Il ne voudrait plus la voir, ne plus avoir de nouvelles d’elle-même si quelque chose lui disait que sa célébrité lui permettrait d’avoir de ses nouvelles sans même qu’il n’en demande… Il entra dans la maison, lui accordant un dernier regard alors qu’il refermait la porte derrière lui. Il s’adossa à cette porte d’entrée en soupirant, les yeux rougis par ce trop plein d’émotions, elle venait de le ramener tout droit à ses démons. Il se retrouvait seul, une fois de plus… sans jamais se faire comprendre.