« Pas ça… Non, ça non plus… Ça, ce n’est pas de saison, et ça, je n’ai rien pour aller avec. » commenta Callie, détaillant pièce par pièce l’intégralité de sa garde-robe. Callie possédait une collection de vêtements, de chaussures, de sacs et d’accessoires soigneusement sélectionnés. Chaque pièce s’accordait avec des accessoires précis et elle savait parfaitement les coordonner. Pour peu, on aurait pu croire qu’elle sortait d’études en mode, la jeune Yang. Mais pas du tout, il s’agissait d’une passion chez elle. Son image était importante, tant personnellement que professionnellement. Mais aujourd’hui, face à son miroir, c’était la panne sèche. Elle avait rendez-vous avec Diego dans quelques jours. A cette pensée, ses joues s’empourprèrent. Ces dernières semaines, son ami avait changé de comportement avec elle… Et réciproquement. Entre eux était né un subtil jeu, auquel chacun avait tacitement prit part. Diego retirait du pollen des cheveux de Callie, elle touchait sa joue pour retirer une miette de biscuit. Elle n’était plus vraiment certaine de le voir comme un ami. Elle n’était pas certaine qu’il la voit comme une femme… Pourtant, il l’avait invité au planétarium. Elle n’en savait guère plus. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle n’avait aucune tenue répondant au besoin suivant : rencard avec un ami pas vraiment ami mais pas totalement petit-ami. Elle inspira profondément, empoigna son sac et son portable et quitta la maison en quatrième vitesse. A chaque problème, sa solution.
Direction l’une de ses enseignes favorites, Dotti. « Bonjour ! » Lança Callie à l’intention du personnel. C’était une habituée certes, mais aujourd’hui, elle était d’une humeur exaltante. Elle balaya la salle du regard, passant d’un portant à un autre. Sa main caressa des robes, des jupes, des débardeurs. Elle ne savait pas exactement quelle pièce elle cherchait, mais elle le saurait en la voyant. Elle attrapa une robe kimono, une robe-combinaison blanche et une combinaison noire. Elle se dirigea vers les cabines et essaya tout d’abord la robe kimono. Elle regarda un moment son reflet dans le large miroir près des cabines d’essayage. Elle tourna sur elle-même, inspectant la pièce sous toutes les coutures. « Excusez-moi ? » Lança-t-elle à une jeune femme occupée à remettre des vêtements sur les étagères. « Si je vous demandait votre impression, comme ça, de but en blanc… Vous me diriez quoi ? » demanda-t-elle. Il faut dire qu’elle n’était guère convaincue par la petite robe bleue. Toutefois, son opinion était biaisée. Elle ne l’admettait pas, mais le jeune Gutiérrez lui bloquait parfois son mécanisme de réflexion. « Attendez, bougez pas. » s’empressa-t-elle de demander. En quatrième vitesse, elle enfila la combinaison blanche. Celle-ci lui plaisait davantage. Avec sa carnation claire et ses cheveux de jais, cette pièce semblait avoir été créée pour elle. Mais… Qu’en penserait Diego ? « C’est mieux, n’est-ce pas ? » Demanda-t-elle, s’inspectant dans le miroir. Elle soupira, fixant son propre regard dans le miroir. « Je crois que je ne sais pas. Je ne sais plus… » Elle recula comme si cela pouvait l’aider à réfléchir. « D'habitude, je sais toujours ce que je dois prendre, vous savez. C'est que... C’est… » Elle s'interrompit. « J’ai rendez-vous. » murmura-t-elle. Prononcer cela lui monta le rose aux joues. Elle indiqua la dernière pièce qu’elle avait sélectionnée d’un geste du menton « Peut-être que celle-ci serait mieux ? » Demanda-t-elle à la jeune femme, avant de réaliser qu’elle était en train de la monopoliser. « Je suis désolée… Je ne voulais pas paraître impolie. Je suis un peu nerveuse… je crois. » Après tout, sans doute avait-elle mieux à faire.
“Et bonne journée à vous !”, lança Mila avec son plus grand sourire en tendant le paquet à la cliente. Une fois celle-ci partie, Mila baissa les yeux sur la caisse enregistreuse et poussa un gros soupir. La matinée avait été longue, mais le rush était passé. Elle adorait son travail - enfin, tout du moins, elle s’en contentait au vu du salaire qu’on lui versait - mais elle devait avouer que parfois, gérer des clientes qui ne trouvaient rien de mieux que de traîner pendant des heures dans le magasin, en se plaignant qu’il n’y avait pas leur taille, c’était épuisant. Maintenant que le plus gros de la clientèle était passé, la jeune adolescente allait pouvoir s’occuper de ranger le magasin. C’était le problème, avec les clientes. Elles essayaient une quantité effarante d’articles - beaucoup plus que ce que Mila pourrait jamais s’acheter - mais ne rangeaient jamais rien. En s’avançant vers une pile de t-shirts en boule, Mila ne peut s’empêcher de les jalouser. Toutes celles qui peuvent repartir avec des sacs à plusieurs centaines de dollars, tandis que Mila compte chaque pièce de monnaie comme si sa vie en dépendait.
Occupée à plier les vêtements pour les remettre proprement sur l’étagère, Mila est tirée de ses pensées par une voix féminine qu’elle commence à connaître. « Excusez-moi ? Si je vous demandais votre impression, comme ça, de but en blanc… Vous me diriez quoi ? ». Mila relève la tête vers la cliente. Elle ne la connaît pas personnellement, mais Mila l’a déjà vue plusieurs fois au magasin. Elle repart souvent avec des sacs remplis à ras bord. Mila observe la jeune femme, essayant de ne pas trop la dévisager. Elle a l’habitude. “Vous ne trouvez pas que ça me rend grosse, ce pantalon ?” ; “Cette robe est trop décolletée pour moi, non ?”. Mila doit, à chaque fois, sortir son plus grand sourire, et ne pas froisser la clientèle. Alors que parfois, elle aurait bien envie de les envoyer promener et de leur dire ce qu’elle pense vraiment. Bien sûr que ton décolleté est bien trop grand, il t’arrive jusqu’au nombril, un seul mouvement et les filles seront à l’air. Mais elle ne peut pas, alors elle sourit, et elle sort des phrases bateaux, comme ses collègues. Mais là, avec cette cliente, c’est différent. Elle a l’air nerveuse, et a l’air de vouloir un avis sincère. “Je pense que vous devriez essayer…”. Mila n’a pas le temps de terminer sa phrase que la jeune femme repart déjà essayer un autre vêtement, tel un tourbillon. Une fourmi trop pressée. Mila observe la combinaison blanche qu’elle vient d’enfiler, laissant la jeune femme parler sans l’interrompre. « J’ai rendez-vous. ». Ah, c’était donc ça, la raison. Elles avaient toutes une raison. Un dîner d’affaires, une visite à la belle famille, un goûter d’anniversaire, un mariage. « Je suis désolée… Je ne voulais pas paraître impolie. Je suis un peu nerveuse… je crois. ». Sans blague, aurait lâché Mila si elle n’avait pas été au travail. Mila observa la dernière pièce que la cliente lui montrait. “Si je puis me permettre, Mademoiselle, je pense qu’aucune de ces pièces ne vous conviennent. Elles ne vous mettront pas assez en valeur”. Mila était rarement aussi franche avec les clientes du magasin, mais elle sentait que celle-ci en avait besoin. Mila s’approcha d’un portique non loin des cabines d’essayage. Elle commença à fouiner parmi les pièces, sachant à peu près ce qu’elle voulait trouver. “Où a lieu le rendez-vous ?” se permit-elle de demander. C’était important. S’il s’agissait d’un pique-nique dans l’herbe, peut-être valait-il mieux éviter la mini-jupe et les talons hauts. Mila sortit deux nouvelles pièces du présentoir, une première robe verte qui ferait ressortir les cheveux de la jeune femme et une deuxième bordeaux, plus habillée. Elle les tendit à la jeune femme. Elle attendit patiemment derrière le rideau pendant qu’elle se changeait. “Je vous vois souvent ici. Vous devez beaucoup aimer les vêtements !”. Mila se mordit la lèvre inférieure. Elle savait ce qu’elle allait dire ensuite, ce n’était pas très professionnel - du moins, pas pour son job ici. “Si ça vous intéresse, je…”. Elle hésita légèrement. Elle aimait parler de son travail, mais elle n’en parlait rarement à des inconnus. Encore moins aux clientes du magasin. “J’ai eu l’occasion de créer quelques pièces, si ça vous intéresse”. Quelques pièces. Quel doux euphémisme, alors que sa chambre était pleine à craquer de tissus en tout genre. Mila continua à patienter quelques instants. “Alors ?”. Elle avait hâte de savoir si les pièces choisies convenaient.
Ça la stresse cette invitation, Callie. Ça la stresse et elle n’aime pas se voir voler le contrôle, elle qui a pour habitude de maîtriser sa vie d’une main de maître. Alors elle essaye de faire bonne figure, dans sa cabine d’essayage, avec ses tenues colorées. Elle se demande laquelle la mettrait la plus en valeur, laquelle serait la plus appréciée par Diego. Elle déglutit. Elle qui s’était toujours vêtue dans l’unique but de se faire plaisir était en train de complètement déroger à ses principes. Admet-le qu’il te plaît murmurait cette petite voix intérieure. Mais au lieu de cela, elle demanda conseil à une jeune vendeuse. Peut-être qu’un avis neutre et objectif sur la question mettrait fin à son dilemme ? “Si je puis me permettre, Mademoiselle, je pense qu’aucune de ces pièces ne vous conviennent. Elles ne vous mettront pas assez en valeur” bam, couperet glacé qui s’abat sans sommation sur la nuque de Callie Yang. Ça la pique dans son égo mais pourtant, elle ne prend aucunement d’air revêche. Au contraire, sa lèvre inférieure se mit à trembler et pour peu, des larmes rouleraient sur ses joues. Bien décidée à ne pas fondre en larmes devant la jeune fille, elle inspira profondément. “Bien. Je vois.” répondit-elle d’une voix décidée, reposant uniquement sur une confiance de façade. “Où a lieu le rendez-vous ?” s’enquit la jeune femme. “A l’observatoire.” des étoiles par milliers, voilà qui faisait d’autant plus rêver la jeune Yang. La petite femme revint avec deux robes et Callie s’empressa d’aller les essayer. “Je vous vois souvent ici. Vous devez beaucoup aimer les vêtements !”. C’était peu dire. Elle venait souvent Callie, shopper les dernières pièces tendances. Elle achetait peu, mais régulièrement et après un long moment d’essayage. “Peut-être en douterez-vous, mais… d’ordinaire, je ne me trompe jamais. J’adore la mode.” répondit-elle derrière le rideau de la cabine. Elle adorait ça. “Si ça vous intéresse, je…”. commença la vendeuse, un peu timidement. Callie tendait l’oreille. “J’ai eu l’occasion de créer quelques pièces, si ça vous intéresse”. Pardon ? Avait-elle bien entendu ? Callie extirpa sa tête de la cabine, affichant des yeux ronds comme des billes. “Vous auriez quelques photos à me montrer ?” chuchota-t-elle, comprenant la délicatesse de la situation. “Et pourquoi pas… Une robe satinée ?” demanda-t-elle, des étoiles plein les yeux. Peut-être que cette jeune fille était sa bonne étoile personnelle ? Callie ouvrit le rideau en grand pour lui présenter la robe bordeaux suggérée un peu plus tôt. Elle pivota sur la pointe des pieds avant d’admettre “Vous avez vraiment piqué ma curiosité. J’aime beaucoup cette robe. Mais… J’attends de voir ce que vous pourriez me proposer." Elle était satinée, la couleur était divine, mais la forme ne lui paraissait pas des plus appropriées. Peut-être une coupe droite, simple et élégante ?
Mila n’était pas du genre à dire ce qu’elle pensait vraiment à ses clientes. Parce qu’elle n’avait pas le droit, déjà, et qu’elle tenait beaucoup trop à son travail. Elle avait besoin de son travail et elle n’avait pas de temps à perdre. Comme ses collègues, elle sortait des phrases déjà toutes préparées. “Mais non, Madame, ce vêtement vous va trop bien, peut-être qu’il faudrait préférer une taille au-dessus”. Répondre aux clients sans les froisser était tout un art dans lequel Mila commençait à exceller. Mais aujourd’hui, avec cette cliente là, c’était un peu plus particulier. La jeune femme semblait très stressée, et Mila ne put s’empêcher de vouloir l’aider. D’autant que dans sa précipitation, elle essayait des vêtements qui ne la mettaient pas en valeur, et la jeune adolescente trouvait ça plutôt dommage. Il était grand temps qu’elle intervienne. Pour l’aider au mieux, elle se permit de demander où avait lieu le rendez-vous. L’observatoire de la ville. Mila n’y connaissait rien du tout, mais ça avait l’air romantique. Elle essaya de trouver tant bien que mal des pièces qui pourraient correspondre, mais la jeune Mila n’était pas convaincue. “Peut-être en douterez-vous, mais… d’ordinaire, je ne me trompe jamais. J’adore la mode.” Les bras croisés sur sa poitrine, Mila haussa les épaules. "Ça arrive à tout le monde, vous savez, même aux meilleurs !”. Sauf à elle, bien entendu. Mila ne se trompait jamais. Hormis les journées où elle préférait rester en jogging à la maison parce qu’elle s’y sentait plus à l’aise, ses outfits étaient toujours on point. Et en parlant de ses tenues, une petite graine d'idée avait commencé à germer dans la tête de Mila. Jamais elle n’aurait osé proposer ça à une autre cliente, mais cette cliente-là venait régulièrement. Alors elle lui parla de ses créations. La curiosité de la jeune femme sembla piquée. Touchée !. La cliente s’enquit de photos. Mila hésita. Elle n’était pas certaine que ce soit le meilleur endroit pour faire ça mais...elle avait beaucoup trop de fierté envers ses créations pour ne rien montrer. Elle vérifia d’abord que personne ne les observait, et sortit son téléphone de sa poche. Elle chercha les photos adéquates, les créations qui pourraient plaire le plus à la jeune femme. Elle décida de lui présenter une de ses premières pièces, une robe plutôt simple dans sa forme mais qui faisait toujours son petit effet. Mila ne la portait toutefois jamais, ses jambes abîmées par les lames bien trop visibles. Elle tourna son téléphone vers la jeune femme. “Je vous voyais bien dans une robe de ce type. Simple, mais élégant. Quant à la couleur…”. Mila chercha quelques instants sur son téléphone. Si elle allait à l’observatoire, il lui fallait quelque chose de noir, ou bleu nuit. Elle trouva un motif qui ressemblait à des constellations. “Avec ça, en guise de motif. Ou quelque chose de plus sobre, si vous préférez”. Elle releva les yeux vers elle, cherchant son approbation. Rangeant son téléphone dans sa poche, elle baissa légèrement la voix. “Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas certaine que vous arriviez à trouver quelque chose qui vous plaît, ici…”. Elle marqua une légère pause, pas certaine de ce qui allait suivre. “Mais je me ferais un plaisir de vous concevoir quelque chose, si cela vous dit”. Nouvelle pause, bras croisés sur la poitrine. “Moyennant quelques pièces, bien sûr”. Mila voulait bien aider, mais elle n’était pas folle non plus. “Alors, qu’en dites-vous ?”.
"Ça arrive à tout le monde, vous savez, même aux meilleurs !” Lança la jeune vendeuse. Si cette phrase avait pour but de consoler la jolie brune, l’effet fût tout autre. Elle s’y connaissait la petite Callie. Jamais elle n’avait autant douté d’elle qu’en cet instant. Et cela allait de mal en pis. En effet, au fur et à mesure qu’elle essayait les vêtements proposés par la jeune femme, elle sentait qu’elle s’enterrait toujours plus profondément. Trop longue, pas assez cintrée, mauvaise matière ou couleur : elle trouvait toujours quelque chose qui n’allait pas. Elle avait songé à quitter la boutique lorsque la vendeuse piqua sa curiosité. Une étincelle d’espoir alluma son regard. Celle-ci s’amplifia en découvrant les pièces ravissantes créées de ses mains. La matière soyeuse tombait divinement bien, et elle semblait parfaitement ajustée. “Je vous voyais bien dans une robe de ce type. Simple, mais élégant. Quant à la couleur…” Callie retenait son souffle. Son regard se posa sur le motif étoilé proposé par la jeune femme. “Avec ça, en guise de motif. Ou quelque chose de plus sobre, si vous préférez” Cela sortait très nettement de sa zone de confort, et elle n’était pas certaine d’être capable de gérer un rendez-vous amoureux ET une tenue qui ne la faisait pas se sentir elle-même. Toutefois, elle devait avouer que la qualité du travail de la vendeuse lui faisait vraiment de l’oeil. « Et que dites-vous… D’une couleur crème ? » Suggéra-t-elle. On lui avait souvent fait remarquer que cette couleur se mariait divinement bien avec sa chevelure de jais. “Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas certaine que vous arriviez à trouver quelque chose qui vous plaît, ici…” avoua la jeune femme. Callie hocha doucement la tête. De toute évidence, si elle avait pu trouver la pièce de ses rêves ici, elle l’aurait déjà trouvée. “Mais je me ferais un plaisir de vous concevoir quelque chose, si cela vous dit… Moyennant quelques pièces, bien sûr” ajouta la jeune femme. Il allait de soi que Callie n’avait pas envisagé un seul instant de s’en tirer avec une robe gratuite. « Vous avez raison. » répondit-elle avant de disparaître derrière le rideau. Elle se rhabilla et ouvrit le rideau en grand. “Alors, qu’en dites-vous ?” demanda-t-elle. « C’est décidé. J’aimerais que vous me réalisiez la robe parfaite. » répondit-elle à voix basse. « De quoi avez-vous besoin ? » s’enquit-elle. Maintenant qu’elle avait cette idée en tête, elle n’avait qu’une hâte : que cela avance. Toutefois, elle savait qu’elle allait devoir se montrer patiente. « Mon rendez-vous est dans moins d’une semaine. » ajouta-t-elle. Ce délai très court ferait-il peur à la jeune créatrice ? « Est-ce que cela vous semble réalisable comme délai à tenir… Mila ? » Demanda-t-elle, prenant un instant pour lire son prénom le badge accroché à son tour-de-cou. « Je m’appelle Callie, au fait. » jugea-t-elle utile de préciser.
Mila était plutôt du genre opportuniste. La cliente du jour, c’était du pain béni pour elle. Une adepte de la mode, qui semblait plutôt fashion-addict qu’autre chose, et qui, d’après ce que Mila voyait, était plutôt du genre à avoir les moyens. Alors la jeune adolescente n’allait pas se priver d’en profiter. D’un côté, elle était vraiment ravie de pouvoir mettre ses talents de créatrice à contribution. C’était plutôt rare que cela arrive dans le cadre de son métier, alors dès que l’occasion se présentait...elle n’allait pas faire la fine bouche. Sa cliente du jour avait l’air plutôt intéressée, mais elle avait l’air également assez exigeante. Mila lui proposa une robe, ainsi qu’un motif, mais la jeune femme n’avait pas l’air convaincue. Ou peut-être que c’était trop pour elle. Les créations de Mila n’étaient peut-être pas pour tout le monde, peut-être que cela sortait trop de sa zone de confort. La jeune adolescente s’apprêtait à abandonner en haussant les épaules, en se disant que quelqu’un d’autre - de plus censée peut-être - en profiterait. Mais la jeune femme proposa une autre couleur. Crème. Mila fit mine de réfléchir. Beige, ça pouvait être joli. Mais ça pouvait aussi avoir un effet “mémé qui va chercher ses courses”, et Mila n’était pas certaine que ce soit l’idéal pour la jeune femme. “Si vous voulez avoir l’air d’une grand-mère qui a trois chats chez elle, optez pour du beige, oui”. Mila se mordit la langue, consciente qu’elle allait peut-être trop loin. Mila insista toutefois, indiquant à la jeune femme qu’elle ne trouverait probablement rien qui l’intéresse, ici. Elle avait peur de se faire jeter. Mais contrairement à toutes ses attentes, la cliente était partante. “C’est décidé. J’aimerais que vous me réalisiez la robe parfaite. De quoi avez-vous besoin ? Mon rendez-vous est dans moins d’une semaine. Est-ce que cela vous semble réalisable comme délai à tenir… Mila ? ». Pour la première fois, Mila fut contente que son badge soit aussi voyant. Elle sourit à celle qui venait de se présenter comme une certaine Callie. “Une semaine, ça fait un peu court, surtout si vous voulez une création originale”. Elle réfléchit. C’était peut-être l’occasion de mettre à profit des créations qu’elle avait rangées au placard. Elle se replongea dans ses croquis, cherchant un modèle de robe plus classique que ceux qu’elle avait présentés jusque-là. “J’ai peut-être quelque chose à vous proposer. Elle est déjà prête. Elle nécessitera sûrement quelques retouches mais...ça peut être une idée”. Simple. Sobre. Voluptueux. Comme la cliente qu’elle avait devant les yeux, en fait. “Elle vous plaît ? C’est peut-être un peu sombre pour un rendez-vous, mais je pense qu’elle vous irait parfaitement”. Légère pause. “Je pourrais vous proposer d’autres modèles, sinon, si vous passez à mon...atelier”. Son atelier, avait-elle osé sortir. Son atelier, aka sa chambre, aka son sol jonché de morceaux de tissu en tout genre. Ça ferait bien l’affaire pour le moment...non ?
“Si vous voulez avoir l’air d’une grand-mère qui a trois chats chez elle, optez pour du beige, oui” ouch, et bim, celle-là, elle piquait Callie directement au vif. Depuis quand le beige était une couleur mémère ? Et puis, qu’est-ce qu’elle avait contre les chats ? La mâchoire de la jolie brune se crispa, n’aimant pas que l’on aille à l’encontre de ses convictions en matière de mode. Mais elle mit rapidement de l’eau dans son vin : cette jeune fille était probablement sa bonne fée. Et si Cendrillon se montrait trop tatillonne, celle-ci pourrait bien lui refiler un haillon pour toute toilette… « Bien. » souffla-t-elle, résignée. Il n’en restait pas moins qu’elle l’aimait bien elle, ce petit beige. En attendant, Cendrillon avait besoin d’une robe, et rapidement. Loin d’elle l’idée de jouer les demoiselle pimpesouée, mais ce rendez-vous là, elle était bien décidée à ne pas le gâcher et ce d’aucune manière. “Une semaine, ça fait un peu court, surtout si vous voulez une création originale” avoua la jeune Mila. Ah, voilà qui était plutôt contraignant. Callie se demanda alors comment elle pourrait bien faire. Elle lui avait clairement mis des étoiles dans les yeux, ce petit bout de femme, avec ses tenus cousues main. Mais avant même que Callie n’ait pu demander quoi que ce soit, Mila apporta une solution. “J’ai peut-être quelque chose à vous proposer. Elle est déjà prête. Elle nécessitera sûrement quelques retouches mais...ça peut être une idée” proposa-t-elle en montrant son écran de téléphone à la jeune Yang. La robe semblait être très aérienne, veloutée, parfaite pour une douce soirée comme celles de cette saison. « C’est une excellente idée. » accorda-t-elle sans quitter l’écran des yeux. Elle pinça ses lèvres, imaginant déjà comment elle allait la porter. Chaussures, sac, boucles d’oreilles, elle comptait bien y apporter un soin tout particulier. “Je pourrais vous proposer d’autres modèles, sinon, si vous passez à mon…atelier” D’autres modèles ? Pourquoi pas, mais Callie était déjà bien emballée par celui-ci. Mais après tout, peut-être se rendrait-elle mieux compte en se rendant sur place ? « Faisons ainsi. » accepta-t-elle. Elle tira le rideau et se plaça face à Mila. « Merci beaucoup pour votre aide, Mila. » Pour l’heure, la demoiselle devait filer. Elle attrapa le stylo feutre accroché au blouson de la jeune Mila et griffonna son numéro de téléphone sur un morceau de papier, repêché au fond de sa poche. « Appelez-moi quand vous voulez, ou écrivez-moi, peu importe. Je répondrais vite. » assura-t-elle. « Merci encore ! » Lança-t-elle en s’éloignant, ajustant son sac sur son épaule. Cette journée ne s’était pas si mal déroulée. Si Callie avait été un peu plus terre à terre, elle aurait peut-être pu remarqué qu’elle avait oublié son téléphone portable sur le banc de la cabine d’essayage.
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