La maison familiale a été quittée depuis mars et il regretterait presque ses frères et sœurs quand la nouvelle colocation se rapprochait plus d’un désastre qu’autre chose. Le loft était beau et agréable, le colocataire lui l’était beaucoup moins. Agréable du moins, bien que Diego n’aurait jamais émis de commentaire sur la beauté d’un homme.
Il n’arrivait pas à être en confiance, n’avait pas osé toucher à sa guitare depuis qu’il avait emménagé alors que le jeune homme était clairement lui aussi musicien. Mais un musicien bruyant, un musicien bordélique, un musicien qui semblait avoir décidé de le pousser à bout de nerfs mais surtout un musicien qui ne semblait pas du tout l’apprécier. Et pourtant, tout le monde aimait Diego. Heureusement que le chien Murphy était là.
Ce soir-là, Oxton est sorti et c’est avec soulagement qu’il a l’appartement pour lui tout seul, se plongeant dans ses bouquins, conscient de la journée interminable qui l’attend demain, poussant son corps au-delà de ses limites chaque jour un peu plus. Les journées ne sont jamais assez longues pour toutes les choses qu’il doit faire et pour toutes les choses auxquelles il doit penser et ce soir-là lorsqu’il se couche, épuisé, il aimerait être capable de s’endormir en quelques minutes pour avoir plus de sommeil. Mais le sommeil ne viendra que bien plus tard et se terminera bien trop vite.
C’est la porte qui claque bruyamment, le bruit de quelqu’un qui se cogne contre les meubles, la voix étouffée de Garret à travers la porte qui le font se réveiller en sursaut. Brutalement, violement, lui qui à peine réussi à s’endormir il y a une heure et qui a passé la nuit à travailler.
Diego arrive au bout de sa patience et il ne pensait pas cela possible. Et pourtant, pourtant, l’envie d’aller secouer le musicien le prend violemment. Il prend seulement la peine d’enfiler un jogging, sortant de la chambre. « Sérieusement Garret ? » sa voix manque de s'étrangler dans sa gorge tant il n’est pas habitué à dire quoique ce soit, à s’énerver. Il tente d’étouffer la colère qui gronde, celle qui commence à l’habituer depuis un moment envers son colocataire. « Je dormais. J’ai une garde demain, j’ai passé ma soirée à réviser je… » Il n’y a toujours pas eu d’accusations. Pourtant elles seraient faciles. Tu fais trop de bruit Garret, tu invites trop de gens Garret, tu laisses l’appartement en bordel Garret, t’as l’air de me détester Garret, pourquoi tu me détestes Garret ?
Et alors que toutes ses pensées lui traversent l’esprit il voit l’état du salon, qui n’était déjà pas brillamment rangé mais qu’il l’est encore moins maintenant qu’un Oxton ivre a éparpillé ses affaires sur son chemin. Diego ferme les yeux, ses poings se serrant. Il ne faut pas qu’il se mette en colère. Il ne faut pas qu’il dise quoique ce soit. Il ne veut pas le blesser et pourtant, le jeune homme teste chaque jour un peu plus sa patience. « Sérieusement ? » répète-t-il, cette fois sa voix ne cachant plus la colère, son regard incapable de quitter le bordel, ce bordel qui l’horripile, qui lui donne l’impression de perdre le contrôle des apparences, car il n’y a que ça qui tient la route en réalité. C’est la seule partie qu’il peut contrôler quand tout le reste de sa vie semble lui glisser entre les doigts.
Ça fait un mois, un mois que je me suis remis à boire, un mois que j’ai repris les mauvaises habitudes, celles qui avaient habillées mes soirées lorsque j’étais encore à Sydney. Un mois, j’ai pas besoin de faire appel à mon thérapeute pour en comprendre le déclencheur. Il porte le prénom de Diego, ou plus communément appelé le colocataire, mon colocataire. Ça fait un moment que ça va mal au vidéoclub, on a de moins en moins de commandes et même si Bernie m’adore, j’ai bien peur que dans quelques temps cela ne suffise plus. Les fins de mois sont de plus en plus difficiles, c’est d’ailleurs pour cela que je me suis mis à réaménager mon bureau en seconde chambre. Je me suis dit que ce serait tout bénef que ce soit pour le propriétaire ou pour moi, qu’en divisant le loyer par deux j’aurais bien plus de facilité à le payer si un jour Bernie me dit qu’aux vues des circonstances, il ne peut malheureusement plus me garder. Je voulais anticiper, me comporter en adulte pour la première fois de ma vie sauf que je n’aurais jamais pensé tomber sur un interne souhaitant se spécialiser en oncologie. Au début je savais pas, jusqu’à ce que je tombe sur quelques-uns de ses cours. J’ai l’impression que l’univers me joue des tours, qu’il test mes limites comme je peux le faire avec Gutiérrez. Alors je me suis mis à boire, plus que d’habitude. Je me suis mis à sortir plus souvent aussi, parce qu’il m’était difficile de rentrer chez moi. La moindre occasion était bonne à prendre pour l’éviter, pour ne pas avoir à le regarder bosser, se tuer à la tâche comme mon meilleur ami sauf que pour Seth ça a été différent, parce qu’il a pris l’expression au pied de la lettre et qu’il s’en est allé, pour de bon. Alors ce soir je me suis laissé aller, la soirée de trop, trop d’alcool, trop de clopes, trop d’anxiété que j’ai eu besoin d’évacuer. J’ai dépassé la limite, celle qui me permettait de boire sans trop perdre le contrôle. Les marches qui mènent à mon appartement se foutent de moi et de ma démarche mal assurée, j’ai même l’impression qu’elles se dérobent sous mes pieds. Je titube, la main bien accrochée à la rampe jusqu’à ce que j’arrive devant une porte que je pense être la mienne. J’essaye de faire glisser la clé dans la serrure, une fois, deux fois avant de grogner. J’appuie sur la sonnette, mais Murphy n’aboie pas. Bizarre, j’attrape mon téléphone et clique sur la lampe torche pour illuminer la plaque. Merde, je me mets rapidement à courir lorsque j’entends un mec gueuler à l’intérieur de ce que je pensais être mon domicile. Deux étages de plus pour arriver à bon port, je m’assois un moment contre le mur mettant ma main devant la bouche pour étouffer un rire alors j’entends la porte du 4ème étage s’ouvrir. Je croise les doigts, priant pour qu’il ne monte pas, les minutes passent jusqu’à ce qu’un claquement de porte m’indique que la voie est libre, je respire à nouveau et me relève. Murphy a pu sentir ma présence car je peux l’entendre renifler mon odeur à travers l’entrée, il se met à gémir, à gratter contre la structure en acier alors je me dépêche d’enfoncer la clé. « Try again » que je chuchote à moi-même, j’essaye à nouveau et cette fois ci c’est la bonne. J’entre rapidement et claque la porte derrière moi. « Chuuuuuut » je passe mon index sur mes lèvres et me retourne pour lancer un regard noir à la porte d’entrée. Murphy me saute dessus, trop heureux de me revoir, j'heurte le porte manteau qui se renverse sous le poids de mon corps. « Mais chut putain ! » que je gueule plus fort, levant les mains en l’air, exaspéré par tous ses objets qui ont l’air de s’être ligués contre moi pour faire un vacarme pas possible.
Et puis merde. L’appartement est un vrai terrain miné depuis la fête des voisins, sobre ça peut passer, mais dans l’état actuel c’est un peu comme essayer de ne pas toucher les rebords des cases en jouant au Dr Maboul. Je trébuche sur une chaussure mal placée et avance en direction de la cuisine. « Sérieusement Garret ? » En parlant de docteur, en voilà un qui débarque. Sa voix monte d’une octave de trop, ce qui lui ôte toute crédibilité. Je me retourne et m’adosse à l’ilot central de la cuisine pour masquer mon état d’ébriété. « T’es toujours en train de muer ? » que je lui lance alors que mes yeux s’attardent un peu trop longtemps sur le haut de son corps dénudé. « Je dormais. J’ai une garde demain, j’ai passé ma soirée à réviser je… » Je lève les yeux au ciel, ma mâchoire se serre. J’en ai rien à foutre de ses cours, rien à branler de son cursus universitaire à la con. C’est chez moi, avant d’être chez lui et il peut très bien repartir vivre chez papa et maman si ma présence ne lui convient pas. Oui, qu’il se casse. « Est-ce que c’est mon problème ? » Je fais mine de réfléchir un instant avant d’ajouter d’une voix tranchante. « Nope, j’fais pas dans le social désolé. » J’ouvre le frigo et attrape une bière que je décapsule à l’aide de mon briquet. « Et puis putain, est-ce que ça t’arrive de te détendre sérieux ? » Si y’en a bien un qui n’est pas détendu ici c’est bien moi. Y’a rien à faire, sa face ne me revient pas, sa gueule de premier de la classe qui ne va pas du tout avec le corps musclé qu’il vient de me dévoiler. Puis à quel moment trouve-t-il le temps de faire du sport au juste ? Entre trois pages d’anatomie et une garde à l’hôpital ? Son regard se pose sur le salon, enfin surtout sur toutes les choses qui s’y sont accumulées depuis la dernière fête. « Sérieusement ? » Ouais sérieusement, ouais. Je bois une gorgée de ma bière et lui tends la bouteille, un sourire provocateur sur le bout de mes lèvres. « J’ai plus de Champomy, sorry. » J’hausse les épaules et m’assois sur l’ilot de la cuisine. Mes yeux voilés par ma consommation excessive viennent rencontrer les siens. Je fais pas dans le social, non.
Il a bu. Diego l’a deviné dès l’instant où le jeune homme est rentré en faisant tomber quelque chose par terre et en gueulant une insulte. Le regard sombre du mexicain ne le quitte pas des yeux, alors qu’il le regarde essayer de prétendre être parfaitement sobre, que la situation est tout ce qu’il y a de plus normale.
« T’es toujours en train de muer ? » la remarque le fait froncer les sourcils, son regard lui brûle la peau alors qu’il se sent observé et il interprète ce regard comme un jugement, croisant les bras, mal à l’aise, comme si ce simple geste pouvait cacher son corps dessiné par le sport qu’il s’oblige à faire pour tenter d’effacer l’angoisse qui le réveille la nuit et lui tord le ventre dès le matin. Ce n’est pas le moment de se dégonfler.
« Est-ce que c’est mon problème ? » Les joues de Diego s’empourprent alors qu’il s’apprête à répondre, ouvrant la bouche avant d’être coupé. « Nope, j’fais pas dans le social désolé. » comment Diego a-t-il fait pour tomber sur quelqu’un d’aussi désagréable il n’en a aucune idée. « Mais… » Mais la protestation ne vient pas alors, alors qu’il se retient pourtant de balancer les insultes qui traversent son esprit tout en observant Garret ouvrir le frigo pour en sortir une bière. « est ce que ça t’arrive de te détendre sérieux ? » La remarque le fait baisser les yeux sur ses pieds, la mâchoire serrée, incapable de répliquer. Que pourrait-il dire quand Garret a raison ? Il n’a jamais su se détendre sauf lorsqu’il avait une guitare dans les mains et il n’a pas encore osé y toucher quand Garret était dans l’appartement, par peur de ses moqueries, par peur d’une critique. Il n’a jamais été de ceux sortant boire avec ses amis, bien trop occupé à réviser ou à aider sa mère, bien trop occupé à être l’enfant parfait. Alors non, il ne sait pas se détendre et la remarque l’atteint plus qu’il ne veut l’admettre, ses yeux refusant de croiser le regard du jeune homme.
Et pourtant il semble trouver son courage, s’accroche à sa colère pour répéter le même mot, comme si Garret allait mieux comprendre s’il était dit une deuxième fois d’une voix plus ferme. « J’ai plus de Champomy, sorry. » Lorsque le jeune homme lui tend cette bouteille avec insolence, son visage laisse apparaître un peu plus de cette colère qu’il tente en vain de contrôler.
Diego s’approche, attrapant brusquement la bouteille, se rapprochant du garçon qui s’est assis sur l’ilot, un peu plus énervé à présent. « Je bois pas. » Ou plutôt il boit si occasionnellement que cela ne sert à rien de dire le contraire. Non Diego est bien trop occupé à maintenir une hygiène de vie parfaite comme si cela allait régler tous ses problèmes. Il pose la bière sur le comptoir à côté de Garret un peu trop violement. « Et toi est ce que ça t’arrive de ranger ? Est-ce que ça t’arrive de faire attention aux autres ? » Accroche toi Diego. Se répète-il intérieurement. Il se force à s’accrocher à tout ce qui le dérange dans cet appartement et non pas à son cœur qui lui dit de passer au-dessus, de ne rien dire. « On vit à deux au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. » Il est celui qui cherchait un colocataire alors pourquoi agit-il comme si Diego était un intrus, non désiré et indésirable ? « T’as vu l’état du salon ? » dit-il un peu plus fort, son bras se tendant vers le bordel. « Ou t’es trop ivre pour t’en rendre compte ? » Diego l’a bien compris son colocataire est tout sauf quelqu’un ayant une vie saine et calme. Il boit bien trop et cela se ressent au nombre de bières abandonnées sur le comptoir que Diego a jeté sans rien dire qu’au nombre de fois où il a été réveillé en pleine nuit par Oxton rentrant ivre. Non contrairement à lui, Garret est apparemment un fêtard, il sait se détendre, il ne se prend pas la tête non ? Et c’est peut-être aussi un peu pour ça qu’il est en colère, parce qu’une petite part de lui est jalouse du fait que lui sache se détendre.
Il se prince l’arête du nez agacé, respirant profondément pour se cnotrôler. « Je pense que je te demande pas beaucoup Garret, juste d’essayer de ne pas tout laisser trainer, de me demander mon avis avant d’inviter tout le quartier c’est tout, de faire un tout petit peu moins de bruit quand tu rentres en pleine nuit… » il tente de plaider d’un ton plus calme, raisonnable. Ce n’est quand pas trop demandé non ?
« Mais… » Mais quoi Diego ? Il ne dit rien, les bras toujours croisés sur ce torse que je n’ose plus regarder. Il reste là, à m’observer sortir l’énième bière de la soirée. Je peux sentir le poids de son jugement alors que j’ai toujours le dos tourné. Mais quoi ? J’ai envie de le secouer, je veux l’entendre dire le fond de ses pensées. Il baisse les yeux lorsque je fais référence à son côté bien trop coincé, touché. Je m’en amuserais presque, parce qu’on sait tous les deux que c’est la vérité. Ça fait un mois qu’il est là, un mois qu’il n’a pas invité ne serait-ce qu’un seul de ses amis si tant est qu’il en ait. Assis sur l’îlot central de la cuisine, mes yeux viennent détailler les traits de son visage. C’est la mâchoire serrée qu’il s’avance vers moi, faut croire qu’il me déteste autant que je peux le détester. Le seul et unique point commun que j’arrive à nous trouver. Il m’arrache la bouteille des mains et je ne fais rien si ce n’est le défier de mes yeux alcoolisés. Vas-y, montre-moi à quel point tu sais t’amuser. « Je bois pas. » Surprenant, j’peux pas m’empêcher d’étouffer un rire amer même si, au fond, j’admire sa détermination. Fidèle à lui-même en toutes circonstances. Bien trop propre sur lui pour se rabaisser à mon niveau, Diego. Il dépose la bière sur le comptoir si brutalement qu’elle se met à mousser, alors je me sacrifie, je rapproche le goulot de mes lèvres pour ne pas laisser la mousse atterrir sur le plan de travail. « Et toi est ce que ça t’arrive de ranger ? Est-ce que ça t’arrive de faire attention aux autres ? » Nous y voilà, un peu d’action. Il vient de dire plus de mots en deux secondes que ce qu’il a bien pu me balancer en un mois. Et ce, sans avoir eu besoin de picoler. Est-ce que ça m’arrive de ranger ? Ouais, souvent même mais plus depuis que j’ai compris à quel point ça pouvait l’emmerder. Quant à la deuxième question, il m’est plus facile de le laisser penser que ce n’est pas le cas plutôt que d'avoir à lui prouver le contraire. C’est pas une question de ce que je fais ou ne fais pas, c’est surtout une question d’envie. J’avale une énième gorgée et m’essuie la bouche d’un revers de la main. C’est bon, il a fini ? S’il veut s’énerver qu’il le fasse tout seul, je suis pas d’humeur à me prendre la tête ce soir. « On vit à deux au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. » Je lève la bouteille dans sa direction pour le stopper net. « On ne vit pas ensemble, j’connais rien de toi et t’en sais pas plus sur moi. On cohabite, tout au plus. Un service mutuel pour arrondir les fins de mois, ça s’arrête là. » Ouais ça s’arrête là et c’est beaucoup mieux comme ça. Mais Diego, lui, ne s’arrête pas. Bien décidé à me faire chier avec son obsession et ses remarques autour de la propreté. Le bras levé en direction des souvenirs d’une fête passée. « T’as vu l’état du salon ? » Je souffle, me mordant l’intérieur de la joue pour ne pas m’emporter. J’ai un loyer à payer et il semble être mon seul coupon de réduction. Un – 50% que je ne peux pas me permettre de laisser filer. Il veut que je range ? Il veut vraiment m’voir ranger à cette heure-ci ? Pas de soucis. J’en connais un qui peut dire adieu à sa nuit. « Ou t’es trop ivre pour t’en rendre compte ? »Ta gueule. Je lui montre mon majeur et fais un cul sec avec le reste de ma bière. Qu’il aille se faire voir, lui et son ton moralisateur. Je quitte l’ilot central pour rejoindre le placard de la cuisine en titubant.
Il s’est pris pour qui ? Ma mère. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire si je me mets la mine ? Au mieux ça m’aidera à trouver le sommeil et au pire j’finirai la gueule dans les chiottes, il pourra prendre des notes sur les effets néfastes qu’une consommation excessive peut avoir sur le corps humain. Un cas clinique livré à domicile. Je me penche pour attraper un sac poubelle que je peine à ouvrir puis me dirige vers ce putain de salon. Sans même réfléchir, je passe ma main sur la table basse et j'envoie tout valser. Je peux entendre le bruit des bouteilles qui se brisent lorsqu’elles rencontrent le fond du sac poubelle. « Je pense que je te demande pas beaucoup Garret, juste d’essayer de ne pas tout laisser trainer, de me demander mon avis avant d’inviter tout le quartier c’est tout, de faire un tout petit peu moins de bruit quand tu rentres en pleine nuit… » J’ai l’impression d’entendre mon père, un condensé de reproches comme il savait si bien le faire. La liste semble être longue, mais j’y apporte peu d’attention, bien trop occupé à ranger ce foutu canapé. C’était une mauvaise idée, je sais pas pourquoi je me suis précipité. On aurait dû faire un essai, aller prendre un verre pour discuter au lieu d’accepter sa venue par le biais de messages échangés. On se serait vite rendu compte qu’on est loin d’être compatible lui et moi. On se tire vers le bas, je l’empêche de dormir et le dérange quand il révise quant à lui, et bien y’a qu’à me regarder. J’rentre bourré de soirées juste pour l’emmerder, j’me torche la gueule pour ne pas avoir à penser au passé. On fait pas bon ménage, un comble pour le maniaque qu’il a l’air d’être et pour le freak control que j’ai longtemps été. Je ferme le sac poubelle que je balance dans le hall et empile les cartons vides de pizza pour les déposer sur la petite table qui se trouve à côté de la porte d’entrée. « Écoute, j’vais pas changer pour tes beaux yeux, la Binocle. Et si ça peut te rassurer, t’es loin d’être le colocataire idéal. Tu sors jamais, t’es toujours enfermé dans ta piaule à réviser et quand t’es pas en train de bosser sur tes cours alors c’est à l’hosto que tu passes le plus clair de ton temps libre. » Je m’arrête un instant, parce que cette conversation a un air de déjà vu et que les deux dernières phrases me coutent plus que je veux bien le laisser penser. Je me mords la lèvre et attrape les raquettes de ping-pong qui trainent sur le sol du salon. « Tu peux toujours te casser si la situation ne te convient pas, j’ai jamais retenu personne, c’est pas maintenant que j’vais commencer. » Tant pis pour la réduction sur le loyer, parce qu’il y a des moments où vaut mieux être seul que mal accompagné. La seule chose qu’il aura réussi à obtenir de moi ce soir, c’est un salon plus ou moins rangé. Je sors une clope du paquet que je viens de retrouver derrière un des coussins du canapé et la coince entre mes lèvres. « J’ai l’droit de l’allumer ou tu vas encore m’faire chier ? » que je lui balance sur un ton sarcastique. Je n’attends pas sa réponse pour sortir mon briquet. J’ouvre la fenêtre du salon et tire dessus alors que mes yeux s’attardent sur les lumières de la ville. J’me demande si y’a d’autres colocataires qui sont en train de se prendre la tête. Est-ce que derrière chaque fenêtre illuminée se cache une dispute sur le point d’éclater ? Ou sommes-nous les deux seuls cons de cette soirée à ne pas savoir communiquer ?
« On ne vit pas ensemble, j’connais rien de toi et t’en sais pas plus sur moi. On cohabite, tout au plus. Un service mutuel pour arrondir les fins de mois, ça s’arrête là. » Une cohabitation qui ne sera jamais plus que ça, qui n’a apparemment aucun moyen de se transformer en amitié comme Diego l’avait imaginé avant d’accepter cette offre. Peut-être qu’il aurait dû prendre le temps de parler un peu à Garret avant d’accepter, avant de venir déposer ses affaires dans ce loft qui n’est au final pas vraiment le sien. « Justement est ce qu’on pourrait pas essayer que ça se passe bien cette cohabitation ? » lâche-t-il d’un ton agacé, enchaînant sur l’état du salon, qui ressemble plus à un dépotoir qui est en train de perturber Diego au point où il n’ose plus vraiment y mettre les pieds. Il regarde Garret finir sa bière cul sec d’un air désespéré.
Au moins, il semble décidé à commencer à ranger et Diego l’observe en grimaçant alors qu’il balance les bouteilles qui trainent dans la poubelle. « Fait gaffe tu vas te couper. » Les mots sortent malgré lui, par habitude, ne souhaitant pas que le jeune homme se blesse et n’ayant aucune envie d’avoir à lui recoudre la peau ce soir alors qu’il a plutôt envie de le secouer.
« Écoute, j’vais pas changer pour tes beaux yeux, la Binocle. Et si ça peut te rassurer, t’es loin d’être le colocataire idéal. Tu sors jamais, t’es toujours enfermé dans ta piaule à réviser et quand t’es pas en train de bosser sur tes cours alors c’est à l’hosto que tu passes le plus clair de ton temps libre. » Ses joues s’empourprent, il se force à décroiser les bras uniquement parce que sa main vient frotter sa nuque, puis remettre ses lunettes plus haut sur son nez pour simplement mieux regarder le sol. Il sait pertinemment qu’il n’est pas le colocataire idéal, mais il n’a pas l’énergie pour l’être, pas quand il en dépense tellement pour être le meilleur de sa promo et quand il cherche désespérément à être le fils parfait, le frère parfait, sans grand succès. Malgré tout, la culpabilité le gagne facilement, parce qu’il n’arrive jamais à être assez même face à cet inconnu qui ne devrait rien attendre de lui. « J’ai pas le temps, j’ai beaucoup de boulot et j’ai ma famille… » Sa sœur malade qu’il n’arrive pas à mentionner, son regard qui se fait fuyant alors qu’il essaye de se justifier. Il soupire. « Je pourrais sortir, je veux dire c’est pas comme si tu me proposais non plus. » marmonne-t-il avant de s’empourprer de plus belle. Cette possibilité est stupide quand il est clair qu’ils n’ont rien en commun et que Garret pour une raison inconnue le déteste depuis qu’il a posé ses affaires. Et pourtant il y a cette guitare, il y a cette musique qu’il entend de sa chambre, celle qui lui fait se dire que peut être que lui et Oxton pourraient s’entendre, si seulement ils se connaissaient. « Tu peux toujours te casser si la situation ne te convient pas, j’ai jamais retenu personne, c’est pas maintenant que j’vais commencer. » Si Diego observe un instant le visage de Garret c’est pour tenter d’y trouver une véritable volonté de le voir partir. « Je peux pas partir. » murmure-t-il simplement, parce qu’il n’a pas les moyens de se payer un appart seul, parce qu’il n’a pas le cœur de retourner dans la maison familiale, de tenir une famille entière sur ses épaules.
« J’ai l’droit de l’allumer ou tu vas encore m’faire chier ? » Diego roule des yeux à cette question, ce n’est pas comme si Garret attendait une quelconque réponse de sa part, il va prendre cette cigarette et l’allumer peu importe son avis. Peut être est-ce parce qu’il a l’impression de parler à un sourd, ou peut être est-ce parce qu’il en a marre de s’écraser, toujours est-il qu’il s’approche de Garret envahissant son espace personnel, et le sien avec. Il s’accroche à un courage qui manque de lâcher à tout moment pour attraper la cigarette des lèvres du jeune homme pour la jeter par la fenêtre. Il culpabilisera pour l’environnement plus tard. « C’est quoi ton problème ? » demande-t-il avec une colère qu’il ne pensait pas trouver. Mais bien trop vite il se rend compte qu’il est trop proche de Garret, qu’il n’assume pas cet élan de courage, aussi il fait un pas en arrière. « Pourquoi tu me détestes ? » demande-t-il simplement, d’une voix plus faible, parce qu’il est clair que Oxton le déteste, il ne comprend simplement pas pourquoi.
« Justement est ce qu’on pourrait pas essayer que ça se passe bien cette cohabitation ? » C’est qu’il comprend vite, Diego. Une cohabitation, qui ne sera jamais à l’image de la collocation rêvée. Je pose mes yeux sur lui, hésitant un instant, c’est vrai que ça devient épuisant. C’est fatiguant d’avoir à trouver la moindre occasion pour ne pas avoir à rentrer, parce qu’il se couche tard et que je trouve jamais rien de mieux à faire en soirée que de finir dans un bar ou chez des potes à vider des verres pour que le temps passe plus vite. Je m’apprête à lui répondre, mais il se remet à critiquer l’état de l’appartement et ça me fait vriller, il me fait vriller. C’est typiquement pour cette raison que la cohabitation ne pourra jamais être plus qu’un simple service rendu, parce qu’il est trop maniaque, trop aveuglé par le travail, trop parfait. Je finis ma bière que je balance dans l’évier et me met à ranger. « Fait gaffe tu vas te couper. » J’attrape le sac et le contourne pour aller le poser dans le hall d’entrée. « Ça te donnera l’occasion de tester ta dextérité. » que je dis un peu trop fort avant de me mordre la langue. Parce que la phrase peut être interprétée de bien des manières, même s’il ne m’a pas l’air de faire partie de ces gens qui ont l’esprit mal placé. A-t-il déjà eu une relation ? Je fais attention aux détails contrairement à ce qu’il peut penser. En un mois, il m’est arrivé de l’observer et tout ce que j’ai pu conclure c’est que le boulot semble être sa priorité et qu’il ne semble pas y avoir de place pour autre chose dans sa vie. Je le regarde du coin de l’œil et repasse devant lui pour mettre de l’ordre sur le canapé. Je l’écoute me faire la morale sur le train de vie que je peux bien mener et ne peut m’empêcher de lui balancer à la gueule qu’il est loin, très loin même, d’être la définition du colocataire idéal. Je regrette mes mots avant même de les avoir prononcés, parce qu’ils sont tranchants et que j’ai du mal à garder mon sang froid quand il est dans les parages. J’peux le voir rougir lorsque je relève les yeux vers lui, il remet ses lunettes en place, un geste qui semble être lié au surnom que je viens de lui donner. Est-ce que ça l’a touché ? « J’ai pas le temps, j’ai beaucoup de boulot et j’ai ma famille… » Sa voix se fait plus douce, mais ces mots font échos et me retournent l’estomac. Je déglutis et reporte mon attention sur les oreillers que je frappe un peu trop fort tentant de leur redonner un semblant de forme. S’il n’a pas de temps à me consacrer alors j’en ai encore moins à lui donner. S’il préfère se concentrer sur son boulot au point d’en oublier le monde qui l’entoure, s’il préfère se tuer à la tâche plutôt que de profiter des quelques années qui lui restent avant d’être trop vieux pour pouvoir s’amuser alors grand bien lui fasse. Parce que la vie est faite ainsi et qu’on aura beau donner le meilleur de soi-même, quand les gens ont une idée en tête, c’est qu’il est trop tard pour les faire changer d’avis. J’ai déjà assez donné dans le passé et je veux plus revivre le même scénario. Il soupire et je l’imite. « Je pourrais sortir, je veux dire c’est pas comme si tu me proposais non plus. » Je repose les oreillers sur le canapé et je sais pas si c’est l’alcool ou ce qu’il vient de dire mais je me mets à rire. Un vrai rire, un de ceux qu’on a du mal à contrôler. Je nous imagine en soirée. Lui, complètement paumé et moi qui tente de le dévergonder. Je l’imagine commander un sirop au barman, passer la soirée assis à une table, les yeux rivés sur son portable pour potasser en secret ses cours de biochimie. On pourrait sortir, oui comme on pourrait tout aussi bien rester chacun de notre côté. « Je peux pas partir. » Nos regards se croisent, faut croire qu’on est dans le même bateau. Il ne peut pas partir et je peux pas me permettre de le foutre à la porte. Si je devais donner un nom à notre cohabitation je l’appellerais le titanic, un navire qui n’a pas d’autre destin que celui de couler. Parce qu’on coulera et que je peux presque apercevoir les traits de l’iceberg se dessiner au loin. Je sors une cigarette que je ne mets pas longtemps à allumer, tirant une latte, accoudé à la fenêtre du salon. Cigarette qu’il vient me prendre des mains pour la jeter dans la rue, je me penche pour regarder la braise s’éclairer au contact du vent. Le point orange se faisant plus petit jusqu’à disparaitre dans la pénombre de la nuit. « C’est quoi ton problème ? »Il a jeté ma clope, il a jeté ma clope que je me répète en boucle dans la tête bien trop surpris par ce qu’il vient de faire. J’agrippe le rebord de la fenêtre et inspire profondément pour ne pas lui foutre mon poing sur son joli minois. Je me retourne pour le regarder, mais mes yeux rencontrent une nouvelle fois son torse dénudé. Il recule alors que je m’adosse au rebord de la fenêtre, cette proximité me dépasse et si je n’étais pas entre lui et le vide, j’aurais sûrement fait un pas en arrière, moi aussi. « T’as jeté ma clope, putain. Tu sais combien ça vaut un paquet de cigarettes ? J’ai pas maman et papa pour s’occuper d’moi contrairement à toi. » C’est à mon tour de croiser les bras, parce qu’il est trop près de moi. Je peux sentir son parfum, parfum qui doit bien couter un bras et demi pour ce que j’en sais. Pas comme le mien qui est souvent caché par l’odeur de l’alcool et des clopes. « Pourquoi tu me détestes ? » Sa voix est plus faible, je soupire parce que j’en ai marre, marre de me prendre la tête avec lui. J’ai envie de lui dire que c’est faux, je ne le déteste pas, que c’est pas sa faute s’il me rappelle un peu trop la personne que j’ai perdu. Que ce que je déteste c’est de le voir bosser sans cesse, que même si je le connais pas, j’ai pas envie de le regarder se laisser bouffer par l’anxiété que les études de médecine peuvent engendrer. Que sa famille ne le mérite probablement pas si elle l’oblige à se montrer parfait dans toutes les choses qu’il peut entreprendre, mais ma bouche se met à parler et à dire le contraire de ce que je pense. « Pour te détester, il faudrait déjà que j’en ai quelque chose à cirer. » Que je lui lance, laissant mes lèvres cracher un venin que je ne saurais ravaler. Je lève les yeux au ciel, parce que je suis un petit con et que je vois bien qu’il essaye d’agiter le drapeau blanc. Drapeau, qui a l’air de prévenir l’arrivée imminente de l’iceberg. « Tu veux qu’on tente de cohabiter ? D’accord alors bouge-pas. » Où pourrait-il aller ? Lui qui ne quitte que très rarement l’appartement. Je sors du salon pour aller dans ma chambre, j’attrape un vieux carnet et un crayon qui trônent sur mon bureau puis ouvre un tiroir pour prendre mon casque audio ainsi qu’une paire d’écouteurs. C’est les mains chargées que je retourne dans la salle commune, déposant tout mon bordel sur la table basse que je viens à peine de ranger. Il me pardonnera pour cette fois et s’il ne le fait pas alors c’est qu’il est bon pour prendre ses clics et ses clacs direction la maison de ses parents. Je m’assois sur le canapé avant d’ouvrir le carnet et de commencer à y écrire une phrase. « T’as déjà vu Fight Club ? » Est-ce qu’il lui arrive de regarder des films ? Ou est-ce qu’il considère ça comme une perte de temps ? « C’est un film dans lequel il y a des règles. Et je crois qu’on a bien besoin de quelques règles pour que ça fonctionne entre nous. » Je lui fais signe de venir s’asseoir, il peut se mettre le doigt dans l’œil s’il pense que je vais faire le travail tout seul. C’est lui l’intello de cette cohabitation, pas moi. Je commence à écrire des choses qui me passent par la tête, en réalité je ne fais que reprendre ses reproches pour les mettre sur papier. Du moins pour les trois premières règles, le reste concerne surtout des conditions qu’il m’a semblé bon d’ajouter. « T’as quelque chose à rajouter ou un truc que tu veux modifier ? » Je dépose le crayon entre les pages du carnet et le lui passe pour qu’il puisse lire le règlement.
Il le voit aux mains qui se serrent contre le rebord de la fenêtre qu’il est peut-être allé trop loin, que jeter la cigarette n’était peut-être pas la meilleure de ses idées. Garret se retourne en prenant une inspiration, et le corps de Diego tressaillit de peur de se prendre un poing en pleine figure. Il y a ce court instant pendant lequel ils sont trop proches, le regard d’Oxton lui brûlant la peau, le rendant bien trop conscient de leur proximité qui le met soudainement extrêmement mal à l’aise sans qu’il ne sache pourquoi. « T’as jeté ma clope, putain. Tu sais combien ça vaut un paquet de cigarettes ? J’ai pas maman et papa pour s’occuper d’moi contrairement à toi. » Cette remarque lui arrache un rictus, tant elle est la preuve que Garret et lui ne se connaissent pas. La mention de sa famille en revanche est suffisante pour ferme son visage pour qu’il murmure entre ses dents. « Parle pas de ce que tu connais pas. Tu sais rien de moi. » Son regard pour la première fois est plus tranchant, tant le sujet est sensible, tant le mot papa est suffisant pour raviver la douleur d’un père absent, tant le mot maman lui rappelle que la Mama est seule et ne s’en sortira jamais avec le traitement si couteux de la petite dernière. Garret ne connait rien de lui et le juge déjà. Le mexicain est incapable de comprendre comment ils en sont arrivés là, quelle est la raison du comportement de Garret à son égard, il ne comprend pas ce qu’il a pu lui faire.
« Pour te détester, il faudrait déjà que j’en ai quelque chose à cirer. » Les mots blessent plus qu’il ne veut l’admettre, le font tressaillir sans qu’il ne puisse le cacher, son regard fuyant, alors qu’il serre ses bras contre son corps. Il ne réagit pas, préfère regarder le sol plutôt que de croiser le regard si froid du musicien. « Tu veux qu’on tente de cohabiter ? D’accord alors bouge-pas. » Diego relève la tête sans comprendre, relevant son regard surpris vers lui. Qu’a-t-il en tête ? Son colocataire part dans sa chambre les mains pleines, déposant un tas d’affaires sur la table basses ce qui arrache un roulement de yeux au jeune homme. Bien sûr qu’une table basse rangée ne pouvait pas durer.
« T’as déjà vu Fight Club ? » Hochement de tête. « « C’est un film dans lequel il y a des règles. Et je crois qu’on a bien besoin de quelques règles pour que ça fonctionne entre nous. » « Tu sais je regarde des films hein. » C’était une des choses qu’il faisait de son temps libre, rare soit-il, à défaut de sortir comme tous les autres jeunes de son âge. Diego s’approche, venant s’asseoir à côté de lui, tentant de garder un peu de distance entre eux mais c’est difficile lorsqu’il est censé lire ce qu’il y a d’écrit sur ce bout de papier. « T’as quelque chose à rajouter ou un truc que tu veux modifier ? » Diego attrape le carnet tendu, toujours sans comprendre de où Garret veut en venir. Les règles sont simples, il a repris les reproches mentionnés par Diego, a décrété des règles comme le fait d’apprendre à se connaître. Une journée, ça lui semble déjà beaucoup à accorder quand il n’a pas le temps de rien, mais il se force à ne rien dire, continuant à lire. Sur la cinquième, il ne peut s’empêcher de se sentir mal à l’aise en étant torse nu, mais se dit qu’au moins il n’aura pas le problème de tomber sur un Garret à moitié nu, chose qui fait étrangement s’accélérer son rythme cardiaque.
En lisant la liste, les sourcils froncés se détendent, un sourire soudain vient étirer ses lèvres, détendre les traits de son visage et il regarde Garret un peu différemment. « Tu viens vraiment de dessiner le Titanic sur ce bout de papier ? » et ça il ne peut s’empêcher de rire sans réaliser que c’est la première fois qu’il rit devant le jeune homme. « Tu vas vraiment la respecter ? » il demande simplement, peu convaincu de la bonne volonté de Garret. Lui respectait les règles, il respecterait la liste. Pourtant, il attrape le stylo dans le carnet pour écrire quelques mots avant de lui rendre.
9) Interdiction de se moquer de la musique de l’autre.
Peut-être est-ce parce qu’il croit lire la surprise dans les yeux de son colocataire. « Je joue…parfois. Ca me détend. » Haussement d’épaule, il jouerait tout le temps s’il le pouvait. Comme d’habitude c’est plus simple de minimiser la chose, de cacher le talent réel, les centaines de chansons qui remplissent des carnets depuis des années, les accords qui sont seconde nature entre ses doigts, la guitare qui est devenue une passion qu’il enferme et qu’il protège, jamais convaincu d’être assez bon pour la faire entendre à qui que ce soit d’autres que ses plus proches amis. « Me regarde pas comme ça c’est pas comme si tu m’avais posé la question. » Peut-être qu’il a écrit cette règle dans l’espoir de devenir assez à l’aise dans cet appartement pour pouvoir y toucher, pour pouvoir jouer.
Il me regarde, et dans ses yeux je peux y voir de la peur. Je desserre les poings, parce que le reflet qu’il me renvoie ne me plait pas, mais surtout parce que je veux pas me laisser avoir par mon taux d’alcoolémie. Je suis pas du genre à avoir l’alcool mauvais, du moins plus maintenant, mais il fut un temps où c’était le cas et j’ai pas envie de redevenir ce mec-là. Je m’assois sur le rebord de la fenêtre alors qu’il se tient là, non loin de moi, les bras toujours croisés sur la partie de sa peau dénudée. Parcelle de peau que mes yeux semblent avoir un mal fou à ignorer. Et là, à ce moment précis, je regrette d’avoir trop bu, d’être trop torché pour pouvoir les contrôler. Jamais ô grand jamais, je n’aurais osé m’attarder aussi longtemps sur ses courbes masculines, pas en état de sobriété. J’ai l’impression que les secondes se transforment en minutes jusqu’à ce qu’il finisse par briser le silence. « Parle pas de ce que tu connais pas. Tu sais rien de moi. » Il n’a plus l’air d’avoir peur, Diego. Le ton de sa voix est différent, presque aussi tranchant que le mien. Mes yeux rencontrent les siens alors que je tente de comprendre ce changement de situation si soudain. Il n’a pas totalement tort, je connais rien de lui, j’ai même tout à apprendre sur sa personne. Je sais juste que c’est un bosseur, quelqu’un qui finira par avoir son diplôme au mérite. Le genre de médecin qui inspirera la confiance de n’importe quels patients, même les plus tenaces. J'le sais, parce qu’il dégage quelque chose de rassurant. Alors je décide d’enterrer la hache de guerre, d’accepter le drapeau blanc, comme ça, en l’espace d’un instant. Je baisse les armes et me dirige vers ma chambre, le seul endroit de cette appartement où je peux vraiment être moi-même. Y’a des tas de choses qui traversent mon esprit pendant que j’essaye de mettre la main sur mon carnet, des trucs que j’aurais aimé oublier et d’autres choses auxquelles je n’aurais jamais pensé. Lorsque je reviens dans le salon, il est toujours là, près de la fenêtre et je me demande à quoi il peut bien songer. Est-ce que son cerveau fonctionne comme le mien, est-ce que le sien est toujours en train de tout analyser ? Je dépose les affaires sur la table basse ce qui le fait rouler des yeux et je retiens le rictus qui tente de se frayer un chemin sur le bout de mes lèvres. « Tu sais je regarde des films hein. » Faudra qu’il m’explique comment il arrive à passer ses journées à réviser, bosser, faire du sport et regarder des films. À croire qu’il a eu un passe-droit sur le cours de ses journées, du temps supplémentaire pour accomplir ses objectifs. Je le soupçonnerais presque d’avoir volé le retourneur de temps à Hermione Granger. « Quel est ton film préféré ? Et t’as pas le droit de réfléchir. J’veux une réponse du tac au tac.» Je jette un coup d’œil à ma montre, une minute, c’est tout ce qu’il aura pour y répondre. Il s’approche et je me pousse pour le laisser s’asseoir à mes côtés. L’espace entre nous se réduit un peu plus, ses doigts viennent se refermer sur le carnet que je lui tends. Je l’observe du coin de l’œil, sondant la moindre de ses réactions. Les traits de son visage se détendent, laissant place au premier sourire. « Tu viens vraiment de dessiner le Titanic sur ce bout de papier ? » Je pince mes lèvres en hochant la tête et il se met à rire. Un vrai rire, pas de ceux qui n’ont pour seule utilité que de se foutre de la gueule des gens gratuitement. Non, son rire est doux, agréable à entendre. Je tourne la tête vers lui et y’a un truc avec ses yeux, que je ne saurais expliquer. Un truc qui fait que son visage s’illumine immédiatement lorsqu’il se met à rire, je souris avant de lui donner un coup d’épaule. « Et un iceberg, faut pas oublier l’iceberg. » J’attrape ses lunettes et soulève le bas de mon t-shirt pour les nettoyer.Y'a de grandes chances pour que j'y laisse quelques empreintes parce que je suis pas doué de mes dix doigts. Je lève la monture vers la lumière pour vérifier l’absence de traces, alors que je peux voir ma vue légèrement déformer à travers les verres correcteurs. « Je sais pas comment t’as fait pour le manquer, j’ai l’impression d’avoir zoomé x10 sur le plafond. » Je mens, parce qu’en réalité il n’y a pas de grande différence entre ce que je peux voir à l’œil nu et ce que j'ai vu à travers ses lunettes. Je me tourne vers lui pour les lui remettre sur le nez, faisant passer les branches derrière ses oreilles. Et je crois que son commentaire sur le bateau en dit beaucoup sur sa personne. Parce que Diego préfère voir le paquebot lorsque je ne peux pas m’empêcher de penser à l’iceberg. « Tu vas vraiment la respecter ? » Je peux pas m’avancer, j’aimerais lui dire que oui, que je vais m’y tenir mais je sais pertinemment que ça risque d’être compliqué, surtout pour les soirées et le fait de ne pas arriver la tête complètement défoncée. Alors je ne dis rien, parce que parfois le silence vaut mieux que quelques paroles balancées en l’air. Il attrape le stylo et je me penche par-dessus son épaule pour tenter de lire ce qu’il écrit. La neuvième règle et pas des moindres. J’hausse un sourcil car j’ai beau lire sa phrase, je ne suis pas sûr de bien la comprendre. « Je joue…parfois. Ca me détend. » Y’a-t-il un truc qu’il ne sait pas faire ? Si ce n’est lâcher prise ? Je l’observe, m’attendant à y voir le moindre signe d’un quelconque mensonge. « Me regarde pas comme ça c’est pas comme si tu m’avais posé la question. » Y’a des tas de questions que je n’ai pas posé, bien trop pour pouvoir les compter. « Tu joues de quoi ? » Tu me montreras ce que tu sais faire ? Depuis quand tu baignes dans la musique ? Est-ce qu’il t’arrive d’écrire ? Tu chantes aussi ? Quel est le premier morceau que t’as appris ? Mes yeux se posent un instant sur mes deux guitares et le piano qui trônent à l’autre bout de la pièce, mais je veux pas le brusquer alors je me tais. « Bon, puisque t’as pas le temps de sortir pour aller en soirée, je me suis dit que j’allais amener une partie de la soirée jusqu’ici. » J’attrape le casque que je branche à l’ordinateur alors que je tourne l’écran de l’ordinateur portable afin qu’il ne puisse pas voir ce que je suis en train de faire. Mes doigts viennent pianoter sur le clavier, c'est seulement lorsque tout est prêt que je me penche dans sa direction pour lui mettre le casque sur les oreilles. « Ferme les yeux. » J’attends un moment avant d’appuyer sur play et d'enfiler mes écouteurs pour pouvoir écouter la même chose que lui sur mon portable.
Diego voit ce regard sceptique, celui qui dit qu’il ne doit pas en regarder beaucoup et Garret n’a pas tort. « Quel est ton film préféré ? Et t’as pas le droit de réfléchir. J’veux une réponse du tac au tac.» La panique est palpable sans les yeux du Mexicain, parce qu’il connait le métier de Garret et se dit qu’il devrait sortir un grand classique, un chef d’œuvre du cinéma, n’importe lequel. Sauf que le premier film qui lui vient à l’esprit… « Le seigneur des anneaux. » marmonne-t-il entre ses dents sans le regarder. « Bon ok j’ai pas tant le temps que ça de regarder des films.. » finit-il par avouer. Mais surtout il a la fâcheuse tendance de regarder encore et encore ceux qu’il préfère, il a dû regarder un million de fois le Seigneur des anneaux et Harry Potter et sa culture cinématographique n’est pas si large que ça. « Harry Potter aussi… » C’est qu’il a l’impression de s’enfoncer, passant une main sur sa nuque avec un léger rire gêné, parce qu’il a presque honte du nombre de fois où il a dû regarder ces films.
Heureusement cette liste lui donne l’occasion de changer de sujet et il ne peut s’empêcher de rire en voyant le Titanic dessiné sur la feuille. Et s’il se met à rire, il ne loupe pas le sourire qui s’est dessiné sur les lèvres de Garret, un sourire qui n’est pas moqueur, qui ne cherche pas à le provoquer d’une façon ou d’une autre. « Et un iceberg, faut pas oublier l’iceberg. » ajoute-t’il en lui donnant un coup d’épaule, élargissant le sourire de Diego jusqu’à ce qu’il attrape ses lunettes et que le sourire s’efface, soudainement gêné. « Je sais pas comment t’as fait pour le manquer, j’ai l’impression d’avoir zoomé x10 sur le plafond. » Le regard du Mexicain ne lâche pas Garret en train d’essuyer les lunettes sur son t-shirt, comme hypnotisé par ce qu’il est en train de faire. Lorsqu’il les lui remet sur les nez, Diego se fige, comme s’il était un peu trop conscient de ses doigts qui effleurent ses oreilles pour bien remettre les branches, de ce moment où lorsqu’il a de nouveau les lunettes sur le nez, son regard s’accroche à celui de Garret un instant de trop, ses joues s’empourprant de nouveau. « J'ai des lentilles parfois. » Merci Diego pour cette information qui n’intéresse personne et qui n’est absolument pas une réponse à la remarque précédente.
Garret ne répond pas lors qu’il lui demande s’il va respecter et Diego pourtant espère que ce soit le cas pour rendre leur cohabitation plus supportable pour tout le monde. Cela ne servirait à rien de lui retourner la question quand il a toujours été du genre à respecter les règles. « Tu joues de quoi ? » Rien que cette simple question le met mal à l’aise, parce qu’il n’aime pas en parler comme si la musique était un secret jalousement gardé. « Rien de bien important, je ne suis pas très doué. » haussement d’épaule, regard gêné, il ne sait pas pourquoi il n’a jamais su assumer ce talent, la facilité qu’il a chanté quand il est sûr personne ne peut l’entendre, La facilité qu’il a à remplir des dizaines de carnets de musiques qui ne seront jamais écoutées, tout simplement parce que ce n’est pas la voie qu’il a choisie. Peut-être parce qu’il n’a jamais été convaincu d’être assez bon. En réalité il ne s’est jamais senti bon dans quoique ce soit sauf en médecine où il se donne corps et âme pour réussir. « Ton groupe il est doué. » Ses joues rougissent conscient de l’aveu qu’il vient de faire, bien sûr qu’il était allé écouter sa musique sur Youtube.
« Bon, puisque t’as pas le temps de sortir pour aller en soirée, je me suis dit que j’allais amener une partie de la soirée jusqu’ici. » Diego le regarde sans comprendre, l’observant pianoter sur son ordinateur, lui mettre le casque sur les oreilles. « Ferme les yeux. » Il se laisse faire, curieux. Pourtant incapable de complètement se détendre il demande : « Pourquoi je dois fermer les yeux ? » Après tout il ne le connait pas, peut être qu’il va lui faire une mauvaise blague.
Pourtant il finit par clore ses paupières. La musique commence et le remix de feel so close se lance. Pendant un instant il se dit qu’il aimerait être cette personne se rendant à des soirées, boire sans s’inquiéter du lendemain, se détendre le temps d’un instant comme ici. Et pourtant, pourtant, dès le moment où il se dit ça, où ses épaules commencent à se détendre, toutes ses responsabilités le rattrapent. Le visage de sa petite sœur apparaît dans son esprit. Le rappel de son réveil qui sonne dans deux heures, de sa garde qui l’attend, de la nécessité pour lui de devenir le meilleur de sa promotion. Il ouvre les yeux quand la musique se termine, se rendant compte aussi que le jeune homme à côté de lui n’est peut-être pas aussi insupportable qu’il en a l’air, qu’il y a plus que ça derrière son regard moqueur.
« T’es pas si mal. » murmure-t-il plus lui que pour l’autre, se rendant soudainement compte qu’il a parlé à voix haute. « Enfin je veux dire, euh, t’es plus sympa que t’en as l’air. » C’est peut être parce qu’il a envie de rester à discuter sur ce canapé avec lui qu’il enlève le casque de ses oreilles. Il se redresse et se rappelle soudainement son réveil qui va sonner dans quelques heures à peine, de cette journée interminable qui l’attend. Peut être aussi est-ce une façon de fuir. « Je devrais aller me coucher hmm…mon réveil sonne dans deux heures, ma garde commence tôt…je… » il s’est levé, passant une main dans ses cheveux. « Une prochaine fois ? » demande-t-il doucement, son regard timide.
« Le seigneur des anneaux. » J’hausse un sourcil, pas parce que je ne le pense pas du style à regarder la trilogie cinématographie fondée sur les tomes de Tolkein, mais plus parce qu’il n’aurait pas pu choisir plus long comme film. C’est là que ça coince, je l’imagine mal sacrifier quatre heures de son temps pour se poser devant un écran. Je ne peux pas m’empêcher de rire surtout lorsqu’il me dit ne pas avoir de temps à accorder aux films. J’acquiesce de la tête, me mordant la lèvre inférieure pour me retenir de rire une nouvelle fois. « Harry Potter aussi… » Pas le temps de regarder des films, hein. Il s’enfonce et mon petit doigt me dit qu’il est doué pour ce genre de chose. Le son de son rire m’arrache un sourire, n’empêche qu’il a de bons de goûts, même s’il n’a pas l’air d’être vraiment branché ciné. Ça me déplait pas et j’admire son honnêteté puisque beaucoup de gens auraient sauter sur l'occasion pour simuler un énorme point commun alors que Diego préfère rester fidèle à lui-même. « J'ai des lentilles parfois. » Qu’il me fait remarquer lorsque je remets les lunettes sur le bout de son nez. « Faut croire que t’as pas souvent le temps de les mettre. » Je souris alors que mes doigts parcourent l’arrière de ses oreilles pour ajuster sa paire de lunettes. C’est fou le nombre de choses qu’il ne s’autorise pas à faire, comme si la moindre seconde était importante à ses yeux. Une course contre la montre qui me filerait vite la nausée si j’étais à sa place. Il ajoute la neuvième règle, règle faisant référence à la musique et il ne m’en faut pas plus pour paraitre indiscret. Parce que j’ai besoin de savoir, d’en connaitre davantage sur ce nouveau point commun. « Rien de bien important, je ne suis pas très doué. » Il hausse les épaules, comme pour se détacher de la réponse qu’il vient de me donner. J’ai envie d’insister, j’ai besoin d’insister. Je veux connaitre son instrument préféré et l'entendre jouer, mais son visage m’indique qu’il vaut mieux laisser tomber, pour cette fois. « J’vais pas insister, pas parce que je m’en moque, juste parce que t’as pas l’air de vouloir m’en dire plus, mais sache que y’a pas un monde dans lequel tu sembles ne pas être doué pour quelque chose. » C’est vrai, j’ai du mal à penser qu’il puisse être nul dans un domaine qui lui plait. Je vois bien à quel point il est doué dans tout ce qu’il entreprend, que ce soit pour ses études, son internat. Il bosse dur pour y arriver et je suis persuadé qu’il en est de même pour la musique. « Ton groupe il est doué. » Mes yeux rencontrent les siens, je fronce les sourcils n’étant pas certain d’avoir bien compris. Je sais pas si c’est moi, mais on dirait qu’il rougit. Il connait mon groupe, j’ai pas rêvé. Je ne sais pas depuis combien de temps ni même comment il a découvert l’existence d’Oxtorm, mais sa phrase n’est pas anodine. « Mes potes le sont, moi j’essaye juste de suivre la cadence. » Je ne parle pas des compositions, parce que j’ai aussi mon jardin secret et que je suis pas prêt à divulguer ce genre de choses. Il connait mon groupe, putain. Je reste sur le cul pendant un moment, avant de prendre mon ordinateur portable pour lui faire écouter la version de feel so close imitant une soirée à laquelle on n’assistera jamais. Il ferme les yeux, assez longtemps pour que je puisse le regarder sans avoir à détourner les yeux. Si on m’avait dit que je finirais par partager plus qu’un simple loyer avec lui, je n’y aurais pas cru. Non, parce que y’a encore quelques heures c’était vraiment mal parti, je repense à ma cigarette qui a fini sur le trottoir et à mon poing que j’étais pas loin de lui foutre dans la gueule. « T’es pas si mal. » Il murmure, mais la phrase parvient tout de même à mes oreilles. C’est qu’il est doué, Diego, pour sortir des trucs auxquels je ne m’attends pas. Des choses qui ont le don de me laisser sans voix. « Enfin je veux dire, euh, t’es plus sympa que t’en as l’air. » Je ris, ne sachant pas trop comment le prendre. Je fais mine de murmurer quelque chose avant qu’il n’enlève le casque de ses oreilles. « Je devrais aller me coucher hmm…mon réveil sonne dans deux heures, ma garde commence tôt…je… »Déjà ? je jette un coup d’œil à mon portable, putain c’est vrai qu’il est tard. Je me lève et il fait de même, on se retrouve là, debout dans notre salon à ne pas savoir quoi dire pour mettre fin à cette soirée. « Une prochaine fois ? » Mes lèvres s’étirent pour afficher un sourire, alors que je m’autorise à le regarder une dernière fois. « Une prochaine fois. » Que je dis avant qu’il ne disparaisse dans sa piaule. Je déchire la feuille de mon carnet et me dirige dans la cuisine pour l’accrocher au frigo. Neuf règles, je ressens le besoin d’arrondir la liste à un nombre pair alors j’attrape un crayon.
10) Interdiction de se sous-estimer.
J’ouvre le tiroir de la cuisine et décroche un post-it de son bloc pour venir le coller sur la porte d’entrée après y avoir inscrit quelque chose.