Elle avait passé une journée épuisante. Dix heures de shooting – rien que ça -, à constamment changer de tenue et de coiffure, sous la lumière brûlante des projecteurs. Elle en était ressortie les yeux rouges de fatigue et les pieds plats, mais elle avait au moins pu garder la dernière robe. Elle s'en sortait toujours pour garder la dernière robe. Elle sortait souvent après une grosse journée de travail. Étonnamment, elle avait toujours beaucoup plus d'énergie après un shoot pareil, et elle n'était pas la seule. Souvent, elle sortait boire des coups avec ses collègues du jour.
Elles étaient donc venues à deux, la fille qui avait passé la journée à ses côtés et elle. Elle ne se souvenait même plus de son nom, mais elle ne lui redemanderai jamais. C'était une grande rousse, somme toute assez jolie, mais bien moins que Wilhelmina – enfin, Mina n'avait jamais trouvé qui que ce soit de plus joli qu'elle, de toute façon. En plus, elle avait insisté pour se changer avant de partir, parce qu'elle n'aimait pas que tout le monde la regarde. Mina avait levé les yeux vers le ciel si fort qu'elle avait vu noir pendant quelques instants en les rebaissant quand elle avait entendu ça. Et puis quoi encore ? A ce compte-là, autant rester à la maison. Mais, ceci dit, ça ferait plus d'attention pour elle si elle se baladait avec une fille non-seulement moins jolie qu'elle mais en plus de ça si mal habillée qu'elle se fondait dans la masse. C'était ce que Wilhelmina était en train de se dire en regardant le jean gris de la fille qui lui tenait compagnie. Elle n'écoutait pas un mot de ce qu'elle lui racontait, mais lui lançait quand même de beaux sourires encourageants pour qu'elle continue son histoire. De toute façon, elle ne passerait pas la soirée avec elle. C'était juste le temps du premier verre, le temps que quelqu'un de plus intéressant – ou de plus intéressé – vienne lui parler. Ce n'était plus qu'une question de minutes, sûrement. Elle avait déjà bu presque la moitié de son verre, il était temps que les choses bougent. Elle attendit poliment que sa partenaire ait terminé de parler et se leva, pris soin de relever un peu sa robe pour éviter de marcher dessus, et se dirigea vers les toilettes. Elle évita une flaque sur le carrelage avec un dégoût très manifeste, et fit du mieux qu'elle put pour retoucher son rouge à lèvres carmin d'une main tout en prenant soin de ne pas laisser sa longue robe fuchsia traîner sur le sol de toute évidence très sale de l'autre. Elle passa ses doigts dans ses longs cheveux blonds, s'assura que tout avait l'air correct et ressortit. Elle passa la porte au même moment qu'une autre fille, qui la bouscula, et surtout, marcha sur l'arrière de sa robe. Mina poussa un cri.
« Non mais ça va pas ? T'as idée de combien ça coûte une robe comme ça ? Non ? Évidemment que non ! Je te préviens, j'y trouves un seul accroc et tu me la recouds ! »
La fille avait baissé les yeux. C'était tout ce qu'elle voulait, au final. Elle n'allait pas lui faire recoudre sa robe, même si elle avait été déchirée : elle l'aurait ruinée. Seuls de grands couturiers pourraient faire ça. Quand elle reprit son chemin, Mina se rendit compte que quelques regards s'étaient tournés vers elle. Et puis quoi ? Ils n'avaient jamais assisté à une altercation dans un bar ? On avait plus le droit de crier sur les gens ? Elle leva les yeux au ciel, cette expression qui était devenue chez elle une seconde nature, et amorça un pas pour retourner à sa table, quand elle croisa son regard. Son cœur manqua un battement. Pour plusieurs raisons. La première : la surprise. Elle ne s'attendait pas du tout à le croiser, que ce soit ici ou ailleurs. Elle pensait qu'il avait disparu de sa vie, et ça lui allait plutôt bien. La seconde raison, toute bête : sa beauté. Même si elle détestait penser ça, il était quand même drôlement beau, et à chaque fois que son regard bleuté accrochait les grands yeux bruns de Will, son cœur se serrait un peu. La troisième raison, prédominante qui plus est : la colère. Elle le pensait disparu de sa vie et pour de bonnes raisons. Il s'était défilé au dernier moment, au meilleur moment, au moment où leur histoire allait vraiment commencer. Il l'avait laissée tomber. Pire, il l'avait jetée. Et personne ne jetait jamais Mina. Son regard se durci. Elle eut un moment d'hésitation. Aller vers lui, ou l'ignorer. Elle brûlait d'envie d'aller lui lancer des choses dans le visage, mais elle voulait aussi ne plus jamais lui parler. Elle espérait que c'était ça, qu'il voyait dans son regard. Du mépris. De la colère. Et surtout, elle espérait qu'il ne voyait pas le fond de tristesse qui s'y trouvait. En serrant les poings, elle décida de pivoter. Les talons fins de ses chaussures claquèrent bruyamment sur le sol tandis qu'elle retournait s'asseoir en face de sa collègue – beaucoup trop près de la table d'Adam, d'ailleurs, là où il ne pourrait pas ne pas la voir – et toute son énergie et son envie de s'amuser partirent un fumée. Elle n'avait qu'une envie : rentrer chez elle. Ou lui mettre de grandes baffes dans le visage. Elle hésitait encore en remuant avec énervement le fond de son cocktail.
codes par shyvana
Dernière édition par Wilhelmina Quinn le Ven 9 Juil 2021 - 14:30, édité 2 fois
// yk just how to be cruel« Walk in the room Take off your coat, you look so nice but I've been so cold and you wanna be my special one. I cannot breathe, please just go home. Michelle, Michelle, you are a monster from Hell » — sir chloe" Et merde "
C'est la première chose qui me passe par la tête. Putain de merde qu'est-ce qu'elle fout là. Je suis facilement distinguable dans cette foule de gens qui, malgré tout, se ressemblent tous. Moi et mes yeux bleus perçants. Mais la dernière chose dont j'ai envie, c'est qu'ELLE me voit. Quand elle entre dans le bar, elle fait évidemment du bruit. Bordel ce qu'elle est bruyante. Mais bon, heureusement pour moi, l'attention qu'elle veut faire porter sur sa petite personne l'empêche de me remarquer.
Mina et moi, c'est une histoire... Pas si longue que ça. Mais complexe. Et je vous assure que je ne voulais pas la déterrer celle-là. C'est simple : elle était magnifique, j'étais seul, j'avais besoin d'air, alors je suis allé vers elle, je suis tombé pour elle, comme certainement des centaines avant moi, et je n'aurais pas été le dernier. Mais au final, c'est plutôt elle qui a tenté sa chance et qui s'est rétamée. J'étais pas prêt, c'était encore trop récent, et j'avais peur d'avoir mal à nouveau. Elle ne sait pas que je n'ai pas eu un déclic soudain de vouloir quitter sa vie. Non. Quelque chose m'a fait peur, un truc stupide, mais assez pour me dire de fuir.
Quoi qu'il en soit, ce soit, c'est vraiment pas le soir pour que les hystériques de mon passé se repointent. Je dis ça, mais quand je la vois avec son petit air supérieur, elle me fait sourire derrière mon diabolo grenadine évidemment, jamais d'alcool pour moi. C'est pas sa plus grande qualité, et un peu ce que personne n'aime chez elle, mais moi je trouve ça drôle, et j'aime bien sa fougue. Il faut se le dire, c'est une garce, regardez là maltraiter cette pauvre fille d'un regard. Mais quelle garce. Et quelle douceur, quelle tendresse au fond. Je crois qu'elle m'appréciait vraiment. Je déteste faire du mal aux gens, j'aime pas ça, moi qui essaie toujours de les protéger, j'ai réussi égoïstement à briser le coeur imprenable d'une jolie blonde.
Le temps de détourner le regard vers un verre qui se brise au sol dans le fond de la salle et Wilhelmina disparaît de sa table. Je me surprends à la chercher des yeux, mais il faut bien trois voir cinq minutes pour que je puisse la voir sortir du couloir qui mène aux toilettes, dans sa superbe robe évidemment, en criant sur une pauvre fille qui rougis et choisi la fuite. Evidemment, tout le monde la fixe.
Soudain, nos regards se croisent. Et merde. Je fais quoi ? Je crie ? Je souris ? Je la frappe ? Hein ? Mais non n'importe quoi ! Je me contente donc de soutenir son regard. Elle est à distance, mais je distingue clairement les sentiments qui se bagarrent dans ses yeux. La haine, évidemment, la peine, désolé pour ça, et la surprise, c'est clair.
Je serre les dents, glissant ma main sur la table, face contre le bois, pour empêcher ces petits tressautement angoissés de mes doigts. Je m'en veux. Enormément. Je sais que si je lui parle, elle va me frapper. J'ai pas trop envie de me prendre une baffe là.
Mais elle ne fait pas non plus le premier pas, et retourne s'asseoir. Trop près. Beaucoup trop près de ma table. Le fixe devant moi, refusant de poser les yeux sur elle, et je patiente en fixant mon verre, quelques secondes seulement, avant de tourner la tête vers elle. Celle qui lui tient compagnie semble plus ennuyante qu'une soirée Scary Movie.
J'entrouvre les lèvres, et les referme. Je suis censé dire quoi au juste ? J'en sais rien, je sais absolument pas quoi faire. Je serre le poing et appuie le coude sur ma table. Un idée me vient alors. Risqué, mais au moins, ça me débarrasserait d'un poids.
Je lève donc les yeux et voit le serveur passer avec un verre de vin rouge. Parfait. D'un coup d'épaule "malencontreux", le verre se renverse et son contenu dégouline sur le haut et le bas de la charmante compagne de Mina. Je me confonds en excuse auprès du serveur avant de me tourner vers la fille qui hausse la voix en jurant et file vers les toilettes. Le temps de la voir disparaître, je me lève et change de table, pour me poser en face de la blonde. Les coudes sur la table, mes yeux plongeant dans les siens, je ne sors qu'un mot :
Le serveur qui passait par là laissa échapper son plateau. Le vin rouge qui se trouvait dessus se répandit sur la fille en face d’elle, dont le teint prit une couleur aussi rouge que ses cheveux pendant que Will poussait un petit cri de souris apeurée. Elle avait surtout eu peur pour sa propre robe. Les vêtements miteux et ordinaires de sa collègue ne méritaient pas grand chose de plus que de grosses tâches de vin rouge, au moins ça leur donnerait un air original. La collègue en question se leva d’un bond et disparut en direction des toilettes en jurant pendant que le serveur se répandait en excuses. Mina eut à peine le temps de lui dire sèchement qu’il ne recommencerai pas que la chaise en face d’elle se retrouva occupée.
Sa main se resserra sur le verre qu’elle tenait. Si fort qu’elle aurait pu le briser si elle ne s’était pas contrôlée un minimum. Ses grands yeux bleus étaient là. Juste là. Et le cœur qui bug une fois, aussi. Elle serra les dents, encore plus fort que les doigts.
« Mina »
Sa voix. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle lui avait manqué, sa voix. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’il lui avait manqué tout court. Et ça la rendait folle. Ça l’énervait plus que tout au monde. Parce qu’il ne la méritait pas. Il ne méritait pas son intérêt, ni même son temps. Et elle, elle surtout, elle méritait bien mieux. Et puis par-dessus tout, elle ne pouvait pas se permettre d’être faible. Elle n’avait aucune faiblesse. Aucune. Et surtout pas lui. Surtout. Pas lui. Elle le tenait pour responsable. De tout. Elle ne voulait rien avoir à voir avec lui, jamais. Elle amorça un geste pour se lever, plaquant bruyamment les mains sur la table pour repousser sa chaise avec ses jambes, mais elle resta là. Penchée en avant sur la table, aussi prête à se rassoir qu’à partir en un instant, son visage plus proche du sien de quelques centimètres. Suffisamment pour perdre pied devant son regard si elle ne faisait pas assez attention.
Et tandis qu’il se tenait là, que les secondes allongeaient le silence, des milliers de choses lui passaient par la tête. Elle voulait le frapper. Elle voulait lui lancer son verre au visage. Lui cracher dessus. Le prendre dans ses bras. Pleurer. L’embrasser. Partir. Rester.
« Je suis ravie de voir que tu n’as pas disparu. Tu as quelque chose à me dire ou tu es juste venu me faire perdre mon temps ? »
Malgré tout ce qu’elle avait envie de lui faire, elle se contenta de lui dire ça. Haut et fort, d’une voix claire et froide, en détachant chaque syllabe. Elle déciderait de ce qu’elle ferait une fois qu’elle aurait entendu sa réponse. Elle ne bougeait pas d’un millimètre, même si son cœur battait à mille à l’heure, même si tout tremblait à l’intérieur. Il n’y avait plus rien d’autre autour qu’elle, lui en face, et son cocktail tout près de sa main. L’envie de lui jeter à la figure grandissait d’instant en instant, et l’envie de crier était encore pire. Quoi qu’il réponde, elle allait hurler. Fort. Très fort.
// yk just how to be cruel« Walk in the room. Take off your coat, you look so nice but I've been so cold and you wanna be my special one. I cannot breathe, please just go home. Michelle, Michelle, you are a monster from Hell » — sir chloeSoudainement, j’ai envie de fuir. Aussi loin que possible, m’échapper de cette situation. Elle me fait autant peur que je l’admire et la désire. Malgré tout. Mais je reste, les coudes ancrés sur la table, je la fixe dans le blanc des yeux. Pourquoi je m’inflige ça ? Et depuis quand est-ce que j’éprouve des regrets ? Pour une femme qui plus est.
J’ai toujours eu du mal avec les filles, mais celles qui ont dépassé le stade de l’adolescence pour passer au pré-adulte sont horriblement pire que les gamines des bac à sable. Fougueuses, certes, mais jalouses, virulentes, possessives, strictes et directrices. Putain de merde laissez moi respirer.
Évidemment, elle ne semble pas vraiment ravie de me voir et se recule de sa table. Elle me déteste c’est certain, pourtant je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elle n’est pas ne déploierait pas encore les cieux et les enfers pour me torturer. Un bon signe.
Si je l’aimais ? Je ne sais pas. Je ne sais plus ce que c’est et j’étais tellement sous l’emprise des stupéfiants à cette époque que je mélangeais beaucoup de choses. Beaucoup de sentiments. Pourtant c’est physique. Elle est a tomber.
" Je suis ravie de voir que tu n’as pas disparu. Tu as quelque chose à me dire ou tu es juste venu me faire perdre mon temps ?. "
Je soupire. Quel sens du sarcasme Mina... je relève les yeux en joignant mes doigts.
« T’aimais bien perdre ton temps avant. »
Ouh... L’enculé que je suis. Petite piqûre alors que c’est moi le coupable. Mettons ça sur le sarcasme, je tends le bras et récupère mon verre pour en boire deux trois gorgées. Ça aussi ça a changé : plus une goutte d’alcool pour Adam Greene. Quand j’ai connu Mina, j’aimais me sentir ailleurs. J’aime toujours ça, mais je résiste.
« J’avais pas le choix. »
À moitié faux. J’avais le choix techniquement, mais question de survie mentale. Non, je ne pouvais pas. Je n’en étais pas capable, ou plus capable. Mes yeux se baissent sur les mains de Wilhelmina. Si douces, si délicates, et je sais à quel point. Même quand elles me brûlent les joues. Je suis qu’un con. Je l’avais compris.
Mes doigts tremblent encore, alors je les cache. Une petit envie de rechute que je tentais de faire passer quand je suis arrivé dans ce bar.
« Je suis sincèrement désolé. »
Tellement d’autres choses à dire, tellement peu de cran pour les hurler à plein poumon. Je ne peux peut-être toujours pas. Je ne suis peut-être toujours pas prêt.
Les yeux de Mina, déjà très grands de nature, s'agrandirent. Il avait dit ça avec un air cassant, comme une attaque. Encore pire qu'une insulte, en fait. Qu'est-ce que c'était censé vouloir dire ? Qu'elle avait perdu son temps avec lui ? Oui, elle avait perdu son temps avec lui. Mais ce n'était pas à lui de le dire. Il n'avait pas à être là à lui lancer des piques, il n'avait pas à être autrement qu'à genoux. Les doigts de la jeune femme se resserrèrent, ses ongles s'enfonçant dans la paume de sa main. Elle ne savait pas ce qui retenait son poing d'aller casser le nez d'Adam. Peut-être juste la beauté de son visage. Ca aurait été ennuyeux d'aller gâcher le tout avec un nez tordu, même s'il l'aurait mérité. Il méritait qu'elle lui casse la figure comme il avait cassé son cœur, même si elle faisait tout pour que l'on pense qu'elle n'en avait pas, de cœur. Pour couronner son insolence, il attrapa son verre et but quelques gorgées. Le fait qu'il boive quelque chose sans alcool aurait pu étonner Mina, mais elle était trop énervée pour même y penser. « J'avais pas le choix »
En un instant, toutes les façons possible et imaginables de lui faire physiquement mal traversèrent l'esprit de la blonde. Le classique jet de verre à la figure. Les ongles dans les yeux. Le coup de front dans le nez. L'eau bouillante, le feu, le glaive. Tout pour qu'il ait aussi mal qu'elle était énervée, qu'il se sente aussi bête qu'elle s'était sentie à cause de lui. Si ses yeux avaient pu lancer des éclairs elle l'aurait désintégré. Annihilé. Pas le choix. Pas le choix ? C'était pire que tout ce qu'il aurait pu dire. A y bien réfléchir, c'était même pire que s'il n'avait rien dit. On avait toujours le choix. Toujours. Rien n'était définitif. Rien n'était immuable, si on voulait vraiment quelque chose on l'obtenait. Il aurait très bien pu écarter certains obstacles. Faire des efforts. Lui parler. La vérité, ce n'était pas qu'il n'avait pas eu le choix. C'était qu'il n'avait pas voulu la choisir elle. Et ça lui brisait encore le cœur en mille morceaux de se dire ça, de se dire qu'elle avait fait l'erreur de le choisir lui, alors qu'elle ne comptait pas. Ou plus. Ou qu'elle n'avait jamais compté. Elle le vit cacher ses mains, elle tressaillit. Évidemment qu'il tremblait lui aussi. Bien sûr ils étaient là, comme deux idiots, à vouloir garder la face tout en ressentant une tempête à l'intérieur. Une tempête qui allait bientôt complètement sortir de Wilhelmina, en une grande tornade. Et si elle emportait tout sur son passage, tant pis.
« Je suis sincèrement désolé »
C'était ça, au final, la phrase de trop. Les mots qui ne veulent pas vraiment dire quoi que ce soit, les mots derrière lesquels on se cache quand on ne veut pas aborder le sujet. Tout, sauf ce qu'elle voulait entendre. Tout sauf ce qu'il fallait dire. Et il devait le savoir, au fond de lui, quelque part. Parce que même s'il ne voulait pas d'elle il la connaissait, et il savait ce qu'il ne fallait pas dire – même si en vérité, avec Mina, on ne pouvait pas dire grand chose. La tempête explosa. Fort.
« T'avais pas le choix ? »
Son bras partit, droit devant elle, la main à plat sur la joue d'Adam, le bruit de la claque qui se noya à peine dans la musique et les bruits de conversation du bar. Elle avait voulu lui faire du mal mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire que ça faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas touché. Et qu'elle en avait eu envie beaucoup de fois. Ca l'énerva aussi, de se dire ça, de se rendre compte encore une fois que tout ça lui avait manqué, et lui manquait encore. Elle haussa la voix.
« T'es désolé ? »
Sa deuxième main partit s'écraser sur la deuxième joue d'Adam, donnant une jolie symétrie à la rougeur de sa peau. Elle savait qu'on les regardait, sûrement. Elle savait qu'elle ne devrait pas faire ça. Elle n'en avait plus rien à faire. Ses prochaines paroles, elle les cria tout à fait.
« T'es sincèrement désolé ? Bah ouais, de toute façon, c'est tout ce que tu sais faire, être désolé ! Pauvre petit Adam, c'est pas de sa faute, il est désolé, alors il peut faire ce qu'il veut, puisque ça le désole ! Et si t'en avait vraiment quelque chose à foutre tu serais venu me chercher pour t'excuser au lieu d'attendre de me croiser par hasard pour venir te foutre de ma gueule ! »
Elle avait tapé sur la table en criant ça, pour éviter de le frapper encore. Tout son corps tremblait à présent, mais elle ne faisait plus rien pour le cacher. Elle était sortie d'elle et bonne chance à qui essaierait de la calmer, parce qu'elle était dans un de ces états qui la faisait lancer des choses contre les murs. Tout à fait debout à présent, elle le regardait de haut, avec mépris, avec cette haine spécifique que seul l'amour sait engendrer. Elle en aurait presque pleuré. Elle avait bêtement espéré, une seconde, une fraction de seconde, qu'au moins il lui expliquerait. Qu'il lui dirait pourquoi il n'avait pas été capable. Ou, mieux – ou pire ? - qu'il se soit rendu compte qu'elle lui manquait. Qu'il la prenne dans ses bras, qu'il fasse quelque chose, au lieu de la noyer dans ses yeux et de marmonner trois mots vides. Elle qui ne pleurait que rarement, elle en aurait pleuré, de se sentir rejetée et impossible à aimer de la sorte.
// yk just how to be cruel« Walk in the room take off your coat, you look so nice but I've been so cold and you wanna be my special one. I cannot breathe, please just go home. Michelle, Michelle, you are a monster from Hell » — sir chloeJ'aurais peut-être pas du lui dire ça mais comment m'excuser quand je ne sais même pas ce qui m'arrive. Je suis parti pour ne pas souffrir et au final, je l'ai faite souffrir elle. Pourtant, ce n'était pas mon intention, et je n'ai pas vraiment de bonne excuse. Je ne réfléchis pas vraiment à ce que je fais des fois.
Je reste calme, je ne bouge pas d'un cil, les coudes sur la table, j'abaisse mes mains et bois une gorgée de mon diabolo grenadine. Je savais que j'allais m'en prendre une donc j'écarte me verre.
« T'avais pas le choix ? »
Et vlam ! En voilà une. La force de la demoiselle fait tourner mon visage, et une marque rouge apparaît peu à peu sur ma joue. Mais j'encaisse, et repose mes yeux sur elle alors que quelques tables se sont tues pour nous regarder de travers.
« T'es désolé ? »
Vlam ! La seconde, cette fois, je grimace, et fait craquer ma mâchoire en fronçant les sourcils, passant ma main sur ma peau rougie.
« Aoutch... »
C'est qu'elle a de la force la blonde. Je ne peux rien dire, c'est moi qui suis en tort après tout.
« T'es sincèrement désolé ? Bah ouais, de toute façon, c'est tout ce que tu sais faire, être désolé ! Pauvre petit Adam, c'est pas de sa faute, il est désolé, alors il peut faire ce qu'il veut, puisque ça le désole ! Et si t'en avait vraiment quelque chose à foutre tu serais venu me chercher pour t'excuser au lieu d'attendre de me croiser par hasard pour venir te foutre de ma gueule ! »
Comment réagir à cela ? Elle n'a pas raison, mais elle n'a pas complètement tort. J'ai envie de répliquer, de lui balancer la même chose que je sors à tout le monde, mais elle mérite mieux. Elle mérite mieux que moi fuyant encore une fois. Pourtant l'envie est forte.
Je me redresse et m'adosse à ma chaise, le visage loin du sien. Je ne sais pas vraiment à quoi elle s'attendait. Et si sa seule envie était de me gifler, je vois pas ce que je fais encore là, mais je reste, et je pose la main sur la table.
"Et tu veux que je te dises quoi alors ? Que je suis qu'un lâche ? Que j'avais peur de venir te voir ? Que j'ai regretté un peu plus souvent que je l'aurais imaginé ? Que j'ai essayé de t'oublier ? Oh peut-être que tu veux savoir pourquoi je suis parti ? Mais je crois que je t'avais prévenu Mina. Je t'avais dis que j'étais pas prêt. Toi tu... Tu as... Tu m'as..."
Je ne trouve plus les mots. Je ne sais pas ce qu'elle m'a fait, elle m'a donné quelque chose que je n'avais pas connu depuis longtemps, et ça, je n'étais pas prêt à le revoir aussi vite. Je soupire et tourne la tête vers la fenêtre avant de prendre mon verre et boire une ou deux gorgée.
"J'aurais jamais du te laisser approcher, c'est toi qui a souffert je le sais. Je suis pas complètement stupide."
Je baisse les yeux et croise les chevilles sous la tables en repliant les jambes. Je n'aurais jamais du sortir de chez moi aujourd'hui. J'ai juste envie de rentrer et m'enfermer.
« Et tu veux que je te dises quoi alors ? Que je suis qu'un lâche ? Que j'avais peur de venir te voir ? Que j'ai regretté un peu plus souvent que je l'aurais imaginé ? Que j'ai essayé de t'oublier ? Oh peut-être que tu veux savoir pourquoi je suis parti ? Mais je crois que je t'avais prévenu Mina. Je t'avais dis que j'étais pas prêt. Toi tu... Tu as... Tu m'as... »
Bêtement, à la fin de cette phrase, Mina était restée en suspens. Elle avait envie de hurler, de pleurer, de tout casser. Elle avait envie que rien de ça ne soit jamais arrivé. Qu'elle ne soit jamais venue ici ce soir, que leurs regards ne se soient jamais croisés. Au final, elle aurait peut-être préféré qu'il ne dise rien, plutôt qu'il essaie de s'en sortir comme ça. Évidemment, qu'il était lâche. Bien sûr qu'il avait eu peur. Qui n'aurait pas eu peur de venir larguer Mina ? Ca a rendait fière et en même temps triste, de savoir qu'elle inspirait la crainte, parfois. Qu'au final, personne n'était vraiment capable de voir au-delà la carapace, de regarder plus loin que la drama queen hystérique qui ne faisait que crier et lancer des baffes et des assiettes, pour voir la petite fille qui souffrait au fond. « J'aurais jamais du te laisser approcher, c'est toi qui a souffert je le sais. Je suis pas complètement stupide. »
Elle reçut cette phrase comme un claque. Exactement comme Adam avait sûrement accueilli ses gifles. Il avait raison, et en même temps, elle n'avait aucune envie d'entendre ça. Encore un qui lui faisait le coup tristement célèbre du « c'est pas toi c'est moi », du « j'aurais jamais dû te laisser m'aimer ». S'il avait raison sur un seul point, c'était bien le dernier : il n'était pas complètement stupide. Loin de là. Pourtant, il s'évertuait à ne prendre que des décisions bêtes, et ça, elle ne pourrait jamais le comprendre. Il continuait à s'enfermer dans sa victimisation, à se morfondre, au lieu d'essayer de faire bouger les choses. Au lieu d'essayer de reprendre vraiment sa vie. Elle bouillait à l'intérieur. Plus que ça : elle était en feu. Un incendie qui partait du bas de son ventre et qui lui cramait la gorge, jusqu'au yeux. Elle en aurait même craché des flammes. Elle ne savait même plus quoi dire, tant elle voulait en même temps le tuer et le prendre dans ses bras. Alors elle se contenta de le regarder droit dans les yeux, d'essayer un instant de tenir avec lui une conversation silencieuse. Essayer de lui faire comprendre son erreur. Essayer de lire dans son regard ce qu'il s'était passé. Essayer de comprendre toute leur histoire. Elle prit une grande inspiration, passa la main dans ses cheveux pour les renvoyer en arrière, et se rassit. Calmement. Froidement. Comme à son habitude, avec son air prétentieux et hautain. Elle rapprocha sa chaise de la table, garda le dos droit, posa ses deux mains blanches autour du pied de son verre. Il n'était pas exclu qu'elle se remette à crier mais elle essayait de prendre sur elle, ce qui était extrêmement rare. Elle s'était laissée aller à ses hurlements, parce que c'était ce qu'il lui fallait, mais elle était aussi capable de se rendre compte que c'était tout sauf ce qu'il fallait à Adam, et que, même si elle essayait de convaincre le monde entier qu'elle ne vivait que pour elle et qu'elle n'en avait rien à faire des sentiments des autres, elle ne voulait pas trop le brusquer. Elle l'appréciait vraiment. Vraiment trop à son goût, d'ailleurs.
« Tu m'avais prévenue » commença-t-elle d'un ton calme. « Tu m'avais prévenue que tu ne savais pas si tu étais prêt. Tu m'avais prévenue que ça ne se passerait sûrement pas comme je le pensais. Tu ne m'avais pas prévenue que tu n'étais qu'un lâche, que tu t'évaporerais sans raison. Moi aussi j'ai regretté. Moi aussi j'ai essayé de t'oublier, j'essaie encore mais... »
Sa voix s'était mise à trembler un peu sur ces derniers mots, alors elle but une gorgée dans son cocktails. Foutues émotions. Elle était capable de toutes les réprimer en n'importe quelles circonstances, sauf devant lui. Ca la rendait folle ça aussi. Ca lui donnait envie de se relever et de se remettre à tout casser.
« Je veux juste savoir ce qu'il s'est passé. Je veux savoir ce qui t'as fait peur. Je veux savoir ce que j'ai fait de mal. Et je veux pas que tu me dises que j'ai rien fait, ou que c'est de ta faute, ou que tu sais pas. Je sais que quelque part tu le sais et j'en ai ras le bol qu'on se parle sans rien se dire, qu'on évite les choses. Alors maintenant tu vas me dire exactement ce qui t'as fait me faire ça, même si ça te fait du mal, ou que ça me fait du mal, ou que t'as honte de le dire. Tu vas me le dire parce que j'en ai assez de tes conneries et tu sais très bien que je te lâcherai jamais si tu ne me dis rien. »
Mina garda la tête haute, les yeux plantés dans ceux d'Adam. Elle avait fait ce qu'elle savait faire le mieux : ordonner, menacer, exiger. Et elle comptait bien voir ses ordres exécutés, sinon elle allait se remettre à crier, et ça ça marchait toujours.
// yk just how to be cruel« Walk in the room take off your coat, you look so nice but I've been so cold and you wanna be my special one. I cannot breathe, please just go home. Michelle, Michelle, you are a monster from Hell » — sir chloeJe sais que Mina est une femme sensible. Forte, certes, mais terriblement sensible. Ca se sent dans son attitude, avoir la tête haute mais avancer à reculons, dans son toucher, presque fébrile, dans sa voix, mais surtout dans ses yeux. Dieu sait que je suis une bonne oreille, et pas seulement parce que je sais me taire, mais parce que je sais écouter et comprendre.
Mais cette fois là, je ne l'avais pas écoutée. Je m'étais fermé pour ne penser qu'à moi, ne voir que mon intérêt à moi dans cette rupture. Et pourtant, elle m'avait apporté quelque chose que je n'avais pas ressenti depuis longtemps, ses frémissements qui remontaient le long de ma colonne vertébrale. Il m'arrive encore de penser à elle, et de la voir quand je ferme les yeux. Même si je ne devrais pas me l'autoriser.
Ce n'était pas de la même personne que tous ces gens voyaient dont j'avais peur. J'ai eu peur d'autre chose. Peut-être juste de la femme qu'elle était. Mais j'avais du mal à mettre tout ça en mot. A lui expliquer. Parce qi je voulais qu'elle comprenne réellement, il faudrait que je parle d'elle. De celle qui hante encore mes cauchemars.
« Tu m'avais prévenue. Tu m'avais prévenue que tu ne savais pas si tu étais prêt. Tu m'avais prévenue que ça ne se passerait sûrement pas comme je le pensais. Tu ne m'avais pas prévenue que tu n'étais qu'un lâche, que tu t'évaporerais sans raison. Moi aussi j'ai regretté. Moi aussi j'ai essayé de t'oublier, j'essaie encore mais... »
Je la vis vaciller, et me rend bien compte que ce n'est pas quelque chose dont Wilhelmina était capable avec tout le monde. Elle était moins sensible avec les autres, et je me maudis pour être la personne qu'elle a choisi pour accueillir sa sensibilité, alors même que je ne m'en crois pas capable.
« Je veux juste savoir ce qu'il s'est passé. Je veux savoir ce qui t'as fait peur. Je veux savoir ce que j'ai fait de mal. Et je veux pas que tu me dises que j'ai rien fait, ou que c'est de ta faute, ou que tu sais pas. Je sais que quelque part tu le sais et j'en ai ras le bol qu'on se parle sans rien se dire, qu'on évite les choses. Alors maintenant tu vas me dire exactement ce qui t'as fait me faire ça, même si ça te fait du mal, ou que ça me fait du mal, ou que t'as honte de le dire. Tu vas me le dire parce que j'en ai assez de tes conneries et tu sais très bien que je te lâcherai jamais si tu ne me dis rien. »
Et moi j'aimerais bien 300 millons de dollars là tout de suite... je soupire en pensant cela. C'était dur d'affirmer que ce que j'avais fait, je l'avais fait pour une bonne raison. Parce que ma raison n'était pas bonne. Elle était tout juste compréhensible. Je ne la laisse pas m'influencer avec son regard et baisse les yeux. Sans que je m'en rende compte, je m'étais mis à ronger l'ongle de mon pouce gauche déjà bien abîmer, si bien qu'il rougit. Je relève alors les yeux vers elle et, posant mon autre main tremblante sur ma cuisse, je m'exprime comme je peux.
« J'ai pas peur de toi, ou de ce que tu peux me faire ou me dire. Sinon je serais déjà parti. J'ai- J'ai peur que tu me laisses au contraire. »
Tellement difficile à croire que ça soit une bonne raison. Je soupire et cède. Elle a le droit de savoir.
« Mon ex-copine s'est suicidée. Elle souffrait et je m'en suis même pas aperçu. C'est ça qui m'a poussé à sombrer dans la drogue, l'alcool, et le genre de fêtes dans laquelle je t'ai rencontrée. Quand on a commencé à se tourner autour j'ai voulu faire abstraction de ce qu'il s'était passé parce que c'est ce qu'il faut faire et que je peux pas te faire subir des trucs dont tu n'es pas responsable, surtout que tu me plais beaucoup. Mais quand tu me touchais, que tes doigts effleuraient ma peau, je ressentais pas seulement le putain de feu que tu allumais en moi, mais j'avais en tête la fin de notre histoire, ce qui se passerait si tu me lâchais, si tu me quittais et même si tu mourais. C'est peut-être stupide pour toi mais je pouvais rien faire contre ça. J'ai pas envie de me sentir encore coupable de ce que j'ai traversé, mais si tu veux m'engueuler me dire que je suis taré, fais toi plaisir. »
Je pose mes deux mains sur la table en la regardant droit dans les yeux, me penchant en avant pour apporter de la proximité, prêt à encaisser. De toute manière, je n'en ai plus rien à foutre des coups. Qu'ils soient physiques ou moraux, c'est pour moi une égratinure, rien de plus. Mais dans mes yeux océan, la peine et la colère se mêlait au sentiment de ne plus rien ressentir.
Hello helloooo j'espère que tu vas bien ! Je voulais juste m'excuser d'avoir autant traîné pour répondre, j'ai eu une très grosse semaine de travail et en plus de ça j'ai eu une vieille panne wifi pendant dix jours Mais tout est rentré dans l'ordre, normalement je ne mettrai plus jamais deux semaines à répondre Anyway, j'espère que la réponse te plait, bonne journéééée
Adam & Wilhelmina
Au moins, ses mots semblaient avoir fonctionné. Il se rongeait les ongles en réfléchissant, signe qu'il allait sûrement enfin dire quelque chose qui valait le coup. Les yeux de Mina ne décrochaient pas du visage d'Adam, elle en retenait presque sa respiration.
« J'ai pas peur de toi, ou de ce que tu peux me faire ou me dire. Sinon je serais déjà parti. J'ai – j'ai peur que tu me laisses au contraire »
En trois phrases, il avait réussi à lui briser le cœur encore une fois. Elle avait envie de se lever en lui hurlant qu'il devrait au contraire avoir peur d'elle, qu'il n'avait aucune idée de ce qu'elle pourrait lui faire si elle en avait vraiment envie. Tout le monde avait peur d'elle. De son père, de son argent, de sa communauté, de son caractère – de quelque chose. Le fait qu'Adam n'en avait rien à faire lui avait plu au début, l'avait aidée à se rapprocher de lui et à s'y accrocher, mais maintenant que tout semblait terminé elle bouillait de savoir qu'il n'avait même pas peur, qu'il pourrait partir en ne ressentant rien d'autre pour elle que de l'indifférence. L'indifférence qui à elle seule pouvait la rendre complètement folle. Elle préférait qu'on la haïsse plutôt qu'on l'ignore. Elle ne pourrait pas supporter que son existence n'ait plus aucune influence sur lui. Et puis, la fin de cette déclaration était pire encore. Qu'elle le laisse ? Elle ? Elle avait l'impression qu'il ne la connaissait même pas. Et peut-être qu'au final, c'était le cas. Elle n'aurait jamais laissé personne. Jamais. Pas une personne qu'elle aurait aimée. Est-ce qu'il savait, au moins, combien elle-même avait vécu l'enfer que c'était de voir les gens partir ? Est-ce qu'il savait pour sa mère, le mal que ça lui avait fait, que ça lui faisait encore ? Est-ce qu'il avait oublié son père, ses rares amis ? Elle ne savait que trop bien ce que ça faisait de se faire laisser toute seule, elle ne l'aurait jamais fait subir à Adam, ou à qui que ce soit qu'elle aurait aimé. Est-ce qu'il la croyait sans cœur ? Est-ce que son caractère et sa réputation lui avaient valu de passer pour une briseuse de cœur ? Ou une fille pas sérieuse ? Trop de questions tournaient dans sa tête, elle n'arrivait même plus à mettre ses pensées dans l'ordre – sinon elle les aurait déjà criées – mais il reprit la parole. Pour lui dire des choses qui n'arrangeraient en rien la situation dans la tête de Mina.
« Mon ex-copine s'est suicidée. Elle souffrait et je m'en suis même pas aperçu. C'est ça qui m'a poussé à sombrer dans la drogue, l'alcool, et le genre de fêtes dans laquelle je t'ai rencontrée. Quand on a commencé à se tourner autour j'ai voulu faire abstraction de ce qu'il s'était passé parce que c'est ce qu'il faut faire et que je peux pas te faire subir des trucs dont tu n'es pas responsable, surtout que tu me plais beaucoup. Mais quand tu me touchais, que tes doigts effleuraient ma peau, je ressentais pas seulement le putain de feu que tu allumais en moi, mais j'avais en tête la fin de notre histoire, ce qui se passerait si tu me lâchais, si tu me quittais et même si tu mourais. C'est peut-être stupide pour toi mais je pouvais rien faire contre ça. J'ai pas envie de me sentir encore coupable de ce que j'ai traversé, mais si tu veux m'engueuler me dire que je suis taré, fais toi plaisir. »
C'était comme si son cerveau, et son cœur, avaient explosé d'un seul coup, en chœur. Comme si une bombe avait éclaté et que son souffle avait projeté la jeune femme en arrière. Son regard n'avait pas bougé, son visage non plus. Ses sourcils, très lentement, se froncèrent un peu sous le coup de la réflexion et de l'encaissement de la tirade. Le fait que cette fille se soit donné la mort, même si elle n'en connaissait pas la raison, ne faisait pour Will aucun sens. Pour elle, s'ôter la vie était un acte de lâcheté pur et simple. La solution facile pour ne pas avoir à affronter ses problèmes. Pas étonnant, cependant, que l'ex d'Adam ait fait ça. Entre lâches, on se retrouve, non ? Wilhelmina serra les dents, sa mâchoire se contracta. Elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir de la jalousie, une jalousie qui naissait comme un feu dans sa poitrine et qui venait chauffer chaque centimètre carré de son corps, comme un brasier. Un jalousie démesurée et irraisonnée, une colère incontrôlable. Encore une fois, une morte réussissait à lui prendre son amour. Ca avait commencé avec sa mère, sa mère dont elle ne se souvenait même pas, et qui en mourant avait laissé son père tellement blessé qu'il n'avait jamais aimé sa fille, jamais aimé personne d'autre. Cette mère dont elle s'était inventé une image qu'elle admirait et haïssait au même moment, à qui elle devait tout mais qui lui avait tout enlevé. Et ça n'avait pas suffi. Ca n'avait pas suffi au monde, qui semblait vouloir s'acharner sur Mina. Qui semblait vouloir lui retirer tout l'amour qu'elle aurait pu croiser. Qui semblait vouloir la rendre réellement mauvaise. Comment cette fille, cette inconnue, cette lâche morte en enterrée, pouvait se mettre en travers de sa relation ? Pourquoi est-ce que personne ne savait comment l'aimer correctement ?
Sa respiration s'était accélérée. Elle serrait le pied de son verre à cocktail dans sa main pour en cacher les tremblements. Elle serrait si fort qu'elle aurait pu le casser, encore. Dans sa bouche, elle mordait sa langue et suçait ses gencives, en essayant de ravaler les larmes qu'elle sentait monter dans son nez, se stocker dans les coins de ses yeux. Elle était triste. Elle était énervée. Elle ne comprenait pas. Elle aurait voulu tout oublier, rentrer chez elle et se mettre en boule, fermer les yeux, arrêter d'exister pour toujours. Elle avait envie d'arrêter de se battre, elle avait envie d'être lâche elle aussi, puisqu’apparemment le monde ne semblait pas voir le mal dans la lâcheté. Pour la première fois depuis l'enfance, elle voulait se blottir dans les bras de quelqu'un et se mettre à pleurer. Elle avala sa salive. Essaya en vain de ralentir et de réguler sa respiration. Elle posa ses mains tremblantes sur ses genoux, serra la soie de sa robe fuchsia si fort que ses ongles auraient probablement pu passer à travers. Sa lèvre trembla. Une larme solitaire roula lentement le long de sa joue. Elle ne bougea pas. Elle espérait juste qu'il ne l'avait pas vue, même si le monde entier l'avait certainement remarquée.
« Ce qui est stupide c'est d'être lâche à ce point. Ce qui est stupide c'est de s'interdire d'être heureux parce qu'on a peur que l'histoire se répète. Tu te fais du mal tout seul alors que j'aurais pu te faire du bien. Tu t'enfermes dans tes conneries et dans ton mal-être alors que si tu m'avait laissé faire j'aurais pu t'aider. »
Elle se sentait comme une gamine. Comme si c'était la première fois qu'elle disait des choses comme ça, alors qu'elle tombait amoureuse tous les quatre matins. Mais Adam, c'était pas pareil. Adam elle l'aurait aimé plus longtemps. Elle l'aimait déjà depuis un peu trop longtemps. Elle renifla, tant pis pour la classe et la prestance, elle redeviendrait bourgeoise demain.
« Moi personne ne m'a jamais aimée. Personne. Ma mère est morte, mon père m'a laissée dans la maison comme un chien. Je me suis élevée toute seule. Je me suis faite jeter, toute ma vie. Et pourtant je continue. Je continue à essayer parce que je mérite qu'on m'aime, je mérite d'être heureuse. Et toi aussi. Tu mérites que je t'aime, même si tu mérites aussi que je te casse la gueule. Et tu mérites pas de te laisser souffrir parce que t'as juste peur. Je te trouve pas stupide ou complètement taré je te trouve lâche et peureux. T'as pas le droit de me faire du mal parce que t'es trop parano pour te rendre compte que je t'en ferai pas. Je t'aurais jamais laissé, moi. Je suis trop riche pour mourir et je suis trop folle pour te lâcher. Alors, oui, je comprends un peu mieux, mais je cautionnes toujours pas. Lâches moi si tu veux, mais saches que tu trouveras jamais quelqu'un comme moi, peut-être même jamais quelqu'un qui aurait pu t'aider à t'en sortir autant. Pars si tu veux, mais saches que moi je serais restée avec toi, toujours. »
Elle s'en voulait de lui avoir dit ces choses là, elle s'en voulait de ne pas avoir su cacher ses émotions. Elle reprit une gorgée dans son cocktail, releva la tête, replaça ses cheveux, reposa sa main sur la table, juste à côté de celle d'Adam. Elle ne voulait qu'une chose : qu'il la prenne. Sa main. Elle. Ou la fuite. Mais quelque chose.
// yk just how to be cruel« Walk in the room take off your coat, you look so nice but I've been so cold and you wanna be my special one. I cannot breathe, please just go home. Michelle, Michelle, you are a monster from Hell » — sir chloeMa tête se relève. Pardon quoi ?
« Ce qui est stupide c'est d'être lâche à ce point. Ce qui est stupide c'est de s'interdire d'être heureux parce qu'on a peur que l'histoire se répète. Tu te fais du mal tout seul alors que j'aurais pu te faire du bien. Tu t'enfermes dans tes conneries et dans ton mal-être alors que si tu m'avait laissé faire j'aurais pu t'aider. »
Je reste quelques secondes en suspend, blessé par ses paroles. Elle ne se rend pas compte, elle ne comprend rien à rien. Mon bras gauche se met à trembler et j'ai du mal à avaler ma salive. Elle se fout de ma gueule. Tout ce que je dirai sera de toute façon retenu contre moi. Quelle égoïste. Et dire que j'éprouvais quelque chose pour elle.
Après m'être prit une claque dans la gueule, me prendre que je suis un lâche et un idiot parce que je ne parviens pas à faire le deuil, c'est blessant, et ça me donne envie de vomir. Réellement. Une nausée me monte à la gorge et je grimace en buvant d'une traite le reste de mon verre pour faire passer ça.
Toujours avaler des couleuvres.
« Moi personne ne m'a jamais aimée. Personne. Ma mère est morte, mon père m'a laissée dans la maison comme un chien. Je me suis élevée toute seule. Je me suis faite jeter, toute ma vie. Et pourtant je continue. Je continue à essayer parce que je mérite qu'on m'aime, je mérite d'être heureuse. Et toi aussi. Tu mérites que je t'aime, même si tu mérites aussi que je te casse la gueule. Et tu mérites pas de te laisser souffrir parce que t'as juste peur. Je te trouve pas stupide ou complètement taré je te trouve lâche et peureux. T'as pas le droit de me faire du mal parce que t'es trop parano pour te rendre compte que je t'en ferai pas. Je t'aurais jamais laissé, moi. Je suis trop riche pour mourir et je suis trop folle pour te lâcher. Alors, oui, je comprends un peu mieux, mais je cautionnes toujours pas. Lâches moi si tu veux, mais saches que tu trouveras jamais quelqu'un comme moi, peut-être même jamais quelqu'un qui aurait pu t'aider à t'en sortir autant. Pars si tu veux, mais saches que moi je serais restée avec toi, toujours. »
Je prends un instant pour réaliser. Réaliser ce qu'elle vient de faire. Mais j'ai du mal parce que je sens un besoin s'immiscer en moi. Un besoin que je repousse en vain. Je sais ce dont j'ai besoin, et je l'aurais ce soir, même si je devais ne pas me réveiller demain à cause de ça.
Mais je joins mes mains, et plonge mes yeux dans les siens.
[b]« Je "mérite" que tu m'aimes ? ... Parce que tu penses vraiment que t'es assez merveilleuse pour que les gens te "méritent" ? ... Tu te rends compte de l'égocentrisme dont tu fais preuve ? »[b]
Mon souffle est haletant tant à cause de la colère, de la déception et de l'émotion.
« Je trouve pas ça admirable. Ton air supérieur et ta façon de penser que les gens te méritent... » un blanc passe avant que je ne reprenne, « J'ai jamais parlé du suicide de mon ex depuis qu'on l'a enterrée. Et toi tu... Tu trouves à dire que je suis lâche et stupide ?! Peut-être que tu penses que tes mots me rendront plus fort mais tu sais très bien que je suis plus sensible que je ne le laisse paraître. Ouais je t'ai peut-être frustrée en partant. Mais je t'ai jamais blessée psychologiquement comme tu viens de le faire. Alors profite bien de ta vie de princesse parfaite pendant que moi je vais nettoyer les chiottes du restaurant dans lequel je bosse. T'es trop riche pour être avec un clochard comme moi de toute façon, nan ? »
Je me lève brusquement de ma chaise et tangue un peu car tous mes muscles m'hurlent que je vais m'écrouler. Je me tourne quand même vers Mina pour lui glisser :
« Je pense que tu sais pas ce qu'est l'Amour. Tu me désires peut-être mais je suis qu'un objet pour toi, et je refuse de me laisser utiliser parce que tu sais pas m'écouter. La preuve : tu viens encore une fois de tout rapporter à toi. Bonne nuit Wilhelmina. »
Je ne l'appelais presque jamais par son prénom complet. Après avoir lâché un billet sans prendre la monnaie au barman, je sortis du bar, à moitié groguis. Rien ne tenait plus pour moi, rien n'était logique, et le monde était flou. Mes yeux divaguaient et pendant tout le chemin jusqu'à chez moi, j'étais ailleurs. Alors quand je suis rentré, la panique s'est emparée de moi, m'a prise dans ses bras, m'a serrée tendrement, trop fort, et et à presque faillit s'enfoncer dans mon bras droit, dans le creux de mon coude, et m'aider à m'endormir. Mais j'ai décidé de ne pas le faire. j'ai laissé le matériel sorti sans l'utiliser, je me suis allongé sur mon lit, et mon chat ma rejoint, et son ronronnement m'a permit de fermer les yeux et d'oublier l'objet posé sur ma table de nuit.
Mais même avec ça, je n'ai pas passé de nuit paisible. Car lorsque je fermais les yeux, je la revoyais elle, me dire que j'étais lâche et stupide, et que je ne faisais que la mériter, comme un trophée.
« Je "mérite" que tu m'aimes ? ... Parce que tu penses vraiment que t'es assez merveilleuse pour que les gens te "méritent" ? ... Tu te rends compte de l'égocentrisme dont tu fais preuve ? »
Les sourcils de Mina se froncèrent un peu plus. Oui, évidemment, certaines personnes la méritaient et d'autres non, mais comme tout le monde. Est-ce que c'était si grave de faire remarquer que tout le monde ne nous méritait pas et qu'il fallait connaître notre propre valeur ? Il avait tout compris dans le mauvais sens. Ca voulait dire qu'il était trop bien pour souffrir autant. Ca voulait dire qu'il était une bonne personne. C'était censé être un compliment. Pourquoi il comprenait toujours tout à l'envers, comme ça ?
« Je trouve pas ça admirable. Ton air supérieur et ta façon de penser que les gens te méritent... J'ai jamais parlé du suicide de mon ex depuis qu'on l'a enterrée. Et toi tu... Tu trouves à dire que je suis lâche et stupide ?! Peut-être que tu penses que tes mots me rendront plus fort mais tu sais très bien que je suis plus sensible que je ne le laisse paraître. Ouais je t'ai peut-être frustrée en partant. Mais je t'ai jamais blessée psychologiquement comme tu viens de le faire. Alors profite bien de ta vie de princesse parfaite pendant que moi je vais nettoyer les chiottes du restaurant dans lequel je bosse. T'es trop riche pour être avec un clochard comme moi de toute façon, nan ? »
A la fin de la tirade d'Adam, Wilhelmina prit une petite inspiration saccadée. Elle avait retenu sa respiration pendant tout ce temps. C'était comme si son cœur aussi avait retenu ses battements. Et maintenant qu'il était reparti, il allait n'importe comment. Il tapait fort, trop fort, beaucoup trop fort, contre ses côtes et même jusque dans sa tête. Elle avait l'impression de voir flou tellement son cœur et ses poumons allaient dans le mauvais sens, tellement tout à l'intérieur d'elle était en train de faire des nœuds. Extérieurement, elle était une statue. Elle ne clignait même plus des yeux. Sa poitrine se soulevait à peine quand elle respirait – elle n'arrivait pas vraiment à inspirer beaucoup d'air, de toute façon – et ses mains avaient cessé de trembler. Elle le regarda se lever en chancelant, incapable de se lever à son tour pour le retenir, même si elle l'avait voulu.
« Je pense que tu sais pas ce qu'est l'Amour. Tu me désires peut-être mais je suis qu'un objet pour toi, et je refuse de me laisser utiliser parce que tu sais pas m'écouter. La preuve : tu viens encore une fois de tout rapporter à toi. Bonne nuit Wilhelmina. »
Non. Non. Non. Ce n'était pas ça. Pas ça du tout. Il avait tout pris à l'envers. Il aurait dû s'en rendre compte. Il aurait dû s'en rendre compte qu'elle l'aimait. Qu'elle l'aimait pour de vrai. Tout du moins autant qu'elle était capable d'aimer quelqu'un. Elle ne savait pas ce qu'était l'amour, il avait raison sur ce point, mais elle savait qu'elle ne voulait pas l'utiliser, qu'elle ne le verrait jamais comme un objet. Elle avait l'habitude de prendre les gens pour des objets, et elle était bien placée pour savoir que c'était tout sauf ce qu'elle ressentait envers Adam. Elle le regarda payer son verre et s'en aller, comme dans un rêve. Un cauchemar. Se forçant à respirer plus profondément, elle avala la fin de son verre d'une traite. L'alcool lui brûla la gorge, sa gorge déjà beaucoup trop serrée. Elle reposa le verre tellement fort sur la table que le pied se brisa. Wilhelmina poussa un cri – un cri de rage plus qu'un cri de surprise – et envoya voler le reste du verre, s'entaillant la main au passage, avant de sortir du bar comme une tornade.
Elle rentra à pieds, en fumant son joint, la main en sang et ses hauts talons claquant bruyamment sur les pavés des rues qui commençaient à se vider. Ange déchu. Reine exilée. Impossible de penser correctement. Que de la haine. De la haine pour elle-même. Petite conne. Pourrie gâtée. Incapable d'aimer. Et incapable d'être aimée. C'était simplement ça. Personne ne l'avait jamais aimée, personne. Simplement qu'elle n'était qu'une conne, une égoïste, sans considération pour les autres ou pour le monde. Sans valeur. Elle n'avait rien, rien à part de la beauté et de l'argent, mais au final, ce ne serait pas ça qui lui apporterait l'amour. C'était tout ce qu'elle pouvait penser, en marchant jusqu'à chez elle. Qu'au final, elle ne valait rien. Qu'il avait raison. Qu'elle était égoïste et manipulatrice. Qu'elle n'était pas capable d'amour, et qu'elle n'en méritait pas non plus. Elle claqua la porte en rentrant chez elle, lança ses escarpins contre le mur en poussant un nouveau cri, et se laissa tomber dans son lit. En boule, dans sa grande robe de soie fuschia qui l'enveloppait doucement comme une vague, et son maquillage qui tâchait son oreiller, elle resta à sangloter jusqu'à ce qu'elle s'endorme d'épuisement, de ce sommeil lourd et profond que seuls les pleurs savent procurer.