T’as jamais été la meilleure pour garder contact. Jamais la meilleure pour répondre aux messages textes, encore pire lorsqu’il s’agit de retourner un appel. Certes il y a les réseaux sociaux, mais t’as jamais été la meilleure pour laisser des commentaires, ni même pour laisser des likes ici et là. C’est que tu passes pas particulièrement beaucoup de temps sur les différentes plateformes parce que t’as appris avec le temps que ça te crée beaucoup de complexes et que tu as cette mauvaise habitude d’idéaliser la vie d’autrui et à quel point tout a l’air tellement facile pour les autres, mais jamais pour toi. Le gros concept de le gazon est toujours plus vert chez le voisin ou une connerie dans le genre. C’est plus simple donc si tu regardes pas chez le voisin, ou du moins c’est la conclusion à laquelle vous êtes arrivées avec Hannah, il y a de ça environ un an, juste avant que tu partes pour le Canada. Ça a sûrement pas aidé au fossé que tu as involontairement creusé entre toi et ton entourage, fossé que tu réalises seulement maintenant. Fossé que tu veux faire disparaître, même si t’es pas certaine de savoir comment bien t’y prendre. Tu veux essayer et c’est déjà ça de gagner, non?

La dernière fois que tu as vu Norman, vous êtes allés faire du rafting avec un groupe que vous aviez l’habitude de trouver pour faire des activités hautes en sensations fortes. Cette même dernière fois, tu lui parlais de détails concernant ton mariage à venir, les invitations qui allaient bien être envoyées, les préparatifs qui avançaient tranquillement mais sûrement. Jamais que tu n’avais mentionné le fait que ta relation avec Kieran était difficile, ni même que ta santé mentale avait foutu le camp depuis des semaines, bien que tu fermais les yeux, préférant vivre dans le déni de tes crises d’anxiété et de violences de plus en plus difficiles à gérer, autant pour toi que pour ton fiancé. C’est donc sans aucun avertissement que tu as disparu. Que tu as cessé de te rendre aux activités organisées par le groupe. Que tu as cessé de répondre aux messages textes. Et pourtant, tu l’as toujours apprécié Norman. Tu peux facilement dire qu’il est celui avec lequel tu t’entendais le mieux dans le groupe, malgré votre différence d’âge. Parce que tout a toujours été facile avec Norman, une personnalité sans prise de tête, un humour particulier et juste une bonne vibe qui donnait envie d’être près quand il est dans les environs. T’étais pas certaine qu’il répondrait à ton message après plus d’un an et demi sans réelle interaction, et pourtant, c’est positivement qu’il avait répondu à ton invitation. C’est donc à Kangaroo Point que tu lui avais donné rendez-vous, avec l’intention de l’inviter à escalader le Story Bridge, s’il décidait bien évidemment qu’il acceptait encore de t’adresser la parole après un si long silence, même si tu avais plutôt bon espoir parce qu’il aurait tout simplement pu t’ignorer s’il n’avait pas envie de te voir et ne jamais répondre à ton message. Tu lui offres un sourire timide lorsqu’il arrive enfin au point de rendez-vous. « Hey, ça fait longtemps. » C’est le moins qu’on puisse dire. « T’as l’air en forme. » que tu rajoutes, dans une tentative d’être un peu moins coincée, plus naturelle. « J’espère que tu l’es pour ce que j’ai en tête aujourd’hui. » Tu plonges direct dans le vif du sujet plutôt que de t’excuser pour ton long silence, tu ne doutes pas que le sujet fera son apparition éventuellement que tu le veuille ou non de toute façon.

Ça t'a surpris de recevoir un message de la part de Autumn après autant de mois de silence. Ça fait si longtemps que tu n'arrives même plus à donner de date sur sa disparition. Tu te souviens juste qu'un jour elle était là et l'autre d'après, elle n'y était plus. Tu n'as jamais vraiment compris ce que tu avais bien pu faire pour qu'elle ne daigne même plus répondre à tes messages. Tu as dû dire un truc qui ne fallait pas sans t'en rendre compte. C'est totalement ton genre. Tu n'as tout de même pas été très insistant non plus. Après deux messages ignorés, tu as compris. Tu t'es dit qu'elle reviendrait vers toi quand elle se sentirait prête à le faire. Au fil du temps, tu avais fini par te dire que ce ne serait jamais le cas. C'est dommage. Tu appréciais beaucoup la présence de Autumn. Elle était celle avec qui ça avait le mieux cliqué sans qu'aucun des deux ne puissent vraiment se l'expliquer. Mais voilà, tu as quand même dit oui quand elle t'a proposé de la rejoindre à Kangaroo Point autant par curiosité que par envie.

Tu l'as repère facilement sa tignasse rousse au loin lorsque tu arrives sur place. Elle t'arrache un sourire dans la seconde quand bien même tu ignores absolument sur quel terrain glissant elle t'attend. Tu cherches déjà comment t'excuser sans savoir ce que tu as fait. Ah les femmes, pourquoi sont-elles si compliquées ? « Hey, ça fait longtemps. » Très longtemps même. Pourtant, du premier coup d'oeil, elle semble encore être la même. « T’as l’air en forme. » « Toi aussi. » que tu lui réponds en fourrant les mains dans tes poches. Il y a comme un petit silence, il y a comme un petit malaise qu'elle tente de briser du mieux qu'elle le peut. « J’espère que tu l’es pour ce que j’ai en tête aujourd’hui. » Tu n'as absolument aucune idée de ce qu'elle peut bien avoir en tête, mais ça te plaît déjà. Tu viens frotter tes deux mains ensemble. « Dis-moi qu'on va grimper. » ou que vous allez vous jeter en bas d'une falaise ou n'importe quoi qui implique des hauteurs. Camille et son vertige limitent tes activités. Pas que ça te gêne d'y aller seul - parce que Elia ne peut plus comme avant, la vie de jeune adulte tout ça - mais à deux, c'est plus fun. Ah, elle t'a manqué Autumn.

« Si ça fait un an que tu te pratiques pour arriver avant moi, sache que c'est de la triche. » que tu ajoutes avec un air mi-sérieux, mi-amusé. La porte est semi ouverte pour qu'elle explique son absence. Libre à elle de la fermer ou de l'ouvrir. Tu ne comptes pas insister. Si elle ne veut pas t'en parler, c'est peut-être juste parce que ça ne te concerne pas. On a tous nos problèmes.

Dès le moment ou tu aperçois Norman, tu es à la recherche d’un moindre signe qui pourrait t’indiquer qu’il t’en veut ou qu’il n’a pas vraiment envie d’être là aujourd’hui. Comme si tu n’arrivais pas à te convaincre pleinement que s’il n’avait pas voulu te revoir il aurait tout simplement ignoré l’invitation et qu’il aurait encore moins pris le temps de se rendre à destination. Il est bien là pourtant et son visage s’habille d’un sourire qui fait lentement mais sûrement fondre tes doutes qui subsistent malgré tout. Ça n’a jamais été compliqué entre vous et s’il est difficile de voir ce qui peut vous avoir rapproché à première vue, c’est la simplicité et l’énergie que dégage l’homme qui en font une personne dont tu aimes bien t’entourer. Tu espères seulement que tu n’as pas gâcher tout ça avec ta trop longue absence. « Toi aussi. » Tu souris et puis tu hoches la tête. T’es en forme, ou du moins, plus en forme que tu ne l’étais quand tu as quitté Brisbane il y a un an de ça. Si tes motifs  justifiant ton retour sont discutables, tu vas bien. Les idées noires sont loin, la médication fait ses effets, la thérapie aussi (ou du moins en partie). « Dis-moi qu’on va grimper. » Le sourire sur tes lèvres s’étirent davantage. « Tu me connais si bien. » que tu lances avec un rire alors que tu te régales déjà de sa réaction. « T’as déjà monté le Story Bridge? » que tu lui demandes avec une étincelle dans les yeux. T’as tellement de trucs à lui raconter de ton périples au Canada, des activités de fous que tu as pu faire là-bas. Tu dois admettre que t’as bien envie de le faire jalouser, ne serait-ce qu’un petit peu.

Chaque chose en son temps toutefois quand tu sais que tu lui dois quelques explications avant de pouvoir pleinement te lancer dans ton récit d’aventures. Il n’hésite d’ailleurs pas à te lancer une pique à ce sujet qui te fait temporairement baisser le regard. « Si ça fait un an que tu te pratiques pour arriver avant moi, sache que c’est de la triche. » Tu te mordilles légèrement la lèvre, mais tu n’as qu’à voir son visage pour savoir qu’il ne te lance pas ça avec animosité. Tu prends sur toi, décide de tourner ça à la blague au mieux de tes capacités. « Ça me ferait une belle excuse, tu trouves pas? » Tu parviens à lui rendre son sourire même s’il n’est pas difficile pour lui de lire une certaine culpabilité sur ton visage. « J’suis désolée d’être disparue comme ça, du jour au lendemain. » Tu peines à soutenir son regard, tes yeux qui papillonnent plutôt sur le pont qui s’élève derrière vous alors que tu cherches à expliquer sans pour autant justifier ton comportement. « J’ai eu quelques mois difficile et j’me suis coupée de tout le monde. » Et par mois difficile, tu veux surtout dire que t’étais dans une passe si profonde de ta dépression que t’as perdu la carte complètement au point d’être internée pendant six mois, mais qui a besoin d’autant de détails? « Et puis je suis partie à l’étranger pendant presque un an. » C’est bien plus facile de se concentrer sur le soleil après la tempête, pas vrai? Tu vas vite un peu, tu ne rentres pas vraiment dans les détails, t’es pressée même de passer à autre chose quand tu retournes la question, comme si c’était la chose la plus aisée du monde de lui demander comment lui il va. « Et toi alors? Qu’est-ce que j’ai manqué de bon? » En presque deux ans? Sûrement beaucoup de choses Autumn.

Est-ce qu'on va grimper ? « Tu me connais si bien. » Évidemment que vous allez grimper. Où ? Quand ? Comment ? « T’as déjà monté le Story Bridge? » Ah bien sûr. À vouloir parcourir le monde, on finit par oublier les beautés qui se trouvent à quelques minutes seulement de la maison. « Une fois, avec May. » Autant dire que ça fait une éternité. Tu n'arrives même plus à te souvenir si Elia était, ou non, au monde à cette époque là. Tu ne peux pas dire que de l'avoir déjà monté te donne l'avantage sur elle. Loin de là, ça fait si longtemps que c'est comme si c'était encore la première fois. Ce qui est plutôt cool pour tout dire.

« Ça me ferait une belle excuse, tu trouves pas? » Ses épaules semblent déjà un peu moins crispés. C'est déjà ça de gagné. « Ça me ferait surtout enfler la tête, ouais. » que tu lui réponds en riant. Un an de pratique pour finir avant toi, ça ferait de toi un adversaire redoutable. Mais non, c'est pas ça. Et elle prend les devants pour donner les vraies raisons. « J’suis désolée d’être disparue comme ça, du jour au lendemain. » Bahh, c'est vrai que juste un petit message aurait été apprécié. Même s'il n'aurait rien expliqué. Juste un petit je te fais signe quamd j'suis prête. N'importe quoi en vrai. Tu te contentes de peu. « J’ai eu quelques mois difficile et j’me suis coupée de tout le monde. » Bon, au moins, à l'entendre parler, tu n'as pas été la seule victime de son silence. « Te sens pas obligé de rentrer dans les détails. » que tu la dédouane. Elle ne semble pas particulièrement à l'aise avec le sujet. Tu ne veux pas qu'elle se sente obligée de s'expliquer si elle n'a pas envie de le faire. On a tous nos jardins secrets et vous n'avez jamais vraiment été dans les confidences tous les deux. Tu connais quand même bien sa vie et c'est pareil pour elle. Mais aucun de vous deux n'a jamais appelé l'autre en temps de crise. « Enfin, si tu veux, tu peux aussi. » que tu te reprends soudainement. Tu veux quand même pas qu'elle pense que tu ne veux pas entendre ce qu'elle a à dire. C'est pas ce que tu voulais sous-entendre.

« Et puis je suis partie à l’étranger pendant presque un an. » Ah les voyages. Voilà un autre sujet qui vous réunit. « C'est vrai ? Où est-ce que t'es allé ? » que tu lui demandes, curieux. Tu adores ça, entendre les récits de voyages des autres. Tu prends des notes mentales pour tes prochains à venir. Ça fait longtemps que tu n'as pas bougé d'ici d'ailleurs. Tu es plus que dû. « Et toi alors? Qu’est-ce que j’ai manqué de bon? » Tu te grattes la tête suite à cette question. Elle en était où la dernière fois ? Finalement, ta vie est relativement la même. Elia vole de ses propres ailes maintenant. Camille est toujours là. Tu fais le même boulot. La routine continue. « Elia commence des stages à l'Interlude. Mets ça dans ta liste de resto à essayer. » que tu débutes. Ta fille reste encore ta priorité au cœur de tes discussions. Et puis, tu as quand même envie qu'elle y aille et qu'elle trouve les plats de ta fille aussi extraordinaire que tu les trouves. Un papa fier, encore et toujours. « J'te garde le reste pour en haut. » que tu ajoutes ensuite, sourire aux lèvres, en pointant le sommet du pont. Le mariage, toutes ses conneries, ça peut attendre encore un peu. Peut-être qu'avec l'altitude et le manque d'oxygène, tu n'auras pas l'air terrorisé quand tu vas le lui dire. Sorry champion, c'est pas assez haut.

« Une fois, avec May. »
« Autant dire que t’es dû pour un petit refresh. »

Si tu sais qui May est, tu ne l’as jamais connu activement dans la vie de Norman. Celle qui partage sa vie depuis que tu le connais, c’est Camille. Camille qui a peur des hauteurs, Camille qui ne ferait pas le tiers des activités auxquelles vous vous adonnez avec plaisir que pour le plaisir de faire monter vos taux d’adrénaline. Ça fait longtemps que tu n’as pas toi-même fait quelque chose de complètement fou comme ça, faut dire que tu as bien besoin. T’as bien profiter quand t’étais au Canada, mais depuis que t’es revenue à Brisbane, tu te fais plus tranquille et discrète et cette activité est exactement ce dont tu as besoin aujourd’hui. Et de le faire auprès de Norman n’est qu’un avantage de plus parce que vous aviez l’habitude de toujours pousser l’autre à donner le maximum. « Ça me ferait surtout enfler la tête ouais. » Ton rire joint le sien et ça te fait du bien, cette simplicité qui reprend sa place malgré le temps qui a passé, même si tu sais que tu lui dois un minimum d’explication sur ta disparition soudaine. « Te sens pas obligé de rentrer dans les détails. » C’est ce que tu apprécies le plus chez lui sans aucun doute, cette manière qu’il a de prendre ce que tu veux bien lui offrir sans pousser pour plus. Il voit bien que le sujet te rend mal à l’aise, que tu cherches tes mots. « Enfin, si tu veux, tu peux aussi. » Ça t’arrache un léger rire alors que tu viens nerveusement jouer avec une mèche de tes cheveux. « J’ai passé quelques temps à l’hôpital. En psychiatrie. » que tu avoues avec une certaine facilité qui te surprend légèrement. Ce n’est pas le genre de détails que tu aimes normalement donné, mais Norman ne t’a jamais donné l’impression qu’il était le genre à te juger, sur quoique ce soit. « Mais je vais mieux maintenant. » que tu enchaînes rapidement, parce que c’est l’essentiel à tes yeux. Les mois ont passé et tu veux vraiment croire que tu n’es plus la même Autumn que celle qui s’est retrouvée à longer les couloirs de l’aile psychiatrique du St-Vincent pendant six mois de temps.

Tu enchaînes en lui parlant de ton voyage, cette dernière année bien plus clémente que les mois d’avant. « C’est vrai? Ou est-ce que t’es allé? » « Au Canada. J’ai bougé beaucoup pendant les deux premiers mois et puis je me suis trouvée un boulot d’aide à l’enseignement dans une école au Québec. » que tu lui annonces avec une certaine fierté dans la voix. Vous avez encore tout le temps du monde devant vous pour que tu lui parles plus de tout ce que tu as vu, pour que tu lui racontes que t’es allée dans les rocheuses et que t’as vécu ton premier vrai hiver, avec la neige et les températures qui vont grandement sous zéro. « T’es déjà allé? » que tu demandes, curieuse de savoir s’il a lui-même vécu quelque chose de similaire avant que tu ne commences une longue tirade sur la sensation brûlante du froid sur le bout de tes doigts les premières fois que tu as expérimenté les températures à -20. « Elia commence des stages à l’Interlude. Mets ça dans ta liste de resto à essayer. » « J’y manquerai pas. » Il parle de sa fille avec une telle fierté que ça te fait sourire. C’est pas ton père qui parlerait de toi avec autant d’enthousiasme, peu importe tes plans. Tu chasses l’image de ton paternel rapidement toutefois, c’est toujours bien plus simple de faire comme si de rien était. « J’te garde le reste pour en haut. » Le reste? Ça sonne comme une grosse nouvelle. Le genre qu’on dit loin de tout et de tout le monde.T’es déjà impatiente. « Deal. »

Et il ne tarde pas à venir, le en haut. Quand rapidement, vous êtes accompagnés d’un guide et que vous vous retrouvez habillé de tout l’équipement nécessaire pour une ascension dite sécuritaire, même si tu sais trop bien que vous allez un peu jouer des limites et peut-être même vous attirer quelques foudre de la part du guide. Il y a tes cuisses qui brûlent alors que vous monter toujours un peu plus haut, mais tu ne laisses pas l’inconfort se mettre dans ton chemin alors que la ville s’étend sous vos yeux d’une manière qui est tout simplement indescriptible. « C’est quand la dernière fois que t’es monté si haut? » que tu lui demandes, curieuse d’en apprendre sur les différentes aventures qu’il a pu avoir pendant ton absence. Vous n’êtes pas encore au sommet, vous en êtes seulement à la moitié du trajet mais il y a ton palpitant qui cogne fort et des étoiles dans tes yeux. T’es bien ici, à faire des folies comme ça qui ne font pas de mal à personne. Ça t’avait clairement manqué.

« J’ai passé quelques temps à l’hôpital. En psychiatrie. » Tu t'attendais absolument à tout, mais pas à ça. Tu ne sais pas trop si tu réussis à cacher la surprise sur ton visage (non pas vraiment). Tu ne voudrais surtout pas la vexée ou, pire, la blessée. Tu n'as absolument aucune idée de ce qui a bien pu se tramer dans sa petite tête, des épreuves qui l'ont menées jusque là, mais le chemin a dû être plutôt ardu. Tu réalises soudainement que tu ne la connais peut-être pas si bien que ça Autumn. Qu'est-ce qu'on est censé dire à quelqu'un qui sort d'un séjour en psychiatrie ? « Mais je vais mieux maintenant. » Ah, voilà. C'est tout ce qui compte, non ? Tu lui souris doucement en venant glisser ta main contre son bras. « J'suis content. » Qu'elle aille mieux. Qu'elle t'aille appelée. Juste d'être ici avec elle. Autumn prend l'initiative de changer doucement de sujet et c'est sans te plaindre que tu la laisses faire. Elle n'a sûrement pas envie de replonger là dedans. Plus tard peut-être. Devant l'immensité du Story Bridge, il vaut mieux se concentrer sur le positif si vous voulez arriver jusqu'en haut en un seul morceau. « Au Canada. J’ai bougé beaucoup pendant les deux premiers mois et puis je me suis trouvée un boulot d’aide à l’enseignement dans une école au Québec. » Elle a les yeux qui brillent lorsqu'elle débute son récit. Elle semble particulièrement avoir apprécié son voyage. Tu l'envie même d'avoir juste tout foutu en l'air pour partir - même si, à la base, ce n'était pas pour de bonnes raisons. Ce sont des souvenirs qu'elle gardera à jamais. « T’es déjà allé? » « Non, jamais. J'aimerais beaucoup par contre. » Y a-t-il vraiment une destination où tu n'as pas envie de te rendre ? Le monde est rempli de beauté que tu te désoles d'avance de ne pas pouvoir voir. Une vie, ce n'est pas assez pour tout voir. « T'es allé dans les rocheuses ? » que tu lui demandes ensuite. Si tu irais dans ce coin du monde, c'est définitivement par ça que tu commencerais. Lorsqu'elle te retourne la question, tu n'as rien d'aussi prestigieux à lui raconter. C'est d'abord vers Elia que le sujet se tourne, évidemment. Ça n'a pas changé, ça. Rien n'a vraiment changé pour tout dire. C'est pas plus mal quand on est confortable dans ses vieilles pantoufles. « J’y manquerai pas. » Et elle te dira à quel point c'était délicieux que ce soit vrai ou non parce qu'elle n'en a pas vraiment le choix. Ce qui s'est passé d'autre dans ta vie ? Tu lui gardes pour le sommet. « Deal. » Tu sembles avoir piqué sa curiosité. Ça te fais rire. Ça va, c'est pas une siii grosse nouvelle. Bon, peut-être un peu.

L'instant d'après, vous enfilez tous deux vos équipements pour monter. Il y a un guide, ce qui est complètement ridicule. Ni toi ni elle n'avez besoin de quelqu'un pour vous expliquer comment grimper. Vous n'en êtes pas à votre première fois. Mais bon, il parait que c'est obligatoire et tu n'as pas particulièrement envie de te faire chier à t'obstiner avec lui. Vous trouvez quand même moyen de vous mettre un peu à l'écart des autres en choisissant de ne pas écouter ce qu'il n'a pas d'intéressant à dire. C'est presque comme si les autres étaient là par hasard en même temps que vous deux. « C’est quand la dernière fois que t’es monté si haut? » Vous en êtes environ à la moitié du trajet. Pourtant, quand tu regardes par en haut, tu as l'impression de juste débuter tant l'objectif semble encore très loin. « Si haut ? » que tu demandes à voix haute en te questionnant. Tu ne fais plus d'escalade aussi souvent qu'avant. Tu en as fait quelques fois avec Elia ces derniers mois, mais ce n'était pas aussi haut. « À Sydney, les falaises sont incroyables. Tu aimerais. » que tu lui dis en jetant un coup d'oeil par en bas pour t'assurer qu'elle aille bien. Elle n'a pas besoin de ton aide Autumn, mais c'est plus fort que toi de t'en assurer deux fois plutôt qu'une. « T'es sûr que c'est toi qui a dix ans de moins ? » que tu la nargues en riant. Bon, après, c'est pas comme si tu étais vraiment très loin devant elle. Tu reportes ton regard vers le sommet en poursuivant ton ascension. À force de trop te moquer, tu vas sûrement finir par te casser la gueule Papi. C'est ça qui se passe quand on a trop confiance.

« J’suis content. » Et soudainement, tu réalises que ça n’a pas besoin d’être plus compliqué que ça. Que t’as repoussé le moment pendant si longtemps pour absolument rien parce que ça change rien pour Norman, que tu aies passé quelques mois en psychiatrie ou pas. Il ne te regarde pas différemment, tu vois pas de la pitié ou de l’horreur dans ses yeux, il s’imagine pas des millions de scénarios sur ce que tu peux avoir fait ou pas. C’est toi, qui t’impose tout ça au quotidien. Norman lui, il est tout simplement sincère quand il te dit qu’il est content et ça devrait suffire. Ça devrait te suffire à toi aussi, et tu te promets que tu vas y travailler, pour ne pas te priver plus longtemps des gens et des choses que tu aimes. Comme de raconter à Norman ce que t’as fait dans la dernière année, les places que t’as visité, les activités que t’as faites, celles qui risquent de le faire jalouser, rien qu’un peu. « Non, jamais. J’aimerais beaucoup par contre. » « Tu devrais le mettre au top de ta liste. » T’es certaine qu’il en a une, une liste. Elle doit être longue. Et tu dis ça seulement parce que t’as vu, mais sûrement qu’il y a pleins d’autres endroits qui méritent aussi d’être à la première place. T’es pas très objective au final, t’aurais envie de découvrir le monde entier toi aussi et le Canada, c’était ton premier voyage du genre. Ta première folie qui ne semblait pas venir d’une envie de tout détruire pour une fois. « T’es allé dans les rocheuses? » « Pour qui tu me prends? » Tu le regardes avec un air sévère avant qu’un sourire ne vienne égayer ton visage. « J’ai passé deux semaines en Colombie-Britannique et deux semaines en Alberta. Je suis allée à Banff aussi, et crois-moi, j’suis montée. » L’expérience avait été complètement folle, tu pensais pas que t’étais assez en forme pour, mais tu t’es surpassée de la meilleure des façons. C’était d’ailleurs la première fois depuis ton passage à l’hôpital que tu t’es sentie vraiment en vie, libérée de tous ces poids. Là-haut, au sommet du monde, tu te sentais invincible. Juste à y penser, t’as l’impression de retrouver cette sensation si particulière dans le fond de ton ventre.

Ou peut-être que c’est juste parce que vous êtes en train de monter à nouveau et que c’est le même thrill à chaque fois, peu importe ça fait combien de fois que tu réitères l’expérience. Que le guide parle mais que vous écoutez pas, que vous faites à vos têtes et que c’est bien plus drôle comme ça, tant pis si ça vous sépare du reste du groupe. T’as les cuisses en feu et y’a le vent qui est de sorti, mais t’adores ça. Tu pourrais pas dire à quel moment t’as vraiment commencé à apprécier les activités de plein air, mais maintenant, c’est difficile d’imaginer que tu puisses t’en passer complètement et tu sais que c’est la même chose pour Norman. « Si haut? » Tu hoches la tête alors que tu continues d’escalader, faisant attention de ne pas t’emmêler dans les différentes cordes qui vous tiennent en sécurité. « À Sydney, les falaises sont incroyables. Tu aimerais. » « On part quand? » Tu plaisantes, mais juste à moitié. Tu sais que si tu devais partir en voyage d’aventure, Norman serait le premier à qui tu le proposerais. Ce serait juste vous deux et toutes les activités de plein air, surtout celles en hauteur, que vous pouvez faire fitter en quelques jours. Il est devant toi et tu ne peux t’empêcher de lui faire une grimace quand il se tourne dans ta direction, un peu plus et on dirait qu’il veut te tendre la main, comme si t’en avais besoin. « T’es sûr que c’est toi qui a dix ans de moins? » « Ha. Ha. Ha. » Tu secoues la tête tout en tirant la langue alors que tu empresses le pas et voilà que tu te retrouves juste derrière lui. Vous en êtes qu’à la moitié du trajet, mais t’es curieuse de savoir ce qu’il y a de nouveau pour lui. Il t’a promis des nouvelles une fois que vous seriez en haut, mais t’as pas envie d’attendre si longtemps. « Alors? Tu vas me faire patienter encore longtemps avant de me dire ce qui se passe avec toi? » T’es tentée de le dépasser, juste pour prouver que oui, c’est toi la jeunesse entre vous deux, mais tu restes derrière lui. « C’est des bonnes nouvelles j’espère. » Pas de quoi se jeter en bas du pont (ouais, t’as l’humour tordu, et alors?)

« Tu devrais le mettre au top de ta liste. » Il y en a des tonnes de choses que tu aimerais mettre au top de ta liste. A vrai dire, il n'y a pas vraiment de numéro un, puisqu'il change tout le temps. Ça dépend de ton humeur, ça dépend de ce qui se passe dans ta vie. Juste le fait de voir les yeux brillants de Autumn suffit à faire monter le Canada dans ta liste, mais… « J'crois pas que ça va passer au conseil. » que tu lui réponds en riant. Un voyage comme celui du Canada comprend de partir quelques semaines, ça comprend aussi de ne pas partir tout seul. Pas certain que ce soit le genre de destination auquel Camille aura également envie de mettre au top de votre liste. C'est ce qui vient avec la vie de couple, c'est plus une liste personnelle, c'est une liste de couple. Pour les destinations voyages, y'en a qui vous rejoignent tous les deux et y'en a d'autre que non autant de son côté que du tien. « Pour qui tu me prends? J’ai passé deux semaines en Colombie-Britannique et deux semaines en Alberta. Je suis allée à Banff aussi, et crois-moi, j’suis montée. » « Ça y'est, j'suis jaloux. » que tu plaisantes. En fait, non t'es vraiment jaloux. Même si elle n'est pas partie pour les bonnes raisons, tu l'envie Autumn d'être juste partie sur un coup de tête. C'est ça qui est bien quand t'as pas d'attache. Tu fais ce que tu veux, quand tu veux. Ça te manque parfois. T'en a bien profité de tes années de célibat pour partir sur un coup de tête, mais y'a toujours le boulot pour te ramener à la maison. Un jour, peut-être, tu pourras partir plusieurs mois sans te soucier du reste.

« On part quand? »
« Quand tu veux. » que tu lui réponds automatiquement. Sydney, c'est la porte d'à côté, ce serait le temps d'un week-end sans plus. Ce serait tout à fait faisable. En plus, tu es sur la fin d'un gros projet au boulot. C'est le moment idéal pour partir. Oh Camille te tuerait de partir avec une jolie rousse tout seul un week-end entier. T'es si con que tu n'y penses même pas, si insouciant que tu comprendrais même pas c'est quoi le problème. « Ha. Ha. Ha. » C'est un énorme sourire de con qui prend place sur ton visage. Tu éclates de rire en la voyant te tirer la langue. Un peu de sérieux, ton pied a glissé sur ta prise, mais ça va, pas de chute en vue. Ta phrase a quand même motivé l'australienne a emboîter le pas. En quelques minutes seulement, elle t'a presque rejoint. « Alors? Tu vas me faire patienter encore longtemps avant de me dire ce qui se passe avec toi? » Ahh, la curiosité est un bien vilain défaut. « Encore quelques mètres, ouais. » que tu dis en regardant le sommet, ou en tentant de, puisqu'on ne le voit pas encore. C'est pas le moment pour parler de ça. Et puis, ça te laisse encore plusieurs minutes pour trouver la bonne phrase. Ça ne sort pas toujours comme ça le devrait. « C’est des bonnes nouvelles j’espère. » Pas vraiment ton genre d'étaler les mauvaises nouvelles, encore moins de faire un suspense autour. « J'crois oui. » Tu crois ? T'es vraiment con. « Enfin, oui. Oui ce l'est. » Pas trop certain que ça rattrape vraiment le coup, mais c'est mieux que rien.

C'est toi qui atteint le sommet en premier. De là-haut, tu aperçois le reste du groupe qui est vraiment très loin derrière vous. Et bien, ça paraît qu'il y en a qui n'avait pas l'habitude. Tu te penches vers le vide, tend ta main vers Autumn pour l'aider à monter les derniers centimètres qui la sépare elle aussi du sommet. « Merci de m'avoir appelé. J'avais besoin de ça. » que tu lui dis après qu'elle t'est rejoint assis sur la structure, les jambes qui balancent dans le vide. Tu glisses ton bras autour de ses épaules en perdant ton regard vers l'horizon. La vue est incroyable vu d'ici. T'as le coeur qui te bat dans les tempes sous l'adrénaline de la hauteur. Pour être haut, c'est haut. « J'vais me marier. » que tu lui annonces finalement, sourire en coin, voyant bien qu'elle attendait que ça. « Avec Camille. » que tu précises, parce que, ouais, ça pourrait être une autre depuis le temps.

« J’crois pas que ça va passer au conseil. »
« Ah oui, la fameuse vie à deux. »

Tu hausses légèrement les sourcils, retient un fou rire. Tu ne devrais pas rire, t’étais dans le même bateau il n’y a pas si longtemps. La moitié du temps d’ailleurs, tu ne voudrais qu’une chose : retourner dans le dit bateau. Retrouver cette vie à deux que tu as chéris autant que tu l’as maudit. Retrouver cette personne qui t’a fait mal, à qui tu as fait mal aussi, cette personne qui t’obsède encore beaucoup trop malgré tout ce que tu peux en dire. Et puis l’autre moitié du temps, tu te dis que tu préfères de loin jouir de ta liberté retrouvée, maintenant que tu vas bien. Tu le cri si fort à tout le monde que tu te crois presque. Ce sont les paradoxes sans fin qui s’accumulent quand il est question de relation, d’amour et de Kieran dans ton esprit tant ça peut partir dans une extrême comme dans l’autre bien trop facilement.  Norman te pose des questions sur ton voyage au Canada et tu lui vends du rêve, ce qu’il ne manque pas de commenter d’ailleurs. « Ça y’est, j’suis jaloux. » T’es d’ailleurs un peu trop fière de ça d’ailleurs alors que vous continuez de monter et que bientôt, le sol est aussi loin de vous que le sommet encore à atteindre et tu te délectes du rush d’endorphines qui te martèlent alors que tu profites du moment avec un vieil ami.

« Quand tu veux. » Sa réponse te surprend. « Ça, ça passe au conseil? » que tu lui demandes en riant. T’aurais aucune intention déplacée vis-à-vis de Norman, votre relation n’est pas faite de ça, mais alors pas du tout, mais si t’étais Camille, t’es pas certaine que tu serais sereine de laisser ton homme partir en weekend avec une autre femme, surtout une autre particulièrement plus jeune que lui, mais c’est probablement juste tes propres insécurités et tes propres jugements qui parlent là. Il prend davantage de distance, se moque de toi au passage, et ne rit qu’un peu plus fort quand tu lui tires une grimace. Ça te fait sacrément du bien, la simplicité de ce moment. La montée, la compagnie, la vue qui va s’offrir à vous quand vous allez être au sommet. Tu t’impatientes de connaître la nouvelle qu’il veut t’annoncer une fois en haut, et il en joue le Bing. « Encore quelques mètres, ouais. » Tu pourrais répliquer, t’indigner faussement même, mais t’es trop concentrée sur tes pieds, à t’assurer que tu continues de les mettre aux bons endroits pour ne pas glisser tout en essayant d’accélérer le pas pour vraiment perdre ton souffle à dire des mots qui ne changeront rien. « J’crois oui. » Tu fronces les sourcils. T’es juste derrière lui là et il peut clairement voir que t’es pas convaincue par sa réponse. « Enfin, oui. Oui ce l’est. » « C’est moi ou toi que t’essayes de convaincre là? » que tu souffles sur un ton de plaisanterie, bien qu’il y ait clairement une touche de sérieux derrière la question.

Norman atteint le sommet en premier, sans grande surprise, et il t’aide à te hisser juste à ses côtés. La vue est encore mieux que dans tes souvenirs, la sensation exaltante. Le reste du groupe est encore à des mètres de vous, et c’est tant mieux. Tu peux profiter du moment avec la seule personne qui t’intéresse ici aujourd’hui. « Merci de m’avoir appelé. J’avais besoin de ça. » « Promis, j’attendrais pas deux ans la prochaine fois. » que tu le rassures. Non, t’es retour pour de bon et tu vas mieux. T’as pas l’intention de perdre l’occasion de créer d’autres souvenirs comme ceux-là. « J’vais me marier. » Il lâche enfin la bombe alors que t’as le regard tourné vers la ville et t’espères que le fait que tu n’es pas en train de le regarder directement va aider à camoufler la surprise qui vient se placer sur ton visage. « Avec Camille. » « Oh wow. » que tu souffles, les mots te manquant soudainement. C’est sans doute un bien mauvais moment pour lui dire que tes propres fiançailles sont tombées à l’eau, huh? « Félicitations! » que tu te reprends, avec un enthousiasme qui manque toutefois d’un brin de sincérité. « C’est prévu pour bientôt? Comment t’as fait la grande demande? » Tu fais la curieuse pour masquer le malaise ressenti quand sa nouvelle est tombée, en espérant qu’il ne te pose pas trop de questions sur ton propre engagement. Tu te demandes d’ailleurs s’il a remarqué que ton annulaire gauche est désormais vide de la présence de toute bague, toi qui était pourtant fièrement fiancée la dernière fois que tu l’as vu.

« Ah oui, la fameuse vie à deux. » Tu jettes un coup d'œil par en bas pour voir sa tête moqueuse. Ces paroles ne sont que confirmation de plus que son couple, même ses fiançailles de jadis, ne tient probablement plus la route. Tu es presque tenté de savoir ce qui a bien pu se passer, par pur curiosité, mais tu n'as pas non plus envie de mettre les pieds dans les plats exprès. C'est le genre de discussion où on ne sait jamais quoi dire. Plus tard, peut-être. On verra bien si elle aborde le sujet d'elle même. « Paraît qu'il faut faire des concessions parfois. » Ouais, il paraît. La base d'un couple se sont les compromis. Curieusement, c'est toujours le gars qui doit en faire plus que la fille, mais bon, hen. « Ça, ça passe au conseil? » En vérité ? Non sûrement pas. Mais il y a des trucs qui demandent une discussion à deux, comme des projets de voyages à deux, mais quand tu as une bulle au cerveau qui pop et que tu pars sans elle, tu ne lui demandes pas son avis. Tu l'avertis, tu lui en parles, bien sûr. Mais elle n'a pas à donner sa bénédiction. Ce serait le début de la fin s'il fallait qu'elle te brime dans ta liberté. Déjà que tu lui accordes un mariage dont tu ne vois pas l'intérêt… « Pourquoi ça ne passerait pas ? » Et tu ne vois aucun mal à partir avec un ou une amie. Ça te gênerait pas qu'elle fasse la même chose. Tu as confiance en elle et tu oses croire que l'inverse est aussi vrai. Jamais tu ne trahirais sa confiance. T'es pas comme ça. Loin de là. « C’est moi ou toi que t’essayes de convaincre là? » Et t'es toujours aussi nul pour t'exprimer. Son commentaire pique un peu, mais c'est bien mérité. Bien sûr que c'est toi que t'essaies de convaincre, mais t'es quand même pas assez con pour l'admettre. Quoique le fait de simplement garder ce silence soudain et malaisant doit tout de même répondre à la question. Heureusement, le sommet finit par arriver et vous pouvez changer de sujet comme si de rien n'était, ou presque.

Les autres en bas semblent si loin, mais bientôt ils vous auront rejoint. C'est probablement là où jamais le moment des confidences à l'abris des oreilles indiscrètes. « Promis, j’attendrais pas deux ans la prochaine fois. » Tu te retournes pour la regarder en souriant doucement. « T'as intérêt. » Parce que tu risques de t'inquiéter dans le cas contraire. Maintenant que tu connais les circonstances de sa dernière disparition, il est certain qu'un prochain long silence viendra avec bien plus de questionnement que la première fois - un questionnement totalement différent aussi. « Oh wow. Félicitations! » qu'elle laisse échapper après que tu aies enfin lâcher ta bonne nouvelle à toi. Finalement, elle n'a pas manqué grand-chose. Elle reste dans les premières à qui tu l'annonces. C'est pas comme si ta liste était si longue que ça non plus. Contrairement à Camille qui ne manque pas une occasion de le placer dans un sujet avec n'importe qui, proche ou pas. « Merci. » que tu lui réponds même si c'est félicitations ne semble pas si sincère. Enfin, tu sais pas trop. Peut-être qu'elle aime pas trop Camille, en même temps, elle ne la connaît pas vraiment. C'est soit ça ou elle a un problème avec les mariages - l'option deux est plus probable. « C’est prévu pour bientôt? Comment t’as fait la grande demande? » « Y'a que ça qui vous intéresse. » que tu lâches en riant. Ah les femmes, elles veulent la grosse affaire pour une demande spectaculaire. Tu n'as jamais eu la fibre romantique. C'est peut-être pour ça que le mariage, ça n'a jamais fait partie des plans. « Ce sera en février. » Camille voulait absolument se marier en été, et ce n'est sûrement pas un hasard qu'elle ait choisi le mois de l'amour - encore heureux que ce soit pas le 14. « C'est elle qui l'a fait. J'crois qu'elle en avait marre d'attendre. » Ou elle savait que ça n'arriverait jamais si elle ne prenait pas les devants. C'est sûrement plus ça. Tu te demandes ce qu'aurait été la suite si tu avais dit non. Est-ce qu'elle aurait vraiment foutu en l'air tout ce que vous aviez construit ces dernières années pour une journée dans sa vie ? Tu as eu peur que ce soit le cas. Après son projet bébé réduit en miette, tu te sentais incapable de lui enlever ça aussi. Comme si le mariage pouvait panser pour le reste.

« Paraît qu’il faut faire des concessions parfois. » C’est ce qu’on dit. Mais parfois, les concessions, ça ne suffit pas. Parfois, ce n’est que le début de la fin. Enfin, tu pourrais sans doute en parler trop longtemps, mais tu as peur de gâcher le moment si tu mentionnes ta rupture avec Kieran et tout ce qui s’est passé autour de cet évènement. Alors tu te tais pour l’instant, te concentres pleinement sur l’ascension du pont devant vous alors que vous avez déjà grandement dépassé le reste du groupe. Tu te concentres sur la sensation de brûlure dans tes cuisses avec chaque marche et l’adrénaline d’être suspendue dans les airs comme si le monde entier était à tes pieds, d’une certaine façon. C’est bien plus plaisant de penser à ça que de penser à Kieran de toute façon. Norman mentionne des falaises qui valent la peine d’être vues et montées et tu es surprise qu’il soit partant à l’idée de partir avec toi si facilement. « Pourquoi ça ne passerait pas? » Tu échappes un rire tout en fronçant les sourcils devant l’incrédulité du Bing. « Si j’étais Camille, je suis pas certaine que j’aimerais savoir que mon fiancé part avec une autre fille que je connais presque pas pour le weekend. Mais peut-être que c’est juste moi. » Non clairement, ce n’est pas juste toi, même si tu es prête à admettre que ton niveau de jalousie est plus élevé (et certainement pas très sain) que la moyenne.

Le monde vous appartient quand vous atteignez le sommet bien avant tout le monde et tu promets de ne pas entendre aussi longtemps avant de lui proposer une nouvelle activité. Tu n’as pas envie de disparaître du quotidien de l’homme aussi longtemps une nouvelle fois et tu comptes bien tenir cette promesse que tu lui fais. Il t’annonce enfin la grande nouvelle qu’il t’a fait miroiter plus tôt cet après-midi et la surprise est grande, presque autant qu’elle est ironique. Tu repousses de lui annoncer que tes fiançailles ont été annulé, et le voilà qu’il t’annonce que lui va se marier. Tu fais ta curieuse, comme tu sais si bien le faire, ce qui provoque un rire chez Norman. « Y’a que ça qui vous intéresse. » Tu hausses les épaules légèrement, l’air innocente même s’il n’a pas complètement tort. « Ce sera en février. » « Ça vient vite. » que tu ne peux t’empêcher de remarquer. « J’espère que vous ferez pas ça super cliché à la St-Valentin. » que tu rajoutes, espérant vraiment que ce ne soit pas le cas parce que t’auras l’air bien conne si ce l’est. « C’est elle qui l’a fait. J’crois qu’elle en avait marre d’attendre. » « Oh. » Tu devrais vraiment apprendre à mieux camoufler ta surprise Autumn parce que là, ça commence un peu à être ridicule tout ça. « Comment elle l’a fait du coup? » que tu t’empresses de demander, éternellement curieuse. « C’était dans tes plans, le mariage et tout ça? » Tout ça, tout ça quoi? Est-ce que c’est ta façon de lui demander s’il veut d’autres enfants alors qu’il en a déjà une qui est grande et qui n’a plus besoin de lui? Tu ne pourrais t’imaginer retomber dans les couches à son âge, mais sait-on jamais. « Je me suis séparée, au début de 2020. » que tu lui admets enfin. « Enfin, j’devrais plutôt dire que Kieran a annulé le mariage et a disparu dans la nature après ça. Pendant que j’étais à l’hôpital. » Tu ris, mais le cœur n’y est clairement pas. Peut-être que t’aurais dû attendre encore un peu avant de partager ça tout compte fait.

« Si j’étais Camille, je suis pas certaine que j’aimerais savoir que mon fiancé part avec une autre fille que je connais presque pas pour le weekend. Mais peut-être que c’est juste moi. » Tu souris en coin. Bon, elle marque peut-être un point. Camille ne l'a connait pas vraiment c'est un fait. Mais elle te connaît toi et ça devrait être suffisant. « Tu sais que la confiance règle bien des problèmes ? » C'est pas des conneries quand on dit que la confiance et l'honnêteté sont la clé pour réussir une relation. Tu ne supporterais pas la jalousie au sein d'une relation. Tu n'as jamais empêché Camille de faire que ce soit avec ses amis, homme ou femme. Tu t'attends à la même chose d'elle. Elle n'a absolument pas à s'inquiéter de quoique ce soit. La rousse a plus l'âge d'être ta fille que ta maîtresse. « Ça vient vite. » Tu acquiesces d'un signe de tête. Ça vient même un peu trop rapidement à ton goût. Il ne s'écoule même pas un an entre la demande et le jour J. « J’espère que vous ferez pas ça super cliché à la St-Valentin. » Elle se moque et ça te fait rire dans la seconde - Camille rirait sûrement moins. Tu remercies encore les 9 jours qui te séparent de cette fameuse fête commerciale. Voilà une phrase qui prouve complètement qu'elle ne connait pas Camille; elle aime tout ce qui est cliché. Elle ne te l'a pas dit, mais t'es convaincu qu'elle n'a pas choisis le 14 parce qu'il n'était pas disponible. « Encore heureux. » que ce ne soit pas le cas.

« Oh. » Ça surprend tout le monde que ce ne soit pas l'homme qui ait fait la demande. C'est pas si surprenant pour ceux qui te connaissent bien. Tu n'aurais jamais sauté le pas dans cette direction. « Comment elle l’a fait du coup? » On a dit cliché, hm ? « Au resto. C'était bien. » Ah, bien sûr qu'elle s'est assuré de mettre toutes les chances de son côté avec une jolie robe, les mots parfaits et ton estomac plein. Tu ignorais toi-même que tu lui dirais oui avant qu'elle ne pose la question. Tu ne t'imagines pas vraiment passer ta vie avec quelqu'un d'autre, alors, pourquoi pas ? « C’était dans tes plans, le mariage et tout ça? » Quoi tout ça ? Tu jettes un œil vers le bas. Les autres avancent, mais ne sont pas assez près encore pour avoir une raison d'avorter cette conversation. « Non. » C'est pas un secret pour personne. Si tu avais voulu te marier, tu aurais épousé May quand elle est tombée enceinte. C'est ce que tout le monde attendait. Parce que les vieilles mentalités fonctionnent ainsi. Ça passe mieux qu'elle soit enceinte si vous êtes mariés. « Mais j'aurais pas d'autres enfants si c'est ce que tu te demandes. J'suis rendu trop vieux pour ça. » que tu ajoutes en riant. Ce serait sûrement différent si tu n'aurais pas déjà ta fille. Mais non, le temps des couches, c'est terminé pour toi. Tes enfants n'auront pas deux mères, même si la première est loin de faire l'affaire.

« Je me suis séparée, au début de 2020. » Ah. On y vient alors. Tu t'en doutais bien. Sinon, elle aurait parler de son mari bien avant ça. Dans tous ces récits, elle semblait les avoir vécus en solo. Tu ne t'étais pas trompé. « Enfin, j’devrais plutôt dire que Kieran a annulé le mariage et a disparu dans la nature après ça. Pendant que j’étais à l’hôpital. » Elle rit, mais ça n'a rien d'un rire. Elle est triste et elle veut le cacher. Tu pinces les lèvres alors qu'une mine triste s'affiche sur ton visage. Tu te souviens d'à quel point ses yeux brillaient quand elle parlait de Kieran. « J'suis désolé. Il sait pas ce qu'il manque. » que tu lui dis pour tenter de la réconforter. Ça n'a jamais fait partie de tes forces réconforter les autres.

« Tu sais que la confiance règle bien des problèmes? » Est-ce qu’il existe réellement des couples où ce n’est pas un problème pour aucun des partis que l’autre parti ainsi avec quelqu’un pratiquement inconnu et du sexe opposé? Sûrement que oui. Sûrement même que c’était bien plus sain ainsi, comme le sous-entendait bien peu subtilement Norman, mais ce n’était clairement pas une relation dans laquelle tu t’étais retrouvée par le passé. Même si Kieran n’aurait jamais osé regarder une autre femme lorsque vous étiez en couple et que logiquement parlant, tu en es consciente, tu n’aurais pas pu cacher ta jalousie et ton manque de confiance – bien plus envers toi qu’envers lui, même s’il aurait été celui a payé le gros prix – et tu sais que ça n’aurait fait que créer d’autres problèmes. Cette situation-là, elle ne s’était jamais produite, mais ça n’avait tout de même pas sauver votre couple. Mais si ce n’est pas un problème pour Norman, ni pour Camille, alors ça te tente vraiment, cette expédition à Sydney. « On part dès que t'es libre alors. Avant ton mariage. » Tu ne règleras pas tes problèmes de confiance demain matin, mais tu n’es pas celle qui va se marier maintenant. « Encore heureux. » « Quelle date alors? » Tu ne sais pas si tu vas être invitée, après tout, il y a une semaine à peine, vous n’aviez pas encore repris contact. Mais c’est la curiosité qui te pousse à poser la question.

« Au resto. C’était bien. »
« Je suis contente pour toi. Vraiment. »

Sa réaction à lui ne semble pas aussi extravagante que tu aurais pu te l’imaginer, mais peut-être que c’est seulement sa manière d’être finalement. « Non. » « Oh. » Tu es surprise de l’entendre, mais pas vraiment surprise de comprendre maintenant pourquoi c’est elle qui a fait la grande demande. « Tu t’y attendais? » Ou bien est-ce qu’elle l’a pris complètement au dépourvu? Est-ce qu’ils en parlaient, est-ce que c’est vraiment ce qu’il veut? Tant de questions que tu ne poses pas, mais qu’il peut sûrement lire sur ton visage parce que tu ne cherches pas vraiment à le camoufler. « Mais j’aurais pas d’autres enfants si c’est ce que tu demandes. J’suis rendu trop vieux pour ça. » Ouais, c’est aussi ce que tu demandais. « Pas envie de te remettre le nez dans les couches? » que tu demandes avec un rire. Tu ne peux pas vraiment le blâmer. Sa fille est rendue grande. Elle est indépendante. Un nouveau bébé à son âge, recommencer à zéro, tu ne peux pas le blâmer de ne pas en avoir envie.

Parler de ta séparation n’a rien de drôle, mais tu ris parce que c’est bien le seul mécanisme de défense qu’il te reste encore quand vient le temps de parler de ce moment particulièrement pénible de ton histoire. « J’suis désolé. Il sait pas ce qu’il manque. » Tu lui offres un petit sourire, tu sais qu’il essaye d’être compatissant, réconfortant. Ce n’est rien que tu n’as pas déjà entendu des dizaines de fois, mais ça n’efface pas le mal qui a été fait. « C’est sûrement mieux comme ça. » Oh ça, tu n’y crois pas une seule seconde. La vérité c’est qu’encore aujourd’hui, tu n’as pas vraiment fait le deuil de votre histoire. « Elia, elle prend ça comment, ton nouvel engagement? » Ça doit être étrange pour elle après tout.

« On part dès que t'es libre alors. Avant ton mariage. » « Pourquoi avant ? » que tu lui demandes. Elle dit ça en voulant dire qu'elle voulait que vous ne mettez pas des mois avant de vous revoir ou elle insinue autre chose ? Genre qu'après le mariage vient la fin de la liberté. Pourquoi t'angoisse soudainement, hm ? « Quelle date alors? » « Le cinq. Tu es la bienvenue, bien sûr. » que tu ajoutes sans même demander avec la cheffe de l'organisation si c'était possible. Tu sais pas trop si elle a fini avec les plans de tables, les invitations, tout ça. Une personne de plus ou de moins, ça ne doit pas changer grand chose rendue là. Y'en a pas de problème.

« Je suis contente pour toi. Vraiment. »
« Merci. »

« Oh. » Ta franchise la surprend probablement. Elle te fait presque regretter de l'avoir été. M'ouais, peut-être que ça se disait pas finalement. « Tu t’y attendais? » Tu hausses les épaules. Tu aurais envie de dire que non, tu ne t'y attendais pas. Tu savais que c'était quelque chose à laquelle elle aspirait. Aux nombre de fois où ses grand-parents vous ont envoyé des messages plus ou moins subtiles là-dessus, ils sont maintenant aux anges que leur petite-fille se marie enfin. Mieux vaut tard que jamais. « Oui et non. Elle vient d'une famille plutôt conservatrice, tu vois ? Je savais qu'elle voulait et je savais que je pourrais pas lui dire non si elle me demandait. » Tu gardes pour toi le fait qu'il y a eu une partie de toi qui a eu peur qu'elle parte si jamais tu lui disais non. Tout comme tu préfères taire le fait que tu lui as dit oui, parce que tu te sens coupable de la priver de son rêve d'être une mère. « Pas envie de te remettre le nez dans les couches? » Et voilà ! Non, vraiment pas. Elia est partie de la maison en même temps que Camille est entrée dans ta vie. On peut dire que tu avais entamé un nouveau chapitre dans ta vie de parent. Elle est arrivée juste un peu trop tard dans ta vie Camille. « J'suis plus rendu à l'étape grand-père que père. » que tu réponds en riant. Tu étais déjà père à l'âge d'Elia. Mais rien ne presse. Elle peut attendre encore quelques années.

« C’est sûrement mieux comme ça. » Elle le dit sur une note un peu triste. Quelque chose te dit qu'elle n'est sûrement pas en paix avec la fin de cette relation. S'il est vraiment parti sans explication, c'est peut-être ça qui l'empêche de vraiment tourner la page. C'est con vivre sans comprendre ce qui a bien pu se passer. Elle aurait sûrement besoin d'avoir une bonne conversation avec son ex. « Je sais que tu penses pas ce que tu dis, mais c'est sûrement mieux oui. J'crois qu'il y a rien qui arrive pour rien. Tu rencontreras la bonne personne pour toi. » Le temps arrange les choses, tout ça, c'est pas des conneries. C'est le conseil le plus frustrant quand tu vis dans le chagrin, mais c'est bien vrai. La tristesse finit par s'en aller et on réussit à trouver quelqu'un avec qui on a de nouveau envie de partager sa vie. T'en sais quelque chose. « Elia, elle prend ça comment, ton nouvel engagement? » Ah, Autumn change de sujet, ne voulant certainement pas s'éterniser sur le sujet de sa rupture. Tu ne comptes pas appuyer là où ça fait mal davantage si c'est ce qu'elle souhaite. « Ah tu sais depuis le temps qu'on est ensemble, elle est contente pour nous. » C'est pas comme si c'était une nouvelle relation. C'est pas comme si elle n'avait pas eu le temps d'accepter la rupture de ses parents. Non. Tout ça était déjà réglé avant que la question mariage pointe le bout de son nez. Mariage ou pas, ça ne change rien. « Bon allez, on redescend ? » que tu lui dis alors que le reste du groupe venait, eux, à peine d'arriver. C'est bien de pouvoir profiter de la vue, mais faut bien finir par redescendre un jour ou l'autre.

« Pourquoi avant? » Tu fronces les sourcils, amusée par l’éclat d’angoisse que tu lis sur son visage. « Pour mieux pouvoir te sauter dessus avant que tu sois un homme marié. » que tu chantonnes comme une gamine qui raconte absolument n’importe quoi, juste pour pouvoir voir le choc s’installer sur son visage. « Je déconne Bing, fais pas cette tête. » Tu te fais rire toute seule alors que tu secoues la tête vivement. « T’es pas mon genre de toute façon. » Oh que tu n’es pas douée pour aider ta cause Galloway. « Je disais surtout ça pour pas attendre encore un an et demi avant qu’on se revoit. » Tu n’avais absolument aucune autre idée en tête en soufflant les mots, mais à sa réaction, tu n’avais pas pu te retenir de te jouer un peu de la situation. Il y avait encore plusieurs mois devant vous avant son grand jour, et même si vous ne partiez pas réellement à Sydney tous les deux, tu espérais vraiment reprendre contact avec lui de manière plus ponctuelle. À moins que tu l’aies traumatisé avec ta blague franchement pas si marrante, sauf pour toi évidemment. « Le cinq. Tu es la bienvenue, bien sûr. » Tu souris. Tu ne sais pas si tu vas recevoir une invitation formelle, s’il te lance çà poliment sans même avoir discuter avec l’heureuse élue, mais tu hoches tout de même de la tête. Si tu es vraiment invitée, c’est avec grand plaisir que tu vas assister à son grand jour.

« Oui et non. Elle vient d’une famille plutôt conservatrice, tu vois? Je savais qu’elle voulait et je savais que je pourrais pas lui dire non si elle me demandait. » « Mais toi, t’avais pas envie de lui demander? » Oh Autumn, tu devrais vraiment faire attention à ce que tu demandes, à ce que tu dis. Tu projettes un peu trop là, quand toi-même tu as passé des mois à inciter Kieran à faire sa grande demande alors que les choses étaient loin d’être au beau fixe entre vous, réussissant à le convaincre de le faire même si au bout du compte, vous n’avez jamais eu votre grand jour. « Excuse-moi, t’es vraiment pas obligé de répondre à ça. » Toi et ta grande gueule, sérieux. « J’suis plus rendu à l’étape grand-père que père. » Tu échappes un léger rire. Il n’est quand même pas à bout d’âge, même si tu peux comprendre qu’avec une gamine qui a déjà atteint la vingtaine, l’envie de revivre la période nouveau-née et tout ce qui ça comporte, ça peut ne pas être très attrayant pour lui. « Camille est ok avec ça? » Tu es tellement fouineuse, tu es bien incapable de retenir les questions dès l’instant où elles se font un chemin dans ton esprit. Il n’est pas obligé de te répondre après tout et puis il te connaît, ce n’est pas comme si tu avais changé tant que ça, dans les deux dernières années.

« Je sais que tu penses pas ce que tu dis, mais c’est sûrement mieux oui. J’crois qu’il y a rien qui arrive pour rien. Tu rencontreras la bonne personne pour toi. » Kieran était la bonne personne pour toi. Cette pensée-là, tu as bien du mal à t’en défaire. Si tu peines éternellement à prendre ta (grosse) part de blâme dans ce qui vous est arrivé, tu sais toutefois qu’il a toujours su être bon pour toi, le Halstead. Pour tempérer ses parties de toi qui finalement auront eu le contrôle de vous deux, de lui aussi. It wasn’t all bad. « T’as sûrement raison. » que tu souffles tout de même, n’ayant pas particulièrement envie de t’éterniser sur ce sujet toujours aussi sensible malgré les mois qui ont filé depuis votre séparation. « Ah tu sais depuis le temps qu’on est ensemble, elle est contente pour nous. » « Tant mieux. » Ça aurait sans doute été difficile à gérer si ça n’avait pas été le cas. Tu ne connais rien des familles recomposées toutefois, peut-être que ce n’est pas aussi pire que ce que tu t’imagines. Tu es juste contente que tes parents soient toujours ensemble finalement. « Bon allez, on redescend? » « J’suis prête à parier un repas au resto fancy où Elia travaille que j’arrive avant toi! » Quoi de mieux qu’un peu de compétition pour rendre la descente intéressante?