break on through
Megan Monroe & @Shiloh Atkins

Dégueulasse. Révoltant. Je n’ai pas de mot pour décrire les pensées meurtrières qui me viennent à l’instant où je reçois la notification que, comme tous les contacts de Shiloh, j’ai été taguée dans une publication. Je n‘ai pas de mot pour décrire l’horreur qui me prend quand je comprends que, toutes ces photos, elles ont été postée à son insu. Assez douée pour cerner les gens, je me fie souvent à mon intuition et quand j’ai appris que mon amie d’enfance fréquentait Lawrence, le golden boy adulé par les adolescentes du pays, j’ai grincé des dents. N’ayant jamais suivi la carrière du jeune homme de près, j’avais toutefois un mauvais pressentiment le concernant et l’éloignement de mon amie pendant la durée de sa relation avec le brun n’a fait que le confirmer. Quelque chose ne tournait pas rond.

Un quelque chose qui s’est confirmé quand, en début d’année et au beau milieu d’une soirée, la blonde est venue frapper à ma porte en larmes et sans que je ne m’y attende. Petit à petit et en lisant entre les lignes de ce qu’elle me confiait, j’ai compris que sa relation avec la star de la chanson n’avait rien de saine, et qu’elle ne me disait pas tout. J’ai eu envie de le réduire en miette lors de sa confession : il l’a frappée et à au moins deux reprises, et prise d’une pulsion vengeresse, j’ai juré que j’enterrerai la carrière du musicien quoi qu’il m’en coûte. Grâce à ma profession, j’ai les armes nécessaires en ma possession. Grâce à ce que je devine des confessions de Shiloh, j’ai la certitude qu’il s’est conduit comme ça avec plus d’une jeune femme et j’ai mis ma colère de côté pour réfléchir froidement.

Mais ces photos privées, montrant mon amie dénudée et dans des poses lascives, il n’avait pas le droit de les publier. Il n’avait pas le droit et à présent il n’est plus question de respecter le rythme de la prise de conscience de la blonde : il est hors de question qu’il puisse continuer à agir impunément. C’est remontée que j’ai pris la route de l’appartement. C’est inquiète de l’état dans laquelle je trouverai la blonde que j’ai monté deux par deux les marches jusqu’au deuxième étage. Et malgré tout avec douceur que j’ai tourné la clé dans la porte d’entrée avant de passer la tête à l’intérieur du trois pièces que je partage désormais depuis quelques mois avec Shiloh. « Shiloh ? » Évidemment, elle étouffe quelques sanglots en m’entendant arriver et je me mords l’intérieur de la lèvre, avant de me diriger vers la porte de sa chambre et de taper doucement contre le bois. « Je peux rester derrière la porte si tu veux. » Non, j’ai bien l’intention de l’enfoncer dans la minute puisque je m’inquiète pour elle. « J’ai vu les photos. » J’ai beaucoup de qualités, mais le tact n’en fait pas partie. « S'il faut aller lui casser les genoux, j’ai une batte de baseball sous mon lit. » Le pire étant que je ne plaisante pas : pas pour la batte, et pas plus concernant mes intentions.

Lucia avait été adorable avec moi, si prévenante, si attentionnée, mais dès l’instant où elle avait terminé de me prodiguer tous ses doux conseils, je n’avais eu plus qu’une seule idée en tête. Le chemin, c’était fait dans un flou artistique entre son appartement et le mien. À chaque regard posé sur ma personne, j’imaginais le pire, que ce pauvre papi avait vu mes photos, que cette dame avec ces enfants allait leur raconter que j’étais le pire exemple pouvant exister. Mon esprit tout entier ne tournait qu’autour des photos et des mots de Lawrence. À chaque pas, mon cœur semblait battre plus fort contre mes temps, au point où j’ai eu peur de valser, en pleine rue. Il a fallu que je reprenne mon souffle, appuyer contre un poteau, le regard dans le vide. Mon téléphone, c’est perdu au fond de mon sac à main, mais je jurerais l’entendre vibrer. Les messages doivent s’aligner les uns après les autres. Je pourrais entendre les insultent dans mon dos, comme sentir la pression de mon ex petit ami sur mes épaules. Si je pensais vivre un cauchemar, me voilà arrivé en enfer.

Dès l’instant où la porte de l’appartement claque derrière moi, je m’empresse de fermer le verrou. Mes chaussures restent abandonner dans l’entrée, mon sac avec, alors que je me précipite dans ma chambre. Je ne vérifie même pas si Megan est là. Je m’enferme dans la pièce, tire les rideaux, pars me réfugier dans mon lit. C’est tout ce qu’il faut pour que les larmes reprennent, alors que les images semblent défiler dans un coin de ma tête. Lawrence venait d’abattre ses dernières cartes. Il avait décidé frapper fort et à l’instant même, je serais capable de l’appeler pour lui donner tout ce qu’il souhaite en échange d’un peu de tranquillité. Je serais prête à ployer le genou pour ne plus supporter ses insultes, pour ne plus entendre ses reproches. Les pensées se bousculent sans que jamais la finalité ne change. Si je cède, il cessera.

J’étais à deux doigts d’aller chercher mon téléphone, qu’importe ce que Lucia avait bien pu me dire, qu’importe ce que j’avais promis à Nathan. Il fallait que tout cela cesse, je trouverais bien une solution après. Alors, j’allais le faire. J’étais sur le point de me lever pour appeler Lawrence quand la porte d’entrée de l’appartement claque et que des pas se dirigent droit vers ma chambre. « Shiloh ? » Megan. Je me mords les lèvres, tentant d’étouffer les sanglots qui ne me quitte plus. Comment lui faire croire que je ne suis pas là, alors que mes affaires traînent encore dans l’entrée ? Je voudrais disparaître sous ma couette, mais rien n’est aussi simple. « Je peux rester derrière la porte si tu veux. » Tout dans sa voix annonce une bonne volonté quand on sait aussi bien l’une que l’autre qu’elle ne fera pas cela. Le calme et la douceur ce n’est pas très Megan. « J’ai vu les photos. » La douleur est immense à l’entendre prononcer ces quelques mots. Elle a vu. Elle sait. Et les autres ont vu également. Et tout fait mal. « S’il faut aller lui casser les genoux, j’ai une batte de baseball sous mon lit. » « C’est plutôt moi que tu devrais frapper avec ta batte. » Me mettre des coups pour avoir été aussi stupide, me mettre des coups parce qu’il l’a si bien dit : c’est tout ce que je mérite.

Sa main est déjà sur la poignée lorsque je me lève pour lui ouvrir la porte. Megan ne rebroussera pas chemin, elle restera là, a insisté, jusqu’à ce que tout sorte. C’est que je distingue à peine ses traits au travers des larmes. Elle paraît en colère et je bégaye. « Je… Je vais l’appeler. » Du bout des doigts, je tente de chasser les perles salées qui inondent mes joues. « Il me reste encore des affaires là-bas, je… J’vais aller le voir. » Je ne sais plus vraiment ce que je raconte. En aucun cas, je n’ai envie de rester seule avec lui, je ne voudrais jamais le revoir, mais mon esprit, c’est focaliser sur la solution de facilité. Tout lui donner.

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Megan Monroe & @Shiloh Atkins

Elle pleure et, plutôt que d’avoir envie de la réconforter comme toute personne douce, compréhensive et normalement constituée, j’ai envie de l’attraper par les deux épaules et de la secouer assez fort pour qu’elle se ressaisisse. C’est ce que j’aurais fait si j’avais eu n’importe qui en face de moi. Mais non, c’est Shiloh, Shiloh qui m’a tendu la main quand j’étais une gamine perdue, Shiloh qui connaît mon histoire mais sait qu’il ne faut pas en parler, Shiloh qui ne s’offusque pas de vivre avec un glaçon, Shiloh qui n’a qu’à faire des petits yeux de chien battu pour que je dise oui à tout. Oui, on peut prendre un chaton, Oui, on peut ouvrir l’appartement pour la journée des voisins et j’en passe. La blonde représente sans aucun doute ce qu’il y a de mieux en moi, alors, la tête posée contre la porte de sa chambre, je m’arme de chaque parcelle de douceur de mon être mon ne pas la brusquer.

Le fait est que j’ai du mal à imaginer comment elle se sent. Je saisis l’ironie de la situation : je gagne ma vie en volant et vendant des photos aux plus offrant, mais c’est différent, et pas uniquement parce qu’il s’agit de Shiloh. C’est différent parce qu’elle les a envoyées à son mec en toute confiance. C’est différent parce que je vais enterrer ce fils de pute avant son heure. « C’est plutôt moi que tu devrais frapper avec ta batte. » - « C’est plutôt toi qui devrais le frapper avec ma batte. » Je suis certaine que ça lui ferait un bien fou, en plus d’être parfaitement jubilatoire.

Mais Shiloh ne fera pas ça. Shiloh pleure doucement, se morfond et, quand elle ouvre la porte, me fait une peine immense. Je me prends sa détresse en plein fouet et je déglutis difficilement. J’ai toujours ressenti les émotions des autres fort, bien plus fort que la moyenne et puisque je tiens à Shiloh, j’ai mal pour elle. « Je… Je vais l’appeler. » Heureusement, elle sonne le glas de ma tendresse, là, tout de suite. Je fronce les sourcils et je croise mes bras sous ma poitrine, dans une parfaite imitation de n’importe quelle méchante belle-mère de dessin animé. « Il me reste encore des affaires là-bas, je… J’vais aller le voir. » - « C’est hors de question. » Pas de ”je te conseille pas” ou ”tu ne devrais pas” et elle me connaît assez pour savoir que ce n’est pas qu’une question de parler : si elle veut revoir cette enflure ou ne faire ne serait-ce que lui téléphoner, il faudra qu’elle me passe sur le corps. « Ton téléphone. » Gardant une main croisée sous ma poitrine, je tends une main dans sa direction, paume ouverte vers le ciel. « Donne moi ton téléphone. » Est-ce que j’use de la fragilité de mon amie pour gérer les choses à ma manière ? Peut-être, mais au moins j’utilise mes pouvoirs pour la bonne cause. Elle tremble, elle hésite et moi pas : je lui arrache presque l’appareil des mains et, sans hésiter, je le jette par terre.

Je le jette par terre le plus violemment possible avant de l’écraser de mon talon à plusieurs reprises, m’assurant que l’écran est fissuré de toutes parts. Je le ramasse entre mes doigts, vérifie qu’il ne s’allume plus, avant de le lui tendre à nouveau. « Vas-y, essaye de l’appeler maintenant. » Ma violence, elle y est habituée Shiloh. Je suis imprévisible et spontanée, parfois à l’excès. Pourtant, je n’ai pas haussé le ton. J’ai simplement haussé mes épaules en lui rendant son bien. « Y’a quelque chose qui tourne pas rond chez toi pour que t’aies envie de le voir ? » Je suis un peu plus vindicative, à présent. « Ce qu’il vient de te faire, c’est dégueulasse. Alors tu me fais le plaisir de plus répondre à un seul de ses messages. »

Je ne sais vraiment ce que j’avais bien pu imaginer en venant me réfugier à l’appartement. À la simple recherche de solitude, j’en avais oublié le plus grand des détails : ma colocataire. Bien sûr que Lawrence lui avait transmis les photos quand il a toujours cherché à nous séparer sans que jamais elle ne flanche face à son ton condescendant. Il avait réussi à nous éloigner malgré tout, il avait su me convaincre d’être bien plus distante avec la jeune femme, mais dans le fond elle n’avait jamais lâcher l’affaire Megan, comparer à tant d’autres. Et aujourd’hui, de l’autre côté de la porte, mon amie de toujours s’impatiente. « C’est plutôt toi qui devrais le frapper avec ma batte. » Plus rien ne m’étonne dans sa franchise sans limite, elle n’aimait pas Lawrence, ne sait jamais gêner pour me le faire remarquer. Par mille occasions, elle avait tenté de me prévenir, m’avait demandé de faire attention. Jamais je n’ai réellement voulu l’écouter, parce que Megan à ses failles, parce qu’elle fait difficilement confiance aux autres. Je prenais cela pour l’un de ses défauts quand en réalité, c’est peut-être bien son instinct que j’aurais dû écouter.

Il faudra plusieurs passages de mes doigts sur mes joues pour tenter d’effacer toutes traces de larmes. Il faudra un simple regard envers la blonde pour que les sanglots me rattrapent. Elle est déçue, Megan, c’est tout ce que je conclus du regard qu’elle me lance. Probablement, qu’elle se demande comme j’ai pu être aussi stupide pour réaliser de tels clichés. Stupide, le mot est vraiment faible Shiloh. Un soupire m’échappe alors que je sens qu’elle perd patience, qu’elle cherche une once de colère de ma part, plausiblement une envie de me battre contre mon ex petit ami. Ce n’est rien de cela qui transparaît tant, je suis obsédée à l’idée de lui faire plaisir une dernière fois, de plier le genou pour qu’il cesse son manège, lui prouver une fois encore qu’il a gagné. C’est que j’envisage toutes les possibilités pour que Lawrence gagne son sentiment de gloire. « C’est hors de question. » Je sursaute à l’entente de ses mots si fort. Elle ne l’entend pas de cette oreille Megan. « Ton téléphone. » Main tendue vers moi, je sens son regard qui insiste, ses mots qui tentent de ne pas s’emballer de trop. Son pied tape sur le parquet. « Donne-moi ton téléphone. » « Megan, c’est bon je… » Un regard noir et voilà que je pars dans le salon chercher le mobile pour le lui donner, main tremblante. « C’est pour arranger les choses. » Soudainement, c’est comme si mes mots avaient terminé de provoquer sa colère. En l’espace de quelques secondes, mon téléphone se retrouve sous la chaussure de Megan qui frappe avec toute sa force. Elle s’acharne sur l’objet avec un certain plaisir tandis que je frémis à chaque coup supplémentaire.

Si j’ai peur des autres, je n’ai pas peur de Megan. Malgré sa colère, malgré toute la force qu’elle met à détruire mon téléphone, malgré son regard noir. Je n’ai pas peur d’elle. Au contraire, la voir se défouler sur mon mobile me donne comme un léger sentiment de satisfaction. Ce n’est presque rien, mais comme une mini vague de soulagement à voir l’objet, qui vient de faire bousculer mon monde, se faire détruire de la sorte. « Vas-y, essaye de l’appeler maintenant. » Elle est fière de son coup et j’ai envie de pleurer à nouveau, d’avoir une amie aussi dévouée. Pourtant, c’est une autre pensée qui me pousse à lui demander : « Remet le par terre. » Ma force est moindre face à la sienne, mais me voilà à écraser une dernière fois l’écran bousillé pour ressentir encore un peu cette mini vague là.

« Y’a quelque chose qui tourne pas rond chez toi pour que t’aies envie de le voir ? » Mon regard est bien moins assuré, je rêve de retourner dans ma chambre sans que Megan m’observe ainsi. « Dis qu’il y a forcément quelque chose qui tourne pas rond chez moi pour avoir fait des photos pareilles. » Est-ce qu’elle va me juger ? Elle doit trouver cela tellement sale, tellement idiot. J’ai honte et j’ai mal, avec cela, ce sont mes dernières miettes d’assurance en moi qui vole en fumée. Jamais je ne me suis sentiment aussi dégradée, jamais je n’ai eu autant envie de tout lui céder. « Je veux pas le revoir. » que je murmure doucement alors que mes doigts viennent tirer sur mon tee-shirt. Je suis bien moins assurée quand il faut m’expliquer. « Ce qu’il vient de te faire, c’est dégueulasse. Alors tu me fais le plaisir de plus répondre à un seul de ses messages. » Je me mords la lèvre refusant de pleurer à nouveau face à elle. « Il arrêtera pas. » Je le sais. « Je dois aller à Sydney, il verra bien qu’il a gagné si je reviens et… » Et après ? Je n’en sais rien. Je n’ai pas pensé aussi loin. Me remettre avec lui me paraît inconcevable, je ne veux plus qu’il m’approche, je ne veux plus qu’il me touche. « Je veux juste qu’il arrête… » À me replier sur moi-même de cette manière, je vais bientôt finir en boule sur le sol. « Je peux pas supporter plus. » Plus ce serait m’achever, plus ce serait gagné la bataille pour de bons, me pousser à commettre l’irréparable pour que les menaces prennent fin, pour qu’il ne puisse plus jamais m’atteindre. C’est probablement ce qu’il cherche, dans ce cas, il est à deux doigts de gagner. « Qu’est-ce que je vais faire ? » Derrière la question, se cache un véritable appel à l’aide.

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Megan Monroe & @Shiloh Atkins

Je ne suis pas en colère contre elle. C’est ce que pourrait penser toute personne observant la scène d’un œil extérieur, mais c’est la situation qui me met hors de moi et j’ai toujours eu du mal à canaliser ma rage lorsqu’une situation me semble injuste. Je m’insurge pour un rien, et j’entre en combat pour bien moins que ça, et Shiloh est ma plus vieille amie, la seule qui me connaisse moi et toutes mes facettes, pas uniquement celles que je veux bien montrer au reste du monde. « Megan, c’est bon je… C’est pour arranger les choses. » Elle parlemente, elle négocie mais je ne bouge pas d’un cil. Ma main est toujours tendue dans sa direction et elle le restera tant que je n’aurais pas gain de cause. Attachée à mon indépendance, je considère paradoxalement que je sais mieux qu’elle ce qui est bon pour elle et c’est qui ne l’est pas - c’est un évidence - et j’ai pris la décision à sa place : elle ne l’appellera pas, quoi que ça lui en coûte.

Bien sûr, les trémolos de sa voix me brisent le cœur. Je suis une éponge à émotions et les siennes me touchent particulièrement, puisque je tiens à elle plus qu’à n’importe qui d’autre. Son éloignement la dernière année m’a bousculée, moi qui pensais notre amitié acquise mais j’ai pardonné à l’instant même où mes yeux se sont posés sur le bleu ornant sa joue, le soir où elle est rentrée sur Brisbane. Je ne lui ai jamais reproché de s’être éloignée, pas ouvertement, et aujourd’hui je m’en veux même d’avoir nourri de la rancune à l’époque. « Ton téléphone. » Pourtant ça ne m’adoucira pas. Je ne fléchirai pas pour la simple et bonne raison que si je suis dure, je le suis pour son bien.

De tout temps, j’ai toujours été une boule de nerf. Je contiens en moi une dose de violence qui ferait tourner la tête à certains et, alors que je lui arrache pratiquement son bien des mains, je la laisse sortir sans penser à la retenir pour épargner la blonde. J’ouvre les vannes en grands et je mentirais si je prétendais que je n’imagine pas Lawrence à la place de l’appareil que j’écrase de toutes mes forces jusqu’à briser l’écran. Je ne suis pas fière de moi. Je ne la provoque pas, pas plus que je ne la met réellement au défi de l’appeler : je tente de lui faire prendre conscience qu’il est dangereux, et qu’elle doit en rester éloignée. « Remet le par terre. » Un hochement de tête, c’est tout ce qu’elle obtiendra de moi. Mais un hochement de tête de ma part, c’est une preuve incommensurable de respect et d’approbation. Je suis fière d’elle. Immensément. « Il est assuré non ? » J’esquisse un sourire pour alléger l’atmosphère - elle est au bord des larmes et je m’en veux pour ma réaction un tantinet excessive - avant de l’attraper par l’épaule et de l’attirer contre moi pour la prendre dans mes bras. La paume de ma main contre mes cheveux, je la serre un instant avant de me dégager.

« Dis qu’il y a forcément quelque chose qui tourne pas rond chez moi pour avoir fait des photos pareilles. » - « S’il te plait Shiloh, j’ai déjà pris des photos bien plus osées que celle-là. » Pour les envoyer à Cameron, principalement. « T’es magnifique en plus, t’as pas à rougir. » Je tente de la rassurer, je tente à ma façon de l’aider à relativiser, aussi dur que ce soit. Elle est discrète la blonde, elle n’aime pas faire de vagues ou trop de bruit et je sais qu’elle doit être mortifiée. De mon côté, je considère qu’elle devrait relever le menton bien haut.

« Il arrêtera pas. Je dois aller à Sydney, il verra bien qu’il a gagné si je reviens et… »
« Stop. Il est hors de question qu’il gagne. »

Il lui a brisé le coeur, il l’a frappée, il l’a rabaissée jour après jours pendant plus d’un an, je ne laisserai plus jamais ne serait-ce que toucher à un de ces cheveux, et si je dois lui briser la mâchoire pour ça je n’hésiterais pas une seule seconde. « Je veux juste qu’il arrête… Je peux pas supporter plus. » - « Tu sais que y’a des solutions pour ça ? » D’autres que de lui donner ce qu’il veut, mais c’est une telle évidence que je ne l'ajoute pas. « Qu’est-ce que je vais faire ? » A mon sens, elle devrait parler. Elle devrait l’empêcher de briser une autre fille, puis une autre et une suivante. Si elle parlait de ce qu’elle a vécu, je veux croire qu’on l’empêcherait de nuir. Et si ça ne fonctionne pas, il y a toujours la manière forte… « Tu pourrais porter plainte. » Les bras croisés sous ma poitrine, je l’observe sans ciller, et je sais qu’elle n’aime pas ce que j’ai à dire. Qu’elle ne se sent pas prête. « Je pourrais ruiner sa vie. » Ce serait simple, vu le métier que j’exerce. Presque un jeu.

Elle n’acceptera aucun compromis quand cela fait bien trop longtemps qu’elle mord sa langue. Megan ne cache jamais le fond de sa pensée, même si parfois, à mes côtés, elle tente de se contrôler. Il est bien trop évident de lire sur son visage la moindre émotion qui semble l’envahir. Triste mélange entre une empathie que je déteste déchiffrer et une colère sourde qui semblait gronder depuis de biens trop longs journées. Si elle avait su me pardonner mon absence – même si j’avais amplement mérité l’inverse – je sais que Megan ne me laissera plus rien passer. Si parfois, elle fait preuve de patience envers ma personne, aujourd’hui, il est certain que toutes les limites ont pu être atteinte. Patience n’es plus lorsqu’elle détruit mon téléphone à coup de talon bien placé. Il ne reste que des miettes, un écran briser et un cellulaire qui ne s’allumera plus jamais. « Il est assuré non ? » Son sourire mi-amusé amène le mien si faible au travers de larmes. « Tu t’en fiches. » que je murmure, les mots dissimulés dans un soupir qu’elle saura reconnaître comme un rire. Assurance ou non, elle l’aurait continué à l’exploser pour que je ne sois plus en capacité de l’utiliser. Tout ce qui compte, c’est bien la seconde d’après, quand son bras trouve mes épaules et mon visage le creux de sa nuque. Une étreinte suffit pour que le cocon de sécurité s’enveloppe autour de mes frêles épaules. Quoiqu’il arrive, elle sera là. Je ne pourrais jamais en douter.

« S’il te plait Shiloh, j’ai déjà pris des photos bien plus osées que celle-là. » Bien sûr qu’elle a osé, parce qu’elle est magnifique, parce qu’elle a confiance en elle, en son corps. Elle a la tête haute Megan, personne ne lui dicte ses actions, personne ne pourrait la freiner. « T’es magnifique en plus, t’as pas à rougir. » Pourtant, c’est bien ce qui se produit à l’entente de ses mots. Mes joues chauffent, virent au carmin alors que mon regard évite le sien. En rien, je ne suis fière de mon corps. Jamais je n’avais voulu l’exposer ainsi, de manière aussi vulnérable et intime. Cela ne devait rester qu’à la discrétion de Lawrence, il avait préféré s’en servir pour m’anéantir. « J’ai jamais vraiment voulu les faire. » Les mots sont prononcés en quelques murmures rapides, mais à elle, j’avais besoin de le dire. Les premiers clichés avaient été de mon initiative, les autres avaient bien plus servi à ramener le calme dans l’appartement et a tenter de sauver mon couple maladroitement. Je n’avais pas su appeler à l’aide avant, désormais, il ne me reste que les regrets.

« Stop. Il est hors de question qu’il gagne. » C’est pourtant bien la seule option qui me semble encore envisageable, la seule chose qui le fera s’arrêter. Emprisonné par les paroles de Lawrence, je ne sais voir autrement que par le prisme de ses actions et sautes d’humeur. Si je cède, il se calmera un temps. Cela a toujours été comme cela. « Tu sais que y’a des solutions pour ça ? » Au fond de moi, quelque part, je le sais. Pourtant, rien ne me semble si évident, lorsque j’observe Megan à la recherche de toutes les réponses qu’elle serait capable de m’amener. Je lui remets tout sur les épaules, elle qui a toujours été si forte. « Tu pourrais porter plainte. » Ma tête se balance de gauche à droite avant même qu’elle ne termine sa phrase. « Je pourrais ruiner sa vie. » - « Non. » Elle pourrait pourtant, en un simple claquement de doigts. « Non, je veux pas qu’il s’en prenne à toi. » Pas elle. Il est capable de tout Lawrence, même de convaincre ma meilleure amie que je suis la pire chose pour elle.

Mais ses mots résonnent et viennent se mélanger à ceux de Lucia. C’est un bordel sans nom qui se forme dans un coin de ma tête. La raison qui cherchait à l’emporter sur le cœur. La peur qui prends le dessus et qui me vrille l’estomac. « Je sais pas. » Tout ce qui me vient à l’instant n’est que vide abyssal. Le tourbillon me ballote de tous les côtés, me faisant douter à chaque nouvelle pensée. Si je prends conscience de la gravité des derniers événements, je cherche malgré tout à en trouver une explication, à donner sens à ses actions. Me voilà à me battre contre moi-même, contre cet instinct qui me hurle que Lawrence n’a pas mal fait, que j’avais mérité tout ce qui était en train de m’arriver. « Pourquoi je lui cherche encore des excuses ? » La question n’a jamais été aussi honnête tant, je me sens perdue. « C’est pas de l’amour ça… ? » Oui. Non. Je ne sais plus. La question, en est-elle vraiment une ? C’est dans le regard de la blonde que je tente de trouver, un semblant de vérité.

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Megan Monroe & @Shiloh Atkins

« Tu t’en fiches. »
« Je m’en fiche. »

Elle esquisse l’ombre d’un sourire et je lui réponds de la même manière. Elle joue l’excédée mais je sais pertinemment qu’il n’en est rien et, quand bien même elle m’en aurait voulu, je ne me serais pas remise en question une seule fois. J’ai pris la décision pour elle peut-être, mais j’ai pris la bonne, et celle-ci a au moins le mérite d’être radicale. Plus de téléphone, plus de prise de contact avec son ex petit ami. Plus de téléphone, plus de messages insultants à cause de ces photos, témoins volés de leur intimité. « J’ai jamais vraiment voulu les faire. » - « Sauf que c’est fait. La seule chose qu’il te reste à faire c’est de relever le menton et d’assumer. » Parce que si elle assume, rien ni personne ne pourra l’atteindre. « Et de t’assurer que ça se reproduise pas. » Je n’aime pas perdre mon temps à refaire le monde avec des si. Je ne crois pas au destin, je ne prétends pas que tout arrive pour une raison mais quoi qu’il en soit il est impossible de revenir en arrière.

S’assurer que ça ne se reproduise pas, c’est ne plus jamais donner ce genre de levier à quelqu’un, et surtout à un homme. Si prendre ce genre de clichés la met mal à l’aise, qu’elle refuse : c’est aussi simple que ça. S’assurer que ça ne se reproduise pas, c’est aussi couper le ponts avec le brun. Définitivement. Des solutions pour lui rendre la monnaie de sa pièce, j’en ai un paquet qui me viennent et toutes mes font jubiler : je rêve que vienne son tour d’être humilié et décrié. Elle secoue vigoureusement la tête lorsqu’il est question de faire appel à la justice - je m’y attendais - mais je sens la moutarde me monter au nez dès lors que je crois l’entendre tenter de le défendre. « Non. » Je fronce les sourcils, mes yeux toujours résolument accrochés aux siens. « Non, je veux pas qu’il s’en prenne à toi. » Oh douce Shiloh si seulement elle savait. Je n’attends que ça, que son pleutre d’ex petit ami tente de s’en prendre à moi, puisque cela me conférerait une excellente raison de laisser libre cours à mes pulsion vengeresse, sans me retenir, sans avoir à demander la permission à qui que ce soit. « Il peut rien me faire. Je suis personne. » Je n’ai pas de réputation à détruire, ma vie n’intéresse ni les médias ni le grand public et c’est parfait comme ça.

Elle dit non, mais j’ai de toute façon pris ma décision : j’acte qu’il sera ma prochaine cible, quand elle sera prête ou même avant, si j’estime que cela prend trop de temps. « Je sais pas. » Elle doit arrêter de l’aimer. Elle doit arrêter de croire qu’il l’aime : il n’aime que l’emprise qu’il a sur elle, parce qu’elle est douce, parce qu’elle est aimante, parce qu’elle s’écrase bien trop souvent et je méprise tous ceux qui en profitent. Sans moi, ils seraient légion. « Pourquoi je lui cherche encore des excuses ? » « Parce que t’es comme ça. » Elle lui chercherait des excuses s’il l’avait frappée cinq, dix ou même vingt fois. Elle croit que tout le monde peut changer, elle croit que tout le monde est au fond animé des mêmes intentions bienveillantes qu’elle. J’aime profondément la blonde, mais je suis parfois exaspérée par sa naïveté. Elle ne dresse aucune protection entre elle et le monde extérieur, elle fait trop confiance et trop vite et ça fait d’elle une cible de choix pour tous les Lawrence de ce monde. « C’est pas de l’amour ça… ? » - « Non. » Je bouillonne de rage. Je suis furieuse qu’elle puisse encore le penser. Son téléphone à elle est éteint, alors c’est le mien que je déverrouille pour causer un électrochoc. J’ouvre instagram, j’affiche une photo au hasard, tant pis si c’est douloureux pour elle et je brandis l’écran de l’appareil sous ses yeux. « Ça c’est pas de l’amour. » Peut-être que je ne connais rien. Peut-être que je n’ai jamais rien vécu de pur et beau, mais je suis encore capable de reconnaître une ordure manipulatrice quand j’en vois une. « S’il est capable de faire ça, c’est qu’il ne t’aime pas Shiloh. Toi aussi tu dois cesser de le faire. » Parce que si je crois en ses sentiments à elle, ils ne doivent plus exister.

« Sauf que c’est fait. La seule chose qu’il te reste à faire, c’est de relever le menton et d’assumer. » Sans jamais verser dans la méchanceté, Megan impose une volonté qui se veut de fer. Elle donne le rythme, trace le chemin de l’avenir avec une volonté qui jure si violemment avec mes pensées. Je me sens incapable d’assumer tant le sentiment qui prédomine reste celui de la honte. Si j’avais pu trouver les photos potentiellement jolies sur le coup, désormais je ne repère que des défauts qui résonnent avec les mots de Lawrence. « Et de t’assurer que ça se reproduise pas. » Dans un automatisme rendu idiot, me voilà à hocher la tête vivement. Elle peut être sûre que je ne reproduirai pas ce genre de clichés. « Leçon apprise. » que je murmure lentement, alors que déjà, j’imagine à quel point, il va m’être difficile de partager quoi que ce soit à nouveau.

Elle veut que je tourne la page la blonde, elle veut que je cesse de donner du crédit à Lawrence. Je vois dans son regard à quel point elle fulmine d’avance alors que je m’emmêle dans mes mots, que je trébuche sur chacune de mes phrases. Je voudrais qu’elle m’entende pourtant, tant tout me semble évident dans le fait de rendre visite à mon ex-compagnon. C’est la solution qui se présente à moi, elle pense de suite à plus violent. Surtout, elle prend ma défense. Comme toujours. Cela n’avait pas été le cas, la toute première fois, mais avec les années passées, elle emporte le prix de la meilleure amie protectrice. Megan est probablement la seule à savoir s’y prendre pour me protéger de moi-même. « Il peut rien me faire. Je suis personne. » L’affirmation résonne dans le silence de l’appartement alors que je secoue la tête marquant la négation. Dans son idée, elle n’est personne dans ce monde. « Dans mon monde, t’es l’une des personnes les plus importantes. » Celle qui me suit depuis tant d’années déjà. « Il le sait parfaitement. » Oh, il avait tant haï notre amitié, il a tant essayé de la dénigrer. C’est qu’il avait presque réussi à un moment, presque sur la fin, puis il avait fauté et c’est chez elle que je suis venu me réfugier. « Fais attention, promis ? » Elle doit répondre promis, qu’importe ce qu’elle peut bien penser dans le fond. C’est la règle.

Au sein de la conversation, ce sont nos deux caractères, nos deux façons d'être qui s'opposent. Elle ne comprend pas le comment du pourquoi, je ne saurais voir par son prisme de pensée. Cela a toujours été ainsi avec Megan, notre amitié repose sur deux entités entièrement opposées. Au point où je cherche encore des excuses à Lawrence tandis qu'elle fulmine. « Parce que t’es comme ça. » La conclusion tombe comme un couperet tranchant. C'est de ma faute, je suis comme ça. De celle qui pardonne un rien, de celle qui cherche le bon dans chaque être humain. Je suis comme ça et Megan s'en agace. J'insiste malgré tout, j'aimerais qu'elle entende mon point de vue, mais tout sonne faux quand je croise son regard. Je me trompe sur toute la ligne et elle veut absolument que je le comprenne. « Ça c’est pas de l’amour. » La photo qu'elle brandit sous mes yeux me fait baisser le regard. Je ne veux plus voir tout ça, mais le téléphone reste sous mon nez me forçant à observer tout ce qu'il avait bien pu dévoiler. « S’il est capable de faire ça, c’est qu’il ne t’aime pas Shiloh. Toi aussi, tu dois cesser de le faire. » J'ai le cœur qui se serre et les larmes qui montent à mesure que Megan tente de me faire comprendre les choses. « C'est de ma faute. » que je murmure entre deux inspirations. Autrement dit, ce n'est pas de la sienne. Autrement dit, c'est sa défense que je prends, malgré l'humiliation qu'il vient de me faire vivre. Me voilà me rendre seule coupable, luttant contre les sanglots pour ne pas craquer devant ma colocataire. C'est que j'ai envie de me recroqueviller dans un coin pour ne plus sentir son regard sur moi. Mes bras viennent se croiser sur ma poitrine comme ultime défense alors que quelques perles salées viennent rouler sur mes joues. Je me sens désemparée lorsque je finis par articuler : « Je pensais qu'il m'aimait... » La réalisation que tout cela n'était qu'illusion est bien trop difficile à encaisser. « Je me sens bête et sale. » Et Dieu que ça fait mal, ça tiraille de tous les côtés, ça fait couler le peu de larmes qu'il me reste. « Non, en fait, je me sens comme une merde. » Voilà. Je me prends dans la tête une année et demie d'illusions perchées.

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Megan Monroe & @Shiloh Atkins

« Leçon apprise. » Sauf que j’en doute. Je connais mon amie et je sais qu’elle replongera dans ce type de situation deux fois plutôt qu’une, si ce n’est pas avec lui ce sera avec quelqu’un d’autre, de similaire, de pire peut-être. Je sais aussi que je serai là pour la rattraper la prochaine fois qu’elle mordra la poussière, pas parce que je suis pleine d’abnégation mais bien parce qu’il est impensable d’envisager le contraire lorsqu’il s’agit de Shiloh. Parce qu’elle m’a aidée lorsque j’en avais besoin et que je vis mal le fait d’être redevable, je rendrai jusqu’au centuple pour m’assurer que ce ne soit pas le cas. « Je plaisante pas Shiloh. Fais attention. » Parce que je ne serai pas toujours là malgré tout. Parce que je n’étais pas là la première fois que Lawrence a levé la main sur elle, et que je m’en veux encore. Je n’étais pas là non plus la seconde et si elle n’avait pas eu la présence d’esprit de fuir, qui sait où elle serait elle.

« Dans mon monde, t’es l’une des personnes les plus importantes. Il le sait parfaitement. » Ma main glisse sur son épaule, et mon regard happe le sien d’une tendresse qui lui est réservée. « Fais attention, promis ? » - « T’inquiète pas pour moi. Je suis une dure à cuire, tu te souviens ? » J’ai eu besoin de son aide une fois, pas deux. Aujourd’hui, je n’ai plus l’intention de dépendre de personne, et je mets toujours un point d’honneur à réussir à m’en sortir toute seule des situations alambiquées dans lesquelles je me fourre systématiquement.

C’est cruel, de lui mettre la photo sous les yeux. Je sais que ça lui fait du mal, je le vois dans son regard et je ne garde pas le téléphone brandit dans sa direction de gaieté de cœur. Je le fais parce que je considère que l'électrochoc est nécessaire. Je le fais parce qu’après tout ce qu’il lui a fait pendant leur relation et ce qu’il vient encore de lui faire, elle se fustige encore elle et pense à le pardonner lui. « C'est de ma faute. » - « T’es ridicule. » L’amour vache n’est peut-être pas la meilleure solution dans cette situation, mais c’est la seule que je connaisse. « Je pensais qu'il m'aimait... » - « Et t’as pas à te sentir coupable de ça. » Les larmes qui roulent sur ses joues me brisent le cœur. Son corps qui tremble me brise le cœur. Mais dans ma vision des choses, elle a besoin d’être secouée, pas maternée, et si je dois l’enfermer dans l’appartement pour l’empêcher de retourner à Sydney je le ferais sans une once d’hésitation. « Je me sens bête et sale. » Elle est bête. Mais elle n’a rien fait de mal et en aucun cas ne doit se sentir sale. « C’est lui qui est dégueulasse. » Le mépris est palpable dans chaque intonation de ma voix. « Et tu seras bête si tu y retourne. Pas parce que tu as voulu lui faire plaisir et que lui te l’a mise à l’envers. » Elle est victime de toute cette situation et il parvient encore à la pousser à se sentir coupable quand, lui, ne regrette certainement pas son geste. « Non, en fait, je me sens comme une merde. » - « Je veux plus t’entendre dire ça. Jamais. » Je pousse un soupir avant de faire un pas dans sa direction. « T’as aimé ce pauvre con de toute ton âme. T’as fait ça parce que tu pensais que ça t'aiderait à le garder et personne n'a le droit de te faire la moindre réflexion. C’était des photos intimes. Elles étaient que pour lui. » Que dirait-elle si elle savait qu’il y a quelques années et pour joindre les deux bouts, j’ai vendu des poses bien plus suggestives à des magazines masculins ? « On va manger quelque chose et ouvrir une bouteille de vin. Et on commandera tous les parfums qui existent chez Ben & Jerry’s. » Je n’ai l’intention d’aller nulle part, je ne vais pas la laisser affronter ça toute seule. « On est même pas obligées de parler si tu veux pas. » Je n’ai pas gagné le titre de psychiatre de l’année, de toute façon. « Mais sors toi cette histoire de la tête. Les photos et le compte ont été signalés. Demain, tout le monde sera passé à un autre scandale. » Les scandales… Je m’y connais plutôt bien dans le domaine puisqu’il s’agit de mon gagne pain.

« Je plaisante pas Shiloh. Fais attention. »
« Promis. »
« T’inquiète pas pour moi. Je suis une dure à cuire, tu te souviens ? »
« Il paraît. »

Dire que l’on s'est connu ainsi. Petite Megan qui faisait embêter et mon courage puiser je ne sais où pour voler à son secours. L’événement fut unique en son genre quand après cela, c’est bien toujours elle qui a su jouer de son armure quand j’étais celle qui se faisait bien trop souvent marcher sur les pieds. Les erreurs se répètent sans jamais réellement être les mêmes. Celle qui me dévore aujourd’hui semble être l’ultime séisme dans ma vie. La réalisation que ma confiance en l’être humain est bien trop naïve. Je lui avais tout donné à Lawrence, toute ma foi et tout mon amour. C’est que je pensais qu’il en avait pour moi en retour. « T’es ridicule. » Et ses mots me blessent, viennent me heurter de plein fouet. À trop aimer j’en suis devenu aveugle, la poupée de chiffon qui excuse tout, courbe l’échine à dose d’excuse et de promesse jamais tenue. « Et t’as pas à te sentir coupable de ça. » Ce n’est pas de la douceur que je trouverais auprès d’elle ce soir. Je le réalise quand chacun de ses mouvements me rappelle à quel point j’ai pu être stupide. Rien n’est vengeance, elle ne cherche pas à faire mal pour le plaisir, elle étale la vérité sous mes yeux aussi blessante soit elle. « C’est pas aussi simple. » que je murmure entre deux larmes. Rien n’est simple quand Lawrence à si longtemps travailler pour m’épuiser, pour me faire douter. À ses yeux, je ne suis qu’une moins que rien. Chacune de ses paroles sont restée graver au plus profond de moi. « Tu sais pas tout ce qu’il pouvait dire. » Elle ne sait pas, a quel point cela avait fini par devenir ma seule vérité.

« Je veux plus t’entendre dire ça. Jamais. » Voilà que je baisse les yeux, croise les bras sur ma poitrine comme un dernier rempart de protection. Elle ne s’attarde pas sur les sentiments, elle bat le fer tant qu’il chaud, elle utilise ma tristesse pour me faire prendre conscience de tout le reste. « T’as aimé ce pauvre con de toute ton âme. T’as fait ça parce que tu pensais que ça t'aiderait à le garder et personne n'a le droit de te faire la moindre réflexion. C’était des photos intimes. Elles étaient que pour lui. » Malgré tout, elle a compris. Elle a qui j’ai subitement arrêter de parler pour ne pas envenimer les choses avec Lawrence, elle que j’ai si lâchement mise de côté. Elle comprend et je hoche la tête sans vraiment savoir quoi ajouter. « On va manger quelque chose et ouvrir une bouteille de vin. Et on commandera tous les parfums qui existent chez Ben & Jerry’s. » - « Même ceux que t’aime pas ? » Elle me rassure Megan, elle ne me fuit pas. Jamais. À sa manière, elle prouve que rien n’a changé, que l’on reste les deux mêmes filles qui pourront toujours compter sur l’autre comme elles se l’étaient promis il y a de cela des années. « On est même pas obligées de parler si tu veux pas. » Ce n’est pas l’envie que je ressens pour le moment. J’ai simplement besoin de me sentir entouré, comme protéger. « Mais sors toi cette histoire de la tête. Les photos et le compte ont été signalés. Demain, tout le monde sera passé à un autre scandale. » Du bout des doigts, je viens essuyer les quelques larmes qui coulent encore. « Je vais pas oublier comme ça. » Ce ne sera pas aussi simple. « James m'a donner du travail à nouveau et maintenant il va voir ça... » La pensée me fait trembler, mais pour ce soir, on a probablement fini d’en parler.

Les plats chinois ont été dévoré avec entrain, j’ai réussi à lui faire jouer mon film préféré et me voilà a goûter chaque pot de glace commandé. Megan n’est pas loin, elle veille au grain de son air mi-blasé, mi-amusé. Megan est la constante qui me manquait à Sydney, celle qui m’aurait aidé à ne jamais plonger dans la pseudo-vie rêvée qu’il me faisait miroiter. Les minutes passent et c’est sa voix à lui, grave et tranchante, qui envahit chaque recoin de mon esprit. J’entends à nouveau les reproches, les insultes déguisés, tout ce qu’il trouvait pour me rabaisser. « Il a brisé tout ce que j’avais. » Il est entré dans ma vie en fanfare avant de tout faire exploser, ma confiance en moi, ma passion pour mon métier. « A la fin, je sortais pratiquement plus, je pouvais pas travailler et il voulait que je voie personne. » C’est dur de l’admettre ainsi, dur de réaliser qu’il avait su faire de moi son petit pantin. Il est difficile de comprendre qu’il m’avait fallu une deuxième gifle pour vouloir m’en sortir. « J’ai peur qu’il fasse pire avec sa prochaine copine. »

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Megan Monroe & @Shiloh Atkins

« C’est pas aussi simple. » Bien sûr que c’est pas aussi simple. Mais c’est aussi pas en ressassant, en pleurnichant et en se fustigeant qu’elle pourra s’en sortir. Je ne suis pas dure par plaisir, je ne suis pas dure parce que je veux prendre le dessus sur elle ou lui faire payer ces mois de silence. Je ne suis pas insensible à sa douleur non plus, et je lui fais confiance pour le savoir autant qu’elle doit me faire confiance pour prendre les rênes puisqu’elle n’est plus capable de discernement. « Tu sais pas tout ce qu’il pouvait dire. » - « Non t’as raison, j’en sais rien. » Puisque cette relation, elle ne l’a pas partagée avec moi. Elle ne m’a pas parlé de leurs débuts et de leurs soucis de couple. Elle m’en a exclue parce qu’il l’a ordonné. Et je m’en fiche. J’ai compris. Je ne suis pas en train de lui brandir ma rancoeur sous les yeux. « Mais ça change rien. Tu dois réapprendre. Tu dois oublier tout ce qu’il t’a mis dans la tête. » Plus facile à dire qu’à faire, certainement. Surtout quand, comme moi, on s’est construit une carapace pour se protéger du reste du monde.

Elle pleure et je me demande si je suis trop loin, si j’ai été trop dure. Si je suis dotée de la capacité singulière de tout ressentir comme les autres, cela ne m’a pas pour autant appris comment gérer la douleur et la peine d’autrui. Je n’ai que ma colère pour l’aider, ça et des petites choses simples comme une soirée film pour se focaliser sur autre chose. « Même ceux que t’aime pas ? » - « Même ceux que j’aime pas. » Je prendrai un malin plaisir à lui expliquer pourquoi la Chuncky Monkey parfum banane est une abomination et pourquoi je crois en la suprémacie de la Peanut Butter Cup si ça peut la distraire de ses préoccupation. « Je vais pas oublier comme ça. » - « Je sais. Mais ça viendra. » Quand elle aura compris qu’il ne peut lui faire du mal que si elle lui en donne le pouvoir. « James m'a donné du travail à nouveau et maintenant il va voir ça... » - « Ton patron serait le dernier des abrutis s’il te licenciait pour ça. » Et s’il le fait, je serais ravie de lui rendre une petite visite avec la même batte qui me servira à briser les genoux de Lawrence. « Et tu pourrais lui coller un procès au cul pour licenciement abusif de toute façon. » J’en suis persuadée. Ou pas. Ou bien je m’arrangerai dans tous les cas pour que ce soit possible.

« Il a brisé tout ce que j’avais. » Le film est fini, les six gros pots de glace sont loin de l’être et, visiblement, le sujet Lawrence n’est pas épuisé non plus. D’une main, j’attrape la télécommande pour mettre le son en muet avant de braquer mon regard dans sa direction. « A la fin, je sortais pratiquement plus, je pouvais pas travailler et il voulait que je voie personne. » Je sais que j’ai dit qu’on en parlait plus. Mais ces choses là elle a besoin de les dire. Elle les garde depuis longtemps et je sens que ça pourri en elle, détruisant chaque once de confiance qu’elle possédait. Alors j’écoute. Je ne juge pas et je lui laisse le temps de s’ouvrir. « J’ai peur qu’il fasse pire avec sa prochaine copine. » - « C’est la première chose sensée que tu dis ce soir. » Doucement, je parcours la distance qui nous sépare sur le canapé pour attraper sa main dans la mienne. « Mais la personne dont tu dois t’occuper en premier, c’est toi. » Moi, je m’occupe de lui. « Ensuite tu penses aux autres. Ensuite tu l’enterres pour t’assurer qu’il refasse pas ça à une autre. » Je serre un peu plus ses doigts entre les miens, ma glace (la meilleure évidemment) totalement abandonnée entre mes cuisses. « Tu vois quelqu’un ? Pour parler de tout ça ? » C’est ironique venant de la personne qui n’a jamais parlé de ses traumatismes d’enfance et qui ne s’est donc jamais débarrassée de ces derniers n’est-ce pas ?

« Non t’as raison, j’en sais rien. » Le reproche n’est que dissimuler, loin derrière, au fond de sa voix. Il n’est pas là pour faire mal, pas là pour prendre toute la place, mais il résonne tout de même, d’une force qui me bouscule. Elle ne sait rien, parce que je n’ai rien partagé. En douceur, de manière sournoise, Lawrence avait su effacer mon entourage, jusqu’à faire de Megan qu’une ombre dans un coin de la pièce quand elle a toujours été mon phare dans la tempête. « Je suis désolée. » que je murmure en vain quand elle ne veut probablement plus entendre tout cela. « Mais ça change rien. Tu dois réapprendre. Tu dois oublier tout ce qu’il t’a mis dans la tête. » Je hoche la tête sans être capable de trouver mes mots. À un moment donné, lorsque les blessures ne seront plus autant à vif, il faudra tourner la page. Pas à pas, c’est le chemin vers la guérison qu’il faut entamer même si tout me paraît encore si vague. Tout est bien trop récent, bien trop violent, mais les mots laissent des traces, les gestes comptent tout autant. Durant des mois, je me suis caché des autres, lorsque mon salut se trouvait auprès de mes proches. L’empreinte de Lawrence plane sur mes épaules, marque au fer rouge ma peau, mais Megan laisse s’entrouvrir la porte vers de nouveaux horizons.

« Même ceux que j’aime pas. »
« T’es la meilleure. »

Ce n’est qu’un petit rien, quelques parfums de glace et la promesse d’une soirée en sa compagnie. C’est futile, presque habituel. C’est malgré tout le signe qu’elle ne m’abandonnera jamais, quoiqu’il arrive. « Je sais. Mais ça viendra. » Un jour, le déclic viendra, en attendant il s’agit de surmonter les obstacles, tenter de garder la tête hors de l’eau sans paniquer. Pourtant, c’est bien une angoisse constante qui m’appuie sur la poitrine, me rappelant les faits et leurs conséquences. « Ton patron serait le dernier des abrutis s’il te licenciait pour ça. Et tu pourrais lui coller un procès au cul pour licenciement abusif de toute façon. » Mesdames et messieurs, Megan Monroe dans toute sa splendeur. Personne n’attaque ceux qu’elle à décider de chérir ou elle s’affranchira de la mission de justice. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que mes doigts viennent chercher les siens. « James ne fera pas ça. » Peut-être que je suis encore une fois bien trop naïve, mais je reste persuadé que mon patron n’est pas de ce bord-là. S’il trouve quelque chose à redire, il viendra m’en toucher deux mots, mais cela restera anecdotique. C’est bien plus les autres qui m’effrayent, les gens de l’atelier, ceux qui m’ont vu partir et revenir sans explications. « Je me souci du regard des autres, c’est tout. » L’aveu est empli de faiblesse, mais cela a toujours été mon talon d’Achille.

Si les différents parfums de glace ont su sécher mes larmes, aucune crème glacée n’a pu empêcher la course folle de mes pensées. Le film est terminé, je pensais l’avoir tout juste commencé tant tout n’a cessé de tourner dans un coin de ma tête. Les conséquences des actions de mon ex petit-ami, cette emprise qu’il avait su marquer sur ma personne sans que je ne remarque rien, la réalisation de tout le mal qu’il avait engendré alors que je l’admirais de mon air amouraché. Lawrence a tout détruit sur son passage, dans une explosion aussi douce et graduelle, que violente. À tout garder pour moi, a trop emmagasiner sans jamais extérioriser, je me retrouve à vomir les mots plus vite les uns que les autres. Le pansement s’arrache avec douleur quand le constat s’étale sur le canapé entre nous, des mois de souffrances qui prennent forme dans des phrases, des affirmations et une vérité qui fait peur. Je m’étais laissé emporter, laisser détruire sans jamais recevoir en retour l’amour que j’avais su lui offrir. Et désormais, j’ai peur. Peur de l’avenir pour moi, comme pour celle qui passeront après moi. « C’est la première chose sensée que tu dis ce soir. » Et les larmes reviennent bien plus libératrices lorsque le corps de Megan se rapproche du mien, lorsque la bulle se construit à nouveau autour de nous. « Mais la personne dont tu dois t’occuper en premier, c’est toi. » C’est que je ne sais plus vraiment comment entreprendre tout cela quand pendant plus d’un an et demi, je n’ai pensé qu’à lui. « Ensuite tu penses aux autres. Ensuite tu l’enterres pour t’assurer qu’il refasse pas ça à une autre. » Ensuite, il faudra être assez fort pour garder la tête haute. « Et si ça prend trop de temps ? » Et si je ne suis pas capable ? Et si je ne suis pas assez forte dans le fond ? « Je sais pas comment faire Megan. » Rien ne me paraît clair, tout s’embrouille entre la volonté de m’en sortir et ce désir constant de laisser la noirceur m’engloutir complètement.

« Tu vois quelqu’un ? Pour parler de tout ça ? » Ma tête se balance d’un côté puis de l’autre. « Non. » Oh je sais d’avance ce qu’elle va vouloir me dire, que je devrais le faire, que je devrais entamer les démarches. « J’ai pas envie. » Pas tout de suite, pas maintenant. Je me sens bien incapable d’aller verser mes émotions chez quelqu’un que je ne connais pas, la confiance est brisée à ce point-là. « Mais tu seras là toi. » Ce n’est même plus une question, la simple affirmation qui rassure. « Juste… Donne-moi un peu de temps. » Encore un peu, quelques jours, quelques semaines probablement. Nos regards se croisent dans la promesse silencieuse que les quelques jours passés, elle sera là pour me rappeler de ne pas abandonner. « Je peux dormir avec toi ce soir ? »