| ‘Hard’ meant holding my tears as my world fell apart. (Yasmine) |
| | (#)Sam 26 Juin 2021 - 19:08 | |
| Il avait raccroché le téléphone avec des milliers de questions en tête, Sohan. Tout se bousculait. Il ne savait pas bien par où commencer. Il fallait qu'il se rende à l'hôpital. Voilà ce que Yasmine lui avait dit. Il s'agissait d'Amjad. Leur père. Elle n'avait rien voulu dire de plus. Sans doute pour ne pas l'inquiéter outre mesure. Ca n'avait pas fonctionné. Il avait bien entendu dans sa voix que quelque chose n'allait pas. Même si elle avait tout fait pour rester calme. Elle était bonne actrice dans ces moments-là, n'importe qui n'y auraient vu que du feu. Pas lui. Lui, il la connaissait trop bien. Il avait grandi avec elle, elle ne pouvait pas dissimuler ses émotions si facilement. Même par téléphone interposé. Malgré tout, il parvenait à rester calme. Principalement parce qu'il avait l'impression qu'il venait de se prendre un coup de massue sur la tête. Il en été presque hébété. Il ne savait pas s'il était le bienvenu à l'hôpital. Quelque chose était arrivé à son père, il savait que sa mère serait là-bas. Ça faisait longtemps qu'il ne les avait pas vus. Il le redoutait. Malgré l'urgence de la situation dont il ne savait rien. Il redoutait la réaction de ses parents quand il entrerait dans la chambre. Quand leurs yeux se poseront sur lui. Yasmine avait parfaitement conscience de la situation entre lui et leurs parents. Elle en était la principale spectatrice depuis des années. Si elle insistait pour qu'il vienne, c'est que ça devait être sérieux. C'était ce qui l'inquiétait le plus. Il se rappelait soudain que ses parents n'étaient pas éternels, qu'avec leur âge avancé, c'était le genre d'appels téléphoniques qu'il allait de plus en plus redouter. Ils se faisaient plus fragiles et un rien pouvait maintenant prendre d'importantes conséquences. Il remettait donc une fois de plus en cause le fait de leur avoir révélé son homosexualité. Il n'en serait pas là à se demander si le dernier souvenir qu'il aurait de son père serait la honte et la déception dans ses yeux. Il se sentait coupable, alors qu'il n'avait rien fait. Un sentiment qu'il n'avait pas ressenti depuis un moment. Un sentiment dont il avait presque oublié l'existence.
Il lui faut toute la force du monde pour se concentrer sur la route les quelques minutes le séparant du St. Vincent. Un trajet qu'il connaissait par cœur, lui qui était si souvent venu chercher sa sœur à la fin de son service. Un trajet qu'il n'avait jamais fait la boule au ventre. Cet hôpital ne renfermait que des bons souvenirs pour lui jusqu'à présent et il n'imaginait pas qu'aujourd'hui serait un jour différent. Il se gare sur la première place libre qu'il trouve. Envoie un sms à Yasmine pour lui indiquer qu'il vient d'arriver. Laissant à sa soeur le temps de le rejoindre à l'entrée. Lui, il prend quelques instants avant de sortir. Quelques instants pour respirer. Il ferme les yeux et inspire profondément. Il n'a pas à se sentir de trop d'être là. Il s'est fait à l'idée qu'il serait probablement toujours mis à l'écart des évènements joyeux partagés par sa famille. En revanche, il ne pouvait rester à l'écart dans des moments comme celui-ci. Il ne voulait pas penser au pire, pourtant il ne pouvait s'en empêcher. Après tout, Yasmine avait été évasive au téléphone. Elle n'avait rien voulu lui dire de plus que quelque chose était arrivé à Amjad et qu'il fallait qu'il vienne à l'hôpital. Il ne pouvait s'empêcher de penser que si ce n'était rien de grave, elle en aurait dit plus, lui aurait donné toutes les informations par téléphone. D'ailleurs, elle ne lui aurait sans doute pas demandé de venir si ça n'avait pas été grave. C'était ça qui l'inquiétait. Ce n'était pas le genre de sa sœur de ne rien dire. Il avait peur, Sohan, peur de ce qu'il allait trouver quand il passerait la porte de la chambre. Il avait l'impression qu'il devait se montrer fort. Pour Yasmine, mais pour toute la famille. Il avait l'impression que son rôle de fils aîné n'avait jamais pris autant de sens qu'aujourd'hui et pourtant il était en froid avec ses parents depuis des années.
Une dernière inspiration et il rouvre les yeux avant de se détacher et de sortir de la voiture. Il marche, rapidement, jusqu'à l'entrée de l'hôpital. Il regarde autour de lui pour chercher sa soeur du regard. S'empressant d'aller à sa rencontre quand il la voit arriver. "Ça va ?" qu'il demande, machinalement une fois à sa hauteur. Ca lui paraît idiot comme question, après coup. Il n'y a aucune raison que ça aille. "Qu'est-ce qui s'est passé ?" Enchaîne-t-il immédiatement. C'est l'information clé. Celle que Yasmine n'a pas voulu lui donner quand elle l'a appelé un peu plus tôt. Ca ne semblait pas être la priorité sur le moment, mais ça l'était à présent. Il avait besoin de savoir. "Il va bien ?" Parce qu'il ne savait pas, Sohan. Il redoutait la réponse, mais il ne voulait pas arriver dans la chambre et être surpris par ce qu'il allait y voir, il voulait savoir avant, comme si ça allait l'aider à se préparer mentalement. |
| | | | (#)Dim 4 Juil 2021 - 12:47 | |
| ≈ ≈ ≈ {hard meant holding my tears as my world fell apart} crédits gif & code fiche/ (may0osh & malibu) ✰ w/ @Sohan Khadji Yasmine coupa la communication, puis elle ferma les yeux un long instant, se protégeant du bruit environnant pour faire le point sur ses propres pensées. Assise tout au bord d’un fauteuil de la salle d’attente des urgences du St-Vincent qu’elle avait rejoint par réflexe, déambulant dans les étages sans réfléchir, elle eut besoin de quelques secondes pour accuser le coup. Elle s’était blindée sitôt que l’ambulance était arrivée chez ses parents, tous gyrophares retentissant dans les rues calmes de Logan City — comme une habitude trop ancrée en elle pour qu’elle y songe véritablement, un automatisme de défense opportun, elle s’était réfugiée derrière le bouclier de l’infirmière-urgentiste qu’elle avait longtemps été, trop consciente qu’elle ne devait pas s’effondrer tout de suite sous peine de rendre difficile le travail de ses anciens collègues qui avaient été efficaces comme à leur habitude. Fatima aussi avait été très courageuse, elle avait simplement exigé de monter avec son mari dans l’ambulance qui l’emmena jusqu’à l’hôpital que, pieds au plancher de sa vieille Jeep, Yasmine suivait avec le coeur battant et le téléphone collé à l’oreille. Edgerton avait été le premier qu’elle avait contacté par instinct. Il l’attendait à l’appartement, et puisqu’elle lui avait laissé un mot qui lui promettait qu’elle repasserait avant de prendre son service à l’Hibiscus et qu’il n’émerge de sa longue nuit, elle ne tenait pas à ce qu’il s’inquiète en ne la voyant pas arriver. On était samedi avant midi, la grasse matinée était de mise pour lui, et si elle avait été surprise qu’il lui réponde dès la première sonnerie, elle avait aussi eu besoin de l’entendre pour se redonner du courage avant de faire irruption dans le service des urgences où tout s’était mis à s’agiter autour de son père. Elle lui avait demandé de prévenir l’Hibiscus de son absence, elle lui avait demandé de ne pas venir tout de suite en revanche, simplement parce qu’elle ne voulait pas donner ne serait-ce qu’une raison à sa mère de croire que tout était perdu. Ce n’était pas le cas, l’espoir était bien là, comme les prières qu’elle s’était mise à psalmodier en silence, une main tenant fermement celle d’Amjad qu’elle ne quittait pas du regard — un peu comme si elle le défiait de lui faire cet affront, le pire. Molly, de service cette matinée-là, avait déboulé toutefois, déjà prête à la prendre dans ses bras. Yasmine l’avait arrêtée nette et sans savoir besoin de parler, la rouquine s’était elle aussi parée de son plus beau bouclier pour ne pas laisser déborder son trop-plein d’émotion ; pas devant Fatima, personne ne devait lui imposer ça. Amjad était inconscient, loin de se douter qu’il avait mis sans dessus-dessous le service tout entier, alors qu’on essayait de déterminer ce qui lui arrivait, s’il se réveillerait. Oui. Mais peut-être que ça lui prendrait la journée. Ou la semaine. Ou plus encore. Brusquement, secouant la tête pour mettre un terme à ses réflexions, Yasmine rouvrit les yeux qu’elle posa à nouveau sur l’écran de son téléphone portable. Elle avait ressenti l’inquiétude de Sohan de l’autre côté du combiné. Elle s’en voulait de faire autant de mystères, le contraignant à cesser toutes activités pour se rendre à l’hôpital. Mais elle avait vu trop de ces cas de figure-là, et la responsabilité d’annoncer à son frère par téléphone que leur père avait fait une attaque, elle ne se sentait pas capable de la prendre. Elle voulait le voir, sa place était ici, et éventuellement, elle voulait qu’il reste et qu’il aille prendre leur mère dans ses bras — il était le seul à le pouvoir, à en avoir le droit — pour lui faire entendre que, malgré les apparences, tout irait bien. Prenant une profonde inspiration, elle passa une main dans ses longs cheveux rassemblés sur ses épaules qu’elle sentait lourdes d’inquiétude et de fatigue, puis elle s’agita de nouveau. Yasmine quitta son siège et cette fois, c’est Hassan qu’elle appela pour le mettre au courant ; le discours était le même que pour Sohan, et son ton était aussi neutre et doux qu’elle en était capable.
Elle marcha jusqu’à l’entrée des urgences après son coup de fil, à l’instant-même où la voiture de son frère s’engageait dans le parking des urgences. Yasmine passa les portes automatiques, fourrant son téléphone dans la poche arrière de son jean, et se mordit l’intérieur des joues pour se donner un coup de fouet, et garder une contenance face à l’expression qu’elle lisait sur le visage de son frère — qu’elle prit dans ses bras sans lui répondre sur le coup, car son entame était aussi spontanée que si la situation n’avait pas été dramatique, et qu’elle ne voulait pas lui laisser penser qu’il avait fait une bévue en lui demandant si ça allait. En fait, elle ne savait même pas mettre de mots exacts sur son état d’esprit à ce moment-là, elle avait juste l’estomac aussi noué que si elle avait été nauséeuse… ce qui était le cas dans une certaine mesure. "Assieds-toi, je vais t’expliquer." lui dit-elle avec douceur, mêlant le ton de l’infirmière et celui de la soeur, et désignant le petit muret sur lequel ils s’étaient assis à de maintes fois lorsqu’ils se retrouvaient après ses gardes. Elle prit une légère inspiration, le regard fixé sur un point situé droit devant elle, de l’autre côté du parking "J’ai emmené maman faire des emplettes au marche aux épices ce matin. Quand on est rentrées à la maison, papa était somnolent. Enfin, c’est ce que je croyais avant de m’approcher et de me rendre compte qu’il était inconscient." Amjad avait déjà eu des soucis de santé. Il était suivi consciencieusement, il était aussi très prudent… et pourtant. Yasmine rengorgea ses poumons d’air tout en tournant la tête vers son frère "Je l’ai allongé sur le sol, et j’ai tout de suite appelé les secours." Elle avait agi rapidement quand elle avait compris ce qu’il se passait, mais elle n’avait eu aucun moyen de savoir depuis combien de temps il était inconscient, et c’était ça qui l’angoissait le plus ; car le temps de réaction était d’une importance capitale dans ces moments-là. Elle roula ses lèvres l’une sur l’autre, annonçant enfin en posant sa main sur le genou de Sohan "C’est une attaque cérébrale, ils ont constaté une anomalie d’un vaisseau bouché qui empêche à son cerveau d’être irrigué en sang et en oxygène. Il passera au bloc dans quelques heures après des examens supplémentaires… il est toujours inconscient, il le restera sans doute un moment." Elle se redressa soudain, fermant très fort les yeux en songeant à quelque chose qui lui fit poser une main tremblante sur ses yeux et se fustiger mentalement "J’ai prévenu Hassan, mais j’ai oublié de lui demander de prévenir Qasim et Olivia." Elle se pencha en avant, se levant de moitié, prête à pêcher son téléphone portable dans la poche arrière de son pantalon. Seulement, dans la succession rapide de gestes qu’elle exécuta, elle se montra trop brusque et imprécise. Son téléphone tomba à ses pieds, et le bruit qui s’échappa de l’appareil à cet instant ne présageait rien de bon… comme le juron en arabe qu’elle laissa échapper dans la foulée, et qu’elle étouffa dans les paumes de ses mains derrière lesquelles elle dissimula son visage pour se calmer. |
| | | | (#)Jeu 15 Juil 2021 - 22:27 | |
| Il serre sa sœur dans ses bras quand elle arrive à sa hauteur devant l'entrée du St. Vincent. Il ne relève même pas le fait qu'elle ne réponde pas tout de suite à ses questions. Il est là maintenant et il sera éclairé sur la situation bien plus vite qu'il ne le pense. Elle ne fait pas durer le suspens Yasmine. Ils ne sont pas dans un soap opéra. C'est la vraie vie. La réalité, aussi brutale soit-elle. Elle l'invite à s'asseoir et il la suit sans dire un mot. Il ne sait pas si ce qu'elle va lui annoncer nécessite vraiment qu'il soit assis ou si c'est seulement pour qu'ils soient un peu plus à l'aise que debout devant la porte d'entrée. Sans doute un peu des deux. Il ne se fait pas d'illusion. Amjad se fait vieux. Sa santé décline petit à petit au fil des années et il sait d'avance qu'elle ne va pas lui annoncer qu'il va sortir du St. Vincent en sautant à cloche pied. Ce serait plus qu'utopiste que d'imaginer quelque chose comme cela et Sohan connaît suffisamment sa sœur pour savoir que ce qu'elle va annoncer n'a rien de joyeux ou de léger. Il s'y prépare. Mentalement. Quand il s'assoit, il prend une grande inspiration. Comme si ça allait aider la pilule à passer. Comme si ça allait rendre la réalité des choses bien plus facile à entendre. Étonnamment, le muret sur lequel il avait passé tant de temps assis à attendre sa sœur lui semblait bien moins confortable que d'ordinaire. Cependant, ça ne l'empêche pas d'écouter Yasmine avec attention. Ne manquant pas le ton de l'infirmière se mêlant à celui de sa sœur. Quand elle lui explique ce qu'il s'est passé, il se raccroche à ce qu'il peut. Le fait qu'elle se soit rapidement rendu compte que quelque chose n'allait pas avec leur père. Le fait qu'elle ait vite réagi et appelé les secours après l'avoir allongé sur le sol. Il se dit qu'Amjad n'aurait pas pu être entre de meilleures mains. Malheureusement, la finalité n'est pas joyeuse. Elle est sérieuse. Très sérieuse. Le mot attaque cérébrale raisonne dans ses oreilles. Il a l'impression que c'est le monde qui s'abat sur ses épaules. Au fond de lui, il espérait que ce ne soit pas aussi grave. Il espérait que ce soit une simple chute ou quelque chose du genre. Un accident sérieux, mais qui ne nécessiterait pas plus que beaucoup de repos afin qu'il puisse se remettre sur pied. Là, on entrait réellement dans le genre de choses dont il était persuadé qu'elles n'arrivaient qu'aux autres. Il devait se rendre à l'évidence qu'aujourd'hui, les autres, incluaient son père. "Et le pronostic ? Il va se réveiller hein ? C'est juste le temps de l'opération ? Tu veux dire quoi par 'un moment' ?" Il a des dizaines de questions qui lui traversent l'esprit en même temps, toutes teintées d'inquiétude. Le fait qu'Amjad soit encore inconscient n'aide pas à dissoudre sa peur. Le fait que Yasmine ne soit pas précise sur ce qui l'attend pour la suite n'aide pas non plus. Il ne lui en veut pas cela dit. Il ne peut pas. Ce n'est pas sa faute à elle. Elle n'est pas non plus médecin et se contente de lui transmettre les informations qu'elle a sans doute obtenu des soignants avant qu'il n'arrive à l'hôpital. Elle est dans le flou tout autant que lui.
Il voit bien qu'elle est tout aussi affectée que lui et il se sent soudain coupable qu'elle ait eu à prévenir tout le monde toute seule en plus de devoir gérer non seulement leur père, mais aussi leur mère. Elle avait eu à jouer tous les rôles à la fois, alors qu'elle aussi devait accepter le fait que son père était allongé dans un lit d'hôpital. Quand il s'agissait de la famille, elle n'avait pas à endosser son rôle d'infirmière. "T'en fais pas pour Qasim et Olivia. T'as prévenu Hassan, je suis certain qu'il les préviendra et s'il le fait pas, je m'en chargerai." Parce qu'elle n'avait pas à faire ça toute seule. Il était là maintenant. Il allait prendre la relève ou tout du moins, l'épauler dans cette épreuve. Ensemble, ils étaient plus forts. Ensemble, ils pouvaient tout surmonter. "On peut aller le voir ?" Qu'il demande, alors qu'il s'apprête à se lever, puis il se rappelle soudain qu'outre le fait que son père était inconscient dans la chambre, sa mère était sans doute à ses côtés et c'est une toute autre inquiétude qui l'envahit ensuite. Une qu'il avait mis de côté le temps que Yasmine lui fasse un point sur la situation. Une qu'il avait presque oublié. "Maman sait que tu m'as appelé pour que je vienne ?" Demande-t-il à sa sœur avant d'ajouter. "Je voudrais pas causer une scène, ce serait pas le moment." Parce qu'il se rappelle comment s'est terminée sa dernière rencontre avec sa mère. Elle ne s'attendait pas à le voir. Yasmine en a payé les frais, malgré elle. Parce qu'elle a osé défendre ses intérêts à lui. Il ne veut pas qu'une telle scène se reproduise. Pas ici. Pas aujourd'hui. Il est certain que Fatima est déjà dans tous ses états, il ne voudrait pas être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. "Peut-être que c'est mieux si j'attends là et que j'y aille quand elle partira ?" Ce n'était pas l'idéal, mais si c'était ce qu'il fallait faire pour éviter de faire des histoires, il était prêt à attendre des heures assis sur ce muret. "T'auras qu'à m'envoyer des updates par sms." Il hausse les épaules. Ce n'est pas ce qu'il souhaite, mais il ne sait pas s'il est réellement le bienvenu. |
| | | | (#)Jeu 29 Juil 2021 - 16:34 | |
| ≈ ≈ ≈ {hard meant holding my tears as my world fell apart} crédits gif & code fiche/ (may0osh & malibu) ✰ w/ @Sohan Khadji Elle aurait aimé pouvoir en dire davantage à son frère, lui faire un topo complet de l’état de leur père sans douter une seule seconde de la finalité réelle de ce qui l’attendait après ses examens, après son opération. Mais elle n’était pas logé à meilleure enseigne sous le seul prétexte qu’elle avait longtemps travaillé dans le service. A l’heure qu’il était, Yasmine ne savait que le strict minimum sur l’état d’Amjad et malheureusement, elle en avait déjà fait part à Sohan. Tout compte fait, elle ne pouvait que s’imaginer ce qui allait réellement se passer au cours des prochaines heures ; ce qui l’empêchait plus ou moins de s’enfoncer dans des scénarios catastrophes, c’était qu’elle avait été au plus près de ce genre de situations, qu’elle savait à peu près à quoi s’attendre. En revanche, ceux qui comptaient sur elle, ceux qui attendaient qu’elle éclaircisse la situation et qu’elle mette des mots neutres sur le jargon compliqué des médecins qui passeraient dans la chambre de son père, ils ne savaient pas à quoi s’en tenir, eux. Un peu plus, elle sentit un poids lui tomber sur les épaules, la forçant à garder la tête assez haute pour ne pas entrer dans le champ infini des suppositions à apporter à son entourage. Elle savait très bien que ça ne rendrait service à personne de déformer les choses pour mieux faire passer la pilule amère qu’ils étaient forcés d’avaler. Non seulement parce qu’elle refusait de laisser ses propres pensées tabler sur la pire des conclusions avant d’avoir eu la preuve irréfutable que les analyses d’Amjad n’étaient pas critiques, mal préparée au sujet du pire qui pourrait arriver pour ne pas s’en remettre à ce qu’elle avait appris, à cette science en laquelle elle croyait aussi fort qu’en l’entité qui veillait sur elle depuis qu’elle était née, mais aussi parce qu’elle estimait qu’elle ne devait pas alimenter une forme d’idéale que ses proches étaient en droit d’attendre d’un certain côté. Sohan, Fatima, Hassan, Qasim, Olivia, monsieur Davis… ils méritaient la vérité. Et cette dernière, c’était que le pire comme le meilleur pouvait leur tomber dessus au cours de cette journée qui serait probablement la plus longue qu’ils vivraient jamais. Les questions de Sohan pleuvaient, et elle ne saurait lui en vouloir. Pour autant, à chaque fois qu’elle sentait pointer ses interrogations dans sa direction, elle sentait son abdomen se contracter péniblement et sa gorge se serrer si fort qu’elle savait que dans peu de temps, elle se mettrait à pleurer. C’est sans doute pour cette raison qu’elle s’obstina à, de nouveau, ne pas lui répondre tout de suite, ravalant son chagrin avec une dignité qui lui était propre, gardant à l’esprit que tout le monde avait de la peine et que ce n’était pas parce qu’elle avait été en première ligne qu’elle avait plus le droit que quiconque de laisser aller ses émotions. Seulement, l’expression du visage de son père, pâle et immobile sur le sol du salon de la maison familiale, lui revenait sans cesse, même quand elle fermait les yeux pour se recentrer.
Puisqu’elle était supposée être celle qui en avait vu suffisamment pour ne pas s’émouvoir de ce genre de choses, elle se somma sévèrement de se contenir et de ne rien anticiper ; il fallait laisser les nouvelles venir et les accepter. Ainsi, prenant une grande inspiration dans l’espoir que cette résolution s’infiltre en elle, elle tourna la tête vers son frère pour lui dire, la sérénité qu’elle laissa filer étant aussi douloureuse que le sourire qu’elle lui adressa pour le réconforter pudiquement "Je voudrais tellement t’en dire plus. Mais tu sais, le fait que j’ai travaillé ici une dizaine d’années ne me donne aucun passe-droit, et tout le monde s’obstine à me traiter comme ce que je suis ; la fille cadette de l’homme admis il y a à peine quelques heures." Elle secoua la tête, un peu fâchée contre ses anciens collègues, et elle détourna les yeux, les sentant se remplir d’une vague de quelque chose qu’elle contra rapidement en reprenant la parole "Et j’ai pas envie de vous forcer à entendre les suppositions d’une infirmière." Elle ne voulait pas se tromper, elle ne voulait pas leur donner de faux-espoirs non plus "Ça vous aidera pas à mieux gérer les choses, ça fera que les rendre insupportables." conclut-elle en s’en voulant d’avoir un tel discours sur le moment, elle qui avait pour réputation d’être si douée pour rassurer les familles et pour leur changer les idées. Là, elle ne parvenait même pas à rester assez placide elle-même, et son téléphone portable qui tomba au sol ne fit qu’accentuer cette sensation qu’elle avait de jouer avec les apparences parce que c’était ce qu’on attendait d’elle — qu’elle puisse gérer cet incident comme elle l’avait fait des centaines de milliers de fois avec d’autres patients. Mais elle avait déjà eu une vision nette de l’effet qu’avait les blessures de son entourage sur son mental à l’époque où Edgerton avait fait un séjour prolongé à quelques étages d’ici. Yasmine peinait trop à traiter ces admissions comme de simples admissions justement, et le fait que c’était son père qu’elle avait vu inconscient ne l’aidait pas sur le moment. C’était même le pire cas de figure qui aurait pu se présenter à elle, un de ceux qu’elle avait toute sa vie refusé d’imaginer parce que trop difficile à supporter pour elle d’envisager un avenir sans que ses parents ne soient à ses côtés. Ils n’étaient pas parfaits, ils avaient les idées bien arrêtées et des progrès monstres à accomplir sur certains sujets… mais ils restaient des gens profondément bienveillants, mais aussi des fondations solides à la vie qu’elle avait su se créer. Les imaginer assez faibles pour s’effondrer, c’était lui rappeler qu’ils n’étaient pas immortels et qu’elle devait se faire à cette idée dans un futur plus proche qu’elle n’était capable de le supporter pour le moment. Rassurée par les paroles de son frère à propos d’Hassan et Qasim, elle se pencha pour récupérer son téléphone d’une main chancelante. Yasmine le retourna pour se rendre compte qu’il était fêlé sur toute la longueur. Elle le déverrouilla. Le contraste de l’écran était faible, mais pas assez pour qu’elle ne parvienne pas à lire le texto qu’Edge lui avait envoyé et auquel elle répondit sans attendre — et elle changea d’idée, lui demandant de venir quand il le pourrait, sentant qu’elle ne mettrait plus bien longtemps à craquer comme le verre de l’appareil qu’elle finit par glisser dans la poche avant de son pantalon à l’instant où Sohan lui demanda s’ils pouvaient voir Amjad. Elle leva doucement la tête vers lui quand il amorça un geste pour se lever, et elle l’empêcha de se rassoir, le poussant doucement pour qu’il change d’avis quand, dans son regard, elle vit passer la réalisation qu’il venait d’avoir. Dans d’autres circonstances, il n’aurait pas été le bienvenue, ils le savaient tous les deux sans avoir besoin de prétendre le contraire pour ne pas se faire mutuellement de la peine, et une certaine forme de colère déferla dans le corps de la jeune femme. Secouant la tête de gauche à droite, elle fronça les sourcils en le regardant fixement "Maman n’est pas assez têtue pour m’interdire de te mettre au courant que papa est à l’hôpital." Fatima avait ses défauts certes, elle avait aussi des qualités, dont une qu’elle s’empressa d’exposer en ne cillant pas, pas même une fois "Mieux, elle n’est pas assez stupide pour s’imaginer que je vais accepter d’en faire un secret." lui répondit-elle, réalisant que ce qui était en train de se passer, elle l’avait toujours secrètement redouté, et que ça la mettait profondément en colère en plus de lui briser le coeur ; que Sohan ne puisse jamais se rabibocher avec ses parents avant que quelque chose de cette sorte leur arrive un jour, ça représentait à peu près tout ce qui l’avait motivé à refuser de faire comme si leur brouille était immuable. Les sourcils toujours froncés, elle se leva elle aussi. Yasmine attrapa la main de son frère sans lui laisser le choix de la repousser "Elle ne causera pas de scène parce qu’elle sait que ta place est là-bas, à côté du lit de papa, et pas dans le couloir comme un simple visiteur à qui j’enverrais de vulgaires textos pour le rassurer. Tu montes, c’est pas négociable." Yasmine avait toujours farouchement bataillé aux côtés de Sohan, et ce n’était pas aujourd’hui que les choses changeraient. La main dans la sienne, elle le tira un peu pour le faire avancer quand elle-même se mit en marche, et avant qu’ils ne passent les portes automatiques des urgences, elle s’arrêta pour lui déposer un baiser sur le joue. Dans la foulée, ses yeux cherchant les siens, et la détermination chassant le chagrin dans ses prunelles, elle lui dit en sentant sa voix se fêler, mais sans abandonner sa douce fermeté à ce sujet "S’il se passe quelque chose une fois qu’on sera là-bas, j’en prends la responsabilité. Ça va aller, je te promets." |
| | | | (#)Mar 24 Aoû 2021 - 22:44 | |
| Il était persuadé qu'elle aurait eu des passes-droits. Persuadé que ses anciens collègues l'auraient traitée comme telle sans prendre en compte qu'il s'agissait de son père allongé dans ce lit d'hôpital dans une situation plus qu'incertaine. Naïvement, il avait pensé que tout ce qu'on pouvait voir dans les séries médicales, les médecins relayés au rang de simples membres de la famille lorsque l'un de leur proche se trouvait sur le billard ne s'appliquerait pas à leur situation. Que c'était une de ces fantaisies de plus que l'on pouvait voir dans ce genre d'émissions. Pourtant, il ne fallait pas être un génie pour comprendre que c'était peut-être la chose la plus réaliste qu'ils arrivaient à retranscrire à la télévision. Après tout, dans ce contexte, Yasmine n'était pas infirmière. Elle n'avait pas à être forte ou à se vouloir rassurante. Sohan savait qu'elle était morte de trouille, elle aussi. Ce n'était donc pas juste de sa part d'espérer qu'elle ait les réponses à toutes ses questions. Elle est dans le flou, tout autant que lui, malgré le fait qu'elle soit bien plus calée en médecine qu'il ne le serait jamais. "J'y avais pas pensé. Désolé." Lui répond-il. Il s'excuse parce qu'il trouve ça important. Il s'excuse pour lui faire comprendre qu'elle n'a pas à porter toute la pression de la situation sur ses épaules. Elle a été celle qui a vu leur père en rentrant à la maison, celle qui a appelé les secours et fait en sorte qu'il soit pris en charge si rapidement. Elle en avait déjà fait beaucoup. Il était là maintenant. Prêt à prendre le relai. Prêt à l'épauler. C'était son rôle. "En revanche, tes suppositions d'infirmière seront toujours mieux que nos suppositions tirées d'internet ou des scénarios qu'on peut voir à la télé." Ajoute-t-il, en haussant les épaules. Ce n'était pas qu'il était du genre pessimiste, mais il avait parfois du mal à voir le positif. Aujourd'hui en particulier. Sans doute parce que c'était l'inconnu auquel il était confronté. Parce que c'était soudain aussi et sûrement parce qu'il se rendait compte de la manière la plus brutale qui soit que la vie ne tenait qu'à un fil. Qu'en un instant tout pouvait basculer. Que son père qui allait bien la veille selon les sms que sa sœur lui avait envoyé était maintenant bien loin de cette réalité-là.
Le téléphone portable de sa sœur qui vient rencontrer le sol lui rappelle soudain qu'elle est dans la même situation que lui. Qu'elle ne vit pas la chose avec plus de facilité. Il inspire, se tient un peu plus droit, comme pour se préparer à prendre la situation en main, à débarrasser sa sœur du fardeau qui pèse sur ses épaules. Il peut gérer. Il veut gérer. Il commence par la rassurer quant à Qasim et Olivia. Quand bien même Hassan ne les aurait pas encore prévenus, il aura le temps de les appeler tout à l'heure, il lui assure. Ils n'habitaient pas la porte à côté de toute façon et avec les enfants, n'avaient pas forcément le loisir de sauter dans le premier avion à destination de Brisbane pour accourir. Ils ne leur tiendraient donc pas rigueur de ne pas avoir été prévenu plus tôt. Pour l'heure, Sohan souhaite simplement accéder à la chambre de son père. Il ne sait pas vraiment ce qui l'attend une fois qu'il sera en face de son lit, mais l'incertitude est encore plus dure à vivre. C'est donc pour cela qu'il s'empresse de demander à sa sœur s'il peut aller le voir. Elle n'a pas plus de détails quant à ce que le futur à en réserve pour la santé d'Amjad, alors, attendre dans le couloir n'a aucun intérêt. Il n'est pas complètement levé quand il est sur le point de se rassoir. Yasmine l'en empêchant. Comme si elle lisait dans ses pensées. Ou peut-être parvenait-elle à interpréter les expressions qu'elle pouvait lire sur son visage. Elle ne lui laisse donc pas le choix. Lui, il souhaiterait soudain se raviser. Pas certain de pouvoir affronter sa mère une fois dans la chance. Il ne voulait pas envenimer les choses. Il savait qu'il n'était pas le bienvenue en temps normal, il ne savait pas quelle était la position de sa mère aujourd'hui. Sa cadette a l'air confiante. Comme toujours. Elle semble bien plus téméraire que lui qui aurait plutôt tendance à faire l'autruche. "Elle n'est pas si têtue que ça, mais elle l'est peut-être assez pour refuser que je sois là." Répondit-il. Il avait pourtant du mal à imaginer sa mère faire une scène. Surtout ici. Elle qui accordait une si grande importance à ce qu'on pouvait penser. Accepter l'homosexualité de son fils faisait mauvais genre, mais piquer une crise dans une chambre d'hôpital alors que son mari est allongé inconscient dans un lit, branché à des machines, était sans doute pire. Elle marquait des points, Yasmine, même si elle ne parvenait pas à faire oublier à Sohan le nœud qu'il avait dans l'estomac. Il aimerait dire qu'il avait été complètement convaincu par les mots de sa sœur, mais il fallait avouer que c'était la main de sa cadette, l'entrainant avec elle qui avait forcé ses pieds à bouger. L'un après l'autre. "J'espère que tu as raison. Je voudrai pas en rajouter une couche." Déclare-t-il en haussant les épaules "C'est déjà suffisamment délicat comme situation, j'ai peur d'être de trop ou de ne pas avoir ma place malgré tout. Et puis, est-ce que papa voudrait que je sois là ?" Il savait que ça n'avait pas d'importance pour aujourd'hui, Amjad n'était pas en mesure de savoir qui était présent ou non, mais il ne pouvait empêcher cette pensée de lui traverser l'esprit. Et s'il se réveillait alors que Sohan était là. Et si Sohan était la première personne qu'il voyait en ouvrant les yeux. Ne serait-il pas déçu. N'aurait-il pas honte ? Ne serait-il pas en colère que Sohan ait osé venir, après tout ce qu'ils s'étaient dit des années plus tôt ? Il suit pourtant sa sœur dans les couloirs, ses mains de plus en plus moites. Quand Yasmine s'arrête devant une porte fermée, il sait que c'est là. Que derrière, il sera non seulement confronté à sa mère, mais aussi à la vision de son père dans un lit d'hôpital. Ca lui semblait soudain beaucoup pour une seule fois et il avait cette envie de faire demi tour. Il n'était cependant pas capable de le faire. Pas maintenant. "Tu veux pas rentrer avant moi ? Juste pour prévenir maman que je suis là ? Histoire qu'elle ne soit pas prise de court." Histoire aussi qu'il puisse respirer un instant, qu'il se prépare au regard désapprobateur de sa mère ainsi qu'à tout ce qu'elle pourrait lui dire quand elle le verrait passer le seuil de la porte. "Je te promets que je ne vais pas fuir, mais je préfère qu'elle soit prévenue." Et comme pour lui prouver son ultime bonne foi, il lui tend son annulaire pour qu'elle le saisisse. Elle qui savait mieux que personne qu'une pinky promise avait plus de valeur que tout. |
| | | | (#)Jeu 9 Sep 2021 - 14:34 | |
| ≈ ≈ ≈ {hard meant holding my tears as my world fell apart} crédits gif & code fiche/ (may0osh & malibu) ✰ w/ @Sohan Khadji Sohan n’avait pas à lui présenter d’excuses et d’ailleurs, elle ne s’arrêta pas dessus, estimant qu’il n’avait pas besoin de se justifier quant à la manière dont il avait imaginé que les choses se dérouleraient une fois qu’il aurait rejoint sa famille à l’hôpital de la ville. Elle n’en voulait à personne de lui faire tenir le rôle de la messagère, elle l’endossait avec une grâce qui faisait qu’elle était douée pour ce qu’elle faisait et qui lui venait aussi naturellement que l’action de respirer. Mais c’était un fait, elle n’en savait pas plus que les membres de sa famille à propos de ce qui arriverait bientôt à Amjad. L’impuissance qui s’infiltra en elle fût plus douloureuse encore que l’image de ce dernier étendu sur le sol. Mais elle saurait s’en remettre, et elle ne s’en laissait pas le choix d’ailleurs. Debout sur ses deux pieds, elle savait qu’Edge ne tarderait pas à arriver comme elle lui avait finalement demandé, et que grâce à ce qu’il lui apporterait comme réconfort, mais pas seulement, elle saurait retrouver une pensée plus logique, plus optimiste aussi. Elle prit une légère inspiration. Elle faisait confiance au corps médical pour s’assurer de suivre les progrès du vieil homme avec une attention que là, en revanche, elle pourrait mettre sur le compte de l’affection que certains de ses collègues lui portaient toujours. Le séjour d’Amjad entre les murs de l’hôpital serait long et dans un sens, plutôt ironique pour le coup, ça la rassurait qu’il le passerait ici et pas ailleurs. Chacun avait assez de respect pour elle pour prendre soin de lui comme s’il faisait partie de leur propre famille. C’est ce qui soulagea l’angoisse de Yasmine sur le moment, de se dire qu’en plus des visites qu’il recevrait sans aucun doute possible, il serait entouré de professionnels qu’il le traiterait avec tout le respect qu’il méritait non seulement de par son grand-âge, mais surtout parce qu’il avait élevé l’un des meilleurs éléments du service le plus vivant de l’établissement. Il fallait qu’elle s’accroche à cette certitude qui mûrissait en elle, il fallait qu’elle trouve un moyen de relativiser la situation sans pour autant trahir ce qu’elle savait déjà, et qui mettait en exergue la pénibilité des semaines qui les attendaient tous.
Tout irait bien, c’est ce à quoi elle songea résolument quand elle reposa son regard sur Sohan, et c’est ce qu’elle continua de penser quand elle prit sens de la requête qu’elle voyait naître dans son regard aussi clair que le sien. Il voulait voir son père, et elle le comprenait, comme elle comprenait les réticences qu’il avait de se réinsérer dans une dynamique qu’il avait quitté de force et ce à cause de raisons aussi injustes qu’elles étaient incompréhensibles aux yeux de la cadette de la famille "Je suis là, Sohan." lui répondit-elle tandis qu’il laissait filer son appréhension. Une certitude qu’elle n’avait pas besoin d’expliciter tant il avait toujours été établi entre eux, et ce d’une façon aussi spontanée que leur lien était fort et solide, qu’elle était sa protectrice, celle qui s’élancerait en première ligne pour le défendre, quoi qu’il arrivait, quoi qu’elle risquait. Elle serra sa main plus fort dans la sienne, et même si elle s’en voulait un peu de persister pour qu’il ne flanche pas face à son anxiété de se retrouver au centre d’un cocon duquel il avait été injustement expulsé, elle se disait aussi qu’elle n’aimerait pas qu’il nourrisse des regrets à ce sujet, et qu’il fallait qu’elle se fasse violence pour lui faire définitivement entendre qu’en effet, sa place était auprès de son père. L’avis de ce dernier sur la question, elle préférait ne pas s’y arrêter. Au fond, qui savait vraiment ce qui se passait dans la tête d’Amjad Khadji à ce moment très précis ? Et alors qu’ils marchaient dans le dédale d’escaliers du St-Vincent, elle dit doucement à son frère "Je crois pas que ça a beaucoup d'importance pour le moment. Je sais juste que quelque part, il regretterait que tu sois pas là pour veiller sur lui comme on le fait tous." commença-t-elle "Il est comme maman, il est pas parfait… mais il t’a toujours aimé, j’en suis persuadée." Et elle appuya ses propos en hochant la tête, farouchement convaincue par ce qu’elle venait d’avancer. En vérité, ça la perturbait beaucoup que tous les gens auxquels elle tenait le plus avaient une vision faussée de l’un et de l’autre — un peu comme si elle seule avait la capacité de voir les qualités et les défauts de chacun avec une clairvoyance qu’elle imputait à la proximité qu’elle gardait avec tous, se retrouvant à passer d’un groupe à un autre avec une aisance dont elle ne savait pas détentrice, trop mal à l’aise avec le conflit pour se féliciter de ce don-ci. Certes, Amjad et Fatima avaient eu du mal à gérer l’orientation sexuelle de leur fils, mais est-ce qu’ils ne l’aimaient plus pour autant ? Yasmine avait des doutes à ce sujet, comme elle avait des doutes sur l’idée que c’était une mauvaise idée de convaincre Sohan de ne pas être présent dans cette épreuve difficile. C’était compliqué, mais elle s’obstinait à garder une part de neutralité, sinon elle perdrait la tête, elle le savait. Elle sentit le pas de son frère ralentir à ses côtés, et sa paume contre la sienne se raffermit un peu plus comme pour le retenir, comme pour l’empêcher de flancher. Elle savait ce qu’il allait lui demander, c’était aussi clair pour elle qu’elle le connaissait par coeur et que sa délicatesse n’avait d’égale que sa gentillesse. Elle tourna la tête dans sa direction "Bien sûr, si c’est ce que tu v…" Mais le bruit étouffé d’une porte qu’on ouvre, puis qu’on refermer, la fit marquer un temps, et tourner la tête de l’autre côté. Fatima sortit de la chambre de son époux avec sur le visage un masque que ses enfants ne lui avaient connus qu’à quelques occasions : quand Hassan avait dû se battre contre sa leucémie, et qu’elle tachait de garder la face tout en s’inquiétant profondément pour lui. Mais elle était digne Fatima, elle savait prendre sur elle autant qu’elle savait en faire des tonnes, et lorsqu’elle se rendit compte de la présence de ses deux enfants dans le couloir, elle redressa sa petite silhouette pour poser sur eux un regard doux que les paroles en arabe de sa fille raviva tout à coup "Maman, c’est moi qui l’ai fait venir." La main de Fatima se leva pour faire taire sa fille qui obéit, et après quelques secondes de silence durant lesquelles les yeux de leur mère se posa alternativement sur la fille et le fils, elle choisit de s’attarder sur ce dernier pour lui dire tout en s’approchant de lui "C’est bien que tu sois ici." lui dit-elle avant de le prendre dans ses bras tandis que la main de Yasmine continuait à serrer celle de son frère avec une force encourageante alors qu’il voyait tous ses doutes balayés par l’accueil que Fatima lui faisait. |
| | | | (#)Mer 22 Sep 2021 - 22:41 | |
| Sohan avait beau avoir trente-huit ans. Il avait beau être l'aîné. Il avait besoin des paroles rassurantes de sa sœur. Elle, qui était un de ses piliers. Elle qui semblait toujours avoir un mot rassurant. Elle était bienveillante, se montrait toujours pleine de sagesse quand il s'agissait de lui. Elle voyait les nuances quand lui voyait tout noir ou tout blanc. Il avait parfois du mal à la croire, parfois du mal à garder l'espoir alors qu'elle le nourrissait sans limite. Cependant, il portait toujours une attention toute particulière à ce qu'elle pouvait bien penser. Ce qu'elle pouvait bien dire. C'était pour cela qu'il se tournait vers elle, sans honte, quand il avait besoin qu'elle le rassure. Même aujourd'hui. Même quand le fait qu'il ne parle plus à leurs parents depuis des années n'est plus qu'un détail. Que ça devrait être la dernière chose qui lui vient à l'esprit dans une situation pareille. Mais, il est comme ça Sohan. Il réfléchit beaucoup et si sa première idée aurait été de courir jusqu'à la chambre de son père, d'ouvrir la porte en trombe et se mettre à son chevet, il est bien vite rattrapé par la réalité. Il se rappelle que Fatima est dans la chambre. Il se rappelle qu'il n'était plus le bienvenu aux côtés de son père. Il se rappelle comment s'est terminée sa dernière interaction avec sa mère. Yasmine en avait pâti. Dès le début, elle s'était retrouvée entre les deux. Dès le début, elle s'était retrouvée à composer avec cette situation compliquée. Sans se plaindre et en tachant d'être disponible pour tout le monde. Il lui demandait une fois de plus d'être sa lumière dans l'obscurité. Elle remplit son rôle à merveille. Elle le rassure. Affirme que leur père serait déçu s'il n'était pas présent. Il n'en a pas la preuve, mais il n'a pas d'autre choix que lui faire confiance. D'expérience, il sait qu'elle a souvent le nez fin, qu'elle est douée pour faire attention aux détails. Il est donc rassuré. Il sent même son coeur se serrer quand elle mentionne qu'Amjad l'a toujours aimé. Non pas qu'il en doutait, mais il devait bien avouer que c'était le genre de choses auquel il ne pensait pas forcément. Ca avait été acquis dans son esprit pendant des années. Occulté depuis que leurs liens avaient été rompus. "D'accord ..." Répond-il simplement. Parce qu'elle est convaincante, Yasmine et qu'elle est convaincue aussi. Il se dit que si quelqu'un y croit dur comme fer pour eux deux, alors, tout se passera bien. Il s'en remet à elle et continue de la suivre.
Il ne traîne pas le pas, ne fait pas tout pour repousser l'échéance. Le moment où ils se trouveront devant la porte de la chambre et qu'il faudra finalement entrer. Le moment arrive pourtant bien plus vite qu'il ne l'aurait pensé. Les couloirs de l'hôpital qui d'ordinaire lui paraissaient interminables ont été traversés à une vitesse folle. Il ralentit, intentionnellement. Comme si les mots de sa soeur, malgré le fait qu'ils résonnaient encore dans sa tête ne suffisait pas à chasser ses doutes complètement. Son père ne dirait rien, il ne fallait pas être un génie pour savoir qu'inconscient, il ne se rendrait probablement pas compte de sa présence. Cependant, derrière cette porte, il y a sa mère, Fatima. Elle aurait sans doute son mot à dire ou tout du moins, la capacité de le faire si elle le souhaitait. Il n'était pas compliqué pour lui d'imaginer qu'elle était probablement dans tous ses états et il ne voulait pas en rajouter une couche. Il se dégonfle donc, à moitié. Invite sa sœur à rentrer avant lui, pour tâter le terrain, une dernière demande avant qu'il ne puisse plus repousser le moment fatidique. Elle n'a cependant pas le temps de répondre, Yasmine. Elle commence, esquisse un début de réponse avant d'être coupée par la porte qui s'ouvre soudainement. C'est Fatima qui sort de la chambre. Fatima qui s'arrête quand elle remarque que Yasmine est maintenant accompagnée. Sohan, lui, n'ose pas dire quoi que ce soit. Il regarde sa mère, sans un mot. Il attend une réaction de sa part, comme si le simple fait de bouger pouvait influencer sa réaction à elle. C'est Yasmine qui rompt le silence. C'est la voix de sa sœur qui résonne. Elle prend la responsabilité pour elle. S'il est là, c'est qu'elle lui a demandé. Il ne s'attend pas à la réaction de sa mère. Il lui faut d'ailleurs un moment pour réagir à son tour. Pour comprendre que les mots qui sortent de sa bouche lui sont adressés. Il lui faut encore quelques secondes pour passer ses bras autour de sa mère quand celle-ci fait le premier pas. Il paraît sans doute un peu tendu, plus habitué à ce genre de contact vis-à-vis de cette dernière. Il finit cependant par lâcher la main de Yasmine pour passer ses bras autour de Fatima, déployant son énergie pour ne pas laisser couler les larmes qui menacent de s'échapper de ses yeux. "Je pouvais pas ne pas venir." Lui répond-il avant de se reculer et de plonger son regard dans le sien. "On est tous là maintenant, ça va aller. Yasmine m'a raconté ce qui s'est passé." ajoute-t-il tentant de se montrer aussi sûr de lui que possible. Instinctivement, il tourne la tête vers sa soeur, la cherche du regard, comme s'il avait du mal à croire qu'il était réellement en train de parler à leur mère sans sentir une once d'animosité ou de gêne. "Je peux entrer le voir ?" Demande-t-il, par respect, parce qu'il se dit que c'est aussi un moyen de montrer qu'il n'est pas là pour causer d'histoire. |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 12:33 | |
| ≈ ≈ ≈ {hard meant holding my tears as my world fell apart} crédits gif & code fiche/ (may0osh & malibu) ✰ w/ @Sohan Khadji C’était tout ce que Yasmine avait toujours redouté en vérité, que la brouille entre Sohan et leurs parents prenne fin dans un moment dramatique. Elle avait alimenté cette crainte pendant de nombreuses années, elle s’était réfugiée derrière des scénarios inutiles qui lui avaient permis de ne pas sentir son estomac se nouer davantage quand elle imaginait qu’ils se retrouveraient tous dans la même pièce au moment où l’un d’entre eux serait au plus mal. Lors de son voyage humanitaire au Niger, elle n’avait pas boudé ses prières pour songer à l’éventualité que son absence permettrait à sa famille de se revoir. Dans son utopie personnelle, elle serait rentrée en Australie sous leurs sourires soulagés. Malheureusement, la réalité avait été bien différente. Rien ne s’était passé comme son esprit aurait voulu que ça se passe, ajoutant même à la charge déjà élevée de ses regrets une rancoeur incompréhensible entre Sohan et Hassan. Ça n’avait fait que donner à ses nombreux songes une dimension insupportable. Là encore, elle avait espéré que les deux amis reviennent l’un vers l’autre, et sa détermination à y croire avait payée… est-ce que ce serait le cas pour Sohan et leurs parents ? Il fallait qu’elle se contente de ce qu’on lui donnait, et bien qu’elle ne supportait pas l’idée que leur réconciliation se fasse sous l’ombre de la fatalité dans sa forme la plus cruelle, elle ne pouvait pas prétendre que ça ne l’apaisait pas de compter sur la présence de son frère aîné dans ce moment pénible. Amjad était inconscient, il ne se rendrait probablement pas compte qu’il était présent — encore qu’elle était persuadée du contraire —, mais il sentirait l’aura bienveillante d’un fils qu’il avait mis à l’amende il y avait des années maintenant. Il lui devrait une fière chandelle, et les Khadji étaient profondément reconnaissants. Alors qui sait, peut-être que cette faveur qu’il devrait à son fils pousserait son père à revoir ses jugements et à accepter qu’il avait fauté en le considérant comme indigne de l’éducation qu’il lui avait pourtant inculqué. S’excuserait-il ? Yasmine l’espérait. Il faudrait qu’il prenne conscience de la manière dont son fils avait évolué, de la manière dont, toute sa vie, il s’était tenu aux valeurs qu’il avait appris en faisant partie du clan Khadji. Il n’aimait pas celles qu’on aurait voulu qu’il aime, il n’en était pas moins un digne représentant d’une instruction qui l’avait rendu bon.
Yasmine ne s’était pas rendu compte qu’elle avait retenu sa respiration lorsque Fatima avait fait son apparition dans le couloir. Elle en prit conscience uniquement quand elle s’approcha de Sohan pour le prendre dans ses bras, et que rassérénée par sa réaction, elle laissa une fine colonne d’air s’échapper de ses poumons. Elle gardait en tête la manière dont elle s’était comportée lorsqu’ils s’étaient vus la dernière fois, et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était le jour et la nuit. Fallait-il l’imputer aux craintes qu’elle nourrissait de voir son époux aller de plus en plus mal ? Yasmine ne voulait pas y réfléchir pour l’instant. Elle préférait voir dans le geste de sa mère une avancée significative dans la résolution du conflit avec son fils. La main de Fatima se porta au visage de sa fille quand, rompant l’étreinte avec Sohan, ce dernier lui indiqua qu’il était au courant, qu’elle lui avait raconté "Heureusement qu’elle est là, ta soeur." laissa-t-elle échapper, et la tête de Yasmine se secoua énergiquement pour faire entendre à sa mère qu’elle ne méritait pas de louanges. Elle lui prit la main qu’elle avait posé sur son visage, la serrant dans la sienne quand elles se tournèrent à l’unisson vers le jeune homme qui émettait son souhait de rentrer voir son père. Yasmine laissa un regard en coin s’attarder sur le profil aiguisé de Fatima qui sous le rose parme de son voile, paraissait étonnamment pâle. Elle restait magnifique toutefois, d’une grâce que la lueur brillant dans ses grands yeux verts rendait touchante au point de donner envie de pleurer à Yasmine. Mais elle ne le fit pas. Elle prit sur elle avec une force phénoménale tandis que Fatima disait à Sohan "Tu peux entrer le voir. Je reviens dans une minute, j’ai besoin de voir un médecin pour qu’il m’en dise plus sur les heures à venir." Yasmine empêcha Fatima de partir en serrant un peu plus sa main, le temps de lui demander avec douceur "Tu veux que je vienne avec toi ?" Et Fatima, par un baiser qu’elle déposa sur la joue de sa fille, lui signifia que non "Reste avec ton frère." lui murmura-t-elle au passage. Cette mission, Yasmine la prenait à coeur, et alors qu’elle prenait une profonde inspiration en regardant sa mère remonter le couloir vers l’angle du service, elle se ressaisit. Enfin, elle regarda Sohan, et elle lui dit "Tu veux que j’entre avec toi, ou tu préfères le faire seul ?" Elle pencha la tête, tendit la main pour remettre en place le col de la veste de son frère — comme si c’était important qu’il présente bien… alors que non, c’était juste une façon pour elle de s’occuper les mains sur le moment, et de canaliser ses émotions qu’elle sentit dévaler dans le creux de son estomac quand, tout doucement, elle ajouta "Je suis désolée de ce que je vais te dire maintenant, mais… ne te laisse pas impressionner par son apparence d’accord ? Il est très pâle, mais c’est tout à fait normal." Elle hocha la tête pour appuyer ses dires, puis elle releva la tête pour affronter ses yeux quand elle poursuivit "Tu peux lui parler. On ne sait pas encore s’il nous entend… je pense que c’est ce que maman est partie demander au médecin. Mais ça fait du bien de s’imaginer qu’il peut se raccrocher à nos voix." Elle épousseta des poussières invisibles sur les épaules de son frère, et après un silence de mise, plus lourd de sens qu’elle ne l’aurait souhaité, elle lui demanda en plongeant ses yeux dans les siens "Prêt ?" |
| | | | (#)Dim 24 Oct 2021 - 21:02 | |
| Il n'aurait jamais imaginé qu'il trouverait le moyen de rire dans un moment comme celui-là, Sohan. Pourtant, c'était bel et bien ce qu'il était en train de faire. Il ne pu empêcher ce rire de s'échapper de ses lèvres quand Fatima vint chanter les louanges de Yasmine. Oui, heureusement qu'elle était là, sa sœur. Il ne pourrait jamais contredire sa mère sur ce point. Il y avait des dizaines de situations qui pourraient lui venir en tête et pour lesquelles il se dirait qu'il avait de la chance que Yasmine soit là. Ca ne se limitait pas à aujourd'hui. C'était une réflexion qu'elle aurait pu faire des années plus tôt et une qu'elle pourrait réitérer à maintes reprises dans le futur pour tout un tas d'autres situations qui viendraient à se présenter. "Je sais pas ce qu'on ferait sans elle." Qu'il vient ajouter, pour en remettre une couche. Il n'avait jamais été du genre à tarir d'éloges quand il s'agissait de sa cadette. Il était son plus fervent supporter et il devait aussi le reconnaître, il manquait peut-être un peu d'objectivité quand sa personne était concernée, mais après tout, il était son frère aîné et si lui ne manquait pas d'objectivité, qui le ferait à sa place ? Après tout, la ténacité de Yasmine et son espoir sans faille venait une fois de plus de se manifester sous la forme d'une simple étreinte de sa mère. Une étreinte que Sohan attendait depuis des années. D'ailleurs, il n'en attendait pas tant, il n'avait jamais demandé à ce que sa mère fasse preuve d'une quelconque tendresse à son égard depuis qu'il avait annoncé son homosexualité. La seule chose qu'il avait souhaité depuis que leur lien s'était complètement rompu était simplement de renouer le contact. Il s'en sentirait d'ailleurs presque gêné, s'étant préparé à un accueil des plus froids. Il avait du mal à savoir comment il devait réagir, comme si d'un instant à l'autre il allait se réveiller de son rêve et réaliser que tout cela n'était qu'illusion.
Cependant, le lieu où ils se trouvaient était bien réel. L'appel de sa sœur un peu plus tôt dans la journée pour l'informer qu'Amjad était à l'hôpital l'était tout autant et c'était donc la raison de sa présence ici. Il n'avait plus qu'une chose en tête à présent, voir son père, malgré toute l'appréhension qu'il pouvait ressentir. Fatima choisit ce moment pour s'éclipser, elle qui souhaite voir un médecin pour obtenir plus d'informations. Sohan pouvait entendre l'inquiétude dans sa voix et savait qu'elle avait besoin de rationaliser les choses. Il était un peu comme elle sur ce point-là, raison pour laquelle il avait assailli Yasmine de questions quand il était arrivé à l'hôpital, ne pensant pas une seule seconde qu'elle n'en savait pas beaucoup plus que lui. Il aurait aimé ne pas s'appuyer autant sur elle, il avait déjà l'impression de trop lui en demander, l'impression de lui faire porter un poids sur les épaules qu'elle n'avait pas à porter, mais en même temps, sa présence était rassurante. "Je préfère que tu rentres avec moi. Sauf si t'en as pas envie. Je ne veux vraiment pas te forcer, t'en a déjà assez fait." Lui répond-il. Il lui laisse le choix, parce qu'il est adulte et qu'il peut gérer le fait de voir son père dans un lit d'hôpital sans que sa sœur cadette soit là pour lui tenir la main. Cependant, il avait peur de ce qu'il allait voir derrière la porte, il n'avait jamais vu son père malade. Ou tout du moins, il n'en avait pas le souvenir. Amjad était ce genre de personne qui ne se plaint jamais et ne laisserait jamais la moindre douleur apparaître sur son visage. Il était du genre à repousser ses rendez-vous chez le médecin, parce qu'il ne voulait pas prendre la place de quelqu'un qui en aurait sans doute plus besoin que lui, selon ses dires. Le fait que Yasmine soit infirmière et donc parfaitement à même de lui rappeler à quel point prendre soin de sa santé pouvait être important n'était finalement pas un argument pesant très lourd. Cette situation était donc une première et elle était bien plus sérieuse qu'une simple grippe qui l'aurait cloué au lit une bonne semaine, pas plus. Elle trouve cependant les mots pour rendre les choses un peu plus faciles. Elle lui explique ce à quoi il doit s'attendre une fois que la porte de la chambre sera ouverte et qu'ils entreront à l'intérieur. Il prend un instant pour digérer toutes les informations qu'elle vient de lui transmettre, avant de reprendre la parole. "Ok. Je suis prêt." Ou tout du moins aussi prêt qu'il ne le sera jamais dans une situation comme celle-ci. Il prend une grande inspiration avant de se décider à poser sa main sur la poignée de la porte avant de l'abaisser pour ouvrir. Ses yeux se posent directement sur le lit dans lequel est allongé son père. L'image qui se reflète est une à laquelle il n'était pas préparé. Yasmine ne mentait pas, Amjad est pâle, très pâle, sa peau olive est plus proche de la neige qu'elle n'a jamais été. Sohan ne peut d'ailleurs s'empêcher de se tourner vers Yasmine, une fois de plus. "Je sais pas quoi dire." Déclare-t-il, faisant un pas de plus dans la chambre. Il remarque à présent les machines et le bip qui résonne à intervalles réguliers. "J'ai l'impression que c'est pas lui." ajoute-t-il, parce qu'il a besoin de le dire à voix haute. Les traits de son visage sont les mêmes, mais la pâleur de sa peau et la faiblesse qu'il laisse transparaître le laissent presque méconnaissable. "Tu lui as parlé toi ? J'ai peur d'avoir l'air bête si je dis quelque chose, mais qu'il ne nous entend pas." Non pas qu'il voyait quelque chose de mal à parler dans le vide. Il n'était simplement pas à l'aise. "Ça va si je me contente de m'asseoir à côté du lit ? Au moins en attendant que maman revienne ?" S'il pouvait les entendre, alors dans ce cas, il saurait qu'il est là. Il n'avait jamais été question de beaucoup de mots entre eux de toute façon, tout avait toujours été implicite, discret et sa présence valait sans doute plus que mille mots. |
| | | | (#)Mar 2 Nov 2021 - 12:32 | |
| ≈ ≈ ≈ {hard meant holding my tears as my world fell apart} crédits gif & code fiche/ (may0osh & malibu) ✰ w/ @Sohan Khadji "Hey, j’entre avec toi. Et je le fais parce que c’est important, pas parce que je me sens obligée de quoi que ce soit." Ses mains trouvèrent le visage de son frère, et elle l’encadra doucement, l’obligeant à la regarder de face et à considérer toute l’honnêteté qu’elle déployait pour qu’il sache que ce qu’elle disait, elle le pensait plus que tout. Il n’y avait pas besoin d’entrer dans un quelconque débat. Sohan n’avait pas besoin de la ménager comme elle s’évertuait à le ménager. Elle avait pratiqué les premiers secours sur son propre père, on ne pouvait plus rien faire pour qu’elle mette de côté ce qu’elle avait ressenti, un effroi la glacer de part en part, mais pas assez longtemps pour qu’elle oublie d’agir rapidement, quand elle avait compris ce qui était en train de se passer. Elle saurait le gérer, même si de secondes en secondes, elle sentait sa trachée se rétracter, sa gorge se nouer et ses yeux s’éclipser derrière un voile flou qui signifiait que, bientôt, mais pas tout de suite, elle s’effondrerait. Pas devant sa mère, pas devant son frère, pas devant quiconque qui saurait que si elle se mettait à pleurer, ce n’était pas bon signe. Il ne fallait pas perdre en optimisme. Si elle avait pris l’habitude de réfuter les quelques qualités qu’on lui trouvait, il y en avait une qu’elle acceptait volontiers de défendre, et c’était celle-ci : son optimisme, celui qui lui avait permis de tenir quand Hassan avait été malade entre autre. Ce n’était pas le bon moment pour le perdre, pour faire entendre à son frère qu’il y avait de quoi s’inquiéter. Elle avait les épaules assez larges pour insuffler ce qu’il fallait à ceux qu’elle aimait, elle penserait à elle plus tard. Pour l’instant, c’était à Sohan qu’elle pensait. A ce qu’il ressentait, à la manière dont il fallait l’aider à gérer ce qu’il verrait. Ce n’était pas facile pour lui, il se retrouvait dans une position aussi délicate qu’elle tachait de l’être en le guidant vers l’acceptation de l’état de leur père. Bien sûr qu’elle rentrerait avec lui, bien sûr qu’elle lui tiendrait la main s’il la saisissait pour grappiller un peu d’espoir à sa sœur qui l’accompagnait. Ils avaient toujours été solidaires l’un envers l’autre, d’une loyauté qui leur permettait de s’entendre comme ils s’entendaient. Ils n’étaient pas seulement frère et sœur, ils étaient des amis assez fidèles pour savoir quand il fallait agir pour le mieux de celui qui se sentait moins apte à supporter quelque chose. Là, c’était Sohan. Une autre fois, ce serait Yasmine… et quand son tour viendrait, elle saurait qu’elle pourrait compter sur la détermination de son frère à ne jamais la laisser tomber et ce serait suffisant à la faire remonter à la surface. Il était sa certitude de toujours trouver la lumière, son lien enraciné si profond qu’elle ne craignait pas de le perdre, et tant pis si ça mettait en lumière un certain excès de confiance pour une fois.
"OK." murmura-t-elle seulement quand ils s’apprêtèrent à entrer sous le top du jeune homme. Yasmine le lâcha pour se tourner et doucement ouvrir la porte de la chambre de son père. C’était aussi silencieux que l’était une chambre d’hôpital, avec l’intervention régulière de bip électroniques nécessaires pour faire le point sur les constantes d’Amjad qui était là, endormi. Il n’était pas vraiment endormi évidemment, son état était plus sérieux qu’une sieste prolongée, et tous les deux le savait très bien, d’où la lourdeur qui accompagnait leur pas quand ils s’avancèrent dans la pièce. Avec une certaine révérence, ils se murent dans la chambre pour y trouver leur place. Yasmine s’approcha de son lit, et se pencha sur lui pour lui déposer un baiser sur le front, et constater, les yeux fermés fort, qu’il n’avait pas froid et que sa peau était aussi tiède que lorsqu’elle l’avait laissé ; c’était un moyen comme un autre de se rassurer tandis qu’elle se reculait déjà, et qu’elle jeta sur leur père un œil douloureux. Il ne paraissait pas lui-même, c’était un fait. Comme Yasmine l’avait dit à Sohan, il était d’une pâleur effrayante, qu’ils ne lui avaient jamais connu. Ce n’était pas une vision agréable, c’était même insupportable sur certains aspects, de le voir aussi amoindri, lui l’homme vigoureux et courageux qui avait passé sa vie à user de sa force physique pour s’imposer avec une douceur étonnante, à l’image de la bonté qu’il avait en lui. Cette pensée lui traversa l’esprit, et sembla ricocher dans celui de Sohan qui l’exprima à voix haute "C’est parce que c’est pas vraiment lui." lui confirma-t-elle en sentant sa voix se briser quand elle se força à détourner le regard pour le poser sur son frère qui continuait de parler "J’ai essayé de le rassurer. Je me dis qu’il doit être terrifié là où il se trouve en ce moment, et que ce serait peut-être bien de lui dire que tout va bien aller." Elle laissa un très léger sourire fendre son visage quand elle ajouta, tout bas "Y a que lui et moi ici, Sohan. J’ai pas l’intention de me moquer de toi, qu’importe ce que tu lui diras." le rassura-t-elle avant de marquer une pause. Et puis elle prit une profonde inspiration, laissant le temps à l’idée qu’elle venait d’avoir de mieux s’éclaircir dans sa tête, et s’anima pour aller chercher un siège à son frère qui lui demandait si s’asseoir à côté d’Amjad pouvait suffire "Tiens, pour toi." lui dit-elle en plaçant le siège juste à côté du lit de leur père, quand enfin, elle exprima le songe qu’elle avait eut quelques secondes plus tôt "Si tu sais pas quoi lui dire, on pourrait peut-être faire quelques douâa à la place ? Ce sera toujours plus utile que d’attendre que les médecins passent et nous rassurent. S’il nous entend vraiment, ça lui fera du bien." Il en sera extrêmement reconnaissant, qu’ils supplient pour qu’on le libère de l’emprise du mal devant lequel il n’avait eu la force que de succomber. |
| | | | (#)Mer 17 Nov 2021 - 19:46 | |
| Il se sentait plus fort quand Yasmine était avec lui, presque invincible. Elle avait cette capacité à lui permettre de se dépasser quand il n'a pas l'impression d'en avoir le courage. Il n'apprécie pas pour autant le fait qu'il mette tant de poids sur ses épaules. Il a comme l'impression qu'il la lèse de son rôle de petite sœur. Que c'est lui qui devrait se montrer fort dans toutes les situations. Il savait pourtant que ça n'avait pas d'importance. Que les circonstances actuelles faisaient que leur dynamique était celle qu'elle était. Que si les choses étaient différentes ou que si c'était elle qui avait besoin qu'il reprenne une quelconque position de force, il le ferait sans une seule seconde d'hésitation. Parce que finalement, tout cela n'avait pas vraiment d'importance. Qu'il soit le grand frère et qu'elle soit la petite soeur, ce n'était qu'un détail. Ils étaient avant tout une fratrie. Ils étaient soudés et ils étaient aussi toujours là l'un pour l'autre, pour se soutenir mutuellement à travers toutes les épreuves. C'était ça le plus important et c'était en se rappelant cette nuance-là qu'il parvenait à ne pas trop culpabiliser. Ne pas culpabiliser du tout était impossible, il arriverait à ce stade quand il n'aurait plus aucun poids à faire reposer sur les épaules de sa cadette où qu'elle en ferait peser tout autant sur ses épaules à elle. Il était donc rassuré qu'elle ne se sente pas obligée de l'accompagner dans la chambre. Qu'elle ne faisait pas ça pour lui faire plaisir. Il était d'autant plus rassuré qu'elle se tienne à côté de lui quand ils entrèrent dans la chambre. Il n'était pas prêt, Sohan. Malgré ce qu'il avait dit à Yasmine. Malgré le fait que c'était lui qui lui avait donné le top pour ouvrir la porte. Il se trouve impuissant à la seconde où il pose les yeux sur son père allongé dans le lit, branché à des machines lui paraissant toutes plus bruyantes les unes que les autres. Il se demandait comment ils faisaient, tous ces médecins, infirmières et toute autre personne amenée à travailler dans de telles conditions avec des gens qui semblaient être là sans l'être avec pour seul fond sonore que les bips répétés des machines dont il ignorait l'utilité. Ça lui enlève les mots de la bouche. Il aurait préparé tout un monologue, il était certain qu'il l'aurait oublié en passant le pas de la porte. Alors, il fait ce qu'il semble faire de mieux, il s'en remet à sa sœur, une fois de plus. Il n'hésite pas à lui dire ce qu'il ressent face à la situation. Il met des mots sur la gêne qu'il ressent de voir son père dans cet état. Il est déstabilisé, ne sais pas par où commencer, ni même quoi lui dire. Il dit qu'il a peur d'avoir l'air bête et même si ce n'est pas réellement ce qu'il ressent, c'est le sentiment qui s'en rapproche le plus. "Je sais bien." Confirme-t-il quand Yasmine lui assure qu'elle ne se moquera pas. Il avait du mal avec l'idée de parler sans qu'aucune réponse ne vienne s'ajouter à ses paroles. Il n'avait jamais été un homme de grands mots, Sohan, peut-être parce qu'il avait toujours été timide et que s'exprimer à voix haute n'avait pas toujours été aisé, surtout dans des situations qui ne lui étaient pas familières. Il était bien plus du genre à faire les choses plutôt qu'à les dire, c'était comme cela qu'il fonctionnait. Avec lui, une action valait mieux que mille mots. C'était donc naturel pour lui de proposer à sa soeur de simplement rester à côté de son père, sans dire quoi que ce soit. S'il n'entendait pas le son de sa voix et qu'il avait tout de même un minimum de conscience, malgré son état, Sohan n'avait pas de doute quant au fait qu'il pourrait ressentir sa présence à ses côtés et la force qu'il tentait de lui transmettre par cette dernière. Yasmine, elle, a toujours une longueur d'avance. Comme à son habitude. A peine Sohan a-t-il fini sa phrase qu'elle lui tend une chaise sur laquelle il s'installe. Elle semble même penser à tout. Le douâa, il n'y avait pas pensé pourtant, ça faisait sens, le moment ne pouvait pas être plus approprié. Il hoche donc la tête pour acquiescer. "Ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça." avoue-t-il. Cependant, il n'a pas oublié. Il attend que Yasmine s'installe à ses côtés puis il joint les mains devant lui, les paumes vers le ciel comme s'il s'agissait d'un livre ouvert. Il se penche légèrement en avant, commence par une prière au Prophète puis il s'en remet à Allah, il demande à ce que son père s'en sorte, à ce qu'il aille mieux et ressorte plus fort de cette épreuve qu'il ne traversera pas seul. Il lui demande aussi de protéger Fatima, qui, elle aussi vit un moment très difficile. Il se rend compte que les mots viennent tous seuls et il se sent plus proche de son père qu'il ne l'a été ses dernières années. |
| | | | | | | | ‘Hard’ meant holding my tears as my world fell apart. (Yasmine) |
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