J'ai d'l'air perdu vu qu'mon coeur me sert de boussole @Tessa Mulligan

19 juin 2021

Byron a dit oui à me revoir et j’ai du mal à le croire. Peut-être parce que je n’ai absolument aucun souvenir d’avoir envoyé ces SMS la veille. Pourtant, notre conversation est dans mon téléphone, dans l’arme du crime que je suis incapable de cesser de fixer depuis que j’ai vu les messages à mon réveil ce matin (ou plutôt ce midi). L’idée d’annuler m’a bien sûr traversé l’esprit, mais je sais que je le regretterai comme j’ai regretté de ne pas l’avoir recontacté après ma fête d’anniversaire. Alors j’essaie d’être brave et d’assumer mon envie de le revoir, mais ce n’est pas facile quand je repense à la façon dont ça s’est terminé entre nous en février. Je me sens toujours autant humilié de lui avoir vomi dessus au réveil, déjà que j’avais du mal à assumer ce qu’il s’était passé entre nous la veille. Qui plus est, je ne comprends pas pourquoi il veut me revoir s’il a rencontré quelqu’un, à moins que l’homme avec qui je l’ai vu le mois dernier ne comptait pas. Peut-être que je ne compte pas non plus, au fond, qu’est-ce que j’en sais? Byron déborde d’assurance il m’aurait assurément recontacté dans les quatre derniers mois s’il était vraiment intéressé… alors pourquoi accepter de me voir? Je ne comprends rien… et ressasser toutes ces questions dans ma tête ne m’aide en rien à me détendre. Au contraire, ça ne fait que renforcer mon stress et exacerber mon mal de ventre.

Après une petite pause cigarette, je retourne dans ma chambre et j’essaie de me rendormir pour la millième fois dans l’espoir qu’à mon réveil tout ça ne sera qu’un mauvais rêve, sans succès. Je me sens faible, sans doute parce que je n’ai rien avalé de la journée, mais ma nausée s’amplifie dès que mon regard se pose sur de la nourriture ou que ses effluves chatouillent mon odorat. « Adriel? » dis-je en relevant légèrement la tête en entendant toquer à la porte de ma chambre, mais c’est plutôt Tessa qui apparaît dans mon champ de vision et je suis surpris de la voir débarquer à l’improviste. « Tess? Qu’est-ce que tu fais ici? » Les sourcils froncés, je prends mon téléphone pour regarder mon calendrier et c’est en voyant Soirée avec Tessa que je me souviens que nous avions prévu passer la soirée ensemble et que nous avions convenu qu’elle me rejoindrait ici afin que nous puissions partir ensemble. Allongé sur le ventre, je laisse ma tête retomber, enfouissant mon visage dans mon oreiller en grognant. « Ahhhhhhhhhh, c’est aujourd’hui c’est ça? » Trop préoccupé par mon rendez-vous avec Byron, notre soirée restaurant et cinéma m’était complètement sortie de la tête. « J’avais complètement oublié que c’était aujourd’hui… » dis-je en m’assoyant en indien sur mon lit, un air désolé sur le visage. « T’as pas envie qu’on se fasse une soirée Netflix à la place? Je n’ai pas trop envie de sortir, j’ai vraiment mal au ventre. » Mon système digestif a toujours mal réagi au stress. Je l’implore du regard en croisant mes bras contre mon ventre dans l’espoir qu’elle acceptera. Je sais d’avance que si nous allons au cinéma ce soir, Byron occupera mes pensées tout le long du film et que je serai incapable d’en faire le résumé. « On peut se commander du resto si t’as faim. » ajouté-je en m’étirant pour prendre un dépliant de restaurants sur ma table de chevet afin de lui tendre. Qu’elle choisisse, ce n’est pas comme si je risque de manger quoi que ce soit ce soir.

SMS:

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« J’espère que t’es pas à poil car je rentre ! » En temps normal j’aurais probablement ri, mais je suis trop préoccupé par mon rendez-vous de demain, et également surpris de la voir débarquer chez moi à l’improviste. Plutôt, je lui demande ce qu’elle fait ici, ne réalisant pas tout de suite que c’est moi qui ai une mémoire de poisson et qui ai oublié que nous avions quelque chose de prévu tous les deux. Honte à moi. « Eh bien cache ta joie… moi aussi j’suis contente de te voir… » Je lance un regard furtif dans sa direction en faisant mine d’être agacé avant de rapporter mon attention sur mon téléphone. « Oh arrête, tu sais bien que je suis toujours content de te voir. » Et ce n’est même pas une exagération. Il y a bien des fois où je préfère être seul, surtout quand ça ne va pas, mais ça ne veut pas dire pour autant que je ne suis pas content qu’elle soit à mes côtés. Comme en ce moment, par exemple. Sa présence dans ma chambre m’angoisse un peu parce qu’elle est capable de me lire comme un livre ouvert et qu’elle verra donc forcément que quelque chose me tracasse, mais sa présence m’apaise aussi, aussi contradictoire que ça peut l’être. Je réalise que je l’ai oubliée en regardant sur mon calendrier et je me mets à culpabiliser. « J’vois ça ! » Comme je ne me sens pas trop bien, je lui demande de plutôt passer la soirée ici, ce qui me permettra en plus de rester en pyjama. Un argument de taille quand j’ai mal au ventre. Sauf que ma demande et ma mine affreuse suffisent à inquiéter ma jumelle qui s’approche de moi pour poser sa main sur mon front. Je devine alors qu’elle sait que quelque chose ne va pas, ce qui ne m’aide pas à m’apaiser. Je sais déjà que les questions ne tarderont pas. « T’as pas l’air d’avoir de fièvre. T’as mangé quelque chose aujourd’hui ? » Juste le fait de penser à manger quelque chose me fait grimacer de dégoût. Je désigne mon paquet de cigarette sur ma table de chevet d’un mouvement de tête. « Fumer ça compte? » Tentative de blague pourrie, je sais évidemment que la réponse sera non. « Va pour Netflix et on commandera oui si tu veux. » Je hausse une épaule avec nonchalance. « Choisis, je te suis. » Chinois, pizza, sushis… peu importe.

Comme je le craignais, Tessa va droit au but et me demande directement ce qui me tracasse. « Tu veux m’en parler ? Et me dit pas qu’y a rien Lincoln, j’te connais, j’te rappelle qu’on a partagé le même ventre, j’peux sentir ces choses là ! » Et je la connais, Tessa, je sais qu’elle ne lâchera pas le morceau et que je n’ai pas intérêt à lui raconter n’importer quoi. J’hésite malgré ça, parler de ma vie « amoureuse » n’a jamais été facile pour moi, surtout depuis que je me suis fait briser le cœur une première fois. « Hum, okay… » Nerveusement, je me caresse la nuque en fixant mes jambes avant de relever timidement mes yeux vers les siens. « Tu te souviens de Byron? Erin l’avait invité à notre fête, il est arrivé un peu avant que tu partes. Grand brun, yeux bleus. » Beau comme un Dieu, mais ça je me retiens de lui préciser, tout comme le fait que j’ai les jambes molles et les mains moites chaque fois que je me retrouve en sa présence, que mon cœur se met à palpiter dès que son regard azuré croise le mien. C’est plus facile de vivre dans le déni par rapport à l’effet qu’il me fait, de me convaincre que tout ça n’est que dans ma tête considérant que lui et moi nous sommes vus seulement deux fois. Deux fois à cinq ans d’intervalle, en plus. Tessa ne m’a jamais parlé de lui par la suite, je me suis dit qu’elle ne devait pas avoir remarqué mon état lorsqu’il était arrivé étant donné l’état dans lequel elle se trouvait ce soir-là. « Adriel et moi on a bu hier... »  Pour fêter notre colocation, même si ça fait techniquement trois semaines que j’habite avec mon meilleur ami. Nous avons enfin terminé de défaire toutes les boîtes et ça se fête. « J’ai envoyé des messages à Byron… je ne m’en souvenais même pas ce matin. » Je replie mes jambes contre ma poitrine, puis je soupire bruyamment en enfouissant mon visage dans mes bras croisés sur mes genoux. « Je ne sais pas quoi faire Tess… » Me doutant qu’elle ne doit absolument rien comprendre, je relève la tête et j’étire un bras pour prendre mon téléphone sur ma table de chevet. Je déverrouille celui-ci avec l’empreinte de mon pouce avant de le déposer sur mon lit tout près d’elle, le regard inquiet. Tandis qu’elle s’apprête à lire les messages que Byron et moi nous sommes échangés, je prends l’un de mes oreillers pour le serrer contre ma poitrine, le visage à moitié caché derrière. Mon cœur s’affole dans ma poitrine alors que j’hésite à m’ouvrir davantage à elle et que je sens les mots me brûler les lèvres. Au fond de moi, je sais que ce ne sera pas une grosse surprise pour elle, considérant ce qui s’est passé avec Andy, mais je n’ai quand même jamais eu le courage de lui dire ouvertement. Peut-être parce que j’espérais au fond que ça passerait, que je serais capable de me caser avec une fille et ainsi m’éviter un potentiel deuxième incident fâcheux, mais je dois bien me rendre à l’évidence que les femmes ne me font pas perdre mes moyens comme Byron ou Andy autrefois. « Je suis gay Tessa. » Je balance ça sans prévenir en serrant l’oreiller contre moi un peu plus fort pour me réconforter, le regard fuyant. Je retiens mon souffle en attendant sa réaction, craignant que ça se passe mal même si je sais que ce n’est pas dans ses habitudes de me juger, moi ou mes décisions. Mais je ne peux m’en empêcher, encore traumatisé de mon expérience avec Andy malgré les treize années qui ont passées.

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« Byron… Hm, oui, ça me dit quelque chose je crois. » Son hésitation me rassure au moins sur un point : ça veut dire qu’Erin ne lui a pas raconté ce qui s’est passé entre Byron et moi le soir de notre anniversaire. Sanders a pu tenir sa langue! J’explique à Tessa qu’Adriel et moi avions bu la veille et que j’ai envoyé des SMS à l’allemand tandis que j’étais en état d’ébriété. « J’suis sure que c’est pas si catastrophique. » Je ne suis pas d’accord, mais je la laisse constater par elle-même avant de lui balancer mon homosexualité sans prévenir. « Hey ! Regarde-moi. » Je n’y arrive pas, mais Tessa ne me laisse pas le choix en me relevant le menton d’une main. « Je t’interdis de te sentir coupable de quoi que ce soit ou de te mettre en tête que c’est mal ou je ne sais pas quoi ! » C’est plus facile à dire qu’à faire quand la seule personne à qui j’ai offert mon cœur a cru bon de faire semblant que j’étais un prédateur quand on s’est fait surprendre par son père. Quand ce dernier m’a sorti de chez lui comme si j’étais un vulgaire déchet, qu’il a réussi à convaincre son fils de porter plainte contre moi pour agression sexuelle. Revoir Andy dernièrement n’a fait que ressasser ces mauvais souvenirs, raviver une blessure qui n’a jamais complètement guérie malgré les années qui ont passées. Alors je baisse la tête, incapable d’affronter son regard tandis que le mien se brouille de larmes. « C’est difficile Tess’… Je suis tombé sur Andy par hasard dernièrement et… j’arrête pas de… de penser à ce qu’il s’est passé. » Mes traits se rembrunissent lorsque j’évoque le brun, ce fantôme de mon passé que je n’aurais jamais cru revoir. « Je t’aime Link ! Ca ne change rien que tu sois hétéro, homo ou bi. T’es mon frère, tu seras toujours mon frère… » J’ose relever mes yeux vers les siens en entendant ses paroles rassurantes. L’esquisse d’un sourire apparait sur mon visage pendant que j’acquiesce d’un mouvement de tête. « Je t’aime moi aussi. » murmuré-je en soupirant de soulagement en la serrant dans mes bras, la tête appuyée sur son épaule. Même si elle s’en doutait probablement depuis très longtemps, j’ai l’impression qu’on vient de m’enlever un énorme poids de sur les épaules en lui confiant enfin mon homosexualité. Ce n’est pas demain la veille que je vivrai ouvertement mon attirance pour la gent masculine en public, mais je suis fier de chaque petit pas que j’arrive à faire, même malgré mes doutes.

« Ce Byron a pas l’air rancunier et de toute évidence il a envie de te revoir… Toi, t'as envie de le revoir ? » Je me dégage de son étreinte, toujours assis en indien sur mon lit, puis je baisse les yeux sur mes mains qui triturent la taie de mon oreiller posée sur mes cuisses. « Peut-être... » Je me caresse la nuque d’une main avant de soupirer bruyamment, frustré contre moi-même d’avoir de la difficulté à affirmer ce que je veux vraiment. « Oui… Ça fait quatre mois que j’hésite à l’appeler… » avoué-je finalement avec honte sans oser la regarder. « Je l’ai aperçu à l’hôtel, le mois dernier, il n’était pas seul. Je me suis dit qu’il avait rencontré quelqu’un… mais là il a dit oui pour qu’on se voit, je ne sais pas trop quoi penser… » J’ai peur de m’emballer pour rien et d’être déçu. Il m’aura fallu treize ans - et beaucoup d’alcool - pour réussir à faire un pas vers un autre homme, je ne sais pas comment je réagirais à une autre déception alors que je ne suis pas du tout à l’aise avec mon orientation sexuelle et ma sexualité en général. J’ai peur de faire dix pas en arrière si ça foire avec lui comme tout ce que j’entreprends. « Parle-moi de lui, comment vous vous êtes rencontrés tous les deux ? » Je plonge mon regard dans celui de ma sœur tout en pinçant mes lèvres ensemble pour réprimer mon sourire. C’est la première fois que j’ai ce genre de discussion avec quelqu’un et ça me gêne. « On s’est rencontré dans un bar il y a quatre ou cinq ans, il était barman. » C’était la première fois depuis Andy que j’envisageais la possibilité d’avoir des rapprochements avec un homme. « On s’était embrassé… » Je déglutis difficilement en baissant la tête, le visage écarlate. Je me râcle la gorge avant de poursuivre. « J’ai paniqué et je me suis sauvé. Je ne l’avais pas revu jusqu’à ce qu’Erin l’invite à notre fête. » Je demeure silencieux un instant, perdu dans mes pensées, puis je hausse une épaule en regardant Tessa. « Je ne le connais pas tant que ça. » À part qu’il a vécu une enfance difficile, un détail qu’il m’a confié pour me préparer à l’image de son corps abimé. Une partie de son histoire que je garde pour moi. « J’ai pas envie de souffrir encore… » Mais j’ai besoin de reprendre le contrôle de cette partie de ma vie, de ne plus laisser le père d’Andy gagner après tout ce temps.

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« T’as rien fait de mal ! Rien du tout ! C’est pas à toi d’avoir honte ! » Je sais au plus profond de moi que je n’ai rien fait de mal et je n’ai pas honte d’être attiré par les hommes, du moins je ne pense pas, mais j’ai peur de la réaction des gens autour de moi. Je me rappelle de l’intimidation dont j’ai été victime au lycée rien que parce que j’étais l’un des seuls garçons dans notre troupe de danse et je n’ai pas envie de revivre la même chose à cause de mon orientation sexuelle. Disons que la réaction violente du père d’Andy m’a donné un avant-goût de ce que pourrait être mon quotidien lorsque je serai confronté aux commentaires homophobes de Pierre Jean Jacques et je ne suis pas certain d’avoir les reins assez solides. « Je sais que je n’ai rien fait de mal… » Si ce n’est que faire confiance à quelqu’un que je n’aurais pas dû. Je me dégage de sa main pour essuyer le coin de mes yeux humides avant de relever mes yeux vers les siens. « C’est pas que j’ai honte… j’ai peur de la réaction des gens. » Je n’agirais probablement pas sous l’influence de la peur si Andy avait tenu tête à son père il y a treize ans. À l’époque, j’étais prêt à assumer ce que je ressentais pour lui, j’avais envie de le crier sur tous les toits. Maintenant je veux me taire par sa faute, dissimuler les sentiments qu’il suscite chez moi comme si c’était voué à l’échec avant même qu’il ne se passe quoi que ce soit.

J’essaie d’oublier Andy tandis que je lui fais part de mon hésitation à recontacter Byron surtout après l’avoir vu avec un autre gars le mois passé. « Tu sais j’ai jamais vraiment été un modèle en matière de relation alors j’suis sûrement pas la plus à même à te conseiller. » Je ris silencieusement en l’observant. Même si Tessa n’a pas eu beaucoup de chance en amour, elle ne demeure pas moins le meilleur exemple de notre fratrie. Ce n’est certainement pas Freddy et son côté volage qui va remporter la palme d’or, ni moi qui n’ai jamais été en couple de ma vie. « Mais j’imagine que s’il a dit oui, alors c’est qu’il a un minimum envie d’oublier la soirée chaotique de notre anniversaire tu penses pas ? » Tant qu’il n’a pas envie d’oublier ce qu’il s’est passé entre nous. J’essaie d’être optimiste comme ma sœur jumelle, de laisser l’espoir m’habiter de nouveau, alors j’acquiesce d’un mouvement de tête en lui souriant malgré ma nervosité toujours perceptible. « T’as probablement raison. » Les paroles de ma sœur me font du bien. Depuis que nous sommes petits, elle trouve toujours quoi dire ou quoi faire pour m’apaiser et je lui en serai éternellement reconnaissant. C’est avec timidité que je lui raconte comment Byron et moi nous sommes rencontrés. « Tu l’connais pas… mais assez quand même pour l’avoir embrassé. » Je me retiens de lui dire qu’on a fait bien plus que s’embrasser cette fois-ci, pas assez à l’aise pour aborder le sujet de ma sexualité avec elle. J’ai encore du mal à accepter que j’ai pu faire une chose pareille chez mon meilleur ami. « Hum bah… je… oui. » Je bégaye, incapable de faire une phrase complète alors que je rougis davantage en essayant de lui répondre lorsqu’elle se paye ma tête. « T’as juste embrassé des personnes que tu connaissais beaucoup, toi? » demandé-je en riant nerveusement tout en me grattant l’oreille. Je sais que je fais les choses à l’envers, que j’aurais probablement dû apprendre à le connaître avant de coucher avec lui, mais j’avais bu et sans le connaître, je sais qu’il est le premier à me faire perdre mes moyens depuis Andy. J’espère juste que je ne finirai pas le cœur brisé comme avec Hamilton et je fais part de mes craintes à Tessa à ce sujet. « Y a pas de raison que ça arrive. Tu vas y aller… Vous allez prendre un verre et tu vas apprendre à le connaitre. Et si ça passe pas, tu le next… Essaie de pas te prendre la tête et te fait pas de plan sur la comète. » Je me laisse tomber sur le dos en poussant une longue plainte, l’oreiller appuyée contre mon visage. « Okayyyyyyyyyyy, je vais y aller… » dis-je finalement en dégageant mon visage de l’oreiller, le cœur battant la chamade. « Et puis au pire, c’est un sale con et… Dans ce cas, j’irai moi-même lui casser les genoux ! » Je me mets à rire en entendant les paroles de ma sœur. Après m’être calmé, je me pose une main sur son bras, le regard rempli de tendresse. « Je ne pense pas que ce sera nécessaire. Il ne m’a rien promis tu sais… » Et même si je sais qu’un refus de sa part m’affecterait, nous n’avons pas le contrôle sur nos sentiments et ce ne serait pas correct de lui en vouloir s’il finit pas ne pas être intéressé. « Et si ce type n’est pas capable de voir ce qu’il rate alors… c’est que c’est pas un gars bien et qu’il te mérite pas ! » Je fronce les sourcils, attendri une fois de plus par ses mots. « T’es cute quand tu veux. T’es trop gentille avec moi. » dis-je en me rassoyant pour la prendre dans mes bras.

« Allez sors moi tes jolies fesses de ce lit. Si t’as rien avalé depuis ce matin, faut y remédier ! J’vais commander italien, y en a un qui fait des gelati à tomber ! » Je ris en relâchant mon étreinte, un petit sourire moqueur au coin des lèvres. « Jolies fesses? Elles ont pas mal changées depuis la dernière fois que tu les as vues. La testostérone, le poil, tu sais? » Je m’esclaffe en lui lançant mon oreiller dessus. « Je suis down pour de l’italien, mais… ton gelati ne va pas fondre si on commande pour livrer? » Je ne sais pas si ce sera aussi bon avec une texture jus… « Ca va te faire du bien d’avaler autre chose que ta fumée de cigarette ! » Je lève les yeux au ciel à mon tour en me levant de mon lit. Je sais que Tessa aimerait que j’arrête de fumer et j’aimerais aussi parce que je sais que ce n’est pas bon pour la santé, mais la cigarette m’a si souvent sauvé des situations qui me rendaient mal à l’aise. Quand j’étouffe, je peux sortir sou prétexte que je vais fumer. Je ne sais pas si je me sens prêt à arrêter, surtout pas avec ce qui se passe dans ma vie actuellement. « Je vais essayer de manger, mais je ne te promets rien. » J’ai encore mal au cœur, probablement à cause d’un mélange d’excitation et d’anticipation à l’idée de revoir Byron dedans. « Et toi, qu’est-ce que tu racontes? » lui demandé-je en reprenant mon téléphone sur le lit ainsi que le dépliant avant de me rendre vers le salon.

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« Je sais bien. Je sais que tu as eu une mauvaise expérience, mais faut pas que tu laisses ça définir ton existence. » Plus facile à dire qu’à faire quand la douleur est toujours bien présente et semble inguérissable malgré les années qui passent. Et quand enfin je croyais avoir réussi à passer outre le mensonge d’Andy, le voilà qui réapparait de nulle part tel un rappel désagréable de ce qui pourrait se passer aussi avec Byron. Ça a suffi à briser le peu de courage que l’alcool m’avait donné, à ce que je prenne un rôle passif en espérant que le brun me relancerait, ce qu’il n’a pas fait. « Je sais, j’essaie Tess… » Il y a encore place à amélioration, mais j’essaie de voir le bon côté des choses en me disant que j’ai fait quelques petits pas dans la bonne direction dans les derniers mois, même si je ne les aurais peut-être pas faits si j’avais été sobre à ce moment-là mais détail. « C’est peut-être pas beaucoup, mais Adriel et Erin sont au courant, et maintenant toi. Je dois trouver comment le dire à papa, maman et Freddy… » Je baisse les yeux, angoissé à l’idée de parler de mon homosexualité avec notre frère qui n’a pas hésité un instant à ramener le sujet d’Andy sur la table pour me blesser. Je sais que tôt ou tard je devrai avoir cette discussion avec lui ou l’information viendra certainement à ses oreilles, mais j’ai encore plusieurs personnes à qui je peux m’ouvrir avant d’arriver à son tour. Je ne me sens encore prêt de lui dire.

« Bien sûr que j’ai raison ! » Je lève les yeux au ciel en riant tout en lui pinçant le bras affectueusement. « Tu ne le connais même pas, comment tu pourrais savoir avec assurance ce qu’il pense? » Elle ne peut pas, mais je dois bien me rendre à l’évidence que c’est plus que logique qu’elle ait raison. Byron ne semble pas être le genre de personne à dire oui pour me voir juste pour me faire plaisir, sans en avoir réellement envie de son côté. Timidement, je lui raconte comment Byron et moi nous sommes rencontrés. Sans aucune surprise, Tessa me taquine, mais sans dépasser les bornes. Elle connait mes limites et les respecte, contrairement à certaines personnes qui s’amusent un peu trop à mon goût à pousser trop loin. « C’est pas faux… Tu marques un point ! J’avais pas vu ça comme ça, mais… » « Mais? » J’arque un sourcil avec amusement alors que la suite n’arrive jamais. « Tu l’as fait souvent? » Quoi? J’essaie d’interpréter la fin de sa phrase qui est manquante et Tessa a quand même fréquenté l’ami de notre père, elle est moins sage qu’elle en a l’air. Mes traits se rembrunissent tandis que je lui fais part de ma peur de souffrir une deuxième fois. Comme elle le fait toujours, Tessa tente de me rassurer et de me convaincre de ne pas annuler mon rendez-vous avec Byron demain. Et comme presque à toutes les fois, elle réussit. « Yesss ! J’suis fière de toi ! » Je lui souris tendrement, touché par ses mots. Ses paroles suivantes me prennent par surprise et j’esclaffe avant de défendre le pauvre allemand qui risque de subir les foudres de ma jumelle s’il fait un pas de travers. « Comme tu veux… mais sache que la proposition tient toujours s’il te fait un coup bas ! » Aucune chance que je l’oubli, je sais que Tessa sortirait ses crocs pour moi comme elle l’a toujours fait et ça va dans les deux sens même si j’ai probablement l’air d’un agneau à côté d’elle.

Je passe mes bras autour de ma sœur pour la prendre dans mes bras, ne sachant pas ce que je ferais si elle n’était pas là pour me soutenir comme elle le fait depuis toujours. Je relâche mon étreinte lorsqu’elle fait un commentaire sur mes fesses, préférant changer de sujet en espérant que penser à autre chose allait faire passer la boule que j’ai dans le ventre depuis ce matin. « Pour moi tu garderas toujours tes jolies p’tites fesses ! » Je secoue la tête en riant. « J’espère bien parce que j’ai pas l’intention de te le montrer pour te prouver qu’elles ont changé! » Je suis loin d’être comme Erin qui est à l’aise au point de se balade à poils devant moi, ce qui a le don de me mettre mal à l’aise au possible. Tessa est ma sœur, elle est loin l’époque où nous faisions des guerres de mousse dans le bain et c’est bien correct comme ça. « Va pour l’italien alors et ils ont des sortes sac isotherme tu sais ! Jm’en fais livrer souvent en général si le livreur ne se perd pas en route, ça le fait ! Sans ça, ça f’ra des milkshakes ! » Je hoche la tête en pinçant mes lèvres, impressionné par tous les trucs que les gens inventent au fil des années. Avec mes problèmes financiers, disons que c’est plutôt rare que je me commande à manger. « Je ne savais pas que ça se faisait, c’est cool! » Je prends des nouvelles de ma sœur tandis que nous sortons de ma chambre en direction du salon. « Moi, tu sais c’est un peu la routine au boulot… J’vais peut-être repartir une semaine en mer pour aller étudier la migration des baleines ou peut être deux, ça dépend faut que je m’organise. » Le projet de Tessa semble tellement intéressant, je me sens minable à côté à démanteler des catalyseurs. « Wow, c’est cool. Tu partirais bientôt? » Tessa ouvre l’application et regarde le menu du restaurant italien. « Hum… J’me disais qu’on pourrait peut-être se faire un repas à la maison tous les trois un de ses jours. Même si c’est que pour boire un verre ou grignoter un truc… » Mon sourire disparait en entendant sa proposition, je n’ai pas vraiment envie de passer du temps avec Freddy. Je soupire bruyamment en me caressant la nuque d’une main. « Je ne sais pas trop… Il est obligé d’être là? » demandé-je en posant mon regard sur elle. Si elle y tient tant que ça, je peux bien me forcer, mais je préférerais largement ne pas avoir à le voir.

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« Je sais que tu essaies et j’te juge pas, au contraire. J’suis certaine que tu passeras au dessus de tout ça et qu’un jour tu t’autoriseras à enfin être qui tu es sans avoir peur d’être jugé. J’serais toujours là pour te soutenir tu l’sais. » J’acquiesce d’un mouvement de tête, bien conscient qu’elle sera toujours là pour moi peu importe mes décisions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, et c’est là une des nombreuses raisons pourquoi j’aime autant Tessa. Je sais qu’avec elle je peux me permettre d’être moi-même et qu’elle ne me tournera pas le dos, que je peux m’ouvrir à elle sans qu’elle ne se serve de ma confession pour me blesser plus tard comme l’a si souvent fait Freddy. « Je sais oui. » réponds-je en lui souriant tendrement. « Je pense aussi que j’y arriverai. J’ai juste besoin de temps. » D’y aller à mon rythme, lentement mais sûrement. Ce serait mentir de dire que je n’ai pas peur de me faire blesser dans le processus, mais l’espoir que ça puisse potentiellement donner quelque chose avec Byron me donne vraiment envie de passer par-dessus mes peurs pour me permettre d’être heureux avec quelqu’un. « Si tu veux, j’pourrais être là pour temporiser les choses. Histoire de calmer ses ardeurs dans le cas où Freddy jouerait au sale con... » Les paroles de ma sœur me font rire et ça me touche qu’elle soit prête à m’accompagner même si je ne crois pas que ce sera nécessaire. « Merci, c’est gentil… mais je crois que c’est quelque chose que je dois faire seul. » Sans une personne tiers dont la simple présence suffirait à me mettre de la pression. « Tu sais, ce n’est pas vraiment de lui dire qui me stresse… okay un peu quand même mais sachant qu’il est attiré par les hommes lui aussi je ne vois pas en quoi ce serait un problème. » On ne va pas se mentir, Freddy a lui aussi vécu l’épisode Andy comme le reste de la famille, mon attirance pour les hommes ne sera donc pas une surprise pour lui non plus. Et qui plus est, même si je n’étais pas content que ce soit lui qui me retrouve après trois jours de fugue, ça m’a touché qu’il se donne autant de mal même si je n’ai jamais été capable de lui dire. « C’est ce qu’il en fera ensuite quand on se prendra la tête… » avoué-je en baissant les yeux sur mes cuisses en me caressant la nuque. Parce que même si Freddy m’a supporté à sa façon il y a treize ans, il n’a pas hésité à reparler d’Andy quand il cherchait à me blesser ensuite et je crains qu’il fasse la même chose après que je lui aurai confié mon homosexualité.  
 
« J’en sais rien... intuition féminine peut-être. » répond Tessa lorsque je lui demande comment elle peut être si convaincue que Byron a envie de passer outre l’épisode vomi de notre anniversaire alors qu’elle ne le connait même pas. « Et elle te dit pas mal de choses ton intuition féminine? » demandé-je sur un ton moqueur avant d’ajouter : « C’est quoi, t’as des talents de diseuse de bonne aventure maintenant? » Je lui donne un petit coup d’épaule, incapable de résister à la taquiner affectueusement et, visiblement, c’est réciproque. « Souvent non... Quelques fois oui. Des histoires sans lendemain et sans importance... » Je n’insiste pas pour en savoir plus parce que je vois bien que ça la rend mal à l’aise de parler de ça avec moi et que ça me convient bien qu’on ait chacun notre jardin secret à ce sujet.
 
La conversation prend une tournure beaucoup plus légère, ce qui me fait un grand bien puisque ça me permet d’oublier un peu mon rendez-vous de demain qui me stresse depuis que j’ai relu nos SMS ce matin. « Tu as raison, laisse-moi imaginer que tu as gardé tes p’tites fesses de bébé ! » Je m’esclaffe en la suivant jusqu’au salon en levant mes mains de part et d’autre de mon visage d’un air innocent. Trêve de plaisanteries, Tessa me parle de son projet de sortie en mer et même si je n’y connais absolument rien, je trouve ça trop intéressant pour elle. « Je ne sais pas encore, j’ai deux ou trois choses à régler avant de m’y consacrer vraiment. J’ai contacté l’asso avec laquelle je suis partie l’an dernier et je pourrais les rejoindre fin aout ou début septembre. » Je me réjouis pour elle, ça doit être tellement gratifiant d’étudier ces animaux majestueux et de pouvoir participer à leur conservation. « C’est vraiment cool en tout cas, tiens-moi au courant. Il va falloir que tu me racontes tout ça à ton retour. » Même si je risque de ne pas en comprendre la moitié, je ne me lasserai jamais d’écouter Tessa parler d’un sujet qui la passionne. « C’est moi qui régale alors fait toi plaisir ! » Je prends le téléphone qu’elle me tend pour regarder le menu et j’ai du mal à faire mon choix étant donné le petit mal de cœur qui persiste alors je prends la même chose qu’elle. « Ça a l’air vraiment bon. » Surtout la glace à la noisette. Alors que je pensais enfin pouvoir passer une bonne soirée sans trop de tracas, Tess’ propose qu’on fasse un truc tous les trois avec Freddy et ça m’enchante peu étant donné notre relation conflictuelle. Les dernières semaines ont été assez intense et je préfèrerais ne pas me prendre la tête avec notre frère. « Non, ne t’en fait pas... c’était juste une idée comme ça. Oublie ça, on se fera un truc tous les deux. » Je hoche la tête en guise de réponse, la tension dans mes épaules se relâchant aussitôt. « Excuse-moi, je sais que j’suis lourde avec ça, à toujours vouloir vous réconcilier. » Je hausse les épaules en soupirant avant de lui sourire d’un air désolé. « T’en fais pas, je comprends que ce n’est pas évident pour toi de toujours être entre nous deux… » Et je me sens mal qu’elle ait à assumer ce rôle. « Dit moi, mise à part ce Byron... t’as d’autres projets qui te tiennent à coeur ? » Je croise mes bras contre mon torse en fronçant les sourcils tandis que je réfléchis. « OH je t’ai pas dit… » m’exclamé-je en laissant retomber mes bras le long de mon corps. « J’ai été accepté à l’école, je commence en septembre. » Et même si ça m’angoisse un peu de retourner sur les bancs d’école après autant d’années, ce projet me motive vraiment et je suis incapable de ne pas sourire fièrement en partageant la bonne nouvelle avec elle.