breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021. Ces derniers temps la vie de Joy était un vrai soap opera. Il fallait suivre. Le pire, c'était qu'elle était douée pour cacher tout ce qui n'allait pas derrière un sourire angélique. Son travail lui avait appris à encaisser, année après année, elle avait dû apprendre à gérer ses émotions mieux que quiconque. Elle ne pouvait pas se montrer faible devant des patients et leur entourage qui vivaient bien pire. L'interne savait ce que c'était d'apprendre mauvaises nouvelles après mauvaises nouvelles, après tout elle avait passé son enfance au chevet de son frère jumeau qui avait fini par succomber lui aussi, dans un hôpital. Aujourd'hui, la trentenaire était fière du métier qu'elle faisait, et elle avait pu rencontrer des gens qui comptaient énormément pour elle. Elle pensait notamment à Isaac avec qui elle n'avait pas passé du temps hors hôpital depuis très, très longtemps. Son ami avait suivi le retour d'Aiden, et lui avait demandé à plusieurs fois si elle n'avait besoin de rien. Non, Joy n'avait besoin de rien à part prendre du recul, et du temps. Sauf qu'après plus d'un mois écoulé, maintenant Joy avait besoin de se déconnecter de toutes ses emmerdes.

Joy
Hi p'tit monkey
J'ai vu sur le planning que t'étais en repos ce soir, je te laisse pas le choix, j'arrive avec ma bouteille de vin !

A toute à l'heure bb

Le message était lancé. Joy avait retiré sa blouse pour la pendre dans son casier. Elle avait enfilé sa tenue d'after-work, plutôt simple et chill. La seule chose à laquelle elle pensait, c'était de pouvoir s'évader le temps d'une soirée avec un ami en qui elle avait une confiance aveugle. Elle ne savait pas vraiment si elle se confierait, mais après ce mois de folie, Joy avait réellement l'envie d'oublier ses problèmes. Puis, après ce que Penny lui avait appris il y a quelques jours, et malgré la dispute sur laquelle s'était terminée cette conversation, l'interne était tout de même curieuse d'en savoir plus sur la vie amoureuse de l'infirmier. Il semblait avoir son petit jardin secret qu'elle serait prête à venir remuer pour en découvrir quelques détails. Elle était donc arrivée chez lui, elle s'était arrêtée en chemin pour acheter une bonne bouteille de rouge. Elle aurait eu besoin d'un cubi en réalité, mais la brune ne voulait pas exagérer. Elle toqua trois fois à la porte, un sourire aux lèvres, comme d'habitude. « Ouvre-moi, monkey! » dit-elle d'une voix enjouée, prête à enfin lâcher prise.

12 mai 2021. Dans quelques heures se lèvera le jour augmentant le compteur de mon existence d'une année. Cela ferait bientôt trente-six ans que j'écrivais mon histoire et en rétrospection, je ne pouvais m'empêcher de penser que quand bien même je n'avais pas été en mesure d'accomplir mes rêves initiaux, j'avais su m'en sortir de manière plutôt plaisante avec mes plans B. Je n'étais pas joueur professionnel de football australien mais m'épanouissais complètement en qualité d'infirmier. Je n'étais ni un époux, ni un père de famille comme j'avais aspiré le devenir lorsque j'avais investi dans cette maison pour y emménager avec ma fiancée de l'époque, mais j'apprenais à être heureux seul à défaut d'être en couple. Même si peu de choses s'étaient déroulées comme je l'avais espéré, j'avais plus ou moins appris à jouer les cartes que la destinée m'avait offertes.

Je m'apprêtais à fumer mon énième cigarette de la journée lorsque mon téléphone vibra sur la surface du comptoir, me signifiant que je venais de recevoir un SMS. Je lisais les propos de Joy m'informant qu'elle viendrait me rendre visite avec une bouteille de vin et j'affichais un franc sourire avant de reposer mon smartphone. Je n'avais prévu aucune célébration pour mon anniversaire, comme les années précédentes. J'avais toujours détesté fêter ce passage tout comme organiser ce genre de fête. Ca m'angoissait et me démoralisait en même temps. Ainsi, passer une soirée tranquille avec mon amie Joy me convenait amplement, surtout que je ne travaillais pas avant demain soir, comme elle avait pu en prendre connaissance sur le planning, et que cela faisait un petit moment que nous n'avions pas pu réellement passer du temps ensemble. Avec nos emplois du temps assez casse-tête doublé de nos vies privées plutôt mouvementées, il n'était pas toujours aisé de se retrouver.

Isy  
Je t'attends. Hâte de te voir, stranger !  

« Ouvre-moi, monkey! » Je levais les yeux au Ciel, amusé par ce surnom. Obéissant, je faisais glisser ma porte sur ses gonds et invitais la Petterson à pénétrer mon domicile. « Hey ! Tu t'es mise en mode motarde ? C'est un argument pour que tu viennes faire de la motocross avec moi, ça ! » Je remarquais puis taquinais tout en tirant gentiment sur l'encolure de la blouse en cuir de mon interlocutrice. « Comment tu vas ? Tu veux attaquer le vin dès maintenant ou on se montre étonnement sage et on le fait plus tard ? » Je questionnais, m'enquérant par ma première comme ma seconde question comment se portait l'interne. J'avais conscience que son quotidien était houleux ces derniers temps et que le retour d'Aiden complexifiait ses états d'âme. Je sortais les verres à fin tout en servant quelques bols d'amuse-bouche. Joy était une collègue mais surtout une de mes proches amies, je ne pouvais m'empêcher de me soucier pour son bien-être et son bonheur, tout comme étais prêt à la soutenir et l'épauler dans ses déboires.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021. La brune était vraiment dans un autre monde en ce moment. Elle avait dû mal à se concentrer, et à garder la tête claire. Toutefois, son travail restait l’un des seuls endroits où elle arrivait à se déconnecter. Le problème était qu’Aiden avait décidé de revenir et que le croiser une fois sur cinq à chaque croisement de couloirs commençait à devenir compliqué. L’interne faisait du mieux qu’elle peut pour prendre le recul qu’elle s’était imposée face à cette situation délicate. Peut-être même un peu trop selon certaines personnes de son entourage. Clairement, la brune perdait bien et ne faisait rien de logique mais soit, Joy n’était pas une experte des relations d’amour, ça se saurait sinon. Par contre, une des choses qu’elle savait faire, héritage de son adolescence bien mouvementée, était faire la fête.  Elle était maintenant devenue rouillée mais depuis quelques semaines, l’interne savait y faire. Cette fois-ci, elle avait décidé de se rendre directement chez Isaac qui avait probablement grand besoin de se détendre aussi. Elle savait qu’il était en repos, et en plus, que c’était son anniversaire dès minuit. Rien de mieux pour profiter d’un moment avec lui que de fêter un anniversaire autour d’un verre de rouge.

Dans la folie de la journée, elle n’avait pas croisé Isaac et avait préféré lui envoyer un petit message pour le prévenir de sa venue. Elle n’attendait pas une seconde après son service pour rejoindre le domicile de l’infirmier. Sans plus tarder, elle toquait à la porte avec sa plus belle voix pour se faire annoncer. « Hey ! Tu t'es mise en mode motarde ? C'est un argument pour que tu viennes faire de la motocross avec moi, ça ! » Elle fronçait les sourcils avec un sourire perplexe, elle haussa les épaules en passant devant lui après lui avoir laissé un baiser bruyant sur la joue. « Quand tu veux ! Hâte de voir ça ! » s’exclama-t-elle, toujours la bouteille à la main. « Comment tu vas ? Tu veux attaquer le vin dès maintenant ou on se montre étonnement sage et on le fait plus tard ? » Elle le fixa un instant, quand même, la connaissait-il vraiment ou c’était une blague de mauvais goût ? Elle tendit la bouteille à l’hôte. « Dis pas de bêtise, ouvre-moi ça ! » Elle s’accoudait sur le plan de travail venant l’observer dans sa mise en place. « C’est pas tous les jours qu’on fête vingt-six ans après tout… » continua-t-elle, un sourire amusé aux lèvres alors qu’elle lui faisait comprendre qu’elle n’avait pas oublié, et surtout, elle le rajeunissait pour son plus grand plaisir. « Sans blague, je sais plus où aller pour me sentir bien. Même l’hôpital est devenu un endroit à éviter. » dit-elle en soupirant, un peu exaspérée. Alors que l’hôpital avait toujours été un refuge pour elle, depuis le retour d’Aiden, c’était devenu une source de stress. Elle leva ses yeux vers le brun, avec un regard de pseudo cocker attristé. Plains-moi s’il te plaît.

J'accueillais la visite de ma collègue avec grand enthousiasme. Cela faisait un petit moment que nous n'avions pas passé dignement du temps ensemble avec Joy et bien que nous nous côtoyons plusieurs fois par semaine, lors d'instants dérobés à la volée, il n'en demeurait que j'étais heureux d'avoir sa compagnie lors des prochaines heures question de m'assurer qu'elle tienne le coup face aux événements houleux qui rythmaient sa vie. Dans tous les cas, j'étais déterminé à ce que l'on passe une bonne soirée, surtout que moi-même j'avais grandement envie - et besoin - de me changer les idées. Ma vie n'était pas aussi tumultueuse que celle de l'interne mais je militais avec plusieurs de mes démons tout en essayant de faire de l'ordre dans mes relations, un régime peu évident et très délicat.

« Quand tu veux ! Hâte de voir ça ! » s'exclame mon amie lorsque je l'invite à me joindre à une partie de motocross vu sa tenue de cuir. Un large sourire s'affiche sur mon portrait et la brune dépose un baiser amical sur ma joue. « Prépare-toi à être décoiffée alors ! » J'aimais énormément le caractère audacieux de la Petterson. Elle ne jouait pas toujours selon les règles et n'avait pas froid aux yeux. J'étais persuadé qu'ultimement, ces facultés la distingueraient aussi de ses confrères dans le domaine médical.

Je m'intéresse à son sort tout comme celui de la bouteille qu'elle apporte en offrande. « Dis pas de bêtise, ouvre-moi ça ! » Je ris de bon cœur, fier et amusé par sa réaction, et dépose la bouteille sur le comptoir. Je rapatrie les différents sachets d'amuse-bouches, des bols et mon tire-bouchon. « C’est pas tous les jours qu’on fête vingt-six ans après tout… » Je lève un regard agréablement surpris vers mon interlocutrice. « Si seulement... » Je commente avec un rictus, nostalgique du temps passé. A vingt-six ans, ma vie semblait quand même bien plus chic qu'à trente-six. « T'as quand même une sacrée mémoire, Petterson. L'alzheimer ne te menace pas encore, c'est bien, » je nargue avec un clin d'œil. Je débouchonne le vin et nous serre généreusement. « Suis-moi, » je l'invite en lui tendant son verre et prenant le mien ainsi que les bols. Je dépose le tout sur une petite table dans mon jardin à l'intérieur de la cour. Les lumières solaires éclairent l'espace de manière douce et la température se prête à profiter de l'extérieur dans cette atmosphère cocooning.

« Sans blague, je sais plus où aller pour me sentir bien. Même l’hôpital est devenu un endroit à éviter. » Je me pose à côté de Joy et lui offre une moue à la fois désolée et compatissant. L'hôpital avait constitué un véritable refuge lorsque je ne me portais pas bien dans le vol personnel de ma vie, tant que je redoutais mes jours de repos et attendais avec impatience y retourner. Je savais que sa carrière était importante pour la brune et que celle-ci l'avait soutenue dans des moments éprouvants. Néanmoins, ces temps-ci, avec le reetour d'Aiden, je me doutais que les locaux du centre hospitalier présentaient moins de réconfort. « T'es toujours le bienvenue chez moi, » je présentais avec un léger sourire, bien que j'avais conscience que je ne résolvais pas son problème en présentant cette garantie. Toutefois, je souhaitais lui confirmer de nouveau être présent pour elle. « Mais je te comprends, c'est vraiment pénible comme situation. » Autant mon travail m'avait permis de garder le cap, autant j'avais aussi vécu des moments difficiles en son sein à mon retour de congé maladie qui résultait de ma tentative de suicide. Une bonne partie, si ce n'est la majorité, de mes collègues avaient pleine conscience malgré moi de l'acte que j'avais posé à mon encontre tout comme le diagnostic qui en avait découlé, ce qui avait causé de la part de certains un changement franc d'attitude. Certains m'en voulaient, d'autres ne me faisaient plus confiance, sans compter le cadre de santé de l'époque qui me mettait sans cesse sur le carreau et duquel j'avais eu le sentiment d'être devenu le bouc émissaire. Bien heureusement, les choses avaient su se tasser grâce à ma persévérance, et je comprenais aujourd'hui le sentiment d'être en territoire miné qui pouvait éventuellement étreindre Joy ces dernières semaines. « T'as envie de quoi, vis-à-vis d'Aiden ? » Je questionne, ouvrant à la discussion sur ce sujet si elle le souhaitait, disponible à l'entendre vider son sac et la conseiller dans la mesure du possible. Si cela pouvait aider mon amie à se sentir mieux voire mieux se porter, je le ferai sans hésitation.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021.  Le moment où Joy avait besoin d’être entourée, et pas par n’importe qui, correspondait à l’anniversaire d’Isaac. C’était donc le parfait moment pour se retrouver en terrain neutre, loin de l’hôpital. Joy ne s’y sentait plus à son aise depuis qu’Aiden était revenu. Depuis quelques semaines, les couloirs étaient remplis de tensions à l’idée de le croiser et Isaac en était parfaitement conscient. L’interne savait qu’il n’hésiterait pas à lui demander comment elle se sentait, et la jeune femme serait prête à noyer ses idées noires dans cette bouteille de vin qu’elle avait ramenée. Elle était donc arrivée tout sourire, et la remarque du brun la fit rire, elle attendait de voir ça avec impatience. « Prépare-toi à être décoiffée alors ! » Elle lui accorda un regard amusé, mais aussi intrigué, Joy avait dû mal à imaginer Isaac dans la peau d’un motard rebelle.

Elle n’avait pas attendu pour s’avancer dans son antre. Joy donnait le ton à la soirée assez rapidement, elle ne voulait pas perdre de temps et espérait pouvoir se détendre avec un verre de vin. Isaac se mit à rire, pas vraiment étonné d’une telle réaction de la part de l’interne. Finalement, Joy se permit une petite remarque sur son anniversaire, un sourire en coin pour lui faire comprendre qu’elle n’avait pas oublié. « Si seulement... » Elle haussa les épaules. « C’est dans la tête » dit-elle aussitôt pour le rassurer. « T'as quand même une sacrée mémoire, Petterson. L'alzheimer ne te menace pas encore, c'est bien, » Joy écarquilla les yeux, faussement vexée qu’il puisse imaginer une seconde qu’elle oublie son anniversaire. « Je n’oublie jamais les anniversaires » Et c’était vrai que Petterson était bonne avec les dates. « Suis moi » avait-il lancé dans la foulée, Joy attrapa son verre et suivit le mouvement pour s’installer dans la cour. C’était agréable.

L’interne ne tarda pas à se confier sur le malaise qu’elle ressentait à l’hôpital, lieu qui avait longtemps été son refuge quand elle n’allait pas bien. Elle croisa le regard désolé de son ami, sachant pertinemment qu’il ne saurait pas quoi dire à ça. « T'es toujours le bienvenue chez moi, » Un sourire timide mais reconnaissant s’afficha sur le petit minois de la jeune femme. « Mais je te comprends, c'est vraiment pénible comme situation. » Elle hocha la tête en portant son verre à ses lèvres. « C’est compliqué à gérer, ouais » approuva-t-elle après avoir dégluti. « T'as envie de quoi, vis-à-vis d'Aiden ? » Grande question, éternelle question qu’elle se posait tous les jours depuis qu’Aiden était revenu dans le coin. Pourtant, elle avait été longtemps persuadée d’être passée à autre chose, il avait fallu croiser son chemin pour comprendre qu’elle avait encore des sentiments refoulés à son égard malgré ce qu’il lui avait fait vivre. « Bonne question » répondit-elle en soupirant. « Je le hais aussi fort que je l’aime, c’est étrange. » confia-t-elle à demi-mot. La jeune femme avait dû mal à cerner ses propres émotions, ses propres sentiments. « J’ai dû mal à faire le point. » conclut-elle, Isaac pouvait comprendre qu’elle était paumée. Mais Joy leva son verre, plissa les yeux et releva son index autour de son verre vers lui pour le pointer. « Mais toi, petit cachotier, tu me caches des choses. » finit-elle par dire, d’un air sournois et amuser. Même si la dernière fois qu’elle avait vu Penny, cela s’était terminé en dispute, elle avait appris que les deux jeunes gens se tournaient autour. Elle allait maintenant le sonder aussi en retour.

Je découvrais avec ravissement qu'un des motifs ayant incité Joy à passer cette soirée avec moi reposait sur mon anniversaire. Je regrettais clairement ne pas entamer ma vingt-septième année comme elle le présentait, ce à quoi elle me rappelait que l'âge n'existait que dans la tête. Je souris doucement, rejoignant toutefois péniblement la Petterson sur ce populaire adage, connaissant plusieurs volets où malheureusement, ce nombre pouvait s'imposer telle une inébranlable contrainte. Je valorisais toutefois la mémoire indéniable de mon amie, qui m'indiquait ne pas oublier les passages d'année de ses amis. « Tu gères, » je la complimentais sincèrement avant de la convier à changer de scène. J'avais en effet bien envie de profiter l'agréable température extérieure en savourant cette soirée avec mon amie dans ma cour.

Franche, l'interne se confia sur les difficultés qu'elle rencontrait sur le lieu de travail que nous partagions. Je lui offrais un sourire compatissant tout en l'écoutant avec bienveillance, puis lui garantissais mon soutien inébranlable. Joy pourrait toujours compter sur moi, je le lui avais démontré naturellement dans le passé et ne comptais assurément pas changer d'attitude à son égard. J'étais peiné qu'elle ait à essuyer tant d'embûches sur son chemin mais une partie optimiste de mon être demeurait convaincue que la brune ne saurait en sortir que plus forte et que bientôt, elle épouserait l'épanouissement qu'elle méritait grandement.

Armé de la volonté de l'épauler, je lui demandais ce qu'elle espérait vis-à-vis de son ex. « Bonne question. Je le hais aussi fort que je l’aime, c’est étrange. » Je grimaçais, bien conscient que le contraire de l'amour n'était guère la haine mais bien l'indifférence. De toute évidence, Aiden possédait encore sa place dans le cœur de mon amie, tout comme il avait su marquer son âme. « J’ai du mal à faire le point. » Je hochais la tête, compréhensif. « Est-ce que tu aimerais qu'il disparaisse de ta vie, ou tu préférerais être capable de le fréquenter sans que ça te fasse quoi que ce soit ? » J'interrogeais, désireux de l'aider dans son cheminement.

Je percevais Joy lever son verre et m'observer avec malice, ce qui n'augurait rien de bon. Je haussais doucement un sourcils tandis qu'elle m'accusait : « Mais toi, petit cachotier, tu me caches des choses. » Je laissais échapper un petit rire. Je n'avais jamais été la personne la plus transparente de Brisbane, j'étais doté d'un tempérament très secret, bien que je ne pouvais pas être qualifié de menteur pour autant. Seulement, je parlais peu de moi. « J'cache plein de choses à plein de monde, Joy. Il va falloir que tu sois plus spécifique avec moi, » je sollicitais avec un clin d'œil complice, avant de porter le verre à mes lèvres. « T'as pas perdu la main pour choisir le vin, » je complimentais toutefois sur le choix de mon interlocutrice, possiblement dans une tactique de diversion, appréhendant ce qui pouvait bien intéresser la trentenaire sur mon compte - et le genre d'informations innovantes qui pouvaient circuler sur moi. Le centre hospitalier était assez réputé pour nourrir de réelles niches à potins, tant que je n'étais jamais surpris que des informations - parfois fausses - soient véhiculées sur ma personne. Toutefois, l'air assuré de Joy me laissait redouter que la nature des renseignements qu'elle détenait ne provenaient pas de l'hôpital dont elle connaissait le caractère parfois hasardeux des rumeurs.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021. Joy pouvait mener une vie à mille kilomètres à l’heure, elle gardait toujours en tête les choses importantes, tels que les anniversaires de ses amis les plus proches. Avec ce qu’elle avait vécu, et ce qui s’en était suivi pour Isaac également, leur amitié s’était forgée au fur et à mesure des années. Au travail, il était devenu un pilier important pour elle, et Joy espérait qu’il ressente la même chose envers elle ; il pourrait toujours compter sur elle. Ces derniers temps, on pouvait dire que c’était le retour d’Aiden qui avait chamboulé la vie de l’interne, et même s’ils n’avaient pas eu le temps de réellement en parler jusqu’ici, Joy savait qu’Isaac s’en inquiétait pour elle. Il était du genre à être très protecteur, voire méfiant quand il s’agissait de gens qu’il aimait. L’interne n’allait pas mentir à ce sujet, elle ne se sentait pas dès plus à l’aise à l’hôpital depuis le retour de son ex petit ami. Et si cela n’avait été que ça à gérer, peut-être qu’elle aurait pu prendre le temps de procéder à tout ce qu’elle ressentait depuis son retour. Mais Joy avait eu plusieurs événements dans sa vie ces derniers temps qui la remettaient totalement en question.

La jeune femme n’avait aucune prétention à espérer quoique ce soit de sérieux avec Aiden  - ou n’importe quel autre homme d’ailleurs. Elle était doucement en train de se reconstruire depuis sa rupture avec Adam que là voilà reparti à essuyer des sentiments qu’elle pensait terminer depuis des mois ? Elle haussait les épaules, se montrant tout à fait vulnérable face à son ami curieux et inquiet. Joy ne s’en cachait pas, elle n’en savait rien, elle n’arrivait pas à avoir les idées claires et c’était ce qui était sûrement le plus effrayant pour elle. « Est-ce que tu aimerais qu'il disparaisse de ta vie, ou tu préférerais être capable de le fréquenter sans que ça te fasse quoi que ce soit ? » Elle se pinça les lèvres, levant les yeux vers Isaac qui voulait probablement poser les bonnes questions. « J’aimerais pouvoir ne plus rien ressentir à son égard. » dit-elle en toute franchise. « Mais je ne sais pas si c’est vraiment possible. Je m’inquiète de son bonheur, de son malheur, je me surprends à vouloir savoir avec qui il sort, ce qu’il fait et avec qui. C’est en train de me bouffer. » dit-elle avec le cœur serré, son regard trahissant la tristesse dans laquelle elle se sentait depuis quelques temps maintenant… Elle porta son verre à ses lèvres, signe qu’elle cherchait un peu de réconfort.

Dans un éclair de lucidité, Joy se disait qu’elle n’était pas là pour s’apitoyer sur son sort. Elle était venue prendre des nouvelles de son ami, et aussi fêter son anniversaire. Elle espérait donc en savoir un peu plus sur ce qu’il se passait avec Penny notamment, même si leur dernière discussion avait mené à une dispute qu’elle n’aurait jamais vu arriver un jour. « J'cache plein de choses à plein de monde, Joy. Il va falloir que tu sois plus spécifique avec moi, » Joy se mit à rire en secouant la tête, sachant pertinemment à quel point Isaac n’aimait pas parler de lui. « T'as pas perdu la main pour choisir le vin, » Elle acquiesçait d’un mouvement de tête, en levant son verre pour approuver. « J’ai croisé une amie récemment, elle me parlait de dater, d’application de rencontres… » Elle laissait sa phrase en suspend, tentant de fixer Isaac pour voir une quelconque réaction, ferait-il le rapport avec Penny ? Elle avait un léger sourire mutin au visage, car même si elle était en froid avec son amie, elle avait bien envie de savoir ce qu’Isaac pensait d’elle.

Bien que je n'avais absolument rien contre Aiden, j'avais observé son retour au centre hospitalier d'un œil personnellement méfiant. J'avais conscience que le trentenaire constituait un excellent praticien, mais son histoire romantique avec mon amie proche me faisait dresser des barrières à son égard, par loyauté envers la Petterson. Je veillais à distance sur l'interne, prêt à réagir au moindre geste de défaillance de sa part, lui assurant une écoute ainsi qu'un soutien inébranlable.

Je l'interroge précautionneusement sur l'état de ses sentiments vis-à-vis du chef de service. « J’aimerais pouvoir ne plus rien ressentir à son égard. » Je souris tristement, compatissant. J'avais longtemps prié ne ressentir que de l'indifférence envers mon ancienne fiancée, néanmoins, elle avait toujours su faire battre mon cœur d'une manière si singulière que ce dernier paraissait avoir ancré cette mélodie dans son fonctionnement. J'avais su tirer un trait sur ma dernière ex plus sainement, convaincu que la jeune mère ne m'avait jamais aimé et que j'avais composé une simple distraction pour elle en attendant que l'homme duquel elle vouait de sincères sentiments revienne dans le tableau de son histoire. J'avais ressenti une multitudes de sentiments à notre rupture : une incommensurable tristesse, un profond déni, une féroce colère mêlée à une amère trahison, avant d'accepter le fait que nous n'étions simplement pas faits pour établir une relation romantique et qu'il en était mieux ainsi. J'ignorais si Aiden était inscrit dans les veines de l'essence même de la vie de Joy ou ne représentait qu'un mirage d'amour, tout ce que j'espérais était que le dénouement soit heureux pour mon interlocutrice. « Mais je ne sais pas si c’est vraiment possible. Je m’inquiète de son bonheur, de son malheur, je me surprends à vouloir savoir avec qui il sort, ce qu’il fait et avec qui. C’est en train de me bouffer. » « Le contraire de l'amour est l'indifférence, » je lui signifiais. Elle pouvait maudire son ex de tout son être ou l'aimer passionnément, son cœur martèlerait indubitablement en son nom. Néanmoins, si elle parvenait à se moquer souverainement de comment l'orthopédiste menait sa vie, c'était qu'elle s'en était détachée - libérée. Ce qui n'était manifestement pas le cas actuellement. « Je te conseille de prendre les choses une par une. Et le temps aide autant à panser les blessures qu'y voir plus clair sur les situations. » Je conseillais amicalement. « Et tu pourras toujours compter sur moi pour te changer les idées, » je rappelais avec un clin d'œil complice. « Quand je n'arrive pas à me sortir quelqu'un de la tête et que je veux vraiment m'en débarrasser, dès que je sens que mon esprit vogue vers cette personne, je m'ordonne de penser à autre chose. C'est tout un exercice, ça peut rendre dingue, mais au bout d'un moment, ça fonctionne. C'est p'tet un peu comme essayer d'arrêter la clope, finalement. » Quand on veut, on peut, paraissait-il. Fallait-il simplement déterminer si Joy désirait véritablement excommunier Aiden de ses songes. J'avais su me guérir de quelques personnes avec ce processus, mais jamais me détacher de la nicotine pour autant ; il fallait dire que je me convainquais que la cigarette m'apportait plus de bénéfices que de points négatifs alors que je voulais réellement éradiquer ces individus de ma vie, les jugeant trop néfastes pour mon bien-être.

Je n'avais toutefois pas en tête l'idée d'aborder les éventuels ragots qui pouvaient circuler sur mon compte. Endossant un recul sur la situation, sachant pertinemment à quel point les rumeurs pouvaient parfois relater des faits complètement extravagants et loin de la réalité, je rappelais à ma compagnie ma nature secrète et ainsi qu'il lui fallait être plus spécifique si elle souhaitait élucider la véracité des propos qu'elle avait entendus à mon sujet. Je portais mon verre de vin à mes lèvres, ma curiosité aguichée invoquant une piquante part de stress. Je n'avais techniquement rien à cacher ni me reprocher, mais j'appréhendais toujours la réaction des gens face à mes choix de vie. « J’ai croisé une amie récemment, elle me parlait de dater, d’application de rencontres… » Oh oh. Si mes lèvres demeuraient scellées, mon regard fuyant était éloquent. « Est-ce que je peux savoir qui est ton amie ? » Je demandais curieusement. Non pas que j'avais daté d'innombrables jeunes femmes depuis mon inscription sur Tinder, mais j'avais quand même conversé avec une bonne quantité de demoiselles, tout en ayant rarement concrétisé quoi que ce soit avec elles. J'espérais pieusement que la copine de Joy ne soit pas une de celles que j'avais ghostées éhontément. Il fallait dire que rencontrer Penny sur cette plateforme avait promptement rendues bien pâles ces autres femmes. « Je me suis inscrit sur Tinder en janvier dernier, » j'expliquais à la Petterson. « Pas forcément pour rencontrer quelqu'un et faire ma vie. Enfin, j'imagine que tu t'en doutes bien vu l'application que j'ai choisie. » J'exposais avec un léger rire nerveux. Je n'avais jamais adhéré au rôle du Don Juan, mais en janvier, je ne me sentais pas du tout prêt à m'engager avec qui que ce soit, bien qu'une partie de moi se montrait tout de même assez téméraire pour lorgner de nouveau sur les femmes, les plaies créées par mes anciennes relations visiblement en bonne voie de guérison. « Je voulais surtout voir mes options. Prendre connaissance de ce que le monde avait à offrir. » Mais le chat échaudé redoutait encore l'eau, même froide.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021. Le retour d’Aiden l’avait totalement chamboulée, et Joy avait dû mal à l’avouer. Dire à voix haute à son ami qu’elle ne voulait plus rien ressentir à son égard était déjà quelque chose de beaucoup. Depuis des mois maintenant, elle voulait se convaincre qu’il n’était plus rien pour elle. Pourtant il avait fallu qu’elle croise son chemin une seule fois pour comprendre que la brèche n’était pas fermée, que la blessure n’était toujours pas cicatrisée. L’interne avait le regard baissé, presque honteuse d’avouer qu’elle pouvait encore ressentir quoique ce soit pour lui. Elle savait pertinemment que s’il n’y avait plus rien du tout, Joy ne ressentirait que de l’indifférence à son égard, mais cela n’était pas le cas. Avec les quelques gorgées de vin ingurgités, Joy se laissait à quelques confidences, des craintes qu’elle ne s’avouait qu’à demi mots depuis quelques jours maintenant. « Le contraire de l’amour est l’indifférence. » Elle eut un rire ironique, elle était assez âgée maintenant pour savoir qu’Isaac avait raison. Elle aussi avait fini par venir à cette conclusion. « Je te conseille de prendre les choses une par une. Et le temps aide autant à panser les blessures qu'y voir plus clair sur les situations. » La brune releva la tête pour le fixer, et l’écouter attentivement. Elle était preneuse de tout avis extérieur, impartial, et juste. « Et tu pourras toujours compter sur moi pour te changer les idées, -- Quand je n'arrive pas à me sortir quelqu'un de la tête et que je veux vraiment m'en débarrasser, dès que je sens que mon esprit vogue vers cette personne, je m'ordonne de penser à autre chose. C'est tout un exercice, ça peut rendre dingue, mais au bout d'un moment, ça fonctionne. C'est p'tet un peu comme essayer d'arrêter la clope, finalement. » Elle sourit, cette fois c’était un sourire plus franc. En l’écoutant, Joy espérait qu’il ait raison : que le temps fasse son taf et que d’ici quelques semaines, croiser Aiden ne serait qu’une formalité. Au fond d’elle, elle savait tout de même que cela resterait longtemps un exercice et qu’elle n’arriverait pas aussi facilement à s’en débarrasser. « Merci Isy, je sais que je pourrais toujours compter sur toi. » dit-elle d’une petite voix, elle porta son verre à sa bouche, pris une nouvelle gorgée du poison et finit par ajouter : « Je pourrais toujours venir te voir à l’hôpital si jamais je sens que je vais faire une connerie. » Ici, interpréter : aller voir Aiden et l’embrasser, ou bien aller le voir et taper une crise – peu importait, elle voyait tout ce qui pouvait concerner le chirurgien comme une grosse erreur. Au moins, elle pouvait compter sur des collègues en or. Elle avait aussi l’immense envie de parler de lui, de se changer les idées avec les propres histoires sentimentales de son ami. Elle savait de la source principale que Penny comptait voir son collègue et ami, et si elle n’avait pas pu profiter de cette heureuse coïncidence avec Penny, elle espérait bien tirer les vers du nez de son collègue. Elle sentait que rien que le fait d’évoquer les sites de rencontre rendait tout à coup Isaac nerveux. Joy aimait énormément le taquiner à ce sujet, elle avait tenté à plusieurs reprises de le brancher avec des infirmières, ou toute genre de nouvelle femme qui pouvait débarquer à l’hôpital. C’était toujours bon enfant, car elle voulait juste qu’Isaac trouve le bonheur. Elle n’aurait jamais pensé à présenter Isaac à Penny, elle trouvait ce duo tout à fait surprenant mais pas moins intéressant. « Est-ce que je peux savoir qui est ton amie ? » Avait-il plusieurs dates de prévu et tentait-il donc de ne pas faire de gaffe en posant cette question ? Joy fronça les sourcils, faisant tournoyer le reste de vin au fond de son verre, l’air presque suspicieux, elle le fixait un instant, ne voulant pas répondre trop vite. « J’ose espérer que mon amie t’est tapée dans l’œil, car c’est une perle. » dit-elle seulement comme indication, n’oubliant pas un instant que cette même personne lui avait brisé le cœur quelques jours plus tôt. Penny s’était montrée tout à fait ignoble envers Joy, et elle gardait énormément de ressentiment envers l’actrice, mais elle n’était pas là pour plomber l’ambiance. Joy savait faire la part des choses, elle voulait seulement savoir ce que ressentait Isaac. En répondant ceci, elle confirmait seulement avoir vu le profil d'Isaac sur l'application... « Je me suis inscrit sur Tinder en janvier dernier, -- Pas forcément pour rencontrer quelqu'un et faire ma vie. Enfin, j'imagine que tu t'en doutes bien vu l'application que j'ai choisie. » L’interne acquiesçait tout doucement en l’écoutant, laissant planer le doute sur ce qu’elle pensait réellement alors que jamais, non jamais elle n’oserait le juger. « Je voulais surtout voir mes options. Prendre connaissance de ce que le monde avait à offrir. » Ce fut à ce moment-là qu’elle émit un rire, amusée par la volonté qu’il mettait pour se justifier. « Tu fais bien ce que tu veux, Jensen. » lança-t-elle d’abord pour le rassurer, et puis, il devrait bien savoir qu’elle n’était pas du genre à juger aussi facilement. « Est-ce que le monde t’a offert quelque chose qui pourrait te plaire ? » demanda-t-elle innocemment, tentant de lui tendre des perches auxquelles elle espérait, Isaac se raccrocherait, pour enfin lui confier quelque chose de concret sur Penny.

J'étais sincèrement soucieux du bien-être de Joy et peiné de la situation difficile au sein de laquelle elle se retrouvait. Si j'en avais le pouvoir, je n'hésiterais pas une seule seconde à gommer tous les obstacles sur son chemin, mais j'étais également conscient que ceux-ci permettraient à la Petterson de devenir quelqu'un de plus fort et confirmeraient ultimement son épanouissement. Alors, en attendant, je tentais de l'épauler et de la conseiller du mieux que je le pouvais, avec tout mon cœur. « Merci Isy, je sais que je pourrais toujours compter sur toi. » Je lui souris doucement puis l'imitais en prenant également une gorgée du vin qu'elle avait amené pour cette soirée à deux. « Je pourrais toujours venir te voir à l’hôpital si jamais je sens que je vais faire une connerie. » J'acquiesçais spontanément. « Toujours là pour de sortir de beaux draps ou t'éviter d'y tomber, » je présentais avec une touche d'humour, clin d'œil complice adressé à mon interlocutrice. Je serais toujours loyal à Joy et également présent pour la soutenir, peu importe les circonstances. Je fréquentais l'interne depuis des années maintenant et connaissais pertinemment sa valeur ; elle s'était vite fait une place au rang des personnes que j'estimais grandement et je ne lui souhaitais que son bonheur.

Je me sentais toutefois tel un enfant pris la main dans la bonbonnière quand la brune m'évoqua avoir discuté avec une de ses amies qui m'avait apparemment au moins croisé sur Tinder, que j'avais peut-être datée. Le regard fuyant, j'essayais de deviner l'identité de cette connaissance manifestement commune, tout en appréhendant les potentiels ragots qui pouvaient circuler sur mon compte. J'avais appris à me forger une carapace, surtout suite à ma tentative de suicide qui avait énormément fait jaser sur mon compte, mais il n'en demeurait que l'opinion d'Autrui parvenait encore quelques fois à me heurter. Puis j'étais sincèrement curieux d'en connaître davantage sur ce qu'avait entendu Joy. « J’ose espérer que mon amie t’est tapée dans l’œil, car c’est une perle. » Un sourire timide vint se dessiner sur mes lèvres. Si je pensais spontanément à Penny, je ne détenais toutefois pas la garantie que la Petterson qualifiait ainsi l'actrice. J'avais discuté et rencontré plusieurs femmes via l'application, même si la Stringer s'était démarquée.

J'expliquais à Joy les raisons pour lesquelles je m'étais créé un compte sur Tinder. J'avais entendu parler à de multiples reprises de ce réseau et en janvier dernier, avec l'aide de mon ami Kane, je m'étais enfin laissé tenter. Je ne regrettais pas du tout cette expérience, quand bien même mon compte avait été créé pour l'ultime motif de constater les options que le monde pouvait bien m'offrir. « Tu fais bien ce que tu veux, Jensen, » assura Joy dans un léger rire. « Est-ce que le monde t’a offert quelque chose qui pourrait te plaire ? » Un bref rire nerveux s'extirpa de mes lippes tandis que mon teint pris une légère teinte rosée. Le volet sentimental de mon histoire était assurément pas l'un de ceux pour lesquels j''étais doté d'une facilité d'expression. « Oui. » je répliquais sobrement, jetant mes pupilles dans mon verre de vin de plus en plus -tristement - vide. « Enfin. Je pense. » Le doute s'installa sur mon portrait alors que mon rythme cardiaque s'accéléra. La vérité était que si Joy parlait de Penny, j'étais du même avis qu'elle : l'actrice composait une réelle perle. Cependant, ces sentiments étaient-ils réciproques ? N'étais-je pas tombé sous le charme d'une femme qui n'éprouvait absolument rien à mon égard, ou me considérerait comme un simple pote à qui elle pouvait parler de tout et de rien ? Tout de même, il me semblait ressentir une certaine chimie naturelle via nos échanges qui ne relevaient pas de l'anodin à mes yeux, j'avais envie de croire que je ne faisais pas la route dans une nouvelle histoire à sens unique. « J'ai matché avec quelqu'un que j'aime beaucoup. Enfin, que j'apprécie beaucoup. » Je rectifiais, le lapsus pourtant déjà bien révélateur. Je soupirais doucement. « Je ne sais pas s'il s'agit de ton amie, mais en tout cas, il y a bien quelqu'un qui m'a tapé dans l'œil. » Et encore, l'expression me paraissait bien faible. Les moindres SMS que m'envoyait Penny me faisaient irrémédiablement sourire, je me dressais déjà des scenarii de probables rencontres à venir. Je n'étais animé que d'une envie : passer du temps avec la Stringer.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021. Avec le temps, Isy était devenu un pilier dans le quotidien de la brune. Au travail, elle se tournait très facilement vers lui quand plus rien ne semblait tourner rond. Elle avait été présente lorsque, lui aussi, vivait des périodes compliquées. Ils ne parlaient plus vraiment de cela, mais se contentaient généralement de se montrer présent l’un pour l’autre quand il semblait se passer une mauvaise journée… Ces derniers temps, Joy enchaînait les coups durs et venir chez Isaac pour se changer les idées, mais aussi peut-être se confier à une oreille attentive était une vaine tentative de faire croire que tout allait bien. « Toujours là pour te sortir de beaux draps ou t’éviter d’y tomber. » Elle se mit à rire, voyant très bien quelle référence il faisait là. Joy se demandait encore comment elle avait pu se retrouver dans ce triangle amoureux absurde, alors même qu’elle fuyait l’amour à tout prix depuis cette rupture difficile.

La vie amoureuse d’Isy semblait plus l’intéresser, et c’était aussi un moyen de glisser le centre de la conversation vers lui plutôt que vers elle. Elle savait, après une véhémente conversation avec Penny, que Monsieur Jensen se faisait connaître sur les sites de rencontre. Voilà donc un moyen de parler d’autre chose, et aussi de taquiner son ami. « Oui. » avait-il répondu, encore un peu sur la retenue. Mais cette réaction n’étonnait pas vraiment l’interne, Isy restait toujours très discret concernant sa vie privée et Joy adorait lui tirer les vers du nez. « Enfin. Je pense. » nuança-t-il finalement, et Joy plissa les yeux venant l’interroger du regard pour en savoir plus. « J’ai matché avec quelqu’un que j’aime beaucoup. Enfin, que j’apprécie beaucoup. » Joy eut un petit sourire, se disant que parfois avec un peu de chance, l’amour pouvait être simple. « Je ne sais pas s’il s’agit de ton amie, mais en tout cas, il y a bien quelqu’un qui m’a tapé dans l’œil. » Joy hocha vivement de la tête, prenant une nouvelle gorgée de son vin et sentant tout doucement les effets de ce poison venir lui embuer l’esprit. « Je connais une nana qui a matché avec toi et elle semblait avoir le même sourire débile sur le visage quand elle parlait de toi. » finit-elle par dire, levant peut-être le mystère, ou non… Joy ne savait pas vraiment si Isaac était du genre à jouer sur plusieurs tableaux, mais elle pensait que non, ce n’était pas le cas. De toute manière, elle allait bientôt le savoir. « Tu la rencontrais ? Tu la trouves comment ? »00 demanda-t-elle finalement, sans demander confirmation de l’identité de cette femme.

J'assurais à mon amie que je serais toujours présent pour elle, qu'importent les circonstances. J'avais toujours demeuré quelqu'un de loyal et Joy en elle-même représentait quelqu'un d'important à ma vie. Les journées de travail étaient considérablement améliorées par sa présence et je cherchais toujours à la croiser ici et là lorsque je savais que nous partagions des mêmes heures de service. Aussi, j'affectionnais les soirées que nous nous organisions selon nos disponibilités. Nous avions tous les deux essuyé des épreuves difficiles dans le passé, et en connaissance de certaines de celles de la Petterson, je portais probablement un œil encore plus attentif sur l'interne, désirant pallier aux maux qui pourraient sombrement venir la happer. En somme, Joy était une amie avec qui j'entretenais une complicité, à qui je m'autorisais à me confier et sur laquelle je veillais.

La retenue m'étreigna alors que mon interlocutrice m'indiquait disposer de quelques informations concernant une évolution opérée au niveau de mon statut social. Ma vie privée avait toujours flirté avec le secret et même si je m'évertuais à ne pas me préoccuper des rumeurs qui pouvaient circuler sur ma personne, une certaine anxiété s'érigeait sournoisement en moi, qui vient doucement s'apaiser devant le rire de Joy qui me rappelait à juste titre que je pouvais bien mener ma vie comme je l'entendais. Je lui expliquais sobrement que j'avais rencontré quelqu'un sur une application de rencontres, et portais déjà une certaine affection à l'attention de cette femme. « Je connais une nana qui a matché avec toi et elle semblait avoir le même sourire débile sur le visage quand elle parlait de toi. » Je ris doucement avant de fuir dans mon verre de vin. « Tu l'as rencontrée ? Tu la trouves comment ? » Je m'autorisais une nouvelle gorgée et me mordais doucement la lèvre inférieure avant de m'enfoncer davantage dans mon siège. « Je l'ai rencontrée, oui. » J'ai l'impression de débuter un véritable chemin de croix alors que les faits en soi sont très faciles à exposer. Il n'y a rien de compliqué au sein de mon histoire avec la Stringer. Toutefois, communiquer mes émotions a toujours constitué une tâche ardue pour moi, surtout parce que je me noyais dans mes interprétations plutôt que d'écouter simplement mon cœur. « C'est un peu fou, en fait. » Je révélais, avant d'inspirer profondément. « Dès le départ, ça a été super facile de parler de tout et de n'importe quoi avec elle. C'est comme si tout se faisait naturellement, comme si tout coulait de source. Et on est très souvent sur la même longueur d'ondes. » Je plissais doucement les yeux. « Parfois, j'ai l'impression que c'est trop beau pour être vrai et que j'ai tout imaginé ? Que je vais me réveiller ? » Je soumettais. « Mais je sais que je me prends souvent beaucoup trop la tête et ça finit par me porter préjudice. Alors je m'efforce de juste profiter du moment présent avec elle, et honnêtement, je savoure chaque moment. » Je confiais. « Peut-être que je fonce droit dans le mur et que dans quelques semaines elle va se rendre compte qu'elle peut avoir facilement mieux ailleurs. Mais j'me dis autant profiter tant que ça dure, surtout qu'elle me rend vraiment heureux. Je l'apprécie déjà vraiment beaucoup et je me sens chanceux de l'avoir rencontrée. Je me suis jamais senti si bien, si spontanément, avec quelqu'un. » Et si le château venait à s'effondrer, je m'occuperais des débris en temps voulu. Je me mordais doucement la lèvre inférieure, échangeais un regard hésitant avec mon amie, puis trempais mes lèvres dans mon vin. La vérité était que j'avais été malchanceux en amour et que je me jugeais en partie responsable de mes précédents échecs. J'étais terrifié à l'idée de ficher en l'air cette histoire naissante avec l'actrice, comme je craignais ne pas être assez bien pour elle. Mais déjà, si elle avait le même sourire débile que moi en parlant de ma personne à Joy, c'était bon signe, n'est-ce pas ? « Elle s'appelle Penny, » je renseignais, afin d'infirmer ou confirmer s'il s'agissait bien de l'amie de Joy.

breaking free-- @Isaac Jensen

☽ 12 mai 2021.  Ces quelques mois loin de tout avaient permis à Joy de se libérer de ces émotions. Tout avait été amplifié, l’amour n’était jamais facile surtout quand on tombait amoureux de la mauvaise personne. Il arrivait maintenant un moment où Joy n’y croyait plus – ce n’était clairement pas fait pour elle. Cette année 2021 avait été catastrophique pour elle, comme celle d’avant. La roue ne semblait pas vouloir tourner pour elle… La jeune femme était tout de même soulagée de pouvoir compter sur des bonnes personnes, comme Isaac, qui encore une fois, dans l’ombre, se montrait présent, à l’écoute, et toujours sans un brin de jugement dans sa voix.

Mais ce que Joy préférait quand elle était avec un ami à elle, c’était détourner l’attention de ses maux vers quelque chose d’autre qui ne la concernait pas. En l’occurrence ici, l’interne voulait en savoir plus concernant la vie amoureuse de l’infirmier. La brune n’était pas débile, elle se doutait bien qu’il se tramait quelque chose… Elle sentait bien qu’Isaac n’était pas à l’aise de s’exprimer à ce sujet mais il savait aussi que Joy ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement. « Je l’ai rencontrée oui. » finit-il par admettre, et Joy sourit en se cachant derrière son verre pour boire une gorgée, elle l’incitait avec un regard à continuer. « C'est un peu fou, en fait. --  Dès le départ, ça a été super facile de parler de tout et de n'importe quoi avec elle. C'est comme si tout se faisait naturellement, comme si tout coulait de source. Et on est très souvent sur la même longueur d'ondes. » Joy croisait les jambes, tout en écoutant Isaac. « Parfois, j'ai l'impression que c'est trop beau pour être vrai et que j'ai tout imaginé ? Que je vais me réveiller ? » Oh Joy était bien consciente de ce sentiment… Et pour elle, le rêve s’était transformé en cauchemar. « Mais je sais que je me prends souvent beaucoup trop la tête et ça finit par me porter préjudice. Alors je m'efforce de juste profiter du moment présent avec elle, et honnêtement, je savoure chaque moment. --  Peut-être que je fonce droit dans le mur et que dans quelques semaines elle va se rendre compte qu'elle peut avoir facilement mieux ailleurs. Mais j'me dis autant profiter tant que ça dure, surtout qu'elle me rend vraiment heureux. Je l'apprécie déjà vraiment beaucoup et je me sens chanceux de l'avoir rencontrée. Je me suis jamais senti si bien, si spontanément, avec quelqu'un. » Joy ne put s’empêcher de sourire en l’écoutant il paraissait sincère, et à la fois, elle avait des craintes autant pour lui que pour Penny. Après ce qu’elle venait de vivre, Joy était craintive de toute relation amoureuse. Encore plus de ce genre de relation où tout paraissait si parfait et fluide… « Elle s’appelle Penny. » Et les soupçons de la brune étaient enfin confirmées officiellement. « Tu m’as l’air bien accroché, Jensen. » dit-elle en rigolant. « Tu peux te rassurer, elle avait les mêmes étoiles que toi dans les yeux quand elle m’a parlée de toi. » finit-elle par ajouter en souriant, il était donc au courant qu’entre sa nouvelle petite amie et moi, les choses n’étaient pas au beau fixe. Mais peu importait, Joy était adulte elle savait faire la part des choses. « Tu m’avais d’ailleurs caché l’existence de tels abdos… » ajouta-t-elle en détourant le regard pour retenir de rire si elle le fixait trop longtemps. Penny lui avait montré le profil Tinder de ce fameux bel inconnu… Joy avait immédiatement reconnu Isaac – et c’était plus fort qu’elle, elle devait le taquiner à ce sujet. « Trêve de plaisanterie. Je te souhaite du bonheur, tu le mérites. » dit-elle d’une voix un peu plus sérieuse.

Sincère, je développais à mon amie le contexte dans lequel mes sentiments évoluaient rapidement vis-à-vis de Penny, que j'avais rencontrée via la plateforme Tinder. Cette relation tirait du rêve éveillé à mon sens : je ne soupçonnais pas que j'aurais un jour abordé moi-même Penny, et en aucun cas je n'avais pu imaginer une telle alchimie nous lier. Nous nous trouvions très souvent sur la même longueur d'ondes et si nous divergions, cela semblait être seulement pour mieux se compléter. Plus d'une fois, Penny m'avait surpris, d'une manière si agréable que j'en demeurais profondément touché. Je redoutais férocement que ce duo que nous formions ne se dissipe rapidement, mais je m'étais également promis de savourer chaque moment qu'il m'était donné de partager avec l'actrice, car Dieu qu'elle me faisait me sentir bien. Elle détenait ce pouvoir indéniable d'apaiser mes maux comme d'éloigner les démons qui me taraudaient, sa voix surpassait aisément celles m'imposant incessamment des idées noires et peu à peu, elle me procurait goût pour tous ces petits détails de l'existence auxquels j'étais d'ordinaire catégoriquement indifférent. En somme, Penny m'apprenait à vivre plutôt qu'à survivre.

« Tu m’as l’air bien accroché, Jensen, » commenta Joy alors que je lui révélais le prénom de celle qui s'était déjà créée une place dans mon cœur comme dans mes pensées. Je souris en coin, timide, le rose teintant discrètement mes joues, avant de tremper vigoureusement mes lèvres dans mon vin pour en absorber une longue gorgée. Je ne donnais désormais pas cher de la bouteille apportée par mon interlocutrice. « Tu peux te rassurer, elle avait les mêmes étoiles que toi dans les yeux quand elle m’a parlée de toi. » Mon sourire s'élargit et je risquais un regard intéressé vers Joy, à la fois rassuré et reconnaissant qu'elle m'offre un tel aveu, tout comme ressentant une certaine appréhension devant la confirmation que je fréquentais une amie proche de ma collègue - qu'elle avait de plus qualifiée de perle plus tôt, bien que je ne la contredirais certainement pas sur ce point. Je ne doutais aucunement des paroles que Penny m'offrait à mon égard, je lui accordais spontanément une confiance totale et innée, comme si cela ne pouvait pas aller autrement ; toutefois, j'étais heureux de découvrir qu'elle aussi portait dans son regard des marques d'affection qu'elle me vouait lorsqu'elle était en compagnie de personnes de son entourage. Puis, honnêtement, j'étais très curieux d'apprendre si elle disait d'autres choses sur mon compte. « Tu m’avais d’ailleurs caché l’existence de tels abdos… » Je fronçais doucement les sourcils avant de lever les yeux au Ciel. « N'importe quoi, » j'articulais, faussement vexé, n'avalant pas que la Petterson ignorait ma musculature. « Elle m'a rapportée, cette photo, » je présentais en riant légèrement, bien heureux si elle ait pu fournir un argument à Penny pour qu'elle swipe à droite. « Trêve de plaisanterie. Je te souhaite du bonheur, tu le mérites. » « Merci, » je lui fais avec un sourire sincère, enchaînant avec sérieux : « Toi aussi, Joy. Tu mérites le bonheur. » Je soulignais avant de me pencher afin d'attraper la bouteille de vin. « Et cette bouteille de vin mérite plus d'attention. » Je lui tendais mon téléphone afin qu'elle choisisse la playlist qui lui disait le plus et nous servais généreusement. Il était désormais temps de se distraire comme nous savions si bien le faire. Je ne comptais plus les très bons moments festifs que notre duo avait connu. « A notre bonheur et notre amitié. En plus de mes... 20 ans, c'est ça ? » Je suggérais, réduisant encore davantage les vingt-six ans qu'elle m'avait accordés en arrivant chez moi, complice et amusé.