La prétention est bien réelle et il n’y a pas besoin de le connaître pour le deviner. Son regard brûle d’un désir qu’il ne masque même pas, son sourire en coin ne disparaît pas. Il ne s’avouera pas vaincu, Mason. Pas devant Stacey. Jamais ; et cette situation l’amuse. Ce jeu entre eux lui plaît et il en redemande, tel un grand enfant qui a besoin de vivre ce jeu jusqu’au bout. Elle ne cache pas son amusement certain, comme si elle était peut-être un peu charmé à son tour, comme si il était capable de marquer des points. « Tu es bien sûr de toi, Mason Bradford, » elle joue mal l’indifférente, Stacey. Il le voit bien quand elle pose ses yeux sur lui, quand elle lui accorde bien trop de temps qu’elle ne le devrait. Il a ce sourire qui ne se détache pas de son visage, ce rire qui se répand bien malgré lui dans ce parc alors même que les autres silhouettes n’ont aucune importance pour le basketteur. « D’habitude, ça ne déplait pas… » Qu’il ajoute avec nonchalance, haussant les épaules, d’un air presque je m’en foutiste, alors que son regard se pose un court instant sur elle, et qu’il croise son regard. Bien sûr qu’il ne s’en fiche pas, et si elle connaissait un peu les garçons dans son genre, elle le verrait assez vite, sans aucune difficulté. Stacey semble observatrice, assez pour deviner ce genre de chose. Mais le jeu reprend de plus belle, et avec cette envie irrémédiable de combattre, de ne pas perdre. Mais la glace aura eu raison de lui et de sa motivation, il feinte pourtant une gentillesse déguisée, elle ne tombe pas dans le panneau, ça le fait rire intérieurement. Moins visible sur son visage en revanche. « Je n’en doute pas, » qu’elle répond, presque trop amusée pour le prendre au sérieux, il est vexé comme un poux ! « Croit pas que je te laisserai gagner… » Qu’elle rêve pas trop la jolie blonde. D’ailleurs, il enchérit sur un nouveau défi, un nouveau challenge et vu la timidité de la jeune femme, ça semble prendre un tout autre tournant. Elle semble être différente de lui, de toute ses filles qu’il côtoie habituellement, et il ignore si c’est ça qui l’attire chez elle. Ou autre chose. Elle chope la main du basketteur, et l’entraîne avec elle. Il regarde tout autour de lui avant de découvrir un parc pour… Mioches ! Quel horreur ! Les entendre pleurer, hurler, ça lui hérisse les poils avant même de se retrouver entourer d’eux. « Ce n’est peut-être pas aussi fou que tu le pensais, mais je crois que j’en ai besoin, » Il avale sa salive presque avec appréhension. Tant qu’on lui hurle pas dans ses oreilles, ça ira. Elle ne lui lâche pas la main, l’aidant à se frayer un chemin, alors que Mason regarde ses petits êtres comme si ils étaient que des extra-terrestres. « Tu es prêt ? Qu’elle dit, en se tournant vers lui, elle est sérieuse ? Elle veut qu’il rentre dans ce toboggan pour nain ? Lui, du haut de son mètre quatre-vingt-dix... Le premier arrivé en bas à gagner. Trois, deux, un… » Elle lui laisse pas le choix, pas le temps de dire quoi que ce soit, qu’elle le pousse pour atteindre déjà les filets afin de grimper jusqu’au toboggan. Mason n’a pas dit son dernier mot et tant pis si il n’est pas aidé avec sa grandeur, encore moins son poids. Si le filet ne l’aide pas, il atteint le premier le toboggan, choppant les pieds de la blonde pour la tirer vers lui et reprendre l’ascendant. Quand il la double, il lui tire la langue, amusé. Et se jette tête la première dans le toboggan sans prendre aucune précaution devant les éclats de rire de certains enfants. A son arrivée, c’est contre les fesses d’un gosse assis sur son chemin, qu’il tape sa tête la première, de quoi le faire rire quand même. « C’était pas trop mal… » Qu’il avoue quand elle arrive à côté de lui, elle se relève sans difficulté, « vérité ! » Qu’il lance soudainement, après avoir repris un peu son sérieux.
Mai 2021.« D’habitude, ça ne déplait pas… » Il cherche toujours à avoir le dernier mot, jouant de son regard pour tenter de la faire craquer, mais elle ne se laissera pas impressionnée. Ou presque, parce qu’il est certain qu’elle est en train de rougir à cet instant, trouvant cependant Mason agaçant de parvenir à l’atteindre aussi aisément du fait du regard qu’il lui porte. Elle préférerait ne pas être un livre ouvert dans lequel on lit aisément, les expressions qu’elle arbore sur son visage la trahissant sur ce qu’elle peut ressentir ou penser. Ça ne l’aide pas d’ailleurs, dans bien des situations, elle qui travaille en plus dans l’illégalité depuis des années, ce milieu qui n’est clairement pas fait pour elle. Elle qui est, finalement, si fragile, et qui, pourtant, est parvenue à faire sa place dans ce monde, même si elle fait partie des petites mains. Du moins, sous le règne de Mitchell, ayant un rôle plus important désormais au sein de l’organisation, contribuant au blanchiment d’argent. Pour sûr, personne ne peut s’imaginer qu’elle est une telle place, qu’elle fricote avec l’illégalité quand on la voit comme ça. Mason le premier en serait tout autant surpris s’il venait à l’apprendre d’une manière ou d’une autre. Chose qu’elle s’abstiendra cependant de lui dire, de lui révéler, tant cette vie doit rester cachée, non seulement parce qu’elle n’en est pas nécessairement fière, mais parce qu’elle est aussi dangereuse et qu’elle ne souhaite pas exposer ses proches ou quiconque.
« Croit pas que je te laisserai gagner … ». Elle a compris que la compétition était un moteur pour lui, qu’il n’aimait pas perdre, il lui a montré un peu plus tôt et elle n’attend pas de traitement de faveur de sa part. Au contraire, cet instant passé à ses côtés devient agréable, au point qu’elle en perd la notion du temps, qu’elle oublie ce qui peut se passer autour d’elle et lorsqu’il lui propose de faire le premier truc fou qui puisse lui passer par la tête, elle se laisse aller. Retomber en enfance quelques instants, oublier le regard des autres sur elle, elle l’entraîne vers l’aire de jeux pour enfants. Ils sont nombreux à cette heure-ci, elle se fraye un chemin parmi tous ses petits êtres alors qu’elle propose une course à Mason : celui qui termine le parcours proposé par la structure en premier. Ils s’élancent alors, prêt à gagner autant l’un que l’autre, le fair-play jeté aux oubliettes. Stacey le pousse pour grimper la première mais, très vite, Mason la rattrape, non sans la tirer par les pieds pour lui passer devant. « Hey ! » ne peut-elle s’empêcher de s’exclamer, voyant très bien que Mason ne fera preuve d’aucune pitié. Il lui tire la langue, elle en fait de même, non sans rire aux éclats, et lorsqu’ils terminent la course en bas du toboggan, Mason est le grand vainqueur « C’était pas trop mal… » « Tricheur ! » dit-t-elle immédiatement alors qu’elle se remet debout, s’époussetant un peu. Elle récupère ses chaussures sans pour autant les remettre alors qu’ils sortent de l’aire de jeux, s’éloignant du vacarme produit par les enfants « Vérité ! ». Un fin sourire s’affiche sur ses lèvres, le sérieux reprenant cependant le dessus alors qu’ils marchent l’un à côté de l’autre « Si tu avais la possibilité de remonter le temps, que ferais-tu ? ». Elle sait qu’il a perdu un être cher, s’attends sûrement à ce qu’il lui donne cette réponse-là, tout comme il peut aussi prétendre autre chose, pour ne pas avoir à parler de cette période difficile de sa vie.
Rien ne pouvait être autant propice à la rigolade entre eux. Mason la cherche de bien des façons, et il n’se doute pas une seconde qu’il pourrait finir par la trouver. Le charmeur revient assez vite au galop sans même se soucier de savoir si ça convient ou pas à la jeune femme. Elle aurait peut-être l’habitude de ce genre de comportement, et Mason sait combien certaines sont tout de suite réfractaire, mais Stacey semble prendre la situation aux seconds degrés. Elle plonge sans même se soucier du regard des gens dans une course folle quand elle pénètre et se dirige droit devant le bac à sable ainsi que l’air de jeu. Un rictus amusé se dessine au coin des lèvres du basketteur qui reste figé sur place, et si elle croit un instant, avoir suffisamment d’avance pour crier victoire trop tôt, c’était sans nul doute sur la détermination du sportif. « Hey ! » Il lui repasse devant, la frôlant au passage, s’en amusant avec légèreté quand finalement il parvient le premier en haut de la tour. La descente est rien de plus facile, elle pourrait pourtant encore gagner, étant bien plus légère que lui, mais il parvient le cul le premier à toucher le sol et se relève, avec gaieté. « Tricheur ! » Il fait une moue, presque choqué, et heurté face à de tel propos. « Mauvaise perdante ! » Qu’il dit, c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! Regagnant l’extérieur de l’air de jeu, il a le sourire de vainqueur qui s’efface plus de son visage, bien malgré lui. « Si tu avais la possibilité de remonter le temps, que ferais-tu ? » Il lance en étant bien trop sûr de lui, Mason. Il a cette façon d’être à l’aise en toute circonstance, à ne jamais rien prendre au sérieux. Il se prend jamais la tête, enfin parfois, provoque quelques bagarres, ici et là, mais rien de plus. Son image est pourtant essentielle à sa vie, ce qu’on pense de lui aussi. Il ferait tout pour amadouer et arriver à ses fins. Il est un challenger le basketteur et n’est pas à cette place pour rien. Il n’est pas partie de rien pour arriver à être leader pour rien. Et pourtant, cette question-là, le secoue, et il en perd tous ses moyens. Ou presque. Son sourire s’efface et son regard se perd ailleurs. Le silence est son allié le plus précieux à cet instant, et il aimerait pouvoir fuir éternellement ce moment. Ne pas voir les choses en face, ne pas avoir cet immense regret qui s’empare de lui quand ses mots franchissent les lèvres de Stacey. Il vient de tomber dans son propre piège, il vient de se refermer telle une huître qu’on agresserait. Qu’on tenterait de manger. « Personne n’a de tel pouvoir ! » C’est froid, c’est dur, son intonation laisse rien présager de bon alors qu’il n’est pas prêt à se confier. Pas prêt à lui raconter. Pas prêt à s’avouer vaincu. Peu importe que les cartes s’effondrent sur elle, peu importe qu’elle fasse quatre pas en arrière, quand il fait un sans-faute. « J’dois y aller ! » Il se referme sur lui-même, ne lui laisse pas le temps de protester, de trouver une nouvelle manœuvre, qu’il prend ses jambes à son cou et se tire. Lâchement. Sans jamais se retourner. Le cœur qui déborde de sentiment qu’il refuse de voir, de ressentir. Pas devant les autres, pas devant Stacey.