| | | (#)Sam 19 Juin 2021 - 18:19 | |
| | | ► over my head
@Caelan Leckie & MARCUS LECKIE Tell me all the things that you are thinking, tell me what it is that I am missing. Don't want this to slip right through our hands, don't want this to go.
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Il y avait très peu d’événements qui pouvaient couper la faim de Marcus. Si peu qu’il ne se souvenait pas de la dernière fois où il ne s’était pas senti en état d’avaler quoi que ce soit. Oh, si ; le fameux soir où il avait rendu visite à son frère pour déverser une colère et une déception venues d’un autre monde après avoir appris de la bouche de son ex-femme les véritables raisons qui avaient poussé son cadet à quitter le pays -et la quitter elle. Le dîner avait eu un goût de whisky et de remise en question. Il n’avait pas adressé à la parole à Caelan depuis, comme il l’avait promis. Arrange ça, qu’il lui avait dit. Je sais pas comment, mais arrange ça. Et depuis plus rien. Les nouvelles par l’intermédiaire de Norah et Percy, il les accueillait avec plus de je m’en foutisme blasé qu’il n’en ressentait réellement. Qu’il aille bien, qu’il aille mal, il entendait sans écouter comme si cela n’était plus son affaire. Pourtant il restait son petit frère. C’était la vision imaginaire du jour de l’accident qui le glaçait profondément et le désolait tout autant. Il imaginait le choc du corps sur le bumper de la voiture, le crissement des pneus, et une trop courte hésitation qui avait résulté en Caelan fuyant les lieux. C’était comme un film dont les détails changeaient à chaque lecture. Non, il n’avait pas été présent ce jour-là, et s’il n’avait été, les choses auraient été différentes. Il aurait mis son cadet devant ses responsabilités. Il le faisait désormais, avec bien des années de retard. Chaque jour passé sans échanger avec lui, sans entendre son rire idiot, ses vannes redondantes sur sa taille et son manque d’athlétisme, sans le surnommer Chipmunk, sans se faire la guerre pour le titre de meilleur tonton ; chaque jour lui pesait sur la poitrine, lui serrait le coeur. Chaque jour était un gâchis, une douleur. Car Marcus était un grand frère avant d’être quoi que ce soit d’autre depuis bien longtemps. Être le ciment de la famille était son rôle, pas d’être celui qui la démantelait. Mais ce n’était pas lui, non, le fautif. Ce n’était pas lui qu’il fallait montrer du doigt -même s’il le faisait lui-même, plus sévère envers soi que quiconque ne pourrait l’être. C’était de la faute de Caelan. C’était lui qui leur faisait mal et personne d’autre.
Tout cela pour en arriver à l’heure du déjeuner. Cela sonnait comme une bonne stratégie lorsque Caelan avait demandé à le voir pour lui parler ; un lieu publique pour éviter les effusions, un temps limité pour aller droit au but, et la possibilité pour Mac de prétexter une urgence au travail pour s’échapper de la confrontation si le besoin s’en faisait sentir. Il avait ses habitudes dans le quartier autour de Michael Hills, quelques restaurants hors de prix qu’il appelait ses “cantines” comme si n’importe qui pouvait avoir les moyens d’y manger régulièrement, et d’autres petites adresses “sympathiques” sous forme de bistros chics que l’invasion de Français dans son pays natal avait permis d’ouvrir par poignées. C’était dans l’un de ces établissements qu’il avait proposé à Caelan de le rejoindre. Comme le voulait l’habitude, le quarantenaire arriva en retard d’un bon quart d’heure. Ce fut sans presser le pas qu’il traversa la salle du restaurant entre les tables, esquivant habilement un serveur au passage, sa bouille éternellement affublée d’un sourire discret sous son épaisse barbe. Il jeta sa veste sur le dossier de la chaise en face de son frère -révélant un polo d’un cyan qui se passait pas inaperçu- et se passa de l’étreinte qu’il aurait normalement imposée à son cadet. Non, il s’asseyait immédiatement, demanda le plat du jour avec un verre de vin rouge accordé au met, puis posa ses mains sur la table, les doigts croisés, l’allure soudainement fort sévère. “De quoi tu voulais me parler ?” demanda-t-il sans tourner autour du pot. Dès lors qu’il cessait de sourire, l’absence de lèvres sur le visage de Mac enfouissait instantanément sa bouche dans sa moustache, rendant son front plus large et ses sourcils plus proéminents. C’était les traits de l’homme d’affaires, le regard sobre, la ride du lion creusée. Le tout lui donnant un air particulièrement sérieux, la vision de ce Marcus Leckie était rare et peu recherchée.
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| | | | (#)Mar 29 Juin 2021 - 4:29 | |
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Dire que les proches de Caelan ne lui avaient pas manqué lors de son séjour de plusieurs mois au Canada était loin d’être la réalité mais il savait, à l’époque, qu’il pouvait toujours leur donner un coup de fil s’il en ressentait le besoin. Depuis quelques mois, les choses étaient toutes autres avec Marcus et ce même s’ils habitaient de nouveau à proximité l’un de l’autre, à l’inverse de l’an dernier. Jamais Caelan n’aurait cru ne pas avoir de nouvelles de son aîné pendant une si longue période, du moins pas volontairement. Il avait sincèrement cru que Mac reviendrait vers lui une fois la poussière retombée, et il se trouvait bien naïf aujourd’hui de l’avoir cru. Après tout, c’était lui qui était dans le tort dans cette histoire et pas son grand frère alors pourquoi est-ce que Mac aurait fait les premiers pas vers lui? Caelan avait fini par se rendre à l’évidence que c’était lui qui devait reprendre contact avec son ainé mais il était conscient qu’il avait intérêt à avoir fait des démarches de son côté pour assumer son geste d’abord ou il reviendrait chez lui bredouille. Peut-être qu’il n’était toujours pas allé se dénoncer à la police, ça ne faisait pas partie de ses plans pour le moment d’ailleurs, mais il avait enfin avoué ce qu’il avait fait à leurs parents et il s’était également renseigné pour se joindre à une thérapie de groupe. Il ne savait pas du tout si Marcus allait être satisfait des efforts qu’il faisait mais il le faisait avant tout pour lui-même, bien qu’il espérait tout de même que ce soit suffisant pour qu’ils puissent recommencer à se voir parce que Caelan s’ennuyait de son frère. Marcus avait toujours été là pour lui, autant pour rire de ses mauvaises farces que pour le réconforter lorsqu’il s’était cassé la clavicule en planche à roulette, et il ne voulait pas que les choses changent malgré leur âge plus avancé. Encore aujourd’hui, il voulait que Marcus soit fier de lui.
Sans savoir si la conclusion de leur rencontre allait être bonne, Caelan essayait de voir le positif : Marcus avait au moins accepté de le voir, ce qui était un pas dans la bonne direction. Mais il était en retard et le cadet ne put s’empêcher de se demander si son ainé ne lui avait pas fait faux bond, même si la ponctualité n’était en aucune manière sa plus grande qualité. Il aimait se faire désirer, Marcus, et si Caelan en avait l’habitude depuis le temps, l’attente était angoissante aujourd’hui et le brun ne pouvait faire autrement que de vérifier son téléphone aux deux minutes pour voir s’il avait reçu un nouveau message. En l’attendant, il se commanda une bière qu’il ne prit même pas le temps de savourer, il prit gorgée après gorgée jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une goutte au fond de son verre. Quelqu’un avait visiblement besoin d’une petite dose de courage avant l’échange à venir. Caelan aperçut son frère du coin de l’œil tandis qu’il regardait son téléphone pour la millième fois depuis son arrivé. « Hey. Merci d’être venu. » Le regard inquiet, il posa ses mains sur les accoudoirs de sa chaise pour se lever et enlacer Marcus comme ils avaient l’habitude de le faire mais il se ravisa en voyant son frère s’asseoir directement. À cet instant, il se sentait bien petit devant Marcus malgré leur différence de taille. Le comportement adopté par le Directeur marketing ne laissait aucun doute sur ce qu’il ressentait toujours vis-à-vis de l’ingénieur et celui-ci ne se sentait pas du tout rassuré. Après que Marcus eut commandé, Caelan commanda lui aussi le plat du jour, accompagné d’une deuxième bière, puis il imita la posture de son ainé dans l’espoir de se donner une contenance. « De quoi tu voulais me parler ? » « Tu sais de quoi. » répondit-il en se reculant dans sa chaise tout en regardant autour de lui pour vérifier que personne ne les écoutait. « Je ne sais pas s’il te l’ont dit, mais je l’ai dit à papa et maman. » murmura-t-il tout en observant son frère avec attention pour guetter sa réaction. Leurs parents n’avaient pas très bien pris la nouvelle eux non plus, ils avaient besoin de temps, mais ils n’avaient pas décidé de le sortir de leur vie pour autant, il demeurait leur fils après tout. « J’ai aussi contacté un organisme qui anime des thérapies de groupe, ou un truc dans le genre, j’attends des nouvelles de leur part. » Il ne savait pas vraiment ce qu’il était supposé faire dans sa situation, étant donné qu’il n’avait jamais été confronté à ce genre de problème par le passé, il faisait ce qu’il croyait le mieux. « J’essaie vraiment de faire ce qu’il faut Mac… » Il pinça ses lèvres d’un air coupable en baissant légèrement la tête sans pour autant cesser de le regarder. Lorsque la serveuse s’approcha d’eux pour déposer leurs consommations sur la table, il la remercia puis il posa ses deux mains sur son verre, s’accrochant à ce dernier comme à une bouée de sauvetage. Il attendit qu’elle s’éloigne pour avouer d’une voix hésitante : « Mon frère me manque. » Il lui sourit tristement tandis qu’il se forçait de ne pas tendre le bras pour poser une main sur les siennes, se doutant bien trop que son geste ne serait pas bien reçu. |
| | | | (#)Jeu 29 Juil 2021 - 18:15 | |
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Il se faisait plus froid qu’il ne le devrait, plus sévère que nécessaire, et si cela passait pour de la colère de prime abord, Marcus dissimulait plutôt sa peine. Ses traits fermés et son air austère rendait néanmoins l’un indifférenciable de l’autre. Bien sûr qu’il aurait souhaité enlacer son frère. Evidemment qu’il voulait lui sourire et lui dire que les choses allaient s’arranger. Mais quelque chose le tirait vers l’arrière, dressait un mur entre lui et Caelan. Un rempart pour s’épargner plus de déception encore, et finalement, afin de protéger leur relation. Car il était affecté plus que de raison, Mac, derrière ses exigences, son intransigeance ; il était perdu, déboussolé, secoué par des pensées et des émotions qu’il n’aurait jamais cru que son propre cadet susciterait. « Tu sais de quoi. » qu’il soufflait pudiquement, et le brun en avait déjà le poil hérissé. Non, il ne savait pas. Il ne savait pas si Caelan dirait encore simplement avoir foiré, s’il appellerait cela un accident, ou s’il oserait mettre les mots sur un possible meurtre tel qu’il le devrait. Il ne savait pas si son frère avait enfin pris conscience de la situation, de sa gravité, et surtout de ses responsabilités. Il ne savait pas s’ils parlaient de la même chose, ou si l’un évoquait une erreur, l’autre un crime. “De toi qui renverse quelqu’un et le laisse pour mort sur le bas-côté de la route, donc.” précisa Marcus en poursuivant ses gestes tout naturellement, saisissant la carafe d’eau qui leur avait été déposée sur la table en attendant leurs commandes et remplissant leurs verres. Lui ne mâcherait pas ses mots et donnait la couleur, d’entrée de jeu. Il se fichait qu’on les entende, personne n’écoutait de toute manière. Caelan ne pourrait pas se cacher derrière des formulations détournées. Il s’était caché bien assez longtemps comme ça. « Je ne sais pas s’il te l’ont dit, mais je l’ai dit à papa et maman. » L'aîné haussa un sourcil, tiqua d’un mouvement de tête sur le côté. “J’ai pas eu le plaisir d’avoir cette conversation avec eux, non.” Il ne figurait pas non plus la raison pour laquelle ils ne l’avaient pas appelé immédiatement pour évoquer le sujet, prendre le pouls des réactions de la fratrie. Peut-être étaient-ils trop occupés à digérer l’information de leur côté. Peut-être que Caelan leur avait avancé une crise cardiaque et qu’ils n’en savaient rien. Peut-être qu’ils savaient que la sensibilité cloisonnée de Marcus le pousserait à rejeter son frère de la même manière qu’il éjecterait tout ce qui était susceptible de le blesser tout autour de lui et qu’il serait impossible de le raisonner. « J’ai aussi contacté un organisme qui anime des thérapies de groupe, ou un truc dans le genre, reprit Caelan, j’attends des nouvelles de leur part. J’essaie vraiment de faire ce qu’il faut Mac… » Je sais. « Mon frère me manque. » A moi aussi. Les mots étaient sur le bout de sa langue, cela lui crevait le coeur. Il évitait le regard de son frère, jouait de sa mine distraite en observant les serveurs aller et venir, déposer le vin, puis les plats. N’importe quoi était mieux que de laisser transparaître son émotion. En saisissant son verre à pied, le nez humant le rouge boisé, il souffla non sans ironie ; “T’attends des nouvelles...” Cela lui semblait ridicule mesuré au sujet qui les réunissait. Deux années s’étaient écoulées et, plutôt que de mettre les bouchées doubles pour essayer de faire quelque chose de bien, corriger ses actions, il se contentait de la posture passive de l’attente. Impossible de dire si l’amertume venait du vin ou d’ailleurs. “T’as dit quoi, à papa et maman, au juste ? il demanda en se penchant sur la table vers Caelan, au-dessus de son plat. Comment tu leur as fait avaler la pilule ? “Hey, votre petit dernier a peut-être bien tué quelqu’un, j’en sais rien en fait parce que j’ai préféré fuir que de prendre mes responsabilités, puis j’ai fait de mon ex-femme ma complice et finalement je me suis cassé au Canada en quête de moi-même. Mais vous inquiétez pas, j’attends des nouvelles d’un groupe de parole pour hit and runners notoires et d’ici quelques pity parties tout ira mieux.” Quelque chose dans le genre ? Est-ce qu’ils donnent des jetons pour chaque mois passé sans se faire prendre, à ton “groupe de parole” ?” Non, ce n’était pas suffisant. Le problème était que rien ne le serait ; du moins, Marcus lui-même ne savait pas ce qui serait satisfaisant à ses yeux. Il ne souhaitait pas voir son propre frère en prison. Ou il se refusait de voir en face qu’il n’y aurait que la dénonciation de son cadet qui lui permettrait de le regarder dans les yeux de nouveau.
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| | | | (#)Mer 1 Sep 2021 - 20:11 | |
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Rencontrer Marcus après plusieurs mois de silence, sans parler de la tension bien présente entre eux, était loin d’être évident pour Caelan, et très certainement pour Marcus également. Le fait de se retrouver à parler de son délit de fuite dans un lieu public n’aidait pas du tout le cadet à se détendre. Alors lorsque son ainé lui demanda de quoi il voulait lui parler, aujourd’hui, il se contenta de lui répondre qu’il le savait très bien, peu désireux de prononcer ces mots qui fâchaient. Sauf que Mac n’avait visiblement pas le même malaise que Cae à parler sans censure de ce qu’il avait fait. « De toi qui renverse quelqu’un et le laisse pour mort sur le bas-côté de la route, donc. » Les épaules crispés, le cadet suivit attentivement les gestes de son frère des yeux sans oser bouger. Il savait d’entrée de jeu que la conversation allait être difficile et il commença à douter qu’une conclusion positive soit réellement possible étant donné le ton qu’avait employé Marcus alors que la discussion commençait tout juste. Mais Caelan tenta de se raccrocher à l’espoir que peut-être il changerait d’avis en voyant qu’il essayait de faire ce qu’il fallait. « C’est ça. » se contenta-t-il de répondre après quelques secondes de silence en agrippant son verre que Marcus venait de remplir. Il le porta à ses lèvres pour en prendre une première gorgée, enchaînant sur sa confession à leurs parents. « J’ai pas eu le plaisir d’avoir cette conversation avec eux, non. » Face au sarcasme de son frère, Caelan se mordilla l’intérieur de la joue pour se retenir de passer un commentaire. Disons qu’il n’était pas en très bonne posture et qu’il avait intérêt à réfléchir avant de dire quoi que ce soit. Il poursuivit en expliquant qu’il avait contacté un organisme qui offrait des thérapies de groupe et il sentit tout de suite l’agacement dans la voix de son frère. « T’attends des nouvelles... » Mal à l’aise, l’ingénieur plaça ses deux mains entre ses cuisses tout en se mordillant la lèvre en hochant la tête. « Oui, ils vont me recontacter avec les informations de la première rencontre. » sentit-il le besoin d’expliquer. Le cœur battant la chamade, il observa Marcus en silence tout en se caressant le dessus d’une main du bout des doigts. Il connaissait suffisamment son frère pour savoir que l’orage approchait, que le silence qui régnait actuellement entre eux n’était que le calme avant la tempête. Lorsque Marcus se pencha par-dessus son plat, Caelan retint son souffle, bien conscient que ses efforts ne satisfaisaient pas son aîné et qu’il risquait de ne pas être doux à son égard. « T’as dit quoi, à papa et maman, au juste ? Comment tu leur as fait avaler la pilule ? “Hey, votre petit dernier a peut-être bien tué quelqu’un, j’en sais rien en fait parce que j’ai préféré fuir que de prendre mes responsabilités, puis j’ai fait de mon ex-femme ma complice et finalement je me suis cassé au Canada en quête de moi-même. Mais vous inquiétez pas, j’attends des nouvelles d’un groupe de parole pour hit and runners notoires et d’ici quelques pity parties tout ira mieux.” Quelque chose dans le genre ? Est-ce qu’ils donnent des jetons pour chaque mois passé sans se faire prendre, à ton “groupe de parole” ? » Marcus avait toutes les raisons du monde d’en vouloir à son petit frère, mais ça ne rendait pas son discours plus facile à recevoir. À mesure que son grand frère progressa dans son monologue, Caelan sentit la chaleur monter jusqu’à son visage, sa peau devenant écarlate. Tu sais pourquoi Mac est furieux ? Parce qu'il t'aime, avait dit Norah à son jumeau et il s’était répété ces mots à de nombreuses reprises depuis, surtout lorsqu’il repensait aux insultes que Mac avait proféré à son égard lorsqu’il était venu le confronter chez lui. Cae désirait sincèrement réparer ce qu’il avait fait, mais il avait l’impression qu’il n’en ferait jamais assez en voyant la réaction de Marcus et ça le frustrait au plus haut point. « La personne n’est pas morte. » Il ne disait pas ça pour minimiser son geste, son délit de fuite restait tout aussi grave. « En tout cas, ça a le mérite d’être clair. » répondit-il sèchement en détournant le regard tout en secouant négativement la tête. Il prit une pause en portant son verre à ses lèvres en espérant calmer son cœur dont les battements martelaient ses tympans. Il ne voulait pas se prendre la tête avec Marcus aujourd’hui, surtout pas en public, mais son frère ne lui donnait pas l’impression d’être ouvert à la discussion. « Ça ne sera jamais assez hein? » demanda-t-il le cœur serré. Il avait l’impression de retourner en enfance, à toutes ces fois où il essayait d’attirer l’attention de Mac pour qu’il soit fier de lui comme il l’était de Norah. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse Mac? » demanda-t-il en plongeant son regard dans celui de son frère. Il appuya ses avant-bras contre la table pour se pencher légèrement vers lui afin de pouvoir baisser le ton. « Tu sais que si je vais voir la police, je risque d’aller en prison. » Son regard s’adoucit tandis qu’il soupirait. En haussant les épaules, il interrogea Marcus du regard. « Est-ce que c’est ça que tu veux? » Était-il seulement prêt à encaisser la réponse de son ainé? |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 22:37 | |
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@Caelan Leckie & MARCUS LECKIE Tell me all the things that you are thinking, tell me what it is that I am missing. Don't want this to slip right through our hands, don't want this to go.
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S’il semblait railler son frère de bon cœur, il n’en était rien. Marcus ne tirait aucun plaisir sadique à enfoncer le clou de la sorte, à mettre Caelan face à l’insuffisance de sa volonté. Mais il paraissait être le seul de la fratrie en mesure de le faire, peut-être le seul à en avoir le courage même si cela impliquait de former une fracture dans leur famille. Il ne savait pas comment leurs parents avaient pris la nouvelle, ce que son cadet leur avait bel et bien dit au final, et s’ils avaient estimé qu’il faisait assez pour se racheter. Il n’en doutait pas vraiment à vrai dire ; l’éducation devenait toujours plus laxiste d’enfant en enfant. Lui avait été élevé pour donner l’exemple, montrer la voie, protéger ses frères et sa sœur. Il n’avait jamais eu à les protéger d’eux-mêmes et il se serait bien passé de cette grande première. Son rôle, celui qu’il avait fini par s’imposer lui-même avec plus de pression que leurs parents ne l’avaient fait, était rarement aussi désagréable. Et tout ce sérieux allait lui faire gagner des rides par-dessus le marché. « La personne n’est pas morte. - A la bonne heure. » Le sarcasme lui échappa, plus tranchant que Marcus ne l’avait anticipé. En réalité, le brun ressentait un certain soulagement face à cette information ; au moins le cas de Caelan n’était pas aussi grave qu’ils l’avaient redouté de prime abord. Qu’en était-il des blessures ? Étaient-elles graves, irréversibles ? Ou y avait-il eu plus de peur que de mal et une simple amende serait susceptible de payer la dette du Leckie envers la société ? « En tout cas, ça a le mérite d’être clair. » Non, Caelan n’aurait pas le coup de patte fraternel dans le dos auquel il s'attendait en venant dans ce restaurant, si tel était son espoir. Et non, leur relation n’irait pas miraculeusement mieux en un claquement de doigts. Marcus devait encore digérer l’enchaînement de mauvais choix fait que son cadet avait effectué. Même si cela était bien plus le rôle des parents que le sien, il avait la sensation d’avoir échoué quelque part dans l’exemple qu’il s’efforçait de donner. C’était là sa propre part de culpabilité, celle qui se cachait derrière son comportement exigeant. « Ça ne sera jamais assez hein? Qu’est-ce que tu veux que je fasse Mac? » Je sais pas. D’un autre côté, il lui paraissait injuste que la rédemption de Caelan repose ainsi sur ses épaules. Ce n’était pas lui qui avait fauté, ce n’était pas à lui de réparer les exactions de son frère à trente-cinq ans passés. « Tu sais que si je vais voir la police, je risque d’aller en prison. Est-ce que c’est ça que tu veux? » Bien sûr que non. Et d’un autre côté, le quarantenaire ne pouvait s’empêcher de noter la déception qu’il ressentait face à la parfaite exclusion de cette option par Caelan. Lui ne se voyait pas spontanément lui assurer que cette mesure n’était pas une nécessité. Il avait machinalement commencé son plat, l’odeur attisant ses papilles et son estomac toujours aussi vide. S’il comptait soulager ses nerfs avec un second verre de vin, mieux valait avoir le ventre plein. La qualité du met était qu’un certain réconfort et prodiguait un regain de courage. De plus, s’il demeurait concentré sur les mouvements de ses couverts, Marcus était certain de ne pas perdre son sang froid comme lors de sa dernière discussion avec son frère. On ne hurlait pas à table. “Si c’était Norah ou Percy qui avait été fauché par une voiture, tu ne voudrais pas que le chauffard assume son geste, qu’il y ait une forme de justice ?” Caelan avait probablement déjà réfléchi à cette hypothèse, il s’était sûrement mis dans les bottes des proches de la personne qu’il avait heurté. Alors Marcus ajouta un nouvel angle à sa réflexion, en espérant qu’il lui fasse comprendre sa réaction ; “Si c’était moi qui avait renversé quelqu’un et avait pris la fuite, est-ce que tu arriverais toujours à me regarder de la même façon en me sachant capable de laisser quelqu’un pour mort ?” C’était une image glaçante à avoir dans un coin de la tête. Une image qui revenait à chaque fois qu’il croisait le regard de son frère. Il en avait le coeur retourné de se dire que son propre frère n’avait pas eu pour réflexe d’aider cette personne avant de songer égoïstement à sauver ses propres miches. Il l’avait juste laissé là. “Tu sais que j’ai raison, Caelan, reprit-il après avoir essuyé les coins de sa bouche avec sa serviette. Et c’est parce que tu le sais que tu te sens aussi mal. Mais ta culpabilité, ce n’est pas mon problème. Ce n’est pas à moi de te dire ce que tu dois faire, ce n’est pas ma responsabilité.” Il prit une gorgée de vin pour rincer sa bouche. Pendant que les tanins caressaient son palais, il approfondissait sa propre réflexion. Pourquoi le groupe de parole de Caelan n’était pas suffisant ? Que pouvait-il faire de plus ? “Tu veux prendre la véritable mesure de la situation ? Tu veux comprendre pourquoi tes pauvres initiatives ne sont pas suffisantes ? Va plutôt assister aux groupes de parole des victimes. Des gens qui ont perdu un bras, une jambe, les deux jambes même. Des gens marqués à vie par les actions de personnes comme toi. Regarde-les en face puis regarde-toi dans le miroir et essaye à nouveau de te convaincre que tu fais ce qu’il faut.” Marcus ne voulait pas que Caelan prenne ses paroles au pied de la lettre uniquement pour lui plaire, mais pour effectuer un pas supplémentaire dans la bonne direction. Pour qu’il cesse de s’apitoyer comme un enfant comme si l’univers était trop dur avec lui. Pour qu’il en vienne lui-même à la conclusion que, peut-être, la police était une option à envisager.
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| | | | (#)Mar 2 Nov 2021 - 23:05 | |
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Caelan n’osait plus affronter le regard de son frère aîné dans lequel il lisait toute la déception que celui-ci ressentait à son égard. Il ne se faisait plus d’illusions, il se doutait à ce stade que leur rencontre était possiblement en train d’envenimer leur relation plutôt que la soigner malgré son désir sincère d’arranger les choses entre eux. L’envie de partir pour se sortir de cette situation désagréable ne manquait pas, mais il s’obligeait à rester pour ne pas empirer son cas, observant avec attention les légumes qu’il remuait dans son assiette sans même oser prendre la moindre bouchée. Si en temps normal il aurait dévoré son plat avec appétit, l’odeur du plat lui levait le cœur. Il finit par repousser son assiette avant de prendre une longue gorgée de son breuvage. Tant pis, il prendrait son repas pour apporter. « Si c’était Norah ou Percy qui avait été fauché par une voiture, tu ne voudrais pas que le chauffard assume son geste, qu’il y ait une forme de justice ? » Caelan n’avait pas besoin de réfléchir bien longtemps à la réponse à cette question, évidemment qu’il voudrait que justice soit rendue. Comme tout le monde, il désirait justement que le responsable de l’accident de Norah se fasse attraper, qu’il paye pour tout le mal qu’il avait infligé à sa sœur jumelle qui était passée près d’y rester. « Bien sûr que je voudrais que le responsable se fasse coincer. » répondit-il dans un soupir en se caressant les joues à deux mains. C’était beaucoup plus facile de réfléchir lorsqu’il n’était pas concerné, beaucoup moins évident lorsque son avenir était en jeu. « Si c’était moi qui avait renversé quelqu’un et avait pris la fuite, est-ce que tu arriverais toujours à me regarder de la même façon en me sachant capable de laisser quelqu’un pour mort ? » Il se mordilla la lèvre inférieure en haussant les épaules. Il était incapable d’imaginer que son aîné pourrait être capable de faire une chose pareille, une pensée qui avait certainement traversé l’esprit de Mac à l’égard de son cadet. « Je ne sais pas… » Son regard croisa furtivement celui de Marcus alors qu’il s’apprêtait à ajouter dans un murmure : « Probablement pas… » Non il en serait incapable et même s’il espérait au fond que Marcus lui pardonne, il comprenait la déception et la colère qu’il ressentait face à son inaction parce qu’il s’en voulait à lui-même pour ce qu’il avait fait et ce qu’il n’avait pas fait. « Tu sais que j’ai raison, Caelan, et c’est parce que tu le sais que tu te sens aussi mal. Mais ta culpabilité, ce n’est pas mon problème. Ce n’est pas à moi de te dire ce que tu dois faire, ce n’est pas ma responsabilité. » Marcus avait raison une fois de plus et il le savait, ce n’était pas à son frère de lui dicter ce qu’il devait faire pour obtenir son pardon, c’était à lui-même de prendre la responsabilité de ses actes, de faire ce qu’il fallait. Plus les moins passaient et plus il considérait de se livrer à la police, mais il ne sentait pas prêt, la peur l’empêchait d’aller de l’avant avec cette démarche. « Tu as raison… » avoua-t-il à voix basse en faisant tourner sa coupe entre ses doigts pour s’occuper les mains. « Tu veux prendre la véritable mesure de la situation ? Tu veux comprendre pourquoi tes pauvres initiatives ne sont pas suffisantes ? Va plutôt assister aux groupes de parole des victimes. Des gens qui ont perdu un bras, une jambe, les deux jambes même. Des gens marqués à vie par les actions de personnes comme toi. Regarde-les en face puis regarde-toi dans le miroir et essaye à nouveau de te convaincre que tu fais ce qu’il faut. » Caelan se tortilla sur sa chaise en lançant un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne les écoutait. Il ne savait pas quoi dire, quoi répondre à son frère alors qu’il ne se sentait pas assez fort pour rencontrer des victimes de délits de fuite. Il devait bien se rendre à l’évidence qu’il n’était qu’un lâche, qu’il méritait ce qui lui arrivait tant et aussi longtemps qu’il ne pensait qu’à lui et à sa vie qu’il ne désirait pas perdre même s’il avait gâché impunément celle d’une autre personne. Il avait besoin d’un peu plus de temps pour faire ce qu’il fallait, de trop de temps alors que son délit remontait à déjà plus de deux ans. « Je… je sais que je dois faire plus. Je ne suis pas prêt, pas encore. » À rencontrer les victimes ou à se dénoncer? Les deux, bien qu’il ne le précisait pas. Le serveur lui apporta le reçu ainsi que son repas qu’il avait transvidé dans un plat pour apporter. « Je suis désolé, je sais que ce n’est pas ce que tu voulais entendre. Je devrais y aller. » ajouta-t-il en posant quelques billets sur la table pour payer son addition. Honteux, il se leva et quitta le restaurant sans oser regarder son frère. Peut-être n’était-il pas prêt à prendre la responsabilité de ses actes aujourd’hui, mais la conversation qu’il venait d’avoir avec Marcus allait tranquillement faire son chemin.
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