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Un regard par-dessus son épaule, donnant l’impression qu’elle surveillait ses arrières, et Evelyn s’enfonça dans le centre-ville avec pour seul compagnon, le bruit cadencé de ses talons — et un certain excès de paranoïa chevillé au corps, elle fit pourtant mine de ne pas remarquer, slalomant entre les silhouettes pressées et évitant les épaules robustes de ceux qui ne regardaient pas où ils allaient. Il était tôt, mais elle refoulait déjà les signes d’une d’angoisse qu’elle connaissait bien pour l’avoir ressentie pendant un certain nombre d’années. Evie avait le sentiment constant que quelqu’un était sur ses talons, à surveiller le moindre de ses faits et gestes. Son quotidien était étrange depuis le début d’année, la faisant renouer avec des précautions qu’elle pensait perdue pour de bon, forte de son exil à plusieurs milliers de kilomètres de sa ville natale et durant lequel elle avait appris à ne pas se méfier. Mais les derniers événements lui avaient appris qu’il valait mieux qu’elle se montre prudente alors elle l’était, faisant profil bas sous son seul bon vouloir, et non celui de Celie qui pourtant le lui avait conseillé avec ce ton condescendant qu’elle maîtrisait à la perfection, dissimulant son venin sous la douceur de conseils trop mielleux pour être honnêtes.

Heureusement, les projets de vacances qu’elle avait fait avec Lara la laissait entrevoir une pause qu’elle pensait bien mériter. Elle avait besoin de se ressourcer pour ne plus se sentir transie par cette perception désagréable qu’elle avait de ne commettre que des erreurs. Les préparatifs allaient bon train à l’appartement, et l’excitation de sa cousine était contagieux. Le départ était prévu pour la fin du mois, et rien ne serait laissé au hasard. Si Lara n’était pas très exigeante en la matière, ne souhaitant que faire du shopping et agrandir sa collection de Doc Martens colorées, Evie quant à elle retrouvait du réconfort dans l’idée de tout planifier. Et puisque leur destination, elle la connaissait par coeur, elle s’était faite une mission de bientôt faire découvrir tous les endroits qu’elle avait côtoyé durant les quinze années qu’elle avait passé en Angleterre. Déjà, elle entendait l’agitation de Londres dans ses oreilles, acouphènes agréables et mélodieuses qu’elle se surprenait à convoiter plus qu’elle ne l’avait fait au cours des dernières années passées en Australie — et qui se rappela à elle par un violent coup de klaxon, la tirant de sa rêverie quand elle chassa rapidement l’air pensif qu’elle avait sur le visage pour finalement s’engouffrer dans une pâtisserie.

Celle-là non plus, elle ne l’avait pas choisie au hasard. Il s’agissait de l’établissement dans lequel Siloë travaillait et qu’elle côtoyait souvent lors de ses escapades sucrées — seule ou accompagnée. Elle n’avait pas pris de petit-déjeuner avant de quitter son chez elle ce matin, et l’éventualité de passer prendre un petit quelque chose avant de rejoindre son agence lui avait effleuré l’esprit. Rapidement, elle avait empoigné son téléphone portable pour prévenir la jeune femme qu’elle passerait ce matin, et qu’elle était missionnée pour lui mettre de côté ses meilleures viennoiseries. La clochette de la boutique indiqua aux personnes présentes qu’elle faisait son entrée et aussitôt, elle tacha de se faire discrète en n’usant pas de l’avantage d’avoir prévenue l’une des employés pour passer devant tout le monde, et patienta sagement, les mains jointes devant elle ; jusqu’à ce qu’elle croise le regard de Siloë qui passa la tête dans la boutique à ce moment-là, et à qui elle fit simplement un petit signe timide sans oser prendre les devants en s’approchant plus près.

Siloë ne voyait plus le temps passer en ce moment entre ses visites à l’hôpital, son travail de nounou mais aussi son boulot à la pâtisserie. Elle se demandait ce que ça donnerait lorsqu’elle pourrait avoir sa propre pâtisserie à elle. Il fallait encore que cela arrive mais elle ne perdait pas espoir. Elle se disait que ça se passerait bien à un moment donné. Elle l’espérait mais tant qu’elle faisait son boulot, elle appréciait cela. Elle tentait de faire grandir son carnet d’adresse et puis cela se passait bien à son travail. Du moins, ça c’était bien avant qu’un drame se passe à la pâtisserie. Une de ses collègues étaient décédée, elle avait mis fin à ses jours. La pâtissière n’était pas insensible et encore moins lorsqu’elle connaissait cette collègue. Elles n’étaient pas proches toutes les deux mais, la jeune femme avait été au courant de ses problèmes. Elle savait que celle-ci traînait dans les trafics de drogues. Elle n’avait rien dit parce qu’elle avait dit à Victoire qu’elle devait régler cela. Elle lui avait laissé quelques jours pour qu’elle le fasse même si elle comptait la dénoncer si elle ne faisait rien. Elle ne pouvait pas prendre le risque de perdre son boulot alors qu’elle savait. Finalement, elle regrettait un peu de ne rien avoir fait. Elle se sentait coupable et peut-être qu’elle n’en serait pas venue à cela si elle en avait parlé avant.

Siloë sort de ses pensées quand elle reçoit un message d’Evelyn. Une amie mais aussi une personne avec qui elle travaille désormais. Elle sourit quand elle lit le message, signalant qu’elle allait venir. Elle lui répondit rapidement que c’est avec plaisir et elle file donc s’occuper de lui garder quelques pâtisseries. Elle venait justement d’en préparer de nouvelles en début d’après midi. Elle s’occupe de retourner finir de préparer une de ses nouvelles idées. Elle entend la clochette puis, en retournant dans la boutique elle remarque que la brunette est arrivée. Elle s’approche alors de la jeune femme. « Hey Evelyn.. tu vas bien? » Elle lui dit avec un sourire. « Je suis contente de te voir, ça me fait plaisir que tu sois venue. » Elle avait pourtant un emploi du temps aussi chargé que le sien. « Je t’ai gardé quelques pâtisseries. Tu veux boire quelque chose avec? » Elle lui demande alors, souriant.

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Remisant tous ses soucis dans un coin de son esprit plus reculé que les autres, et qu’elle ne consulterait qu’une fois que la journée serait terminée, Evie adressa à Siloë un sourire radieux pour donner le change. Elles ne se connaissaient pas beaucoup finalement, mais leur première rencontre avait été assez engageante pour que la jeune femme la trouve charmante, et voit en elle une alliée professionnelle qu’elle n’avait pas tardé à inscrire dans son carnet d’adresses. C’était l’avantage de son métier, de tomber sur des perles rares, et de savoir les faire briller de l’éclat qu’elles méritaient. Elle ne s’en privait jamais lorsqu’il s’agissait de son travail, offrant sa main à qui se sentait de la saisir et faisant profiter de la renommée de son entreprise à ceux qui ne jouissaient pas encore d’une certaine réputation. C’était le cas de Siloë. Son talent pour la pâtisserie était évident, d’où la présence d’Evelyn dans la boutique dans laquelle elle travaillait et qui fleurait bon les arômes sucrés et les fruits fraîchement coupés.

S’excusant d’un signe de tête auprès des clients qui patientaient devant elle, elle s’approcha de Siloë, les yeux ronds comme des soucoupes, et ce sans quitter le sourire qu’elle avait d’affiché sur le visage.
"Je vais mieux en sachant que tu as honoré ta promesse." commença-t-elle en balayant une longue mèche de cheveux derrière son épaule "J’ai hâte de goûter ce que tu m’as mis de côté." avoua-t-elle en grande gourmande qu’elle était, songeant à la jalousie relative de sa petite nièce lorsqu’elle lui apprendrait qu’elle avait encore eu l’occasion de goûter de nouvelles merveilles faites de pâte et de sucre. Elle lui en garderait probablement quelques-unes, elle ne pouvait s’empêcher de parfaire l’éducation du palais de la petite fille qu’elle voyait moins depuis quelques temps, mais avec qui elle restait en contact.
Jetant un regard rapide par-dessus son épaule, ayant un peu de mal à s’ancrer dans l’état d’esprit léger qu’elle tachait de garder pour ne mettre personne mal à l’aise, Evie reporta aussitôt ses yeux sur Siloë "Je ne veux pas te déranger trop longtemps, j’ai l’impression que tu as beaucoup de travail." répondit-elle à sa proposition, reportant son attention sur la file d’attente qui ne désemplissait pas, et qui impressionna assez Evelyn pour qu’elle lui dise sur le ton de la confidence, se penchant très légèrement vers elle pour que personne ne l’entende "Les affaires ont plutôt l’air de marcher, non ?"

Siloë avait beaucoup apprécié Evelyn la dernière fois qu’elle l’avait vu. Elle avait été un peu prise au dépourvu au départ quand celle-ci l’avait appelée et qu’elle lui avait demandé de venir avec tout ce qu’elle pouvait. Elle avait réussi ce pari et heureusement qu’elle avait eu des choses en stock bien qu’elle aurait pu faire d’autres trucs rapidement. Elles avaient gardé contact toutes les deux et puis la brunette serait ravie de pouvoir travailler de nouveau pour elle. Il y avait des personnes avec qui elle savait qu’elle ne voudrait travailler et d’autres oui. Elle n’avait pas beaucoup de personnes avec qui elle refusait puisque bon, elle avait aussi besoin de ce travail.

La brunette est donc ravie quand elle la voit passée la porte de la pâtisserie. Elle l’avait prévenu mais bon, un imprévu ou autre on ne sait jamais. « Oh mais j’honore toujours mes promesses. » Elle lui dit avec un sourire. Non pas qu’elle pensait qu’Evelyn en doutait ceci dit. « J’espère que ça te plaira. Sinon je suis sûre que je peux trouver autre chose. » Heureusement elle était venue au moment où il y avait encore du choix car si elle serait venue un peu plus tard, elle ne pourrait en dire la même chose. A partir d’une certaine heure, ils mettaient moins de choses car ils fermeraient et ça ne serait plus si bon le lendemain. Cela dépendait des pâtisseries bien entendu. « Tu ne me déranges pas à vrai dire je vais pouvoir prendre une pause mais je ne veux pas te déranger dans ta dégustation. » Elle n’allait pas s’imposer à sa table. Siloë récupère ce qu’elle avait mis de côté pour la brunette. « Il y a eu un petit moment de mou mais ça a repris depuis peu. » Elle lui dit avec un sourire. Elle ne savait pas si Evelyn avait entendu parler de cette histoire à son boulot. Ils en avaient un peu parler dans la presse, du moins les journaux. « Et voilà, je vais te déposer ça à une table. » Elle lui dit en déposant le tout sur un plateau ainsi qu’une boisson chaude. « Ca t’ira ici ? » Il y avait encore quelques tables de libre.

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Elles ne se connaissaient peut-être pas aussi bien que ça, Evie ne doutait pas que Siloë était une personne de parole. Il n’y avait qu’à voir la manière dont elle avait su lui sauver la mise lorsqu’elle avait été prise au dépourvu de l’imprévu monstre qui lui était tombée dessus lors du mariage qui les avait faits se rencontrer, il y avait déjà quelques mois de ça. En grande professionnelle, elle n’avait pas attendu plus détails de la part de l’organisatrice de mariage, elle s’était hâtée de répondre à son appel au secours et en deux-trois mouvements, la situation avait été sous contrôle ; tout le monde avait adoré ses mets d’exception, oubliant la pièce-montée accidentée. Il était certain qu’elle avait trouvé une alliée, et que si une situation de ce genre lui retombait dessus dans le futur, elle s’exempterait de la corvée de dénicher la personne qui l’aiderait au mieux en accordant davantage sa confiance à la jeune pâtissière. Vraiment, elle avait été la femme de la situation.
Et elle l’était encore aujourd’hui comme le prouvait la gentillesse avec laquelle elle l’accueillit dans l’établissement dans lequel elle travaillait, et qui fleurait bon la gourmandise sous toutes ses formes. Jetant un bref coup d’oeil à sa montre avant de l’arrêter sur le plateau que Siloë lui avait préparé sans plus de cérémonie, Evelyn se laissa guider par la jeune femme qui rentama le dialogue suite à ses questions.

Le sourire qu’elle lui accorda lorsqu’elle lui avoua que les choses s’étaient arrangées depuis quelques temps au niveau de l’activité de la pâtisserie était teinté de curiosité qu’elle laissa poindre en tournant la tête dans sa direction. Les sourcils doucement froncés, elle lui demanda "Je pensais que ce genre d’endroit ne connaissait jamais de baisse de régime. Il s’est passé quelques chose pour que le rythme soit moins dense ?" Se débarrassant de son sac et de son manteau qu’elle posa sur la chaise sur laquelle elle s’assit, elle tapota le bord de la table dans la foulée. Invitant Siloë d’un signe de tête, Evelyn lui dit "Viens t’asseoir avec moi, ça me ferait plaisir qu’on papote quelques minutes." Elle lui avait annoncé sa pause, et dans la conjoncture actuelle, Evie pouvait se permettre d’arriver un peu en retard à l’agence.

Siloë connaissait la jeune femme depuis quelques temps maintenant. Elles ne s’étaient pas vraiment revues depuis la dernière fois mais en tout cas, la brunette avait beaucoup aimé travaillé avec elle. Certes, cela n’avait pas été facile étant donné qu’elle avait dû trouver et rapidement plusieurs choses pour le mariage. Heureusement pour elle, elle avait des choses en stock et puis elle avait pu faire directement. Elle avait toujours contact avec elle si jamais la jeune femme avait un autre mariage à lui proposer. Elle le ferait avec plaisir et elle ne pouvait pas nier le fait que cela lui apportait des contacts. Elle pouvait se faire connaître auprès des clients qui assistaient au mariage. On ne savait jamais, si quelqu’un envisageait de se marier.

Siloë avait été heureuse d’apprendre qu’Evelyn voulait venir la voir aujourd’hui. Elle travaillait, même si elle n’avait encore que quelques heures avant de finir sa journée. Elle allait donc avoir une pause d’ici peu. Elle avait mis de côté quelques trucs comme lui avait demandé Evelyn. Elle savait qu’elle allait venir alors elle pouvait bien garder un petit moment. Elle récupère ce qu’elle a pour elle pour pouvoir la servir et la laisser s’installer à une table. Elle se mordille la lèvre à sa question. Elle se dit que la jeune femme n’avait pas dû entendre parler de ce qui s’était passé ici. Elle avait probablement dû être très occupée ou bien elle ne suivait pas vraiment. Elle s’installe à table avant de regarder un peu autour d’elle. Elle vérifie qu’il n’y a personne qui écoute. « Merci c’est gentil, mais je ne veux pas déranger tu sais. » Elle avait sûrement besoin de se poser un peu et d’avoir un peu de tranquillité. Voyant son regard, elle s’installe alors pour pouvoir échanger avec elle. « Il y a eu quelques soucis à la pâtisserie.. » Elle lui souffle concernant sa question. « Je ne sais pas si tu en a entendu parler mais.. une de mes collègues a mis fin à ses jours. » Elle baisse un peu la tête parce qu’elle se sent coupable dans cette histoire. Elle le savait que Victoire avait des problèmes avec la drogue et avec d’autres personnes mais elle n’avait rien fait. Elle lui avait demandé de dire la vérité et finalement, elle n’était plus là. Elle ne l’avait pas aidée. « Des gens en ont entendus parler alors forcément, ça ne donnait plus envie de venir. » A part quelques personnes, mais ce n’était pas folichon.

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"Ne sois pas bête. Tu ne me déranges pas du tout bien au contraire." Une réponse sincère, et qui lui fit accentuer le petit tapotement qu’elle avait opéré avec sa main pour encourager la jeune femme à se joindre à la table qu’elle avait investie, prête à déguster les gourmandises qu’elle venait à peine de récupérer. La clientèle à qui elle avait pris soin de ne pas chiper la place dans la file d’attente diminua à vue d’oeil, laissant le loisir au silence de s’installer entre Evie et Siloë. Un silence qui ne mettait pas l’organisatrice de mariage particulièrement mal à l’aise, s’y complaisant plutôt d’ordinaire, qu’elle sentit s’épaissir après quelques secondes cependant, si bien qu’elle finit par demander à la jeune femme "Tu veux quelque chose à boire ? C’est moi qui offre." Une boutade, puisqu’elle soupçonnait que travaillant ici, Siloë avait le droit — le devoir même, selon les gourous de la beauté — de s’hydrater sans avoir besoin de débourser quoi que ce soit.

Toujours est-il que la conversation s’engagea, et que notant une certaine lassitude émaner de la jeune femme qui lui parla de la baisse d’activité de la pâtisserie, Evelyn se lança dans un interrogatoire instinctif pour savoir de quoi il en retournait exactement. Attaquant sa boisson chaude du bout des lèvres, elle fronça les sourcils aux paroles que Siloë entama, et qui la fit réagir à voix haute. Concernée par ce qu’elle lui disait, la chef d’entreprise qu’elle était ne filant jamais bien loin, elle intervint entre deux bribes de phrases pour pousser plus loin encore ses question.
"Quel genre de soucis ?" Elle admettait être passée à côté de certaines choses ces derniers temps, son emploi du temps l’empêchant bien souvent de s’intéresser à autre chose que son travail — et ses propres soucis prenant de l’ampleur, elle admettait s’être enfermée dans une bulle imperméable. Seulement, ça ne la rendait pas insensible, et quand Siloë lui répondit, elle fût horrifiée par ce qu’elle venait d’entendre. Elle n’osait pas s’imaginer comment les proches de la collègue en question avaient dû réagir, même si elle pouvait le deviner dans une certaine mesure uniquement — c’était atroce. Brièvement, elle ferma les yeux pour mieux faire le point sur l’information, tout en disant "Mon dieu, je suis désolée, c’est terrible. Vous étiez proches toutes les deux ?" finit-elle par dire, rouvrant les yeux pour les poser sur la jeune femme, et tenter de déceler quelque chose sur son visage. Un instant, Evie resta silencieuse, et puis après une nouvelle gorgée, elle reprit prudemment la parole "Comment est-ce que tu gères tout ça de ton côté ?" Ça ne devait pas être simple ; c’était toujours plus difficile pour ceux qui restaient. Elle connaissait la difficulté du processus du deuil, et combien ça pouvait affecter profondément quelqu’un ; quand la disparition de quelqu’un était si soudaine, c’était encore plus compliqué, ça aussi elle le savait que trop bien.
Se redressant très légèrement sur sa chaise, un peu moins à l’aise, mais déterminée à ne pas le montrer, elle proposa à Siloë "Si tu as besoin d’en parler, je suis là, et je suis prête à t’écouter." Certes, elle n’était pas la plus indiquée pour consoler son prochain, malhabile dans cet exercice.

Siloë avait du boulot mais elle avait aussi un peu de temps à passer en compagnie de son amie Evelyn. Du moins, elle ne saurait dire si elles sont amies mais elle apprécie la jeune femme et elle aime beaucoup travailler en sa compagnie. Elles n’ont pas pu le faire de nombreuses fois encore mais elle espère cependant que ce serait le cas. Elle termine par s’installer à sa table pour qu’elles puissent discuter un peu. « C’est gentil, je vais me prendre un latte alors. » Siloë demande à une de ses collègues si celle-ci peut bien s’en charger. Elle aurait pu aller se servir elle-même mais elle se trouvait en pause pour le moment. Elle adresse un sourire à sa collègue, la laissant partir.

La brunette se tourne finalement vers Evelyn alors qu’elle commence à raconter les évènements à la jeune femme. A voir son visage, elle ne semblait pas au courant de quoique ce soit. Elle ne sait pas trop si elle doit se sentir rassurée ou non. Elle secoue la tête à sa question. « Non pas vraiment, enfin, on se connaissait à peine toutes les deux. » Et c’était vrai. Elle avait beau travailler depuis un moment, ce n’était pas la personne dont elle était la plus proche. Elle n’avait rien contre elle, sauf lorsque la jeune femme l’avait surprise dans ses histoires de drogues. La jeune femme remercie sa collègue pour la boisson et touille son café. « Pas très bien mais disons que j’essaie de garder la tête hors de l’eau au boulot. » Elle boit une gorgée avant de reprendre. « Disons que je me sens un peu coupable de tout ça.. » Elle souffle alors. « Je l’avais surprise un jour à vendre de la drogue et on s’était prise la tête parce que je ne voulais pas qu’elle continue. Je lui avais dit que je la dénoncerai. » Elle n’en avait pas eu le temps et elle n’en aurait plus maintenant. « J’aurais plutôt dû faire quelque chose pour l’aider mais maintenant.. » Elle lui dit en baissant la tête.

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Un regard rapide pour la collègue de Siloë qui vint lui apporter son latte, et puis Evelyn se concentra à nouveau sur les paroles de la jeune femme. Prête à écouter ce qu’elle avait à lui dire sur l’atroce nouvelle qu’elle venait de lui annoncer, elle se montra très attentive. Quasi-immédiatement, elle détourna son attention des pâtisseries dont elle avait rêvé depuis qu’elle l’avait contactée tôt ce matin-là, et se laissa distraire par ce qu’elle laissait filer, sans doute inconsciemment, son attitude lui révélant plus encore que ses mots la difficulté qu’elle éprouvait à gérer l’après de cette terrible tragédie.
Perdre quelqu’un qu’on connaissait peu, c’était être confronté à un dilemme d’émotions qu’elle de son côté, elle ne saurait pas très bien gérer non plus. Déjà à l’époque, alors que la seule personne qu’elle avait tragiquement perdu faisait partie de son cercle proche, elle avait bien eu du mal à se faire à l’idée qu’elle ne le reverrait jamais, alors elle ne pouvait s’imaginer comment elle s’y prendrait pour supporter l’éventualité d’être confrontée à un deuil comme celui que vivait actuellement Siloë.

D’autant qu’au plus elle parlait, au plus elle devinait le sentiment de culpabilité qu’elle couvait, et qui lui fit doucement froncer les sourcils pour mieux se risquer à reprendre la parole "Il ne faut pas hésiter à en parler à quelqu’un de plus à même de t’aider tu sais." commença-t-elle avec toute la prudence qui la caractérisait "Ce n’est pas une honte de mal gérer quelque chose d’aussi atroce." Elle le lui assurait avec la certitude de ceux qui savaient de quoi ils parlaient — et c’était le cas, d’une certaine manière, quand bien même elle-même n’avait jamais osé consulter qui que ce soit pour l’aider à traverser le décès de son propre père.
Evelyn voulut lui sourire, lui apporter un peu plus de réconfort, et c’est ce qu’elle fit dans une conduite instinctive, gardant pour elle sa risette qui se transforma en un geste inhabituel pour elle. Elle lui tendit la main, attrapant la sienne pour qu’elle sente qu’elle n’était pas seule, et qu’elle ne devait pas se sentir responsable de la mort de sa collègue qui, d’après ce qu’elle lui disait, connaissait une passe compliquée "Hey, ne pense pas que c’est ta menace qui l’a poussée à commettre ce geste." Elle opina du chef sans se démonter, ses sourcils se haussant tandis qu’elle poursuivait "Elle avait sans doute des raisons plus sombres de passer à l’acte, et comme vous étiez plus collègues que vous n’étiez amies, tu les ignores, et tu les ignoreras sans doute toute ta vie… mais ne te rends pas responsable de la détresse d’autrui." C’était plus facile à dire qu’à faire, elle le comprenait. Pour la rassure davantage, elle ajouta en se redressant On ne connaît jamais vraiment la vie de ceux qu’on côtoie tous les jours, ils nous montrent seulement ce qu’ils se sentent capables de partager." Et là, elle lui sourit enfin, serrant ses doigts pour lui insuffler l’énergie suffisante qu’elle saura puiser dans sa conscience, et comprendre qu’effectivement, il était inutile qu’elle se fustige trop sévèrement.

Siloë n’avait pas vraiment pour habitude de se confier. Elle était plutôt de ces personnes à garder les choses pour elles. Il était rare qu’elle se confie et puis Evelyn, elle ne la connaissait pas depuis des années non plus. Cela ne faisait que quelques mois, tout au plus. Elle ne savait donc pas vraiment pourquoi elle lui disait cela mais toutes les deux travaillaient ensemble et elles allaient être amenés à le faire de nouveau. Elle se demandait si la brunette avait vécu des choses compliquées de son côté dans sa vie professionnelle. Elle supposait tout de même que oui, peut-être pas aussi grave qu’elle mais tout de même.

La jeune femme apprécie l’oreille attentive d’Evelyn mais ses conseils également. « Oui bien sûr, merci. Ca va aller. » Elle l’espérait mais si elle n’y arrivait pas alors elle demanderait de l’aide. Du moins, elle se confierait à un professionnel de ce qui la tourmente. Elle ne l’avait jamais fait mais il y avait un début à tout. Elle hoche la tête aux paroles de la jeune femme. Non, ce n’était pas une honte c’était certain mais bon, elle se sentait mal à l’aise avec tout ça. Elle se sentait coupable aussi et elle finissait par se demander si c’était à cause d’elle que les gens partaient. C’était sûrement ridicule. « Non bien sûr mais je suppose que ça n’as pas aidé et qu’elle ne s’est pas sentie soutenue. » Pas dans le fait de vendre non mais elle aurait peut être voulu du soutien pour réussir à arrêter. Elle avait juste été en colère la pâtissière, lui disant d’arrêter. Elle avait eu peur de perdre son boulot. « Mais tu as raison, je ne connaissais pas vraiment sa vie alors je suppose qu’il y avait plus que cela. » Elle suppose que si elle en était venue à vendre de la drogue c’était qu’elle avait un autre problème. Lequel, elle ne saurait jamais. Elle lui adresse un sourire. « Merci. » Elle lui souffle avant de boire une gorgée de sa boisson avant qu’elle ne devienne froide. « Je pense quand même que je vais essayer d’en savoir davantage sur mes collègues désormais. » Pour ceux qu’elle ne connaissait pas plus que cela car au moins, ils oseraient peut-être se confier à elle.

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Evelyn ne pouvait faire démentir Siloë à propos de sa menace qui n’avait pas dû aider sa collègue à se sortir de l’impasse dans laquelle elle semblait être à l’époque. Mais elle disait vrai lorsqu’elle lui affirma sans ciller qu’on ne pouvait jamais réellement connaître les gens qui gravitaient dans notre orbite. Elle aurait pu dérouler le fil de sa pensée, et ajouter qu’on n’était en rien responsable des décisions prises par les autres, bonnes ou mauvaises, sauf qu’elle aurait eu l’impression d’être un peu dure.
Pour elle, sa vie, c’était le travail, mais pour un bon nombre de personnes, ce n’était pas le cas. Compartimenter devenait ainsi nécessaire, et elle le comprenait que trop bien. Qui plus est, se lier d’amitié avec ses collègues n’était pas une obligation — ni un gage d’harmonie au sein d’une entreprise, qu’importe laquelle. Il suffisait simplement de bien s’entendre avec eux, et pas nécessairement de s’en faire des proches qu’on côtoyait en dehors de ses heures de travail. C’était délicat, et pour sa part, elle qui avait du mal à se lier aux gens, elle gardait toujours une distance sécuritaire avec ceux qu’elle employait. Le seul qui l’avait fait revoir sa politique, c’était son ancien assistant.

Après lui, Evelyn avait consenti à donner plus de crédit aux rapports qu’elle entretenait avec ses collègues, et elle ne le regrettait pas aujourd’hui. Lucia et Maze — et plus récemment Nicholas — faisaient partie du cercle restreint de ses amis alors qu’ils étaient avant tout des collègues. Comme quoi, tout pouvait arriver.
Néanmoins, elle tint à dire à Siloë "Ce n’est pas une obligation, d’apprendre à connaître ses collègues. Il n’y a rien qui stipule dans aucun contrat que tu doives devenir amie avec eux." la rassura-t-elle par ses paroles. Elle finit par récupérer sa main pour empoigner sa boisson chaude et la porter à ses lèvres sans en boire une gorgée sur le moment, se préparant à poursuivre sur sa lancée "Mais je comprends ce que tu veux dire, et si ça te permet de te sentir plus à l’aise ici, tu as bien raison de prendre cette résolution." Elle but enfin une gorgée, sa satisfaisant de la chaleur du liquide qui dévalait doucement, puis elle reposa son gobelet de thé pour mieux relever le regard vers la jeune femme. Elle l’observa brièvement, s’en remettant à son attitude pour ne pas à avoir lui poser directement la question. Mais elle admettait que soudainement, elle avait la sensation que Siloë se refermait sur elle-même. Evie se somma de sortir de sa réserve pour, avec bienveillance, reprendre la parole, et l’interroger de vive voix "Hey, tu es sûre que ça va aller ?"

Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas aider son ancienne collègue Siloë. Le souci c’était qu’elle ne savait comment faire. Elle avait eu peur également que les choses se passent mal et que cela se retourne contre elle. Elle avait besoin de ce travail. Elle se disait tout de même que la prochaine fois, elle ferait les choses différemment. Elle espérait malgré tout ne pas avoir à le faire. Elle espérait que les choses se passeraient bien maintenant. Peut-être qu’elle devrait davantage se lier avec les autres, non pas qu’elle ne le faisait pas ou qu’elle était dans son coin. Elle était plutôt solitaire c’est vrai mais cela ne l’empêchait pas de se lier avec les autres.

Elle hoche la tête aux paroles de la brunette. Effectivement oui, ce n’était pas obligatoire ni même stipuler quelque part. C’était un choix qu’elle voulait faire elle-même, sans pour autant être hypocrite avec les autres. Elle n’allait pas non plus jusqu’à être amie avec des personnes qu’elle n’appréciait pas. C’était contre ses valeurs. « Non bien sûr mais je crois que c’est important de les connaître un minimum. Et de savoir qu’on peut compter les uns sur l’autre si jamais. » Elle savait qu’elle n’allait pas devenir meilleure amie avec tout le monde. Ce n’était pas son but. Elle ne voulait pas se retrouver une nouvelle fois dans cette situation. La pâtissière prend un instant pour terminer sa boisson avant d’adresser un sourire à Evelyn. « Oui.. oui je crois que ça va aller. » Elle n’avait pas le choix de toute façon. Elle devait le faire parce qu’elle avait d’autres problèmes à côté. Elle avait ses soucis d’argent mais aussi la maladie de son frère alors elle se devait d’aller bien. « Merci à toi en tout cas pour tes conseils et d’être là. » Elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance. « Et toi dis moi, on parle de moi mais quoi de beau dans ta vie ? »

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Un hochement de tête de la part d’Evelyn, et elle resta un instant à contempler les bords de son gobelet. La situation de Siloë restait très délicate, et elle comprenait qu’elle pouvait jouer sur son moral. A part lui conseiller d’en parler à quelqu’un de plus avisé qu’elle ne l’était, elle restait démunie face à ce trop-plein de tragédie qui planait sur les révélations de la jeune femme, et elle s’en voulut ; d’être aussi peu capable d’être une bonne épaule quand il s’agissait de s’épancher sur ce genre de choses. Elle n’était pas armée pour jouer les psychologues, Evie. Elle savait, dans une certaine mesure, réconforter ceux qu’elle avait en face d’elle, mais il naissait toujours à un moment où un autre un sentiment de malaise qui la rendait gauche et maladroite dans cet exercice. Elle savait d’où ça lui venait, elle n’avait envie d’en parler.

Elle releva la tête, adressant un sourire à Siloë qui répondit à sa question sur son état. Elle irait bien, c’était une certitude qu’elle voyait briller dans son regard et qui la fit se ragaillardir un peu. Elle porta de nouveau son gobelet à ses lèvres, les yeux vrillant sur l’ensemble de la pâtisserie qui mettrait probablement plus de temps à s’en remettre que la jeune femme. Une pensée qu’elle exprima à vive voix "J’espère que ce sera le cas pour la pâtisserie. Dans quelques temps, tout redeviendra comme avant et vos habitués retrouverons le chemin de vos délicieuses pâtisseries. C’est tout le mal que je vous souhaite." Elle opina du chef pour appuyer ses propres paroles, et jeta un bref coup d’oeil au cadran de sa montre tandis que Siloë lui retournait sa question.
Le timing était parfait pour qu’elle prenne la poudre d’escampette, songea-t-elle un peu injustement et avec un nouveau sourire, elle lui dit "Oh tu sais, rien qui ne vaille la peine qu’on s’y apitoie." Ce n’était pas une excuse — enfin pas seulement — c’était bel et bien la vérité. Elle s’estimait heureuse dans cette vie qu’elle menait, malgré les coups bas de sa propre famille, l’omniscience de la pression des médias et le reste. Elle dévala ce qui lui restait de boisson avant de lui dire "Je vais devoir filer, mais merci encore pour les pâtisseries et le café."

rp terminé.