Sometimes I wonder where I've been Who I am, do I fit in We're always proving who we are Always reaching for that rising star
Halston Hargreeves est une femme occupée et obtenir un rendez-vous avec celle-ci n’est pas simple, ça Eddie l’avait un peu oublié. L’agente a tout de même bien voulu lui accorder un peu de son temps ce matin mais il sait que cette entrevue ne devra pas s’éterniser, et de toute façon lui aussi a pas mal de boulot qui l’attend à côté. La dernière fois qu’ils ont échangé tous les deux c’était durant la fête des voisins chez ce grand styliste avec lequel il pourrait être amené à collaborer mais professionnellement, elle et lui, là par contre ça doit se compter en mois. À l’origine Eddie est lié à Halston par un petit rôle qu’elle lui avait décroché dans un film, un rôle qui aurait pu en amener d’autres seulement il n’avait pas souhaité continuer dans cette voie alors même que l’agente semblait assez confiante pour lui. Il s’est payé le luxe de refuser d’autres opportunités car il y a quelques mois de ça Eddie pouvait se le permettre, mais aujourd’hui la donne a quelque peu changé. Car le bonhomme accumule à présent de sérieux problèmes d’argent et c'est récent, c'est venu progressivement avec toutes les autres galères que lui a réservé le début d'année. Il en est même arrivé à un point où combiner le paiement de son loyer et de ses charges, le coût de location de son studio de danse et ses dépenses hebdomadaires pour sa moto et ses chats sans parler de ses courses (car il faut quand même bien manger) s’apparente à un vrai numéro d’équilibriste et il ne veut pas devoir choisir entre tout ça. La solution pourrait être de prendre un colocataire mais il doute de pouvoir tolérer qui que ce soit chez lui, c'est l'ami des bêtes mais pas vraiment celui des humains, Eddie. Aujourd’hui son salaire d’artiste ne parvient plus à couvrir tous ses frais et il tire de ses cours des revenus dérisoires, c’est la triste réalité de cette vie qu'il voulait tant. Et franchement y laisser sa santé en plus de prendre le risque de finir sous les ponts on ne peut pas dire que cette vie a beaucoup d'avantages.. Il ne roulait déjà pas sur l’or mais là c’est carrément la misère qui le guette et il n’a jamais été aussi proche de la ligne rouge. Alors d’accord, il n’a peut-être pas non plus adopté Missy au meilleur moment quand il y pense car ces frais de vétérinaire sont venus s’ajouter à tous ceux qu’il avait déjà et dont il ne percevait pas le bout, sans parler du fait que pour ses enfants le danseur dépense vraiment sans compter. C’était valable pour deux chats, ça l’est tout autant pour trois. Seul sacrifice qu’il consent à faire pour le moment : arrêter de se teindre les cheveux dont l’entretien lui coûtait bonbon aussi, pour mettre quelques sous faciles de côté et là c’est sa mère qui va être contente de constater dans pas longtemps le retour de ses cheveux noirs. Mais il pense aussi, et surtout, à d’éventuels frais médicaux qu’il pourrait être amené à devoir verser prochainement avec sa blessure qui ne s’arrange vraiment pas, et il ne veut pas être pris au dépourvu ou pire, être contraint de demander de l’argent autour de lui car ça ce serait au-dessus de ses forces. Il est trop fier Eddie, il préfère mourir de faim plutôt que d’en arriver là et d’ailleurs parmi ses proches personne ne sait à quel point il galère financièrement. Le bonhomme montre bien ce qu’il veut et il parvient encore à donner le change, comme pour son genou finalement, mais c’est épuisant de jouer un rôle en permanence. Prétendre que tout va pour le mieux quand objectivement il sombre de tous les côtés, en ne sachant juste pas ce qui le lâchera en premier.
Halston reste son agente jusqu’à preuve du contraire même si actuellement ils n’ont pas de projet ensemble, il débarque donc à son bureau avec son statut de jeune talent déniché par celle-ci même si ce statut il semble l’arborer quand ça l’arrange. Eddie est bien fringué, aussi bien qu'il le serait pour un entretien d’embauche car ce n’est pas une visite de courtoisie, l’agente le devinera très vite. C’est surtout qu’il veut être pris au sérieux et jouer aussi sur le fait qu’il présente naturellement bien, puisque son physique fait partie des choses qui lui ont plu quand elle l’a découvert, s’il se souvient bien. Il n'y en a pas beaucoup des comme lui par ici et avec un peu de chance c'est un avantage sur lequel il peut encore espérer jouer. Assis face à elle, les mains croisées et paré de sa flegme naturelle on ne dirait pas qu’Eddie s’apprête à baisser son froc devant l’agente, pour parler très franchement. Car c’est comme ça que lui le voit, lui qui déteste en arriver au point où il doit reconnaître qu’il a besoin des autres. Il l’observe un petit moment comme ça, jusqu’à ressentir qu’il a vraiment toute son attention et qu’il peut donc clarifier la raison de sa venue - à propos de laquelle il est resté bien évasif au téléphone. « Je vais nous faire gagner du temps à tous les deux Halston, si je viens te voir aujourd’hui c’est parce que j’espère que tu pourras m’aider. » Son aide, voilà ce qu’il sollicite aujourd’hui. Ce mot lui écorche la bouche mais ça a le mérite d’être clair car Eddie n’est pas connu pour tourner autour du pot quand il a quelque chose à demander, et claire la suite risque de l’être tout autant. « J’ai besoin d’argent, pour tout te dire je m’en sors plus du tout. Je serais pas là devant toi si c’était pas la galère crois-moi, et j’ai repensé à ta proposition d’il y a quelques mois.. » Elle n’a pas dû oublier l’aplomb avec lequel il avait avancé que seule la danse l’intéressait et que cette expérience en tant qu’acteur ne connaîtrait jamais de suite.. mais comme quoi il ne faut jamais dire jamais, hein, Eddie. Car à présent il est prêt à considérer d'entreprendre d’autres choses dans le domaine, même si ce ne sera jamais son monde, ça en revanche ça n’a pas changé. « Je sais que je l’avais refusée, mais si jamais t’avais encore un petit quelque chose sous le coude pour moi je t’avoue que je serais preneur. » Et oui d’un coup ça l’intéresse Eddie, d’un coup il a besoin d’elle alors il revient sur sa décision en espérant qu’il n’est pas complètement cancelled. Halston ne l’a jamais relancé après tout, elle a peut-être tout misé sur un autre entre temps et c’est clairement le risque quand on ne saisit pas sa chance lorsqu'elle se présente. « N’importe quoi. Je prends tout. » il ajoute en se raccrochant à son regard qui doit être aussi parlant que ses mots. Oui, il prend vraiment tout à ce stade Eddie, ce n’est pas comme s’il pouvait encore se permettre de faire le difficile. Est-ce que c’est aussi simple ? Il ne le pense pas mais déjà il tente, car jusqu’ici aller chercher les choses au culot lui a toujours réussi. Halston peut très bien se dire qu’il revient vers elle par opportunisme et il ne pourra pas tellement prétendre le contraire, même s’il aimerait éviter de devoir la supplier pour ça, quand même. C’est déjà sa fierté qu’il met de côté en allant la trouver et en prenant le risque de se faire jeter comme un malpropre, mais la vérité c’est qu’il ne savait pas vers qui d’autre se tourner. Elle a le bras long Halston, elle connaît du monde dans le milieu et il croit savoir qu’elle avait de grands projets pour lui avant qu’il les décline tous. Que reste-t-il de tout ça ? Il ne va pas tarder à le savoir, et il est vrai qu’il fonde beaucoup d’espoir sur cette rencontre qui constitue un peu sa seule porte de sortie aujourd’hui - il n’en voit en tout cas pas d’autre.
Dernière édition par Eddie Yang le Dim 4 Juil - 16:24, édité 2 fois
Exécrable, c’était le mot qui convenait le mieux pour décrire l’humeur du moment d’Halston. Les collègues de l’agente de stars ne la reconnaissaient plus, c’était la première fois en plus d’un an de collaboration qu’ils l’avaient vu dans un tel état, elle n’avait pas fait un seul sourire, elle leur disait à peine bonjour. Ils avaient d’abord été choqués d’apprendre que le lundi, elle ne viendrait pas travailler, non pas parce qu’elle avait pris un congé à la dernière minute, mais parce qu’elle n’était pas physiquement capable de le faire. Elle s’était bien gardée de leur dire que c’était aussi parce que le mental n’allait pas non plus, mais cela ne les regardait pas le moins du monde, ils n’étaient pas ses amis, leurs liens étaient purement professionnels. L’américaine était tombée malade, parce qu’elle avait passé trop de temps sous une pluie battante, à parler dans le vent à celui qui fut son époux. Un ex qu’elle ne devait plus jamais revoir, un homme dont elle s’était plus qu’éloignée, un qu’elle avait littéralement fui en prenant l’avion en direction de l’autre bout du monde. Une détermination qui aurait dû être payante, mais qui venait de tomber à l’eau parce que monsieur avait décrété qu’il travaillerait à Brisbane, qu’elle y soit ou non. Il avait déjà recroisé sa route deux fois en même pas un mois, ce fut suffisant pour la faire basculer surtout après l’enregistrement qu’elle avait reçu, juste avant de le revoir la seconde fois et qui avait changé toute la donne. Elle l’avait retenu pour se morfondre en excuses, mais cela n’avait servi à rien. Il n’attendait qu’une chose, qu’elle diffuse son information pour qu’elle se répande comme une traînée de poudre, chose qu’elle avait faite la veille, dans le plus grand des secrets, se gardant bien d’attirer l’attention de sa colocataire sur son acte. Elle ne savait pas ce que cette bonne action allait réellement lui apporter, mais elle se sentait déjà moins coupable de ne pas avoir cru en l’innocence de son ex-mari, qu’il avait pourtant clamé d’innombrables fois. Halston se doutait que cela attirerait les projecteurs sur elle, d’un moment à l’autre, mais pour le moment tout ce qu’elle voulait c’était de se concentrer sur ses rendez-vous, qui étaient bien nombreux aujourd’hui.
Entre deux entrevues, son assistant lui apprit qu’ils avaient perdus un de leur acteur, un suffisamment important pour qu’elle se mette à taper du poing sur la table. « Comment ça on a perdu Hugh Jackman ? Je m’absente une journée et on perd une de nos meilleures têtes ?! » Plus les célébrités qu’ils accompagnaient étaient célèbres, plus ils attiraient les noms les plus fameux, perdre Wolverine ne pouvait leur faire que du tort. Elle espéra que cela n’allait pas faire un effet domino, car les stars parlaient beaucoup entre elles. Elle n’avait pas le temps de chercher à connaître la raison de ce départ, la prochaine personne qu’elle devait recevoir était là. Lorsqu’elle discerna ses traits, elle ne put s’empêcher de froncer ses sourcils. Eddie ? Elle avait accepté de le voir ? Depuis quand et comment ? Elle avait dû accepter de le recevoir sans forcément faire attention à son nom. Halston aurait préféré l’avoir par téléphone, plutôt que de perdre son temps avec lui dans son bureau. Elle était curieuse de savoir ce qu’il lui voulait, lui qui s’était permis de refuser ses offres à de multiples reprises. Le danseur était culotté et s’il pensait qu’il pouvait ramener sa fraise comme ça, il pouvait se mettre le doigt dans l’œil. Elle le jaugea de haut en bas, guère impressionnée par le soin qu’il avait porté à son apparence. Il s’installa face à elle et rentra dans le vif du sujet. L’agente de stars croisa ses jambes et pencha légèrement sa tête sur le côté. Il lui dit qu’il avait besoin de son aide. « Hmmm. » Il s’épancha un peu plus en lui dévoilant ses soucis financiers. Les portes monnaies régissaient toujours la vie et il ne s’en rendait compte que maintenant ? Pauvre de lui. Le jugement de la brune était perceptible, elle n’avait même pas besoin de s’exprimer pour qu’il remette ses refus sur le tapis. « Je n’aime pas qu’on utilise le mot jamais à la légère, Eddie. » Il se disait prêt à prendre n'importe quoi, mais cet argument n’était pas satisfaisant parce qu’il lui avait fait perdre un temps précieux. Le danseur ne se rendait pas compte d’à quel point il était privilégié, il était rarissime qu’Halston ne court autant après ce qu’ils appelaient des « no name » dans le jargon.
Elle le laissa volontairement mariner, avant de reprendre la parole. « J’ai trouvé des preneurs pour tout ce qui pouvait te revenir. » Halston finissait toujours par trouver ce qu’elle recherchait, ce n’était pas pour rien qu’on la surnommait la dénicheuse, elle avait un flair en or. « De plus nous avons une certaine recrudescence de candidats en ce moment. » Traduction : prends ces rames que je viens de te balancer et rame fort, très fort. « Il va falloir faire tes preuves. Tourner des vidéos en ton avantage pour pouvoir te vendre. Il va falloir que tu sois disponible. » Un bel avertissement qui voulait dire qu’il ne devait surtout pas oser recaler le moindre de ses appels. Elle se leva de sa chaise pour accéder à l’une de ses étagères. L’agente de stars laissa glisser ses doigts sur ses dossiers et s’arrêta lorsqu’elle tomba sur celui qui contenait des annonces pour publicités. Il ne méritait pas les autres catégories, du moins pas pour l’instant, il devait se racheter. Elle le posa sur son bureau, l’ouvrit et en commença la lecture.
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Eddie débarque comme une fleur dans le bureau de l'agente, et celle-ci doit franchement se demander ce que lui vaut sa visite aujourd'hui sachant que leur collaboration est en stand-by depuis des mois, très exactement depuis que le danseur a décliné ses différentes propositions visant à donner suite à sa première expérience dans l'acting. Il avait plusieurs portes d'ouvertes mais il a choisi de n'en emprunter aucune, car à ce moment-là Eddie pensait pouvoir se contenter de la danse qui lui prend de toute façon déjà tout son temps, et toute son énergie. Il ne percevait pas d'avenir pour lui dans le monde d'Halston mais celle-ci n'était autrefois pas de cet avis, et ça le danseur ne l'oublie évidemment pas maintenant qu'il a besoin d'argent. Ses récents problèmes remettent un peu tout en perspective, il est bien forcé d'admettre qu'il ne pourra pas se sortir de là tout seul et en dehors d'Halston il ne voit pas bien quel contact il pourrait faire jouer. Il a toujours eu un assez bon feeling avec elle, leur relation n'a certes jamais dépassé la dimension professionnelle mais il apprécie son sérieux et conserve beaucoup de respect pour celle qui lui a donné une fois sa chance alors qu'il n'avait aucune expérience dans le domaine. Seulement quand il se retrouve face à elle ce matin il a le sentiment de se confronter à un mur de glace, et il se demande subitement s'il n'a pas mal choisi son jour, Eddie. Peut-être qu'il délire mais quand même, Halston n'a pas l'air dans son assiette ou c'est juste qu'il l'interrompt au beau milieu de dossiers importants, et que celle-ci aimerait en finir au plus vite avec lui. Dans un cas comme dans l'autre il sent que sa présence dérange un peu, mais c'est loin de le décourager dans sa démarche. « Mauvaise journée ? » qu'il se risque tout de même à lui demander, lui dont la curiosité et le manque de subtilité ne sont plus à prouver depuis le temps. Après tout Eddie se met bien à déballer sa vie et ses galères, alors qu'il n’a même pas l’espoir de l’attendrir car il sait qu’Halston n’est pas ce genre de femme. C’est une pro en plus d'être une dure à cuir alors elle risque de réagir de la même façon que lui réagit quand ses élèves débarquent dans ses cours avec des soucis personnels plein les poches. Ce n’est vraiment pas son problème, et Halston va sûrement elle aussi considérer que ses soucis d’argent ne sont pas son dos. Et elle aura raison, chacun sa merde comme on dit.
Entendre que la concurrence fait rage dans le milieu ne lui fait pas peur alors qu’il a pourtant bien peu d’expérience en tant qu’acteur à son actif. Un rôle, un seul, et c’est tout. Eddie se repose beaucoup sur sa polyvalence qui a toujours été son plus grand atout, et il reste très audacieux même lorsqu’il n’est plus celui qui détient le contrôle. Ici c’est Halston qui peut faire ce qu’elle veut de lui mais lui peut toujours tâcher de mettre un maximum de chances de son côté, n’est-ce pas. « Raison de plus pour tenter de se démarquer pas vrai ? » Sur ces mots débités avec confiance le danseur se met à farfouiller dans son sac car il n’est pas venu tout à fait les mains vides, et ça Halston va très vite s’en rendre compte. Il pose devant elle des petites choses qu’il compte bien lui confier, car en tant qu’agente il se dit que c’est à elle de gérer ça. « J’ai amené des cv à jour et des cartes de visite, comme tu semblais un peu jalouse l’autre jour chez Weatherton. Tu crois que tu pourrais les faire tourner parmi ton réseau ? » Eddie est très sérieux en plus d'être sacrément culotté, il ne se voyait pas débarquer dans le bureau d’Halston sans son petit attirail promotionnel mais est-ce que l’initiative plaira à celle-ci, ça reste à voir par contre. Il entend bien qu'il devra faire ses preuves et ça lui va, tout challenge est bon à prendre et même noyé dans les problèmes d'argent le bonhomme reste un compétiteur dans l'âme. « Disponible à quel point ? » Il tique juste sur ce point-là, car il n'est pas ce qu'on pourrait appeler quelqu'un de très disponible au quotidien, justement. « Je reste très pris avec le théâtre et ce sera d'autant plus vrai dans les prochains mois, mais je peux passer à ton agence dès que j’ai un moment si vraiment il le faut. » C’est surtout dans son intérêt, il s’agirait qu’il le comprenne car Halston pourra difficilement l’aider à distance. Il sent que ça va être compliqué de conjuguer ça avec son boulot et ses cours mais il faudra bien, quitte à ne plus avoir le moindre temps pour lui à côté et passer sa vie à courir d'un point à un autre. Quoique c'est déjà un peu ce qu'il fait alors il devrait à peine voir la différence, mais à ce stade il faudrait vraiment songer à rajouter des heures dans une journée.
« Des publicités Halston ?.. » il relève un peu décontenancé juste après avoir vu l’inscription sur le dossier qu’elle vient d’ouvrir devant lui. C’est donc tout ce qu’il peut espérer obtenir de sa part ? Ce n’est pas du tout ce qu’elle lui vendait quelques mois auparavant mais l’occasion en or c’est avant qu’il aurait fallu la saisir, l’heure de gloire pour lui semble bel et bien passée. Halston l’a prévenu pourtant, tout ce qui pouvait lui revenir a trouvé preneur mais il espérait quand même qu’il lui restait un petit quelque chose pour lui, dans le même registre. « Je pensais plutôt à un petit rôle moi, même le plus basique figurant m’irait très bien. Enfin.. » Son regard croise celui de l’agente et il comprend qu’il n’a clairement pas son mot à dire ici, et qu’il va devoir se contenter de ce qu’elle voudra bien lui donner. Il laisse échapper un léger soupir, bien conscient de ne plus être en position de force et de devoir même se tenir prêt à accepter n’importe quoi car ce qui compte ce sont avant tout les sous qu’il pourra en tirer. On est désespéré ou on ne l'est pas. « Je peux sûrement pas me permettre d’avoir tellement d’exigences. » qu'il déplore, plus réaliste qu'on serait tenté de le penser. Et pourtant il aimerait poser d’emblée ses limites Eddie, car il y a des choses qu’il se refuse à promouvoir car ça ne correspond pas à ses idées, ou des cases dans lesquelles il ne peut accepter d’être rangé en tant que jeune asiatique déjà pas mal catalogué sur ses origines. Il est le dernier à en jouer mais les gens autour de lui aiment parfois effectuer ces raccourcis faciles, ce n’est jamais bien méchant mais c’est réducteur, ça oui par contre. D’où cette absence de sérénité en lui pendant qu’Halston feuillette les différentes pages d’annonces, à quel point il va devoir s’assoir sur sa dignité et ses principes c’est là toute la question. « Hm. Tu sais j’ai des parents et une petite sœur qui regardent occasionnellement la télé, alors ça m’arrangerait de ne pas tomber trop bas non plus. » il l’informe alors qu’il est décidément bien incapable de la laisser faire ses recherches sans l’ouvrir toutes les vingt secondes. Et ça revient à lui demander de ne pas être trop vache avec lui parce qu’il ne voudrait pas faire encore plus honte à sa famille que ça n’est déjà le cas. Ses parents le voient comme un clown dansant, il ne manquerait plus qu’il fasse le guignol dans un spot publicitaire douteux et là c’est sûr, sa crédibilité à leur yeux mourra pour de bon. Oui il se soucie quand même un peu de son image Eddie, et il pourrait aussi préciser qu’il commence à se faire un nom en tant que danseur et que ce n’est donc pas le moment de lui tirer dans les pattes. Mais le besoin d’argent est plus fort que tout alors dans le fond il sait qu’il ne pourra pas se permettre de dire non à quoi que ce soit, cette fois.
Halston était une femme qui faisait preuve de constance, elle ne changeait pas d’avis du jour au lendemain, elle n’était donc pas quelqu’un qu’on considérait comme imprévisible. Cependant rien n’était immuable et elle n’y échappait pas, elle restait une humaine qui agissait sous le coup de l’émotion. Elle avait eu un coup de cœur pour le danseur, ce qui n’était pourtant pas gagné d’avance. L’agente de stars n’aimait pas la nonchalance, l’absence d’expressions, ce qui était tout à fait logique, comment pourrait-elle croire dans les aptitudes de quelqu’un qui ne laissait rien transparaître ? S’il y avait bien un métier dans lequel on devait être expressif, c’était bien celui d’acteur. Certaines langues de vipères diraient que certaines célébrités perçaient malgré une panoplie très maigre d’émotions, ce qui n’était pas entièrement faux, mais elle avait vu un certain potentiel en lui. Il s’était passé quelque chose quand elle avait commencé à discuter avec lui, le courant était passé, elle sentait qu’elle était tombée sur un bosseur acharné et cela lui avait plu. Elle avait l’impression qu’il s’était soudainement transformé en mendiant, parce qu’il avait besoin d’étaler ses problèmes pour qu’elle puisse lui donner quelque chose, même de pauvres miettes. L’agente de stars n’avait la moindre envie de le materner, elle n’était pas là pour ça. L’américaine pouvait être une très bonne samaritaine, mais uniquement en dehors de son travail. S’il avait eu le bon sens de lui demander cela plus tôt, comme la fois où elle était chez son ami James, les choses se seraient sûrement passées autrement pour lui, elle était de bien meilleure composition ce jour-là. Le manque de sagacité du danseur eut le don de l’agacer en seulement deux mots. « J’ai plus important à faire que de m’occuper de toi, Eddie. » Qu’il s’estime donc heureux d’être dans son bureau à l’heure actuelle plutôt que d’avoir reçu un coup aux fesses, qu’il méritait bien d’avoir après l’avoir fait galérer comme pas permis.
L’agente de stars ne cessait pas de lui mettre des embûches, mais il fonçait dans le tas. Les personnes qui mettaient le pied dans son agence étaient généralement très motivées, elles savaient que cela demandait une motivation à tout épreuve de rentrer dans le cinéma, elles se pliaient donc facilement à ses demandes. Néanmoins, le doute persistait pour Eddie, car il avait un défaut majeur : jouer la comédie n’était pas sa passion. Il n’en faisait donc pas une priorité, même s’il lui prouva qu’il n’était pas venu les mains vides. Il avait déposé ses cartes et des CV, tout en lui demandant de les faire tourner, ce qui eut pour effet de lui écarquiller les yeux. Autant de toupet venant d’un homme qui avait dix ans de moins qu’elle, cela la sciait littéralement. Elle en était presque envieuse, si seulement elle avait été comme ça à son âge, elle serait certainement allée plus loin dans sa vie. Malheureusement elle s’était bridée, elle n’était donc pas arrivée au tournant qu’elle attendait tant : celui de devenir la patronne de sa propre agence. Elle préféra en rire plutôt que de s’en énerver. « Ce genre de service se mérite, tu ne peux pas juste claquer des doigts et obtenir ce tu veux, ça ne marche pas comme ça. » Elle enchaîna sur son laïus où elle lui demandait de faire ses preuves et se lança sur un sujet qu’il ne voulait sûrement pas aborder : sa disponibilité. Elle fit la moue quand il lui parla du théâtre, elle ne voulait pas en entendre parler. « C’est-à-dire que si tu ne peux pas te libérer dans les deux jours qui suivent un de mes appels, tu seras… disqualifié. » Une manière bien polie de lui dire qu’il serait viré. « Il va me falloir ton planning. » Halston avait une sainte horreur de ne pas connaître les horaires de ses protégés et leurs localisations, il fallait qu’elle puisse donner des réponses précises et rapides.
L’américaine était passée aux choses sérieuses, elle regardait ce qu’elle allait bien pouvoir lui proposer. Il se montra trop impatient en lisant l’étiquette de son dossier, il commençait à user sa patience. Elle ne pipera pas un mot, mais ne manquera de lui lancer un regard qui voulait tout dire. Il débita une phrase censée, sur laquelle elle ne put s’empêcher de rebondir. « Effectivement tu ne peux pas. » Les annonces étaient nombreuses, mais il ne rentrait pas dans tous les critères, les publicitaires n’étaient pas encore très friands de diversité. Il se posait trop de questions, il imaginait déjà sa petite famille visionner une publicité ridicule. « How that’s so sweet. » Elle avait pensé à voix haute avec un air sarcastique à souhait. Halston était encore hésitante, elle se demandait si elle allait effectivement le tourner au ridicule ou au contraire, essayer de lui faire conserver une image dorée, qui lui permettrait d’avoir des choses plus intéressantes par la suite. Elle vit le mot croquettes, ce lui rappela illico ce qu’il lui avait dit sous le coup de l’ivresse. La brunette pouffa de rire. « Égérie de Whiskas. » Cela avait au moins le mérite de l’avoir dérider, chose dont elle avait bien besoin aujourd’hui. « Plus sérieusement, j’ai deux trois choses qui ressortent. » Elle déposa ses coudes sur son bureau et croisa ses doigts. « Une publicité pour un chewing gum… qui nécessite de faire du bouche à bouche sur une plage, à une personne âgée. » L’imaginer en tant que maître sauveteur, sortant une dame en détresse de l’eau l’amusait bien. « La seconde consiste à vanter les mérites d’un… préservatif. » Elle cligna des yeux, elle le voyait encore moins coller à ce rôle. « Et enfin la dernière est un plus gros morceau, elle te ferait travailler pour Häagen-Dazs. » Elle savait déjà où irait sa préférence, mais cela ne serait pas forcément celle qu’il décrocherait…
CODAGE PAR AMATIS
Dernière édition par Halston Hargreeves le Jeu 20 Mai - 18:38, édité 2 fois
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Si le culot était une personne il s’appellerait probablement Eddie, celui-ci n’ayant vraiment aucune gêne à revenir vers son agente maintenant qu’il a besoin d’elle alors qu’il n’a pas daigné répondre à ses dernières propositions ni démontré un minimum d’intérêt pour leur collaboration durant les précédents mois. Il était occupé le bonhomme c’est ce qu’il vous dira, mais la vérité c’est qu’il se souvient surtout des autres quand ils peuvent faire quelque chose pour lui, sans quoi il peut vous ghoster sans le moindre problème et c’est aussi vrai dans le pro que dans le perso. Car à l’origine il ne compte vraiment que sur lui-même et c’est toujours compliqué d’admettre qu’il ne s’en sort pas tout seul, lui qui a refusé tant de mains tendues jusqu’ici. À ce stade l’argent ne va pas tomber du ciel et il faut bien imaginer qu’il a encore attendu d’être sacrément dans la merde pour entreprendre cette démarche auprès d’Halston, car minimiser ses problèmes jusqu’à ce qu’ils prennent une ampleur démesurée c’est son truc à Eddie. On ne dirait pas comme ça mais il lui est véritablement reconnaissant de lui avoir offert l’opportunité d’un rôle en fin d’année dernière, il ne sait juste pas du tout le montrer et manifeste un peu trop d’opportunisme quand il n’est pourtant pas en position de lui demander quoi que ce soit. Certains apprécient chez lui cet aplomb, pas mal de professionnels mine de rien, mais Halston n’est pas comme tous ces types du monde du spectacle qui lui mangent dans la main parce qu’ils n’ont jamais vu un danseur plus talentueux que lui. Elle le connaît en tant qu’acteur principalement, un domaine dans lequel il n’a rien prouvé ou presque, alors c’est forcément très différent. Et il sent bien qu’il n’est pas du tout sa priorité, elle lui confirme d’ailleurs qu’elle a plus important à gérer que son cas. Ça touche un peu à son égo mais il est plutôt disposé à l'accepter, car il sait qu’elle n’est pas que son agente et qu’il ne fait donc pas figure de privilégié ici. « On aurait pu voir ça par mail mais j'avoue que je préfère solliciter les gens en face. » Pour formuler une telle demande, oui, il trouve ça plus authentique de procéder ainsi même si Halston se serait sûrement très bien contenté d’un échange par mail, de son côté.
Le coup des cv et des cartes de visite ne récolte pas tout à fait l’effet escompté, il est un peu déçu car il pensait vraiment optimiser ses chances et prouver qu’il ne débarque pas en touriste avec tout ça. Mais peut-être qu’il abuse un peu en demandant à Halston de les diffuser pour lui autour d’elle, c'est juste que vu qu’elle connaît du monde il ne se fait pas trop suer. Il se repose surtout un peu trop sur son rôle d’agente et sur le fait qu’elle est censée - selon lui - entreprendre ce genre de démarches chronophages à sa place. Car sinon pourquoi passer par elle ? Autant lui filer ses contacts pour qu’il les appelle lui-même, ça ira plus vite. Elle prétend qu’il ne mérite pas ce genre de services de sa part, ou en tout cas pas si facilement mais alors à quoi elle lui sert, au juste, Halston ? C'est maintenant qu'il a besoin de ce fric, pas dans un mois. Il veut bien croire qu’il y aura un minimum de négociations entre elle et lui avant de le placer sur un nouveau projet mais elle n’a pas l’air d’en avoir grand-chose à faire, dans l’immédiat. Et elle a à peine jeté un œil à son cv depuis qu’il lui a remis, sans parler des cartes auxquelles elle déplorait de ne pas avoir droit chez le styliste et qui à présent semblent la laisser complètement de marbre. « Je vois. Faut pas trop t'en demander en somme. » qu'il balance avec sa nonchalance naturelle tout en se laissant retomber contre le dossier de son siège. « Si ça te coûte autant d'aider ton poulain je peux aussi changer d'agente Halston, ou bien même tenter ma chance ailleurs. » C'est du bluff, il ne le fera pas car il n'a absolument aucune garantie que son profil puisse intéresser quelqu'un d'autre. Et puis qui a besoin de l'autre ici ? C'est lui qui a besoin d'elle et non l'inverse, en principe, mais il aime encore penser qu'il apporte un petit quelque chose à cette agence et qu'il sera regretté si jamais il doit la quitter. On peut certainement très bien se passer de lui mais Eddie ne serait pas Eddie s'il ne débordait pas de confiance en lui en toutes circonstances. Il connait sa valeur, on lui répète depuis des années que sa polyvalence impressionne alors il est convaincu qu'Halston a encore à y gagner avec un gars comme lui même si elle joue les difficiles aujourd'hui. Concernant les disponibilités attendues elle l’avertit qu’il a tout intérêt à rappliquer dans les deux jours suivant ses appels ou ce sera terminé pour lui, et ça a le mérite d’être clair au moins. « Ça devrait le faire. » Il fera de son mieux Eddie car il a besoin de cet argent, il ne peut plus se permettre d’ignorer les propositions d’Halston à compter de maintenant et ça il l’a bien assimilé. « T'auras mon planning ce soir. » il lui affirme et il s’y tiendra, qu’elle lui laisse juste le temps de rentrer chez lui et elle recevra ça par mail dans la foulée. Un planning susceptible de pas mal évoluer dans les prochains mois mais ça il ne lui dit pas, car il ne veut pas lui faire peur avec les énormes projets à venir au théâtre et pour son groupe - mais ce qu'il peut faire en dehors elle s'en fiche bien de toute façon, et elle ne lui a jamais fait signer de papier attestant d'une quelconque exclusivité. Tout ce qui arrive va être démentiel et à ce moment-là il devra vraiment obtenir d’une façon ou d’une autre l’aptitude de se dédoubler, sinon ça va réellement devenir impossible pour lui de tout conjuguer. Et bien sûr sa blessure au genou il ne l’évoque pas non plus alors qu’à tout moment il risque l’opération et la mise au repos forcé, décidément honnête que lorsque ça l’arrange. C’est le genre de choses dont il se doit sans doute de l’informer mais il met stratégiquement de côté tout ce qui pourrait compromettre ses chances de décrocher un nouveau contrat.
Et ce contrat justement il a l’espoir que ce soit un rôle comme celui qu’il avait obtenu grâce à elle avant ça, mais il comprend bien vite qu’elle lui réserve tout autre chose. Il est puni Eddie, c’est l’idée ? Lui le perçoit en tout cas comme ça, car si le cinéma n’est pas un monde qui le fait tellement rêver ça reste à ses yeux dix fois plus enviable que le monde de la publicité. Sérieusement, il tombe un peu de haut. Halston semble au passage s’amuser du fait qu’il veuille soigner son image pour ne pas faire honte à sa famille, et derrière ce qu’il identifie comme une pointe de sarcasme il espère quand même qu’elle en tiendra un minimum compte. Quand enfin vient le moment de lui détailler les offres disponibles pour lui Eddie se redresse, à la fois curieux et inquiet. Il entend dans un premier temps parler d’égérie pour Whiskas et sa réaction ne se fait alors pas attendre. « Hors de question que je fasse des infidélités à mes chats. » il tranche, sans même savoir si la proposition est sérieuse ou non. Peu importe, c’est un non d’office. Eddie ne pourrait se résoudre à les trahir de la sorte, même s'il aime tous les chats de ce monde il sait que les siens le regarderaient de travers s'il rentrait avec l'odeur d'autres chats sur lui et il tient à conserver d'excellents rapports avec ses enfants. Il n'a presque plus qu'eux, après tout. La publicité pour chewing-gum nécessitant de faire du bouche-à-bouche à une personne âgée, on ne peut pas dire que ça l’emballe beaucoup non plus. « Bof. » il commente avec le manque d’enthousiasme que l’on imagine bien, mais ça reste largement envisageable à côté de la deuxième offre dont elle lui fait part. Vanter l’usage d’un préservatif ? Et puis quoi encore. « Je ne ferai jamais ça. » il l’informe de façon claire, alors qu’il s’était pourtant juré de ne dire non à rien. Certes, mais voilà le genre de choses qu’il se refuse typiquement à faire par souci de dignité, et connaissant la pudeur de ses parents ça ne passerait vraiment pas auprès d’eux. Ils n’ont clairement rien à dire sur ce qu’il peut encore faire de sa peau mais on ne plaisante pas avec ça chez eux, on n’évoque d’ailleurs pas ouvertement ces choses-là car c’est extrêmement tabou. Et non, il n’apportera pas le déshonneur sur les siens par besoin d’argent, il y a des limites. Finalement la proposition de collaboration avec Häagen-Dazs est de loin la plus acceptable, même s’il suppose que ce n’est pas à lui de choisir. « C'est clairement le mieux. Et ça paie bien au moins ? » Ce n’est pas une petite marque alors il se plaît à penser que oui, bien qu’à ce stade tout profit est bon à prendre pour lui, même le plus mince puisqu'il est de toute façon dans le rouge. « S'il ne faut pas ingurgiter des kilos de glace je crois que ça m'intéresse. » En tant que sportif de haut niveau il se doit de faire attention et de limiter les excès, même s'il croit savoir que tout ou presque est pipeauté dans le milieu de la pub, en plus d'être bien souvent terriblement mal joué. « Par rapport au profil qu'ils recherchent je suis comment ? » Seule vraie question qui s’impose ici, avant de s’emballer pour rien. Quels critères il remplit ou ne remplit pas, c’est ça qui l’intéresse là.
Eddie était un homme qui n’avait pas froid aux yeux, elle ne pouvait pas lui retirer ça. Cependant, il faisait preuve d’un opportunisme qu’elle avait rarement vu entre ces quatre murs. Le succès de son unique film lui était-il monté à la tête ? S’il lui en fallait aussi peu pour se croire indispensable, elle ne savait pas ce qu’elle allait faire de lui. Halston avait pourtant eu à faire à de nombreux égos surdimensionnés, tellement gigantesques que l’univers ne lui semblait pas assez grand pour tous les contenir. Elle ne savait pas comment elle faisait pour les supporter, elle devait avoir une patience infinie qu’elle ne soupçonnait pas. Au fil des années, elle avait compris que le narcissisme était omniprésent dans son milieu, même les personnes les plus timides recelaient cette part de contemplation d’eux-mêmes. Le métier d’origine de son interlocuteur n’arrangeait en rien les choses, il devait constamment se regarder dans des miroirs pour s’assurer de sa perfection. Elle mettrait sa main à couper qu’il avait demandé à vérifier la moindre de ses scènes. Elle ne pourrait même pas le lui reprocher, il valait mieux ça qu’une personne qui avait horreur de se voir, peur de devoir se corriger. Il devait penser que sa force de négociation serait plus forte en vraie qu’en ligne, un raisonnement qui était plutôt sensé, mais qui tombait à l’eau puisqu’il avait pire des timings. Il était trop tard pour lui dire qu’il aurait mieux fait de lui parler via emails, maintenant qu’il était là elle n’avait pas d’autre choix que de l’écouter. « Cela ne nous empêchera pas de discuter de manière efficace. » Il l’avait déjà prouvé en allant droit au but, le temps était un bien précieux aussi bien pour l’un que pour l’autre.
Il s’était donné du mal cet Eddie, il n’avait sûrement pas pris le moindre plaisir à réaliser tous ces CV, qui aimait ça ? C’était fastidieux, bien plus que de faire la fameuse carte de visite dont elle lui avait reproché l’inexistence. Elle lui avait été servie sur un plateau d’argent, mais elle n’était pas contente pour autant. Il devait certainement penser que les femmes n’étaient jamais satisfaites, mais cela lui passait totalement par-dessus la tête. Elle avait le droit d’être exigeante puisqu’elle n’était pas n’importe qui, elle était tout d’abord une agente qui avait été formée par les meilleurs, elle avait côtoyé le gratin d’Hollywood pendant des années et cerise sur le gâteau : elle portait un nom de famille réputé, qui inspirait le respect dans son pays. Il n’était certes pas aussi connu en Australie, mais cette terre n’avait pas échappée à la chaîne hôtelière du même nom. Malgré une faillite aussi brutale que fulgurante de l’enseigne, ils avaient tous réussis chacun de leur côté, à en conserver le prestige. C’était avec une fierté non dissimulée qu’elle dévoilait ce nom, qu’elle portait à nouveau depuis presque deux ans. Elle n’allait donc pas trembler devant Eddie Yang et sa pathétique tentative de chantage. Halston tourna son siège vers la sortie et leva le bras, pour mieux la pointer. « Hé bien vas-y ne te gêne pas, la porte est grande ouverte. » Le monde grouillait de talents, qui n’attendaient que d’être révélés par sa personne. Il omettait qu’il y avait de nombreuses personnes qui frappaient à sa porte et cela n’allait pas lui rendre service. Le danseur finit par retrouver la raison, en acceptant de se plier à ses premières conditions. « Bien nous allons pouvoir collaborer ensemble à présent. » Il suffisait de l’écouter et de la brosser dans le sens du poil pour obtenir ses faveurs, elle n’était peut-être pas si compliquée que cela finalement, la Hargreeves.
La docilité attendue par Halston se faisait encore désirée, il lui avait fait comprendre qu’il était récalcitrant à l’idée de passer par la case publicité. Cette catégorie était bien utilisée par d’anciennes stars, qui s’y prêtaient pour pouvoir arrondir leurs fins de mois, alors ce n’était pas lui qui allait pouvoir faire la fine bouche. Il était également plus facile trouver quelque chose dans ce domaine, plutôt que dans la figuration ou des petits rôles, cela lui demanderait aussi moins de temps à lui consacrer. L’agente de stars avait un ordre de priorités à laquelle elle ne dérogeait pas et il se trouvait bien bas au sein de celui-ci. Elle ne put s’empêcher de lire à voix haute quelques mots de l’annonce qui l’avait amusé, mais Eddie n’avait pas saisi la blague. Elle balaya sa phrase d’un geste de la main, pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas sérieuse. Il était presque mignon, à ne pas vouloir faire d’infidélités à ses compagnons à quatre pattes. Elle lui énonça quelques offres, en observant le moindre de ses mouvements de visage. Halston avait vu juste à chaque fois, le premier travail ne l’avait pas emballé et le second semblait le répugner. La dernière proposition, mentionnant de la célèbre marque de glace avait dressé ses oreilles, il la questionna sur le salaire. « Bien mieux que la plupart des annonces qui se trouvent dans ce catalogue, les autres sommes sont plutôt dérisoires. » La brune n’oubliait pas qu’elle avait sa commission à prendre, elle n’avait donc pas intérêt à lui suggérer ce qui était le plus mal payé. Il se préoccupa du maintien de sa forme physique, ce qui lui provoqua un sourire en coin. Il s’imaginait vraiment qu’il allait passer la journée à s’empiffrer ? On ne lui laisserait même pas le temps de finir le rafraichissement qu’il aurait commencé à croquer, le malheureux. « Ils recherchent des profils plutôt variés. Ils aimeraient un jeune homme plutôt propre sur lui dans le lot. » Eddie lui paraissait suffisamment lisse pour faire l’affaire. Elle ouvrit l’un de ses tiroirs, pour en sortir une mini caméra. « Il va falloir se positionner rapidement, alors es-tu prêt à improviser une petite présentation de ta personne ? » C’était un challenge auquel elle n’aimerait personnellement pas se frotter, mais elle était sûre qu’il était plein de réserves. Elle mit l'appareil en route.
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La porte est grande ouverte lui dit Halston, sous-entendant qu'il n'a qu'à se barrer si ses méthodes ne lui conviennent pas. Elle n'a pas tort, rien ne le retient physiquement ici et il peut effectivement partir si son besoin d'argent n'est d'un coup plus si vital. Sauf que si, il a terriblement besoin d'elle Eddie et même s'il est doté d'une fierté insolente il n'oserait quand même pas avorter cet entretien simplement parce que les choses ne vont pas assez vite, ou dans le sens que lui aimerait. Ce serait stupide de sa part alors qu'Halston n'exclut pas du tout de l'aider, elle lui fait simplement comprendre qu'en se ramenant comme une fleur plusieurs mois après sa dernière relance il ne peut clairement pas s'attendre à se voir dérouler le tapis rouge. Il effectue alors dans sa tête le parallèle avec ses cours, et se revoit lui-même indiquer la sortie à ses élèves quand certains se plaignent de sa rigidité et de la cadence qu'il leur impose. Ici la patronne c'est Halston, exactement comme lui est le patron dans son studio et il ne doit surtout pas oublier où est sa place, et ce qu'il attend d'elle. C'est déjà bien qu'il ait pu obtenir la possibilité de la voir, il suppose, et surtout aussi rapidement puisqu'il a comme à son habitude tout sauf anticipé les choses sur ses problèmes d'argent. Son regard rencontre celui d'Halston qu'il gratifie d'un fin sourire tandis qu'il reste fermement ancré sur son siège, manifestement pas du tout prêt à laisser sa place à un autre. Non c'est bon, elle vient de lui donner une excellente raison de s'accrocher car c'est généralement quand on l'invite à faire quelque chose qu'Eddie se jure d'entreprendre tout le contraire. « Tu m’abandonnerais donc si vite aux mains de la concurrence. » il constate avec une certaine légèreté, loin de s’en offusquer puisque Halston lui a déjà fait comprendre qu’il n’était aucunement indispensable. Il n’est pourtant pas certain qu’elle trouverait beaucoup de garçons dans son genre et aussi déterminés mais il la laisse volontiers le croire, car il a vraiment trop besoin de ses fameux services pour se lancer dans des débats sans fond avec l’agente. C’est elle la pro il le saisit bien, à présent il évite de trop la ramener vu sa position et ce qu’il a potentiellement à y gagner. Car il sait ce qu'il a à y perdre en revanche, et là-dessus il ne tentera pas le diable.
Il ne peut techniquement refuser aucune proposition vu sa situation et pourtant il continue de faire le difficile, pas au niveau du cachet mais bien de son image car il est contre le fait d'accepter tout et n'importe quoi sous prétexte qu'il n'a plus un sou en poche. C'est drôle, Eddie prétendait justement être prêt à tout un peu plus tôt mais tout est quand même relatif ici, car il a une carrière fleurissante à côté qu'il ne va certainement pas bazarder en une apparition dans une pub. Il ne pense pas qu'Halston l'enverrait se sacrifier comme ça mais il se méfie quand même, qu'elle n'en profite pas pour lui refiler le pire truc dans ses tiroirs en pensant qu'il est trop dans la galère pour se permettre de dire non. Sa fierté, encore et toujours, voilà ce qui l'empêche de se mettre à plat ventre aujourd'hui car mendier un contrat lui coûte déjà beaucoup. Elle lui indique qu'il peut espérer toucher une somme pas dégueulasse en vue d'une collaboration avec Häagen-Dazs et forcément ces mots sonnent comme une douce mélodie à son oreille, c'est exactement ce qu'il voulait entendre et ce qui achève de le convaincre que cette pub est peut-être bien pour lui. « Alors ça m’intéresse vraiment. » Un contrat pas trop mal payé et laissant sa dignité sauve, il signe tout de suite Eddie. Sauf que ça n’est pas si simple, il doit encore se mettre la marque dans la poche car il n’est certainement pas le seul mec sur le coup. Niveau critères la marque rechercherait justement un gars propre sur lui, il intègre l’information et hoche alors la tête avec une certaine modestie. « Je vois. Ça vaut le coup de tenter, je dois avoir mes chances. » Il tente de regarder les choses avec objectivité, et estime être quand même assez présentable pour promouvoir des glaces. Et encore il n’a pas pleinement conscience de tout ce qu’il peut tirer de ce physique Eddie, car il n’a jamais ressenti le besoin d’en jouer. Mais dans la vie de tous les jours c’est déjà une case qu’il coche sans problème, lui qui sort assez facilement du lot y compris quand il ne cherche même pas à le faire - ou en tout cas pas comme ça, il mise beaucoup plus sur sa personnalité et ses compétences. Aujourd’hui il a certes sorti le grand jeu côté tenue pour tenter d’impressionner Halston mais le look ne fait pas tout et n’est même qu’un emballage, or on ne serait sans doute pas venu le chercher pour son tout premier rôle s’il n’avait pas eu la tête de l’emploi à l’origine. Il ne compte d’ailleurs plus les fois où on a souligné la finesse de ses traits ou sa photogénie, c’est apparemment un atout mais ça l’embêterait d’être réduit à ça car contrairement aux capacités qu’il prouve tous les jours sur le parquet c’est une chose qu’il doit à dame nature uniquement - ou aux bons gènes de ses parents plutôt, sa sœur s’asseyant clairement à la même table que lui. Rien qu’il ait eu à forger lui-même en somme, tout ce qu'il peut faire c'est entretenir tout ça bien s’il soit loin d’apporter un soin obsessionnel à son apparence.
Et puis le voilà pris de court, Halston le mettant au défi de se présenter devant la caméra. All of a sudden ? Son agente semble oublier qu’il n’a jamais passé de casting vidéo puisque la première fois elle est venue le chercher au théâtre, et les auditions qu’il a pu passer pour la danse dans le passé n’ont pas grand-chose à voir avec ça. « On démarre directement ? » Il semblerait, Halston dit elle-même qu’il leur faut se positionner sans tarder. En temps normal Eddie est le roi de l’improvisation qui tient une énorme place dans son métier mais ici, face caméra, il n’est pas trop sûr de savoir ce qu’il est censé dire ou faire. Parler de lui il est pourtant habitué à le faire mais dans l’optique de convaincre une marque comme Häagen-Dazs de travailler avec lui sur quoi doit-il mettre l’accent, au juste ? Il n’est pas assez fayot pour prétendre qu’il est un fervent consommateur de leurs produits alors que ce n’est pas le cas, par exemple. Mais la caméra est en route, alors il se lance sans se poser de questions. « Okay alors.. Bonjour ? » Il tâche en même temps de sourire à la caméra, car même s'il ne sait pas trop le faire sur commande se donner un air sympathique ne sera pas du luxe. Quant au bonjour il ne sait pas trop si ce genre de formule est vraiment nécessaire ici mais au pire elle coupera ça. « Eddie Yang, vingt-cinq ans. Australien, né à Sydney et résidant à Brisbane. Je suis danseur professionnel depuis cinq ans et ce métier, qui est également une passion, m’a récemment amené à graviter dans le milieu de l’acting, avec une première expérience au cinéma dans le film.. » Le film ? Oui, Eddie ? Cinq secondes s’écoulent, puis dix. « Merde. » Ah. Ça la fout mal et Halston va peut-être bien lui taper sur les doigts pour son manque de sérieux, car c’est à croire que cette première expérience ne l’a pas beaucoup marqué. Il ne comprend même pas ce qui lui arrive, c’est le trou noir dans sa tête alors son réflexe c’est de faire signe à son agente de couper la caméra. Car ça ne va pas là, prêt de toute évidence il ne l’est pas. « Désolé j'ai plus le nom. » qu’il avoue et il ne lui vient même pas à l’esprit de checker celui-ci sur les cv qu’il vient de remettre à Halston. Ses automatismes ont foutu le camp et ce n’est pas par manque d’intérêt pour ce premier projet même si l'agente va certainement le penser, il avait d'ailleurs bien révisé ses références avant cet entretien mais sa mémoire n’est visiblement pas très coopérative. « Mais le reste c’est comment ? J’en dis trop ? Pas assez ? Leur envoie pas cette première version surtout, je peux faire mieux. » Car faire pire de toute façon ce sera difficile. La vérité c’est qu’il n’est pas aussi confiant qu’il l'aurait cru Eddie et ses pensées sont confuses à cet instant, c’est un exercice compliqué que même un gars bourré d’assurance comme lui gère assez mal en fin de compte. Il a l’impression de se jeter dans le vide sans filet car il a très peu d’informations sur ce qu’on attend de lui, et son agente ne le guide pas du tout. Mais il va falloir l’aiguiller un peu de toute évidence, car elle sait mieux que personne comment il doit se vendre pour décrocher ce contrat à coup sûr tandis que lui ne maîtrise pas encore les codes du milieu.
Est-ce qu’elle abandonnerait un de ses protégés aussi facilement ? Eddie n’avait pas idée d’à quel point. Halston avait appris à ne pas trop s’attacher à eux, à mettre une certaine distance, un espace nécessaire pour que tout se déroule au mieux. Elle était certes devenue la colocataire de l’une de ses actrices, mais il s’agissait d’une femme qu’elle connaissait depuis longtemps alors cela ne comptait pas. La brune n’avait jamais su expliquer comment elle avait pu en devenir si proche, la rouquine avait su la tirer dans ses filets, tisser un lien qui était devenu des plus solides. Elle était devenue celle qui faisait à la fois figure d’ange et de diable sur ses épaules, elle ne soupçonnait pas l’influence qu’elle avait sur elle, même si elle l’avait suivi dans son pays. Eddie n’était pas Sophia, il ne pouvait pas se permettre de disparaître et d’apparaître quand cela lui chantait contrairement à elle, il n’était qu’un talent parmi tant d’autres. Le danseur commençait à l’intégrer alors il décida de s’accrocher à sa place, une sage décision. « Et pour quelles raisons je ne le ferai pas ? » Elle lui donnait l’occasion d’éclairer sa lanterne, libre à lui de la saisir ou non. Halston n’avait pas peur d’apprendre ce qu’elle perdrait, parce qu’elle savait déjà ce qu’elle gagnerait : du temps libre à consacrer à des personnes plus coopératives. Elle se doutait qu’il pouvait la comprendre, se mettre à sa place parce qu’il donnait des cours de danse. Elle pouvait facilement faire un parallèle entre ses élèves et ses poulains, parce qu’elle aussi donnait un certain nombre de leçons. Les conseils de la Hargreeves étaient avisés, elle avait cumulé assez d’expérience sur le terrain pour en donner des bons, il serait stupide de sa part de s’en priver.
Certaines personnes étaient prêtes à vendre leur âme pour un bon cachet, mais elle comprenait bien que ce n’était pas le cas de son interlocuteur. Elle n’avait que peu d’estime pour ces gens-là, prêts à tout et n’importe quoi pour remplir leurs comptes en banque. C’était peut-être un jugement facile de sa part, parce qu’elle n’avait jamais connu le besoin, même lorsque ses parents n’étaient pas encore millionnaires, elle vivait quand même assez bien, tous ses besoins étaient comblés en temps et en heure. Eddie avait du mal à joindre les deux bouts, mais ne voulait pas rogner son image et c’était tout à son honneur. L’agente de stars mit sa rancœur de côté, il était vraiment intéressé par sa dernière proposition et elle allait faire tout son possible pour qu’il soit l'élu. « Tu as tes chances oui, c’est une marque qui a envie de diversité. » Elle ne savait pas comment il allait prendre ce mot, s’il allait le recevoir négativement ou non, mais Halston ne pouvait pas faire semblant qu’il n’était pas un australien pure souche. « Ne te méprends pas hein, c’est une qualité et ce n’est pas pour faire de la discrimination positive. » D’ailleurs elle trouvait ce concept ridicule, pourquoi se forcer à mettre en avant des personnes, que l’on aurait pas choisi spontanément ? C’était hypocrite, elle pouvait comprendre qu’il avait envie d’être choisi pour son talent et non pour une couleur de peau qui le différenciait de la majorité. « Ils sont trop connus pour s’embêter avec ce genre de choses. » Ils n’avaient pas besoin de redorer leur image, ils n’avaient provoqué aucun scandale du moins pas à ce qu’elle sache, sinon elle ne lui aurait jamais mentionné cette offre. Elle fuyait la moindre source de problèmes comme la peste, elle avait assez donnée avec le mouvement MeToo.
Halston décida qu’ils n’avaient plus de temps à perdre, elle avait pris sa caméra sans plus attendre et lui avait demandé d’improviser. Elle voulait voir ce qu’il avait dans le ventre, avoir une première vidéo brute. L’agente de stars ne le ménageait pas, elle ne le lui laissait même pas le temps de réfléchir, elle lui fit comprendre qu’il fallait qu’il se lance tout de suite. Elle percevait qu’il était plutôt hésitant, mais le laissa aller jusqu’au bout de son essai. Le sourire du danseur était forcé, mais ce n’était pas ce qui dérangeait le plus l’agente de stars, c’était plutôt qu’il ait un véritable trou noir en ce qui concernait le nom de son unique film. Elle arrêta de filmer lorsqu’il lâcha un vulgaire merde. Les dents de l’américaine se serrèrent, elle était irritée qu’il n’ait pas retenu le titre, ce n’était pas concevable pour elle. Le cinéma était trop sacré pour qu’un de ses protégés se permette d’oublier sa première expérience dans le domaine. Elle poussa un de ses CV vers lui et lui répondit : « Alors rafraichis toi la mémoire. Il va falloir te souvenir du réalisateur aussi, c’est important. » Il ne devait pas faire preuve d’un tel amateurisme, cela ne passerait pas. Il lui demanda de ne pas envoyer cette première version, elle se demanda s’il la prenait pour une idiote dénuée de la moindre logique. « Je ne vais pas l’envoyer, elle n’est pas assez bien. Il faut que tu sois plus naturel et que tu parles un peu plus, un CV vidéo doit durer trois minutes, c’est la durée idéale pour marquer le recruteur. » Si elle avait plus de temps devant elle, elle lui ferait bien visionner quelques vidéos mais il lui en manquait cruellement. « Tu dois être enthousiaste, dire pourquoi tu t’es lancé dans ce film, ce que tu as aimé. Tu peux mettre en avant d’autres talents, ils adorent la polyvalence. L’humour marche pas mal aussi, mais tu n’es pas obligé de passer par là. » Halston ne croyait pas trop en son potentiel humoristique, mais il pouvait peut-être la surprendre.
Sometimes I wonder where I've been Who I am, do I fit in We're always proving who we are Always reaching for that rising star
Il comprend bien qu'Halston ne le retiendra pas, et il ne s'attendait de toute façon pas à ce qu'il en soit autrement. Eddie a trop négligé cette collaboration ces derniers mois pour qu'aujourd'hui l'agente s'y accroche, ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est lui qui a fait la démarche de revenir vers elle car de son côté Halston avait probablement déjà commencé à tirer un trait sur son petit protégé. Sa confiance il n'est même pas sûr de l'avoir encore aujourd'hui, il ne s'est pas montré très fiable dernièrement alors il semble bien normal qu'elle ne mise plus énormément sur lui. Quelles raisons elle aurait de ne pas le laisser filer chez la concurrence ? Lui en voit éventuellement une là, peut-être un peu surréaliste mais il suppose que s'il n'avait pas un minimum de potentiel il n'aurait jamais rejoint ses rangs ni vu le monde de l'acting s'ouvrir à lui. « Si je connais une percée incroyable dans une autre agence y’aura de quoi s’en mordre les doigts, non ? » qu’il balance d’une voix tranquille, sans provocation car il avance simplement un fait. Que son éventuel succès en tant qu’acteur ne voit finalement pas le jour sous sa supervision à elle, oui, il s’imagine que ça pourrait être frustrant pour celle qui prétend dénicher les talents de demain pour les révéler au monde. Si effectivement il parvient un jour à se faire un nom elle pourra toujours dire que c’est elle qui l’a découvert, mais elle ne pourra pas réellement profiter des retombées de la gloire de son ancien poulain et ça ce serait tout de même un peu dommage. Alors bien sûr, tout ça, c’est en envisageant qu’il puisse réellement devenir quelqu’un dans le domaine de l’acting et pour le moment il en est loin avec juste un petit rôle à son actif, Eddie. Mais bon on devient célèbre pour tout et n’importe quoi aujourd’hui n’est-ce pas, il suffit parfois d’un buzz bien placé pour s’envoler et des gens sans talent propulsés au sommet il y en a des tas alors que peut-on faire d’un gars comme lui qui n’en manque à l’inverse pas ? Il ne doute pas tellement de ses capacités à réussir là-dedans, si toutefois il le voulait, car ça n’est toujours pas un monde qui lui vend du rêve à vrai dire. Si déjà il pouvait achever de gagner sa reconnaissance en tant que danseur ce serait bien, car c’est un peu tout ce qui compte pour lui aujourd’hui. Il ne veut pas être connu mais reconnu Eddie, il n’aspire pas à la célébrité mais bien à la postérité de son œuvre. D’où le fait que tout ça, là, c’est surtout pour ne pas trop aller dans son sens mais Halston sait qu’il est là pour le fric, et non pour devenir une pseudo star des écrans. Ce n’est pas pour ça qu’il la sollicite, il n’a pas ce genre d’ambitions. Que ce soit dans cette agence ou une autre il espère juste décrocher un petit contrat pour pouvoir payer ses factures ce mois-ci et c’est tout, il sera bien content s’il obtient déjà ça.
Il a toutes ses chances d'après Halston, et venant d'elle forcément il est disposé à le croire. Elle sait certainement ce qu'elle dit, elle n'avancerait pas ça si elle ne sentait pas que son profil pourrait plaire et la marque en question rechercherait apparemment un peu de diversité. Ce mot ne lui écorche pas l'oreille, ce n'est pas comme si elle lui avait dit qu'ils recherchaient scrupuleusement un jeune homme d'origine coréenne car là oui, il aurait trouvé ça un peu trop ciblé pour être honnête mais ça semble au final être ouvert à toutes les personnes de couleur, ce qui est d'ailleurs un bon point. Encourager la diversité sans pour autant tomber dans le fétichisme racial ni chercher à se faire bien voir, en appliquant comme elle dit cette fameuse discrimination positive, lui n'y voit aucun problème. Et il fait confiance à Halston, si elle lui assure que ça n'est pas le genre de la marque alors il n'a aucune raison d'en douter. Eddie souhaite évidemment avant tout qu'on s'intéresse à ses compétences, il tente sa chance en tant que candidat lambda et non en tant que candidat de couleur mais il serait le premier à s'offusquer si la marque se mettait à privilégier des candidats blancs. S'ils sont disposés à tout considérer sans exclure qui que ce soit alors c'est parfait, il ne veut juste pas avoir plus ou moins de chance qu'un autre en fonction de ça. Les mêmes chances pour tous, voilà ce qu'il demande et à l'origine il ne comprend même pas qu'on puisse marquer la différence entre eux par rapport à une couleur de peau car qu'est-ce que ça change ? Quand un candidat a le potentiel et la motivation peu importe son ethnie, les marques devraient toutes raisonner de cette façon. « Je comprends et ça me convient. » Eddie a bien conscience que même en se présentant comme australien il ne pourra pas faire croire à qui que ce soit qu’il n’a pas des origines à côté, et il n’a de toute façon pas l’intention de dissimuler ça car il en est fier. Bien sûr ça se voit à défaut de s’entendre puisqu’il a été initié à l’anglais dès son plus jeune âge, et il sait qu’aux yeux des gens il est automatiquement épinglé comme asiatique et certains même lui collent directement l'étiquette de coréen, sans considérer le fait qu’il soit né ici et n’ait jamais vécu en dehors de l’Australie de toute sa vie. Physiquement il ne correspond pas à l’image qu’on se ferait d’un australien de souche et ce n’est de toute façon pas ce qu’il est. Alors oui il accepte Eddie, et il y voit même l’occasion d’apporter un peu de lumière sur la minorité à laquelle il appartient si jamais au final le rôle lui revient. « J’estime que ça manque encore pas mal de représentants de couleur et notamment asiatiques aujourd’hui, et c’est bien qu’une grande marque comme celle-là se positionne de cette façon. » Sa réaction n’aurait évidemment pas été la même si on lui avait demandé de promouvoir quelque chose en instrumentalisant clairement ses origines et la culture héritée de ses parents, mais ce n’est pas le cas ici il le sent bien. Ça a l’air clean, et il n’a aucun problème avec le fait d’associer son image à celle d’une marque de glaces à partir de là. De glaces ou d'autre chose d'ailleurs, tant qu'il n'a pas de doute sur l'éthique de celle-ci.
Et puis alors il se foire Eddie, mais bien comme il faut. La petite présentation de sa personne face à la caméra tombe à l'eau quand il se retrouve incapable de donner le nom du seul film auquel il a participé jusqu'ici, autant dire que ça ne fait pas très bon genre. Halston semble fortement contrariée et elle a de quoi l'être, c'est quand même très fort d'oublier le nom d'un film dans lequel on a joué juste quelques mois plus tôt, surtout en ayant relu son CV juste avant leur entretien. Elle lui intime de se rafraichir rapidement la mémoire et bien évidemment elle ne compte pas envoyer ce premier essai, car sinon autant lui tirer directement une balle dans le pied. « Ça marche, désolé. » il souffle tandis qu’il tâche de se reconcentrer car il n’oublie pas l’enjeu derrière ce contrat, il n’est pas question de prendre l’exercice à la légère car il a un sacré coup à jouer là-dessus Eddie. C’est la seule chance qu’il perçoit de sortir un peu la tête de tous ses problèmes d’argent, il n’a pas de plan b en vue si tout ça n’aboutit pas. Il ne se donne donc pas le choix : ce contrat il doit le décrocher ce n’est même pas une option. Halston lui demande d'être plus naturel et il ne sait pas s'il peut faire ça honnêtement, il n'est pas des plus à l'aise avec cet exercice et ça ne s'arrange pas avec ce qu'elle lui dit juste après. La durée idéale d'un CV vidéo serait de trois minutes, alors qu'il n'a pas dû parler pendant plus de trente secondes avant ça. « Trois minutes ? Qu’est-ce que tu veux que je raconte en trois minutes Halston. » Il tombe un peu de haut Eddie, c'est la première fois qu'on lui demande de parler aussi longuement de lui et il doute de trouver assez de choses à dire pour combler ça. Elle lui explique ce qui pourrait être attendu de lui et le danseur tend l’oreille, il prend même des notes pour être capable de se calquer là-dessus juste après. C'est bon il croit avoir pigé, les idées commencent même à s'ordonner dans sa tête dans une sorte de plan qu'il envisage de suivre pour bien s'y retrouver. « C’est bon je suis prêt. » il lui signale avec calme, bien décidé cette fois à ne pas se rater. Eddie ne peut pas se permettre de faire perdre plus de temps à son agente alors c’est vraiment dans son intérêt de faire ça bien, car il ne veut pas qu’Halston puisse douter de sa motivation ou de son professionnalisme. Il en est capable Eddie, il doit juste s'en donner sérieusement les moyens.
Deuxième tentative. Cette fois il restitue correctement le nom du film et de son réalisateur, et il raconte calmement tout le processus qui l’a mené entre les mains d’Halston. Leur rencontre au théâtre, ses premiers essais pour le rôle puis le tournage, un peu perturbant au départ mais terriblement enrichissant à l’arrivée. Ses bons rapports avec les autres acteurs et l'équipe du film, ces gens bienveillants qui lui ont directement fait une place parmi eux alors qu'il débutait et ne connaissait rien à tout ça. Il parle de ce premier rôle comme d’une opportunité qu’il n’attendait pas mais qu’il se réjouit d’avoir saisie, c’était une chance inespérée pour un danseur sans expérience en tant qu’acteur et il ne crachera jamais dessus. La première du film aussi, il l’évoque comme l’accomplissement de quelque chose de grand pour le newbie qu’il était et est d’ailleurs toujours, une soirée mémorable où pour la première fois de sa vie il s’est vu à l’écran, lui qui n’a pas pour habitude d’être du côté du public. Le fait que sa sœur s’est empressée d’acheter le dvd, il prend également le risque d’en parler et on le sent attendri à ce moment-là car elle est sa plus fervente supportrice, peu importe le projet dans lequel il se lance elle est toujours la première à l’encourager. Et puis la danse, il retrace son parcours de ses débuts à aujourd’hui car il ne se trouverait pas dans ce bureau si le monde de la danse et celui de l’acting n’avaient pas fusionné un beau jour. Il a même quelques mots à l’attention d’Halston dont il vante le professionnalisme et qu’il remercie de lui avoir offert sa chance, c’est cadeau. Quand il termine Eddie n’a pas la moindre idée s’il a rempli ou non les trois minutes requises mais cette deuxième prise est la bonne, il le sent au regard d’Halston à l’intérieur duquel il croit percevoir une once de satisfaction. « J’étais assez naturel ? » il la questionne une fois qu’il est sûr que la caméra est coupée, et forcément il compte pas mal sur les impressions de l’agente après ça. Il a le sentiment de s’être beaucoup mieux débrouillé cette fois-ci Eddie et il a même pris un certain plaisir à se prêter au jeu du CV vidéo, comme quoi ce n’est pas si difficile finalement quand on parvient à oublier un peu la caméra. Il espère que ça conviendra surtout, il a bien trop besoin de ce contrat et il ne sait vraiment pas ce qu’il peut entreprendre de plus pour tenter de le décrocher.