Dinis avait promis à Camille de faire un saut à l’épicerie avant d’arriver chez elle. Il avait une bonne nouvelle à lui annoncer, enfin, bonne… Il allait lui annoncer sa dernière frasque au compteur et pas des moindre : Dinis Irish était marié. Pas pour de faux, pas pour rigoler, mais sérieusement. Enfin, sérieusement, non, c’était peut-être un peu pour rigoler, mais tout ça était bien véridique. Il avait passé la bague au doigt à une femme et si ce n’était pas par amour, c’était simplement pour emmerder le monde. Emmerder Elise ne lui apportait que satisfaction et bien être – bon, même si, petit à petit, il se rendait compte que c’était pas forcément l’idée du siècle et qu’à la longue, ça finirait sans doute par l’emmerder, Dinis. Il allait devoir engager un avocat pour le divorce, il allait devoir se foutre dans la paperasse et ça, c’était la partie cachée de l’ice berg. Mais pour le moment, il y pensait pas, à vrai dire, il n’avait aucune idée de toutes ses démarches. Il était au bout de ses peines, Elise elle, savait exactement comment s’y prendre, experte en la matière. Elle allait sans doute en sortir victorieuse, au final. L’arroseur, arrosé, c’est ça ?
Oh putain. J’ai pas d’autres mots quand Len est devant moi, à deux mètres dans la file d’attente. Le problème, avec ces nouvelles files d’attentes, c’est qu’une fois que t’es dedans, t’es encerclé. Tu peux plus faire demi-tour, parce que j’ai 10 personnes derrière moi et que j’ai promis à Camille de lui apporter sa farine et ses œufs. Sérieux, une pâtissière qui n’a pas de farine, si j’lui ramène pas, elle me fait une syncope directe. On évite les scènes de ménages et moi, je reste dans cette file, en espérant plus que jamais que Len ne se retourne pas. En espérant plus que jamais que Len ne me capte pas, mais elle a un flair imparable, j’suis sûre qu’elle a déjà sentie l’odeur de mon parfum. Ça m’apprendra à pas en changer depuis 20 ans. Elle passe à la caisse, elle m’a toujours pas vu et moi, j’détourne le regard pour m’intéresser à ce programme télévisé juste sous mes yeux. J’ouvris le programme aux pages poeple et scoop, rien de bien intéressant, ça me conforte dans l’idée que la vie est bien trop calme en ce moment à Brisbane et en même temps, je ne suis passé à côté d’aucune grosse affaire qui aurait pu me rapporter gros. Tout va bien. Quand je relève les yeux, Len a disparu, elle est plus là et j’suis soulagé, j’ai pas envie de l’affronter, j’ai pas envie de supporter son regard. Elle me déteste surement, et c’est ok si ça continue comme ça, tant qu’elle me tombe pas dessus. Je passe en caisse, me dépêche de payer et garde bien le ticket pour le remettre à Camille en arrivant, après tout, c’est elle qui s’fait du fric avec ses cupcakes. Je glisse le bout de papier dans ma poche et quand j’arrive dehors, un putain de clébard me tombe dans les pattes, sortie de nulle part. Je vois, sans comprendre comment, la boite d’œuf qui me saute des mains pour venir s’exploser au sol. Que dis-je, pas au sol, mais plutôt sur une paire de pompe flambants neuves, gout omelette maintenant. « Putain de merde. » le cleps est déjà bien loin et moi j’suis bon à retourner faire la queue. Bordel. J’relève les yeux, sans avoir l’intention de m’excuser et là. « Putain de merde. » Len. Je souffle, bien moins serein cette fois ci.
C'était Kelly qui l'avait initiée à cette boutique bio du quartier, la concernant, Lenore avait toujours préféré passer commande pour faire ses courses, un espèce de privilège qu'elle s'octroyait comme pour se venger de ce à quoi elle n'avait pas eut droit gamine. Alors elle achetait des marques, juste pour le nom et la fausse idée d'un goût meilleur là où la composition devait être bien dégueulasse, mais elle n'y comprenait rien à la composition de toute manière et n'aimait que trop dire qu'il fallait bien mourir de quelque chose un jour, pensant que cette sage phrase lui donnait un semblant d'allure alors que sans doute tout le monde trouvait la remarque ridicule. Par simple esprit de contradiction, la blonde s'était entêtée à ne pas céder aux doux conseils de sa voisine, et ce n'est qu'une fois brouillée avec celle-ci que Lenore trouva un certain intérêt à se rendre à la boutique. Un effort qui comptait plus pour elle que pour sa bonne copine qu'elle avait envoyé valser du jour au lendemain pour une question idiote : pas grand chose en somme. Tout semblait bon et triste à la fois : les aliments semblaient en forme mais le packaging laissait sérieusement à désirer, cette idée lui avait fait oublier ce qu'elle avait prévu d'acheter et elle s'était alors contentée d'acheter ce qui semblait savoureux comme ce pavé de saumon à la jolie couleur rosée criant au naturel, le miel doré, la tablette de chocolat fournie et la farine de sarrasin car elle en avait lu les bienfaits un jour sur internet mais ne se souvenait pas bien desquels. Perchée sur ses escarpins noirs, vêtue de noir comme si elle sortait de sa pause déjeuner et travaillait dans un endroit super huppé Lenore jetait des coups d'œil furtifs aux clients qui l'entouraient. A croire qu'ils devaient s'habiller bio eux aussi, pourquoi pas. C'est la cliente devant elle qui attira finalement son attention, elle était sous son nez depuis le début mais Lenore ne l'avait pas remarquée. Sa fille semblait avoir un ou deux ans, peut-être même que ce n'était pas sa fille mais cette idée lui parût inconcevable car l'espace d'un instant la blonde figurait sa place en celle de la mère. Si tout avait fonctionné comme prévu, si un coup du sort terrible ne l'avait pas touchée, elle aurait peut-être fait cette même queue ce jour-ci, avec des habits "bio" et sa petite fille à qui elle apprendrait à bien manger à défaut de l'avoir apprit pour elle-même. Distraite par cette vie imaginaire qu'elle avait caressée du bout des doigts un an auparavant, Lenore passa en caisse sans manières, peut-être même sans politesse à part un vague sourire étrange, et quitta le magasin avant de s'arrêter en chemin, fixant la mère et son enfant s'éloigner. « Putain de merde. » alors qu'elle s'était retournée pour reprendre son chemin. Le fracas des œufs sur ses chaussures, l'agitation d'un chien et un idiot distrait lui aussi. Nooon !! Qu'elle lâche à la vue du jaune pourri sur le noir immaculé de ses escarpins, recule de quelques pas pour dégager du terrain miné. Et il recommence à jurer. Putain de merde tu peux le dire. Siffle Lenore, amère. T'as un mouchoir pour remédier à ton bordel ou c'est devenu ta passion d'me chier dans les bottes ? N'attendant même pas la réponse de Dinis, elle pose son sac de courses et cherche dans son sac à main. N'essaie même pas de t'en aller. Qu'elle lui lance sans un regard, habituée à sa fuite, non pas qu'il l'ait souvent fait, plutôt qu'il l'a fait une fois et avait très mal choisi son occasion. Elle avait pensé durant des années pouvoir toujours compter sur ce pseudo magicien de photographe, peut-être était-ce même une de ses connaissances les plus vieilles si on excluait Reagan. Il l'avait dépannée, ils avaient déconnés, et encore il avait répondu présent à chaque fois par la suite, mais pas pour le plus important.
Le cri du désespoir qui s’échappe d’entre ses lèvres. Lenor en fait toujours des tonnes, ces choses qui ne changent pas. Mais le pire, c’est qu’elle constate seulement les dégâts et qu’elle a pas encore capté qui était l’auteur du crime. Soit, c’est ma chance et dès qu’elle va poser son regard sur moi, elle va juste se casser en me lançant deux balles en plein cœur avec ses pupilles soit, elle se décide à me pourrir sur la place public, en m’accordant bien trop d’attention que je ne le mériterais. Dans les deux cas, j’me dirais qu’elle m’aime encore suffisamment pour m’accorder un minimum de crédit. Après tout, si elle veut me tuer, c’est qu’elle est en colère et on n’éprouve pas de colère pour quelqu’un dont on est indifférent. Bien sûr qu’elle me déteste, bordel. J’suis le pire pote de l’humanité. Et le seul qui pouvait supporter tout ça et leur seul pour qui je n’aurai jamais agi comme je l’ai fait avec elle, il est plus ici à cette heure. Paix à ton âme Nicholas. Ca y est, sa tête se relève, ses yeux croisent les miens et là. Elle comprend. Là, l’envie de meurtre est réel. C’est pas n’importe qui qui à niqué ses beaux escarpins noirs, c’est moi, Dinis Irish. Celui qui l’a lâchement laissé tomber. Celui qui lui en veut sans doute encore un peu de lui avoir fait subir la mort d’un gosse sous ses yeux. Celui qui n’a aucune prise de recul. Enfin, si, j’suis un connard, j’le sais. J’ai jamais vraiment culpabilisé d’avoir inversé les rôles, mais j’avoue, d’avoir Lenor en face de moi, ça m’fou un coup. « T'as un mouchoir pour remédier à ton bordel ou c'est devenu ta passion d'me chier dans les bottes ? » c’est quoi leur problème à toutes ces dames de croire que j’ai que ça à foutre de leur courir après ? J’ai d’autres passions dans la vie. Et quitte à faire chier quelqu’un, je préfère que ce soit volontaire et pleinement assumé. Là, j’ai pas fait exprès, ok ? « J’suis sûre que c’est pas si pire. » j’vais pas m’agenouiller pour laver ses pompes, si ? Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche, l’esquive semble parfaite, le chemin est libre j’suis prêt à faire un pas de côté pour filer et la laisser avec sa coquille d’œuf sur la chaussure – s’il n’y avait que la coquille encore… mais en vrai, ca dégouline, c’est dégueulasse. « N'essaie même pas de t'en aller. » pris au piège ? Et quoi ? « tu m’cours après si j’me barre ? Parce que ca doit être compliqué de faire un 100 mètres avec des aiguilles pareil. » j’en ai déjà mal aux pied. Comment elle fait, sérieux ? Mais trêve de plaisanterie, elle veut quand même pas sérieusement que j’lui nettoie ses chaussures ? C’est pas juste un prétexte pour me dire que j’lui manque et qu’on a juste à oublier tout ça ? Rend nous la tâche facile, Len. « J’vais devoir aller en racheter. » et ça m’emmerde, mais j’serai encore plus emmerdé si je reviens vers Camille avec les mains vides.
Quand leurs regards se croisent, quelque chose se passe. Un fond bouillonne, s'emmêle, fait des nœuds et tort les entrailles de la brune en même temps que son visage se débarrasse de toute émotions comme pour pallier aux effets internes de celles-ci. Lui qu'elle a toujours connu l'air fier et insolent semble avoir un éclat différent dans les yeux, l'embarras sans doute, Lenore se refuse à croire que Dinis puisse ressentir quelque chose de plus qu'une simple gêne après la façon dont il l'avait abandonnée. Et, comme pour la conforter dans ce qu'elle attendait de pire, le brun réagit avec nonchalance, peut-être même que le peu de figure qu'il peut encore prétendre avoir l'avait forcé à réagir plus par politesse qu'autre chose, au fond totalement indifférent. Pourquoi attendre d'un ami capable d'aucun soutien face au pire deuil possible autre chose que du vide face à quelques pauvres œufs suintant sur des pompes neuves ? Ben voyons. Ajoute-t-elle en sortant les mouchoirs qu'elle cherchait depuis trop de secondes, avant d'en saisir deux et de balancer le paquet sur son ami. T'as oublié de quoi je suis capable au même moment où tu as oublié de t'acheter de la décence ? Traduction, Lenore pourrait effectivement lui courir après, sur des escarpins sans problème, mais elle aurait surtout moins de remords à les laisser sur le trottoir pour le courser que de les laisser moisir d'œufs pendant qu'il l'ignore et l'abandonne en situation critique une fois de plus. Lenore pourrait aussi taper une esclandre, raconter n'importe quoi, haut et fort, rien que pour l'embarrasser; Lenore pourrait simplement le giffler, hurler, l'insulter, lui balancer la douleur qu'elle a le sentiment d'avoir portée seule depuis que Dinis lui a fait goûter à son dédain. Un soupir, la blonde se baisse et s'attelle à enlever le plus gros des dégâts avant de prendre une bouteille d'eau pour faire éponge avec le mouchoir qu'il lui reste en main. C'est ça, casse toi. putain de rencontre. Il compte vraiment se barrer comme ça, tourner les talons, incapable de s'accroupir deux minutes pour réparer une de ces merdes ? Les larmes qui lui montent comme la moutarde au nez l'agace de plus belle, tête baissée sur ses propres pieds l'ancienne soldate finit par s'agacer contre ses chaussures, les remarques des manants alentours lui tapent de plus en plus sur le système, l'épicerie bio pue la merde de toute manière. Blondie détache ses chaussures à la frontière de les arracher, s'emmêlant les doigts dans la nervosité, persuadée que plus personne d'autres que quelques curieux ne soit à ses côtés désormais. Elle attrape la paire et la fourre dans son sac de courses déposé au préalable qu'elle shoote de son pied nu avant de se relever. Quoi ?! qu'elle lance au croûton offusqué qui s'empresse de tourner le dos et trottiner dans le sens inverse en jurant dans sa barbe.
Et un paquet de mouchoir dans la gueule, un. Ca fait toujours moins de dégat d’un jaune d’œuf sur du faux cuir noir. Ou c’est peut-être du daim ? J’y vois pas bien clair, Chloé m’a jamais vraiment appris à faire la différence entre toutes les matières de leur pompes et faut dire que la substance gélatineuse qui la recouvre me complique la tâche. Je jouerai à ce jeu plus tard. Je glisse son paquet de mouchoir dans son sac, je suis sûre qu’elle en aura plus besoin que moi. « Si jamais, t’as d’autres tâches à nettoyer. » ou si jamais son maquillage se met à couler. Enfin, moi j’ai pas souvent besoin d’me moucher quoi. « T'as oublié de quoi je suis capable au même moment où tu as oublié de t'acheter de la décence ? » ah qu’elle est piquante, j’avais oublié à quel point. J’avais oublié à quel point il valait mieux être dans son camps que dans le camp adverse, mais ça, c’est parce que ça fait plus d’un an que j’l’ai plus croisé et qu’avant tout ce merdier, j’étais du bon côté d’la ligne. Et dire que j’venais tout juste de lui rendre ses mouchoirs. Pas très reconnaissante, Len. Mon seul soucis là, c’est de devoir refaire la queue pour racheter des œufs à Camille et me barrer le plus vite possible pour être loin de Len. « C'est ça, casse-toi. » c’est exactement le programme. Et puis, si elle commence à devenir hystérique, raison de plus pour pas rester dans les parages, j’vais en prendre pour mon grade et j’ai autre chose à foutre. Et bon, elle me donne son autorisation, la bénédiction, comme on dirait, alors j’fais demi-tour, direction l’épicerie, quand en reflet dans la vitrine, j’la vois accroupi, en train de virer ses pompes, prête à se barrer à pied, elle est terrée Len. J’comprends même pas pourquoi elle a jamais été diagnostiquée schyzo ou j’sais pas quoi, on dit comment, Bipolaire, c’est ça ? Les tarés qui changent d’humeur comme de chemise ? Je soupire, pivote à nouveau à quatre-vingt-dix degrés et fais signe à la vieille qui s’est arrêté pour la mater de dégager, y a rien à voir ici. « Quoi ?! » ca c’est pour l’autre vieux, sans doute le mari d’ailleurs. Est-ce que j’me surprends à avoir un peu pitié d’elle ? Est-ce que c’est le moment où j’apprends la définition du mot culpabilité ? N’abusons pas. Mais bon, j’peux au moins lui tendre une main. Lenore, en réalité, c’est pas n’importe qui. Elle a toujours un peu compté pour moi. « relève toi. » on s’en fou après tout de ses pompes dégueulasse. J’lui laverai s’il faut, plus tard. « On les déposera au pressing. » oui, quand je dis « je », je parle pas de moi directement, ca va de soi. « On va boire un verre ? » que je lui propose, histoire qu’elle se pose, et puis, peut être qu’on pourra enfin mettre carte sur table.
Shooter dans un sac de courses rempli entre autre d'un pot de miel et d'une paire d'escarpins niquée aux oeufs crus n'a pas été la meilleure idée qu'elle ai eut, j'm'en bats les couilles, qu'elle se convainc en regardant le pot rouler d'un côté avant de se laisser retomber au niveau du trottoir pour y récupérer son sac et y voir le paquet de mouchoir poliment rendus par Dinis comme un dernier affront de ce dernier, non las de lui en avoir administré. Puis sa voix, à lui, bouc émissaire de tout les maux, se fait entendre. D'une douceur étrange, sans doute à cause du fond d'autorité que Lenore y décèle, ce même fond qui lui fait s'arrêter dans son acharnement contre les objets alentours et l'empêche sans doute d'étrangler la prochaine vieille bique curieuse. Elle relève pas encore la tête Lenore, comme pour ne pas réagir trop vite et faire fuir le farouche métisse. Peut-être en fait qu'elle retient une vacherie, ou la pulsion d'une gifle à lui administrer avec les temps passé à la fantasmer pour intérêts sur la portée de celle-ci. Ou alors, peut-être aussi qu'elle n'a pas envie d'en montrer plus, rappelée à la raison par le volte-face de son aîné qui en avait déjà trop vu sans s'en être montré à la hauteur. Il l'a planté comme une merde. Lâche. Il l'a laissée elle, comme une merde et s'est comporté lui comme une belle merde, ce lâche. Lenore laisse tomber sa tête en avant, le front contre l'épaule du soutien dont elle avait manqué, comme vidée soudainement, posée contre Dinis telle une poupée désarticulée. Tu paieras la note. qu'elle marmonne, mâchoire serrée, retenant ce qui demandait qu'à continuer d'exploser. Pendant ce temps le grand brun, lui, continue de tendre le rameau d'olivier, et trouvant la proposition trop facile, trop simple, Blondie finit par se relever après avoir ramassé ses clics et ses clacs, avant de se souvenir de Dinis et de tout ce qu'elle savait à son propos et du sens réel de cette invitation nonchalante. Ca aussi c'est toi qui paie. qu'elle rétorque par esprit de contradiction, tournant vite la tête avant qu'il ne voit ses yeux humides, et marchant devant lui d'un pas nu mais assuré. Profitant qu'il parle à son cul pendant qu'elle, la tête ailleurs, sèche ses larmes le temps de trouver une terrasse à laquelle s'installer après avoir fusillé du regards les clients qui attarderaient leurs yeux un peu trop longtemps sur son allure. Lenore pose ses affaires avec fracas et peut-être même quelques pertes avant de plier une jambe pour observer son pied droit, espérant ne pas avoir marché dans du verre ou une connerie comme ça. Un verre de champagne ou quelque chose avec des bulles et de l'alcool s'il vous plaît. C'est uniquement au serveur qu'elle s'adresse, se refusant de regarder Dinis bien qu'ayant accepté le pas qu'il avait fait vers elle. A croire que cette danse, ils l'avaient toujours pratiquée : deux pas en avant et un en arrière pour Lenore, un pas en avant pour Dinis, le bon pas, celui qui comble la distance.
J’suis plus à ça près, on est plus à quinze balle avec Len. Si quand, elle squattait encore chez moi, j’en étais à compter deux dollars, c’était plus l’cas et aller, pour les dommages et interet, j’suis prêt à payer son pressing. Et vu la manière dont elle m’a dit ça, si elle avait un couteau à me foutre sous la gorge, elle le ferait, alors j’vais pas faire trop le malin, faut pas oublier que la nana devant nous, du haut de ses talons aiguilles, elle a fait l’armée et elle est bien plus entrainée que moi au combat, alors mon égo de côté, je frime pas trop. « Ca aussi c'est toi qui paie » cette boite d’œuf pour Camille m’aura jamais couté aussi cher. J’crois que c’est à elle que j’vais aller donner la note à la fin, elle pourra très bien faire passer ça sur ses factures pour la pâtisserie tien. Ouais, bonne idée, j’vais garder les tickets de caisses. Mais merde, Camille m’attends là non ? Je suis en train de suivre une nana en furie dans la rue, on dirait un pauvre type soumis qui a peur de la raclé qu’il va s’prendre en rentrant à la maison. J’me fais beaucoup trop mal mené par les femmes en ce moment, va falloir que j’reprenne un peu du poil de la bête et que j’arrête de me laisser faire comme ça. je préviendrai Camille d’un contre temps et quand je lui ammenerai ses œufs et qu’il sera déjà trop tard, j’vais passer un nouveau sale quart d’heure. Bon où sont mes couilles ? Pas vu à droite, ni à gauche tiens. « tu pourrais faire semblant d’être avec moi. » t’sais genre, marcher à côté d’moi et pas jouer la starlette avec son garde du corps qui la suit de près. J’suis paparazzi moi, pas King Kong près à prendre les balles à la place de madame. Madame, d’ailleurs, semble avoir choisi son bar. Bah voyons, heureusement qu’elle s’est permise de se faire invitée, si non j’suis sûre qu’elle aurait jamais mis les pieds ici si elle savait juste à combien était le verre de sirops à l’eau. Mais aller, la castration est de toutes façons bien entamée. J’m’assois à côté d’elle, limite, on dirait que j’viens squatter à sa table et qu’on se connait pas, vu le regard assassin qu’elle m’adresse dès que j’ose poser mes yeux sur elle. « Un verre de champagne ou quelque chose avec des bulles et de l'alcool s'il vous plaît. » manquerais-je de m’étouffer ? Presque. « Aller, c’est jour de fête après tout. » que je lance, levant les yeux au ciel, faisant signe au serveur que de mon côté, je ne prendrai rien, je suis déjà bien à sec là. « tu sais que les femmes de caractères, c’est c’que j’préfère. » peut être qu’elle cherche juste à attirer mon attention en s’appliquant à être la parfaite connasse. « faut que j’prévienne Camille que j’ai un contre temps. » que je marmonne en sortant mon téléphone pour lui envoyer un sms. J’ai juste à mentionner Lenore et elle comprendra tout de suite la gravité de la situation. Camille sait tout, enfin, ce que j’ai bien voulu lui dire, en tout cas. En gros, que j’ai plus de nouvelles et basta. Pas la peine de s’étaler sur le pourquoi du comment. « J’crois souvent qu’une très bonne façon de se réconcilier, c’est d’aller tirer un coup et de plus en parler, t’en pense quoi ? » aurais-je oser ? Mais après, désolé, mais moi à part fourrer mon penis là où il peut rentrer, j’suis pas très doué pour les mots.
Il balance toujours des trucs au vent et à la gueule des gens Dinis, par maladresse comme par provocation. Ici, Lenore lui ferait volontiers remarquer son culot, offusquée qu'il ai encore assez de couilles ou d'imbécilité pour se "plaindre" avec sa remarque, mais elle ne relève pas, plus par habitude que par sollicitude. Les bougonneries de Dinis sont devenues un bruit presque réconfortant au fil des années qu'ils ont passé à se côtoyer, et durant cette dernière année ce bruit lui avait terriblement manqué, elle s'en rend compte aujourd'hui avec agacement. Il agit comme si de rien n'était, comme si rien n'avait changé dans la vie de l'un comme de l'autre mais surtout comme si ils s'étaient quittés hier. Avec leur vie qui avait évoluée depuis "leur" appartement presque miteux, Lenore n'avait jamais vraiment été dérangée de l'éloignement qui s'était installé entre eux, et même si leur semblant de relation remontait à plus d'un siècle, une partie d'elle avait toujours pensé qu'il était plus sain pour Angelo de ne pas avoir Dinis et leur aventure passée au milieu du foyer que les deux militaires avaient essayés de construire. Pourtant, malgré cette distance à la fois naturelle et forcée, "Oz" avait toujours répondu présent pour prêter main forte à la blonde, la dépanner pour ce qui l'exaspérait et dont il n'avait clairement plus besoin pour vivre. Ils avaient gardés un rendez-vous une fois tout les deux mois peut-être : un restaurant, beaucoup d'alcool, des piques, des banalités et toujours un sentiment de sécurité familier. Jour de fête... l'audace sans limite de Dinis à l'état pur, Lenore se contente de forcer un sourire empli de foutaise et de sarcasme avant de sortir son paquet de clopes de son sac, gardant un œil sur son propre pied. T'fais un peu ce que tu veux j'ai envie d'te dire. Depuis quand tu te justifie ? le "contre-temps" vis-à-vis de Camille, la cadette Kemper s'en contrefout comme de sa première culotte. Si c'est pour me sortir ce genre de conneries que tu m'as proposé un verre franchement c'était pas nécessaire. Elle allume sa cigarette avant de lever à nouveau les yeux vers son ancien "colocataire". Il est même pas au courant du divorce, d'habitude Lenore prend pas vraiment au sérieux ce que débite le photographe, surtout quand il s'aventure en dessous de la ceinture, mais ça la fait tiquer qu'il attaque de ce côté, après un an de silence. Peut-être car ce qui la dépite c'est que dans d'autres circonstances sa proposition aurait pût fonctionner, mais il n'est pas censé le savoir ça. Peut-être n'avait-il jamais été ami avec Angelo, certainement même, pour autant proposer de faire cocul un père endeuillé semblait particulièrement déplacé. Je pensais que t'avais un minimum de respect pour ma pomme. Lenore tire une longue latte avant de secouer la tête. T'sais quoi, vas-y, va rejoindre Camille et me croque pas le cerveau... Un mélange de tout et rien. L'indécence de Dinis était-elle vraiment un tel affront que Lenore se devait de défendre l'honneur de celui qui en dépit de ses vœux et ses devoirs l'avait lui aussi abandonné après quelques éclats d'assiettes contre les murs ? Soupir, soupir, soupir. Oublie. Elle ne sait plus sur quel pied danser, pas sur celui duquel elle retire des bris de verre en tout cas. Je vois même pas pourquoi je m'offusque, c'pas comme si je tirais pas mon coup à gauche à droite pour passer le temps. Un peu de sincérité, pour une fois. C'est l'effet Irish, il provoque cette réaction allergique, épidermique, qui chahute Lenore et affaiblit ses remparts. Tu me casses la tête.
« Si c’est pour me sortir ce genre de conneries que tu m’as proposé un verre franchement c’était pas nécessaire. » jamais contente Len et finalement c’est quand je vois comment elle agit que je me dis qu’elle a pas bien changé et que finalement tout doit bien aller dans sa vie. Elle a du se remettre, forte comme elle est. Moi j’suis bien remis en tout cas, même si j’étais bien choqué de voir son gosse mort né sous mes yeux, j’avais besoin de prendre un peu l’air pour oublier tout ça et pas avoir à me foutre sa misère sur les épaules. J’aime pas ça, qu’on me pleure dans les bras et de toutes façons je suis pas un bon confident, j’rends service a tout le monde en prenant des distances. Parce que moi ça m’fou mal et je sais qu’en face, j’ai tendance a agacer en laisser les malheureux sans réponse. Donc on passe le malaise et on passe à autre chose. Elle est passée a autre chose Len, la, non ? Elle me déteste mais au final, ça change pas trop de toutes ces fois où elle m’a mis des patates dans le bras parce que je l’enervais un peu trop non ? Un mars et ça repart, c’est pas ça ? Mais visiblement, ma proposition ne lui convient pas. C’est vrai, j’avais oublié que pour faire un gosse, même mort, fallait être deux. Il est passé où son mec ? Il va bien ? J’ai toujours eu beaucoup d’empathie pour Angelo, beaucoup souhaité du courage aussi et en même temps il avait une chance d’être avec Lenore, malgré son caractère de con, elle reste entière et elle baise plutôt bien, après j’lui ai tout appris donc… « toutes mes excuses. » j’voulais pas la vexer comme ça. Du coup, elle veut quoi ? Je reste, j’me barre ? J’comprends plus. Je retourne acheter mes œufs ou j’oublie ? Ça veut dire quoi ? Elle m’a paumé. « j’vais prendre un verre aussi. » que j’dis finalement au serveur parce que pour la supporter il faut bien ça, peut importe l’addition. « Du coup, tu présenteras mes excuses a Angelo pour avoir essayer de m’occuper de sa femme. C’est très mal placé de ma part. » ah mais, de mémoire il a jamais été mis au parfum de comment on avait fini par se rapprocher pour de bon avec len, oops. « tu peux dire c’que tu veux, j’crois que si je t’avais pas manqué, tu serai pas là. »
Dernière édition par Dinis Irish le Jeu 2 Sep 2021 - 17:36, édité 1 fois
Un des sourcils de la belle s’arque au moment où Dinis prononce des excuses. Était-il sincère ou sarcastique comme bien souvent ? Lenore penchait pour la première option, sans savoir si c’était la figure sérieuse qu’il arborait que trop peu qui l'influença en ce sens, ou le besoin qu’elle ressentait d’entendre un jour ces mots sortir de la bouche du photographe qui la poussait à saisir la moindre perche un tant soit peu penchée dans son sens. Un ange passe, les deux gamins d’avant semblent l’espace d’un instant n’avoir pas évolué d’un pouce, leurs regards divaguent, chacun paraît penaud à sa manière, et le malaise s’installe petit à petit au point que l’on imaginerait presque entendre l’un des deux déglutir avec difficulté. Et une pince à épiler. Que Blondie ajoute quand Dinis se décide enfin à commander. Entre la commande énigmatique du grand brun et la requête sans doute insolite de la pince en ces lieux, le serveur n’eut finalement ni le courage, l’audace ou la motivation de polémiquer d’une manière ou d’une autre. Avec un peu de jugeote il servirait sans doute la même chose aux deux zigotos qu’il devait regretter d’avoir pour client, quant à la pince si il était en soif de pourboire il se hasarderait peut-être à aller enquérir une collègue féminine, sinon il éconduirait la demande du mieux que possible, avec sans doute un petit psaume pour éviter la colère de Lenore qui ne serait-ce que par la lueur de ses yeux et le port orgueilleux de sa tête décourage facilement le moindre esprit un peu fébrile de se mettre en travers de sa route. Qu’importe la suite des évènements et toute autre péripétie liée de près ou de loin au bar choisi au hasard, une chose était à retenir : Dinis était resté. Pourquoi, comment, quelle mouche l’a piqué, tout ça, tout ça, impossible à savoir : la surprise ne fait que s’étendre quand le grand brun réitère ses excuses avec cette fois-ci un peu plus de développement. Le pire dans tout ça étant que non seulement les mots qu’il débitait faisaient sens, mais qu’en plus il semblait sincère en les prononçant. Et ces excuses, pas grand chose face à ce que Lenore attendait depuis un an, mais bienvenues, lui firent finalement pousser un soupir de dédramatisation. Peut-être. Répond finalement la jeune femme à la dernière remarque de son interlocuteur. On se voyait peut-être pas souvent, on a toujours été là l’un pour l’autre. Ta disparition soudaine m’a autant écœurée que attristée. Que tu fasses le malin à ce propos m’agace au plus haut point. L’ancienne militaire s’adosse à sa chaise. T’étais la dernière personne sur laquelle j’imaginais ne pas pouvoir compter, alors que je sois là par manque de ta présence ou pour boire un verre gratuit le temps de redescendre et de m’assurer que mes pieds sont intacts c’est vraiment pas la question que j’ai envie de résoudre là tout de suite. Elle se tient les tempes un instant avant de replonger son regard sur son pied noirci par le bitume. Oublie pour Angelo, j’ai dis ça par principe car t’as pas de figure, mais lui aussi il s’est tiré.
« Et une pince à épiler. » c’était le moment pour se faire les sourcils ou un poil mal placé sur son menton ? J’la savais piquante, mais pas à c’point. Qu’est ce qu’elle compte faire ? S’armer en cas d’attaque de ma part ? Vu la tête du serveur, il avait pas l’air de capter plus que moi pourquoi cette demande mais au vu des prix, et de l’addition qu’on allait se payer pour juste deux verres, il pouvait lui offrir la pince à épiler. Qu’il traverse la rue pour lui en trouver une. On échangeait deux regards et le miens voulait clairement dire : fais ce qu’elle te dit et ne dit rien, question de vie ou de mort. Personne ne voulait ramasser les foudres de Len, personne. Même moi, j’étais trop vieux pour ça maintenant. « Peut-être. » c’est un bon début. C’est un mini sourire qui s’affiche sur mon visage, c’est une victoire. Moi qui pensait que ce serait bien plus compliqué face à Miss Kemper, c’est plutôt un jeu d’enfant en fait. On peut passer à autre chose alors ? . « On se voyait peut-être pas souvent, on a toujours été là l’un pour l’autre. Ta disparition soudaine m’a autant écœurée que attristée. Que tu fasses le malin à ce propos m’agace au plus haut point. » ah, bon, visiblement non, on passe pas à autre chose. On en est là, à parler de sentiment, de ressenti ? Ecœurée ? Tant que ça ? J’lui dirai bien que moi aussi ça m’a assez écœuré de voir son bébé mort devant moi, mais bon, on m’a déjà dit que c’était mal venu. J’ai rien demandé à personne, moi. J’voulais pas être mêlé à ca. « J’me suis dis que c’était pas ma place, de me mettre dans tout ça. Vous aviez sans doute besoin de vous retrouver avec… » merde, comment il s’appelle déjà ? Elle vient de le dire en plus. « Angelo. » ouf. « T’étais la dernière personne sur laquelle j’imaginais ne pas pouvoir compter, alors que je sois là par manque de ta présence ou pour boire un verre gratuit le temps de redescendre et de m’assurer que mes pieds sont intacts c’est vraiment pas la question que j’ai envie de résoudre là tout de suite. » moi j’ai quand même ma petite idée, mais j’vais mettre ça sous l’compte de l’égo. Tu finiras par l’avouer, Len. J’vais me montrer patient. « Oublie pour Angelo, j’ai dis ça par principe car t’as pas de figure, mais lui aussi il s’est tiré. » je fais la grimace, du coup, le coup des retrouvaille et sur soutien mutuel dans l’couple, ca foire la vision que j’en avais. « Du coup, ça te donne une raison pour le detester plus lui, que moi. » j’hausse les épaules, le serveur revient avec nos deux verres, pas de pince à épiler dans la main, il va passer un sale quart d’heure celui là. « J’reviens. » qu’il lance avant de prendre la fuite en deux seconde, il avait disparu à peine les deux verres posés sur la table. Je souffle et croise les jambes avant de sortir une clope du paquet qui est maltraité dans ma poche. « Tu veux ? » que j’propose en tendant vers elle des cigarettes toutes fraiches. « Prend le comme tu veux, mais moi, ca m’fait plaisir d’te voir. » j’me sers avant qu’elle se décide.
La logique Dinis a toujours été un mélange de bon sens et d’absurdités aux yeux de la blonde. Ils avaient déjà été sur la même longueur d’ondes au point que ça en soit presque effrayant parfois quand on comparait leur relation et celle que Lenore entretenait avec les personnes qui normalement auraient dû être les mieux placées pour la comprendre comme son frère ou son ex belle-sœur. D’autres fois c’était un dialogue de sourd, qu’ils semblaient vouloir réitérer aujourd’hui. A la différence que cette fois, Lenore entendait les propos du grand brun, mais ne les comprenait pas; pas entièrement du moins. La blonde ne savait plus si son ami essayait de l’embourber avec de belles paroles altruistes (ce qu’il n’est pas) ou si il croyait dur comme ferme à ce qu’il avançait comme raisons. Laisser de l’espace au couple endeuillé faisait sens, mais disparaître de tous les radars n’en faisait aucun. « Du coup, ça te donne une raison pour le detester plus lui, que moi. » Lenore pousse un soupir. Il est resté un moment. On a essayé de surmonter ça ensemble et on s’est déchiré. Dans cette réponse, la jeune femme voulait montrer à son interlocuteur que si elle en voulait moins à Angelo c’était parce qu’il avait eut les couilles (le devoir surtout) de rester jusqu’au bout, qu’importe l’issue. Mais ce qu’elle retira elle-même de ses propres paroles c’était que puisqu’elle et Dinis n’avaient pas eu l’occasion d’arriver à leur point de rupture, ils avaient alors peut-être une chance de se retrouver, et les mots de ce dernier semblaient aller en ce sens. Lenore le fixe lui et ses clopes, son attitude et ce qu’il dit l’air de rien alors que de rester là à subir ses humeurs devaient lui coûter d’une certaine manière. La blonde prend alors une cigarette dans le paquet d’Irish, sans rien dire, se refusant à boire tant que le serveur penaud n’était pas revenu avec la pince. Toujours aussi dégueues tes clopes. Siffle-t-elle avant de lâcher un léger rire. Je te déteste. Plus pour la forme que pour le fond, Dinis sait parler le Lenore, et cette dernière s’enfonce un peu plus dans sa chaise après un énième soupir. Partagée entre la vérité qu’elle ne veut pas admettre : elle est contente de le voir, et la blessure ravivée par cette même présence : il l’a abandonnée; Lenore ne sait plus quoi dire pour une fois, et c’est le retour du barman qui la sauve de son mutisme embarrassant. A croire que j’ai demandé le Grâal. Merci. Dirigeait-elle ses nerfs sur le pauvre employé à défaut de pouvoir continuer à taper sur la tête de mule qui fumait face à elle ? Dinis. elle lui tend la pince. Je crois que j’ai du verre dans le pied… Ajoute-t-elle en posant celui-ci sur la cuisse de son déserteur d’ami. S’il te plaît. Et elle pèse ses mots.
Je tente de sauver les meubles, de me sortir du pétrin comme je peux, en sachant pertinement que ça n’allait pas être si simple. S’il y avait une femme qui pouvait me faire trainer dans la boue longtemps avant de me tendre le bras pour m’en sortir vraiment, c’était elle. Lenore n’avait aucune pitié et elle ne m’épargnerait pas. Si seulement elle pouvait ne pas être si rancunière, faire comme si de rien n’était, elle nous épargnerait de mauvais moments à passer et personne n’avait envie de passer de mauvais moments, n’est-ce pas ? . « Il est resté un moment. On a essayé de surmonter ça ensemble et on s’est déchiré. » peut être que c’était l’excuse qu’il leur fallait pour se rendre compte que ça matchait pas. Un bébé de perdu, tout fou l’camp. « Toujours aussi dégueues tes clopes. » je secoue la tête, soupire, elle peut dire c’qu’elle veut, y a que ça. Ca a au moins le mérite de la faire rire tiens, surement un rire jaune, même en venant me taxer dans mon propre paquet, ca va toujours pas. « Je te déteste. » au plaisir. « Désolé de pas acheter des clopes de pétasses. » et c’est avec plaisir que je reprends une bonne bouffée qui s’engouffre bien dans mes poumons, un vrai bonheur. Le serveur que j’vois faire des aller retours depuis tout à l’heure, du coin de l’œil, fini par revenir vers nous, tendant sa fameuse pince à épiler à blondie. « A croire que j’ai demandé le Grâal. Merci. » a croire qu’elle en avait oublié qu’on était sur la terrasse d’un des bar les plus côté de la ville et qu’elle faisait un peu tâche avec ses pompes dégueulasses et sa pince à épiler dans la main. Mais bon, semble-t-il que le client est roi et c’est justement parce qu’on est dans un bar avec une carte qui coûte un bras que finalement, elle peut tout se permettre. « Dinis. » je fixe la pince qu’elle me tend sous les yeux. Quoi ? Elle veut quoi ? « Je crois que j’ai du verre dans le pied… » mes yeux vascillent entre ses pieds, la pince a épiler et de nouveaux ses pieds, elle veut quoi ? « Fallait pas marcher pied nu. » que j’grogne. « S’il te plaît » c’est là que je ris de bon cœur, parce qu’elle est très drôle Len. C’est quoi ? Du bizutage ? « Nop. » je secoue la tête et me cale bien au fond de mon siège, hors de question que j’touche ses pieds et que je retire quoi que ce soit avec cette pince à épiler. Mais là, elle me quitte plus des yeux et son regard est en train de me dire que si j’m’amuse à ça, j’suis un homme mort. « Putain, Len ! » j’vais pas faire ça si ? J’écrase ma clope violement dans le cendrier avant de prendre sa foutu pince et caler son pied sur mon genou. « Je rêve… » j’y vois rien en plus, d’où elle a du verre ? « tu t’fou d’moi ou quoi ? »
Lenore réprime un gloussement de plus à la réaction de Dinis quant à sa déclaration de “haine”. Normal, t’es qu’un roturier comme un tas d’autres. , pas assez raffiné pour comprendre la douceur des clopes dites de pétasse. Elle se donne des airs de princesse, elle qui a des origines plus “basses” que celles de son vieil ami. Si t’avais pas ruiné mes pompes j’aurais peut-être pût continuer de m’en servir. rétorque-t-elle sèchement, avec toute la mauvaise foi qu’il lui avait enseigné plus de dix ans auparavant. Tête de mule, ingrat en puissance, Dinis se renfrogne tandis que la blonde ne se démonte pas, déposant son pied sur sa cuisse sans aucune force, nonchalante, l’air de rien, persuadée quelque part qu’il ne refuserait pas si il était conscient qu’outre le service qu’il lui rendrait en prenant soin de la “soigner”, elle lui tendait la main à son tour, mais à sa manière : avec un brin de caprice mal placé afin qu’il fasse ses preuves, qu’il ne s’en sorte pas avec un baratin à l’ancienne et deux trois blagues à la con. Lenore fixe Dinis sans bouger d’un sourcil, et sans être dans la tête de ce dernier, elle le voit très bien bouillonner dans tous les sens, si c’était possible de la fumée sortirait sans doute de son crâne. La veine sur sa tempe reflète toute l’envie qu’il a de l’envoyer chier et qu’il déverse sur sa clope et les instruments. La scène la ferait hurler de rire dans une autre situation, mais Lenore se contente de se pincer les lèvres, se mordant légèrement les joues pour ne pas trop sourire tandis que toute la tension accumulée dans son corps cette dernière heure semble s’évaporer petit à petit : syndrôme de l’apaisement ressenti face à la décision de Dinis. Je te jure que non, j’ai mal depuis taleur. On aurait pu faire ça ailleurs mais je veux pas marcher plus dessus. Elle écrase sa clope avant de prendre une gorgée de champagne puis de sursauter. Ca c’était ma peau ! Comptait-il faire un massacre pour se venger et passer à autre chose. Fait pas le répugné, c’est un pied que t’as déjà embrassé que tu tiens entre tes mains. Prends-en soin. Souffle-t-elle, légèrement amusée, avant de s’allumer une clope de plus. Open bar.
Un roturier, j’lui en foutrai à madame la duchesse. J’les connais suffisament, tout ceux qui sont pas dans la même catégorie que moi et j’ai absolument pas envie de me mêler à eux. J’les voix bien trop souvent à faire semblant d’être heureux alors que c’est des larmes qui coulent à toute heure à l’intérieur. J’suis bien mieux dans mes pompes à pas chercher à plaire à qui que ce soit, à pas vouloir donner une image de moi qui ne me correspond pas. J’ai rien à prouver à personne, absolument rien. J’ai pas besoin d’acheter ces clopes pour montrer de quel côté j’me situe. D’elle a moi, on sait très bien qu’en réalité, elle serait plutôt du genre à fumer des roulées. Mais me voilà vraiment en train de chercher ce qui pourrait bien lui faire mal, à son pied, avec une pince à épiler dans les mains. Comme si, jouer au docteur là, c’était aussi une façon de dire : ok, j’peux prendre soin de toi – d’une manière totalement inconsciente, sur le coup, croyez moi. « Je te jure que non, j’ai mal depuis taleur. On aurait pu faire ça ailleurs mais je veux pas marcher plus dessus » elle a l’air sincère, c’est chiant. J’aurai préféré qu’elle se foute de moi, juste pour me mettre dans une situation inconfortable. Le problème avec Len, c’est qu’elle est souvient bien trop sincère et sans filtre. Sauf quand elle fume des vogues. Bon, j’me concentre. J’y vois que dal et je refuse qu’on mette ça sous l’âge. J’ai pas mes lunettes, mais mon ophtalmo m’a dit que ça servait à rien de les porter tous les jours, de toutes façons. Mais peut être qu’à force de jamais les porter, ca me rendait pas service. « Ca c’était ma peau ! » je lâche l’affaire. Trop c’est trop, je pose sa pince sur la table. « Fait pas le répugné, c’est un pied que t’as déjà embrassé que tu tiens entre tes mains. Prends-en soin. » elle s’amuse Len, elle s’invente presque une vie, ça y est, tout se retourne contre moi. « Lance pas de sales rumeurs sur moi, tu veux. » je jette un dernier coup d’œil à son pied et ca y est, j’y vois mieux, je sais, c’est là ! Je chope la pince, une dernière fois et là, déterminé je retire enfin le morceau de verre planté dans sa peau et je manque pas de lui mettre sous l’nez. « Voilà ! » satisfait et fier de moi, presque. « Ca devrait être bon maintenant, ca va aller. » et elle peut retirer sa jambe lourde de ma cuisse. Par contre, Camille va réellement finir par m’attendre avec des œufs qui n’arrivent pas et là, j’ai quand même l’impression d’avoir rempli ma part de responsabilité envers Lenore. «tiens. » je sors deux billets que je pose sur la table. Il doit bien y avoir le compte et au pire, elle alignera ce qui manque. « Pour payer. » parce que j’vais pas rester plus longtemps à savoir si elle a pas un autre morceau quelques part. Faut pas abuser. « Tu sais quoi ? » j’me lève, histoire qu’elle me retienne pas plus longtemps. « si tu cherches Oz, sur le net, t’as mon numéro de téléphone pro. » j’peux pas lui dire que j’ai toujours le même numéro perso, parce que j’avais finis par faire le mort quand même, si elle pouvait penser que j’en avais un autre ,ce serait pas mal. « fais en c’que tu veux. » autrement dit, si jamais l’envie te prends, tu peux m’appeler.