9 mai 2021. Voilà quelques jours qu’il était installé chez Maxence en plein centre de Brisbane. Il y avait du remous dans la ville, des voitures, des gens qui criaient, qui passaient comme des balles à côté de lui. Hunter marchait dans la rue, il ne savait plus où donner de la tête. Maxence lui avait prié de faire en sorte de trouver du travail, de se remettre sur pied. Il n’était pas sûr d’en être capable, mais il avait envie de changer son quotidien qui ne ressemblait plus à rien. C’était ce que son ami avait tenté de lui faire comprendre en venant le chercher dans son trou à rat. Hunter se rendait bien compte qu’il avait ruiné sa vie en arrêtant ses études, mais il ne pouvait plus retourner en arrière maintenant. Il devait assumer ses choix, et il n’était pas du genre à avoir des regrets. Quoiqu’il arrivât, ce qui comptait le plus pour le jeune homme était que sa mère se porte bien. Après toutes ces années, elle était toujours aussi mal mais il s’occupait d’elle, sans cesse. Il n’arrêterait jamais de le faire. Hunter ne s’en sortait plus financièrement, il se rendait bien compte qu’il ne pourrait pas continuer à piller pour survivre.

Mais Hunter ne perdait pas non plus le Nord. Dans la dernière lettre qu’Autumn lui avait adressé, elle lui annonçait qu’elle était de retour en Australie. Tout ce temps à s’écrire, et il allait enfin pouvoir la revoir. Alors, cette fois-ci, au lieu de lui envoyer une lettre, il voulait que le message lui arrive bien entre les mains, Hunter décida donc de lui envoyer un petit message. « I’ll be at the Kangaroo Point around 7pm. Chilling. - Hunter » Parce que Hunter n’était pas à l’aise avec la foule, et que cet endroit était peut-être l’un de ses préférés en ville. Il y avait une vue imprenable sur les buildings de la city, le fleuve qui rendait l’air frais et agréable, et surtout assez d’espace pour tous les gens qui souhaitaient se promener en toute tranquillité. Hunter s’était donc rendu à pied jusqu’à ce point, il était passé par le long pont avant de rejoindre cet endroit. Il avait la musique dans les oreilles et ne pouvait, par moment, s’arrêter pour prendre des photos avec son téléphone. Il n’avait pas embarqué son appareil photo, mais il aurait peut-être dû… Hunt râla presque de ne pas l’avoir fait alors que le soleil se couchait et que les couleurs du ciel devenaient de plus en plus dégradés.

Il était 19 heures passées quand Hunter trouva finalement un banc à l’écart du chemin de promenade, à seulement quelques mètres du fleuve. Il serait tranquille là, et il envoya finalement sa localisation à Autumn, ne sachant réellement si elle viendrait ou non. Toutefois, il se mit à rouler son pétard, toujours la musique dans les oreilles, espérant pouvoir reposer les yeux sur cette blonde qu’il appréciait vraiment. Leur relation avait pourtant très mal commencé, mais maintenant, après toutes ces lettres échangées, il pouvait dire qu’elle était une amie. Sans aucun doute.

Tu peinais à reprendre complètement tes repères à Brisbane après autant de mois passés au Canada. Après six mois à l’hôpital, le voyage avait été exactement ce dont tu avais besoin. Peut-être que fuir ton passé à ce moment précis de ta vie n’était pas la meilleure solution, mais c’était tout de même celle que tu avais choisi, te faisant croire que tu avais seulement besoin d’un peu plus de temps pour te remettre les idées en place. Tes aventures en terres canadiennes t’avaient fait du bien. Tu avais pu oublier des mois durant tout ce qui t’avait fait plongé dans une dépression sévère. Tu avais pu oublier que tu étais la fille borderline, celle dont l’étiquette était maintenant connue de tout ton entourage à Brisbane, mais étiquette que tu n’étais pas obligée de t’imposer à Québec. Tu avais pu oublier que tu étais la fille dont le fiancé s’était sauvé, te laissant seulement quelques mots auxquels te raccrocher alors qu’il mettait croix sur une histoire qui aura duré plus de cinq ans. Une histoire compliquée certes, dont tu ne pouvais pas être totalement fière tant les erreurs et les blessures s’étaient accumulés, surtout sur la fin, mais votre histoire quand même. Une histoire que tu aimais autant que tu la détestais, lui tout autant. Tu n’avais pas encore recroisé Kieran depuis ton retour à Brisbane et si tu savais ou se trouvait le Halstead, tu n’arrêtais pas de changer d’idée à savoir si tu avais le droit ou non de t’imposer une nouvelle fois dans sa vie vu la manière dont tout s’était terminée. Mais Kieran n’était pas la seule personne que tu espérais retrouver à Brisbane. Il y avait Ginny bien sûre, et Archie aussi avec qui tu avais repris contact de manière plus constante depuis quelques semaines.

Et puis il y avat Hunter, que tu ne t’attendais pas à voir dans les environs de Brisbane mais qui avait su te surprendre avec son message texte. Kangaroo Point à 19h. Tu avais répondu d’un simple smiley, n’affirmant ni n’infirmant ta présence, mais tu avais bel et bien l’intention de te rendre au point de rendez-vous. Tu n’avais pas vu Hunter depuis plus d’un an, mais vous étiez restés en contact, autant pendant ton temps passé à l’hôpital que pendant ton voyage au Canada. Hunter avec qui tu semblais avoir une relation bien plus proche sur papier qu’en personne. Vous aviez toujours su être très honnêtes l’un envers l’autre au travers de lettres et il te connaissait comme bien peu. Tu pouvais te permettre de tout lui dire, le beau et le moins beau, toutes les pensées contradictoires qui t’habitaient au quotidien, les doutes et tous les excès qui te traversaient l’esprit. Jamais qu’il ne te jugeait Hunter, de la même manière que tu n’avais jamais jugé ses choix, les décisions difficiles qu’il avait dû prendre pour s’en sortir autant que possible après la mort de son père. C’était d’un accord implicite que vous aviez appris à laisser tomber les barrières que vous mettiez avec le reste du monde. C’était facile après tout, de couché sur une feuille de papier tout ce que tu n’osais pas dire à voix haute. Malgré toi, tu ne pouvais t’empêcher d’être légèrement nerveuse à l’idée de te retrouver devant le Stringer après tout ce temps, même si tu savais au fond de toi que le naturel de votre relation reprendrait rapidement sa place, comme il avait toujours su le faire depuis votre première rencontre plutôt inhabituelle. Quand tes pas foulent le sol du point de rendez-vous, c’est avec un sourire aux lèvres que tu aperçois la silhouette du jeune homme, assis sur un banc. Tu marches les quelques mètres qui vous séparent encore, venant prendre place à ses côtés. « Stringer. It’s so good to see you. » Tu tournes la tête légèrement, ton regard venant croiser le sien. « I was surprised to hear you’re in Brisbane. What’s bringing you to town? »

9 mai 2021. Hunter n’était pas avare des mots en temps général. Du moins, à voix haute. Lorsqu’il écrivait, tout était différent. Hunter se montrait presque poète lorsqu’il osait se poser plus de deux minutes devant une feuille de papier, sans être stone ou abruti par sa musique. Les seuls moments où il s’autorisait un tel luxe était lorsqu’il recevait une lettre d’Autumn. Jeune femme qu’il avait rencontré quelques années plus tôt, et pour qui il avait accordé une certaine confiance. Sans savoir pourquoi ni comment, cette inconnue avait su le comprendre comme personne d’autre auparavant. Et comme dans une sorte de relation à double sens, Hunter ne l’avait jamais jugé dans ses choix, ou même dans son comportement. Elle était partie sur un coup de tête au Canada, et encore là, Hunter avait juste haussé des épaules… Parce que s’il avait pu, lui aussi serait parti à l’autre bout du monde pour éviter son quotidien de mort à Brisbane.

Le jeune homme savait donc que la blonde était de retour dans le coin. Il avait mis les pieds à Brisbane, seulement depuis quelques jours, et il avait envie de la voir. Peut-être une volonté soudaine de trouver un repère dans cette ville qui n’était plus sienne. Non, il ne se sentait plus chez lui ici. Toutefois, il devait faire des efforts au nom de ses amis qui s’inquiétaient pour lui. Hunter avait donc décidé de se donner une chance, peut-être pourrait-il offrir une meilleure vie à sa mère qui était restée derrière lui, dans leur trailer à Toowoonga. En tout cas, il avait bien envie d’une parenthèse dans la frénésie de cette ville. Il s’était rendu au Kangaroo Point, sur un banc, il avait roulé une clope appréciant la vue sur le fleuve, et cette tranquillité qu’il appréciait tant. Il ne savait pas si Autumn le rejoindrait, il avait sa musique dans les oreilles, se demandant encore ce qu’il pouvait bien faire ici… à Brisbane. « Stringer. It’s so good to see you. » Hunter avait tourné la tête et retire ses écouteurs tout en se levant. Le brun eut un moment de surprise, plissant les yeux il fixait la jeune femme face à lui. « I was surprised to hear you’re in Brisbane. What’s bringing you to town? » « Damn, Autumn! You’re freaking gorgeous! » lança-t-il avec un grand sourire, il s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras, il toucha une mèche de cheveux : « You’re rocking that color! » ajouta-t-il en se reculant, il vint s’asseoir à nouveau sur le banc, et lui fit signe de le suivre. « My friends wore me down to find a proper job. » dit-il en soupirant, Autumn pouvait déceler dans sa voix un certain agacement. La jeune femme savait qu’Hunter vivait de peu, il aidait ses potes au camp dans la mécanique à remonter des bagnoles, ou encore il gardait des enfants toujours de ses voisins, bref il était un vrai couteau suisse. Il vendait aussi de la weed à droite à gauche, Hunter était un débrouillard. « I decided to try, even a little. And if it doesn’t work, I’ll go back to my trailer. » confia-t-il finalement en haussant les épaules. Il se tourna vers elle, un coude posé sur le dossier du vieux banc : « So! How’s Canada? » en grand rêveur, Hunter voulait tout savoir de ce petit détour canadien…  

Tu te souvenais encore assez bien des mots qui avaient composé la dernière lettre que tu avais envoyé à Hunter. Celle dans laquelle tu lui disais te sentir finalement prête à revenir en Australie. Celle dans laquelle tu disais te sentir assez forte pour faire face à ton passé et peut-être même assez forte pour réparer certaines erreurs qui te hantent encore. Tu lui avais dit que tu n’avais plus envie de fuir et que même si tu étais bien ici, tu ne pourrais jamais être complètement bien avec toi-même si tu ne prenais pas le temps de faire face à ce qui t’avait fait fuir au départ. Tu le pensais sincèrement, quand tu avais couché les mots sur le papier. C’était plus compliqué toutefois de le faire maintenant que tu étais revenue, maintenant que le passé se trouvait à chaque coin de rue de cette ville que tu connaissais un peu trop bien, maintenant que tes erreurs étaient à portées de main et que tu n’étais plus tout à fait certaine d’être assez forte pour y faire face. Quelque part, tu espérais que de revoir Hunter aujourd’hui te redonnerait cette impression d’être assez forte, d’être assez stable pour le faire. Peut-être était-ce là le petit coup de pouce du destin dont tu avais besoin pour aller au bout de tes envies? Tu n’aurais su dire avec assurance que c’était le cas, mais tu aimais le croire. Le sourire qui s’installe sur ton visage lui, est assuré et sincère alors que tu poses les yeux sur le jeune homme qui t’a manqué plus que les mots ne peuvent le dire. « Damn, Autumn! You’re freaking gorgeous! » Tu te sens rougir alors que les yeux du Stringer ne lâchent pas ta crinière de feu, nouveauté du Canada et tu es contente de savoir que le look plaît au jeune homme. « You’re not too bad yourself. » que tu répliques amusée, alors que ses bras viennent t’entourer et tu en fais de même. Tu sens ses doigts qui attrapent une mèche de tes cheveux ce qui te fait rire, son regard toujours aussi surpris. Ça fait plusieurs mois que t’es devenue rousse et t’oublies sans cesse que personne à Brisbane ne t’a vu avec cette couleur. « You’re rocking that color. » « Thanks. It felt like a good change to make while I was away. » Et si tu pensais vouloir revenir au blond une fois à Brisbane, tu devais avouer que l’envie n’y était pas vraiment, tout compte fait.

« My friends wore me down to find a proper job. » Tu hoches doucement la tête. Tu pouvais entendre dans la voix de ton ami que de revenir en ville n’était pas son idée et que ça ne lui faisait pas particulièrement plaisir. Si tu n’avais jamais jugé les choix d’Hunter de se débrouiller de peu et de prendre ça au jour le jour – une philosophie que tu avais toi-même longtemps entretenu – tu ne pouvais pas t’empêcher de croire que peut-être c’était une bonne chose pour lui de se trouver un boulot à Brisbane et puis tu étais contente de le savoir tout près. « How’s that going? » Tu n’avais pas eu trop de difficulté à te trouver quelque chose depuis ton retour et tu espérais qu’il trouve un boulot rapidement lui aussi. « I can always mention you to my boss if you want. I’ve got this cleaning job at at a retirement house. It’s not great but it pays pretty well. » Tu savais parfaitement que le Stringer n’était pas le genre à accepter la charité, mais tu ne perdais rien à lui proposer. « I decided to try, even a little. And if it doesn’t work, I’ll go back to my trailer. » « Well, I’m glad you’re here. » Ton épaule vient doucement cogner la sienne alors qu’un léger rire siffle entre tes lèvres. C’était rassurant d’avoir Hunter dans les environs et tu devais avouer que tu n’avais pas vraiment envie qu’il reparte à Toowomba. « So! How’s Canada? » Tu laisses tomber ton dos contre le banc et puis tu lâches un léger soupir de bonheur. « Canada was amazing but mate, it’s so freaking cold! » que tu souffles alors que tu te laisses envahir par les souvenirs de ce voyage, un rire dans la voix alors que tu repenses à ton premier (et dernier sans aucun doute) hiver canadien. « I’ll never complain that it gets cold around here, trust me. » que tu rajoutes, toujours aussi amusée. L’hiver australien n’était vraiment rien comparé à ce que tu avais vécu là-bas. « I had this teaching job in a French school in Quebec and it really made me realize that’s what I want to do. » Toi, Autumn l’éternelle indécise, tu étais certaine de quelque chose. Tu savais qu’Hunter serait tout aussi choqué que toi de l’apprendre. « I’m thinking of going back to school next semester. » que tu annonces avec une pointe de fierté dans la voix.

9 mai 2021. Hunter et Autumn, c’était plutôt un lien atypique. Tout avait très mal commencé, et aujourd’hui, sans prendre un gros risque, Hunter était presque sûr qu’elle était celle qui devait le mieux le connaître. En effet, à travers leur lien épistolaire, l’un et l’autre s’était livré d’une facilité sans nom. Hunter avait raconté beaucoup de choses, et notamment cette passion d’écriture qui ne s’était jamais réellement arrêtée après tout. Quand Autumn lui avait appris revenir sur Brisbane, il avait immédiatement pensé à elle quand il posait à son tour un pied dans la ville. C’était le moment ou jamais de se retrouver physiquement, de la revoir après tout ce temps même s’il était toujours plus simple d’échanger par lettre plutôt que de vive voix… Il lui avait donc donné rendez-vous sans être sûr qu’elle se déplacerait. C’était pourquoi il fut ravi de la voir arriver, se levant aussitôt de son banc. Il ne cachait pas sa surprise de la voir avec cette nouvelle couleur. « You’re not too bad yourself. » Il secoua la tête en levant les yeux au ciel, venant finalement la prendre dans ses bras pour la saluer dignement. Il passa même un doigt dans ses cheveux pour choper une de ses mèches, et la regarder encore une dernière fois. « Thanks. It felt like a good change to make while I was away. » Il pouvait s’en douter.  « It looks good on you, no regret! » dit-il finalement avec un sourire avant de lui expliquer pourquoi il était ici, lui qu’il lui avait toujours dit ne plus vouloir revenir en ville… « How’s that going? » Il haussa les épaules alors qu’il avait toujours sa clope roulée dans les mains. « I can always mention you to my boss if you want. I’ve got this cleaning job at a retirement house. It’s not great but it pays pretty well. » Il fronçait les sourcils, venant finalement allumer sa clope alors qu’il s’était retourné pour rejoindre le banc et s’y asseoir. « It’s okay, I’m good. » dit-il simplement, ne cherchant pas forcément à être aidé de ce côté-là, encore moins par son intermédiaire. Il ne voulait pas mettre Autumn dans une mauvaise position si jamais Hunter ne présentait pas, s’il ne convenait pas au job. Hunter savait qu’il pouvait être une plaie parfois, et Autumn n’avait pas besoin de ça dans sa vie. « Well, I’m glad you’re here. » Il tira sur sa clope, passant un bras derrière Autumn pour le poser le long du banc. Lui aussi était ravi de pouvoir compter sur quelques connaissances précieuses en ville. « Canada was amazing but mate, it’s so freaking cold! » Un sourire s’échappa de ses lippes en venant la regarder. « I’ll never complain that it gets cold around here, trust me. » « Tell me about it! » dit-il en secouant la tête négativement… il la comprenait mais d’un autre côté il l’enviait beaucoup pour avoir vécu une telle expérience, lui… le grand rêveur. « I had this teaching job in a French school in Quebec and it really made me realize that’s what I want to do. » Hunter l’écoutait tout en fumant il hochait doucement la tête, ravi de constater qu’elle semblait plus épanouie qu’il ne l’aurait cru. « I’m thinking of going back to school next semester. » « That’s pretty great, Autumn! » s’exclama-t-il, se tournant légèrement vers elle pour lui adresser un grand sourire sincère. « Don’t become a nerd though. » ajouta-t-il avec une pointe de malice dans les yeux. « How was your comeback here? » dit-il finalement d’une voix plus posée, sachant pertinemment qu’elle appréhendait son retour ici, une question subtilement posée pour savoir si elle avait croisé son entourage depuis son retour.

Il est facile de mettre sur papier toutes les pensées que tu te refuses normalement. Facile de te perdre dans les mots quand les mots sont tout ce que tu peux offrir à qui que ce soit. Hunter est le seul à avoir le droit à cet accès illimité à ton esprit et ce depuis bien longtemps. C’est qu’il ne juge pas et en retour, tu fais de même. Vos soucis, vos envies, vos problèmes et vos rêves sont faciles à mettre sur papier, bien plus difficile à assumer dans le reste de votre quotidien ou vous êtes tous les deux pris à jouer un certain personnage qui ne vous colle pas particulièrement bien à la peau. De vive-voix toutefois, il est plus compliqué de laisser tomber les façades. Plus difficile d’assumer que l’autre soit au courant de toi, de ne pas entièrement pouvoir se cacher comme vous le feriez normalement. Mais le simple fait de pouvoir sa présence te fait du bien, quand ses bras viennent s’enrouler autour de toi tu laisses ta tête tombée dans le creux de son épaule pendant quelques secondes. « It looks good on you, no regret! » Pour une fois en effet, tu pouvais dire que tu n’avais aucun regret face à l’une de tes décisions impulsives. Tu le laisses jouer temporairement avec une des mèches de tes cheveux et puis vous vous installer tous les deux sur le banc. Tu prends des nouvelles, te renseigne sur ce qui l’emmène en ville, tu vas même jusqu’à offrir de l’aider dans sa démarche pour se trouver un emploi, chose qu’il balaie du revers de la main sans grande surprise. « It’s okay, I’m good. » Tu te contentes de hocher doucement la tête, acceptant qu’il n’ait pas envie de recevoir ta charité. Tu dirais sas aucun doute la même chose si les rôles étaient inversés donc tu ne le prends pas mal.

Il te pose des questions sur ton voyage au Canada même si tu lui as déjà tout raconté en détails bien plus impressionnants dans tes lettres. « Tell me about it! » Le froid est sans doute ce qui t’as choqué le plus de tout ce voyage tant les mentalités entre là-bas et ici ne sont pas complètement différentes. Ça et la barrière linguistique évidemment. Tu ne dirais pas que tu es devenue fluente en français, mais tu te débrouilles maintenant. T’as pas vraiment eu le choix d’apprendre après tout. « That’s pretty great, Autumn! » « You think? » Autumn, l’éternelle indécise. Autumn, l’éternelle insécure quand vient le temps de prendre de grandes décisions. Partir sur un coup de tête à l’autre bout du monde? Facile. Décider ce que tu veux faire de ta vie? Le pire calvaire qui soit. Go figure. « You don’t think I’m too old to go back? I mean, I’m almost 30... » Mais si tu ne retournais pas sur les bancs d’école, qu’allais-tu faire? Des ménages toute ta vie? Non merci. «  Don’t become a nerd though. » « Or what? You’ll stop hanging out with me? I’m like your only true friend » que tu répliques sur un ton moqueur, un peu fendante alors que tu sais parfaitement que tu n’es pas sa seule amie. Tu sais bien qu’il plaisante après tout et que derrière ses fameux airs de mec qui se fout de tout et de tout le monde, il est bien plus curieux et cultivé qu’il ne le laisse paraître. « How was your comeback here? » À cette question, tu n’as pas vraiment de réponse toute prête à lui offrir. Tu hausses les épaules et puis lâches un long soupir. « It’s still going. It’s hard. » que tu admets parce que tu sais bien qu’avec lui, tu peux te permettre d’être honnête sur toute la ligne. « I still haven’t mustered the courage to go see him just yet. » T’as pas besoin de spécifier de quel lui il s’agit parce qu’il sait tout de Kieran, Hunter. Tu ne cesses de repousser le moment, tu ne cesses de changer d’idées, une journée c’est une bonne idée, la suivante c’est la pire des idées possibles, bien incapable de rester décider d’un côté comme de l’autre. « What about you? How is it being back? » Il n’était peut-être pas parti à l’autre bout du monde comme toi, mais tu savais que ce devait ramener pleins de souvenirs à Hunter que d’errer à nouveau dans les rues de Brisbane.

9 mai 2021. Retourner à Brisbane n’avait pas été une décision qu’Hunter avait prise à la légère. C’était une décision qui entraînait beaucoup de conséquences, comme laisser sa mère derrière lui – quelque chose qu’il n’avait jamais pu se résigner à faire jusqu’ici. Il avait même abandonné ses études pour être auprès d’elle et s’en occuper aussi bien que possible. Avec le temps, Stringer s’était construit une carapace que peu de personne arrivait à transpercer. Autumn l’avait vu évoluer depuis quelques années déjà, et ils avaient fini par devenir amis, de vrais amis. Elle était probablement celle qui connaissait le mieux le Hunter d’aujourd’hui. Même s’il était incapable de faire face à tout ce qu’il avait pu lui confier dans ses lettres, Hunter était tout de même soulagé de pouvoir la retrouver en chair et en os à Brisbane.

Surpris de la retrouver rousse, il prit le temps de la contempler, et la complimenter. C’était un plaisir que de poser les yeux sur elle – une vraie brise de fraîcheur. Il s’était finalement assis sur le banc, venant récupérer sa clope pour l’allumer. Il n’était pas étonné qu’elle s’inquiète pour lui et qu’elle veuille l’aider, mais il avait eu assez d’aide comme cela. Il était grand, il ne pouvait pas céder à autant de facilités. Il refusa donc poliment son aide, s’assurant d’un regard qu’elle ne se vexe pas. Ce n’était pas le but, et Autumn le savait. Elle le connaissait par cœur depuis tout ce temps. Le jeune homme préférait continuait la conversation, l’entendre parler du Canada, voir ce qu’elle avait vécu, et surtout comment arrivait-elle à gérer son retour en ville. « You think? » Hunter hochait doucement la tête avec un sourire. Il ne doutait aucunement de ses capacités. « You don’t think I’m too old to go back? I mean, I’m almost 30... » Un rire s’échappa de ses lippes alors qu’il tirait sur sa clope. « Outch. 30. I’ve almost forgotten about that. » dit-il pour la taquiner, il vint lui donner un coup de coude en rajoutant : « Seriously, Autumn. You’re gonna kill it. » finit-il par dire avec un ton plus sérieux, et un regard plus encourageant. Le jeune Hunter ne put s’empêcher de faire une petite remarque pour la taquiner à nouveau. « Or what? You’ll stop hanging out with me? I’m like your only true friend » Il grimaça en haussant des épaules, pas faux. Il posa sa main sur le cœur, un air blessé. « It hurts. » suppliqua-t-il en feignant d’être vexé alors qu’il finit par aborder un sujet plus épineux. « It’s still going. It’s hard. -- I still haven’t mustered the courage to go see him just yet. » Autumn soupirait, elle regardait au loin, elle semblait encore avoir des choses à régler. « Oh. I know that feeling. I ain’t seen anyone yet. » confia-t-il pour lui montrer qu’il comprenait son état d’esprit. Il n’était pas allé voir Oliver, ni Stacey, ni Adèle alors que la dernière fois qu’ils s’étaient vus… Ils avaient fini par déraper ensemble. Hunter était probablement le mieux placé pour comprendre la rouquine. « What about you? How is it being back? » Il l’imita, un haussement d’épaule, un soupir, Hunter n’avait pas grand chose à raconter non plus. Il tira à nouveau sur sa cigarette, venant poser ses coudes sur ses genoux pour poser ses yeux sur le fleuve devant eux. « Not done anything very productive actually. » balbutia-t-il en se disant qu’il avait encore tellement à faire. « It’s not really easy to come back in a city that reminds you of a period you wish you forgot for good. » Et là il tourna sa tête, un fin sourire au visage en la regardant alors qu’il n’avait pas besoin d’en dire plus, Autumn savait déjà toutes les raisons pour lesquelles il disait cela.

Brisbane n’était pas composée seulement de bons souvenirs, autant pour Hunter que pour toi et tu devais avouer que ça relevait presque du miracle que vos chemins soient emmenés à se recroiser ici en même temps. Tu connaissais trop bien les épreuves que le Stringer avaient vécu dans ses dernières années ici, tout comme il savait que c’était ici qu’avait commencé la course terrible de ta dépression et que c’était dans un hôpital de la ville que tu avais été traité pendant ce qui avait semblé être un six mois éternel. Et pourtant, vous étiez là tous les deux, sourires presque confiants et sincères aux lèvres, prêts à laisser à cette ville une nouvelle chance. Vous aviez tous les deux votre lot de regrets ainsi que tous ces gens que vous aviez autrefois laissé derrière, ceux qui étaient partis de leur propre chef, ceux qui vous avaient fait mal d’une manière ou d’une autre et puis ceux qui avaient quand même su se faire une place malgré la distance. Hunter était un de ceux de cette dernière catégorie et tu étais reconnaissante de cette stabilité qu’il avait su emmener dans ta vie depuis votre rencontre, une des rares amitiés que tu possédais qui semblait en mesure de durer dans le temps. De le savoir ici avec toi, à vivre un cheminement différent mais si semblable à la fois était rassurant, tu ne pouvais le nier. Tu lui parles de tes projets, de cette idée folle que tu as de finalement terminé ce que tu as commencé il y a si longtemps déjà : d’obtenir ton diplôme en enseignement. Ça te fait peur, de redevenir une étudiante, mais ça a toujours fait partie de tes rêves, de devenir enseignante, et surtout d’aller au bout d’un programme d’études. « Outch. 30. I’ve almost forgotten about that. » « Don’t mock me! » que tu scandes comme une gamine alors que tu viens gentiment taper son épaule avant de laisser filer un rire. Tu l’appréhendais et de beaucoup, ce changement de dizaine. Tu t’étais si longtemps imaginée diplômée, mariée, peut-être même avec un enfant dans les bras rendu à trente ans, et de réaliser que tu étais complètement à l’opposé de tout ça était un coup que tu te prenais en pleine gueule à chaque fois que tu y pensais trop longuement. « Seriously Autumn. You’re gonna kill it. » Tu lui offres un sourire alors que tu hoches la tête. Tu voulais vraiment croire que tu pouvais le faire. Il le fallait. Pour une fois dans ta vie, tu devais arrêter de changer d’idées et aller au bout de quelque chose. Enfin. « It hurts. » qu’il clame en portant sa main à sa poitrine alors que tu te moques de lui ouvertement, ce qui t’arrache évidemment un énième rire. « Oh. I know that feeling. I ain’t seen anyone yet. » Tu hoches doucement la tête. Il comprenait, évidemment qu’il comprenait. Tu échappes un léger soupir. « Do you plan to? » Peut-être seriez-vous en mesure d’encourager l’autre dans cette démarche après tout, rien de tel que de sentir soutenu et accompagné pour passer au travers de situations complexes et potentiellement pleines de malaise. « Not done anything very productive actually. » Toi non plus quand tu y penses, sauf te trouver un emploi. C’est déjà quelque chose, mais c’est loin d’être assez, du moins c’est ce que tu te répètes sans cesse. « It’s not really easy to come back in a city that reminds you of a period you wish you forgot for good. » Un autre hochement de tête, ça aussi, tu pouvais trop facilement le comprendre. « So why did you come back? » Hunter saurait que tu ne demandes pas parce que tu n’es pas contente de le voir, au contraire. Tu demandes parce que vous avez toujours été cette personne dans la vie de l’autre, à demander et offrir les vérités qui sont parfois trop dures à admettre. Vous le faites normalement sur papier, mais peut-être qu’aujourd’hui, vous alliez être en mesure de changer les règles ne serait-ce qu’un peu. Pour l’aider, tu lui offres une partie de ta réponse, de ton pourquoi. « I need to understand what went wrong. I need closure. » Et pour ça, tu devais nécessairement retourner auprès de celui qui t’avait laissé il y a un an et demi de ça. Celui que tu avais aimé autant que tu l’avais blessé. Et peut-être qu’aussi, tu espérais pouvoir réparer l’irréparable.

9 mai 2021. Après avoir lu les lettres de Autumn, et appris son retour, Hunter s’était senti obligé de la prévenir, parmi les premières, pour lui dire qu’à son tour, il revenait poser ses valises. Le brun ne savait pas pour combien de temps, mais au moins, ils pourraient profiter d’être pour une fois pas trop loin l’un de l’autre pour tenter de braver ce lien en papier dans la réalité. Ce n’était pas facile, ni pour elle ni pour lui, de revenir à Brisbane. Les deux avaient des souvenirs plutôt compliqués face à la ville, et c’était d’un côté rassurant pour Hunter de trouver une oreille attentive – quelqu’un qui saurait le comprendre malgré tout. Autant Autumn qu’Hunter n’était pas à l’aise avec les mots lors qu’il fallait les verbaliser, mais il n’en était pas moins rassurant de la retrouver ici. Il se rendit compte assez vite que la complicité était toujours présente, même face à face. Il ne pouvait pas s’empêcher de la taquiner, l’écoutant parler de ses nouveaux objectifs alors qu’elle approchait les trente ans. « Don’t mock me! » Hunter se mit à rire et Autumn le frappa du revers de la main alors que tout ça l’amusait bien. Mais Stringer reprit son sérieux pour la rassurer, la rouquine devait croire en elle. Pour une fois, le jeune homme avait envie d’être positif pour les autres, il n’avait pas à faire sa tête de mule tout le temps. Il avait envie d’y croire pour elle, parce qu’au fond, elle méritait de réussir après tout ce qu’elle avait traversé.

Puis, vint la conversation fatidique de savoir comment s’était passé les retrouvailles avec ceux qu’ils avaient eu, chacun de leur côté, l’habitude de côtoyer au quotidien quand ils vivaient encore ici. « Do you plan to? » Good question pensa-t-il avant de soupirer. Hunter devrait forcément faire face à Oliver, mais aussi à Stacey, Adèle, et tout ceux qui l’ont si longtemps tanné pour qu’il revienne ici. « I guess I don’t have any choice. » dit-il d’un ton fataliste, se préparant déjà à l’idée qu’il devrait tous les affronter un jour au l’autre. Finalement, Hunter lui avouait ne pas être dès plus enthousiaste à son retour ici. De mauvais souvenirs venant l’empêcher d’être réellement à l’aise en ville. « So why did you come back? » Un rire s’échappa entre ses dents, Hunter haussa des épaules. « For my mom, I guess. A friend of mine offered me the opportunity to come back here, try to get a job and maybe the illusion of succeeding at some point. » avoua-t-il en la regardant, Autumn savait à quel point sa mère était importante pour lui et qu’il ferait tout pour elle. En venant ici, il espérait pouvoir se trouver un job et une stabilité qui lui permettrait d’offrir une meilleure vie à sa mère. « I need to understand what went wrong. I need closure. » Hunter la regardait avec une certaine compassion. « I think we all need this… in order to move on, you know. » commenta-t-il finalement à son attention. Il tira sur sa clope une dernière fois avant de l’éteindre et jeter le mégot égoïstement. « How did you imagine your reunion? » Sans prononcer son nom car il n’y en avait pas besoin, Hunter était sûr que la rouquine avait dû imaginer ces retrouvailles sous tous ces angles…

S’il est facile de plaisanter avec Hunter, ça ne change pas que rapidement, les vrais questions viennent prendre leur place entre vous et vous force à une réflexion que vous évitez peut-être chacun de votre côté, mais qui semble soudainement évidente maintenant que vous êtes ensemble. Parce que c’est ce que vous faites de mieux après tout, dire les choses telles qu’elles sont, coucher les mots sur le papier pour tenter de faire un sens d’une réalité qui fait souvent bien trop mal. C’est ce que Brisbane représente pour vous après tout, le retour à des périodes chaotiques de vos vies qu’il vous faut apprendre à gérer autant que possible, même si ça fait mal et que ça force à des situations qui ne sont pas des plus plaisantes. Tu évites beaucoup depuis que tu es de retour et tu te demandes s’il fait la même chose de son côté. Tu ne sais pas si ça fait longtemps qu’il est là, quelques jours, quelques semaines peut-être, mais ça n’a pas vraiment d’importance. T’es juste contente de savoir que pour quelques heures au moins, t’es pas toute seule. Que pour quelques heures, t’as pas besoin de faire semblant de pas être complètement tiraillée par ce retour en ville. Pas besoin de camoufler comment tu te sens vraiment et il sait qu’il n’a pas besoin de faire de même de son côté. « I guess I don’t have any choice. » Son côté fataliste te fait sourire pendant quelques secondes et puis tu finis par hausser légèrement les épaules. « We always have a choice. » Vous avez décidé de fuir après tout, et il y avait des tas de raisons tellement différentes derrière vos fuites, mais le résultat en était le même : des relations s’étaient brisés, des pots s’étaient cassés, des ponts avaient brûler et parfois, tu ne pouvais t’empêcher de te demander si tenter de réparer tout ça était vraiment la meilleure des idées. « I mean, we’ve avoided them for so long. » que tu rajoutes avec un léger rire dans la voix.

Mais tu sais que d’éviter n’était pas la solution à long terme. Il y avait encore trop de non-dits, trop de souffrance derrière certains gestes, derrière certaines paroles et tu savais que pour recommencer pour de vrai, il te fallait obtenir une certaine finalité que tu n’avais pas l’impression d’avoir obtenu dans les mots de cette lettre maudite. « For my mom, I guess. A friend of mine offered me the opportunity to come back here, try to get a job and maybe the illusion of succeeding at some point. » « It doesn’t have to be an illusion. » que tu tentes de l’encourager. Tu savais que rien n’était simple pour Hunter depuis la mort de son père, mais tu voulais croire qu’il était encore capable de grandes choses, s’il s’en donnait la chance. « Is that where you’re crashing, at this friend’s house? » que tu demandes, éternellement curieuse. « I think we all need this… in order to move on, you know. » Tu hoches la tête alors qu’un sourire triste vient temporairement habiter ton visage. Étais-tu certaine de vouloir passer à autre chose? À ce moment précis, tu n’en savais rien. Comme toujours, tu n’arrêtais pas de changer d’idées. « How did you imagine your reunion? » La question t’arrache un rire suivi d’un soupir. « It goes from going pretty well to going extremely wrong. » que tu avoues, ayant imaginé tous les scénarios possibles et inimaginables. Dans un monde idéal, vous êtes capables de vous parler, de vous expliquer, comme avant. Dans un monde idéal, il s’ennuie de toi, lui aussi. Dans un monde idéal, il regrette. Mais tu le sais que le monde est bien loin d’être idéal et que Kieran étant Kieran, la simplicité ne sera pas au rendez-vous pour vos retrouvailles. « I know it’s wrong, but part of me wishes he’s miserable without me. » que tu avoues dans un murmure, honteuse d’avoir ce genre de pensées, mais assez en confiance avec le Stringer pour savoir que tu peux les partager sans te faire juger. « I just want to know how he’s doing, really. » Misérable ou pas, ce qu’il fait, ce qu’il devient, si t’as encore une place dans son esprit ou s’il a vraiment tourné la page comme il disait vouloir le faire. Tu échappes un énième soupir, parler de Kieran est toujours quelque chose qui remue beaucoup d’émotions pour toi. « Did you imagine any of your possible reunions? » que tu lui demandes à ton tour, pressée de changer le sujet de conversation.

9 mai 2021. Autumn devait être l’une des seules, pour ne pas dire la seule, avec qui Hunter arrivait à être lui-même. Sans détour, sans mensonge, Hunter lui avait toujours tout dit. Sûrement parce que leur lien s’était développé de manière épistolaire, et où les mots étaient toujours plus faciles à écrire qu’à dire. Aujourd’hui ils se retrouvaient face à face, c’était quelque peu étrange mais Hunter y trouvait un certain réconfort de compter une amie à ses côtés alors qu’il revenait dans une ville dans laquelle il avait dû mal à trouver sa place. Plus maintenant. Autant l’un que l’autre devait affronter des gens, des fantômes du passé qu’ils ne pourraient pas éviter longtemps. La nouvellement rousse semblait elle-aussi perturbée à l’idée de devoir confronter ces gens-là, mais ils devraient pourtant le faire. « We always have a choice. » Il la toisa du regard, le nez en l’air avant de se mettre à rire en secouant la tête. « I mean, we’ve avoided them for so long. »  Il hocha la tête. « So… we don’t have any choice. We have to face them anyhow. » Un regard en sa direction, un soupir, et Hunter ajouta : « But at least, if it goes wrong, we can see each other to cheer the other up. Right? » dit-il avec un sourire rempli de complicité. Hunter n’était pas réellement très expressif, mais comme déjà dit, avec Autumn, tout était différent.

Le jeune homme finit par expliquer les raisons de son retour. L’envie de stabilité, la volonté de vouloir offrir quelque chose de mieux à sa mère, de lui donner une raison de s’accrocher encore un peu à la vie car plus les années passées, plus il avait l’impression de la voir dépérir sous ses yeux et c’était en train de lui briser le cœur. « It doesn’t have to be an illusion. » Il pencha sa tête, et la fixa en haussant les sourcils, oh come on, Autumn, not you.. Trop d’enthousiasme pour lui. « Is that where you’re crashing, at this friend’s house? » Stringer hocha de la tête en la regardant. « Yep. But I don’t plan to settle in. » répondit-il, la rouquine devrait savoir que Hunter avait horreur d’accepter de l’aide, c’était déjà énorme qu’il ait accepté cette main tendue. Mais il n’irait pas s’installer trop longtemps, il ne voulait pas devoir quoique ce soit à qui que ce soit. Finalement, le brun demanda à son amie comment elle avait imaginé les retrouvailles avec Kieran. « It goes from going pretty well to going extremely wrong. » Un plutôt bon résumé de ce qu’il pouvait lui aussi ressentir. « Oh tell me about it! » s’exclama-t-il sans retenue alors qu’il avait fait exactement pareil, mais il insista en la regardant dans les yeux, il voulait bien entendu en savoir plus, alors elle poursuivit : « I know it’s wrong, but part of me wishes he’s miserable without me. --- I just want to know how he’s doing, really. » Il détourna les yeux, venant regarder le fleuve face à eux. « Everyone hopes to be irreplaceable at some point. To be ‘the one’. Don’t be ashamed of thinking that. » dit-il pour la rassurer venant la bousculer d’un coup d’épaule contre la sienne. « Did you imagine any of your possible reunions? » Un soupir s’échappa de sa bouche, une moue venant prendre part sur sa bouche. « A part of me would like not to see anyone. I don’t wanna justify my comeback. » dit-il alors qu’elle lui adressait un certain regard. « I know. I don’t have to justify myself. But everything I’m telling you right now seems easy to say to you… But not to all of them. » Stacey, Oliver, Adèle et tous les autres, même sa cousine Penny. Il n’avait pas envie de répéter mille fois la même histoire.

Pendant quelques secondes à peine, tu aurais aimé pouvoir prétendre que tu avais encore le choix. Le choix d’aller de l’avant ou non dans cette idée terrible qui te hantait de faire face à ton passé une bonne fois pour toute. C’est bien la raison qui t’avait ramené à Brisbane plutôt qu’à Toowomba après tout, cette possibilité, forcée ou non, que ton chemin croise à nouveau celui de Kieran. Hunter ne prend pas au jeu alors et ça t’arrache un petit rire quand il vient te contredire, même si tu sais bien qu’il a raison au fond. « So… we don’t have any choice. We have to face them anyhow. » Tu hausses les épaules. Choix ou pas, tu savais que le moment viendrait. Il le devait. Fuir n’était qu’une solution temporaire. À un moment ou un autre, il fallait indubitablement faire face à la musique. « But at least, if it goes wrong, we can see each other to cheer the other up. Right? » « Always. » Le sourire que tu lui renvoies est tout aussi avenant que celui qui prend place sur les lèvres du Stringer. C’était rassurant de savoir que malgré tout, peu importe la suite des choses, tu pourrais toujours compter sur lui.

Tu te fais plus curieuse sur ses plans tout comme tu essayes de te faire encourageante, mais tu peux le lire sur son visage qu’il n’apprécie pas l’enthousiasme que tu tentes de lui partager. Tu n’insistes pas non plus, tu sais que Hunter a besoin de faire les choses dans son temps, à sa manière. Tu ne peux que lui offrir ton temps, ton attention et une oreille attentive au besoin. « Yep. But I don’t plan to settle in. » « You’re wanting to get your own place? » C’était sans doute la suite logique des choses, tout comme c’était la tienne. Tu avais trouvé l’emploi, bientôt il te faudrait trouvé l’appart. Tu n’avais pas l’intention de squatter sur le canapé de ton frère éternellement après tout. Tes retrouvailles avec Kieran viennent sur le tapis et c’est sans gêne que tu lui avoues imaginer toutes sortes de scénarios, passant d’un moment agréable à la pire des catastrophes. « Oh tell me about it! » « Who are you most nervous to see again? » que tu lui demandes à ton tour. Tu ne connaissais pas très bien l’entourage d’Hunter, mais certains noms t’étaient familiers à force de les avoir lu dans les lettres du jeune homme. « Everyone hopes to be irreplaceable at some point. To be ‘the one’. Don’t be ashamed of thinking that. » Il te rassure et ça te fait du bien de l’entendre, même si tu ne peux t’empêcher de t’en vouloir de souhaiter ne serait-ce qu’intérieurement que Kieran soit malheureux sans toi. « A part of me would like not to see anyone. I don’t wanna justify my comeback. » « You don’t have to if you don’t want to. » Tu sais que c’est bien plus facile à dire qu’à faire, que les gens sont curieux et que tout le monde pose trop de questions, toi la première, mais Hunter est plutôt doué pour éviter quand il le veut et tu ne doutes pas qu’il sait comment tenir son bout quand il n’a pas envie de s’ouvrir à quelqu’un. « I know I don’t have to justify myself. But everything I’m telling you right now seems easy to say to you… But not all of them. » « I know what you mean. I feel the same. Like no matter what I say, I know you’ll never judge me. I wish it was the same with everyone else. » que tu avoues, même si une autre partie de toi ne peut s’empêcher de se dire que ce lien avec Hunter ne serait pas si spécial si tu pouvais le placarder sur n’importe qui. « Well you know you can always text me if you ever need company. I’ll always be around, for whatever. » Et tu le pensais sincèrement alors que tu offrais un autre regard complice à ton ami de longue date. « I’m really happy you’re here Hunt’. »

9 mai 2021. Autumn et Hunter vivaient, pratiquement au même moment, le retour des enfants terribles. Ils devaient face à leurs fantômes et ni l’un ni l’autre ne semblait armer pour réellement affronter qui que ce soit. Hunter n’avait encore croisé personne hormis Maxence qui était en réalité, celui à l’origine de son retour. Sans ce petit coup de pouce, Hunter n’aurait jamais osé poser un pied dans le coin. D’un air résigné, Hunter finit par dire qu’ils n’avaient pas le choix, qu’ils devraient faire face à ces gens, quoiqu’il arrive. Il fallait arrêter de fuir. « Always » rétorqua-t-elle aussitôt quand le jeune homme tentait de se rassurer sur le fait qu’ils seraient là l’un pour l’autre. Maintenant qu’ils étaient dans la même ville, ils pourraient profiter d’être réellement présent l’un pour l’autre. Cependant, il ne servait à rien de précipiter Hunter. Il aimait prendre son temps surtout en terrain inconnu et ça, Autumn le savait pertinemment. Comme le fait que Hunter n’avouerait jamais qu’il se sente bien quelque part, il ne planifiait pas de s’installer définitivement ici. « You’re wanting to get your own place ? » Il haussait les épaules, il ne savait pas vraiment s’il arriverait à trouver sa place ici de toute façon. « Don’t know. » balbutia-t-il, avec un air détaché. « I gotta find a job first. » ajouta-t-il comme précision, avant toute chose, il devait trouver sa place professionnellement avant de pouvoir s’engager dans une location… Bref, tout semblait être lié d’une manière ou d’une autre et Hunter ne voulait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. « Who are you most nervous to see again? » Hunter tira sur sac lope, le regard perdu sur l’eau. « Probably all my friends. They’ve been trying to get me back on the right path, imma not sure how they’ll react when they see me hanging around as if nothing happened. » Il savait qu’Adèle serait la plus conciliante, mais comment Oliver et Stacey allaient réagir en le voyant dans le coin après avoir essayé, en vain, de vouloir le ramener ici ? Hunter n’avait pas envie de se justifier. « I know what you mean. I feel the same. Like no matter what I say, I know you’ll never judge me. I wish it was the same with everyone else. » Et Hunter acquiesça à ces quelques mots alors que comme d’habitude, le duo semblait se comprendre sans vraiment savoir comment ni pourquoi, c’était juste ainsi.  « Well you know you can always text me if you ever need company. I’ll always be around, for whatever. » Hunter sourit, un sourire qui était rarement perçu sur son visage. « I’m really happy you’re here Hunt’. » Il tourna donc la tête pour la regarder, et réussit à trouver son regard angelin. « Thanks, Autumn. » dit-il doucement, sans forcer. « Same for you. » ajouta-t-il finalement en se penchant légèrement pour la bousculer d’un coup de bras.

Si tu étais presque certaine de vouloir rester à Brisbane pour quelques temps au moins, ça ne semblait pas aussi clair dans l’esprit de Hunter, ce que tu pouvais comprendre. Sa situation avait toujours été bien différente de la tienne et tu savais qu’être loin de sa mère, même si c’était pour se donner de meilleures opportunités à lui-même, demeurait quelque chose qui pesait sur les épaules du Stringer. Pendant des années, il avait mis ses propres ambitions, ses rêves, ses envies, ses passions de côté dans le but de subvenir à ses besoins et à ceux de sa mère. Forcé de devenir un adulte bien avant le temps après la mort de son père, tu avais échangé avec lui des dizaines de lettres qui parlaient plus en détails de tous ces rêves avortés, de ces choses qu’il aurait aimé vivre, découvrir, mais qui lui avait été arraché au même moment ou la maladie s’était invitée dans le corps de son paternel. Il y avait tant de choses que tu aurais aimé pouvoir au jeune homme, plus qu’une simple oreille attentive ou une présence familière. Malheureusement, tu ne pouvais rien de plus pour lui. Surtout qu’il était très indépendant et bien plus fier qu’il ne voulait l’admettre Hunter, quand accepter la moindre aide de qui que ce soit lui était difficile. Tu continuerais toutefois de proposer, juste au cas. Comme un doux rappel qu’il n’avait pas besoin d’avancer tout seul. « Don’t know. » Tu hoches la tête. Tu ne peux t’empêcher d’espérer qu’il prendra la décision de rester à long terme. Tu pourrais vraiment utiliser un visage familier et accueillant dans les environs. « I gotta find a job first. » « I’m sure you’ll find something quick. » Après tout, les possibilités d’emplois sont bien plus grandes ici qu’elles ne le sont à Toowomba et tu ne doutes pas que le Stringer puisse s’adapter à pleins de genres d’emplois. Il est polyvalent et débrouillard, tu le sais capable de grandes choses, si seulement il osait se donner les moyens. « Probably all my friends. They’ve been trying to get me back on the right path, imma not sure how they’ll react when they see me hanging around as if nothing happened. » Tu fais une légère grimace, pouvant trop bien comprendre comment il se sentait. « You’ll just have to take it one person at a time. » Après tout, il n’était pas venu ici dans le but de se cacher éternellement de son ancienne vie. Il lui faudrait faire face à la musique, tout comme tu avais éventuellement l’intention de le faire avec Kieran. En attendant toutefois, tu étais reconnaissante que Hunter soit là, de savoir que tu pouvais compter sur lui et qu’il te serait facile de le voir, au moins pour quelques temps. « Thanks, Autumn. Same for you. » Il vient te donner un léger coup de coude et tu échappes un rire alors que tu laisses ta tête tombée sur son épaule. Ça fait toujours du bien de réaliser que malgré tout, certaines choses ne changent pas.

9 mai 2021.  Hunter avait mis les pieds à Brisbane depuis quelques jours, et n’était clairement pas certain d’y rester. Autumn semblait beaucoup plus déterminée et sûre d’elle. La rouquine avait l’air d’avoir des projets concrets, des choses auxquelles elle pouvait se raccrocher. Ce n’était clairement pas le cas de Stringer, et ça, son amie l’avait bien compris. Elle était probablement la personne qui le comprenait le mieux, car il avait passé un bon nombre de soirées à lui écrire ce qu’il avait sur le cœur – lui écrire des choses qu’il n’avait jamais dit à voix haute. Forcément, ce genre d’échanges les avait rapprochés. Leurs confidences, ils n’en parlaient jamais ensemble – ou presque. Hormis quelques exceptions, Hunter et Autumn restaient en surface quand ils se retrouvaient. Cette habitude allait peut-être changer s’ils comptaient se voir plus souvent. En effet, les deux jeunes adultes ne s’étaient pas retrouvés dans la même ville depuis très longtemps, et il semblerait qu’autant l’un que l’autre allait rester dans le coin un petit moment. L’avenir dirait si les deux amis arriveront un jour à se confier l’un à l’autre de vive voix.

Pour l’instant, ils évoquaient leur retour respectif – l’entourage, les retrouvailles, leurs ressentis. Ce n’était pas glorieux, ni d’un côté ni de l’autre. Hunter restait toujours aussi évasif, ses plans n’étaient pas du tout fixés, et s’en rendre compte face aux questions d’Autumn le rendait quelque peu mal à l’aise. « I’m sure you’ll find something quick. » Hunter haussa les épaules, la jeune femme était toujours beaucoup plus optimiste que lui. « You’ll just have to take it one person at a time. » Hunter se mit à rire, en hochant de la tête. Il était clair que le jeune homme n’allait pas se jeter dans la gueule du loup en même temps, avec tous ces amis à la fois. Hunter préférait éviter le conflit, il n’aimait pas foncer dans le tas. « I guess I have no choice. » finit-il par dire, un peu défaitiste. Les deux amis se regardaient un instant, retrouvant cette complicité comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. « Call me if anything goes wrong. I’ll be there. » finit-il par dire en empoignant son épaule de manière affectueuse. Il finit par écraser sa cigarette et se lever. Hunter lui fit un signe de tête pour qu’ils puissent se mettre à marcher et rentrer chez eux. Ils se verraient lors d’un prochain épisode, probablement qu’ils auraient plus de choses à se dire étant donné que leur retour était encore tout récent et qu’ils n’avaient pas vu les acteurs principaux des raisons de leur départ respectif…