| i know i broke all your rules (craker #10) |
| | (#)Ven 2 Juil 2021 - 16:19 | |
| Il y a les pages d’un roman sous tes yeux mais tu n’arrives pas à te concentrer. Ça doit bien faire cent fois que tu relis les mêmes mots sans jamais vraiment les comprendre, repassant sans cesse sur la même phrase bien incapable de continuer ta lecture. T’as la jambe qui saute d’une nervosité qui ne te lâche pas depuis des jours et t’as l’esprit partout sauf dans le roman qui te sert de pauvre excuse pour t’occuper l’esprit en attendant. Tu ne sais pas trop ce que tu attends tant tu es certaine qu’il ne viendra pas. Pas ici, pas ce soir et surtout pas pour te voir toi. Pourtant, même si les minutes ont filé et que plus d’une heure est passée depuis le temps donné du rendez-vous, tu ne peux te résoudre à partir. Tu ne peux te résoudre à quitter ce toit qui te paraît soudainement maudit. Tu ne sais pas trop pourquoi tu as choisi cet endroit. Tu réalises avec le temps qui passe que c’était une mauvaise idée. Il y a trop de souvenirs ici, des bons et des mauvais aussi. La dernière fois que vous vous êtes retrouvés ici face à face est encore bien fraîche dans ta mémoire. Tu revois ton téléphone qui vole par dessus la rambarde pour finir sa chute sur le trottoir. Tu revois le détachement dans ses yeux. Le début de la fin. Il y a tellement de choses qui ont changé depuis, ça te fait tourner la tête juste d’y penser. Il n’y a plus de fiançailles, plus de Lachlan non plus depuis des mois maintenant. Ça fait des mois aussi que tu as cessé de te rendre aux repas hebdomadaires se déroulant au manoir Craine, des mois que tu n’as pas posé les yeux sur tes frères. La seule que tu as vu récemment, c’est Wendy. Wendy qui est venue aux nouvelles, Wendy qui reste ton seul lien maladroit avec ta famille. T’as aucune idée comment tu vas leur annoncer la nouvelle d’ailleurs, à ta famille. Mais c’est pas à ça, ni à eux que tu penses alors que tes doigts triturent avec les pages de ton livre.
Parce que tu dois lui parler à lui d’abord. Si seulement il pouvait accepter de t’écouter.
Tu avais promis que tu ne reviendrais pas et tu avais vraiment l’intention d’honorer ta parole, pour une fois. Mais parmi les choses qui ont changé dans les derniers mois, il y a cette nouvelle qui prend le dessus sur tout le reste. Qui change toutes les règles du jeu, qui vient tout remettre en cause. Cette nouvelle que t’as jamais vu venir, que t’aurais jamais cru si ce n’était pas d’Ariane qui t’a mis la puce à l’oreille de la pire des façons. La nouvelle qui te choque encore quand tu y penses, impropable, impossible, même s’il y a ton ventre qui s’est légèrement arrondi du jour au lendemain, les nausées qui ont pris de l’ampleur après la réalisation et puis les multiples tests qui ne mentent pas. Pendant quelques instants, tu essayes de te faire croire que vous êtes dix ans en arrière. T’aurais pu lui annoncer la nouvelle ici-même. T’aurais sans doute fait quelque chose de super cliché avec ton test de grossesse, peut-être que tu l’aurais caché dans les pages d’un livre pour le surprendre ou une autre connerie du genre, ce côté plus cliché de toi-même que t’as jamais pleinement accepté mais qui ressortait encore par moments, quand ça allait bien entre vous. Aujourd’hui, il n’y a pas de livre ni de test de grossesse. Pas de manière super cute ni super cliché de dire la nouvelle. Il n’y a que toi et cette vérité qu’il n’est pas prêt à entendre et la peur de rouvrir toutes vos blessures qui n’ont pas encore eu le temps de cicatriser.
Encore cinq minutes et puis tu t’en vas. Cinq minutes et tu vas cogner à sa porte, t’imposer, même s’il déteste ça.
Tu veux pas en arriver là. T’es tannée de jouer ce rôle-là, de la fille qui prend et qui impose sans jamais prendre en considération ce qu’il veut. T’as pas envie de le piéger, pas envie de lâcher une bombe au beau milieu de son salon encore une fois. Tu voudrais faire les choses bien, mais il n’y a clairement pas de manuel pour la situation dans laquelle vous vous trouvez. Pas de bonne manière pour lâcher cette vérité qui va encore une fois tout changé. Tu sais seulement que tu ne veux pas attendre dix ans avant de le dire. Tu sais aussi que tu ne peux pas gérer avec cette grossesse toute seule. Parce qu’elle est déjà avancée, la grossesse. Douze semaines de déni. Trois mois qui ont filé sans que tu ne comprennes ce qui était en train de se produire. Trois mois ou t’as abusé de l’alcool presque à tous les soirs, pour apaiser tes blessures sans avoir conscience de ce que t’étais en train de faire. T’es terrifiée. Terrifiée d’avoir fait du mal à ce bébé. Terrifiée à la simple idée d’avoir ce bébé. Terrifiée à l’idée de ne pas l’avoir aussi. Terrifiée de la réaction de Wyatt et de celle du monde entier. Terrifiée d’être toute seule et terrifiée de ne pas savoir quoi faire. Tu sursautes quand la porte s’ouvre dans un grincement lourd et qu’une silhouette apparaît derrière. Tu prends quelques secondes avant de lever les yeux dans cette direction, de peur de découvrir que ce n’est pas lui. Un. Deux. Trois. Il est là. Il est venu. Tu le reconnais bien trop facilement malgré la noirceur, tu le reconnaîtrais parmi mille, toujours. Tu fermes ton livre et puis tu te lèves doucement et tu te retiens de venir placer une main sur ton ventre que tu as camouflé dans une tunique ample. Ça paraît presque pas, mais tu voulais pas non plus qu’il le remarque avant que tu trouves le courage de le dire. Tu hésites à avancer dans sa direction, et puis tu prends plutôt la décision de rester immobile, à quelques mètres de lui. C’est bien la distance, c’est sécuritaire. « Je pensais pas que tu viendrais. » Tu joues nerveusement avec tes doigts, ne le quittant pas des yeux. Tu l’as vu il y a quelques jours à peine, au mariage d’Ariane, mais ça fait bizarre d’être toute seule avec lui comme ça. T’étais persuadée que ça n’arriverait plus jamais. « Comment tu vas? » Tu sais pas trop pourquoi tu te perds dans des familiarités qui sont bien inutiles tant tu le connais assez pour savoir qu’il n’a pas envie d’être là, qu’il attend seulement que tu lui dises ce qu’il y avait de si important. Mais t’as besoin d’encore un peu de temps. Quelques secondes, pour te faire à l’idée. T’as besoin de comprendre qu’il est bien là et qu’il est pas seulement un pigment de ton imagination. Après tu vas le dire, c’est promis.
T’as juste besoin de quelques secondes de plus. @Wyatt Parker |
| | | | (#)Lun 5 Juil 2021 - 22:33 | |
| À chaque nouvelle vibration sur la table basse, mes nerfs en prennent un coup. Chaque nouveau message illumine l'écran laissant transparaître différents noms d'oiseaux, de potentielles menaces, qui ont perdu de leur superbe avec les années, et autres rébus que ma sœur s'amuse à disséminer ci et là dans l'attente d'une réaction de ma part. Se joue alors la version d'une Ariane adolescente qui à l'époque m'avait tanné des jours durant d'aller enfin parler à sa copine pour présenter de plates excuses après une énième remarque - déplacer selon elle, très bien trouver selon moi - de ma part. Le schéma se voudrait copie conforme, si ce n'est dans les détails qui jurent sur le fond et la forme quand la copine est également mon ex, celle que j'avais juré ne plus jamais voir, celle qui se devait de disparaître de mon univers. Rosalie avait lancé la bouteille à la mer en première, brisant pour la énième fois une promesse qu'elle avait su me faire. Deux mois de silence, c'est que l'on approche du record, mais qu'on s'éloigne encore bien trop du but final. Des jours et des semaines sans l'ombre de sa présence, puis un message qui était venu troubler mes journées à travailler comme un forcené. Le message singulier était rapidement passé au pluriel avant qu'Ariane ne débarque avec ses gros sabots et que désormais tout se compte au centuple. L’agression se veut quotidienne tant le monde entier semble s’être ligué du côté de la Craine pour que je lui accorde quelque cinq minutes de mon temps. Je pensais, pourtant, que mon silence avait pour symbolique un message limpide. Ariane insiste et je perds patience. Me voilà à attraper mon téléphone, bien déterminer à le faire voler par de là la fenêtre encore entrouverte lorsque dans le pire timing du monde, son prénom s’affiche sur l’écran.
elle le livre est tombé dans mon sac, oups.
elle j’ai plus envie de fuir.
Tout se mélange sans réellement faire sens. Cela fait quelques jours déjà qu’elle dit vouloir me parler, qu’elle sous-entend que la conversation aurait bien trop de résonnances pour démarrer sur quelques messages textes. Et désormais, elle me donne rendez-vous sur notre toit donnant alors une tout autre dimension à sa demande. Soudainement, il ne s’agit plus réellement d’un caprice, d’une volonté de briser tout ce que l’on avait décidé de s’accorder. D’un seul coup, tout prend une ampleur grandissante lorsqu’elle n’impose rien, mais propose tout de même un lieu que nous seuls pouvons connaître. Ce toit ce n’est pas un endroit comme les autres, ce n’est pas un spot choisi au hasard, c’est toute une symbolique qui se dégage d’une demande mainte fois répétée. Des jours durant, j’ai voulu ignorer ses appels, refusant même de chercher à comprendre pourquoi elle désirait tant me voir. Cela ne pouvait être que futile, une demande désespérer de pouvoir se faire pardonner quand toutes les limites ont été franchies, quand je ne lui accorderais plus aucun bénéfice de doute. J’avais mis toute ma volonté dans le fait de ne pas céder, refusant de répondre à ses messages, ignorant complètement les sous-entendus tordus ramener par Ariane. Elle me connaît par cœur ma sœur, elle sait parfaitement ce qui me fera bouger, le petit détail qui pourrait me faire réagir, mais cette fois, j’étais déterminé à lui prouver qu’elle serait bien incapable de gagner. Mais voilà que Rosalie se prouve bien trop ingénue en évoquant notre endroit. Ce n’est plus du hasard quand c’est bien le seul lieu auquel j’aurais pensé pour lui demander de me retrouver si j’avais réellement besoin de la contacter. Quelque chose se trame, il faut croire…
Le travail n’a plus réellement eu d’importance quand j’ai passé le reste de la journée à ruminer. Je ne veux pas la voir, je ne veux pas croiser son regard, je ne veux pas entamer une quelconque conversation avec sa personne. Il y a bien longtemps que l’on avait joué cartes sur table sans que cela n’amène une quelconque illusion de réconciliation possible. À trop vouloir d’une vie parfaite, elle n’avait fait que pitié tout ce que j’avais bien pu lui offrir durant des années. Désormais, je n’ai plus rien à lui donner, aucun temps à lui consacrer. Rosalie fait partie de mon passé, de manière définitive et sceller. Alors pourquoi son message me hante, alors pourquoi ma curiosité me titille au point d’envisager de me rendre au rendez-vous. Les heures tournent et dix-neuf heures sonnent comme un ultime rappel qu’il serait peut-être temps de prendre une décision, de faire quelque chose. Le désir premier est de ne pas céder, de rester camper sur mes positions, mais bien au fond quelque part, réside cette envie de savoir, de comprendre pourquoi elle insiste autant. Je me perds à tournoyer entre les émotions, à peser le pour et le contre. Les minutes défilent longuement avant que sur un coup de sang, je n’enfile la première paire de basket qui traînait dans mon champ de vision.
Le trajet se déroule dans un débat interne bien trop intense, me coupant de la réalité de l’instant et entraînant un bon nombre d’infractions au code de la route. L’ange et le démon se battent en duel, à celui qui aura le meilleur argument pour me faire grimper sur ce toit. Se garer dans la rue est simple, lever les yeux vers le bâtiment reste accessible. Le reste paraît comme l’ascension de l’Everest, alors que mes mains deviennent moites sur le volant, alors que le cœur et la raison s’opposent sans réelle distinction. Je ne devrais pas être là, je ne devrais pas lui accorder cette faveur. Mais pourquoi vouloir se retrouver sur le toit, pourquoi insister autant pour me parler en personne, pourquoi Ariane qui se fout de tout, c’est soudainement mêler corps et âme a tout cela ? Trop de questions qui viennent sans réponses. Elles se cachent probablement toutes là-haut auprès de Rosalie.
Mes doigts jouent avec les clés toujours sur le contact. On n’avait plus rien à se dire, elle avait tout détruit, trop dissimuler durant des années. Qu’importe ces je t’aime, qu’importe tout ce qu’elle avait pu écrire dans cette foutue lettre, rien ne sera plus jamais comme avant. Je redémarre la voiture, persuader de quitter les lieux sans plus jamais revenir à cet endroit. Le moteur tourne et mon esprit s’emballe. Un soupire de rage m’échappe alors que je retire la clé, claque la porte et monte les escaliers quatre par quatre. Pas un seul regard, quelques minutes pour entendre ce qu’elle veut tant me dire et je me barre. C’est le deal Wyatt.
« Je pensais pas que tu viendrais. » Je n’ai aucune envie d’être là quand le toit semble être devenu un lieu suspendu dans le temps, cet endroit où rien ne change jamais. Elle est là, assise près de la table, je n’aperçois que son reflet quand mon regard se perds immédiatement sur l’horizon. Quelques minutes et rien de plus. « Comment tu vas? » Un rire gras m’échappe alors que mes mains cherchent le paquet de cigarettes que j’ai oublié dans ma voiture. À l’intérieur, c’est la tempête, le tsunami, c’est la colère, la rage et trop d’émotions négatives qui entame une danse bien trop endiablée. « T’étais censé ne plus me contacter. » Qu’elle n’oublie pas tout ce qu’elle avait promis sans jamais le tenir. « Je te donne cinq minutes et je me casse. » Pas une de plus, je l’ai juré. |
| | | | (#)Mar 6 Juil 2021 - 12:31 | |
| J’aurais préféré ne jamais te rencontrer.
Les mots résonnent encore dans ta tête deux mois plus tard. Tu ne les pas oubliés, comment est-ce que tu le pourrais? Et ça fait toujours aussi mal, chaque fois que tu y repenses. Comme un couteau qui lacère la chaire, qui s’enfonce éternellement dans cette même blessure qui ne peut pas guérir. Deux mois que tu essayes de vivre dans un monde ou il n’existe plus, ou tu ne t’imposes pas dans son univers d’une manière ou d’une autre. Jusqu’à maintenant. Jusqu’à cette semaine. Ou tu te sais contrainte de revenir sur cette promesse maintes et maintes fois faites, jamais gardées, bien incapable de le sortir de ta vie malgré tous les moyens employés pour tenter de réussir une bonne fois pour toute. Tu étais sur la bonne voie, jusqu’à ce qu’Ariane te fasse remarquer toutes ces petites choses que tu avais toi-même niés. Jusqu’à ce qu’elle laisse sous-entendre, comme si c’était le truc le plus banal qui soit, que t’étais enceinte. Tu l’as pas cru au début. Tu voulais pas y croire pour être bien honnête. T’avais encore tes règles après tout. Oui, t’avais un peu engraissé, mais tu mettais ça sur le dos d’un régime composé de fast food et d’alcool depuis deux mois. Oui, t’avais un peu de nausées, surtout le matin, mais c’était la faute de l’alcool tout ça. T’aurais nié jusqu’au bout, si ce n’était pas des multiples tests qu’Ariane gardait qui ne cessaient de revenir positif si rapidement que t’as d’abord voulu croire qu’ils étaient truqués. Ça ne pouvait faire de sens parce que la dernière fois remontait à bien trop longtemps déjà et que tu aurais dû le savoir bien avant. Mais un rendez-vous rapide chez le médecin avait confirmé l’impossible : tu étais bel et bien enceinte. Et voilà que tu devais revenir sur ta parole, une fois de plus, une fois de trop,
La porte s’ouvre et voilà qu’il est là et tu figes sur place. Voilà qu’il est là contre toute attente et que tu n’as plus d’autre choix que de lui offrir cette nouvelle vérité. Une vérité bien trop semblable à celle révélée il y a deux mois à peine, comme un gros foutage de gueule de la part du Destin. T’as merdé la première fois Rosie? Bonne chance cette fois-ci. Tu prends une longue inspiration alors que la porte se referme derrière Wyatt et que tu cherches son regard sans jamais être en mesure de le trouver. L’ambiance est déjà lourde, tendue après seulement quelques secondes à partager le même air et tu cherches tes mots autant que tu cherches à gagner ne serait-ce qu’un peu de temps, même si tu sais trop bien que ce dernier vient en quantité limité avant qu’il ne rebrousse chemin. T’as aucune idée de comment il va réagir. Ça fait des jours que tu essayes de t’imaginer la scène sans jamais être capable tant tu bloques dès que tu prononces les mots fatidiques. « T’étais censé ne plus me contacter. » L’ambiance est donnée dès les premières paroles et tu sens déjà la bataille à venir. Bataille pour laquelle tu n’as pas la moindre énergie. Pas la moindre envie de te retrouver dans un énième match cruel de répliques acerbes et de souvenirs remués. Vous êtes là pourtant et la vérité est inévitable cette fois. « Je l’aurais pas fait si c’était pas vraiment important. » Tu te mords les lèvres et puis tu baisses le regard. Tu sais qu’il ne te croira pas de toute manière tant cette partie de la scène a été jouée et rejouée au point de ne plus posséder la moindre originalité. C’est seulement la punchline à venir qui est originale, qui n’a jamais été dit, qui va tout prendre et tout changer, en se foutant bien des dégâts et dommages collatéraux.
« Je te donne cinq minutes et je me casse. » « Je suis enceinte. »
Cinq secondes. C’est tout ce dont tu avais besoin au fond. Maintenant, la balle est dans son camp. Ou du moins, c’est ce que tu te fais croire alors que tu retiens ton souffle en attente de la moindre réaction de sa part. T’as laissé les mots partir si vite, comme une gifle que tu retenais depuis trop longtemps déjà. T’aurais voulu que ça ne fasse pas aussi mal, mais il n’y avait pas de manière tendre disponible. Il y a ton coeur qui va éclater dans ta poitrine sous tout le stress, ta jambe droite qui continue de sauter sans que tu ne puisses contrôler le mouvement, tes yeux qui cherchent encore et toujours les siens alors qu’inconsciemment, tu t’es lentement approchée de lui. « Je viens tout juste de l’apprendre. » Quelques jours à peine, quelques jours que tu as utilisé pour non seulement confirmer que c’était bel et bien vrai, mais aussi quelques jours passé à essayer d’attirer son attention, d’une manière ou d’une autre. Ça aura pris des centaines de messages d’insultes de la part d’Ariane, des dizaines d’appels sans réponse et l’évocation de ce toit pour y parvenir, mais tu tiens à ce qu’il comprenne que cette fois-ci, t’as pas cherché à garder le secret. « Le médecin dit que j’ai trois mois de fait. » Fais le calcul Wyatt. Comprends. Assimiles. « Dis quelque chose. » Tu t’impatientes, tu t’exaspères, t’as l’impression que le monde vient d’arrêter de tourner autour de vous et pire encore. T’as besoin qu’il dise quelque chose, que tu saches qu’il a entendu, qu’il a compris, n’importe quoi. Qu’il hurle, qu’il rit, qu’il t’insulte, t’en es au point ou tu prendrais absolument n’importe quoi d’autre que cet air distant et détaché qu’il offre à l’horizon depuis qu’il est arrivé. |
| | | | (#)Dim 11 Juil 2021 - 23:36 | |
| Derrière moi, la porte se referme dans un bruit métallique qui se veut assourdissant et ne me laisse aucun autre choix que de rester là. Je ne voulais pas revenir sur ce toit, j’avais dit adieu à cet endroit il y a des mois de cela, à l’instant même où j’avais pris la décision de ne plus attendre après elle. Elle. La brune que je devine agitée sur sa chaise alors que mon regard ne frôle à peine sa silhouette pour aller se fixer sur l’horizon. Je ne voulais pas la revoir non plus, pourtant me voilà planté là, à attendre une fois de plus, quelque chose de sa part. Tout sonne bien trop pathétique quand le schéma se répète inlassablement sans que jamais je ne retienne la leçon. « Je l’aurais pas fait si c’était pas vraiment important. » Je retiens un rire narquois quand avec elle tout sonne toujours bien trop important dès qu’il s’agit de tourner autour de sa petite personne. Elle oublie sûrement qu’elle a mis plus de dix ans pour m’annoncer le plus important. La remarque cinglante roule sur ma langue sans jamais franchir la barrière de mes lèvres, une grande première. Je n’ai tout simplement plus la force mentale pour me lancer dans une énième joute verbale qui se voudrait mortelle tant la rancœur n’a cessé de grandir au fil des derniers mois écoulés. Et voilà que je me demande ce que je suis venu faire sur ce toit quand je n’ai aucune envie de l’écouter. À trop prendre sans rien donner en retour, elle n’avait gagné que mon mépris.
Tout ce que je lui offre, c’est cinq petites minutes. « Je suis enceinte. » Il lui en faudra moins d’une pour m’envoyer sa vérité.
Les mots claquent telle une gifle cinglante. Chacun se répercute dans un écho fracassant, ne laissant derrière eux qu’un silence entrecoupé de son souffle alarmé. Mon regard reste verrouillé sur l’horizon alors que mon corps tout entier se tends sous l’impulsion. Rien ne fais sens dans tout ce qu’elle vient de prononcer. Tout sonne comme une ultime attaque, telle sa petite vengeance personnelle. Est-ce qu’elle cherche une réaction de ma part ? Quelque chose qui me trahirait dans l’Océan de sentiments inavoués qui règne encore entre nous ? Mon instinct voudrait vomir des atrocités afin de mieux dresser les derniers remparts pour me protéger, mais les mots butent contre mes lèvres sans jamais former un son audible. « Je viens tout juste de l’apprendre. » Je souffle sans même le réaliser. Voilà qu’elle c’est empresser de vouloir m’en parler, pour mieux enfoncer le couteau dans la plaie, pour mieux enterrer tout ce qui pouvait encore exister. J’étais celui qui voulait tirer un trait. Alors pourquoi tout brûle, de son regard, à chacun de ses mots ? Pourquoi tout semble bouillonner à l’intérieur quand l’ignorance devrait être mon seul moyen de défense. Il s’agirait de lui tourner le dos sans jamais croiser son regard. Il s’agirait de fuir ce toit pour lui laisser la dernière victoire. « Le médecin dit que j’ai trois mois de fait. » Chaque information qu’elle ajoute semble tirailler mes muscles endoloris par la pression que j’impose à mes poignets serrés en deux boules compactes. Il faut qu’elle se taise. Il faut que je m’en aille. « Dis quelque chose. » Elle exige et j’explose. « Qu’est-ce que tu attends de moi ?! » Les mots sont durs, entravent l’air à coup de couteau pour mieux laisser s’évacuer la colère. Perdu dans mes illusions, j’en oublie les mots d’Ariane, j’en soustrais tout ce qui a bien pu m’amener ici. J’en suis persuadé, elle est enceinte de l’autre et ne cherchait qu’à me blesser, une toute dernière fois. « Bravo Rosalie t’a gagné, tu récupères le gars parfait, la vie dorée. » J’applaudis sans même savoir comment mes bras ont bien réussi à bouger. Je voudrais rire, mais tout rester coincé dans le fond de ma gorge sans que je ne sache réellement comment l’expliquer. Voilà qu’elle allait retrouver tout ce qu’elle avait toujours voulu durant ses cinq dernières années. Fini la petite crise de rébellion qui n’avait mené à rien. Elle avait tout gagné. Je ricane, cherche à lui souhaiter l’enfer, mais reste planter sur place à trembler d’une rage qui ne devrait plus avoir lieu d’être.
Pour partir, je dois me tourner. Pour fuir, je suis obligé de la regarder tant elle s’est approchée. Pour me retirer, mon regard croise le sien. Juste une seconde. Celle de trop quand ses yeux cris une tout autre vérité, celle que je refuse d’aligner avec les indices qu’elle avait déjà tant disperser. Mon souffle se coupe à l’idée même de ce que ses iris cherchent à avancer. « C’est qu’un énième mensonge... » que je murmure incrédule alors que les pièces semblent lentement s’aligner. C’est impossible. Je ne veux pas le croire. |
| | | | (#)Lun 12 Juil 2021 - 5:55 | |
| Tu ne savais pas à quoi t’attendre une fois que les mots seraient lancés, qu’ils vivraient entre vous deux comme une vérité que tu ne pourrais plus jamais reprendre. La noirceur et la distance n’aident en rien à déchiffrer ce qui se passe uniquement dans le silence. C’est une torture sans nom que d’attendre le moindre mot de sa part. Tu parles, en partie pour combler le silence, mais aussi pour lui donner une partie d’informations, quelque chose sur lequel se raccrocher sans que jamais ça ne vienne déclencher la moindre réaction. C’est l’impatience qui prend le dessus, c’est qui arrache finalement un éclat de colère de la part du Parker. « Qu’est-ce que tu attends de moi?! » La hargne te frappe de plein fouet et tu ne peux t’empêcher de faire un pas de recul, alors que se bouscule dans ta tête des dizaines de réponses possibles sans qu’aucune d’elles ne viennent franchir la barrière de tes lèvres. T’as besoin de savoir à quoi il pense, là tout de suite. T’as besoin de savoir ce que t’es censée faire maintenant, ce que vous êtes censés faire avec cette nouvelle qui vient absolument tout changer. T’as besoin qu’il te fasse savoir qu’il a compris ce que tu viens de dire, ce que tu viens d’insinuer sans jamais utiliser les mots. T’as besoin de tellement de choses mais tu ne fais que le regarder avec de la panique au fond du regard, bien que ses yeux ne viennent jamais trouver les tiens. « Bravo Rosalie, t’a gagné, tu récupères le gars parfait, la vie dorée. » C’est seulement après ces mots-là que tu comprends enfin ce qui se passe. Que tu réalises l’endroit ou l’esprit de Wyatt est allé se perdre et ça fait mal. Oh c’est pire encore que tout ce que tu aurais pu t’imaginer. Tu secoues la tête vivement alors que tes doigts viennent faire pression sur ton front. « T’as rien compris Wyatt. » Le ton est plus dur qu’il ne devrait l’être, un écho à sa propre réaction que tu ne peux contrôler. Tu ne peux pas lui en vouloir de croire que ça pourrait être Lachlan le père, même si tu trouves ça insultant qu’il puisse insinuer ne serait-ce qu’une seconde que tu serais venue lui dire si c’était le cas. Comme si tu avais volontairement cherché lui faire mal après tout ce qui s’était passé la dernière fois.
Pour qui tu me prends? Une longue inspiration. Est-ce que tu me vois vraiment comme un monstre, Wyatt? Souffler jusqu’à ce que l’air te manque. Attendre que ça passe. Ça passera pas.
« T’as pas compris. » que tu reprends plus doucement alors que tu t’efforces de rester calme malgré le tourbillon qui se déchaîne autant dans le fond de ton ventre que dans ta tête. Les émotions et les pensées qui se disputent d’un côté comme de l’autre alors qu’éternellement, tu cherches pour les bons mots, ceux qui n’existent pas tant rien de cette conversation ne fait de sens. « C’est pas Lachlan. Ça peut pas être Lachlan. » que tu souffles dans un murmure. Tu réalises qu’il te faudra être bien plus convaincante que ça, que les preuves manquent et qu’il a toutes les raisons du monde de ne pas te croire. « J’ai pas été avec Lachlan comme ça depuis février. T’es le dernier. » Tu ne sais pas si t’as besoin de spécifier, si le moment lui revient en tête comme il se rejoue dans la tienne depuis une semaine déjà. Ça n’aurait jamais dû se passer, cette fois-là encore moins que les autres parce que le jeu avait cessé et que la distance s’était imposée. Pourtant, vos chemins s’étaient croisés comme ils le font toujours et un regard avait entraîné un geste, qui lui avait entraîné une caresse et le reste, c’était une danse que vous connaissiez par coeur tant elle était la seule constance qui existait véritablement entre vous depuis douze ans. « Juste avant le gala… » Quelques jours à peine, avant que tout ne dérape définitivement. Avant que le premier secret explose, bien trop rapidement suivi de plus gros encore et de bien plus destructeur ensuite. Tu t’es promise que tu ne referais pas la même erreur une deuxième fois. Parce que tu lui as volé son droit de parole, son droit de réagir la première fois, quand tu lui as caché la grossesse et puis la fausse-couche. Aujourd’hui, tu n’as pas l’intention de le priver de quoique ce soit. Même s’il ne te croit pas. Même si ça fait mal et que ça vient rouvrir toutes les blessures qui commençaient à peine à cicatriser.
Son regard trouve finalement le tien et tout fait mal au centuple quand tu comprends que malgré tout, que malgré ça, il ne te croit toujours pas. Que son esprit s’est arrêté complètement sur une seule et unique possibilité. Celle qui dit que c’est Lachlan qui t’a mis enceinte, que t’es là juste dans le but de le torturer un peu plus longtemps, un jeu horrible et sadique dont tu es la seule instigatrice. Un rôle que tu détestes mais dont tu ne peux te défaire aux yeux de Wyatt. « C’est qu’un énième mensonge... » « Je te mentirais pas. Pas sur ça. Pas après... » Pas après la dernière et tous les échos que ça avaient bien pu avoir. Tu lui avais promis toute la vérité cette journée-là. T’avais pas l’intention de revenir sur ta parole. Tu ne le lâches pas des yeux alors que ta main droite vient se placer dans la poche arrière de ton jean et attrape une photo que tu tends à Wyatt. T’étais pas idiote, t’étais venue avec une preuve plus ou moins tangible de ce que tu avançais, quelque chose de concret sur quoi le Parker pouvait poser les yeux pour l’aider à assimiler cette nouvelle réalité. T’avais pas réalisé avant qu’à 12 semaines, le bébé avait déjà l’air d’un bébé. Tu t’étais imaginée voir un petit tas quelconque, sans forme prédéfinie et ça avait été un choc de réaliser que c’était bien plus réel, beaucoup trop réel. Au dessus de l’image de l’échographie, il y a ton nom complet et la date d’il y a quelques jours à peine, juste au cas où il aurait eu envie remettre en question la véracité de ce que tu lui montres. « Je suis enceinte et c’est toi le père. » que tu répètes, ton niveau de nervosité toujours aussi élevé alors que t’as l’impression d’avancer dans le vide tant Wyatt est fermé à cette vérité que tu imposes. |
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 15:42 | |
| « Je suis enceinte. »
La réaction s’enclenche dans un processus de mécanisme de défense des plus primaire. À chaque seconde, dans chaque nouvelle respiration, se dresse un mur cherchant à renforcer les barrières de protection qui n’ont eu de cesse de se fortifier après notre dernière discussion. L’instinct animal se veut de dénigrer toute relation de cause à effet. Me voilà à jurer ne pas être concerné, à rejeter la faute sur autrui pour ne pas avoir à encaisser ce qui pourrait me rendre vulnérable et sans défense. Dans l’histoire, Rosalie restera la fautive. La garce, celle qui cherche à détruire, à imposer sa volonté en écrasant tout ce qui pourrait entraver son ascension vers la vie dorée. Dans mon imaginaire, pour ne plus avoir à me retrouver meurtri, elle est devenue ce monstre sans cœur, de celui qui blesse par pur bonheur. Ne me reste plus que la colère comme ultime rempart face à ses actions douteuses. Elle ne peut être enceinte que de l’autre, l’autre vérité semble bien trop effrayante pour venir m’effleurer l’esprit. C’est ainsi que je me sauve, que mon instinct cherche à me préserver. Elle restera la pire personne que j’ai pu rencontrer, mon plus grand échec, l’excuse parfaite pour enfiler à tout jamais le costume du connard qui se complet dans ses actions. « T’as rien compris Wyatt. » Je pouffe tandis qu’elle s’insurge à coup de tentative d’autorité. Serait-ce si étonnant de remettre en doute sa parole quand ces dernières années elle avait pris un soin tout particulier à venir piétiner la moindre étincelle qui cherchait à persister ? Sans détour, je lui avais tout donner sans que jamais elle ne me concède rien en retour si ce n’est des mensonges et autres claques désigner à me rappeler que je n’étais que l’homme de l’ombre dans sa vie soigneusement plastifié.
Tu es la pire personne que j’ai pu rencontrer, Rosalie. Nos inspirations se brouillent dans l’atmosphère qui se veut de plus en plus dense. La garce qui se vante de ses victoires pour rappeler une fois encore que tout ce qui nous entoure n’est lié qu’à l’échec et la destruction. Les battements de mon cœur s’accélèrent au rythme de la colère sourde qui monte. Plus rien ne passera désormais.
« T’as pas compris. » - « Éclair moi, je t’en prie. » Tout hurle l’ironie et le refus de s’aventurer plus loin dans une discussion qui n’aura qu’une fin tragique. C’est tout ce qui semble nous réunir désormais, les mots qui tranchent, la vérité qui assène des claques que l’on souhaitait distribuer depuis tant d’années. Elle gagne la palme Rosalie, celle de l’immense connasse, de la pire ordure qui soit. Elle gagne toujours quand il s’agit de me réduire en miettes. « C’est pas Lachlan. Ça peut pas être Lachlan. » L’éclat de rire étranglé qui m’échappe est tout ce qu’il a de plus involontaire. Le refus s’enfonce dans mes veines à mesure que mes mots cherchent à la blesser au plus profond. C’est bien la seule arme qui me reste. « Rosalie Craine aurait eu un troisième amant ?! » Une fausse expression choquée se dépeint sur mon visage à mesure que le jeu d’acteur prend toute son ampleur. Chaque mot se veut être dans la provocation la plus primaire, jusqu’à en oublier son annonce. Ce ne sont que des mots qu’elle jette en pâture, une soi-disant grossesse, quelques obligations qui se traînent derrière dans une volonté belle et bien vaine de me ramener auprès d’elle. Les tentatives sonnent pathétiques. T’es bien le dernier des cons Wyatt Parker.
Mon être tout entier est entré dans un processus de déni, jusqu’à en omettre les paroles de ma sœur, celle qui jamais ne me mentirait. Face à Rosalie, je tente de garder la face sans jamais ployer, sans jamais vouloir prendre action des mots qu’elle prononce avec tant de difficulté. Meurtri par les années, je m’enferme dans une volonté de ne plus jamais rien lui céder, qu’importe ce qu’elle cherche à me faire entendre. Le Destin ne peut pas nous avoir joué ce tour-là. Je refuse de le croire alors que devant moi, elle aligne les preuves plus irréfutables les unes que les autres. « J’ai pas été avec Lachlan comme ça depuis février. T’es le dernier. » Tel un enfant me voilà à secouer la tête pour dire non tandis que la brune insiste encore. « Juste avant le gala… » Mon corps entier se tend à l’évocation de ce moment perdu avant que tout ne dérape pour de bons. « Il ne s’est rien passer avant le gala. » Rien. Pas de retrouvailles au grand fruit du hasard dans ce bar bondé. Pas de regards échangés au-dessus de quelques verres bien trop entamés. Aucun mot échangé à la volée et tout ce qui a bien pu en découler. Jamais plus on n’avait évoqué cette soirée suspendue dans le temps où les tensions semblaient à des années-lumière, ces quelques heures ou pour la première fois depuis ce qui semblait être une éternité nous avions su mettre de côté les différents et la rancœur. Mon esprit se perd à vagabonder dans les souvenirs précieux de cette soirée. Rosalie qui se balade dans mon appartement comme si les lieux lui appartenaient, le sourire espiègle qui était venu se dessiner à la commissure de ses lèvres avant qu’elles ne viennent chercher les miennes. Sans préambule, l’on avait replongé dans cette danse commune de celle qui fait battre les cœurs et d’où naissent les espoirs infondés. Aujourd’hui, cela n’a plus lieu d’exister. Même si elle sous-entend qu’un souvenir tangible semble avoir pris naissance au cœur de cette dernière nuit hors du temps.
Je ne possède pas les armes nécessaires pour me défendre face à cette vérité qui voudrait m’exploser en plein visage. Chaque parcelle de mon être lutte contre l’évidence qu’elle ne cesse de sous-entendre alors que les mots d’Ariane me hurlent dans les oreilles. Tu viens de passer premier dans la pyramide des liens avec elle. « Je te mentirais pas. Pas sur ça. Pas après… » « M’avoir menti pendant dix ans ?! » Est-ce que l’univers a délibérément choisi le timing le plus pourri ? Comment la croire, quand tout avait explosé, quand plus rien ne faisait sens, si ce n’est d’enfin tirer un trait sur le passé. Voilà qu’elle m’annonce cela sans l’ombre d’un doute. Comme toujours, on avait fait les cons. Durant des années, j’ai joué avec le feu, à jamais réellement penser à me protéger – dans tous les sens du terme - dès qu’il s’agissait de Rosalie. C’est le genre d’accident stupide qui n’arrive qu’aux autres. En cinq ans, il n’y avait jamais eu le moindre doute sur un possible accident. Mais il suffit d’une fois Wyatt, on te l’a bien assez souvent répété. Une fois. La fois de trop. Celle qui n’aurait jamais dû avoir lieu. L’accident de trop. L’accident… Pour la première fois depuis mon arrivée sur ce toit, j’observe réellement Rosalie. Son corps entier semble trembler, ses ongles sont abîmés d’avoir probablement été trop rongés, ses traits sont tirés et ses yeux appellent les miens d’une manière que j’avais presque oubliée. Tout est là, à mes pieds et voilà qu’elle tire la dernière preuve du fond de sa poche. Une échographie déjà froissée d’avoir été tant observer. Sur le cliché s’impose comme jamais l’image d’un bébé déjà bien formé. Le nom de Rosalie s’étale en majuscule dans la marge comme pour me hurler en plein visage que tout cela renferme une réalité. « Je suis enceinte et c’est toi le père. » Cette réalité.
« Ça ne change rien. » Le regard encore vissé sur l’échographie, alors que mon cerveau tente de prendre en compte toutes les informations, les mots se veulent plus rapides que ma capacité à réfléchir. Ce bébé, cette image qui flotte entre nous deux, cela ne pourra jamais changer quoi que ce soit. Le mal qui a été fait, cette volonté que je n'ai cessé d'exprimer de mettre un terme à ce dessein qui nous qualifiait, quand bien même il s’agit du pire appel du pied du Destin. Je ne cesse de regarder le cliché, tente d’imaginer cet enfant qui grandit depuis trois mois déjà dans le ventre de sa mère. Tout me paraît surréaliste et sans que je n’aie le contrôle sur la moindre de mes réactions voilà que je me mets à éclater de rire. Sans raison. Si ce n’est un rire franc, de ceux qui tire la mâchoire et vous font mal au ventre. Un rire inexpliqué comme dernière barrière de défense avant l'angoisse qui monte face à une situation que je ne peux entièrement contrôler par mon sarcasme. Je crois que je deviens fou tant, le monde ne cesse de nous montrer du doigt comme étant la blague du siècle. Qu'importe mon désir de m'éloigner, tout me ramène toujours à elle. Plus encore cette fois. « C’est la pire chose qui pouvait nous arriver. » Et je continue à rire sans l’expliquer, de manière complètement incontrôlée, alors que les larmes me montent aux yeux en même temps qu’une nausée inexpliquée. Ce n’est pas comme cela que les choses devaient se passer.
|
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 18:13 | |
| « Éclair moi, je t’en prie. »
C’est bien ce que tu essayes de faire, même s’il ne semble pas vouloir coopérer malgré ce qu’il peut en dire. La tournure que prend cette discussion ne devrait en rien te surprendre même si chaque rire sarcastique qui s’échappe des lèvres de Wyatt te rappelle un peu plus l’état désastreux dans lequel se trouve les restants de votre relation. C’est que des mois durant, tu as tenté de te rentrer dans la tête qu’il ne restait absolument plus rien, comme il te l’avait fait comprendre lors de votre dernière discussion, mais voilà que tu t’efforçes à ramasser ces morceaux de rien, en une tentative vaine de t’accrocher à quelque chose pour ne pas vaciller complètement. Il a beau refuser de t’entendre, fermer les yeux sur une vérité que tu tentes maladroitement d’étaler devant lui, les faits restent les mêmes. Tu es enceinte et si tu ne fais rien, dans six mois à peine, il y aura un bébé. Une partie de toi et de lui qui aura fait son chemin dans vos vies dans le pire des timings, dans la pire des situations, dans un plot twist complètement tordu que tu n’aurais jamais pu t’imaginer tant ça semble être la vie, le Destin, l’au-delà et tout le reste qui se moque de vous sans aucune pitié. Si tu ne fais rien. La simple idée de devoir faire quelque chose te tort l’estomac dans tous les sens, dans un inconfort qui s’ajoute à tout le reste mais tu n’as pas le choix de considérer toutes tes options. Pas le choix de les considérer avec lui, si jamais il en venait à te croire. Lachlan se retrouve à porter le poids de cette grossesse et tu le nies avec le peu de force que tu possèdes encore, seulement pour que Wyatt te crache une fois de plus à la figure. « Rosalie Craine aurait eu un troisième amant? » « Fuck you Parker. » La réplique est automatique, t’es incapable de la retenir. Comme si toute sa colère était contagieuse et que tu ne parvenais pas à ne pas en ressentir tous les effets. Tu sais que c’est la pire des réactions, que vous arriverez à rien si tu réponds si instinctivement à toutes ses attaques, mais comment t’es censée garder ton sang froid quand c’est la tempête qui s’agite juste là sous tes yeux, sans jamais montrer le moindre signe qu’elle va bientôt se calmer?
Tu insistes autant que tu le peux, tu étales les faits tels qu’ils sont, quand bien même tu sais qu’il s’agit là seulement de ta parole et que tu n’as rien de plus concret qu’une date à lui offrir. Une date qui concorde avec le temps écoulé de ta grossesse, mais une date qui n’enlève pas la possibilité que tu puisses avoir été avec Lachlan malgré ce que tu dis. Il n’a aucune raison de te faire confiance, aucune raison de te croire et ça fait mal de réaliser un peu plus à quel point il est immense, le prix à payer pour tous tes mensonges, pour tes vérités cachés des années durant. « Il ne s’est rien passer avant le gala. » Il secoue la tête comme un gamin qui refuse de faire face à la vérité, tu en fais de même devant le déni qu’il étale entre vous comme une protection qui ne fait pas effet. « Tu peux te le répéter aussi souvent que tu veux Wyatt, ça change pas ce qui est arrivé. » Et pire encore, ça ne change pas le fait que tu es bel et bien enceinte. Qu’il y a la vie qui grandit, juste là, dans ton ventre. Vous aviez été imprudent. Vous aviez si souvent joué avec le feu que ça t’étais même pas venue à l’idée que cette fois-là, la dernière fois, pourrait être celle de trop. La soirée avait été belle, douce, à l’opposé complet de tout le reste depuis la St-Valentin. Ça avait été la dernière bulle, la dernière parenthèse. Un moment auquel tu t’étais accrochée sans même savoir qu’il viendrait prendre une toute autre signification. Sans jamais savoir ce que ce serait le moment qui changerait le cours de cette histoire à tout jamais.
C’est de répéter constamment le même discours, quand tu t’efforces de lui faire comprendre que tu es honnête, mais que toutes tes actions passées remettent ce fait en question. C’est de perdre ton souffle inutilement que tu insistes malgré tout parce que vraiment, qu’est-ce que tu pourrais faire de plus? Baisser les armes, dire que oui, bien sûr, c’est de la foutaise tout ça et faire demi-tour comme si de rien était? La Rosalie qui fuit, celle qui n’assume pas, elle est presque tentée par ce plan, au détail près que cela n’efface en rien la grossesse et ce qu’elle signifie. Tu insistes alors, pour ce que tu veux croire être les bonnes raisons cette fois. Parce que c’est pas juste toi que ça touche, c’est bien plus gros cette fois. C’est bien plus grand que vous deux, c’est la peur qui te martèle les entrailles devant l’immensité de ce que ça veut dire. « M’avoir menti pendant dix ans?! » « Justement! Tu crois pas que j’ai payé le prix fort pour ça? » Le prix fort étant votre relation. Le prix fort étant de le perdre une bonne fois pour toute, sans possibilité de revenir en arrière. Il sait pas Wyatt, que ça fait des mois que tu bois soir après soir pour palier à son absence. Que tu bois parce que t’es incapable de vivre avec tout le mal que tu as pu faire, à lui et puis aux autres aussi. Tu pourrais lui dire encore que tu ne serais pas revenue dans sa vie, si ce n’était pas de cette grossesse, mais ça serait encore répéter une vérité qu’il ne croirait pas de toute façon. « Qu’est-ce que je gagnerais vraiment à te mentir encore Wyatt? Tu penses que ça m’amuse, la situation? Tu penses pas que je panique moi aussi? » T’es terrifiée, terrorisée. Ça ne fait pas plus de sens à tes yeux qu’aux siens quand bien même tu as eu quelques jours de plus pour te faire à la nouvelle. Tu ne sais pas vraiment ce que tu attends de lui, ici et maintenant. Aucune idée de ce que tu espères entendre, de ce que tu espères trouver au bout de cette discussion qui ne fait qu’accumuler les coups de violences. S’il pouvait déjà se faire à l’idée ce serait déjà ça de gagner, sans doute.
L’échographie glisse de tes doigts jusqu’aux siens et là repose la dernière chose que tu peux bien lui offrir pour rendre cette vérité plus tangible devant son déni qui se fait toujours aussi fort. « Ça ne change rien. » Tu ne sais pas ce que tu espérais, mais ça, ça faisait clairement partie des choses que tu ne voulais pas entendre. « Comment est-ce que tu peux dire ça? » Parce que s’il y a bien une chose dont tu es convaincue depuis qu’Ariane t’a mis le nez dans cette vérité, c’est qu’elle venait absolument tout changé. Tu ne serais plus jamais la même, peu importe la décision qui serait éventuellement prise. Toi qui rêves depuis si longtemps de devenir mère, jamais tu n’aurais cru que ça se déroulerait comme ça. Que tu tomberais enceinte d’un homme qui cri haut et fort depuis des mois déjà qu’il ne veut plus rien savoir de toi. Mais le bébé est là et si tu décides de ne pas le garder, c’est une décision qui va te hanter pour le restant de tes jours, tu le sais. Tout comme décider de le garder va indubitablement changer ta vie et celle de Wyatt, peu importe ce qu’il peut bien en dire. Ce que tu n’avais pas prévu toutefois, c’est le fou rire qui suit. Celui qui résonne sur tout le toit et devant lequel tu ne sais pas comment réagir. Tu es prise au dépourvu alors qu’il semble perdre le contrôle d’une manière que tu n’as jamais vu auparavant. Tu restes silencieuse alors que son rire s’étire, s’allonge et te rend particulièrement inconfortable. Tu ne saurais dire combien de temps ça dure, ça te semble éternel tant ça sort de nul part mais tu ne le lâches pas du regard alors qu’il revient tranquillement à lui, ses yeux se posant encore et toujours sur cette échographie qui semble être enfin le morceau qui pousse la réalité à se faire un chemin dans sa tête, de la pire des façons. « C’est la pire chose qui pouvait nous arriver. » C’est le retour de l’ascenseur, la claque et pire encore que tu te prends en plein visage alors que tu te prends en pleine gueule à quel point cette nouvelle ne plaît pas à Wyatt. C’est avec un instinct que tu ne te connaissais pas encore que tes mains viennent se placer sur ton ventre, comme si tu tentais de protéger ce bébé des propos du Parker qui font mal à t’en plier les genoux sans que jamais tu ne t’effondres toutefois. « C’est vraiment ce que tu penses? » Qu’il le dise encore, qu’il assume. Au moins, tu sais à quoi t’en tenir maintenant. « Je vais rien t’imposer. Je voulais seulement que tu le saches. » T'es froide, distante, pratiquement détachée, à l'opposée de la Rosalie qui lui implorait encore un peu de temps seulement quelques mois plus tôt, lors de ton anniversaire. T’as aucune idée de ce que tu veux dire avec ça, tu parles sans même vraiment réfléchir. C’est de remplir le silence qui importe, d’oublier les mots qui frappent et qui font trop mal, ceux qui résonnent encore de partout comme lui seul sait le faire. |
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 20:35 | |
| « Tu peux te le répéter aussi souvent que tu veux Wyatt, ça change pas ce qui est arrivé. » Non, effectivement, cela ne change rien. Cette soirée devait ne rester qu’un simple souvenir de plus dans la collection qui s’es bien trop allongé au fil des années. Il y avait eu de la douceur dans le chaos, un énième moment suspendu où les conflits n’avaient plus raison d’être. Une millième perdition de ma part quand la décision de prendre des distances avait été attaquer par des mots et par bien des égards. Trop gourmand, trop nostalgique ou tout simplement bien trop amoureux, j’avais voulu grappiller des instants, faire perdurer le miroir de faux-semblants. La dernière parenthèse avait laissé un doux souvenir auquel se raccrocher avant que tout ne vire. Cela ne devait être que des images, quelques sensations, un ancrage auquel se raccrocher quand tout semble prendre le gauche dans un chaos incontrôlé. Cela devait ne rester qu’un souvenir tendre. Rien de plus. Jamais, dans toute l’insouciance que l’on glissait entre nos draps, l’on aurait pu imaginer que cette soirée prendrait une tout autre signification, sous la forme d’un enfant à naître au milieu de la guerre.
Pas à pas son discours se fraye un chemin dans un coin de mon esprit. Les éléments s’alignent tels des pièces de puzzles qui s’emboîtent dans une aisance qui hurle à la blague. D’un regard, s’était enchaîné dans une facilité déconcertante, une énième faute au contrat. Une étreinte qui avait duré bien trop longtemps, à l’abri des regards. À jouer avec le feu voilà que l’on venait de s’en brûler les ailes. Tout s’aligne dans une logique qui s’en vient briser mes barrières les unes après les autres. Pas de Lachlan dans le paysage, juste une Rosalie étrangement honnête, effroyablement transparente. Ce n’est pas juste une petite information qui relance le jeu, c’est bien plus immense encore. Une variable qui n’avait jamais été envisagée et qui prend forme de la plus terrible des façons quand la confiance à bien trop été brisé par le passé. « Justement ! Tu crois pas que j’ai payé le prix fort pour ça ? » - « Non pas encore assez. » Elle n’avait pratiquement rien payé quand il semble que nos chemins ne cessent de se croiser. D’abord pour un dernier voyage qui se devait de souligner la fatalité d’un destin déjà bien trop ancré et désormais sur ce foutu toit à réaliser que c’est le continuum de l’espace-temps qui se fout de notre gueule en permanence. Elle n’a rien payé quand cela fait des années que je courbe l’échine à tout lui concéder sans jamais rien lui renoncer. Il aurait fallu des années encore pour que le prix soit juste, pour que la punition semble assez forte. « Qu’est-ce que je gagnerais vraiment à te mentir encore Wyatt ? Tu penses que ça m’amuse, la situation ? Tu penses pas que je panique moi aussi ? » Je ne pense plus vraiment tant, je refuse de laisser cette vague de sentiments m’engloutir complètement. Garde la tête droite Wyatt, c’est que les Parker font. On ne cède pas aux blessures, on ne laisse pas les cicatrices se rouvrir en public. On devient abjecte avec raison, par défense, pour ne rien laisser entrevoir.
Elle abat sa dernière carte en fourrant entre mes doigts l’échographie qui rend ses mots plus tangibles encore. Au pied du mur, il ne me reste plus qu’à constater les traits de cet enfant qui grandit en elle. Mes yeux parcourent son corps aux moindres indices de ce qu’elle projette, mais sa tenue est ample et sa position ne laisse rien transparaître. Seul le cliché témoigne d’une vérité sans faille, ébranlant tout sur son passage. Les fondations s’écroulent à la première lame de fond, alors que ma gorge se noue à prononcer les derniers mots qui imposeront de la distance. « Comment est-ce que tu peux dire ça ? » Ce n’est pas ce que je voulais, ce n’est pas ce qui devait sortir, mais c’est bien la seule chose qui émane face à sa question. Une douleur que personne encore n’avais jamais vu de ma part. « JE VEUX T’OUBLIER ! » À les hurler avec force, les mots ricochent contre la façade pour mieux exploser entre nous. « Je voulais t’oublier Rosalie, que tu disparaisses de ma vie, à tout jamais. » Pas que tu en fasses partie pour toujours désormais… Ce n’était pas qu’une simple volonté, mais un besoin viscéral de tourner la page pour me relever. Jamais je n'avais étaler mes émotions de manière aussi crue, jamais elle n'avait vu cette vulnérabilité qui ne cesse de me bouffer. Des années durant, je lui ai tout offert, sans jamais compter à tenter de me protéger derrière un sarcasme qu’elle ne faisait que relever comme de la méchanceté. Ce n’était que mes dernières armes pour ne jamais avouer la faiblesse qui m’avait toujours fait trembler dès lors qu’elle entrait dans l’équation. Rosalie, je l’ai aimé comme un forcené. Aujourd’hui encore, si je prétends savoir conjuguer le verbe au passé, la réalité se situe dans une tout autre dimension a jongler entre sentiments et déni d’émotions. Je ne sais plus sur quel pied danser, je pensais avoir trouvé l’équilibre nécessaire pour me relever, mais tout s’écroule comme un château de cartes alors que s’immisce entre nous cette grossesse non désirée. Bien sûr que ce bébé vient tout chambouler alors que je me sens pris au piège tandis que le monde entier semble me pointer du doigt à s’en fendre la gueule. S’en vient mon tour de rire d’un rien quand les nerfs semblent lâcher, quand je prends conscience d’à quel point tout cela est tordu, quand je refuse de laisser une quelconque autre émotion transparaître aussi facilement. L’histoire, c’était arrêter, on ne devait plus jamais se recroiser, plus jamais se parler. Je commençais seulement à envisager une journée sans qu’elle n’assaille mes pensées, je pouvais enfin me concentrer sur ma carrière sans ruiner mes émotions dans une relation à sens unique. J’étais censé passer à autre chose, vivre ma vie sans elle. Et me voilà à rire comme un forcené alors que la panique se fraye un chemin dans la moindre fissure. Je perds tous mes moyens alors que se jouent sans cesse les mots dans un coin de ma tête. « Je suis enceinte et c’est toi le père. » L’univers a bien des drôles de manière de nous ramener l’un à l’autre.
Le timing est terrible, les événements le sont encore plus. Tout avait pris fin. Ce n’était pas cela la prochaine étape pour nous. Il n’y avait plus aucun nous d’ailleurs. Plus rien qui ne devait nous relier si ce n’est les souvenirs du passé. Cela ne pouvait pas continuer ainsi, pas comme cela, pas maintenant. Tout sonne comme la pire des choses alors que je suis incapable de formuler correctement mes pensées. « C’est vraiment ce que tu penses ? » Non pas vraiment, mais mon instinct me pousse presque à dire oui. Non ce n’est pas comme cela que je voudrais que les choses se déroulent, non ce n’est pas comme cela que je voudrais discuter de l’avenir et d’un possible enfant dans nos vies. Elle est sur la défensive Rosalie, lorsque la première chose que je remarque, ce sont ses mains sur son ventre. Elle sera prête à attaquer pour le défendre, ce bébé qui n’a rien demander, ce bébé qui ne devrait pas être. « Il ne pouvait pas y avoir pire comme circonstances. » que je murmure alors que mon regard cherche le sien, alors que tout retombe et que seule reste la panique de l’avenir qui se dresse devant nous. Elle doit au moins pouvoir m’accorder cela. Au moins, hocher la tête et admettre que les planètes se sont alignées de travers. Il y a quelques mois, elle me parlait d’une grossesse qui n’a pas abouti et qu’elle a su me cacher durant des années et voilà que l’humanité toute entière se joue de nous en reproduisant un schéma qui n’avait plus lieu d’être. « C’est pas comme ça que ça devait se passer et tu le sais. » Ce bébé aurait dû rester il y a dix ans de cela. Pour nous sauver des tempêtes, du chaos et de la spirale infernale qui en à découler par la suite. Ce bébé ne pourra rien sauver désormais. « Je vais rien t’imposer. Je voulais seulement que tu le saches. » C’est une vraie distance qu’elle impose pourtant dans une froideur qui ne lui ressemble guère. À lâcher sa bombe, elle ne me laisse désormais aucune voix au chapitre, alors que lentement je réalise, alors qu'il y aurait tant de choses à se dire. « Tu vas le garder ? » Alors tout va se décider ainsi ? Sur ce toit, dans une tempête d’émotions contradictoires, alors que tout me paraît encore irréaliste comme tout droit sortie d’un mauvais rêve dont je ne trouve pas la sortie ? C’est ce qu’elle souhaite, me voir partir, pour mieux pleurer que je l’ai abandonné ? Ce n’est pas comme cela que la vie d’un enfant devrait se décider, entre colère et rancœurs. Ce n’est pas comme cela que les choses doivent se passer. |
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 22:33 | |
| « Non pas encore assez. »
Il voudrait sans doute que tu payes aussi longtemps que toi tu as pu mentir. Aussi longtemps que tu as pu le garder dans l’ombre. Que ce soit l’ombre des vérités qui ont vraiment composé votre rupture, ou l’ombre dans laquelle tu l’as gardé pendant cinq ans, à te pavaner au bras d’un autre quand vraiment, c’est avec lui que tu aurais voulu être. Auprès de lui que tu as toujours su te faire un chemin, même quand tu ne devais pas, même quand c’était malsain, même quand son attention était bien la dernière chose que tu méritais. Il a tout donné Wyatt quand tu t’es contentée d’offrir seulement le strict minimum en retour, comme si tout t’étais toujours due. C’est sans surprise qu’il ne considère pas les choses de la même manière que toi, quand tu as gagné batailles après batailles des années durant. La finalité demeure la même et tu te retiens bien de lui dire que de le perdre, deux fois plutôt qu’une, reste la pire chose que tu aies jamais eu à vivre. Que son absence, tu ne la tolères pas. Que tu le cherches partout, tout le temps. C’est que sa vérité est bien différente de la tienne quand elle éclate en un coup de sang que tu n’as pas vu venir. « JE VEUX T’OUBLIER! » C’est un cri du coeur qui vient briser le tien encore un peu plus quand une fois encore, tu ne peux te plier à ses volontés, quand une fois de trop, tu t’imposes de partout dans son univers avec cette vie nouvelle qui grandit jour après jour. Cette vie pour laquelle vous n’êtes pas le moindrement préparés, cette vie qui s’est créée par accident, qui change tous les plans, toutes les données malgré ce qu’il a dit à peine une minute plus tôt. « Je voulais t’oublier Rosalie, que tu disparaisses de ma vie, à tout jamais. » Ça fait mal de l’entendre, mas tu ne peux t’empêcher de remarquer le changement de temps. Je voulais plutôt que je veux. Et c’est égoïste que de poser la question maintenant alors qu’il n’a pas eu le temps de digérer quoique ce soit, mais les mots filent de tes lèvres sans que tu ne puisses les retenir. « Et là qu’est-ce que tu veux? » S’il te demande de disparaître, là tout de suite, avec toutes les cartes et toutes les informations en main, tu vas le faire. Tu vas partir de ce toit et tu n’y remettras plus jamais les pieds. Mais t’as besoin de savoir que c’est vraiment ce qu’il veut parce que t’es pas certaine d’être assez forte pour être celle qui part en toute connaissance de cause. C’est que tu restes éternellement celle qui ne voulait pas de fin après tout.
C’est le bébé que tu voudrais protéger d’abord des prochains mots qui franchissent les lèvres de Wyatt. La pire chose qui pouvait vous arriver. Comment est-ce que t’es censée être sereine avec l’idée de mettre au monde cet enfant quand c’est la première chose qui traverse l’esprit de son père? Son père. Wyatt papa, il y a longtemps que ton esprit ne s’est pas perdu à ce scénario. Une décennie déjà que le rêve a pris forme et s’est détruit en si peu de temps que c’est la pire des tortures qui se joue que de devoir réajuster la réalité. « Il ne pourrait pas y avoir pire comme circonstance. » Il reprend, il réajuste, c’est bancal mais ça fait déjà un peu moins mal quand tu souffles difficilement. Tu ressens tout de même le besoin de mettre de la distance, le besoin de te détacher autant que possible de la suite parce que tu le sens, que tu vas te péter la gueule à attendre et espérer, même si franchement, t’as aucune idée de ce que tu attends et de ce que tu espères en ce moment. Son regard trouve le tien et il est difficile de le soutenir, difficile de regarder dans le fond de ses yeux et de pas être certaine de ce que tu y lis. Il est loin, le Wyatt que tu connais parfaitement. Celui dont tu déchiffres chacune des émotions, chacune des pensées. « C’est pas comme ça que ça devait se passer et tu le sais. » « Je sais. » Tu hoches la tête en approbation, soupire alors que tes mains ne quittent jamais ton ventre si peu arrondi. Évidemment que tu le sais. Dix ans à vivre ton deuil en silence d’un enfant qui aura à peine eu le temps de se former dans le creux de ton ventre. C’est stupide sans doute de n’être jamais réussi à passer par-dessus quand il à peine eu le temps d’être, ce bébé. Celui qui grandit dans ton ventre en ce moment est déjà bien plus gros, bien plus réel et c’est d’autant plus effrayant que de réaliser que même si ce n’est pas comme ça que ça devait se passer, c’est la vie qui suit son cours, de la plus terrible des façons. « Tu vas le garder? » C’est ce que tu attendais finalement, la question qui te coupe le souffle même si c’est bien la seule qu’il pouvait poser pour te faire comprendre qu’il a compris, qu’il a saisi, qu’il te croit enfin. Tu hausses les épaules légèrement, secoues la tête avec bien peu d’assurance. « Je sais pas. » La simple idée d’avorter te donne envie de vomir, mais ce serait mentir que de dire que l’option n’est pas là, que tu ne la considères pas du tout. « Je voulais pas prendre cette décision là toute seule. » Parce que c’est pas juste toi après tout. « On a encore un peu de temps, pour décider. » On. Est-ce qu’il souhaitait simplement faire partie de la décision? T’en étais pas tout à fait certaine. Ton cinq minutes est écoulé depuis un moment déjà, tu le sens que pour ce soir, la conversation achève et ça te fait peur. T’as peur de retourner chez Ariane et de pas savoir quoi lui dire sur la réaction de son frère. Peur de voir le temps passer trop vite sans être capable de prendre une décision rationnelle. Peur de la suite, peu importe de quoi elle sera composée. |
| | | | (#)Mar 20 Juil 2021 - 21:44 | |
| Le phraser se veut approximatif et les émotions à vif. Au cœur de la tempête, s’affronte bon nombre de sentiments jamais traité associer à quelques pics d’angoisses quant à la nouvelle qui vient redistribuer les cartes d’un jeu qui avait bien trop perduré. Me voilà à bégayer sans jamais trouver le bon temps à conjuguer quand le monde que je m’assurais de construire depuis notre dernière rencontre s’écroule à mes pieds sans que je ne puisse rien contrôler. Ce n’était pas inscrit dans le plan, ce n’était pas calculer comme tous les mauvais coups que l’on avait pu s’envoyer, mais c’était là, entre nous, à s’imposer de partout déchirant les barrières et s’immisçant au creux des cicatrices les plus profondes ne laissant plus qu’une vulnérabilité sans précédent. Tout ce que j’ai toujours refusé de lui montrer qui s’étale à ses pieds dans un cri venant du cœur. C’est bien tout ce qu’il me reste à lui avouer, la rancœur qui était venue tout chambouler pour ne laisser que le désir de me séparer des souvenirs. Je jure que rien n’a changé quand bien même la conjugaison s’emballe et se biaise. Voilà que le désir ardent ne devient plus que condition fébrile dans un murmure tremblant. « Et là qu’est-ce que tu veux? » Bien sûr qu’elle s’immisce dans la faille. Bien sûr que la question vient résonner au creux de la conversation quand une nouvelle fois tout semble se jouer sur l’instant présent. Les cartes se distribuent à nouveau, les dés roulent sans réellement d’arrêt sur une décision précaire. Tout reste en équilibre entre le néant et un nouveau lien qui se noue secrètement. « Je ne sais pas. » Les faux-semblants sont restés au placard lorsque je souffle lentement sans jamais réellement trouver la force de croiser son regard. « Je sais plus. » Je pensais savoir, je me croyais déterminer et déjà bien avancer sur la voie de la guérison. Ce soir, je réalise que mes deux pieds sont restés coller au béton, engluer dans une marée de sentiments, de perception et d’une volonté qui ne fait plus sens. Me voilà cloué sur place, incapable de lui apporter une réponse concrète qui pourrait donner un sens à tout cela. « Je suis fatigué, Rosalie. » Exténué de lui avoir trop longtemps laisser l’opportunité de tout piétiner, complètement crever de sans cesse me battre contre ce que mon cœur et mon esprit ressentent. La lutte semble sans fin alors que le résultat est bien loin d’être probant. Je suis perdu, recroqueviller dans un coin. Le loup autre fois hurlant, lèche désormais ses plaies dans la pénombre.
Qu’importent les discours et les idées bien-pensantes. Qu’importe sans ligne défensive et les mots qu’elle avancent. Qu’importe tout ce qui se déroule sur l’instant, personne ne pourra venir nous dire que les événements s’alignent proprement. L’univers nous joue sa meilleure farce, se joue de nous en nous entraînant dans le pire tourment. Ce n’est pas qu’un simple baiser échangé au détour d’un couloir, ce n’est pas quelques mots qui pèsent dans la balance. C’est bien plus important, c’est même bien trop important. Un enfant. Un bébé qui grandit sous son nombril alors que notre relation ne cesse d’exploser en mille morceaux depuis des mois. Je voudrais en rire de nouveau, mais mes muscles se verrouillent les uns après les autres, me laissant tendu comme un arc, les yeux rivés sur l’échographie. Les informations dansent par milliers dans un bruit assourdissant sans que je n’aie le temps de prendre pleinement conscience de tout ce qui est en train de se modifier.
« Je sais pas. » Inconsciemment, je souffle relâchant la respiration que je ne m’étais pas venu retenir depuis l’énoncer de ma question. « Je voulais pas prendre cette décision-là toute seule. » Nos regards se croisent et je comprends que pour la première fois, elle comptait prendre les devants, ne pas choisir la fuite et agir comme l’adulte qu’elle aurait dû être il y a de cela dix ans. À croire que le jeu change finalement. « On a encore un peu de temps, pour décider. » Décider de la suite. Décider d’une vie. Mes doigts tremblent sur le cliché sans que mon esprit ne réalise concrètement tout ce qui est en train de se dérouler. Tout me paraît abstrait. J’attends encore le moment où ma sœur sortira de sa cachette pour hurler à la blague. J’attends que l’on m’annonce la caméra cachée. J’attends ce qui ne viendra jamais quand c’est l’image de notre enfant qui se dessine sous mes yeux. Qu’importe ce que l’on décidera, la vérité se trouve dans ces quelques mots : on pourrait devenir parents. Si mon instinct me hurle qu’il vaudrait mieux arrêter les frais dès maintenant, les mots ne franchissent pas la barrière de mes lèvres. Comme si quelque chose me retenait de laisser libre cours à mes émotions sur l’instant. On a le temps, c’est elle qui vient de le dire. « Je… » Les mots me manquent tant je me sens écrasé par le poids de la décision à prendre. « Je vais y aller. »
Et dans la seconde qui suit sans jamais me retourner, je quitte ce toit. La photo de l’échographie glissée dans la poche arrière de mon jean.
|
| | | | | | | | i know i broke all your rules (craker #10) |
|
| |