Ma voiture pénétra dans la propriété viticole O’Reilly Vineyards, par un bel après-midi. Les pneus crissant sur le gravier jauni, mon automobile s’engouffra lentement dans la belle allée de platanes qui menait au pavillon principal du domaine. L’après-midi venait juste de débuter et c’est l’estomac correctement rempli que j’avais décidé de m’adonner à une activité que j’appréciais tout particulièrement : l’achat de vin.
Enfin … ça, c’était l’idée de départ. Je connaissais l’O’Reilly Vineyards depuis quelques années. Mes parents achetaient environ 20% de leurs vins de cave dans cette propriété. La qualité de leur alcool était des plus appréciables et je me souvenais de biens belles bouteilles, au délicat tanin, qui agrémentaient nos repas mondains. La propriété avait malheureusement été vendue il y a quelques temps et son propriétaire remplacé par une certaine mademoiselle Dani Hwang, pour laquelle j’avais quelques sympathies. Le domaine, en plus d’être un petit morceau de paysage particulièrement charmant, était correctement tenu et le vin n’avait pas perdu de sa couleur, ni de sa qualité, suite à la passation de pouvoir. Y passer quelques heures, à flâner dans les vignes, était une activité des plus reposantes, avant de faire chauffer la carte de crédit pour des caisses de vin.
Pourtant, ma cave était pleine … et je ne buvais pas assez pour écluser toutes les bouteilles. Comment se faisait-il que je me retrouvais alors en plein weekend, à venir à nouveau acheter du vin ?
Et bien … comment dire … ?
Ma raison s’appelait Nicole. Elle était la nouvelle secrétaire de madame Hwang. Chargée de prendre les commandes et d’accueillir les clients, elle était là depuis quelques temps après le rachat de l’affaire par madame Hwang. Discrète, elle m’avait pourtant tapé dans l’œil. Il y avait quelque chose dans son visage, ses regards et sa manière de se déplacer qui me donnait des papillons dans le ventre. Etant d’humeur joueuse et bien décidée à remplir un peu ma vie affective, je m’étais imposée un défi : passer du temps avec elle.
A vrai dire … c’était un défi très personnel. Je n’étais toujours pas à l’aise avec mon « orientation sexuelle ». Mais malgré le fait que je n’assumais pas publiquement ce que j’étais, je ne pouvais pas non plus me résoudre à ignorer cette facette de mon être. Ma vie affective restait désespérément vide en ce moment et j’avais besoin de rencontrer de nouvelles personnes.
Il s’avérait que mademoiselle O’Connor et moi-même nous entendions bien. Je respectais toujours le vouvoiement de rigueur, mais nous commencions à bien nous apprécier et à bien nous connaître depuis ces dernières semaines. Visiblement, madame Hwang n’était pas présente aujourd’hui … Était-ce un signe ? Devais-je me montrer plus entreprenante ? De toute façon, il était clair que je ne repartirai pas sans une caisse de vins … cela aurait paru suspect.
Je m’approchais de la réception, un grand sourire illuminant mon visage. Il ne faisait pas très chaud, aussi avais-je décidé de porter sous mon manteau noir, un haut rouge à manches longues et un pantalon noir à taille haute, serré par une ceinture épaisse à boucle d’argent. J’avais chaussé d’élégantes bottines noires à talons hauts et à bouts ronds. Mon maquillage restait très léger et j’avais relevé mes cheveux en un chignon épais, maintenu par un ruban rouge. Une tenue pratique pour les journées peu chaudes.
D’instinct, je me penchais sur le comptoir et me mis à pianoter de mes ongles sur le bois qui servait de présentoir d’un air innocent.
« Bonjour Nicole. Comment allez-vous aujourd’hui ? J’ai cru comprendre que vos nouveaux vins étaient arrivés et j’aurai aimé pouvoir en examiner quelques-uns … »
▽ No matter how much you drink, you'll still be thirsty @Joyce Jefferson
Ce fut une matinée chargée en paperasse. Organisation de rendez-vous, archivages de dossiers, envois de mails etc... Et Mme Hwang avait plusieurs rendez-vous dans la journée auxquels il n'était pas nécessaire que je l'accompagne. En revanche, étant donné qu'elle était prise avec un de nos clients cet après-midi, j'allais assurer un rendez-vous avec une autre cliente ici au domaine. Un BtoB pour la patronne et un BtoC pour ma part.
Cette cliente aurait pu avoir une carte de fidélité si nous en avions. Bien entendu, cela ne nous empêchait pas d'accorder des réductions à nos habitués. Nous avons dû la voir au moins 2 ou 3 fois ce mois-ci, facile. Elle assurait bien la relève familiale (apparemment ses parents sont aussi friands de nos vins depuis des années, 20% de nos stocks c'est dire). On n'allait pas s'en plaindre d'autant que cette femme était de bonne compagnie, toujours aimable et souriante.
Parfois, je me disais qu'elle flirtait un peu avec moi ou alors elle était vraiment très chaleureuse. L'un ou l'autre, je n'opposais aucune résistance. D'autres fois, Mme Hwang et moi nous demandions si elle avait un problème de dépendance avec l'alcool et si c'était pour ça qu'on la voyait désormais plus que le reste de sa famille.
Toujours est-il qu'après ma pause déjeuner, j'étais revenue au domaine, dans mon bureau. Je traitais encore quelques dossiers en attendant notre entrevue lorsque j'entendis sa voiture arriver.
" Bonjour Mme Jefferson. Je vais bien merci, et vous ? "
" J’ai cru comprendre que vos nouveaux vins étaient arrivés et j’aurai aimé pouvoir en examiner quelques-uns… "
" C'est exact, je vous en prie, suivez moi. Je vous offre une petite dégustation de nos trois derniers crus, vous m'en direz des nouvelles. "
Alors qu'elle me suivait dans une autre salle, je sentais son regard. Je ne sais pas si vous connaissez cette sensation alors que vous n'avez pas la personne dans votre champ de vision, vous savez qu'elle vous fixe. Et je ne pense pas que ce soit pour deviner où j'ai acheté ma robe rouge, ma veste noire ou mes talons assortis à cette dernière.
Nous arrivions dans une pièce où se trouvait une table haute et deux tabourets, je lui indiquais sa place.
" Je vais vous laisser un petit instant le temps de passer prendre une bouteille de chaque à la cave. "
Lorsque Nicole se leva pour me conduire dans la salle de dégustation, je ne pus m’empêcher de contempler avec envie la belle robe rouge dans laquelle son corps était enveloppé. Profitant du fait qu’elle était de dos, je me mordis la lèvre inférieure. Si j’avais été plus entreprenante, j’aurais croqué un bout de cette assistante de direction sans plus tarder, mais … j’avais des principes … ou une certaine forme d’éducation. Je n’avais pas été éduquée par des porcs et j’aurai été une horrible personne de presser les choses … encore plus de la prendre par surprise, sans son consentement. C’était peut-être vieux jeu aujourd’hui … Comment faisaient les jeunes d’aujourd’hui ?
Je l’observais de dos … Dieu que ses talons étaient magnifiques. Où en avait-elle trouvé une paire comme ça ? Au vu de la qualité de ses vêtements, les assistantes de direction semblaient gagner plus que les enseignantes de primaire ! C’était un comble ! Je faillis me sentir comme une plouc avec mes propres vêtements.
La pièce dans laquelle nous avions l’habitude de déguster des vins était une immense pièce à l’ambiance calme et feutrée, agrémentée de superbes tableaux jouant sur les effets de matière. Le plafond était sombre et des lames d’acier verticales constituaient la façade sur le domaine. On pouvait voir par transparence sur les fenêtres, une bonne partie du domaine qui s’étendait sous les yeux des invités. C’était l’image que l’on pouvait se faire d’une salle de dégustation : savourer, tester, le tout, devant un magnifique paysage.
Lorsqu’elle se retourna pour me demander de patienter, je sentis que le ton de sa voix était plus que neutre … purement professionnel. Un sentiment de déception commença à poindre en moi. A quoi m’attendais-je … ? Idiote que j’étais, j’avais pensé que ma présence lui aurait plu … Je me faisais des idées peut-être ? Dieu que je pouvais être idiote … Je me sentais complètement tarte : me déplacer depuis le centre de Brisbane pour ce domaine, juste pour la voir, et trouver un prétexte bidon – le vin – pour flirter avec elle. Mais quel genre de débile étais-je pour penser un seul instant que cela marcherait ?!
Mon trouble devait nécessairement se voir sur mon visage. J’étais vraiment la pire des nullités quand il s’agissait de cacher mes émotions. Je remarquais alors le rouge à lèvres qu’elle portait, qui faisait ressortir les traits de son visage. Il y avait quelque chose d’à la fois élégant … de discret et de terriblement attrayant. Sa déclaration me fit soudain sortir de ma rêverie.
« Je vais vous laisser un petit instant le temps de passer prendre une bouteille de chaque à la cave. » - Oh ! Ah … euh … oui oui, faites donc. Je vous attends ! »
Je la vis disparaître dans les grandes salles de l’exploitation. N’ayant rien de mieux à faire que d’attendre, je me mis à contempler le domaine depuis les grandes baies vitrées. C’était un temps à se promener ! Je profitais de l’occasion pour sortir de mon sac à main un léger rouge à lèvres d’un rouge mat très léger, que j’appliquais consciencieusement avant de le remettre dans mon sac.
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Je m'absentais cinq minutes, le temps de chercher les bouteilles à la cave. Madame Jefferson m'avait paru quelque peu ailleurs lorsque je lui avais adressé la parole. Devais-je m'inquiéter pour elle ou était-elle de nature tête en l'air ? Je revins dans la grande salle de dégustation, tenant prudemment trois bouteilles dans les bras. Des rayons de soleil transperçaient la pièce au travers des baies vitrées.
À l'extérieur, le temps était doux, une petite brise soufflait mais le ciel était bleu bien que parsemé de nuages. Le genre de conditions météorologiques que j'appréciais, ni trop froid, ni trop chaud. Certainement pas un temps à boire du rosé frais et tant mieux car ce n'était pas ce que j'apportais à ma cliente.
" J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre. "
Je posais délicatement les bouteilles sur le centre de la table et sortais 6 verres d'un placard pour la dégustation. J'ouvrais une bouteille d'un de nos derniers crus de blanc et en versais doucement dans un verre que je tendais à Madame Jefferson.
" Voici. J'espère que vous l'apprécierez, il est fruité, frais et soyeux. Je vous laisse sentir, goûter et juger mais regardez d'abord sa jolie robe, presque transparente... "
Sa main frôlait la mienne lorsqu'elle se saisit du pied du verre. Je croisais son regard et lui souriais. Je me servais dans un autre verre pour l'accompagner dans la dégustation. Je remuais légèrement celui-ci pour admirer la couleur du liquide, j'approchais le bord de mon nez pour sentir son arôme puis, j'y déposais mes lèvres pour les tremper d'une première gorgée. Le vin c'est comme beaucoup de choses dans la vie, il faut savoir prendre son temps pour en savourer chaque instant.
« J’espère ne pas vous avoir fait trop attendre. - Oh non, ne vous inquiétez pas. Je n’ai pas de train à prendre »
Ma pauvre Joyce … tes traits d’humour étaient tracés avec des queues de vache. Ce n’était ni subtil, ni adroit. Le niveau zéro de l’humour.
Mademoiselle O’Connor déboucha la première bouteille avec adresse et se montra particulièrement délicate avec le service. Je ne pouvais m’empêcher de trouver la manière dont elle jouait avec le vin, plus intéressante que le précieux breuvage lui-même. Un frisson me parcourut lorsque ma main entra en contact avec la sienne. La texture de sa peau était d’une rare douceur. Quand bien même le contact fut bref, la sensation était plaisante. Je parvins à garder mon calme et à ne pas sourire comme une idiote.
« Voici. J'espère que vous l'apprécierez, il est fruité, frais et soyeux. Je vous laisse sentir, goûter et juger mais regardez d'abord sa jolie robe, presque transparente ...» .
A mesure qu’elle égrenait les mots et faisait tourner le vin dans sa coupe, une chose m’échappa … Parlait-elle de sa robe, ou de la robe du vin ? Je fis mine de m’intéresser à mon propre, verre, examinant sa robe dorée – du vin, pas de Nicole … quoique … - et me décidais à l’accompagner dans la dégustation.
L’alcool se déposa sur ma langue et arrosa mon palais. C’était un vin particulièrement doux, malgré la couleur de sa robe. Il ne tenait pas trop au palais, glissait sans agresser l’œsophage et surtout, il laissait derrière lui une note de mûre, qui était loin d’être désagréable ! Fermant les yeux, je sentis m’envahir l’impression d’un après-midi d’été avec un bon jambon de Parme en guise d’amuse-bouche. Néanmoins, ce n’était pas ça que je cherchais … Mmmh … comment exprimer mes sentiments sans passer pour une idiote ?
Je reposais mon verre à pied sur la petite table et me glissais aux côtés de la demoiselle en robe carmin. Ses lèvres étaient toujours trempées dans le liquide tandis que je me positionnais à ses côtés. Lorsqu’elle ôta le verre de ses lèvres, mes deux mains blanches attrapèrent avec douceur sa main droite – celle qui tenait le verre. Prudemment, j’esquissais quelques mots tandis que je rapprochais le verre de nos yeux :
« Voyez-vous cela, mademoiselle O’Connor ? Sa robe est certes transparente, mais l’on voit que si on la fait bouger, sa couleur s’approfondit. C’est le signe d’une certaine élégance. Un vin, ce n’est pas qu’un goût … c’est aussi une certaine présence sur la table … »
Je la laissais prendre note de mes observations avant de doucement retirer mes mains en les faisant glisser le long de ses coudes. Elle put reprendre le contrôle à mesure que je me replaçais à côté d’elle, prête à déguster la suite. Je repris un verre dans ma main gauche et attendit qu’elle débouche la seconde bouteille.
▽ No matter how much you drink, you'll still be thirsty @Joyce Jefferson
Alors que j'aspirais un peu du liquide, je la vis s'approcher de moi, ses mains se saisissaient de celle avec laquelle je tenais le pied de mon verre. Elle avait comme prétexte de me démontrer quelque chose, je savais bien ce qu'elle faisait en réalité, je n'étais pas une idiote. Souvent c'étaient des hommes que l'on voyait se poster derrière nous, les bras sur les hanches ou autour du corps pour nous aider à orienter notre buste dans une partie de golf et de billiard. Une technique vieille comme le monde pour amorcer un contact physique. Je laissais Joyce faire. Elle termina sa démonstration en se glissant ses mains jusqu'à mes coudes avant de s'extraire de ceux-ci. Si je n'étais pas dans un cadre professionnel, ma réaction se serait probablement faite moins subtile encore. J'appréciais cependant ce frisson qu'il me fallait contenir.
" Une présence sur la table, très certainement. Il doit marquer une première impression à la vue avant de le toucher de ses lèvres. Il doit donner envie... "
J'esquissais un sourire qu'elle pourrait interpréter comme elle l'entendait et mettais mon verre de côté avant d'attraper la seconde bouteille. Je commençais à verser un peu de son contenu dans un verre propre, le tenais fermement à deux doigts en haut du pied et faisais danser sa robe bordeaux en m'avançant vers ma cliente.
" Si vous aimez les rouges suaves et profonds... "
De ma main libre, qui jusque là faisait presque de la figuration, j'attrapais une de ses mains que je déposais sur le bas du pied afin de lui donner le verre, lâchant au dernier moment celui-ci pour la frôler de nouveau. Un jeu du chat et de la souris auquel je pouvais jouer un moment. Oserait-elle me proposer un rendez-vous privé pour jouer les prolongations ? Après tout, j'avais eu des doutes sur ses intentions auparavant mais aujourd'hui, elles me paraissaient d'autant plus claires. Mais si le jeu lui suffisait, je savais faire tourner les cartes sans montrer tous mes atouts. Rien ne m'empêchait de jeter les dès pour voir si la chance pourrait tourner dans un sens... Ou l'autre.
" C'est un vin que j'ai adopté dès nos premiers tests lorsque nous l'avons reçu. Un bon vin pour se détendre de fin de journée avec un peu de musique... J'en ai encore une bouteille ou deux chez moi. "
Je m'en servais également, pas qu'il m'était nécessaire d'y goûter mais après tout, j'avais fait la promesse tacite d'accompagner Joyce dans cette dégustation jusqu'à la dernière goutte. Alors, je colorais mes lèvres de rouge tout en plongeant dans le bleu de ses yeux.
" C'est un vin que j'ai adopté dès nos premiers tests lorsque nous l'avons reçu. Un bon vin pour se détendre de fin de journée avec un peu de musique... J'en ai encore une bouteille ou deux chez moi. "
Je restais tranquille, faisant tourner le vin dans le verre à pied. Deux hypothèses s’offraient à moi : soit Nicole m’envoyait clairement de bons signaux, soit je me méprenais grandement sur ses intentions et confondait son professionnalisme avec une réponse positive à mes avances. J’étais pourtant restées très … légère, jusqu’à présent. Devais-je prendre l’initiative ? Devais-je laisser les choses venir à moi ? Ou peut-être jouait-elle totalement avec moi et attendait de ma part un investissement plus … osé !
Portant le verre à mes lèvres, je sentis l’arome suave et intense du rouge qu’elle m’avait servi. De toutes les boissons, le rouge avait clairement ma préférence. Il dégageait une puissance sourde, capable de réveiller même les sens les plus endormis. Il était très tanique et restait longtemps en bouche. Je pouvais sentir dans ma gorge le goût rêche et puissant du fût dans lequel il avait longtemps fermenté.
C’était délicieux. Meilleur que le précédent en tout cas …
Je profitais de l’occasion pour observer mademoiselle O’Connor et définir mon prochain plan d’action. Si je me pressais trop, cela pourrait potentiellement casser l’effet que je cherchais à créer … Mais je tardais trop à agir … je finirai ma journée avec trois bouteilles en plus dans ma cave à vins et une migraine due à l’alcool.
Je terminais mon verre sans même m’en rendre compte, trop occupée que j’étais à imaginer mille-et-un scénario dans ma tête pour éviter de me planter en beauté. La fausse impression de chaleur procurée par l’alcool commençait à faire effet. Il me fallait agir vite. Plus j’ingurgitais d’alcool, moins j’avais de chance de parvenir à lui faire parvenir mes sentiments. Je sentais, étrangement, qu’elle en jouait parfaitement. C’était son jeu … Trois bouteilles … trois chances et c’était tout.
Allez ma vieille Joyce … c’est ta chance ! Reste encore à savoir quand elle se présenterait …
J’observais les mimiques et les gestes de Nicole, cherchant désespérément une ouverture qui m’aurait permis de me rapprocher. Ma chance se présenta quelques secondes plus tard …
Nicole venait de retirer le verre de ses lèvres. Le liquide carmin venait assombrir le rouge à lèvres qu’elle portait. Un détail attira mon attention : une goutte se formait aux commissures de ses lèvres et s’apprêtait à couler sur son menton. Sans dire un mot, je reposais mon verre sur la table et m’approchais à nouveau d’elle. Seconde chance donc !
Ma main se fraya jusqu’à son visage. Sa peau était d’une douceur incomparable. Je ne me souvenais pas en avoir touché d’aussi douces avant. Saisissant l’occasion, et probablement un peu aidée par le vin, je fis courir lentement mes doigts sur sa joue avant de redescendre vers son menton. Puis, je recueillis la petite goutte de vin rouge qui menaçait de tacher sa robe carmin. D’un geste, je portais la goutte assassine à mes lèvres et l’ingérais. "Vous vous apprêtiez à faire une bêtise, mademoiselle O’Connor. dis-je d’un ton amusé."
Sans que j’eusse le moindre contrôle sur la situation, mon autre main se posa sur sa hanche. Elle y resta quelques secondes, esquissant une légère caresse … juste ce qu’il fallait pour que cela signifie tout, tout en n’engageant à rien. Je soutins son regard, bien décidée à entrer dans son jeu pour la satisfaire. « Il aurait été dommage de gâcher une si belle robe ... »
Ma main glissa vers le bas et se retira, laissant mes ongles caresser le haut de sa cuisse avant de reprendre sa place à mes côtés. Fin de la bataille, repli des troupes commandante Jefferson ! Il restait encore une bouteille … « J’aime beaucoup la gravité de ce rouge et sa sourde intensité. On sent sa présence, sa puissance, sa maturité … mais … Auriez-vous à tout hasard … quelque chose de plus … entreprenant ? Quelque chose de plus sauvage, de plus indomptable … ? Quelque chose de … surprenant ? »
▽ No matter how much you drink, you'll still be thirsty @Joyce Jefferson
Joyce tenta un rapprochement bien moins subtile cette fois-ci, les signaux étaient plus que clairs, je ne pouvais pas me tromper. Elle ne se contentait plus de me frôler. Récupérer le liquide rouge au coin de mes lèvres pour le goûter tel un baiser indirect et me tenir la hanche, hmm... Si je n'étais pas sur mon lieu de travail, ça pourrait vite déraper et mon dieu que j'en avais envie. Sans conscience professionnelle, je l'attraperais pour la jeter sur la table et la faire crier jusqu'à ce que sa bouche s'assèche. Oui, des bêtises, je pourrais en faire.
" Une bêtise ? Oh... Oui, ça aurait été fâcheux. "
Très. Ce serait gênant de tomber sur un ou une collègue pendant que je lèche chaque parcelle de sa peau ou pire que ma boss nous interrompe entre deux gémissements. Ce serait "dommage" de perdre mon travail ou même de le garder tout en étant regardée de travers chaque jour parce que j'ai cédé à une pulsion. Mais, je me réservais le droit de tendre des perches pour plus tard.
" En rouge entreprenant, je n'ai rien de... Nouveau, du moins, pas ici. "
Je passais une main dans ma chevelure, dévoilant une partie de mon cou à la vue de ma "cliente". Ma cuisse avait encore la chair de poule après le passage de ses ongles. Cependant, moi aussi je savais jouer de mes mains...
" Notre dernière nouveauté est un autre vin blanc. Mais si un jour, vous avez une envie d'une nouveauté rouge plus entreprenante, sauvage... "
Je croisais mes jambes sur le côté, les laissant apparaître, je posais une main sur une cuisse et l'autre sur la table, tapotant celle-ci de mes ongles. Je plongeais de nouveau mon regard dans le sien, mordillant ma lèvre inférieure un instant, feignant de réfléchir à mes prochains mots. Je savais parfaitement ce que j'allais dire. Rien d'original, je reprenais ses qualificatifs.
" Indomptable... "
J'aimais provoquer. Tester l'autre. Savourer chaque seconde de tension. C'était parfois plus jouissif que l'acte en lui-même. Sentir l'électricité dans l'air, l'excitation monter de plus en plus, voir le rouge monter sur ses joues, respirer l'odeur de son parfum et avoir les jambes qui tremblent légèrement dans l'attente de les écarter.
" Surprenante... "
Mes lèvres veulent tester un nouveau nectar. Patience. Pas du rouge, cependant. Je décroisais lentement mes jambes et me levais. Je passais devant elle, elle penserait probablement que je tenterais quelque chose à mon tour. Pas cette fois. Patience. J'allais récupérer le stylo le plus proche que je pouvais trouver. Pas de papier ? Pas de problème. Je revenais vers Joyce, débouchais le stylo avec mes dents et prenais une de ses mains avec douceur. Je la regardais une seconde afin de m'assurer qu'elle approuvait mon geste qui laissait entendre que j'allais écrire sur sa main. Une fois son approbation signifiée, je griffonnais une série de chiffres sur son épiderme. La patience paie parfois.
" Appelez-moi à ce numéro. "
Je rebouchais le dit stylo et lâchais sa main, en tardant un peu comme elle l'avait fait avec moi précédemment.
Je déglutis difficilement. Ma gorge était sèche … était-ce le vin ? Ou peut-être le fait que si j’avais été un peu plus désobéissante, j’aurai fait fi des règles de son jeu et étanché la soif qui s’emparait de moi. Oh ma pauvre Nicole … j’aurai fait de toi mon goûter si je n’avais pas été aussi bien éduquée !
Lorsqu’elle retira sa main – toujours trop rapidement à mon goût – je ne pus m’empêcher de me caresser le bord du verre avec mon index. J’étais impatiente … trop impatiente … et elle le sentait et en jouait. De bonne grâce, j’acceptais de jouer à son jeu et d’adhérer à ses règles. Avais-je vraiment le choix ?
Je sortis de ma rêverie un peu trop tardivement. Papillonnant des yeux, je tentais de m’extraire des douces pensées qui m’obsédaient et repris contact avec la réalité. D’une simple poussée, je décalais le verre sur la table et refermais mes doigts sur le numéro inscrit sur ma peau. Je m’approchais alors d’elle et de sa belle robe carmin. Mon corps se détendit et, l’alcool aidant, je glissais ma tête au niveau de son cou, laissant mon souffle caresser sa peau nue. Remontant lentement vers son oreille, je laissais dans un souffle : « N’ayez crainte mademoiselle O’Connor. J’ai goûté des vins plus sauvages que ceux-ci … Et j’ai toujours réussi à les dompter … »
Sautant sur l’occasion, je profitais du moment pour pincer légèrement son oreille avec mes lèvres avant de me retirer avec hâte. Mon rouge à lèvres resta sur le haut de son oreille et me procura une certaine satisfaction. Jouer selon ses règles … avec plaisir … mais j’étais aussi une rose avec des épines ! Me reculant à nouveau, je finis par tourner les talons, me retrouvant face aux bouteilles. « Et bien … Toute cette dégustation m’a ouvert l’appétit. Mademoiselle O’Connor … je veux me faire une surprise. Je ne vais pas goûter la dernière bouteille mais en garder le mystère jusqu’à sa dégustation. Je pensais … la goûter peut-être ce soir. Serait-ce un bon choix d’après-vous ? »
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Le souffle chaud de sa bouche caressant mon oreille fit place, après sa réplique, à un contact légèrement humide et appuyé mais bref. Suffisamment présent pour marquer un début de conquête de "territoire". Je mordais ma lèvre inférieure durant ce court instant, les paupières closes. Avec ce qu'elle avait sur ses lèvres, j'imaginais fort bien la trace sur mon lobe. Un petit détour aux toilettes serait une étape obligatoire avant de me montrer à mes collègues. Je la regardais avec envie. Elle savait jouer. La patience n'était, de toute évidence, pas une de ses qualités. Elle voulait me dompter mais, j'aimais aussi être celle qui se place au dessus.
" Vous avez mon numéro, je sais que vous en ferez bon usage. "
Je m'approchais de nouveau d'elle, attrapais la seule bouteille qui n'avait pas été entamée. De mon autre main, je reprenais celle où j'avais inscrit mon numéro et m'avançais encore plus d'elle, de sorte qu'il n'y ait que très peu d'espace entre nous. Une de mes jambes croisait une des siennes et je pouvais voir mon reflet dans son regard. Sa main noircie par l'encre était le seul obstacle entre nos lèvres car je la dirigeais vers le bas de son visage comme pour lui remontrer le fameux numéro en question. Bien sûr, je m'en servais aussi comme bouclier, je réservais mes lèvres pour une occasion plus intime. Être surprise en plein acte sur un lieu public ne m'effrayait aucunement, le lieu de travail était la seule limite ici. Puis, cela m'amusait de lui tourner autour sans qu'elle ne puisse franchir la frontière du simple flirt. Je savais qu'elle comme moi n'en voudrait que davantage lorsque cela serait possible. J'espérais aussi ne pas attendre au delà de ce soir.
" J'ai la bouteille. Je vous laisse vous occuper de la surprise. "
À mon tour, j'avançais mon visage sur le côté du sien, sa main n'avait donc plus de nécessité en tant que barrière alors, tout en la maintenant, je la descendais puis la tirais vers moi, jouant avec ses doigts, prémices de ce que nous ferions sur nos épidermes respectifs.
" Je vais devoir vous laisser pour le moment, ce fut un plaisir. Je serai joignable juste après notre dégustation. Je finis ma journée dans une heure. "
Je lâchais sa main parce qu'il le fallait et m'écartais juste assez pour qu'elle puisse bouger. Je l'accompagnais vers la cour afin qu'elle rejoigne sa voiture. Le rangement de la salle de dégustation attendrait que j'ai essuyé le rouge à lèvres de Joyce.