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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyDim 30 Mai 2021 - 23:36


@LILY MCGRATH & ALFIE MASLOW ⊹⊹⊹ and we can make it through another year 'cause we both need it to forget this fear. if it's all the same to you, then it's just a little white lie, then it's all the same to me and it's just a little white lie.

Il y a des endroits qu’il devrait éviter.

Il y a son appartement, pour commencer, celui auquel il est pourtant obligé de se confronter quotidiennement. Il y a ce reflet dans le miroir qui lui devient insupportable, il y a ces cicatrices qu’il voit et qui le replonge dans une réalité qu’il ne veut plus voir. Il y a ce lit dans lequel il n’arrive plus à trouver le sommeil parce que cette même réalité s’impose à lui malgré son déni. Il y a ces murs désormais vidés de tout souvenir personnel, parce qu’ils sont partis dans les valises de Juliana ou parce qu’il les a arrachés pour ne pas s’y confronter. Il y a les photos d’Anabel qui traîne quelque part à la cave, il y a son lit tipi abandonné sur un coin du balcon alors que la place laissée dans le salon est aussi vide que le trou dans le cœur qu’il s’est infligé en renonçant à cette responsabilité devenue trop grande. Il y a ce bureau sur lequel il pouvait passer des heures à gribouiller des notes, il y a ces livres qui prennent la poussière et dans lequel il se plongeait pour compléter ses recherches, toutes abandonnées en même temps qu’il a abandonné la perspective de poursuivre sa carrière en étant incapable de monter dans cet avion quelques semaines plus tôt. Il y a ce lavabo qui, bien que changé, n’a pas réussi à ôter les mauvais souvenirs d’une agression encore trop réelle, trop douloureuse. Il y a ces post-it partout dans l’appartement qu’il n’a jamais pensé à enlever, ceux qui lui rappellent à quel point sa mémoire l’a lâché. Il y a ces haltères posées dans un coin qui soulignent que son corps en a fait de même et que jamais il ne redeviendra lui-même. Il y a cette porte qu’il franchit et qu’il a claquée au nez de Joseph, de Juliana, de Stephen, d’Anabel, de tant d’autres. Il y a cette solitude qui pèse entre ces murs qui lui rappellent que, bien souvent, c’est lui qui a lâché tous les autres et qu’il ne récolte que les conséquences de son éternelle ingratitude.

Il y a ces bars, au centre-ville, dans lesquels il passe la majorité de ses soirées pour oublier tout ce que son appartement ne représente plus pour lui : la stabilité d’une vie dans laquelle il ne s’est jamais épanoui, mais qui avait le mérite de lui donner l’impression d’avoir trouvé sa place. Il y a ce comptoir auquel il ne reste jamais suffisamment longtemps accoudé pour se donner mauvaise conscience de boire un verre, même un seul, après tant d’années d’abstinence. Il y a cette scène vers laquelle son regard se porte et sur laquelle il se revoit quand tout ne semblait pas perdu, quand les Street Cats lui permettait de trouver encore un semblant de sens à son quotidien déjà marqué par les souvenirs qui, aujourd’hui il peut l’admettre, ont remporté la bataille. Il y a cette foule dans laquelle il se disperse pour se changer les idées, ces inconnus qu’il aborde pour s’oublier quelques heures, cette compagnie recherchée, qu’elle soit humaine ou artificielle. Il y a cette horloge derrière le bar qui rappelle à ceux enlisés dans un mariage d’habitude plus que d’amour que leur échappatoire arrive à son issue, aux solitaires en quête d’affection, même furtive, qu’il est désormais suffisamment tard pour être obligé de fermer les yeux sur la qualité de cette même affection, aux poivrots du coin qu’il est socialement autorisé de passer à la vitesse supérieure pour s’infliger cette anesthésie bienvenue. Il y a cette horloge derrière le bar qui l’informe que demain est réellement un autre jour ; celui d’un anniversaire qui se rappelle à lui aussitôt minuit passé et qui réactive toutes les images qu’il venait oublier en se perdant ici.

Il y a ces rues du quartier nord dans lesquelles il se perd avec précipitation après avoir réglé sa consommation à la hâte. Il y a ces pavés qui défilent alors que ses pas le guident par habitude, par connaissance, par nécessité et par besoin. Il y a le bruit qui s’éloigne, les individus qui deviennent de plus en plus rares. Il y a ces escaliers qu’il monte au ralenti jusqu’à un appartement qu’il ne devrait pas aussi bien connaître, il y a ces bribes d’échanges qui ont tout de superficiel pour se donner, une fois encore, bonne conscience en prétextant que l’humain qui lui tend la marchandise l’intéresse bien plus que la marchandise tendue par l’humain. Il y a ce matériel qu’il glisse dans sa poche, il y a ces odeurs familières qui lui provoquent un sourire qu’il réprime bien vite, il y a cette conscience qui s’éveille autant qu’il est là pour la réduire au silence. Il y a ces escaliers qu’il descend désormais deux par deux, excité par cette nouvelle perspective, nécessiteux de faire disparaître les images de Hugh dans son esprit autant que les souvenirs d’une vie qu’il ne peut plus fêter aujourd’hui car elle a été enlevée, contrairement à la sienne.

Il y a cette banlieue côtière vers laquelle il arrive après un voyage qui lui a semblé interminable et qui ne lui a pas permis de se dissuader. Il y a cette forêt dans laquelle il se perd trop souvent quand les choses vont mal, aujourd’hui plus que jamais alors que l’obscurité le fait avancer à tâtons. Il y a ce ponton sur lequel Norah l’a embrassé autant que Joseph lui a avoué la vérité sans réellement le vouloir. Il y a ce banc sur lequel il venait s’asseoir, plus jeune, avec Amelia lorsqu’ils s’autorisaient une escapade à Brisbane, lorsqu’il finissait inconscient tandis qu’elle riait aux larmes de sa fragilité et qu’il finissait toujours par lui pardonner, parce que ces heures de répit qu’elle lui offrait étaient les plus belles de sa vie peu importe les conséquences à assumer derrière. Il y a ce tapis de cailloux, à l’écart de la forêt, illuminé par la seule lumière de la pleine lune, sur lequel il finit par s’effondrer. Il y a cette dernière bribe de raison qui lui implore de ne pas tout gâcher. Il y a les visages de Juliana, Joseph, Anabel, Norah, Esther, Jacob, Casey, James, Amelia, Tad, Anwar et tous ceux qu’il a côtoyé un jour ou l’autre dans sa vie et qui n’en font plus partie aujourd’hui qui défilent, autant que les souvenirs qui eux, lui soulignent qu’il a déjà tout gâché et qu’il n’a plus rien à perdre.

Il y a cette lune sur laquelle il perd son regard, au point de ne pas entendre ce qui se passe autour de lui. Il y a ces pas qui se rapprochent presque à ses côtés et qui le font sursauter. Il y a ce regard qu’il reconnaîtrait entre mille, cette aura qu’il saurait déceler même dans le noir le plus complet.

Et au milieu de tout ça, il y a cette constante prénommée Lily.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyDim 6 Juin 2021 - 23:58

Il y a toujours quelque chose à dire lorsqu’on se retrouve face à Alfie Maslow et qu’on se prénomme Lily Keegan ou Lily McGrath, comme vous préférez. ll y a toujours une tentative de réconciliation à entamer ou une remarque acerbe à placer, selon le contexte actuel de leur relation. Si on ne doit pas parler du Fight Club, on a tout autant le devoir de parler face à Alfie, sinon il vous mangera tout cru comme le grand méchant loup. Cette journée se substitue à tous les ‘toujours’ qu’ils ont pu connaître, tant elle ne ressemble justement à aucune autre. Jamais, en plus de trente ans d’existence, ils s’étaient ainsi observés en chien de faïence, les lèvres closes et la gorge sèche. Sans savoir ce qu’il en est d’Alfie, c’est au moins ce qui est en train de se passer dans le corps de la plus jeune dont le cœur se noue encore un peu plus. Elle ne saurait dire si elle est heureuse, triste, ou qu’elle ressent n’importe quel autre sentiment face à la découverte de sa présence ici. Une part d’elle voudrait le chasser de ce lien de répit qu’elle considère comme sien tandis que l’autre ancre ses pieds dans le sol pour qu’elle ne se laisse pas aller à l’étreinte qu’elle ne s’étonne même plus de désirer.

Ses yeux luisent comme ceux d’un renard. Dans les livres à l’eau de rose qu’elle lisait à l’adolescence, c’est ainsi que les choses auraient été présentées. Lily profite de la pénombre pour utiliser cette comparaison poussiéreuse. La vérité c’est qu’elle n’en sait rien, elle n’a jamais vu de renard, mais elle pourrait au moins reconnaître les yeux du brun entre mille, pour les avoir vu dans toutes les situations qui soient. Le tableau est bien différent cette fois-ci, la faute à un sourire totalement absent. Il a toute une gamme de lèvres étirées, de la véritable joie à la délectation morbide en passant par le sarcasme, il les maîtrise toutes à la perfection. Elle le sait d’autant plus qu’elle a été son cobaye de toujours, et si cela lui a souvent permis d’être accepté dans son périmètre proche, c’est parfois un rôle qu’elle regrette d’avoir eu. Parfois seulement.

Seuls ses yeux luisent ce soir. Il ne sourit pas, il ne se vante de rien, il n’est pas le premier à déclencher la guerre. Après leur dernière rencontre, Alfie aurait eu toutes les raisons du monde de le faire mais elle ignore encore pourquoi il ne le fait pas. Il peut voir en elle toute la faiblesse qu’elle représente ces derniers temps, tout comme il peut s’en amuser à sa guise et la rendre plus importante encore. Alfie a toutes les armes pour. Ce n’est pas ce qu’il fait. Force est de constater qu’elle ne tente rien en retour alors qu’elle peut déjà déceler toute la singularité de l’instant, sans pour autant pouvoir poser de mots dessus. Il n’est pas le Alfie qu’elle a l’habitude de côtoyer et elle aurait préféré qu’il l’attaque pour qu’ils puissent reprendre leur jeu là où ils l’avaient abandonné. C’est comme une partie de Jumanji qu’ils refusent de terminer - sans doute parce qu’ils ne savent pas comment y parvenir, ou parce qu’ils ne le désirent tout simplement pas.

C’est ici que tu viens pour enterrer tes victimes ?” Pour quelles autres raisons Alfie pourrait-il se rendre ici, si loin de son lieu de travail, si loin même de son lieu d’habitation. Elle pensait que ce lieu lui appartenait pour venir se reposer loin du reste du monde, il est bien le dernier qu’elle aurait pensé croiser. La voix de la jeune femme sonne faux ; ironique, pour la reine des mensonges. Elle fait des efforts tout en sachant qu’ils seront insuffisants face au Maslow. A quoi bon utiliser trop de forces dans l’exercice ? Elle en a déjà bien trop peu ces dernières semaines, et quitte à accepter d’être faillible devant quelqu’un, il est tant la pire que la meilleure personne pour un tel rôle. Lily ne pourra de toute façon pas lutter ni même s’enfuir, elle reprend donc sa marche pour gommer la distance entre eux, après quelques pas à peine. “A la tombée de la nuit en plus, c’est un cliché gothique.” Ne manquerait plus que le temps vire à l’averse parce qu’ils sont tristes - allons bon, c’était un secret de polichinelle, autant le dire. “T’as maigri, Alfie.” Joseph aussi maigrissait rapidement, dans ses pires périodes à côtoyer des produits bien trop mauvais pour lui. Pour l’heure, elle se contente encore de lui énoncer son observation sans parler de la conclusion allant avec. Entre eux, ils n’ont pas besoin de prononcer tous les mots pour se comprendre. Au son de sa voix, il aura rapidement compris qu’elle est bien trop fatiguée pour se battre contre lui ou même lui faire une quelconque leçon de morale.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyVen 18 Juin 2021 - 0:13

La pénombre ne l’empêche pas de chercher le regard clair de Lily dans l’espoir d’accrocher ses prunelles aux siennes. Il l’a souvent cherché, son regard, souvent pour les mêmes raisons. Par désir de s’assurer qu’elle détourne le sien, signe évident de la supériorité qu’il a toujours prôné sur elle, qu’il a toujours voulu avoir sur elle. Pour la voir les lever au ciel, parfois, dans une preuve de l’agacement qu’il lui cause plus que de raison et qui ne fait qu’accentuer sa satisfaction. Pour les voir se mouiller, parfois à cause de lui, parfois par simple hasard de circonstances qui veut qu’il soit le témoin d’une faiblesse à laquelle il apprécie d’assister au point d’en être probablement sadique, dans sa volonté de démontrer que la parfaite Lily Keegan ne l’est pas autant qu’elle aime le clamer. À quelques rares occasions, c’est le meilleur moyen de verbaliser ce qui ne peut pas être dit, de plonger ses iris dans les siennes parce qu’elle a toujours su lire en lui comme dans un livre même s’il a toujours insisté sur le contraire. Elle ne cesse de s’exaspérer face à l’incompréhension qu’il anime en elle ; pourtant elle le connaît mieux que personne. Elle le connaît suffisamment pour rester silencieuse, pour comprendre que ce regard qui s’accroche au sien ne vise aucune des volontés précédemment énoncées et, au contraire, il installe une dynamique qu’ils n’ont pas connue depuis de nombreuses années. Ce n’est en effet pas la première fois, en y réfléchissant, mais il ne lui avait pas laissé l’occasion d’apprécier cela par le passé, quand il avait préféré disparaître de sa vie plutôt que de faire face à des leçons de morales quant aux travers le rongeant qu’elle connaissait que trop bien pour les avoir aperçu chez son propre frère. Aujourd’hui, pourtant, il ne détourne pas les yeux, il se refuse à sortir de sa vie comme il le devrait alors que tout en elle lui rappelle ce qu’il a perdu. Elle a évoquée Juliana lors de leur dernière rencontre, se moquant presque de la manière dont il n’était définitivement pas un petit ami adéquat. Elle lui a révélé la vérité sur cette agression qui était restée floue bien trop longtemps et qui a, depuis, remis bien trop de choses en perspectives. Elle lui rappelle une insouciance qu’il prône n’avoir jamais perdue et qui pourtant est restée dans le passé avec une adolescence qu’ils ont partagée ensemble, quand tout était pire, quand tout était meilleur, aussi. Elle lui rappelle tout le parcours qu’il a fait, mais aussi tout le gâchis dont il se rend désormais coupable. Elle lui rappelle à quel point il n’arrive pas à faire dans la demi-mesure et les sentiments contradictoires qu’elle a toujours animé en lui ; aujourd’hui ne faisant pas exception à la règle. Il la déteste d’être là, face à lui. Il anticipe toutes les réflexions dont elle pourrait le gratifier, autant que le jugement et la déception qu’il serait susceptible d’entendre dans sa voix, de lire dans ses yeux. Il la remercie d’être là, d’être cette constante à laquelle il ne devrait probablement pas s’accrocher, d’être la seule qui peut le comprendre sans même qu’il n’ouvre les yeux. Et les siens, cette fois-ci, s’accrochent à ceux de Lily en un mélange de désespoir et de supplication ; reste, s’il te plaît, alors même qu’elle n’a pas formulé le désir de s’en aller. Il anticipe. Il anticipe toujours avec elle, autant qu’il ne voit jamais rien venir. Il n’avait certainement pas vu venir qu’elle serait celle dont il a le plus besoin ce soir.

“C’est ici que tu viens pour enterrer tes victimes ?” « Ou pour les déterrer. » Il rétorque, sans l’ombre d’un sourire, sans l’ombre d’un regard moqueur ou d’une ironie dans la voix. Il n’y a plus grand-chose dans le compartiment des émotions qu’il s’autorise, anesthésiées volontairement par ses soins. Il était supposé se sentir mieux ; ce n’est pas le cas. Ce n’est pas pour autant qu’il parvient à s’arrêter, ce n’est pas pour autant qu’il veut s’arrêter. Il a raison, dans le fond. Il a déterré quelque chose, ses victimes ou ses péchés, il ne sait plus vraiment. “A la tombée de la nuit en plus, c’est un cliché gothique.” « Un cliché que tu partages. » Elle est là aussi, Lily, à la tombée de la nuit, à l’écart de la ville, le pas lent et le regard vague. Il n’a pas besoin d’avoir son visage à quelques centimètres du sien pour le voir, parce qu’il ressent ces choses-là autant qu’elle doit probablement les ressentir le concernant. Ils passent leur temps à s’envoyer des attaques à la figure autant qu’à se complimenter à demi-mot qu’ils en oublient l’essentiel : c’est dans le silence qu’ils se comprennent le mieux, puisqu’ils n’ont jamais su communiquer. “T’as maigri, Alfie.” Elle est longue, la liste des arguments qu’il aurait balancés dans d’autres circonstances pour lui enlever cette idée de la tête. Elle est mince, l’énergie qu’il possède ce soir pour cela. « T’as l’air triste, Lily. » À une évidence, il répond par une autre. Il y a beaucoup de choses à dire, il y a bien d’autres à ne pas évoquer, il y a un silence à préserver, il y a une attitude à adopter ; le problème, c’est qu’il ne sait pas laquelle et, pour une fois, il ne veut pas être l’investigateur de quoi que ce soit, et certainement pas de la confession de sa propre tristesse.

@Lily McGrath :l:
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMar 22 Juin 2021 - 19:24

Il a répondu à toutes les remarques de Lily. Quand bien même ‘toutes’ est un terme trompeur puisqu’elle n’en a en réalité proféré que quelques-unes, cela reste sûrement une bonne nouvelle. Cela devrait signifier qu’il ne va pas si mal qu’il en a l’air s’il a toujours la force d’oser un peu d’humour noir, même sans sourire, même sans remarque acerbe à la suite. Elle l’a connu bien plus tranchant et vigoureux mais si elle ne cherche pas à ce qu’il lui fasse aussi mal qu’il a pu le faire par le passé, elle serait pourtant prête à endurer une certaine douleur si cela pouvait dans le même temps la rassurer à propos de son état. Ce soir, elle doute que cela puisse aider à quoi que ce soit, raison pour laquelle elle se garde bien de lui montrer plus de faiblesse qu’elle n’arrive déjà plus à cacher. Il n’a de toute façon jamais eu besoin de son aide pour trouver ses failles, s’y engouffrer, et la faire souffrir bien plus que quiconque en ce monde. C’est bien pour autant de raisons qu’elle a passé une vie à le détester, sans pour autant ne jamais être capable de se détacher de lui, ni même réellement le vouloir. Dans son crâne résonne le bruissement de ses dents entre elles. Lily a prononcé une première phrase puis une seconde et la voilà qui n’avait déjà plus rien à lui dire, encore moins de choses à lui reprocher. Si Lily a une morale bien à elle, la brune serait pourtant bien incapable de frapper un Alfie déjà au sol - si ce n’était qu’un vulgaire inconnu, elle n’aurait pas hésité un seul instant. Il aura sûrement bien trop d’ego pour l’avouer mais c’est l’image qu’il renvoie en cet instant, quand bien même elle ne le discerne qu’à peine dans la pénombre des marais. Si sa voix ne s’élève pas pour se moquer d’elle, cela signifie qu’il ne va pas bien. Voyez ceci comme une règle générale, universelle.

Elle fait une remarque, il a donc le droit à la sienne ensuite. Si avant il aurait profité d’une remarque de la plus jeune pour en proférer tout un flot à la suite, ce n’est qu’une preuve de plus que ce soir tout est différent. « T’as l’air triste, Lily. » La Lily triste reste silencieuse. Elle ne s’insurge pas, ne lève pas les bras ou les yeux au ciel, ne lui fait pas tous les reproches du monde. Elle ne tente pas de lui prouver le contraire, de lui faire comprendre qu’il a sûrement l’air plus triste qu’elle en cet instant et que de toute façon, il dit toujours n’importe quoi et ne la comprend absolument pas. Elle n’a pas la force de faire quoi que ce soit dans le genre, surtout pas alors qu’il ne fait que statuer une vérité qui dérange. Ce n’est pas qu’un air, il le sait tout autant qu’elle mais a eu la politesse de ne pas l’attaquer de front. Si en temps normal elle aurait trouvé cette idée louche et bizarre au point de le mitrailler de questions en retour, cela ne fait que s’ajouter à la longue liste de tout ce qu’elle ne fera pas, faute de force et d’envie. “Je peux te prendre dans mes bras ?” Sa voix est tremblante, elle ne s’était jusque-là pas rendue compte de sa fragilité flagrante. Sa gorge la brûle et sa vision se trouble, la faisant se détester d’avoir la même réaction qu’une gamine face à la moindre contrariété. Finalement, craignant bien trop que la réponse puisse être négative, Lily ne veut pas lui laisser le temps de parler. Elle fait déjà quelques pas en sa direction, ses poings refermés maintenant qu’elle ne sait plus quoi faire de son corps qu’elle trouve soudainement trop grand. Ils ne se relâchent que pour se poser en premier lieu sur ses épaules avant d’oser se placer dans son dos, entre ses omoplates, de longues secondes plus tard, apeurée à l’idée de lui faire mal, quand bien même ses cicatrices sont presque aussi vieilles qu’elle désormais. Son front trouve refuge entre ses clavicules, elle oublie comment respirer durant quelques secondes pour cause de mâchoires trop serrées, lesquelles sont trop occupées à tenter de ne pas laisser aller des émotions qui n’ont pas lieues d’être. Elle ne sait même pas la dernière fois qu’elle l’a pris dans ses bras - et pour être honnête, elle ne sait pas si elle l’a déjà fait un jour et si tout n’était pas seulement dans ses rêves.

Maintenant sa poitrine se soulève bien trop rapidement pour que ce puisse être un bon signe mais ce n’est plus la priorité. “Est-ce que je dois m’inquiéter ?” qu’elle ose enfin demander, son visage toujours niché contre son torse. Elle refuse de lui laisser la moindre occasion de la repousser : il n’a de toute façon jamais eu besoin d’elle pour une telle chose et si c’est réellement ce qu’il veut alors il le ferra. Cela n’aura rien d’une nouveauté, elle a appris à tomber avec le temps. Pour ce qu’il en est de savoir comment se relever, la Keegan tente toujours d’apprendre, espérant que ce soir n’a rien d’un entraînement surprise. Leur discussion à l’hôpital semble bien lointaine, c’est à l’Alfie de leur enfance qu’elle a envie de parler, celui qui a montré une once d’humanité lorsque Joseph est parti et qu’il n’est plus resté qu’elle. Il a rapidement su se remettre de cet événement alors que cela n’a jamais été son cas : preuve en est qu’elle s’y raccroche encore en cet instant.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyDim 4 Juil 2021 - 17:27

Elle n’a pas seulement l’air triste, Lily, elle est triste. Il a entendu sa voix hésitante, il a perçu ses moqueries sans saveur, il a constaté ses gestes sans vigueur ; tout le contraire du traitement qu’elle lui aurait offert dans d’autres circonstances. Il ne peut la blâmer, le traitement qu’il lui offre à cet instant, silencieux, dénote également avec celui auquel elle a le droit d’ordinaire, bruyant et écrasant. C’est dans le silence qu’ils en disent le plus et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Il pourrait y avoir des larmes, il pourrait y avoir du sang, il pourrait y avoir des dizaines d’éléments à charge pour accentuer leur désespoir respectif, mais rien n’est plus parlant que le silence entre eux, qui n’a jamais su s’installer en vingt ans de fréquentation. Jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce que les soupirs las et les regards mouillés parlent pour eux. Elle est triste, Lily et elle ne fait même pas l’effort de lui convaincre du contraire. Elle lui laisse le dernier mot, signe, s’il en fallait encore un, qui s’ajoute aux nombreux autres. Elle est triste et s’il s’est souvent rendu coupable d’en être à l’origine par son rejet ou ses mots durs, ce soir il se sait innocent. Par conséquent, il ne devrait pas s’en soucier et pourtant, il n’arrête pas de s’interroger. Il t’est arrivé quoi, à toi, Lily ? Ses yeux ne cessent de chercher les siens malgré la pénombre qui rend la tâche difficile – peu importe, ce n’est pas tant ses prunelles qu’il a besoin de croiser que sa seule silhouette qu’il distingue malgré tout et qui s’est finalement toujours voulue rassurante, même lorsqu’il la détestait de tout son être – l’a-t-il déjà détestée, dans le fond ? Même dans les moments où il se surprenait à vouloir du mal à sa silhouette, sans jamais oser l’atteindre, elle se voulait rassurante : parce qu’elle était là, près de lui, quand tant d’autres avaient disparu. Le constat est le même aujourd’hui, alors qu’autour de lui il ne reste plus que les regrets et le sentiment d’avoir tout gâché. Une certaine honte, s’il faut mettre des mots dessus, difficile à accepter par le simple fait que c’est un sentiment qu’il s’est toujours interdit. Alfie Maslow n’a honte de rien ; surtout pas de lui-même. À cet instant, pourtant, Alfie Maslow se déteste plus que tous les détracteurs qu’il a connu au cours de sa vie, Lily la première ; mais il se déteste encore plus qu’elle ne peut le faire, car même dans la haine il ne peut lui concéder la victoire.

“Je peux te prendre dans mes bras ?” Et même dans l’amour (ou ce qui y ressemble les concernant), il ne sait pas s’il souhaite lui donner l’avantage. La réponse la plus évidente prendrait la forme d’un non ferme et affirmé ; suivie d’une moquerie visant à souligner qu’elle ne doit pas prendre ses rêves (désirs) pour une réalité. La réponse la plus évidente prendrait la forme d’un oui timide et sincère ; suivie d’un remerciement silencieux visant à montrer sa gratitude quant à sa demande. Pourtant, à cet instant, Alfie demeure muet : aucun son ne s’échappe d’entre ses lèvres alors que son cœur tambourinant dans sa cage donne pourtant la réponse toute indiquée à cette question. Oui. Oui, il voudrait qu’elle le prenne dans ses bras ; non, il ne lui fera pas l’honneur de le verbaliser – cette histoire de jeu qu’il ne veut pas perdre, toujours, même dans les actes anodins, même dans les moments les moins opportuns. Alors lorsqu’elle fait les quelques pas qui les séparent, lorsqu’elle lui interdit de refuser en ne lui donnant pas la possibilité de réellement réagir, c’est la gratitude qui prime sur tout le reste. Il n’a pas eu à lui concéder la victoire et il a obtenu ce qu’il voulait. Il n’aurait pas pensé que cela prendrait la forme d’une étreinte avec Lily – il s’en serait même moqué si on lui l’avait dit. Mais lorsque ses mains viennent se glisser contre son dos, lorsque sa tête se loge contre son cou, il réalise que c’est très exactement ce qu’il veut et, pire (mieux ?) encore, exactement ce dont il a besoin. Une étreinte qui ne vise pas à traduire de sa pitié quant à son état, ni une affection temporaire et biaisée due à sa solitude. C’est un geste sincère, nécessaire et finalement il ne sait pas exactement lequel d’entre eux en a le plus besoin, raison pour laquelle il tente d’égaliser cette tendresse en glissant à son tour sa main contre sa silhouette, son bras l’entourant tandis que ses doigts viennent doucement presser son épaule. Il devrait la repousser, il ne devrait pas lui donner cet avantage ; mais l’espace d’un instant, d’une minute, Alfie baisse les armes pour sentir le parfum de Lily et venir poser son menton contre le sommet de son crâne. Il veut se convaincre que le simple fait d’avoir besoin d’une telle étreinte aurait pu faire du destinateur de ce geste n’importe qui – la vérité est que ça n’aurait pu être personne d’autre qu’elle.

“Est-ce que je dois m’inquiéter ?” La question est mal formulée, alors elle n’aura pas de réponse immédiate. Parce qu’il ne s’agit pas de savoir si elle doit s’inquiéter, mais s’il doit s’inquiéter. Et la réponse est oui. Oui, il devrait être préoccupé par ses agissements qu’il ne connaît que trop bien et qui sont la porte ouverte à toutes les dérives. Non, il ne s’inquiète pas, parce qu’il est persuadé qu’il n’y a pas matière à l’être. Ce n’est pas qu’il ferme les yeux sur sa situation – il a très bien conscience d’avoir rechuté et peine malgré tout à l’accepter. Mais dans les faits, à cet instant, dans sa vie, la réponse est évidente : non, il n’est pas inquiet. Il n’est pas inquiet parce qu’il se considère capable de reprendre le dessus et, surtout, il n’est pas inquiet parce que ça lui fait du bien. Il en a besoin ; alors rien n’a d’importance et surtout pas des préoccupations qui, au final, ont contribué à sa situation. « Non. » Et pourtant, il le regrette déjà, ce mot, à peine verbalisé. Il le regrette sans réellement savoir pour quelle raison. Parce qu’elle va fuir, comme tous les autres ? Non, Lily revient toujours. Parce qu’il aurait voulu être honnête pour une fois dans sa vie et admettre ses faiblesses ? Parce qu’il reconnaît enfin qu’il a besoin de parler de ces agressions aux conséquences désastreuses au quotidien, qu’il le sait, mais qu’il ne sait pas du tout comment s’y prendre et encore moins face à elle ? « Je ne sais pas. » C’est moins direct qu’un oui difficile à assumer, ça ouvre une brèche sans lui donner l’avantage, ça lui permet de garder un avantage alors qu’il se sent flancher et le céder à Lily. Cette simple franchise est déjà une bataille de perdue ; mais une de celles qu’il accepte de concéder. « Est-ce que je dois m’inquiéter ? » Il ne fait que répéter ses phrases, Alfie, mais au moins, il ne pique pas. Au contraire, c’est dans cette répétition qu’il démontre de toute sa sincérité et, surtout, de son inquiétude. Vis-à-vis de sa situation qu’il ignore encore, mais surtout dans cet avantage qu’il lui donne – est-ce qu’elle en fera de même ? Est-ce qu’elle les mettra sur un pied d’égalité suffisant pour qu’il accepte qu’elle s’immisce un peu plus dans cette fissure qu’il lui offre, alors même qu’elle a toujours su se glisser dans toutes celles qu’il a connues, même quand elle était une indésirable parmi ses peines ?

@Lily McGrath :l:
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMar 6 Juil 2021 - 22:32

Si les mains d’Alfie devaient à nouveau se retrouver posées contre son dos, elle a toujours pensé que cela aurait été à cause du couteau qu’il y aurait planté, lequel refuserait sans doute de se défaire de son corps ensuite, au point où il devrait s’y prendre à deux mains. A vrai dire, n’importe quelle hypothèse aurait été bien plus probable que la réalité dans laquelle il le fait avec une douceur inégalée et une attention qu’elle avait tôt fait de ne plus lui associer, le tout pour lui rendre son étreinte. Elle aurait tout aussi peu cru qu’elle puisse un jour lui formuler une question aussi claire, sincère et inquiète et attendre une réponse honnête de sa part. Ils ont passé plus de trente années à suivre le chemin inverse, elle ne s’était jamais imaginée qu’ils reviendraient dessus. Si elle sait quelles sont les raisons qui amènent son propre coeur à devenir aussi spongieux en cet instant, Lily redoute celles qui pourraient animer Alfie en cet instant, raison pour laquelle elle en vient à lui demander si elle doit s’inquiéter pour lui. Elle a mis un point d’honneur à diriger sa vie d’une main de maître, cela lui semble improbable de le laisser sombrer sans qu’elle n’agisse en retour. Il fait partie de sa vie, qu’il le veuille ou non, et son sort lui importe tout autant que le sien propre. « Non. » Contre sa clavicule, elle ne trouve même pas la force d’expirer un peu plus fort. Non n’a rien d’une bonne réponse puisqu’elle n’a rien d’honnête. Le Alfie qu’elle connaît n’aurait jamais réagi de la sorte et elle cherche à savoir ce qu’on lui a fait pour le briser à ce point, jusqu’à ce qu’il en vienne à ployer sous la force de Dieu seul sait quoi. Puisqu’il s’agit bien de cela, en cet instant : il fait preuve de faiblesse, et cela n’a rien d’habituel. Il gagne toujours tout, tout le temps, agissant selon ses propres règles et envies. « Je ne sais pas. » Et enfin, elle se rend compte que cet aveu lui brise le cœur et qu’elle aurait lâchement préféré ne jamais avoir à l’entendre. Il sait tout sur tout, tout le temps. Il ne doute de rien, surtout pas de sa supériorité, encore moins de son invincibilité. Même auprès de Joseph, il ne se serait jamais risqué à de tels aveux et elle ne sait même plus si elle est effrayée qu’il tienne de tels propos face à telle, ou touchée. Avec Alfie, tout est toujours question de paradoxes, et la plus jeune en vient finalement à serrer davantage encore le tissu de son habit, déterminée à ne pas le laisser s’enfuir dès qu’il jugera qu’elle commence déjà à l’ennuyer à nouveau. “Alors ça veut dire oui.” C’est en tout cas la conclusion à laquelle elle en vient bien malgré elle, en venant naturellement à s’inquiéter pour le Maslow alors qu’il ne lui donne aucune raison d’agir autrement. Ses mots ne portent aucun reproche, aucune empathie non plus. Il détesterait qu’elle en ait à son égard, c’est certain.

Tout boomerang est supposé revenir à son emplacement initial, mais Lily a été incapable de prévoir la réponse à lui donner. « Est-ce que je dois m’inquiéter ? » Si elle juge qu’il serait temps pour elle de lui rendre un semblant de liberté, la jeune femme refuse de le faire au moment de lui donner une réponse. Il verrait toutes les émotions qui l’animent au creux de son regard et c’est une chose qu’elle lui refuse. Lily n’a donc d’autres choix que de poser des mots sur les maux, à son tour. L’épreuve est inédite mais bien moins douloureuse que ce qui l’anime (ou la tue) au fond de son cœur. "Ça n'y changerait rien.” Les faits, toujours. Elle a appris auprès des deux garçons à ne pas donner trop d’importance aux sentiments, lesquels ils avaient tôt fait de venir piétiner tout en y ajoutant leurs horribles rires. Lorsqu’elle daigne enfin enlever son bras du dos d’Alfie, elle se rend compte d’à quel point le tissu est brûlant plutôt qu’attaqué par la fraîcheur de la nuit. Elle aussi, elle est brûlante, son cœur tambourinant plus que jamais dans sa poitrine du fait de l’aspect inédit de leur discussion, faite de quelques mots à peine. Tous deux savent que ces mots marquent un point de non retour et un changement certain dans leur relation, tout comme ils savent que ce qui sera dit ce soir ne sera jamais répété ailleurs. "T’essayes même pas de me peloter, moi c’est ça qui m’inquiète.” Lily est pragmatique derrière sa fausse blague. Elle sait qu’il serait tout aussi difficile pour lui que pour elle de tenter de s’ouvrir à l’autre. Certains mots tournent dans son esprit mais elle ne leur trouve aucun ordre logique, tout du moins certainement pas assez pour les prononcer à haute voix. N’ayant pas esquissé le moindre pas en arrière, ses bras ont au moins retrouvé place le long de son corps, ses yeux non loin de ceux du brun. Il y trouvera un sourire en coin supposé rendre sa blague plus vivante ; un échec cuisant. "J’ai vraiment pas la force de te menacer toi et ta descendance sur cinq générations si jamais t’es en train de jouer un jeu, là.” Ce qui n’est pas le cas, et Lily n’en doute pas un seul instant, éternellement occupée à gagner un temps qu’elle estime lui être compté. Elle pourrait se confier à lui comme le font des amis entre eux, mais ils n’ont justement jamais été une telle chose. Il y a eu bien des étapes, bien des mots à poser sur eux mais celui d’ami a toujours été erroné. "Je m’inquiète pas. J’ai peur.” Pour lui autant que pour elle-même. Tout est effrayant, tant dans leur discussion que dans l’endroit même où elle a lieu, que le simple fait de le lui avouer et ainsi se mettre en danger une fois de plus.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyLun 19 Juil 2021 - 21:58

Il voudrait croire qu’il a l’avantage, Alfie. Que la demande de Lily, qu’on pourrait prendre pour une supplication, est un aveu de faiblesse de la jeune femme. Pourtant, le seul aveu de faiblesse à dénoter est le sien, alors qu’il ne s’oppose pas, qu’il ne râle pas ; qu’il ne dit rien, Alfie et c’est suffisamment surprenant pour être compris comme une bataille qu’il vient de céder à l’adversaire. Mais ce soir Lily n’a rien de l’ennemi à abattre et tout de l’alliée qu’il a besoin à ses côtés, sans même savoir pour quelle raison. Probablement parce qu’il s’agit d’une évidence, c’est tout. Qu’à cet instant, où il marche en équilibre sur un fil à hésiter entre se laisser tomber dans les enfers ou demander de l’aide pour se sortir de cette situation délicate, la seule personne qui est susceptible de lui offrir des réponses est Lily. La seule dont il accepte les réponses aussi, au détriment de celle dont il a longtemps cherché l’approbation et l’amour. Jules n’est plus là, mais surtout Jules ne sait rien de lui, dans le fond, contrairement à Lily. Lily qui lit en lui comme dans un livre ouvert malgré son assistance à prétendre le contraire, Lily qui a besoin de cette étreinte et qui pourtant lui offre le plus beau des cadeaux sans le savoir, ou peut-être que oui, mais en ayant la décence de ne pas le verbaliser et de ne pas l’humilier davantage alors que ses mains caressent son dos et s’agrippent à elle. Finalement, elle prend le rôle qu’elle a toujours eu et qu’il n’a jamais osé admettre ; elle est sa bouée de sauvetage. Et il se noie, Alfie. Il se noie depuis des semaines, des mois et il ne fait rien pour remonter à la surface. Il n’en fera pas plus à l’issue de cette discussion, car il a toujours raison et il a raison de croire que sa situation n’est pas problématique. Mais, l’espace d’un instant, il parvient à respirer à nouveau, le temps d’une étreinte qu’il voudrait détester et qui, pourtant, le sauve. Ce n’est pas qu’une étreinte, ce n’est pas qu’un geste anodin, c’est un message à la portée importante et symbolique, qu’ils connaissent tous les deux bien qu’ils le taisent. C’est toujours ainsi entre eux et cette étreinte, de la manière dont elle a demandé à la manière dont elle a été approuvée, en dit beaucoup alors que leurs lèvres restent closes pendant de longs instants, jusqu’à ce qu’il daigne répondre à sa question, avec toute la sincérité dont il est capable. Une sincérité à laquelle elle n’a pas souvent (jamais ?) eu accès avant aujourd’hui, une sincérité qui démontre de la manière dont ses barrières peinent de plus en plus à tenir debout. S’il y a quelqu’un qui doit entendre ce qu’il pense, le premier doute qu’il formule depuis des années, la première bribe d’incertitude qu’il laisse entrevoir, ça ne peut être qu’elle. Car elle saura l’écouter autant qu’elle saura s’en servir à son encontre ; et c’est ce qu’il désire. Qu’elle conserve ce secret quand elle le souhaite, mais qu’elle en fasse aussi usage contre lui dès que l’occasion se présentera. Il n’aime pas être préservé, Alfie, il aime être blessé, il aime se blesser et aujourd’hui, il vient de glisser une arme puissante dans des mains aussi imprévisibles que celles de Lily. Et il adore ça. “Alors ça veut dire oui.” « Ça veut dire qu’il n’y a pas de problème. » Il ajoute rapidement. Qu’elle s’inquiète, qu’il s’inquiète, que d’autres s’interrogent sur son état n’a aucune importance tant que la finalité est la même : ce n’est pas un problème. Être inquiet, avoir conscience de ce qu’il s’inflige n’implique pas de mettre un terme à tout ça tant la satisfaction est plus importante que les risques ; en ce sens Alfie précise très vite que la même inquiétude qu’elle doit ressentir n’a finalement aucune raison d’avoir lieu puisqu’il va bien. Ou plutôt, il va mal, mais il le vit très bien. Vraiment ?

Le jeu connaît les mêmes étapes dans l’adversité autant que la sympathie ; et si d’ordinaire il s’agit de piquer avec la même colère que l’autre, aujourd’hui il s’agit de se montrer tout aussi bienveillant en posant les questions qui fâchent, la question qui fâche. Doit-il s’inquiéter à son tour ? "Ça n'y changerait rien.” Elle a raison. Ça n’y changerait rien. Pour elle, pour lui-aussi : elle a conscience qu’il peut être le plus délicat des individus un soir et être le plus imbuvable le lendemain. Que l’accalmie qu’il concède ce soir ne traduit rien de l’attitude qu’il aura par la suite. Alors, c’est vrai, ça n’y changerait rien. Et pourtant, pour un soir, ça changerait probablement tout. Ça change déjà le regard qu’il pose sur elle, qui ne sera jamais teinté de pitié, mais où la provocation a fait place à de la compréhension. Lorsqu’elle prend ses distances, il empêche sa main de la retenir, de ne pas être tenu en échec plus qu’elle n’est déjà parvenue à le réduire ; mais cette étreinte, bon sang, elle était aussi essentielle qu’elle était trop courte. "T’essayes même pas de me peloter, moi c’est ça qui m’inquiète.” Un sourire automatique gagne ses lèvres, mais le cœur n’y est pas. Il n’a pas envie de laisser balader ses mains sur son corps, mais dans la continuité de sa faiblesse, ses yeux se posent sur des lèvres qu’il se surprend à vouloir voler pour accentuer le moment éphémère qu’ils vivent. Il ne se reproduira pas de sitôt, il ne se reproduira probablement jamais et quitte à bouleverser tout ce qu’ils ont connu toutes ces années, à se laisser aller à des pulsions d’affection et de confidence, la continuité ne le choque pas et il l’envie même, pensée qui restera prisonnière de son esprit sans jamais qu’elle ne soit tenue au courant de cette manière dont il baisse les armes, de cette manière dont il accepte de faire d’elle la spectatrice de sa faiblesse autant que la raison de celle-ci. « Ça peut s’arranger. » Il glisse, un faux rire aux lèvres, une voix à peine audible, une blague qui n’a aucune saveur parce qu’il n’est pas sérieux et n’a aucune envie d’arranger la situation en question ; sa main reste à sa place, son visage ne s’approche pas. Bien qu’il s’agisse de faire qu’un avec elle ce soir qui l’intéresse, ce n’est pas en la pelotant qu’il y arrivera, ce n’est pas ainsi qu’il voit les choses. Ils ont toujours été un tout et aujourd’hui plus que jamais, il a besoin de la sentir proche de lui, sans qu’aucun contact ne soit initié. Il veut juste qu’elle soit là malgré la façon dont il la repoussera toujours par fierté. "J’ai vraiment pas la force de te menacer toi et ta descendance sur cinq générations si jamais t’es en train de jouer un jeu, là.” Il aurait dû s’énerver, il aurait dû saisir cette opportunité pour lui offrir ce qu’elle désire (ou craint) et ce jeu qu’ils ont pourtant mis sur pause. Mais il ne veut pas le relancer, Alfie, au contraire, il veut le préserver tant qu’il le peut. Il veut le préserver car, pour la première fois depuis des mois, il n’a pas eu à céder aux comprimés ni à l’appel d’une seringue pour bénéficier d’une accalmie, Lily lui l’offre malgré elle et pour rien au monde il ne voudrait bouleverser cet équilibre temporaire. « Je ne joue pas. » Qu’il lui assure, sa voix faible et son regard fuyant qui accentuent sa sincérité. Oh, même dans ses émotions et ses expressions, il pourrait jouer, Alfie, mais ce n’est pas le cas à cet instant. Ses yeux qui brillent ne sont pas le résultat du reflet de la lune dans ses prunelles, mais d’un état de faiblesse qu’il contient avec de plus en plus de difficultés. "Je m’inquiète pas. J’ai peur.” Tu devrais, Lily. Et moi aussi. Peur de ce qu’ils sont devenus, peur de ce simple soir qui peut tout changer. Peur des confidences qu’ils se font autant que des comportements qu’ils se permettent sans oublier les conséquences qui en découleront. Il aurait pu lui répondre qu’avoir peur est ce qui les rend vivants, ou une connerie du genre qui se veut philosophique, mais qui est néanmoins cohérente. C’est dans la peur et le danger qu’il vit, c’est ce qu’il a essayé d’inculquer à Lily. C’est ce qu’ils devraient ressentir, tous les deux, ce soir, parce que tout semble leur hurler de fuir au lieu de s’enfoncer dans le piège tendu par l’autre. Mais ce soir tout est différent, n’est-ce pas ? « Pas ce soir. » Qu’il verbalise alors, signe que les choses sont différentes pendant quelques heures. Il ne lui enlève pas le droit d’avoir peur, mais il repousse celui où ce serait un problème. Sa bouche s’entrouvre, prête à la confidence pour lui montrer sa bonne foi. Mais aucun son ne sort d’entre ses lèvres, dans cette hésitation continue avec la jeune femme. Il peut tout lui dire et rien à la fois ; il ne sait jamais ce qu’il peut se permettre et ce dont il doit s’empêcher. Il ne sait pas se montrer sincère et alors qu’il n’a aucune envie d’être hypocrite. Il y a tant de choses à dire et pourtant seul l’essentiel finit par être verbalisé à voix haute. « Tu me laisses pas, Lily. Tu me laisses pas. » Pas comme tous les autres. C’est une question, c’est un ordre. C’est pour ce soir, c’est pour les autres jours. C’est un avertissement, c’est une supplication. C’est la vérité la plus pure, c’est sa faiblesse exposée, ce sont ses yeux qui brillent et son esprit qui se fragmente. C’est tout et rien à la fois, c’est le bonheur artificiel retrouvé et la perte de contrôle qui va avec, c’est la sérénité et, finalement, il a menti ; c’est aussi et surtout la peur.  

@Lily McGrath  (alfly) if we can make it through another day 1949770018
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMer 21 Juil 2021 - 1:52

Le temps s’écoule plus doucement que jamais, dans la mangrove. Si elle ne fronçait pas autant les sourcils en se préparant ainsi des rides avant l’heure, cela pourrait être le secret de la jeunesse éternelle. Chaque parole est pesée durant de longues secondes et tout est bien pire encore lorsqu’il s’agit de bouger le moindre membre. « Ça veut dire qu’il n’y a pas de problème. » Non, bien sûr. Il n’y a pas de problème et il n’y a rien de plus normal pour eux que de s’enlacer, parce que c’est ainsi qu’agissent les amis qui se connaissent depuis toujours et n’ont pas laissé les années ni la distance les séparer. Il n’y aurait rien de plus logique que cela, pas vrai ? Il n’y a rien d’anormal dans une simple accolade ni même une tristesse passagère ; et ils seront là l’un pour l’autre parce que c’est ainsi que se comportent les personnes qui tiennent à leurs semblables. Ils proposent un écran de fumée au reste du monde mais suffoquent dans les bras l’un de l’autre. Lily a pourtant bien du mal à se défaire de son étreinte et, déjà, elle ne rêve que de retrouver une place, littéralement contre son cœur.

À une blague de peu de force, Alfie répond dans le même élan. « Ça peut s’arranger. » Elle aurait pu s’offusquer, l’insulter, colorer sa joue de rouge, lui hurler de s’en aller et de ne plus jamais lui reparler. Elle aurait pu faire bien des choses, Lily, et dans un autre contexte nul doute qu’elle aurait choisi au moins l’une de ces options. Dans le cas présent, pourtant, c’est un sourire sans saveur qu’elle lui offre, répondant ainsi parfaitement au sien. Ils essayent de reprendre la partie là où ils l’avaient mise en pause mais le cœur n’y est pas. Elle s’en assure une dernière fois de menaces à peine voilées, auxquelles il répond sans douter. « Je ne joue pas. » La jeune femme voudrait le remercier d’agir ainsi, mais elle n’a pas la force de vanter l’instant présent et encore moins la suite d’événements qui a pu avoir sur lui de telles conséquences. Il a toujours été un roc, Alfie, et elle craint déjà d’apprendre ce qui a pu l’ébranler à ce point. D’habitude, lui seul peut se faire autant de mal, et il ne manque jamais de le faire. “Tant mieux.” est la seule réponse qu’elle a à apporter à toute la situation, ses mots s’élevant à peine tant elle craint qu’ils aient des conséquences inattendues. Tant mieux, parce qu’ainsi au moins il n’aura pas la force de se moquer d’elle, la Lily qui ne cesse de trébucher et ne sait même plus cacher ses genoux écorchés au fil des ans.

Sans savoir comment lui expliquer son état d’esprit au complet, l’infirmière commence au moins par le sentiment dominant en elle : la peur. Elle a peur pour elle, pour Matt, pour Alfie, pour son mariage et pour la vie de famille qui ne cesse d’être repoussée à un plus tard toujours plus lointain. « Pas ce soir. » Si seulement ses pensées pouvaient s’accorder avec les mots de l’australien. Si seulement elle pouvait se dire ‘oh non, oui, d’accord, tu as raison’ et arrêter d’avoir peur simplement parce qu’il le lui demande. Elle aimerait que cela puisse être aussi simple et si tel était le cas, elle ferait appel à ses mots miraculeux bien plus régulièrement. A défaut que cela n’existe réellement, Lily a un sourire triste et ses yeux fuient à son tour une scène qu’elle juge pathétique. Même en engageant tous les efforts qui soient, ils ne sont toujours pas capables de vérité, en démontrent les lèvres d’Alfie qui s’articulent brièvement pour mieux se refermer, de façon catégorique et irrémédiable. « Tu me laisses pas, Lily. Tu me laisses pas. » Jamais. Elle ne le veut pas, elle ne le fera encore moins, peu importe à quel point elle garde pour elle des sentiments partagés. Où était cet Alfie, toutes les fois où elle le suppliait de ses grands yeux bleus d’être à ses côtés, de simplement rester là sans même avoir à parler ou la réconforter ? Sa présence seule avait déjà bien des vertus, mais elle n’a jamais pu en profiter longtemps avant d’en être à nouveau arrachée. “C’est toujours toi qui me laisse.” Le reproche n’a aucune force, elle est aussi triste qu’il peut l’être. Lily ne cherche pas à se battre avec lui, surtout pas ce soir, mais elle ne peut pas le laisser croire qu’elle voudrait le laisser, un jour. Il fuit la ville, il fuit le pays, il fuit la chambre qu’ils n’ont partagé que quelques minutes. Il fuit l’église, aussi. Il fuit même sa famille. A chaque fois, pourtant, elle n’a de hâte que de le retrouver, tant pour lui coller une droite et lui reprocher son haleine autant que sa barbe de trois jours que pour être rassurée de l’avoir à nouveau sous ses yeux, à ses côtés. “Je te laisse pas.” D’une voix plus déterminée, Lily le lui confirme et lui assure enfin. C’est d’une profonde évidence pour elle mais elle sait qu’il a besoin de l’entendre le lui dire. Tout est différent, à l’oral, et les choses le sont plus encore lorsqu’elle tente de reposer ses yeux dans les siens, fuyants. “Je te laisserai jamais, tu sais, même quand tu me menaceras d’aller en Enfer pour que ça arrive.” Parce que c’est à peu près la seule chose qui puisse lui faire peur, même si elle devient un peu plus persuadée à chaque jour que sa place se trouve là-bas. Il pourrait la menacer de mort qu’elle trouverait encore le moyen de se souvenir d’un temps où elle se voyait en Juliette et lui en Roméo, unis (et stupides, certes) jusque dans la mort. Énième sujet épineux qu’elle sait devoir aborder ; elle le lui doit bien ça. S’il retourne sa veste, ce ne sera qu’une énième arme de plus à sa disposition. Il a déjà tout un artillerie, de toute façon, et ce n’est rien en comparaison du poids qui pèse sur son coeur et qu’elle est incapable de partager avec qui que ce soit d’autre. “Je crois que je vais juste … Je devrais abandonner l’idée que je me fais d’une vie parfaite.” Il en connaît chaque détails, Alfie. Ils sont prévisibles, stéréotypés, tous droits sortis du cerveau d’une gamine qui n’a jamais évolué sur ce point. Le mari, la maison, les quelques animaux de compagnie et les bambins courant d’une pièce à l’autre. Le tout créé autour d’un travail parfait, d’un passe-temps de bénévole, d’un sourire étincelant et d’amis à inviter tous les week-end sous prétexte d’un match à la télévision. Il lui manque encore des cases qu’elle sait pouvoir cocher plus tard ; mais l’une des plus importantes ne le sera sans doute jamais. “J’y étais presque, quand je t’ai dit que je serai enceinte la prochaine fois que t’entendrais parler de moi. Je l’ai été.” Et déjà, elle ne l’est plus. Le deuil aurait été difficile pour qui que ce soit, mais elle estime qu’il l’est plus encore chez elle alors qu’elle fonde tant d’espoirs et de rêves dans une vie de famille comblée. “Parfois je t’envie. Je suis fatiguée de prétendre.” Lui n’en a rien à faire de rien. Lui n’a rien à perdre non plus. Il décide de ce qu’il sacrifie, Alfie, ça l’amuse et ça le fait vivre. Jusqu’à aujourd’hui, son plan à lui avait toujours été parfait, et elle peine à imaginer ce qui a pu le mettre à ce point à mal.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMar 3 Aoû 2021 - 18:41

Ce n’est pas souvent qu’ils sont caractérisés par cette neutralité dans leurs paroles ; qu’aucune pique ne vise à blesser, qu’aucune plaisanterie ne vise à gêner. Leurs gestes, eux, sont pourtant plus parlants qu’ils ne l’ont probablement jamais été par le passé ; même lorsqu’Alfie a abandonné une Lily amoureuse après leur première fois. Leurs corps s’enlacent sans que cela semble aussi dérangeant qu’ils l’ont laissés entendre au cours des dernières années, avec un naturel qu’il aurait cru déstabilisant. Mais ça ne l’est même plus, avec les mêmes années et les mêmes contradictions qu’ils s’offrent au quotidien, que la surprise et l’incohérence de leurs attitudes en deviennent la dynamique qui rend leur relation unique. Le moment l’est et pas uniquement par l’acte qui lie leurs corps, mais aussi les confessions qui restent pourtant silencieuses : ils ne vont pas bien. Là où d’ordinaire il tente de rivaliser avec sa vie parfaite en prônant une de débauche, là où chacun essaie de prendre l’avantage sur l’autre, là où ils sont perpétuellement dans un jeu qui oscille entre véritable guerre et esprit d’insouciance, ce soir il n’y a rien de tout cela. Seulement une vérité sincère et dévoilée comme elle ne l’a pas été depuis longtemps, dans une faiblesse qu’ils s’autorisent l’un et l’autre et, surtout, l’un à l’autre, avec la seule certitude qu’elle ne sera pas utilisée contre eux au moment le plus opportun. Il aimerait le croire, Alfie et même s’il sait que Lily ne fait pas usage des mêmes provocations que lui et serait la plus à même de respecter ce serment silencieux, il sait aussi qu’il ne peut jamais rien croire et ne jamais prendre pour acquis avec cette dernière ; il n’aurait jamais parié sur une étreinte comme celle qu’ils viennent de partager sous son impulsion, après tout.

S’il ignore s’il respectera cette promesse, s’il n’a aucune assurance quant au fait qu’un moment futur sera propice à la blesser en usant des moments qu’ils partagent à cet instant, il peut néanmoins lui affirmer qu’il ne joue pas. Pas maintenant, du moins, même s’il reste Alfie ; ce qui n’est pas un jeu peu le devenir à cause d’une simple phrase, d’un simple geste, d’une simple méprise. Ses intérêts n’ont pas besoin d’être servi à cet instant précis, mais il n’a aucune certitude quant à ce qu’il en sera dans dix minutes, dans une heure. Pourtant, il s’agit de se surestimer s’il suppose qu’il sera suffisamment bien dans sa tête pour être en mesure de lancer un affrontement. La vérité, il l’a pensé ; ils ne vont pas bien et, par conséquent, il ne va pas bien. Pour un Alfie qui ne veut jamais prendre le risque de dévoiler la moindre faiblesse, le constat est terrifiant. Il l’est suffisamment pour lui donner envie de retrouver les bras de Lily, pas assez pour qu’il soit celui qui initie une nouvelle étreinte et prenne le risque de lui laisser l’avantage. Le jeu reste toujours en fond, finalement, même lorsqu’il décide de le mettre en veille et de (presque) l’oublier. “Tant mieux.” Lily ne se doute de rien, Lily le croit. Lily a raison ; pour une fois dans sa vie il concède à l’armistice, car il n’a plus la force. De se battre contre elle, c’est une vérité temporaire qui a du sens à cet instant, mais aussi de manière générale, ça n’a rien de bref. Contre lui-même, surtout. Et si ça a toujours été une vérité sous-jacente, l’admettre lui fait peur.

Mais ils ne peuvent pas avoir peur, ce soir. Il l’interdit et s’il l’interdit, alors ça doit devenir une autre forme de vérité, universelle cette fois-ci et qu’il applique à la jeune femme sans lui demander son avis (il n’a jamais vraiment eu besoin de celui-ci). Sans se soucier de savoir ce qu’elle en pense, sans savoir si elle en est capable. Il devrait pourtant savoir mieux que personne qu’il n’y a pas de bouton stop, pour courir après ceux qui prennent la forme de mirage. Son ordre n’est pas justifié, il aurait pu l’être s’il autorisait les efforts de sincérité à faire place à des confessions : il ne le fait pas. Mais dans sa sincérité, c’est une nouvelle affirmation qui s’échappe d’entre ses lèvres, un nouvel ordre, une nouvelle demande, il ne sait pas vraiment, il sait seulement qu’il n’a pas su contenir ces quelques mots qui lui font perdre l’avantage d’une guerre commencée il y a vingt ans. Autant d’années qui lui semblent partir en fumée en deux phrases, autant d’efforts anéantis par le poids d’un mensonge qui devient trop lourd à porter seul et qui ne peut être partagé qu’après de celle face à laquelle il désire toujours afficher un masque d’insensibilité. “C’est toujours toi qui me laisse.” Elle marque un point, Lily. Elle marque le meilleur point qu’elle n’a jamais pu faire ; c’est toujours lui qui laisse tout le monde. J’ai abandonné ma filleule et je ne le regrette pas. J’ai quitté ma copine et je n’ai aucun remord. Le poids des fautes devient toujours plus lourd et le déni ne permet plus de les alléger. Pris au dépourvu (vraiment ?), Alfie est bien incapable d’avoir le moindre argument pour justifier d’une vérité qui se veut cette fois-ci absolue. « Je sais. » C’est tout ce qu’il trouve à dire, ne lui faisant pas l’affront de nier les faits. Il l’a toujours laissée, encore et encore. Et aujourd’hui, il la supplie de rester, de ne pas se comporter comme il l’a tant fait par le passé. C’est toujours lui qui la laisse, alors elle aurait toutes les raisons d’en faire de même, elle aurait toutes les raisons d’agir par une vengeance aussi cruelle que justifiée et, surtout, nécessaire. Il l’aurait probablement fait, lui. Il lui aurait ri au nez avant de s’en aller, simplement pour causer des dommages irréparables comme elle aurait pu lui en causer. Mais les rôles ne sont pas inversés et Lily reste Lily, Lily reste, tout simplement. “Je te laisse pas.” Et à vrai dire, il n’en a pas douté. Il s’en voudrait presque, d’ailleurs, d’avoir conscience de cet avantage autant que la manière dont il s’en sert. Il le savait, pourtant il a eu besoin de le verbaliser, afin de se vanter, une fois encore, d’être celui qui a les cartes en mains. Mais il ne se vante pas, Alfie. Seul son regard triste plonge dans celui de Lily, un instant, qui contraste avec la voix presque déterminée de la jeune femme, alors que ses yeux cherchent les siens pour un remerciement silencieux. Il n’avait pas besoin de le dire, Alfie, mais il avait besoin qu’elle, elle le fasse et le voilà déjà qui fuit son regard. “Je te laisserai jamais, tu sais, même quand tu me menaceras d’aller en Enfer pour que ça arrive.” Un rire sans saveur s’échappe d’entre ses lèvres, bref, alors que sa réponse se veut sérieuse : « au moins, je serai pas seul. » Elle l’accompagnera et même s’il pourrait se surprendre que sa place soit en enfer, le fait est qu’elle n’est jamais loin et puisqu’il ne peut prétendre au paradis ; évidemment que la place de Lily est en enfer, par défaut, par dépit, parce qu’elle le suit, parce qu’elle est liée à lui et qu’il obtient toujours ce qu’il veut. Il aura l’avantage même dans leur mort.

Je crois que je vais juste … Je devrais abandonner l’idée que je me fais d’une vie parfaite.” Dans d’autres circonstances, un cri de joie s’échapperait d’entre ses lèvres, il n’hésiterait pas à souligner qu’il le lui avait bien dit ou toute autre chose susceptible de prôner sa domination, puisqu’il s’agit d’une idée qu’il a voulu lui faire effacer il y a déjà bien longtemps. La vie parfaite n’existe pas, Lily et tu ne peux certainement pas prétendre à celle-ci. Pourtant, la confession lui laisse un gout amer en bouche ; qu’a-t-elle vécu pour en arriver à une conclusion que jamais, jamais, elle n’aurait été capable d’admettre de son vivant et encore moins face à lui ? « C’est grave, alors. » Il constate, bien que la gravité qui soit celle de Lily ne soit pas la sienne. Évidemment qu’il s’en moque de la vie parfaite, évidemment qu’il sait à quel point la situation est sérieuse pour que Lily y renonce, ou du moins, évoque la possibilité de le faire. “J’y étais presque, quand je t’ai dit que je serai enceinte la prochaine fois que t’entendrais parler de moi. Je l’ai été.” C’est donc de ça qu’il s’agit. Et malgré une vision du monde où les enfants n’ont pas leur place, il arrive à rejoindre celle de Lily et à comprendre la tragédie qu’elle vit. Elle voulait des enfants et pendant un instant, elle en a eu un. Il se passe les critiques quant au fait que non, à ce stade-là, c’est très loin d’être un enfant et c’est un amas de cellules : il sait aussi que Lily l’a considéré comme sa progéniture au moment même où elle a eu connaissance de son existence. Il pourrait lui dire qu’il est désolé, car pour une fois il est sincère. Il est désolé de ce qu’elle vit ; mais Alfie ne s’excuse pas et surtout pas pour les autres, elle pourrait croire qu’il se moque, qu’il minimise. « J’y étais presque, je voulais repartir sur le terrain et laisser cette ville derrière moi. J’étais à l’aéroport, j’allais embarquer. J’ai pas réussi. » Et dans des mots qui visent à parler de lui, Alfie fait preuve de toute la bienveillance dont il est capable. Aucun égoïsme ne dicte sa confidence, mais un vieux principe qu’il juge pourtant ridicule ; donnant-donnant qu’ils disent et c’est ce qu’il fait. C’est ce qui traduit au mieux de l’écoute et de l’intérêt qu’il prête à la jeune femme, par le fait de remettre les compteurs à zéro plutôt que de l’apitoyer sur un sort qu’elle n’a pas choisi en ayant un regard de pitié et des mots clichés à son encontre. Il est désolé, il lui souhaitait mieux, elle n’a pas eu de chance, elle connaît la chanson, Lily, il n’en doute pas. “Parfois je t’envie. Je suis fatiguée de prétendre.” À cette affirmation, il lui rit au nez, Alfie, d’un rire qui, pour la première fois, se veut sincère. Non, Lily, tu ne m’envies pas. Lui aussi est fatigué de prétendre. Lui aussi prétend depuis des mois et lui aussi voudrait s’autoriser à ne pas devoir le faire constamment, à laisser échapper ce qu’il a sur le cœur et le poids des images autant que sa peur, mais il ne le peut pas. Il ne le peut pas car toute sa crédibilité s’en irait, toute sa réputation aussi et sa vie n’aurait aucun sens s’il accepte la position de victime alors qu’il a toujours été un bourreau. Il est trop tard pour qu’il réapprenne à se connaître et c’est un risque qu’Alfie ne veut pas prendre. « Je ne fais que ça. » Seconde confession, Lily prend l’avantage. « Tu aurais fait une excellente mère. » Jamais deux sans trois, qu’ils disent. Finalement, lui aussi cesse de prétendre et le masque tombe, les mots sont sincères, les yeux se mouillent, la voix craquèle.

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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMer 4 Aoû 2021 - 14:56

C’est toujours toi qui me laisses est l’aveu le plus difficile qu’elle n’ait jamais eu à formuler, bien avant même de lui annoncer qu’elle pense sérieusement à oublier ses rêves de grandeur. Il est difficile parce qu’il sous-entend que c’est un geste qui la blesse et que, par conséquent, elle tient à lui. C’est une évidence qu’elle n’a jamais statuée oralement et qu’elle a toujours tenté de dissimuler derrière des paroles acerbes et autant de reproches. Pourtant, rien ne saurait changer cette vérité : elle tient à lui, et ce peu importe à quel point il la blesse et la repousse au fil des ans. Lily ne fait que lui tendre le bâton pour se faire battre et s’il ne l’attrape pas de suite, la brune sait par avance qu’il trouvera le pire moment pour le faire, dans un an ou dans dix, peu importe. Comme si ce n’était pas suffisant, elle se confie sur sa fausse couche et les échecs consécutifs de son couple à engendrer un enfant. Elle ne sait pas pourquoi elle arrive à se confier à Alfie en cet instant, mais bien plus qu’une envie ces mots sont surtout le reflet d’un besoin : il faut qu’elle en parle à quelqu’un. Il est autant la pire que la meilleure personne pour ce rôle. Dans ses bras, elle en oublie toutes les horreurs échangées ces trente dernières années. Près d’elle, il semble en faire de même. « J’y étais presque, je voulais repartir sur le terrain et laisser cette ville derrière moi. J’étais à l’aéroport, j’allais embarquer. J’ai pas réussi. » Dans ces mots, elle sait qu’il ne ment pas, qu’il ne se moque pas qu’elle non plus. S’il avait voulu être ironique, il aurait trouvé un autre sujet. Quand bien même la première pensée de Lily se résume à ‘tu voulais encore m’abandonner mais tu n’as même pas réussi à aller au bout’, elle retient ses paroles pour elle et analyse plutôt les siennes et tout ce qu’elles sous-entendent. Égoïstement, elle est heureuse qu’il ait échoué, parce que si cela n’avait pas été le cas alors elle se serait contentée de le détester un peu plus et leur discussion n’aurait jamais existée. “A cause de quoi ?” Elle interroge doucement, déjà préparée à ce qu’il ignore totalement sa question et refuse catégoriquement d’y répondre. Il lui a expliqué la scène et sa finalité mais pas les raisons qui l’y ont conduit, et ce n’est pas une chose qu’elle arrive à imaginer par elle-même. S’ils ne reparlent plus jamais de son incapacité à engendrer une progéniture, cela lui convient parfaitement. Alfie enfin dans la confidence, elle trouve que toute information supplémentaire serait de toute façon inutile.

Le fait qu’elle annonce l’envier après avoir littéralement passé une vie entière à lui reprocher le moindre de ses faits et gestes sonne comme l’ultime confession de la McGrath. Tout le pathos de celle-ci est rapidement rejeté par le rire amer d’Alfie, lequel elle n’avait pas su prévoir, une fois de plus. C’est le signe pour elle de faire un pas en arrière et mettre de la distance entre eux, après avoir trop longtemps dépassé les limites et règles établies. Ils se rapprochent plus d’ennemis que d’amis, c’est une de ces fameuses règles ; ils se confient l’un à l’autre pour avoir plus de pouvoir au moment de poignarder l’autre en plein cœur, c’est aussi une de ces règles. Toutes sont du même acabits et ont été testées et vérifiées au fil des ans. « Je ne fais que ça. » Même elle ne l’avait pas vu. Après toutes ces années et tout ce qu’ils ont vécu, elle ne s’en était même jamais doutée. Lily se vante depuis toujours d’être la meilleure à ce jeu là mais la réalité c’est qu’il l’est bien plus que lui encore : il arrive à cacher la moindre once de tristesse, peine, douleur. Et maintenant, au lieu de l’envier, elle le plaint. Il aurait détesté ça, raison pour laquelle ses pensées ne forment aucun mot. “Au moins, tu es doué pour.” C’est une façon de lui remonter le moral, sûrement. C’est aussi tout ce qu’elle trouve à dire, refusant laisser le silence s’installer après cette confession, de peur de ne jamais avoir l’opportunité de pouvoir lui reparler à nouveau avec tant de sincérité. “Tu voudrais dire quoi, si tu feignais pas autant ?C’est moi, c’est juste moi, parle moi. Et justement parce qu’elle est elle, Lily doute que sa proposition trouve preneur en Alfie. Elle en doute tant parce qu’en retour, elle ne sait pas si elle aurait eu le courage de se confier à lui. Il est la meilleure comme la pire personne désignée pour ce rôle. « Tu aurais fait une excellente mère. » Ces mots lui réchauffent le coeur autant qu’ils l’attaquent un peu plus encore, mais ce n’est rien en comparaison des yeux du brun se gorgeant d’eau. Elle n’a jamais été habituée à cette image, sauf peut-être quand son frère et lui avaient fait une blague tellement drôle qu’ils en riaient au larme. Jamais elle ne les avait observées dans d’autres circonstances et elle ne pense pas un seul instant à se moquer de lui ni même à profiter de cet instant et en jubiler. Au contraire, Lily fait un simple pas en avant pour être assez proche de son visage duquel elle chasse les larmes du bout de ses pouces. Sa mine lutte pour rester neutre, elle ne dit aucun mot. Sa respiration seule la trahit, hésitante, ses à-coups trahissant son émotion. Bien sûr qu’elle aurait fait une excellente mère, c’est un des milliers de facteurs qui rend le présent difficile à assumer. “Jules a de la chance de t’avoir.” Pour la première fois, elle ne se réfère pas à elle en tant que Juliana. Pour la première fois aussi, ses mots ne sont pas caractérisés par une neutralité absolue, quasi robotique. Jules a de la chance qu’il ait abaissée quelques unes de ses barrières pour elle, pour être à ses côtés. Ses mots ne sont pas le reflet d’une possible jalousie, loin de là, mais d’une énième confession supplémentaire. Si elle ne le dit pas ce soir, elle sait qu’elle ne le fera jamais.
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Message(#)(alfly) if we can make it through another day EmptyMar 31 Aoû 2021 - 19:33

Il sait. Il le sait qu’il laisse toujours les autres, non, pire, que les abandonne. De son propre ressenti, des mots aussi forts ne peuvent pas être utilisés car ils n’ont pas de sens ; des autres, il comprend enfin que c’est très exactement le sentiment qu’il peut laisser derrière lui et qu’il banalise à outrance pour protéger son confort. Il abandonne les autres, Alfie et s’il acceptait la réalité de sa situation, il réaliserait qu’il en a fait de même avec Jules et avec Anabel. Il les a abandonnées et s’il croit qu’il a simplement su se protéger d’une vie qui ne lui convenait pas, les mots que posent (sans pourtant les avoir explicitement prononcés) Lily lui fait réaliser qu’il serait peut-être temps qu’il accepte d’écouter les deux versions d’une même histoire. Qu’il ne peut pas toujours décider que la sienne prévaut et qu’aucune autre n’a de valeur, Lily ne fait que lui prouver qu’il devrait ouvrir ses horizons – et c’est l’hôpital qui se fout de la charité, autant que la leçon vienne d’elle que le fait qu’il en soit incapable compte tenu de sa profession. Il sait et ceci est ce qui se rapproche le plus d’un aveu sincère le concernant, lui qui mise toujours sur l’égoïsme ou ses propres intérêts. Il n’a pas d’intérêt à servir quand il reconnaît la situation, lorsqu’il admet qu’il est celui qui l’abandonne toujours derrière lui alors que Lily est toujours là. Il pourrait lui dire les pires horreurs, il pourrait la blesser comme Callum le faisait, il pourrait inventer les pires stratagèmes pour la briser toujours un peu plus qu’elle ne cesserait de revenir, chien fidèle à son maître et qui ne demande qu’un peu de son attention, peu importe si ça implique un quota de douleur infligée bien inégal. Il en a profité, beaucoup et pendant trop longtemps. Mais aujourd’hui, Alfie concède à cette trêve qui prend la forme de deux mots, d’une affirmation qu’il ne réitérera probablement jamais, au risque de réellement heurter une fierté pourtant déjà ébranlée. Elle l’est toujours, quand il s’agit de Lily. Mais ça, par contre, il n’est pas encore en mesure de l’assumer.

Il n’était pas plus en mesure d’assumer les raisons derrière son départ avorté, derrière ce terrain qu’il avait hâte de retrouver et qu’il a, là-aussi, abandonné. Incapable de monter dans cet avion qui devait prendre la forme d’un nouveau départ, voyait toutes ses croyances et les buts l’ayant maintenu à flot durant la tempête s’effondrer : il n’y a plus aucune excuse pour ne pas se noyer, désormais. “A cause de quoi ?” Le silence règne alors qu’il lui laisse l’opportunité de détailler sa propre expérience qui n’a finalement pas besoin de l’être plus : elle était enceinte, elle ne l’est plus, le pire des idiots serait capable de faire le calcul. Il n’y a rien à détailler alors il ne détaillera pas plus, quand bien même il en aurait des choses à dire. Quand bien même il y a tout ce traumatisme sous-jacent, accentué par Joseph, mais déjà bien présent. Il devrait se livrer, pourtant, il devrait le dire à quelqu’un plutôt que de n’avoir que lui-même pour se blâmer de toutes les images qu’il n’arrive pas à effacer sans d’aides artificielles. Il se blâme tout en sachant qu’il n’y est pas pour grand-chose, la seule certitude résidant dans le fait que même le plus grand moment de faiblesse ne lui permet pas d’abaisser la totalité de ses barrières. Il n’a pas voulu tirer la couverture à lui, Alfie, il a amené une confession en une réponse à une autre parce qu’ils ne savent pas faire ça, entre eux, ils ne savent pas être bienveillants ou trouver les mots justes pour atténuer la douleur de l’autre. Non, ils sont bien plus doués pour la causer, pour la raviver, pour ne jamais la laisser se reposer ; mais certainement pas pour l’atténuer. Alors il n’essaie pas, il n’essaie pas de trouver les mots justes qui n’auraient aucun sens sortis d’entre ses lèvres, les « je suis désolé » et autres « tu ne méritais pas ça » qui n’ont jamais été prononcés et ne sonneraient jamais sincères aux oreilles de Lily, bien qu’ils le soient. Ce qui se rapproche le plus d’un soutien est alors cette confession, cette manière de garder l’équilibre de leur jeu en lui offrant à elle-aussi un avantage qu’elle serait en mesure d’utiliser au moment venu. Elle a certainement dû prendre sur elle pour lui laisser cette telle bombe entre ses mains et si vous lui demandez, il ne fait qu’égaliser en lui en donnant une à son tour ; curieux de savoir à quel moment elle explosera, sans jamais reconnaître que Lily est la meilleure gardienne d’un tel danger. Mais elle n’en aura pas plus, parce qu’elle ne veut pas en offrir plus ; et qu’une bombe est suffisante sans qu’il lui offre d’autres armes à utiliser sur sa chair (comme si elle avait besoin de celles-ci, en fin de compte).

Pourtant, il lui donne un nouvel avantage sous la forme de nouvelles confessions. De quelques mots qui impliquent qu’il n’est pas vraiment, pas totalement, pas toujours (il s’y perd) celui qu’elle a pris l’habitude de côtoyer, celui qu’elle a appris à détester aussi et qui, désormais, se déteste lui-aussi. Il ne fait que ça, Alfie. Il ne fait que prétendre ; pas nécessairement concernant les traits de sa personnalité, mais les contours de l’aisance qu’il prône deviennent fragiles. Il n’est pas heureux, il n’est pas particulièrement à l’aise avec cette version de lui-même alors qu’elle n’est qu’un rappel du passé. Sa tendance à l’autodestruction ne le dérange pas autant qu’elle lui fait peur : il sait que cette fois-ci, il n’a plus aucune raison de s’arrêter avant d’avoir touché le fond et ce fond lui fait peur. Il lui fait peur parce qu’il sait ce dont il est capable, il sait les limites qu’il malmène et qu’il n’a d’ailleurs que trop peu malmenées ces dernières années. Il aime sombrer, il en redemande toujours, mais qu’en sera-t-il quand il n’y aura plus rien ? Quand il aura atteint des limites qu’il ne connaît pas et qu’il découvrira enfin celles-ci ? “Au moins, tu es doué pour.« Tu vas le devenir aussi. » C'est à force de pratique qu'il est parvenu à un tel niveau. Depuis l’enfance, depuis l’adolescence, depuis deux ans, il ne sait plus vraiment. C’est un rôle qu’il abandonne (toujours) de temps à autre, qu’il revêt parfois, mais qui lui reste gravé à la peau, quoi qu’il puisse en penser, quoi qu’il désire sincèrement. Et un jour, ce sera aussi son tour. Il fait la leçon à tout le monde, Alfie, sur la nécessité d’être soi-même et pourtant il est un excellent comédien : peut-être la raison pour laquelle il a réussi à se berner lui-même avec le temps et à y croire jusqu’à ce que les fissures deviennent trop importantes à colmater pour rester indifférent à l’effondrement qui s’annonce. “Tu voudrais dire quoi, si tu feignais pas autant ?” Sa bouche s’entrouvre, prêt à lui donner réponse ; il s’interrompt très vite tandis que ses lèvres se scellent à nouveau entre elles. C’est une bonne question, ça, tiens. Tu voudrais dire quoi, Alfie ? La vérité est qu’il s’est déjà posé la question sans jamais trouver la réponse, ou plutôt, sans trouver celle qui soit susceptible de le convaincre. Il y a beaucoup de choses à dire, il y a trop de choses à dire ; alors autant ne rien dire. Parce que ce serait ouvrir une brèche qui ne peut pas encore l’être totalement, auprès de la dernière personne pouvant l’accompagner dans ce moment d’égarement. Il relève les yeux pour croiser le regard de Lily, comprendre que malgré toute la douceur dans sa voix et la sincérité de sa demande, il reste méfiant. Il n’y croit pas vraiment, parce qu’il aurait été le premier à jouer la douceur pour mieux attiser la haine. Et, il en est le premier surpris, cette haine n’a pas lieu d’être. Alors les confessions n’ont pas lieu de se poursuivre non plus ; ce serait trop d’éléments entre ses mains, trop qui feraient mal s’ils étaient utilisés, trop qu’il aurait envie de voir utilisés, juste par esprit de contradiction, juste par esprit malade, juste par esprit de compétition qui ne connaît jamais l’accalmie.

Alors il frappe une nouvelle fois, Alfie, il dit ce qu’il n’aurait jamais dit, il dit ce qui est le plus sincère qui puisse sortir d’entre ses lèvres, il surprend, il veut la laisser se questionner, il veut lui faire un compliment pour mieux le déguiser en critique le moment venu, si ce moment doit venir (il viendra). Elle aurait fait une excellente mère, c’est certain, bien meilleure qu’une épouse et pourtant, il ne la connait dans aucun des rôles alors qu’elle aurait pu prendre les deux à ses côtés si l’un ou l’autre avait accepté sa défaite des années auparavant et qu’ils s’étaient mis d’accord à agir comme des adultes et non comme des enfants. Elle aurait pu, même s’il ne l’aurait jamais dit. Le contact de sa main sur sa peau vient accentuer la réalité d’une situation qui semble trop surprenante pour être vraie et pourtant, il se satisfait de ce geste bien plus nécessaire qu’il ne l’aurait cru. Suffisamment pour que son réflexe soit de prendre ses distances, pour que toute la familiarité qui les unit depuis de longues minutes ne soit déjà plus qu’un vague souvenir, que la trêve affective soit désormais annulée par ses soins. Il a été le premier à reculer, il a repris l’avantage – peu importe si ça lui coûte plus qu’il ne veut l’admettre. “Jules a de la chance de t’avoir.” Jules appartient au passé et c’est toujours aussi douloureux à songer. Il pourrait souligner qu’ils ne sont plus ensemble, qu’il a rompu, qu’il l’a repoussée au moment où il avait le plus besoin de sa petite amie et au moment où elle-même avait le plus besoin de lui. Qu’il ne s’est pas contenté de l’abandonner comme il le fait toujours, mais qu’il a ajouté une pincée de trahison et une grosse dose de rancœur. Qu’elle avait vu juste, que son couple ne pouvait pas tenir, qu’il était voué à l’échec. Mais ce serait lui donner raison et même l’état de faiblesse dont il fait preuve l’empêche de lui donner des points supplémentaires. « Matt aussi. » Alors, à défaut, il égalise. Et ça, ça fait partie des détails qu’il ne feint pas, même s’il ne le dira pas. Il ne dira plus rien pour ce soir, car malgré l’économie de mots et les échanges minimes, il y a déjà trop de choses qui ont été dites ce soir.

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