| | | (#)Jeu 1 Juil 2021 - 22:40 | |
| Le soleil était couché sur Brisbane depuis presque une heure lorsqu’il franchit, non sans un certain soulagement, la porte de son appartement. Après une journée aussi intense, Camil avait décidé de s’accorder une soirée de liberté — qui se résumerait par la commande d’un plat chez le traiteur, qu’il mangerait devant un film qu’il aurait préalablement choisi. Un film d’action, sans doute, où l’intrigue était banale mais efficace : un bon, des méchants, et des problèmes à régler. Avec, en guise de clôture, une victoire des gentils. Voilà ce qu’il ferait, après avoir pris une douche bien méritée. Enfin… Ça, c’était les projets qu’il avait fait lorsqu’il était encore en voiture, et qu’il se garait dans son parking souterrain. Parce qu’en poussant la porte de son appartement, il eut la surprise de constater que Deborah était là. Il n’y voyait aucun inconvénient — il lui avait filé un double des clés pour qu’elle puisse aller et venir à sa guise il y a des mois de cela. « Je te savais pas que tu étais là ce soir. » Fit remarquer le politicien, alors qu’il dénouait sa cravate et ouvrait les deux premiers boutons du col de sa chemise. Il se débarrassa de sa veste de costard, qu’il abandonna dans l’entrée, et se dirigea vers la table de la salle à manger, envahie par des papiers plus ou moins confidentiels concernant la campagne de l’Américain. « Comment s’est passée ta journée ? » Demanda le politicien, après avoir fait quelques pas en direction de l’Irlandaise. Pour sa part, les heures avaient défilé à une vitesse folle. Il avait enchaîné les rendez-vous depuis le matin — d’abord à la banque, avec l’un de ses plus fidèles collaborateurs, pour s’assurer que le financement de sa campagne avait été validé. Il avait ensuite rencontré deux journalistes, auxquels il avait accepté d’accorder une interview pour détailler quelques points de son programme politique. Il n’avait pas tout évoqué, souhaitant garder quelques nouveautés pour des annonces ultérieures. Camil prenait un soin tout particulier à ménager ses effets d’annonce, conscient que chacune de ses paroles serait écoutée, discutée, commentée. Il avait profité de la pause méridienne pour déjeuner avec deux personnes de la mairie de Brisbane, et n’avait pas manqué de les interroger — que ce soit sur l’ambiance qui régnait dans les locaux, les projets envisagés, les éventuelles distensions qu’ils auraient pu repérer. Quant à son après-midi, il l’avait passé en compagnie de son conseiller en communication — un homme que Sixtine lui avait recommandé quand elle n’avait plus été en mesure de s’en occuper elle-même. « Tu as pu faire tout ce que tu voulais ? » De mémoire, elle lui avait indiqué qu’elle comptait se rendre dans un hôpital où était soigné des enfants malades. Depuis qu’ils avaient officialisé leur relation (qui n’en était pas réellement une, d’ailleurs), Deborah prenait son rôle très au sérieux. Camil lui en était sincèrement reconnaissant ; il savait que tout le travail qu’elle faisait resurgissait sur lui, et sur sa cote de popularité. « Tu as l’air tendue. » Constata Camil, dont les mains s’étaient posées sur les épaules de la brune. Il entreprit de faire un mouvement circulaire pour détendre ses muscles, et il la sentit tressaillir sous ses doigts. Bon signe, mauvais signe ? Il n’en avait pas la moindre idée., mais poursuivit en constatant qu’elle ne l’avait pas repoussé. Toujours derrière le canapé, il s’accroupit finalement pour être à sa hauteur. « Tu restes dormir ce soir ? » Demanda-t-il à voix basse, alors que ses lèvres cajolaient désormais son cou. Son odeur vanillée lui fit fermer les paupières pendant un instant, tandis que l’idée de se vautrer devant un film s’éloignait de plus en plus. Se vautrer dans ses draps en bonne compagnie, c’était nettement mieux. Son index glissa sur la joue de l’Irlandaise, pour l’inviter à tourner la tête vers lui. Elle s’exécuta, et se laissa faire lorsque le politicien s’empara de ses lèvres charnues. Ce baiser, qui aurait dû être le point de départ d’une délicieuse soirée, tourna pourtant court. Camil se détacha momentanément de Deborah, plongea son regard dans le sien, et tenta — en vain — de la sonder. Quelque chose n’était pas normal. Quelque chose ne tournait pas rond. Ce n’était pas son style d’être aussi passive. « Je t’ai connue plus enthousiaste. » Fit-il remarquer en arquant un sourcil.
@Deborah Brody |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 19:41 | |
| Le cliquetis de la clé dans la porte d’entrée était le point de départ de son stress. Assise dans le canapé, son mal de crâne n’avait fait qu’augmenter au fil des heures mais se faisait plus discret au profit d’une boule de nerfs qui se formait sauvagement dans son estomac au même rythme que Camil qui entrait dans les lieux pourtant siens. Brody était bien silencieuse aux premières paroles du politicien. Elle non plus ne savait pas qu’elle serait là ce soir, encore moins dans cet état second qui ne lui ressemblait pas vraiment. Elle devrait être chez elle à l’heure qu’il est, peut-être à dîner ou à discuter avec Joseph, détendue et prête à s’endormir après une journée forte en émotion. La journée avait été forte en émotions, oui, c’était le moins qu’on puisse dire mais elle n’était pas détendue, elle n’était pas avec Joseph et son estomac était vide tant la nervosité prenait de la place, tant elle lui avait coupé l’appétit. « Relativement bien, j’ai presque pu faire tout ce que je voulais mais c’est pas grave, ça sera remis à plus tard. » Peut-être. « Et la tienne ? » S’intéresser à lui, s’échapper un peu de ses pensées pour ne pas entrer dans le vif du sujet immédiatement parce qu’elle ne se sentait pas de le faire. Elle voulait s’assurer que sa journée s’était bien passée parce qu’elle ne voulait pas rajouter une couche à une journée potentiellement mauvaise. Elle pourrait crever de stress en attendant, ça ne serait qu’une merde de plus au tableau qui se dessinait devant elle, ça ne serait pas bien grave au niveau où elle en était. Mais est-ce qu’elle arrivait réellement à se concentrer sur ce qu’il lui disait ? Vaguement. Elle repensait à sa propre journée, à ce « j’ai presque tout fait » qu’elle venait de lui lancer de façon un peu trop banale alors que c’était loin d’être le cas. Oui, elle avait rendu visite aux enfants malades comme c’était prévu. Oui, elle avait passé une partie de sa journée là-bas mais les choses avaient été écourtées au moment du dîner des enfants – relativement tôt d’ailleurs – où elle devait aider les plus en difficulté à se nourrir. Loupé. Emotion forte de constater la dépendance de ces enfants au personnel soignant trop peu nombreux pour ça ou autre, elle avait abandonné son poste quelques minutes après le commencement pour s’enfermer dans les toilettes et vomir toutes ses tripes. Elle ne s’attendait tellement pas à ça. Une visite écourtée pour éviter une possible transmission de gerbes aux enfants les plus fragiles et elle s’était retrouvée là, chez Camil, pensive, trop pensive, après un passage à la pharmacie. Comme à cet instant où le blond posait ses mains sur elle, la faisant sursauter tant son esprit n’était absolument pas avec lui. Bien sûr qu’elle était tendue, c’était évident et Camil ne serait pas Camil s’il ne tentait pas de la détendre de la plus efficace des manières. Baisers dans le cou, question remplie de sous-entendus évidents pour finir sur un baiser presque échangé. Quand ce genre de choses se passait dans leur sphère privée, la suite des événements n’était pas à remettre en question et pourtant, il l’avait de suite sentie. Deborah n’était pas dans son assiette, loin de l’ambiance qu’il tentait d’instaurer. Elle ne voulait pourtant pas se montrer froide mais elle l’était bien malgré elle, par son attitude, par son regard fuyant, s’en excusant immédiatement. « Pardon, je suis pas vraiment d’humeur pour ça. Je ne suis pas là ce soir par hasard, il faut qu’on parle. » La fameuse phrase qui ne faisait qu’augmenter son stress. Changement d’ambiance radicale, elle s’apprêtait à foutre en l’air la bonne journée de son ami. « Tu peux t’asseoir, s’il te plait. » Le temps pour elle de se lancer, de trouver le courage et les mots pour parler. Est-ce qu’elle devait lui raconter toute l’histoire pour qu’il comprenne son état actuel ? Est-ce qu’elle devait se contenter d’annoncer les faits ? Elle ne savait pas comment emboiter le pas de cette conversation qui promettait de ne pas être agréable du tout. Devait-elle tourner autour du pot ou lui balancer tout de but en blanc ? Le stress lui donnait envie de pleurer tant il était intense, tant tout ça la renvoyait à un passé douloureux dont les plaies n’étaient toujours pas fermées – la preuve en était ce soir. Elle n’arrivait même plus à le regarder dans les yeux, elle voulait juste disparaître de la surface de la Terre, un instant, un tout petit instant pour reprendre constance. Elle avait l’impression qu’elle allait éclater en plein vol si jamais elle prononçait le moindre mot. Mais c’était trop tard, elle ne pouvait pas revenir en arrière maintenant qu’elle lui avait dit avoir besoin de lui parler et même si elle connaissait une certaine patience chez Camil, elle en connaissait aussi les limites. « Je sais pas comment le dire et en même temps, je crois qu’il y a pas dix façons de l’annoncer sans te mettre un coup. » A lui comme à elle à vrai dire parce que depuis son retour ici, elle n’avait pas posé les mots à haute voix non plus. Putain, ce qu’elle avait envie de gerber à l’instant. « Je suis passée à la pharmacie en rentrant en pensant avoir chopé un truc mais après discussion avec la pharmacienne, il faut se rendre à l’évidence. » Ce n’était pas des médicaments pour une quelconque maladie qui se trouvaient actuellement dans son sac à main à l’entrée de l’appartement. « J’en suis pas tout à fait sûre parce que j’ai pas encore osé vérifier mais je crois que je suis enceinte. » Le couperet était tombé, étranglé dans une émotivité trop présente qui lui faisait ravaler douloureusement ses larmes de stress à la fois à cause de son passé mais aussi parce qu’elle se trouvait face à un homme dont elle connaissait l’absence d’envie d’avoir des enfants, encore moins avec une femme dont il n’était de toute évidence pas amoureux. Elle redoutait naturellement la réaction du politicien qui mettait toujours sa carrière au premier plan – après sa petite sœur bien entendu. @Camil Smith
Dernière édition par Deborah Brody le Lun 18 Oct 2021 - 1:38, édité 1 fois |
| | | | (#)Lun 18 Oct 2021 - 0:00 | |
| « Tant mieux. » Dit-il en inclinant légèrement la tête. « Il n’y a pas d’urgence pour les projets que je t’ai demandé de mener à bien. » Ajouta-t-il, conscient que la mission principale — rendre visite à des enfants dans un hôpital — n’avait rien de simple, ni même de réjouissant. « Interminable, pour être franc. » Commença-t-il, avant de poursuivre : « Que des rendez-vous. Avec mes collaborateurs, avec des journalistes, avec deux anciens employés de la mairie. Bref, mais si tout cela était nécessaire, ça me blase de ne pas avoir pu avancer sur certains dossiers urgents. » Admit le blond en soupirant. Il jeta un coup d’oeil aux centaines de feuilles de papier qui traînaient sur la table ; il savait qu’il aurait dû, dès ce soir, se replonger dans ses dossiers. Mais la présence inattendue de la brune lui faisait revoir l’ordre de ses priorités ; puisqu’elle était là, il pouvait aussi bien profiter de sa présence. Accroupi derrière le canapé, il entreprit de masser les épaules crispées de Deborah. Se détendre devant un film, et se faire livrer une pizza. Ou, comme son esprit était en train de le lui suggérer, s’envoyer en l’air jusqu’à l’épuisement — c’était clairement l’option qu’il privilégiait. Et s’il pensait trouver une Deborah réceptive, il se trompait lourdement : la brune restait étrangement passive aux assauts du politicien. Ce qui n’était clairement pas dans ses habitudes. Depuis qu’ils s’étaient trouvés, ils avaient toujours plutôt eu tendance d’avoir une libido intarissable, digne d’adolescents en chaleur. « Je n’aime pas quand ça commence comme ça. » Admit Camil en faisant la moue, alors que la brune lui avouait ne pas être là par hasard. L’Américain fronça les sourcils ; habituellement, entre eux, c’était plutôt la détente et la légèreté qui primaient. Pas ce ton sérieux et solennel, qui présupposait une discussion peu agréable. « De quoi veux-tu parler ? » Demanda le blond, se reculant légèrement pour observer les réactions de l’Irlandaise. « C’est à ce point ? » Demanda-t-il, en espérant détendre l’atmosphère. Il n’aimait pas du tout la tournure que prenait cette conversation, qui s’annonçait particulièrement solennelle. Il prit place à ses côtés sur le canapé, et chercha à accrocher le regard étrangement fuyant de Deborah. Elle gardait le silence, obstinément. Comme si elle ne savait pas comment aborder la raison de ses tracas avec lui. Mais pour quelle raison ? Camil n’avait jamais été un homme difficile à aborder, pour Deborah. Ils s’étaient verbalement amusés dès qu’elle avait été embauchée à la mairie, et avaient resserré leurs liens quand elle avait accepté de jouer sa petite-amie aux yeux des potentiels électeurs de Camil.
« Tu commences vraiment à m’inquiéter, Debbie. » Souffla l’Américain en fronçant les sourcils, alors qu’il comprenait progressivement que quelque chose ne tournait pas rond. Mais ce qu’elle lui annonça dépassa tout, absolument tout ce qu’il avait pu imaginer. Enceinte. Enceinte. Enceinte. Le mot tournoyait dans la tête de Camil, tel une litanie sans fin. Enceinte, Deborah Brody était enceinte. Et elle était chez lui, dans son salon, pour le lui annoncer. Mais alors, qu’est-ce que cela signifiait ? Était-elle là pour lui dire qu’il était le seul et unique responsable de son état, ou était-elle là pour lui apprendre qu’elle avait rencontré quelqu’un d’autre, et qu’elle allait avoir un bébé avec cet autre garçon ? « De qui ? » Fut la première réaction de Camil, qui accueillait cette bombe avec stoïcisme. Mais ça n’allait pas durer, et le politicien le savait pertinemment. La stupeur laissait progressivement place à la colère, sourde et dévastatrice. « Tu devrais faire le test. » Déclara l’Américain, en passant une main dans ses cheveux. Il se redressa, et fit quelques pas dans son salon. Pourquoi acceptait-elle de laisser planer un doute sur ce qu’elle supposait être un chamboulement considérable ? « Il ne peut pas être positif. Ce n’est pas possible. » Il arpenta son salon en long, en large et en travers, gardant le silence. « Merde, on a toujours été vigilants à ce niveau ! » S’exclama-t-il, perdant patience. Voilà, il prenait désormais pleinement conscience de ce que la brune venait de lui annoncer. Il repensa à toutes les fois où ils avaient eu des rapports sexuels, et à toutes les fois où, contrairement à ce qu’il venait de dire, ils avaient été imprudents. Ce soir encore, si elle avait été réceptive, ne se serait-il pas volontiers détendu dans les bras chaleureux de sa pseudo petite-amie ? « Par pitié Deborah, va faire ce putain de test. J'ai besoin d'être fixé, j'ai besoin de savoir. » Déclara-t-il, alors qu’il trouvait le suspense de cette situation particulièrement insupportable. Il se positionna face à elle, les bras croisés. Il n’en démordait pas, et n’en démordrait pas tant qu’elle ne lui apporterait pas la preuve du contraire : ce n’était pas possible. « Je ne pourrai pas y croire tant que je ne verrai pas ces deux putains de barre. » Et pourtant, dans son attitude, tout trahissait son inquiétude, son angoisse, son incapacité à assimiler cette information. Il passa une main dans ses cheveux, et croisa les bras derrière sa nuque. « Après tout, la pharmacienne n’est pas médecin. Elle a pu se tromper sur le diagnostique. » S’il était en train de faire l’autruche ? Bien sûr que oui ; à ce moment précis, tous les prétextes étaient bons pour se dédouaner de ses éventuelles responsabilités. @Deborah Brody |
| | | | (#)Lun 18 Oct 2021 - 1:31 | |
| Elle tremblait. C’était infime, probablement presque invisible à l’œil nu, mais elle tremblait. Elle avait peur, elle avait tellement peur parce que la dernière fois que c’était arrivé, elle s’était tirée à l’autre bout de la planète, elle s’était cachée et avait abandonné son petit garçon. Cette issue ne faisait que tourner dans son esprit encore et encore depuis la fin d’après-midi et c’était pour cette raison qu’elle était là, prête à lâcher la bombe à Camil parce qu’elle refusait de commettre la même erreur. Elle regrettait tant cet abandon et de ne jamais avoir dit au père de son enfant qu’elle était enceinte et de lui laisser la possibilité de décider de sa paternité ou non. Elle avait été égoïste sur ce point et elle refusait de l’être à nouveau. Pourtant elle hésitait encore à le faire parce qu’elle n’était sûre de rien en étant pourtant persuadée de l’être sans même le vérifier. Elle était là la raison du test toujours neuf et dans son sac parce qu’elle savait que si jamais elle l’avait fait seule et qu’elle se retrouvait face à un test positif, elle serait de nouveau partie, incapable de faire face, trop peureuse. Là au moins, elle s’était coincée toute seule et ne pourrait qu’assumer ses actes, faire face à Camil et prendre une décision ensemble. Pourtant, la réaction de l’Américain lui coupait l’herbe sous le pied et la vexerait presque. Son état ne lui permettait néanmoins pas de lui en tenir rigueur. C’était un choc pour lui aussi et dans un sens, ils n’avaient jamais parler de leurs potentiels amants, ils savaient juste l’un et l’autre qu’ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient tant que le tout restait discret. « Ca ne peut être que toi. » Parce que Wren était parti depuis trop longtemps pour le découvrir que maintenant et que Camil était devenu son seul amant. Elle n’avait aucun doute quant à sa potentielle paternité. Puis elle se faisait silencieuse, observant davantage Camil. Les signes de stress étaient évidents : sa main qu’il passe sans cesse dans ses cheveux, les pas effectués dans le salon, les paroles presque adressées à lui-même, cette colère montant dans sa voix sûrement malgré lui. Pas de quoi franchement la rassurer ni même lui donner envie de sauter le pas du test. Il n’avait pas idée de tout ce que ça provoquait chez elle, du passé qui lui revenait violemment en pleine tête et qui lui donnait de plus en plus envie de fondre en larmes. « Je sais... » murmurait-elle et ça la flinguait de savoir qu’ils avaient toujours fait attention pour finalement en arriver là. Oui plusieurs fois ils se sont abandonnés dans les bras l’un de l’autre mais elle avait toujours exigé le préservatif lorsque c’était nécessaire et les fois où elle n’avait rien demandé, c’est qu’elle était certaine de ne pas pouvoir être enceinte grâce à son moyen de contraception. Est-ce que la seule fois où le préservatif avait craqué avait suffi ? est-ce que la pilule du lendemain n’avait pas été efficace ? Peu importe, il n’y avait pas de faute à porter sur qui que ce soit, les choses étaient ainsi faites. Les lèvres pincées, la gorge nouée, le regard tourné vers le sol, seuls les éclats de voix de Camil se faisaient réellement entendre. Elle était incapable d’aligner deux mots, pétrifiée à l’idée que tout ça puisse recommencer. Elle ne lui en avait jamais parlé parce qu’elle n’en voyait pas l’intérêt. C’était ses casseroles à elle, bien cachées, bien enterrées, quelle importance ça aurait fait ? Si elle avait eu le moindre doute sur la possibilité que cela puisse nuire à la carrière de Camil, elle lui aurait dit mais ce n’était pas le cas. Elle avait mis au monde un petit garçon né sous X et après ? Très peu de personnes étaient au courant, l’histoire ne se serait jamais ébruitée et elle n’aurait jamais dû avoir une influence sur eux. Et pourtant, fuyez le passé et il revient au galop n’est-ce pas ? Elle détestait la position dans laquelle elle était en train de le mettre. Il exigeait d’elle qu’elle fasse le test – ce qu’elle comprenait à 100%, n’importe qui l’aurait fait avant de faire cette annonce – mais elle ne se sentait pas capable de le faire. Son esprit le voulait, parce que c’était la chose la plus raisonnable à faire, mais son cœur refusait l’idée. Elle voulait clairement rester dans le déni parce que c’était tellement plus simple de supposer que de voir la vérité en face. C’était sa manière à elle de faire l’autruche. Ils ne pouvaient pourtant pas rester ainsi : lui inquiet et énervé d’être dans l’incertitude et elle, complètement silencieuse et transit par la peur. Alors toujours sans un mot, elle s’était dirigée vers l’entrée pour prendre son sac avant de prendre la direction de la salle de bain privée de Camil où elle s’était enfermée. A l’instant même où le loquet avait résonné dans le bois de la porte, elle s’était effondrée. Toute la pression de tenir bon face à lui s’écroulait, tout son stress et toute la peur s’évacuaient dans un torrent de larmes qu’elle était incapable de contenir plus longtemps. Elle ne voulait pas faire ça, elle ne voulait pas revivre ça une nouvelle fois. Sa tête la martelait de toutes les erreurs qu’elle avait commise. Elle n’était pas capable de dire si Camil pouvait l’entendre, s’il lui parlait ou non à travers cette porte coulissante. Elle se sentait tellement seule à cet instant, elle aurait tant voulu que son frère soit là comme la première fois. Cinq minutes, cinq éternelles minutes sûrement pour le blond, c’était le temps qu’il lui fallait pour reprendre un peu ses esprits et enfin oser bouger, décoller ses fesses du carrelage et faire ce qu’elle avait à faire. Trois tests, trois marques différentes, trois différentes manières d’avoir le résultat. Pour être sûre. Être sûre d’être dans la merde complète, elle en était persuadée. Quand elle ouvrait enfin la porte après avoir pris le temps de se laver les mains et de se rafraichir le visage – quand bien même elle se fichait bien à présent qu’il puisse voir qu’elle avait pleuré toutes les larmes de son corps – elle faisait face à un Camil visiblement impatient de connaitre le résultat, le regard inquiet. « Il faut attendre quelques minutes avant le résultat mais je les ai laissés sur le bord du lavabo si tu veux aller voir. » De son côté, elle était incapable d’attendre que ces morceaux de plastique scellent leurs destins en ayant les yeux fixés dessus. Elle préférait lui laisser cette mission, se contentant de poser son fessier sur le lit, serrant ses mains entre ses cuisses, visiblement mal à l’aise. Elle n’allait pas fuir cette fois, elle se devait d’écarter ce premier instinct si primaire qu’elle s'en mordait l’intérieur des joues tant il était compliqué et douloureux pour elle d’y résister. oups @Camil Smith
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| | | | (#)Mar 2 Nov 2021 - 23:41 | |
| Il n’avait jamais imaginé qu’un jour, il se retrouverait dans une pareille situation. Qu’une femme viendrait lui annoncer que, en dépit des précautions qu’ils avaient pris pour éviter tout accident, l’improbable s’était produit. D’ailleurs, il n’avait jamais supposé qu’un jour, une femme viendrait lui annoncer attendre un enfant de lui. Il n’arrivait pas à y croire, tout simplement. C’était trop gros, trop soudain, trop improbable, trop… C’était trop, ni plus, ni moins. « Que moi ? » Répéta-t-il en fronçant les sourcils, avant de secouer la tête. Bien sûr que non, il ne pouvait pas être le seul sur la liste des pères potentiels. Deborah et lui étaient liés par un contrat, mais ils ne s’étaient jamais promis d’être fidèle. Au travers de leurs conversations, il avait même cru comprendre que l’Irlandaise avait quelqu’un dans sa vie — mais peut-être avait-il mal compris. Une chose était sûre : ce n’était pas ce soir qu’il allait poser des questions sur cet inconnu. Non seulement la situation ne s’y prêtait pas, mais il craignait aussi d’aggraver son cas en faisant passer Deborah pour une menteuse.
Camil savait que Deborah accusait le coup, et qu’elle n’allait pas bien. Il lui suffisait de poser un regard sur elle pour s’en rendre compte. Sa peau pâle était devenue presque translucide, ses traits étaient tirés par la fatigue et l’angoisse, et il pouvait clairement apercevoir le tremblement irrépressible de ses doigts. L’Irlandaise était pétrifiée, et ne pipait mot. Quant à Camil, il s’était employé à marcher dans son salon, arpentant la pièce en long, en large et en travers. Ses mains passaient et repassaient sur son front, ses joues, ses cheveux. Il ne pouvait pas resté dans l’inconnu, dans l’incertitude, dans le doute. Il ne pouvait pas simplement attendre, sans être fixé sur son sort. N’y tenant plus, il supplia Deborah de mettre fin à ce suspense insoutenable. D’une voix dure et ferme, il l’obligea plus qu’il ne l’invita à lever le voile sur le doute qui subsistait. La pharmacienne lui avait dit qu’elle était enceinte ? Très bien : désormais, il n’y avait plus qu’à vérifier. Bon gré mal gré, l’Irlandaise avait consenti à quitter le canapé pour récupérer son sac à main dans l’entrée. Le pas lourd et hésitant, la brune se dirigea vers la chambre du politicien. Ce dernier la regarda s’éloigner silencieusement, et sentit une pointe de désarroi s’insinuer au plus profond de son être. Que pouvait-il dire ou faire pour la soulager un tantinet du fardeau qu’elle semblait porter sur ses épaules ? Il n’en avait pas la moindre idée. Pour la première fois, Camil Smith restait sans voix. Et à court d’argument. Il emboîta le pas de l’Irlandaise, tout en veillant à rester à une distance raisonnable. À quoi bon ? Le mal était fait, maintenant. Il n’osa entrer dans sa chambre qu’après avoir entendu la porte de sa salle de bain claquer. Ses pas le menèrent face à la baie vitrée, d’où il aimait contempler la ville. Des milliers de points jaunes éclairaient partiellement la nuit ; pour sa part, il préférait rester dans le noir. À quelques mètres à peine, il entendit les sanglots de Deborah se répercuter contre les murs de la salle d’eau mais, une fois de plus, il manqua de courage. Il n’était pas préparé à une telle situation. Il n’était pas prêt tout court, d’ailleurs.
La brune était ressortie de longues minutes plus tard et, une fois de plus, ils n’échangèrent pas un mot pendant de longues secondes. Camil hocha la tête, et s’éclipsa à son tour dans sa salle de bain. Il porta un regard noir sur les trois tests de grossesse, que Deborah avait aligné sur le rebord du lavabo. Les mains de Camil encerclèrent la faïence, et il baissa les yeux pour ne pas affronter son reflet dans le miroir. Il n’en avait ni la force, ni l’envie. Il ne voulait pas affronter la réalité, pas s’affronter lui. Il actionna le robinet d’eau froide, et récupéra l’eau dans la paume de ses mains jointes. Il ferma les yeux, et plongea son visage dans ce récipient improvisé. Pour se rafraîchir les idées, pour essayer d’y voir plus clair, pour oublier que d’ici quelques minutes, sa vie allait peut-être basculer dans l’inconnu. Il jeta un coup d’oeil sur sa droite, et constata que la science n’avait pas encore livré son verdict. Était-ce bon signe, ou mauvais signe ? Et pourquoi ces tests mettaient-ils autant de temps à révéler la vérité ? Il récupéra une serviette en éponge dans le meuble qui se trouvait sous le lavabo, et plongea sa tête dedans. Il avait envie de hurler jusqu’à ce que sa gorge ne puisse plus émettre le moindre son. Il avait envie de hurler son manque de vigilance, sa rage, son impuissance. Il pressa le tissu sur son visage, soupira, et jeta machinalement un coup d’oeil aux tests de grossesse. Un léger changement s’était opéré. Léger, mais terriblement révélateur. Léger, mais bouleversant. Léger, mais qui ne serait pas sans conséquence directe. Les doigts de l’Américain lâchèrent la serviette, qui s’écrasa au sol sans qu’il ne fasse le moindre mouvement pour la retenir. Il se pencha sur les deux barres qui décoraient chacun des tests, tandis que les lettres « pregnant » s’étaient affichées sur l’écran pour qu’aucun doute ne puisse subsister. « Merde. » Murmura Camil, qui déglutit en secouant la tête. Ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas être possible. D’un geste rageur, il balaya le rebord du lavabo d’un revers de main. Les tests s’envolèrent dans la salle de bain, et retombèrent dans un bruit sourd. Ses mains se crispèrent sur la faïence, et il se mordit la lèvre pour ne pas totalement laisser éclater sa fureur. Il inspira, expira, et répéta cette action à plusieurs reprises. Quand il releva la tête vers le miroir, il constata qu’il avait une mine sombre. Une mine qui ne laissait rien présager de bon. L’estomac noué, il esquissa un pas en direction de sa chambre. Qu’allait-il pouvoir dire à Deborah ? Il poussa la porte, s’appuya contre l’embrasure, et croisa les bras sur son torse. Et quand leurs regards se croisèrent, Camil sut. Elle avait compris. Il n’y avait peut-être rien à dire, finalement. Il s’attendait presque à ce qu’elle prenne la parole, mais l’Irlandaise semblait s’être murée dans un silence de plomb. « Qu’est-ce qu’on est supposé faire, dans ces cas-là ? » Demanda Camil à voix basse. Les couples normaux se seraient probablement réjouis. Mais eux ? Qu’en était-il d’eux, qui étaient liés professionnellement par un contrat ? Qu’en était-il d’eux, qui étaient devenus amants sans qu’il ne soit jamais question de sentiments ? Qu’en était-il d’eux, qui s’étaient amusés, qui avaient profité, et qui avaient joui comme deux adolescents inconscients ? @Deborah Brody |
| | | | (#)Sam 20 Nov 2021 - 19:43 | |
| La sensibilité accrue, le stress faisant, c’était un regard presque noir qu’elle posait sur Camil, l’air de lui demander s’il était sérieux de remettre en doute sa parole sur son éventuelle paternité. « Oui que toi. Ça t’étonne à ce point ? Je ne suis pas aussi fille facile que tu as l’air de le penser. Excuse-moi de ne pas écarter les cuisses à un mec différent tous les quatre matins. » Bien sûr que ça l’avait froissée sur le moment. Elle était déjà préoccupée, avec l’envie de fuir les jambes à son cou comme la dernière fois et ce genre de réflexion maladroite n’aidait pas. Evidemment qu’au fond d’elle, elle savait que ce n’était pas ce que Camil sous-entendait. A sa place elle aurait été la première étonnée puisque leur contrat n’incluait aucune exclusivité entre eux. L’histoire et le temps avaient simplement faits qu’il était son seul amant aujourd’hui et qu’elle s’en contentait très bien sans l’envie d’aller voir ailleurs. Le pauvre Camil n’avait juste pas idée de tout ce qui se passait dans l’esprit de Deborah, bien au-delà d’une possible grossesse. Il n’avait pas idée à quel point elle était effrayée de revivre ce qu’elle avait déjà vécu, à quel point les recommandations de la pharmacienne l’avaient rendu à fleur de peau. Peut-être le comprenait-il, un peu, quelques instants plus tard quand la porte coulissante de sa salle de bain privée ne suffisait pas à camoufler les pleurs de l’Irlandaise, visiblement en détresse mais sans aucune envie d’être sauvée. Elle avait juste besoin de temps pour se faire à l’idée, pour prendre son courage à deux mains et affronter la réalité. Si bébé il y avait, il ne s’en irait pas en ignorant la situation. L’Américain avait raison : ils ne pouvaient pas rester dans le doute. Néanmoins, elle n’était pas assez courageuse pour faire face toute seule tant bien qu’elle avait quitté la salle de bain avant même que les tests n’affichent leurs résultats. Laisser le soin au blond de découvrir par lui-même n’était peut-être pas la meilleure des idées mais au moins les choses auraient le mérite d’être claires. Patientant dans le stress, elle ne pouvait que tendre l’oreille, se mordant la lèvre inférieure presque à sang sans vraiment s’en rendre compte tant elle réfléchissait au peu d’options qu’elle avait. Elle ne clignait des paupières, sortie brutalement de ses pensées, que lorsqu’elle entendit le fracas de plastique, suivi quelques instants plus tard par l’arrivée de Camil dans l’embrasure de la porte. Il n’avait pas besoin de poser les mots pour qu’elle comprenne, pour que le peu d’espoir qu’elle avait dans l’idée que la pharmacienne se soit trompée ne se réduise en peau de chagrin. Son regard fuyait de nouveau le sien, l’inspiration immense qu’elle avait prise ne semblait pas vouloir ressortir. Visiblement sous le choc, sa peur était devenue réelle en une fraction de secondes. Elle avait envie d’hurler jusqu’à en perdre souffle. Elle s’en voulait tellement – quand bien même ils avaient fait le nécessaire pour que ça n’arrive jamais – que son premier réflexe n’était pas de répondre à sa question. « Je suis désolée. » Un souffle à peine audible, un murmure coincé entre deux larmes qui menaçaient à nouveau de couler. Même si elle ne devrait pas, elle prenait la responsabilité sur elle seule pour la simple et bonne raison qu’elle avait connaissance de la suite contrairement à Camil, bien ignorant de son histoire, de sa première grossesse et surtout de tout ce qu’elle avait pu apprendre sur elle-même à cette période. Elle était désolée avant tout pour ça. Désolée de ne pas lui laisser le choix. « Il faut que je prenne rendez-vous pour une échographie de contrôle. Pour savoir à quel stade est la grossesse. » Elle serait bien foutue d’avoir fait un déni jusque-là que ça ne l’étonnerait même plus. Mais est-ce que Camil attendait réellement ce genre de réponse si concrète ? Elle se doutait bien qu’il cherchait surtout à savoir ce qu’ils devaient faire dans un futur plus lointain en tant que deux célibataires, amants et potentiels futurs parents. Oui, potentiels. Même si les tests semblaient avérer sa grossesse, Debbie avait conscience que dans l’esprit de Smith, plusieurs options s’offraient à eux, à commencer par poursuivre cette grossesse ou l’arrêter. Il était évident qu’elle se devait de lui retirer aussi ce doute, aussi épineux que cela puisse être et aussi douloureux peut être le constat également pour elle. Alors une expiration plus tard, elle accrochait de nouveau son regard du sien – non sans difficulté – avant d’aligner quelques mots. « Je veux d’abord que tu saches que peu importe ce qui arrivera, ce que tu décideras, je ne t’en voudrais pas. Ce n’est pas à moi de choisir si tu veux assumer ou pas ce rôle-là et crois-moi, je serais bien mal placée pour te juger mais je veux que tu saches que les choses sont claires pour moi. A moins qu’un quelconque problème ne m’y oblige, je ne serais pas capable d’avorter, peu importe le stade où ça en est. » Cet enfant, elle l’aura, avec ou sans lui. « Je... » Une hésitation, comme si elle cherchait à le sonder avant de lui dire, puis la persuasion, celle qu’elle lui devait au moins ça : lui dire le pourquoi elle tirait une conclusion si hâtive du devenir de ce bébé. « Il y a quelques années, j’ai déjà vécu cette situation mais j’ai fait l’erreur de ne rien dire au concerné. » Pour ne pas le nommer, pour ne pas souffrir davantage à ce souvenir. « C’est comme ça que je suis arrivée ici. Je suis venue pour aider mon frère mais j’ai aussi fui l’Irlande où l’avortement était encore interdit, persuadée que j’allais pouvoir le faire ici et juste tout oublier. J’ai fait tout ce qui fallait. J’ai pris des rendez-vous, je me suis même rendue au centre mais j’ai pas réussi à aller au bout de la démarche… » Une conclusion qui laissait entendre que sa grossesse s’était déroulée jusqu’à la fin et comme Camil le savait déjà, elle n’élevait pas d’enfant aujourd’hui et elle ne le cachait pas non plus dans un placard. La conclusion était évidente : elle avait abandonné son premier enfant et ce souvenir lui faisait avoir un hochet de chagrin, une boule de larmes coincées dans sa gorge. C’était une blessure grande ouverte qu’elle n’avait jamais réussi à panser. « Que tu le comprennes ou pas, il est hors de question que je refasse cette erreur-là. » lançait-elle dans des mots remplis de colère envers elle-même alors qu’elle balayait quelques larmes du revers de la main. @Camil Smith
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| | | | (#)Lun 13 Déc 2021 - 22:34 | |
| « C’est bon, ce n’est pas la peine de t’excuser. » Commenta le politicien, après avoir profondément soupiré. Conscient que cette remarque pouvait sonner comme horriblement abrupte, l’Américain précisa sa pensée. « Il faut être deux pour faire un bébé. » Il trouvait injuste d’entendre Deborah se blâmer, et prendre l’entière responsabilité de cette faute. Il n’avait pas spécialement envie de l’entendre se lamenter et se flageller, alors qu’il était aussi coupable qu’elle dans cette histoire. Bon sang, pourquoi avaient-ils manqué à ce point de chance ? Pourquoi avaient-ils eu besoin de prendre des risques inconsidérés, pour répondre à un besoin primaire qui aurait pu être assouvi ultérieurement ? Les questions tournoyaient dans sa tête, et il ferma les yeux pendant quelques instants. Le mal de crâne se profilait à l’horizon, mais il fût bien vite rattrapé par la réalité. « Quel stade… » Répéta-t-il en jetant un coup d’oeil furtif au ventre plat de Deborah. Se pouvait-il que cette grossesse inopinée soit plus avancée qu’il n’y paraissait ? Se pouvait-il qu’un petit individu ait pris possession des entrailles de l’Irlandaise depuis quelques semaines, ou pire encore, quelques mois ? Camil ne parvenait pas à y croire : ça ne pouvait pas être vrai. Ça ne pouvait pas lui arriver — à lui, à eux. Pas maintenant, pas dans ces circonstances. Il soupira légèrement, alors qu’il comprenait que les prochaines heures allaient surement être lourdes de conséquences. « Il nous faut quelqu’un de discret. » Commenta le politicien en passant une main dans ses cheveux blonds. S’il avait pris l’habitude de s’afficher en compagnie de Deborah, il n’était pourtant pas question d’aller scander sur tous les toits que son ventre abritait un héritier Smith. Ils avaient clairement besoin d’avoir l’avis et le diagnostic d’un spécialiste, pour pouvoir accepter et appréhender cette situation singulière. Ils avaient besoin de prendre du recul — et pourtant, l’Américain savait déjà qu’ils allaient courir après le temps. « J’appellerai Heïana, pour qu’on puisse être les premiers à passer. » Il ne pensait jamais avoir à appeler la tahitienne au secours pour des raisons médicales… Et encore moins parce qu’il aurait dérapé avec une de ses conquêtes. « C’est une amie de la famille. On peut lui faire confiance. » Précisa le blond en faisant la moue. Il n’était pas ravi de mettre quelqu’un d’autre qu’eux dans la confidence, mais il savait qu’il n’avait pas d’autre choix. Mieux valait que ce soit Heïana, plutôt qu’un étranger qui s’empresserait de monnayer cette information auprès de journalistes peu scrupuleux. « Attends, attends, attends… » Dit-il en levant une main pour faire momentanément s’arrêter l’Irlandaise. Passé le choc de la grossesse de son maîtresse, l’Américain sentait désormais son sang bouillir dans ses veines alors qu’il comprenait où Deborah voulait en venir. « Qu’est-ce que tu es en train d’insinuer, là ? » Mais il avait très bien compris ce qu’il en était. Il avait très bien compris où elle voulait en venir. Et alors qu’il pensait que la situation ne pouvait pas être pire, l’Irlandaise prononça des mots glaçants. « Tu as déjà eu un bébé. » Déclara Camil, comme pour mieux appréhender la véracité de ce secret, alors qu’il relevait les yeux vers Deborah. Il voulait croiser le regard de l’Irlandaise, s’assurer qu’il avait bien compris ce qu’elle venait de lui avouer. « Tu as déjà eu un bébé il y a quelques années, et tu n’as pas jugé bon de me le dire quand je t’ai fait signer un contrat pour… Pour tout ça. » Cette histoire sentimentale, qu’ils avaient monté de toute pièce. Il lui avait pourtant demandé s’il y avait quelque chose de particulier dont il devait être mis au courant. Parce qu’il savait mieux que quiconque que tout le monde avait des secrets, plus ou moins avouables, plus ou moins honteux. Lui le premier. « Pourquoi ? » Demanda-t-il en soupirant, alors qu’il se mettait à faire les cent pas dans sa chambre. Avec cette question, l’Américain entrouvrait la boîte de Pandore. Parce que la réponse de Deborah entraînerait forcément d’autres questions, plus nombreuses, plus personnelles. « Il est où ? » Demanda Camil, sans réaliser que sa question était abruptement posée, et terriblement intrusive. Après avoir lâché une telle bombe, des dizaines de questions traversaient l’esprit embrumé du politicien. Si son avocat avait été dans les parages, il aurait probablement trouvé tout un tas de choses à y redire — mais par chance, ce requin n’était pas dans les environs. Et Camil n’était pas idiot ; il n’allait certainement pas tendre le bâton pour se faire battre. « Je ne t’ai jamais demandé de mettre fin à cette grossesse. » Siffla-t-il, le regard noir, alors qu’elle le mettait clairement devant le fait accompli. Puisqu’elle ne voulait pas avorter, quel autre choix se présentait à lui ? Et puis, soudainement, il comprit : son autre choix, c’était de faire comme si de rien était. Il serra les dents, se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas laisser échapper des mots qu’il regretterait forcément. « Qu’est-ce que tu imagines, au juste ? » Demanda-t-il, n’y tenant plus. Sa voix était dure, sèche, tranchante. Eux qui avaient toujours eu des relations légères et joviales, se retrouvaient désormais piégés par une conséquence qu’ils n’avaient pas vu arriver. « Que je suis le genre de type à engrosser sa maîtresse, et à la dégager ensuite comme une malpropre ? Que je vais me détourner de cette situation, continuer ma vie, et prétendre que rien de tout cela n’est arrivé ? Que je vais m’arranger avec ma conscience, au point de me convaincre que je ne suis responsable de rien ? » Il ferma les yeux, et inspira profondément. Il fallait qu’il retrouve son calme, qu’il parvienne à prendre du recul. Mais le temps n’était pas encore venu ; le choc était encore bien trop présent, bien trop récent. « Mais tu me prends pour qui, en fait ? » Un monstre, apparemment. Et vu sa réaction il n’était pas difficile de deviner qu’il était en colère, mais aussi déçu. @Deborah Brody |
| | | | (#)Sam 8 Jan 2022 - 12:59 | |
| Camil était plus méthodique qu’elle. Déjà il pensait au professionnel qui allait l’ausculter, conscient avant tout que cette grossesse ne devait pas être ébruitée pour le moment. Dans un sens, il n’avait pas tort. Tout pouvait arriver. Les tests pouvaient se tromper – même si Deborah en doutait farouchement, elle le sentait profondément en elle que ce bébé était là – elle pouvait faire une fausse couche comme bon nombre de femmes avant les trois mois, le bébé pourrait avoir un problème, l’annonce de la grossesse pourrait aussi influencée la carrière de Camil si elle n’était pas annoncée au bon moment. Trop de possibilités, trop de questions dans leurs esprits respectifs tandis qu’elle se contentait de hocher la tête lorsqu’il lui parlait d’une certaine Héïana. Elle ne connaissait pas cette personne mais simplement l’idée que ce soit une femme, c’était déjà rassurant pour Deborah. « Demain. Appelle-la demain si c’est possible, s’il te plait. » Pour ne pas dire ce soir tant elle avait besoin de se positionner maintenant qu’ils savaient. C’était aussi sûrement pour ça qu’elle n’avait pas osé faire ces tests. Maintenant que la suspicion était forte – presque affirmée à vrai dire – la soirée était trop avancée pour prendre un rendez-vous urgent chez un professionnel. Il fallait attendre demain, sûrement pour un rendez-vous dans les jours à venir – bien peu consciente du bras long de Camil même sur ce domaine. Ce qu’elle pouvait détester ce processus. Processus qui incluait des choix à faire et de son côté, un choix était au moins fait. Cet enfant, elle comptait le garder et dans son for intérieur, elle savait qu’elle se devait de donner des explications à Camil sur le pourquoi elle prenait cette décision aussi rapidement. Personne lors d’une première grossesse surprise ne réagit de cette façon. C’était évident qu’il se cachait là un passé douloureux. Cette façon qu’elle avait de vouloir retenir ses larmes en était la preuve et le blond n’arrangeait pas les choses en posant les mots qu’elle refusait de poser, en cherchant son regard quand elle évitait le sien à tout prix. Elle pouvait entendre la surprise dans sa voix, peut-être même un peu de déception rapidement suivie de la colère en se rendant compte qu’elle lui avait caché tout ça. Mais surtout, elle avait cette sensation désagréable d’être jugée une seconde fois comme son frère avait pu le faire avant Smith. La mâchoire de la brune se serrait et elle ne pipait plus un mot. Elle n’avait pas envie d’évoquer ce souvenir douloureux, estimant qu’elle n’avait pas de compte à lui rendre sur un passé qui ne pourrait, selon elle, jamais la rattraper. « Parce que ce n’est pas tes affaires et que ça ne l’est toujours pas, ça ne changera rien pour toi, je peux te l’assurer. » Peut-être que Camil s’imaginait qu’elle avait laissé l’enfant au père et qu’à tout moment ce dernier pouvait se manifester à la presse et lui demander des comptes. Une peur qu’elle pouvait comprendre et qu’elle s’efforçait de faire taire en répondant à sa question de façon concise. « J’en sais rien... Je ne sais pas où il est et il ne sait sûrement pas qui je suis. Il n’y a qu’un X dans un dossier de naissance, ça s’arrête-là. » Elle ne voulait pas en dire plus. Elle n’en était pas capable de toute façon tant une douleur lancinante se faisait sentir à l’intérieur. Son cœur tout entier implosait à cette idée. Même elle, elle ne serait pas foutue de remonter la piste pour retrouver son fils alors qu’il était sa chair et son sang et qu’elle l’aimait d’un amour si profond qu’il lui revenait en pleine gueule chaque année, à chaque anniversaire, comme un coup de poing dans l’estomac, comme un couteau trop aiguisé sur des blessures à peine pansées. Chassant autant que possible ses larmes, elle soupirait, secouant doucement la tête. « Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. » Jamais elle n’avait sous-entendu qu’il allait lui demander une telle chose. Elle voulait simplement souligner qu’elle n’en serait pas capable mais elle se rendait bien compte, à la vue de ses réactions, qu’elle s’exprimait sûrement très mal. Alors elle le laissait finir, elle le laissait croire ce qu’il pensait avoir entendu dans les mots de la brune à la fois pour ne pas l’interrompre mais aussi pour éviter de réagir trop à chaud. Ils se connaissaient assez tous les deux pour savoir que leurs caractères respectifs allaient finir par exploser s’ils s’engageaient sur cette voie. Si elle avait osé lui parler de cette grossesse ce soir, ce n’était pas pour faire face aux cris, aux remontrances et aux éclats de voix. Ses larmes étaient déjà difficiles à supporter, ce n’était pas la peine d’en rajouter avec de la colère. « J’imagine rien du tout, Camil. Je suis désolée si je me suis mal exprimée. » Sa voix était calme, posée, presque trop compte tenu de la situation. Elle voulait simplement faire preuve de rationalité. « Je te prends juste pour un humain qui a le droit d’avoir ses propres sentiments, qui a le droit de voir son avenir comme il l’entend. Je te prends juste pour quelqu’un dont on doit respecter les choix comme on a pu respecter le mien il y a quelques années, comme je peux t’affirmer le mien à cet instant. C’est si criminel que ça de ne rien vouloir t’imposer ? » Elle ne l’imaginait pas abandonner ce bébé mais elle ne l’imaginait pas non plus prendre soin de lui. Elle ne l’imaginait pas prendre ses responsabilités mais elle ne l’imaginait pas non plus s’en détourner. Elle n’imaginait juste rien parce qu’elle se refusait d’imposer quoi que ce soit, préférant attendre son point de vue, entendre ses envies sans qu’elle ne l’influence sur aucun point. « Ce bébé, c’est autant le mien que le tien. Je n’ai pas le droit de te l’imposer comme je n’ai pas le droit de t’en détourner. Ce choix t’appartient, c’est tout ce que j’ai voulu dire. » Simplement lui faire savoir que ce bébé à naître allait avoir une mère et qu’elle ne l’obligeait en rien à jouer son rôle de père s’il n’en avait pas envie tout comme elle ne l’empêcherait pas d’être un papa poule si son cœur le lui dictait. « Et je n’attends pas de réponse immédiate, je voulais juste que tu le saches, c’est tout. » haussant simplement les épaules, elle ravalait ses larmes et se redressait du lit, attrapant son sac à main au passage, visiblement prête à partir si Camil ressentait le besoin d’être seul. @Camil Smith
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| | | | (#)Mer 19 Jan 2022 - 23:10 | |
| « Demain, à la première heure, on aura rendez-vous. » Dès l’instant où il aurait fini cette conversation avec Deborah, il s’éclipserait et s’empresserait d’appeler Heïana. Camil la connaissait bien, et depuis suffisamment longtemps, pour savoir qu’il pourrait avoir confiance en elle et en sa discrétion légendaire. Nul doute qu’elle saurait faire preuve de patience, mais qu’elle saurait aussi s’assurer que ce couple médiatique bénéficierait d’un traitement privilégié, qui ne mettrait aucunement en péril la carrière du politicien. Heïana n’approuverait sans doute pas, et ne se gênerait pas pour le dire à Camil — mais elle saurait prendre sur elle, pour apporter au blond les réponses qu’il attendait. Parce que clairement, il ne pouvait pas rester dans le flou éternellement. Il avait besoin de savoir depuis quand ce foetus, ce bébé, cet enfant — il ne savait même pas comment le nommer — prenait ses aises dans les entrailles de Deborah. Il avait besoin de savoir si cette grossesse surprise allait perturber sa candidature, et si le ventre arrondi de l’Irlandaise allait bientôt être visible à l’oeil nu et surtout, il avait besoin de savoir si cet être était en bonne santé. Machinalement, ses yeux dérivèrent vers les courbes de sa maîtresse. Et bien sûr, il ne remarqua rien. Pour le moment. « Je ne veux pas qu’on reste dans l’inconnu total davantage de temps. » Un professionnel saurait les renseigner, les rassurer, leur donner les protocoles éventuels à suivre. Ils avaient besoin d’être accompagnés, d’être soutenus, mais ils avaient avant tout besoin d’y voir plus clair, pour définitivement assimiler cette nouvelle bouleversante. Il songea à Calen et à Sixtine, et ferma les yeux pendant une seconde. Comment allait-il pouvoir annoncer la nouvelle à sa famille ? Et surtout, comment réagirait Calen, qui avait lui-même déjà vécu cette situation presque trente ans plus tôt ?
Alors qu’il pensait que la situation ne pouvait pas être pire, Deborah lui porta le coup de grâce en confessant l’existence d’un enfant. Et pas n’importe quel enfant ! Le sien, né des années plus tôt. Elle restait floue dans les dates, et c’était sans doute pour le mieux ; Camil n’était pas sûr de vouloir en savoir davantage, même s’il ne pouvait nier que sa curiosité avait été piquée. Pourtant, un aspect nettement plus légal et terre-à-terre le fit vriller ; comment avait-elle pu lui cacher un tel événement, alors que son avocat lui avait expressément demandé de lui confier tout ce qui pourrait porter préjudice à la carrière politique grandissante de l’Américain ? Confiant, le blond lui avait dit qu’il n’y avait aucun cadavre caché dans le placard de Deborah, et qu’il n’avait pas besoin de mener de recherches complémentaires. Avait-il eu tort ? S’était-il laissé porter par son égo sur-développé et sa certitude d’avoir trouvé la parfaite complice pour mener à bien une telle supercherie ? « Comment tu peux être aussi convaincue de ce que tu avances ? » Demanda l’Américain, le regard noir. Comment pouvait-elle savoir que ce gamin n’allait pas apparaître sur le seuil de sa porte, un jour ou l’autre ? Réclamer des explications, vouloir des réponses. Serait-elle prête à les lui apporter ? Ou était-elle dans le déni le plus total ? « Et tu crois que ça va rester comme ça éternellement ? Qu’il n’aura pas envie, tôt ou tard, de découvrir qui l’a mis au monde ? » Camil avait bien conscience d’appuyer sur la corde sensible, et de s’immiscer dans la vie privée de l’Irlandaise. Mais aujourd’hui, il n’avait pas d’autre choix ; parce que les choix du passé pouvaient avoir des répercussions au présent, et qu’il avait besoin d’anticiper, pour être prêt. C’était ça, l’un des secrets de Camil : prévoir, prévoir au maximum, pour éviter les écueils. « Et de comprendre pourquoi sa mère biologique ne l’a pas gardé ? » Ajouta-t-il, faisant face à la brune. Même si ses mots étaient tranchants et indélicats, il ne la jugeait pas. Il ne connaissait ni la Deborah du passé, ni les circonstances qui entouraient sa grossesse. Et il n’avait aucun doute sur le fait que de laisser son enfant à l’aide sociale à l’enfance avait dû être une décision déchirante, la pire douleur que Deborah avait dû vivre et ressentir.
Lorsqu’il se sentit pointé du doigt, presque accusé de n’être qu’un géniteur alors qu’ils n’avaient jamais évoqué la possibilité d’avoir un enfant ensemble (comment cela aurait-il pu être le cas, d’ailleurs ? Le deal entre eux, c’était de se faire passer pour un couple aux yeux du public… Et de prendre du bon temps entre adultes responsables en privé) ; Camil se montra nettement plus tranché, nettement plus virulent. Non, il n’allait pas l’abandonner et ne pas reconnaître le fruit de leurs ébats. Non, il ne la laisserait pas se débrouiller seule, sans un sou, sans prendre part à l’éducation de sa progéniture. Il avait beaucoup de défauts Camil, mais la lâcheté n’en faisait pas partie. « Arrête, c’est des conneries pour les irresponsables tout ça. » Dit-il en balayant les mots de l’Irlandaise d’un revers de main. « Et même si je suis un carriériste affirmé et que je n’en ai absolument pas honte, sache qu’il y a au moins un sujet sur lequel je suis particulièrement intransigeant : la famille. » Mais elle ne pouvait pas savoir. Elle ne pouvait pas savoir que Sixtine n’était pas réellement sa soeur. Elle ne pouvait pas savoir qu’il avait conseillé à Calen de s’arranger pour que sa petite-amie de l’époque avorte. Elle ne pouvait pas savoir qu’il avait crevé de honte d’avoir suggéré à son cadet une telle chose, quand il avait rencontré Sixtine pour la première fois. Et elle ne pouvait pas savoir qu’il avait accepté, à contre-coeur, de protéger l’immonde secret des Smith, qui était de faire croire que ses parents étaient aussi ceux de Sixtine. « Je reste persuadé que nous sommes suffisamment âgés et expérimentés pour savoir que, quand on prend un risque, il faut qu’on l’assume derrière. » Mais à quel moment avaient-ils pris un risque, déjà ? Il n’en gardait pas le moindre souvenir — mais leur rendez-vous de demain avec Heïana lui remettrait probablement les idées en place. « Comment… » Commença-t-il, avant de passer une main sur son visage. Il soupira, et reprit : « Comment tu fais pour être aussi calme ? » Demanda-t-il, en insistant volontairement sur l’adjectif. Pour sa part, il avait l’impression d’avoir un feu d’artifices en direct, dans sa propre caboche. Il faisait les cent pas, soupiraient de temps à autres, et reprenaient sa marche. Il esquissa un geste lorsqu’il vit Deborah s’emparer de son sac à main, et déclara : « Reste ici ce soir. » Le ton était sans appel. Conscient qu’il se montrait particulièrement abrupt, il justifia son conseil : « Enfin, fais ce que tu veux. Seulement, si tu dors ici, ce sera plus simple pour le rendez-vous de demain matin. » Sa main plongea dans la poche de son jean, et il en ressortit son téléphone portable. « Je… J’ai besoin de réfléchir, et de prendre l’air. Je vais en profiter pour appeler Heïana. » Déclara-t-il. Il se demanda si Deborah aurait préféré qu’il lui tienne compagnie ; mais il ne tenait pas en place, et surtout, il avait besoin de réfléchir posément à la situation. « Je vais aller prendre l’air, et appeler Heïana, pour le rendez-vous de demain matin. » S’il se justifiait ? Evidemment. Sans même s’en rendre compte. « Si tu n’as pas d’affaires, tu peux te servir dans les miennes. » Déclara-t-il. Il hésita une fraction de seconde, et s’avança vers l’Irlandaise. Il s’accroupit jusqu’à être à sa hauteur et passa son index sur sa joue. « Ça va aller. » Il ne savait pas s’il cherchait à la rassurer elle, ou s’il cherchait à se rassurer lui. Mais ça lui faisait du bien de le dire à voix haute. Il se redressa légèrement, posa ses lèvres sur la joue que son index avait précédemment caressé, et ajouta : « Je te le promets. » Il se dirigea vers la porte de sa chambre, s’arrêta devant la porte, se retourna une dernière fois. « Je reste joignable, s’il y a quoique ce soit. » Il referma la porte derrière lui, inspira profondément, et déverrouilla son portable. Il avait un appel capital à passer, dès ce soir. Un appel qui, il le savait, pourrait dès demain donner un tournant inattendu à sa vie déjà bien chargée, bien remplie, bien chaotique. @Deborah Brody |
| | | | (#)Dim 13 Fév 2022 - 3:47 | |
| Elle comprenait ses questionnements, son besoin de savoir pour appréhender les choses mais il n’avait sûrement pas conscience combien il lui faisait mal à ce moment-là. Il aurait pu se contenter de la première question, de savoir comment elle peut en être sûre mais les suivantes se faisaient entendre et elles étaient d’autant plus marquantes parce qu’elles ramenaient avec elles des souvenirs qu’elle s’évertuait à enterrer. Sa grossesse cachée/tue, son accouchement naturellement pénible, le regard de son frère la pensant égoïste au possible quand il comprenait qu’elle ne reviendrait pas sur sa décision de l’abandon, les douleurs physiques et psychologiques, le trou béant dans son cœur qu’aucun être ni aucun événement ne parviendrait à combler. Elle avait mal, elle n’avait pas envie de lui répondre parce qu’elle estimait que ce n’était pas ses oignons et pourtant, elle sentait son sang bouillir parce qu’elle était comme ça, Deborah. Dès l’instant où la douleur devenait trop grande pour qu’elle soit capable de la gérer, elle se muait en colère qu’elle s’évertuait à vouloir contrôler dans un ton piquant et plus froid qu’elle ne le voudrait réellement. « Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans “né sous x” exactement ? » Essuyant rapidement du revers de la main une larme de rage, elle précisait un peu sa pensée après un soupir qui lui permettait, elle l’espérait, d’être moins en colère, notamment contre elle-même. « Même s’il était en âge de demander son dossier, ce qui n’est absolument pas le cas parce qu’il n’a même pas cinq ans, je n’ai rien laissé comme information qui lui permettrait de remonter à moi ou à son père. Il n’aura que sa date de naissance, son lieu de naissance, l’assurance de ne souffrir d’aucune maladie héréditaire et la raison pour laquelle je l’ai laissé là-bas, c’est tout. » Oui, c’était tout et putain ce qu’elle pouvait regretter ce choix aujourd’hui. « Et si tu as peur qu’une quelconque personne au courant de cette première grossesse ne cafte quelque chose ou qu’on découvre des photos de moi enceinte ou que sais-je encore, c’est impossible. Dorénavant, toi et moi compris, nous ne sommes que 4 au courant de l’existence de cet enfant, en dehors des professionnels tenus par le secret. Alors stop maintenant, on arrête d’en parler, il n’y a rien d’autre que tu devrais savoir sur lui. » Elle ne voulait plus en parler parce qu’elle refusait qu’on puisse qualifier son premier enfant de problème. Le manque et la blessure étaient trop grands pour l’accepter : il n'était pas un problème, il ne le serait jamais. C’était ses choix qui en étaient un, de problème. « Je sais. » disait-elle dans un souffle beaucoup plus modéré quand Camil soulignait que la famille passait avant sa carrière. Elle n’avait pu que le constater dès l’instant où sa sœur était là, plus encore quand sa maladie s’était déclarée. Elle ne pouvait pas nier ses dires quand bien même, au fond d’elle, elle se disait que ce n’était pas pareil. Bien sûr qu’un enfant à naître était d’autant plus important mais c’était surtout un bébé surprise, inattendu et sûrement pas souhaité par Smith tout autant qu’il ne l’était pas par Brody. Oui, Camil était très axé famille mais qu’étaient-ils eux, Debbie et l’enfant ? Elle se sentait comme une pièce rapportée parce qu’ils n’étaient pas un vrai couple et encore moins amoureux et cette grossesse était le résultat d’une mascarade trop longtemps menée, un accident, une erreur de parcours, un truc à assumer comme il le disait si bien. Elle était là, la différence, selon elle, entre une sœur et un enfant non désiré : il assumait une bêtise d’adultes, il avait l’obligation morale de le faire quand tout avait dû être très naturel pour Sixtine, le lien familial de suite établi. C’est tout du moins ce qu’elle pensait, bien peu consciente de toute l’histoire se cachant derrière la petite princesse de Camil. A sa question sur son calme apparent, elle n’avait qu’hausser les épaules. La vie, c’était tout. « Je sais pas. Il est là maintenant, si tout se passe bien il sera là dans quelques mois, qu’on panique ou pas, ça ne changera rien. Je préfère mettre mon énergie à préparer son arrivée qu’à me tourmenter j’imagine. » Au fond, elle était quelque peu résignée et aussi sûrement rassurée par le fait d’être déjà passée par là sans le soutien du papa pendant la grossesse et l’abandon en bout de course. Sans même le savoir – et probablement qu’elle non plus n’en avait pas de suite conscience – c’était Camil, par son discours en dépit de son énervement, qui l’avait rassurée. Elle ne serait pas seule, pas cette fois… ** UNE SEMAINE PLUS TARD **La première nuit, elle l’avait passé avec lui, entre interrogations et angoisses, jusqu’au lendemain matin où Camil avait tenu sa promesse. Ils avaient eu un rendez-vous mais Heïana n’était pas disponible pour un examen complet, seulement une prise de sang qui n’avait fait qu’affirmer 24h plus tard qu’elle était bien enceinte et leur assurait qu’elle ne l’était que depuis quelques semaines et très probablement d’un unique embryon compte tenu des taux. Encore heureux… Pourtant, une semaine après les tests de grossesse à la maison, c’était visiblement stressée que Deborah attendait son tour, avec Camil bien entendu. Héïana s’était arrangée pour les prendre le plus tôt possible mais ça n’avait pas empêché Debbie de trouver le temps foutrement long. Par réflexe, elle bougeait vivement la jambe tandis que sa main était venue se loger sur celle de Camil, son regard croisant le sien dès lors que la patiente avant eux était sortie du cabinet. Ça allait bientôt être leur tour et son stress montait d’un cran, s’en rendant compte par la pression qu’elle avait augmenté sur la main du blond. « Pardon… On va croire que je veux imprimer les lignes de ma main en décalcomanie sur la tienne.» s’excusait-elle avant de souffler un bon coup. Quelques minutes plus tard, sûrement le temps pour Heïana de finir de remplir le dossier de la patiente précédente, ils étaient appelés. A partir de cet instant, c’était le trou noir pour Deborah. Elle était là sans être là. Elle saluait la praticienne par réflexe, le regard un peu perdu, l’esprit ailleurs. Elle laissait Camil répondre aux possibles questions et ne faisait qu’hocher la tête par réflexe sans vraiment entendre ce qu’il disait. Elle ne se sentait pas bien parce qu’elle craignait la suite. Et si leur bébé n’allait pas bien ? Et si le cœur ne battait pas ? Et s’il n’était pas à la bonne place ? Et si elle était obligée d’avorter pour une raison médicale ? Et s’il était porteur d’une maladie grave qu’ils ne seront pas capables de détecter avant sa naissance ? Trop de questions dont elle craignait les réponses. Une crainte qui ne faisait que s’accroître dès lors qu’Héïana l’invitait gentiment à prendre place sur la table d’examen. « Tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas. » La douceur de la jeune femme ne permettait pourtant pas à Deborah de se détendre, le gel froid sur son ventre ne faisant qu’accroître la tension de ses muscles. Cinq minutes. Cinq minutes de silence qui lui paraissait être une éternité tant la sage-femme semblait concentrée sur son écran. « Bon, et bien on dirait que ce petit coquin se cache. Je vais vous demander de bien vouloir vous déshabiller, s’il vous plait. » Debbie n’avait pas besoin de demander pourquoi, elle savait. L’échographie allait se faire de façon interne pour plus de précision. Elle l’avait déjà faite lors de sa première grossesse, son gynécologue de l’époque n’ayant pas pris la peine d’essayer la méthode classique de son côté. Ainsi, presque entièrement nue, elle se sentait plus vulnérable que jamais, tentant en vain de penser à autre chose alors que l’amie de Camil faisait son job avec rigueur. Le temps était long, trop long, jusqu’au moment où quelques mots dans les airs la sortaient de sa torpeur. « Bien... Je vous laisse prendre votre temps et vous rhabillez. Je vous attends à mon bureau pour poursuivre l’examen et discuter de la suite. » Poursuivre l’examen ? Quelle suite ? Instinctivement, son regard s’était tourné vers Camil alors que la sage-femme avait quitté la pièce pour les laisser tous les deux, emportant avec elle la photo de l’échographie. « C’est pas normal... elle peut sourire autant qu’elle veut pour essayer de nous rassurer, c’est pas normal ! Pourquoi on a nous a rien montré ? Pourquoi on n’a rien entendu ? Il est mort… Tu crois qu’il est mort ?! Il peut pas être mort… » et pourquoi commence-t-elle à pleurer à cette idée macabre au point d’être incapable de fermer son jean à cause du tremblement de ses mains ? On pourrait aisément croire que le stress devenait ingérable mais la réalité voulait que c’était son cœur de maman qui se tordait. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Avait-elle trop fumé ou bu trop d’alcool quand ils ne savaient pas encore qu’elle était enceinte ? S’était-elle cognée fortement ces dernières semaines sans en avoir le souvenir ? Avait-elle trop stresser ? Ne s’était-elle pas aperçue d’une possible fausse couche ? Elle en venait même à se demander si le karma ne lui envoyait pas le retour de bâton pour ses mauvais choix d’autrefois. @Camil Smith
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| | | | (#)Mer 16 Fév 2022 - 21:31 | |
| Camil n’était toujours pas remis de l’annonce de Deborah et, à vrai dire, il n’était pas sûr de s’en remettre en un claquement de doigts. Alors oui, ça ne le touchait pas directement, et non, ça n’impacterait en rien sa vie professionnelle et privée. Il s’apprêtait à enchaîner, à lui rappeler le monde ingrat dans lequel ils vivaient. Il aurait pu lui dire qu’avec un paquet de fric, on pouvait généralement facilement obtenir des réponses. Mais Debbie lui fit comprendre que le sujet était clos, et qu’il n’avait pas à en savoir davantage. Il fronça les sourcils, presque surpris d’être rabroué de la sorte — il faut dire, Camil n’avait pas franchement l’habitude qu’on s’adresse à lui de cette manière.
S’il acceptait d’être remis à sa place concernant l’enfant né sous x de Deborah, il se permit de lui rappeler que s’il y avait bien un domaine dans lequel il était aussi sérieux qu’intransigeant, c’était bien la famille. Elle opina du chef, vraisemblablement en accord avec ses propos. « Ton recul sur la situation me laisse franchement… Admiratif. » Concéda-t-il en faisant la moue. Il soupira, noua ses mains derrière sa tête, et continua à faire les cent pas dans sa chambre. Il n’arrivait pas à se concentrer ; toutes ses pensées convergeaient vers l’annonce de Deborah, et des conséquences que cette nouvelle allaient avoir sur leurs vies respectives. « Je… » Commença-t-il, avant de se mordre l’intérieur de la joue. Il cherchait la meilleure tournure de phrase, la façon la plus douce de leur faire garder les pieds sur terre. « Je suggère qu’on attende de faire le point avec Heïana, avant d’anticiper sur le futur. » Et il allait s’empresser d’appeler son amie, afin qu’elle lève le voile sur leurs doutes le plus rapidement possible. « Et… Et quand on aura nos réponses, on planifiera la suite. Ça te va ? » Il fourrait déjà sa main dans sa poche pour en extirper son portable, et composer le numéro de la sage-femme. Il s’éclipsa de la chambre lorsqu’il entendit retentir la première sonnerie, abandonnant momentanément une Irlandaise déboussolée.
Une semaine plus tard.
Les résultats de la prise de sang de Deboah ne s’étaient pas faits attendre, et venaient confirmer ce que l’Irlandaise soupçonnait déjà : elle était enceinte. Même s’il n’avait pas franchement douté des ressentis et autres présages de sa maîtresse, découvrir que la science venait corroborer ses déductions lui avait fait un drôle d’effet. À présent, ils ne pouvaient plus nier la vérité. Ils ne pouvaient plus prétendre qu’ils n’étaient pas au courant. Ils ne pouvaient plus croire qu’il s’agissait d’une fausse alerte, générée par un stress trop intense. Parce que toutes les lignes de cette prise de sang convergeaient vers un seul et même point : Deborah était enceinte. Machinalement, et bien malgré lui, Camil avait laissé son regard dévier sur le ventre plat de la brune, et un tas de questions s’était succédé : à partir de quelle moment cette grossesse allait-elle devenir visible ? Depuis combien de temps était-elle enceinte, exactement ? Allait-elle longtemps souffrir de symptômes désagréables ? Les prochains mois allaient-ils bien se dérouler ? Les deux futurs parents parviendraient-ils à trouver un terrain d’entente pour des choses aussi importantes que le prénom, l’éducation, les valeurs morales ? Les jours qui avaient suivi les résultats, Camil avait longuement pensé à son frère. Il était déjà passé par là, dans le passé. Il avait dû être se poser les mêmes questions, et être habité par les mêmes doutes. La différence ? Presque trente ans séparaient la paternité de Calen et celle de Camil. Trente ans au cours desquels l’aîné avait eu le temps de vivre, de profiter de la vie, de découvrir le monde, de se construire une carrière, d’assurer financièrement ses arrières. Trente ans où il avait eu l’occasion de grandir, de devenir plus mature, d’être plus responsable. Et pourtant… Pourtant, il n’en était pas moins bouleversé. Il avançait à l’aveuglette, dans le noir, dans l’inconnu le plus total. C’était précisément ce manque de préparation et ces équations à multiples inconnues qui le tenait éveillé la nuit. Les bras noués derrière la tête, il contemplait le plafond pendant des heures — alors même qu’il soupçonnait Deborah d’en faire tout autant.
Ce rendez-vous, Camil l’avait attendu avec impatience. Parce qu’il avait des questions auxquelles il espérait qu’Heïana pourrait bien répondre, et parce qu’il avait cruellement besoin de s’assurer que tout allait bien. Si la communication n’avait jamais franchement été son point fort, il lui semblait qu’une faille, légère et pourtant bien visible, s’était creusée entre Deborah et lui. Il ne la blâmait pas ; il savait pertinemment qu’elle faisait de son mieux pour appréhender cette nouvelle choquante et bouleversante. Il savait que cette annonce avait ravivé des plaies du passé qui ne cicatriseraient probablement jamais. Et il savait qu’elle allait avoir besoin de temps, de beaucoup de temps, pour accepter ce qui était en train de se passer. Il s’était juré d’être présent, à ses côtés, au cours des prochains mois. Il s’était juré de prendre du temps pour ne pas la laisser seule. Et il s’était juré, aussi, d’être un père aimant et protecteur. Oui, en une semaine, la liste des priorités de Camil Smith avait considérablement évolué. Il laissa la brune nouer ses doigts aux siens, et exerça une légère pression sur sa main. Ça allait bientôt être à eux et, déjà, il sentait la nervosité le gagner. Il déglutit, et sentit un poids tomber dans son estomac lorsqu’il vit Heïana se présenter devant eux, aussi gentille et souriante qu’à son habitude.
« Deb… » Murmura l’Américain en s’approchant de sa prétendue compagne. Il se positionna face à elle, et ses mains s’emparèrent des siennes. La tête baissée, il avait le coeur qui battait à vive allure, et il cherchait les meilleures paroles à prononcer pour tenter de la rassurer. Mais à quoi bon ? Au fond de lui-même, il savait. Il savait que Deborah était dans le vrai, et que le sourire délicat d’Heïana cachait quelque chose. Il savait que le comportement de la sage-femme était sujet à diverses interprétations, et qu’aucune n’était positive. Il savait que quelque chose n’allait pas, ne tournait pas rond, mais il ne savait pas encore quoi. Il déposa les mains de la brune sur ses propres hanches, et avança ses mains jusqu’à son jean. Il le reboutonna et, gardant la tête baissée, souffla : « Ça va bien se passer. » Menteur. Il se mordit l’intérieur de la joue, et encadra les joues rougies par l’émotion de son interlocutrice. Il se pencha vers elle, et ses lèvres se posèrent sur les larmes qui roulaient lentement le long de sa peau. « Arrête de pleurer, Debbie. » Il la suppliait presque, se sentant complètement démuni devant cette situation inédite. D’habitude, en bon diplomate qu’il était, il savait toujours trouver les bons mots. Mais il n’était pas en représentation devant un public ou ses futurs électeurs ; il était dans sa sphère privée, et avait l’impression de jouer son avenir. Il plaqua la tête de Debbie contre son torse, et noua ses bras autour de ses épaules. Son menton se posa sur le sommet de son crâne, et il la berça avec douceur et tendresse. Au bout de quelques minutes, il souffla : « On va devoir y aller. » Il inspira, et poursuivit d’une voix calme : « Heïana va nous dire ce qu’il en est, et on sera fixé. » Il posa ses lèvres sur les siennes, et s’y attarda volontairement. Il cherchait autant à lui donner un peu de courage, qu’à puiser des forces pour affronter le compte-rendu que la sage-femme ne manquerait pas de leur faire. « Parce qu’on a besoin d’être fixé, Debbie. Il faut qu’on sache où on va. » Il se redressa, et glissa une main dans celle de son interlocutrice. « Attends. » Ajouta-t-il en posant une main sur sa poitrine pour l’inviter à rester assise, conscient que dès qu’ils seraient face à Heïana, leur vie pourrait être chamboulée. « Je ne sais pas ce qu’elle va nous dire, mais… » Il soupira, déjà presque résigné, et déclara : « Je serai là. Je ne te laisserai pas tomber. » Que ce soit positif ou négatif, que ce soit grave ou non, que ce soit impactant ou pas, il serait là. Il se tiendrait à côté, et prendrait le temps qu’il faudrait pour qu’ils se reconstruisent, tous les deux. Il déposa un énième baiser sur ses lèvres charnues, et entraîna l’Irlandaise à sa suite. Dans un silence quasi religieux, ils allèrent retrouver Heïana, qui les attendait patiemment. Assise derrière son bureau, le visage fermé, alors que ses doigts tapotaient sur son sous-main. Deborah et Camil s’assirent face à elle, prêts à affronter la vérité. Prêts à affronter leur destin. Prêts à assumer. Le politicien jeta un dernier coup d’oeil à sa prétendue compagne. Elle avait une attitude fuyante, et semblait sur le point de craquer à tout moment. Mais l’incertitude et l’inconnu allaient les bouffer, alors Camil releva les yeux vers le médecin pour prononcer : « On t’écoute. » La vérité risquait de faire mal ; mais plus vite ils la connaîtrait, plus vite ils pourraient prendre les décisions qui s’imposaient. @Deborah Brody |
| | | | (#)Ven 18 Fév 2022 - 2:18 | |
| Elle n’aurait jamais dû la faire cette prise de sang. Ça avait été leur première erreur sur ce parcours qui promettait d’être semé d’embûches. Les mots étaient posés, les résultats étaient tombés : elle était enceinte. Et pour la suite, il fallait attendre. Peut-être que sans cette prise de sang, sans cette attente supplémentaire avant l’examen final, elle ne se serait jamais projetée comme Camil le lui avait plus ou moins demandé en parlant d’aviser le futur seulement quand ils seront sûrs. Dans l’esprit de Deborah, cette prise de sang avait suffi à tout rendre réel et d’ores et déjà, elle n’avait pas su s’empêcher d’aller voir des articles bébés sur le net, de jeter un coup d’œil aux nouveautés technologiques qu’elle n’avait pas connu en 2016 - 2017. Elle s’y voyait déjà quand bien même il était dangereux d’espérer autant avant le cap des trois premiers mois fatidiques. Elle avait légèrement pris ses distances avec Camil parce qu’elle se noyait un peu entre deux eaux : elle n’en voulait pas de ce bébé et pourtant elle l’aimait déjà comme ça avait été le cas avec son premier. Elle ne voulait pas lui imposer ses doutes et ses espoirs, pas avant d’avoir vu de leurs propres yeux et entendus distinctement un signe de vie. Elle ne savait plus sur quel pied danser – sans compter les regards de Camil qu’elle surprenait parfois à surveiller d’éventuels signes de rondeur. Sûrement les quelques jours les plus longs de sa vie. C’était avant de subir les plus longues minutes. Il lui semblait une éternité tant l’obstétricienne était silencieuse, jusqu’à ce que la porte se ferme derrière elle et que ça les plonge un instant dans un vrai silence. C’était celui-là même qui la faisait craquer. Maladroitement, elle venait d’annoncer son désir d’enfant en manifestant cette peur viscérale qu’il soit en mauvaise santé, qu’il n’ait pas tenu le coup en ces quelques jours, qu’elle ne puisse pas le connaitre lui non plus. Sa carapace de calme que lui enviait Camil depuis quelques jours s’effritait entre les mains du géant qui s’évertuait à vouloir la rassurer. Il ne recevait qu’un hochement négatif de tête de la part de Deborah. Non, ça n’allait pas bien se passer et ils le savaient tous les deux, d’autant plus elle qui était déjà passée par toutes ces étapes. Le doute, elle ne se le permettait pas parce qu’elle savait que ça lui ferait d’autant plus mal si elle se l’autorisait. Prévoir le pire pour être éventuellement surprise du meilleur : il valait mieux que ce soit dans ce sens-là. Sa constance, elle ne la retrouvait qu’entre les bras de son acolyte, apaisée par sa tendresse et ses baisers sous toutes les formes. Son front ne quittait le sien qu’après un baiser partagé, le premier depuis la semaine précédente. Il avait raison : même si ça ne leur plaisait pas au moins les choses seraient enfin claires, leur avenir avec. Si elle n’était pas capable de formuler plus qu’un « merci » murmuré mais terriblement sincère quand il lui promettait d’être là quoi qu’il advienne, ses pupilles humides parlaient pour elle : il n’avait pas idée combien ça pouvait la soulager de l’entendre le dire. Si l’appréhension restait coincée entre ses reins, il la rendait plus forte dans sa manière qu’il avait d’être solide pour deux. Le seuil de la porte était difficile à franchir mais pas impossible quand elle était avec Camil. Si son regard avait fini par le quitter pour être complètement focalisé sur la sage-femme, Deborah n’avait pourtant pas lâché sa main. Son stress se traduisait et se voyait dans cette sale habitude qu’elle avait de mordre sa lèvre inférieure, d’en arracher les quelques petites peaux parfois jusqu’à en saigner légèrement. La douleur physique pour palier la douleur du cœur. « Il faut que je vous pose encore quelques questions pour être sûre de ce que j’avance, je ne voudrais pas me tromper. » Lorsque son regard se levait vers Deborah et qu’il transpirait la compassion – la professionnelle ayant bien vu que la jeune femme ne se sentait déjà pas bien – elle comprenait que c’était pour sa pomme. Le silence de l’Irlandaise soulignait alors toute l’attention qu’elle portait à son interlocutrice – et son besoin d’un court instant pour se contrôler et ne pas exploser en plein vol. « Votre première grossesse s’est déroulée sans encombre ? » « Oui. » disait-elle non sans une hésitation dans la voix, ne percevant pas ce que ça pouvait avoir à faire avec leur situation actuelle. « Avez-vous déjà ressenti des symptômes ces derniers temps ? Comme des fringales ou au contraire une grande perte d’appétit. Des nausées peut-être ou des douleurs à la poitrine. » « Euh oui. L’odeur du gras commence à vraiment m’écœurer et encore ce matin j’ai dû mettre une brassière de sport parce que je n’arrivais pas à mettre un soutien-gorge normal sans grimacer. » Décontenancée par ces questions si simples et dont les réponses lui semblaient si logiques, Deborah en fronçait les sourcils d’incompréhension et coupait légèrement la parole d’Heïana. « Pardon mais je comprends rien là, qu’est-ce qui se passe au juste ? Enfin je veux dire, c’est normal de ressentir tout ça quand on est enceinte, non ? Ne plus avoir ses règles, être incommodée par les odeurs, avoir des envies étranges, une prise de poids et de formes, ressentir des douleurs et la peau se tendre. Vraiment, pardon, mais vous me perdez plus qu’autre chose avec ce genre de questions. »« Je comprends, je m’en excuse mais il fallait que je m’en assure. » Le léger soupir d’Heïana qui avait suivi et cette façon qu’elle avait eu de dériver légèrement son regard sur Camil laissait entendre qu’elle voulait leurs attentions, à tous les deux. « Alors oui, pour répondre à votre question c’est tout à fait normal d’avoir ces symptômes, vous avez raison. » Est-ce que c’était signe que leur bébé allait bien ? Que la grossesse se déroulait normalement ? Pouvait-elle se permettre cette lueur d’espoir, un petit instant seulement ? « Je vais vous dire les choses clairement et peut-être de façon un peu crue parce qu’il faut que je le fasse, il faut que vous compreniez les choses, que vous entendiez bien les mots et tout ce que ça implique. J’ai eu un doute lors des résultats de la prise de sang. C’est positif mais les taux sont faibles et à entendre ce que vous me décrivez en plus du résultat de l’échographie et de la connaissance que j’ai de votre dossier et de votre précédente grossesse : vous n’êtes pas enceinte. Vous ne l’avez jamais été pour être tout à fait exacte. » Heïana savait que l’information était difficile à digérer. Les couples qui passaient la porte de son cabinet ne s’attendaient jamais à ce genre de nouvelles, alors elle patientait un instant pour leur laisser le temps de réaliser. Deborah restait bouche-bée, complètement pantoise, le regard visiblement perdu, elle ne semblait pas bien comprendre. Elle n’était pas enceinte. Alors son premier réflexe était un sourire dirigé vers Camil, comme si elle attendait l’approbation des mots qu’elle s’apprêtait à prononcer. « Bon, au moins c’est clair, on a plus de souci à se faire... C’est bien, c’est bien… n’est-ce pas que c’est bien ? » Pourquoi ne sentait-elle pas un soulagement qui devrait être là ? Pourquoi ses yeux la brûlaient si c’était si bien que ça ? Pourquoi semblait-elle vouloir s’en convaincre en prononçant ces mots à voix haute alors qu’elle sentait une douleur lancinante s’immiscer dans son cœur et ses derniers remparts s’effondrer ? Elle n’osait même plus regarder Heïana, cachée derrière ses cheveux, sa main libre essuyant ses larmes silencieuses qu’elle savait bruyantes si jamais elle osait prononcer un mot de plus. Sensible à la détresse de Deborah, la sage-femme avait fait le tour du bureau pour glisser une main compatissante sur son genou mais elle se devait pourtant de continuer ses explications, elle se devait d’aller au bout des choses alors ses iris captaient davantage ceux de Camil. Elle ne l’oubliait pas dans l’histoire. « C’est ce qu’on appelle une grossesse nerveuse. Tous les symptômes sont là mais l’utérus est vide. » disait-elle en lui tendant l’échographie, une image valant milles mots, de quoi peut-être faire réaliser Deborah également. « Il n’y a aucune trace de fausse couche et moins encore de fécondation. C’est rare mais ça peut arriver chez des femmes ayant de forts désirs d’enfant ou, au contraire, une peur importante de tomber enceinte. Le corps somatise des traumatismes qui y sont liés et créé une grossesse fictive en conséquence. Tout se passe dans la tête, c’est un travail à faire sur soi pour faire cesser ce phénomène. » Brody écoutait toujours et si elle restait silencieuse, elle réalisait doucement que tout était sa faute, que tout reposait sur ses épaules et que son esprit lui jouait des tours au point d’en convaincre son corps. « Je suis désolée... » trois petits mots prononcés dans la direction de Camil, sa main serrant un peu plus la sienne. Elle prenait la responsabilité de tout et s’excusait de l’entraîner avec elle là-dedans. Elle se sentait si mal et si stupide à la fois. Elle-même ne savait pas ce qu’elle ressentait : était-ce la peur d’être enceinte ou une envie folle de l’être ? Ou était-ce « Vous avez laissé votre premier enfant à l’état, n’est-ce pas ? » Quelques mots qui suffisaient pour faire bondir Deborah de sa chaise, la rage au visage, les larmes plus nombreuses encore mais surtout la colère dans la voix, dans ses poings si serrés que les jointures en devenaient blanches de pression tant elle se contenait de ne pas lui en coller une. « ARRETEZ DE ME PARLER DE LUI ! JE VOUS INTERDIS DE PARLER DE LUI DANS CE MOMENT-LA, VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE FAIRE CA ! » Habituée à gérer tout type d’émotions, Heïana gardait son calme malgré tout. « Il va falloir en passer par là pourtant pour vous libérer de ce poids, que vous le vouliez ou non, c’est nécessaire. Vous allez devoir en parler même si ce n’est pas facile mais vous n’êtes pas toute seule, Camil sera là pour vous accompagner et je vous donnerai toutes les réponses dont vous avez besoin tous les deux. Commencez par vous mettre en tête que ce n’est en rien de votre faute. » Secouant la tête, Debbie refusait cette idée. Aller voir un professionnel pour parler des douleurs liées à sa première grossesse, c’était admettre que son fils était un problème et elle n’était pas prête à ça, vraiment pas. « Non... Non… Non, c’est que des conneries tout ça, c’est impossible. Je suis enceinte, je suis forcément enceinte ! Vous vous êtes plantés quelque part, vous avez merdé, vous -. Putain ! Stop, ça suffit, je ne veux plus rien entendre, je me casse d’ici. » Elle était perdue, complètement perdue et ses vieilles habitudes refaisaient surface : elle fuyait. Elle s’était emparée de son sac et avait fui le cabinet, oubliant jusqu’à Camil derrière elle. Elle avait la sensation de faire un bond en arrière, en 2016, quand elle était seule face à la découverte de sa grossesse. Elle ne réalisait pas qu’elle n’était pas enceinte parce que son corps entier hurlait le contraire, parce qu’elle refusait de faire le deuil d’un bébé qui n’avait même pas existé. @Camil Smith
Dernière édition par Deborah Brody le Mar 26 Avr 2022 - 17:25, édité 1 fois |
| | | | (#)Dim 13 Mar 2022 - 19:00 | |
| Il n’avait pas osé se montrer si proche de l’Irlandaise depuis une semaine, date à laquelle ses tests de grossesse s’étaient révélés positifs. Cette annonce avait clairement eu une influence sur leur vie de tous les jours ; incapables de franchir cette étape qu’ils n’avaient pas prévu dans leur plan pourtant bien ficelé, Deborah et Camil ne se parlaient quasiment plus — et certainement pas pour des choses importantes. Alors que leur emploi du temps aurait dû être particulièrement dense à l’approche des élections, ils avaient choisi de décliner toutes les invitations publiques qu’ils avaient reçues. À quoi bon parader, quand le coeur n’y était pas ? Les deux amants avaient toujours été fusionnels et plutôt démonstratifs, même en public ; le moindre faux-pas susciterait forcément des questionnements, et ferait planer le doute sur la stabilité de leur couple — ce qui n’était pas à souhaiter. Quant à l’aspect charnel de leur relation, Camil n’y pensait même pas. Cet incident leur avait coupé toute forme de libido, eux qui n’avaient pourtant jamais été en reste en matière de corps à corps. Ils étaient loin, leurs regards enflammés et leurs baisers passionnés. Loin, leur besoin d’être physiquement proches, en contact, presque collés comme deux adolescents en plein éveil sexuel. Loin aussi, leurs gémissements indécents et leurs accouplements nocturnes. En d’autres circonstances, l’Américain s’en serait probablement offusqué et aurait rivalisé d’inventivité pour faire céder sa maîtresse. Mais cette idée ne lui avait même pas effleuré l’esprit, tant son âme avait été affectée par l’annonce tonitruante de sa paternité à venir. Serait-il un bon père ? Parviendrait-il à trouver du temps, suffisamment de temps, pour élever correctement cet enfant ? Allait-il être aussi protecteur et aussi jaloux qu’il pouvait l’être avec Sixtine ? Serait-il capable de faire preuve de patience, de générosité, de courage ? Allait-il être en mesure de préserver cet être innocent de la barbarie du monde ? Et quel tournant allait prendre sa relation avec Deborah ? Devaient-ils se donner une chance en tant que couple, ou rester les amants fougueux qu’ils avaient toujours été ? Seraient-ils d’accord sur la façon d’élever leur enfant, et capable de rester unis malgré leurs différends ? Comment appréhenderaient-ils les moments où, inévitablement, ils ne s’accorderaient pas sur un point d’éducation ? Toutes ces questions tournaient, inlassablement, dans la tête de Camil. Au point qu’il ne parvenait tout bonnement plus à penser à autre chose — même la politique était passée au second plan, alors qu’il comptait y dédier le reste de sa carrière. Son menton se posa sur le front de l’Irlandaise, et il l’enlaça avec douceur. Ce n’était pas l’endroit idéal pour cajoler la brune, mais c’était la première fois qu’il esquissait un pas dans sa direction depuis la semaine dernière. Et, par chance, elle ne le repoussa pas. À l’inverse, il sentit ses petites mains s’agripper à son tee-shirt. Il prononça une série de mots rassurants, lui promit de se tenir à ses côtés tout au long de sa grossesse, et plus encore. Désormais, ils n’étaient plus simplement Deborah et Camil ; ils étaient une entité, une unité, et ils devaient faire front ensemble.
Parce que contrairement à ce que l’Américain pensait, le pire était à venir. Il suivait les échanges entre Heïana et Deborah avec un certain recul, comprenant petit à petit que quelque chose n’était pas normal. La sage-femme posait trop de question, tournait trop autour du pot — et, surtout, son attitude était fuyante. Elle qui s’était toujours montrée souriante et enthousiaste s’obstinait à ne pas croiser le regard clair du blond, comme si elle voulait retarder une douloureuse échéance. Qui, avec surprise, tomba comme un couperet : l’irlandaise n’était pas enceinte, et elle ne l’avait jamais été. Il sentit les doigts de la brune serrer les siens et, machinalement, il répondit : « Oui, oui… C’est bien. » Sans réfléchir, sans y penser, sans même comprendre. Cette annonce, effectivement, leur retirait un poids sur les épaules. Mais à quel prix ? Combien de temps Deborah allait-elle tenir le choc ? Combien de temps allait-elle afficher ce sourire de façade, avant que le vernis ne craque ? Combien de temps allait-elle pouvoir prétendre que ça allait, alors que tous les signaux qu’elle renvoyait indiquaient le contraire ? Son sourire était trop étiré pour être sincère, trop fixe pour être naturel. Ses yeux bruns semblaient s’accrocher aux siens, comme pour chercher une forme d’approbation qui ne viendrait jamais. À vrai dire, Camil était le premier surpris, et le premier démuni face à cette improbable situation. Le premier à être perdu, et à ne pas y comprendre grand-chose. Son cerveau semblait être bloqué ; il était incapable de réfléchir, de se projeter, de laisser passer la moindre émotion. Il assimilait petit à petit les mots de son amie, sans réellement trouver un sens cohérent derrière les phrases qui s’enchaînaient à une cadence folle. Alors comme ça, Deborah n’était pas enceinte ? Il peinait à y croire, puisque tout son comportement indiquait l’inverse — à commencer par les nausées matinales, qui retournaient presque quotidiennement son estomac. Ce matin même, elle avait dû se précipiter aux toilettes pour évacuer le reste du repas de la veille. Camil, encore allongé dans le lit qu’ils partageaient sagement depuis une semaine, n’avait pu être que le témoin passif de cette situation qui semblait confirmer tous leurs soupçons. Heïana fit le tour de son bureau, et s’installa à côté de l’Irlandaise pour poursuivre ses explications. Une grossesse nerveuse ? Mais comment était-ce possible ? Était-ce uniquement du fait de Debbie, ou était-il, lui aussi, responsable de cette situation ? Qu’avaient-ils fait, et que devraient-ils faire ? Qu’allait-il se passer, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines ? Que deviendraient les symptômes de grossesse de la brune ? « Deb… » Murmura l’Américain en secouant la tête, refusant ses excuses. Il ne la jugeait pas responsable. Petit à petit, Heïana posait les pièces d’un puzzle dramatique, qui rendait évident l’erreur de jugement de l’Irlandaise. Que souhaitait-elle, au plus profond d’elle-même ? Retrouver son premier enfant ? Ou compenser son absence en faisant un autre bébé ? Camil ne comprendrait jamais ce que pouvait ressentir Deborah, mais il ne pouvait que supposer qu’elle était sans dessus-dessous. Lui-même avait senti le sol trembler sous ses pieds, et une douleur irrépressible lui enserrait la poitrine. Il comprit que les semaines à venir seraient terribles quand, brusquement, la brune s’emballa. Elle perdit son sang-froid dès qu’Heïana eut l’audace de lui parler de son premier enfant, et hurla comme jamais elle ne l’avait fait jusqu’à maintenant. Camil, impuissant, assista sans broncher et sans bouger à cette scène déchirante. Il la regarda s’éloigner, et plongea sa tête dans ses mains en soupirant. Heïana posa une main qui se voulait compatissante sur son épaule, et l’Américain redressa la tête en sa direction. « Je devrais y aller. » Il attendait qu’elle lui confirme qu’il s’agissait de la seule et unique chose à faire. Elle hocha la tête, et lui souhaita beaucoup de courage. Alors qu’il allait s’éclipser, elle le retint encore quelques instants, avant de lui tendre une feuille. « Une liste de spécialistes. » Précisa-t-elle, sans en dire davantage. Ce n’était pas nécessaire ; Camil avait compris.
« Deborah. » Son prénom complet n’avait plus franchi la barrière de ses lèvres depuis des semaines, voire même des mois. Il l’avait affublée de surnoms plus ou moins ridicules, plus ou moins mignons, et ça n’avait fait que rendre leur cinéma de couple encore plus crédible. La tête penchée, elle était complètement masquée par un rideau de cheveux qui encadrait son visage. Il devina qu’elle pleurait — ses épaules se soulevaient et s’abaissaient à chacun de ses sanglots — et sentit son coeur se serrer. Camil, un brin démuni face à cette situation aussi complexe qu’inédite, s’accroupit pour essayer de capter son regard — en vain, puisque Deborah gardait la tête obstinément baissée. « Regarde-moi, s’il te plait. » Réclama-t-il d’une voix douce. Il déglutit en voyant que les deux mains de la brune étaient posées sur son ventre, et comprit instantanément qu’elle devait être en état de choc. Il ne pouvait pas la blâmer ; lui-même, pourtant habituellement doué en rhétorique, avait du mal à trouver les mots justes. « On ne peut pas rester ici. » Parce qu’ils avaient bénéficié des largesses d’Heïana, ils avaient pu obtenir un rendez-vous très matinal. D’ici quelques minutes à peine, des dizaines de patientes viendraient faire contrôler l’avancée de leur grossesse — et Camil n’était pas persuadé que voir une succession de ventres ronds dans les couloirs aideraient Deborah à digérer cette nouvelle. Il avança sa main vers celles de l’Irlandaise, et tenta de les dénouer. « On va rentrer à la maison, et je vais rester avec toi aujourd’hui. » Tant pis pour ses rendez-vous, interviews et autres points qu’il devait impérativement faire dans les plus brefs délais ; après tout, ses équipes de campagne pourraient bien gérer en son absence. Il se faufila entre ses doigts, qu’il noua aux siens avant de se redresser. « Si tu veux qu’on en parle, on pourra en parler. Si tu veux que je te laisse tranquille, je te laisserai tranquille. Et si tu veux qu’on fasse une activité quelconque pour te changer les idées, alors on fera ce qui te plaira. » Mais au vu de son état, il n’était pas convaincu qu’elle soit apte à faire quoique ce soit. En quelques minutes à peine, l’Irlandaise avait complètement changé d’attitude. À vrai dire, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, comme incapable de prendre le dessus sur cette tonitruante annonce. Ils firent quelques pas hésitants dans le couloir immaculé de la clinique. Où était passée la pétillante et dynamique Debbie ? Toutes ses forces semblaient l’avoir abandonnées, à tel point que Camil passa un bras autour des hanches de la brune — au cas où ses jambes ne la porteraient plus. « Ça va aller ? » Demanda-t-il à voix basse, s’attendant à tout de sa part. Elle était blanche comme un linge, et on lisait clairement l’abattement sur ses traits délicats. Elle avait traversé des épreuves, tout au long de sa vie. Mais celle qui l’attendait avait un goût amer, et risquait d’avoir des répercussions sur le long terme. Un point qu’Heïana avait vraisemblablement anticipé, puisqu’elle avait fourni à Camil une liste de professionnels de santé qui seraient en mesure de prendre Deborah en charge dans les meilleurs délais. Mais accepterait-elle seulement de l’être, prise en charge ?
@Deborah Brody |
| | | | (#)Mar 26 Avr 2022 - 19:29 | |
| Le silence du couloir était bourdonnant à ses oreilles. Deborah avait la sensation d’entendre son cœur battre à tout rompre, de sentir la brûlure de ses larmes sur ses joues. Elle ne savait même plus pourquoi elle pleurait. Regrettait-elle de ne pas être enceinte ? Avait-elle mal à l’idée que tout soit lié à sa première grossesse ? Était-elle simplement sous le choc de cet enchaînement d’annonces, chamboulée d’autant plus par ses hormones sens dessus-dessous ? Tout ce qu’elle pouvait affirmer c’est qu’elle avait ressenti le besoin de fuir la conversation, la nécessité express de s’isoler. Il serait si facile pour elle de faire semblant, d’ignorer les symptômes pour tenter de remettre les choses dans l’ordre comme elle le faisait si bien d’habitude mais il était évident que cette fois, l’inconscient était bien plus fort et elle en avait bien conscience aujourd’hui. Elle ne pourrait plus faire semblant, elle ne pouvait plus enterrer ses sentiments et faire comme si rien ne s’était passé. Son corps lui faisait payer ses années de silence et elle allait devoir faire face aux conséquences. Immanquablement, elle pensait à son fils, au père de ce dernier, et la plaie jamais fermée que ça avait laissé dans son cœur se mettait à saigner. La douleur l’avait faite s’asseoir dans le couloir et le recroquevillement sur elle-même était symptomatique de la solitude dans laquelle elle s’était enfermée face à ce traumatisme. La leçon à apprendre était douloureuse et ne faisait, malheureusement, que commencer. Elle détestait l’état dans lequel elle se mettait mais elle ne savait pas non plus l’empêcher. Son corps commençait à évacuer bien malgré elle et bien malgré Camil, aussi perdu qu’elle, peut-être même plus. Elle ne pensait pas à l’idée de se mettre à sa place, probablement parce qu’elle ne savait même pas où se situer elle-même dans cette situation inédite. Tous les deux souffraient sûrement mais de façon bien différente. Alors quand le blond essayait de s’introduire dans cette bulle invisible, elle le rejetait silencieusement. Physiquement, elle ne bougeait pas, elle ne pipait pas un mot mais elle ne le regardait pas non plus comme il lui avait pourtant demandé avec toute la douceur du monde. Elle se refermait comme une huitre parce que c’était ainsi qu’elle fonctionnait quand bien même ce n’était visiblement pas la bonne solution. Camil le savait et dans un sens, lui forçait quelque peu la main, pour son bien. Il parvenait à faire céder la barrière physique quand sa main se liait à la sienne en dépit de la force qu’elle avait mise pour l’en empêcher. Il l’avait promis : il serait là pour elle et il ne dérogeait pas à ses paroles. Il l’arrachait à ce couloir devenu soudainement sordide pour elle, sans jamais manquer de tact, de tentative de compréhension et de gentillesse assurée. Elle s’en rendrait compte plus tard : il n’était pas obligé de faire ça et ça ne faisait que mettre en évidence ce qu’ils savaient déjà : leur relation ne s’arrêtait pas qu’à leur contrat, ils étaient devenus bien plus que ça, de véritables soutiens l’un pour l’autre au quotidien, une amitié affirmée qui ne faisait que se renforcer face aux épreuves communes. Alors elle le suivait sans sourciller, les traits abattus, le cœur en miettes et les lèvres verrouillées, mais en toute confiance malgré tout. Son ancre, c’était lui désormais. FIN DU SUJET @Camil Smith
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