"The phone rings, in the middle of the night
My father yells "What you gonna do with your life?"
Oh daddy dear, you know you're still number one
But girls they wanna have fun
Oh girls just wanna have
That's all they really want
Some fun
When the workin' day is done
Oh girls, they wanna have fun
Ho hoo girls just wanna have (girls) fun (they want)"  – @leslie cohen  

Mars 2021. « Mais oui tu peux sortir, 'man. J'ai quinze ans. » Leonard est allongé dans son lit, la tête planquée derrière un livre. Il ne prend même pas la peine de jeter un coup d'oeil à la rouquine qui est plantée dans le cadre de la porte de sa chambre, l'air inquiet. « Lenny. » souffle-t-elle et pour réaction, elle a le droit à un long et bruyant soupir. Il laisse tomber les bras pour la regarder d'un air théâtralement exaspéré. « Mon téléphone est là. Je sais que je peux t'appeler à n'importe quel moment, que la voisine est également au courant et que je n'ai juste qu'à frapper à porte. Si j'ai un creux, il y a des restes dans le frigo et que tu seras à la maison aux alentours de deux heures du matin … non, je ne vais pas veiller jusqu'à là. Tu ferais mieux d'y aller. Tu vas être en retard et c'est malpoli. » Elle laisse s'échapper un soupir attendri avant de se ruer vers lui pour enrouler ses bras autour de son cou et déposer une ribambelle dans sa crinière bouclée. Il se laisse faire, immobile avant de lui faire un geste de la main pour lui faire comprendre qu'il est grand temps de mettre les voiles et rejoindre ses amies. C'est Leonard, son fils, qui l'avait convaincu de ressortir, de s'autoriser au moins une fois par mois une sortie avec des amies. Il lui avait fait comprendre qu'elle devait se recaser et être de nouveau heureuse : son air frustré creusait ses rides. La vérité criante et brutale de son fils l'avait définitivement convaincue.

Kendall est de sortie dans un de ces bars gays de Brisbane. Elle ne recherche rien ni personne. Rien d'autre que des éclats de rire avec ses amies rencontrées ou retrouvées. Verre entre les mains, elle danse sur la piste de danse avec ces dernières. Paupières à demi-closes, plus rien ne compte. Les ennuis, les soucis, les journées de boulot, le stress, tout disparaît alors que son amie vient se caler près d'elle pour danser davantage, lui soufflant au creux de l'oreille que si son verre est vide, elle a intérêt à lui en ramener un aussi. Elle a la flemme d'aller s'en recommander un. Petite bousculade amusée, Kendall redevient cette femme insouciante de son passé. Elle vit. Enfin. De nouveau. Soupir de déception quand elle constate que son verre est vide, la voilà qui se dirige vers le compteur du bar tout en quittant la piste de danse. Minuscule rouquine qui joue des coudes pour se frayer une place jusqu'au comptoir, elle se hisse sur la pointe des pieds pour héler la serveuse, qui est accaparée par les différentes propositions et commandes qui se mélangent comme un parfait début de partie de Mikado. Génial. Elle fait une petite moue boudeuse tout en laissant tomber son bras sur le comptoir boisé quand une femme un peu plus grande qu'elle vient prendre place à ses côtés pour elle aussi héler la serveuse. « Leslie? » souffle-t-elle comme touchée par la foudre. Kendall laisse s'échapper un éclat de rire alors qu'elle pose sa main sur le bras de la jeune femme pour finalement lui sauter dans les bras, avec cet enthousiasme qui lui est propre. Soudain, son sourire s'évanouit et ses yeux s'écarquillent quand elle prend conscience que peut-être elle ne la reconnaît pas ... elle déglutit, lâche prise et recule d'un pas avant de se pointer du doigt. « Kenny. Kendall Dawson. Bon sang mais ça fait une éternité ... »

Il y a foule ce soir, comme d'habitude. Tu es beaucoup trop sobre pour avoir un minimum de patience à ce que tout le monde bouscule tout le monde. C'est un vrai périple de ce rendre jusqu'au bar pour réussir à commander une nouvelle tournée de boisson. Pas gentlemen pour deux cents les gars qui te laissent risquer ta vie pour que personne ne finisse déshydraté. Quoique, eux, juste en salive, ils se gardent très bien hydrater. Tu es à deux minutes de french de te demander si tu commences pas à être de trop.

À peine arrivé au bar, tu fouilles dans ton sac à main pour t'assurer que la babysitter est toujours en vie - on ne sait jamais avec ta terreur. Tu as le temps avant que la barmaid remarque que tu existes, toi et les dizaines d'autres personnes qui attendent leurs tours. « Leslie? » Tu sens une main chaleureuse se poser sur ton avant-bras en même temps que tu tournes la tête vers la voix qui s'élève à côté de toi. La suite se passe plutôt rapidement. Tu remarques une tignasse rousse qui se jette littéralement dans tes bras. Ses cheveux sentent bon. Sa peau est douce. Ça, tu as le temps de le remarquer. Peu importe qui elle est, tu ne vas certainement pas te plaindre de cette accolade qui est tout sauf désagréable. Quand elle se retire, il te suffit d'un regard dans ses yeux pour la replacer immédiatement. « Kenny. Kendall Dawson. Bon sang mais ça fait une éternité ... » qu'elle ajoute en se pointant. Oui, Kenny. C'est pas demain la veille que tu risque d'oublier ce regard émeraude qui a jadis hanté tes jours et tes nuits - tes nuits surtout, tes rêves, et, oh, on va quand même pas rentrer dans les détails. « Wow, je… wow. » Tu en perds tes mots. Une éternité, c'est peu dire. Les derniers souvenirs de Kendall remontent à très loin, au temps où elle avait dit juste amie ? et que tu avais fait semblant que la situation d'amitié t'allait très bien. Pas facile d'être gay à cet époque. Aujourd'hui, c'est plus simple. Il faut quand même dire qu'il y  a très longtemps que tu n'avais pas repensé à elle. Tu n'es pas vraiment certaine de ce que cette nostalgie vient remonter en toi.

Tu observes les traits de son visage. Le temps a fait des merveilles sur elle - qui était déjà très jolie à l'époque. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » que tu réussi enfin à lui demander. Ici étant autant dans un bar gay, qu'à Brisbane. Elle est venue toute seule ? Elle semble l'être, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas quelqu'un(e) qui l'attend un peu plus loin. Tu as bien deux zigotos en train de se bouffer les amygdales qui t'attendent quelque part. Quoi qu'ils ne se sont sûrement même pas rendu compte de ton absence. Ils vont peut-être même profiter de ton absence pour aller retrouver leurs intimités.

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Mars 2021. « Wow, je… wow. » Kendall et son enthousiasme. Un peu trop brusque, non ? « Qu'est-ce que tu fais ici ? » qu'elle lui demande et aussitôt le regard de Kendall balaie l'endroit. Que répondre à cette question ? Elle est ici pour se détendre, pour ne plus penser au boulot, pour soulager son coeur et son âme de tous les ennuis que l'on peut avoir quand on a atteint la quarantaine. Ouais, c'est ce qu'elle pourrait lui dire. « Quand tu dis ici, tu entends quoi par là ? Brisbane ? Cet endroit ? Le comptoir du bar ? » Le regard pétillant de malice, un sourire amusé aux lèvres, elle lui donne un petit coup de coude pour lui faire comprendre qu'elle la taquine, bien évidemment. « Comme tout bonne quarantenaire, il faut bien de temps en temps sortir de son train-train quotidien --- tu me croises le seul du jour du mois où je m'autorise une petite pause. » Il est vrai qu'elle ne s'en autorise pas beaucoup. Pas le temps. Kendall aime être débordée, et ce depuis toujours. Elle survit grâce au stress, à l'adrénaline. Depuis son plus jeune âge, elle aime avoir un tas de choses à faire, à écrire sur des listes. Cela la rassure de savoir qu'elle a un paquet de choses à faire ; ca la fait se sentir utile, ca lui donne la force de se lever chaque matin … et depuis le coup de Doug, elle doit bien avouer avouer que ce besoin s'est décuplé. « Je suis venue avec des amies. » qu'elle ajoute en désignant d'un geste du bras une petite bande qui rit et qui sourit à quelques mètres de là. Kendall, elle, repose son attention sur Leslie, toujours un peu secouée de retrouver ce fantôme du passé.
« C'est dingue, te croiser ici … après toutes ces années. Tu sais quoi, je t'invite Leslie Cohen. » et elle se dresse de nouveau sur la pointe de pieds pour héler la serveur d'un geste de la main, tenant entre son index et son majeur sa carte bancaire. « Ce sera une bière pour moi et --- . » dit-elle finalement en tournant la tête vers Leslie, lui faisant comprendre que c'était à son tour de passer commande. La serveuse disparait poour leur préparer leur boisson et Kendall croise alors les bras pour regarder plus attentivement cette amie du passé, amie d'enfance. « Alors, dis-moi, qu'est-ce que tu deviens ? » La curiosité la rend bavarde, comme toujours. Adulte comme gamine, Kendall reste cette boule d'énergie qui ne s'arrête jamais.

« Quand tu dis ici, tu entends quoi par là ? Brisbane ? Cet endroit ? Le comptoir du bar ? » « Toutes ses réponses ? » I guess. Parce que tu ne t'aurais jamais attendu de la voir à aucun de ses endroits. Brisbane est bien loin de Sydney. Tu le sais pour faire la route pas assez souvent à ton goût. Ça te manque parfois, ta ville natale. Ta petite maman surtout. Avec toutes tes soeurs qui vivent ici, tu ne t'imaginerais pas vivre ailleurs. « Comme tout bonne quarantenaire, il faut bien de temps en temps sortir de son train-train quotidien --- tu me croises le seul du jour du mois où je m'autorise une petite pause. » Elle ne répond pas vraiment à ta question, mais à ses paroles, tu comprends qu'elle vit ici maintenant. « Dis pas ce mot affreux. » que tu lui lance, faussement outrée. Quarantenaire. Il te fait hisser le poil des bras ce chiffre. Quarante ans et une vie aussi chaotique qu'une gamine de 15 ans, c'est pas très glorieux. Enfin, il te reste encore un an pour changer la donne. On y croit, oui, oui. « Garde partagée ? » que tu lui demandes ensuite. Pour quel autre raison s'autoriserait-elle seulement de sortir une journée par mois. Parait que c'est ce que les mères font quand les enfants sont chez leurs pères. T'en sait rien, ta fille n'est jamais chez son géniteur (un géniteur, pas un père).

« Je suis venue avec des amies. » Tu observes les filles qu'elle pointe un peu plus loin sur la piste de danse. Ah, bien sûr, avec des amies, pourquoi serait-elle ici de son plein gré ? « C'est dingue, te croiser ici … après toutes ces années. Tu sais quoi, je t'invite Leslie Cohen. » Tu cherches des yeux tes amis à toi, histoire qu'il ne se demande pas pourquoi tu ne reviens pas avec leur cocktail overdose de sucre. All good, toujours la langue bien occupée. Tu te retournes vers Kendall qui réussit à attirer l'attention de la barmaid. « Ce sera une bière pour moi et --- . » « Un gin-tonic. » Beaucoup de gin. Pas trop de tonic. La serveuse repart préparer vos boissons. Tu sens le regard de Kendall te brûler l'épiderme. Oh, Leslie, t'es plus une gamine. Reprends sur toi. C'est un sourire un peu timide (sérieux?) qui se dessine sur tes lèvres, alors que tu viens replacer une mèche de cheveux derrière ton oreille. Elle est passée où toute ton énorme confiance en toi, hm ?

« Alors, dis-moi, qu'est-ce que tu deviens ? » Les boissons arrivent en face de vous deux. Tu attrapes le tien et lui fais signe de te suivre. Tu repère une table libre un peu plus loin, à l'écart du brouhaha - enfin, c'est juste moins pire qu'à côté du comptoir. Vous n'aurez au moins pas besoin de vous criez dessus pour vous comprendre. « J'suis enseignante à l'Université du Queensland depuis dix ans et je suis maman. Elle s'appelle Abby. Elle vient d'avoir quatre ans. » Qu'est-ce qu'on répond vraiment à cette question à une personne qu'on a pas vu depuis autant d'années ? « Et toi ? » que tu lui demandes quand même curieuse à ton tour de savoir quel chemin elle avait emprunté. « Tu vis ici depuis longtemps ? » que tu ajoutes ensuite.

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Mars 2021. « Dis pas ce mot affreux. », et Kenny ne peut que rire en voyant son air outré. « Garde partagée ? » La question, on ne la lui pose plus depuis très longtemps. A vrai dire, Leonard était encore un petit bonhomme quand on lui posait ce genre de question. « Il n'y a que Lenny et moi.» qu'elle commence par dire avec un fin sourire aux lèvres, avec cet air détaché qu'on peut lui connaître quand il est question du paternel de Leonard, dont elle n'a plus entendu parler … depuis plus de quinze ans maintenant. « Le paternel a mis les voiles il y a quinze ans maintenant … devine l'âge de mon fils.» dit-elle en ouvrant les bras en croix comme s'il s'agit d'une conséquence logique, et elle ponctue sa phrase par un clin d'oeil que l'on peut juger comme complice.

Les boissons arrivent plus rapidement que prévues. Kendall saisit son verre presqu'aussitôt, avant d'emboîter le pas de ce fantôme du passé. Leslie Cohen. La vie est parfois amusante, parfois cruelle. Elle vous fait croiser le chemin d'une personne, elle vous fait y sentir à votre aise et puis en un claquement de doigts, les chemins se séparent pour ne plus jamais se retrouver. Quand elle la suit, Kendall a le sentiment de revoir la silhouette de l'adolescente, d'entendre son rire, de la voir lui dire qu'elle l'aimait bien … et elle ressent presque de nouveau la peur panique à l'idée que son père le sache. Son père. Cette éducation. Bien trop de barrières. Kendall s'installe alors à cette table, gardant sa bière entre ses mains et regardant Leslie, devenue femme, bien loin de l'adolescente de cette époque si lointaine. «J'suis enseignante à l'Université du Queensland depuis dix ans et je suis maman. Elle s'appelle Abby. Elle vient d'avoir quatre ans. » Kendall acquiesce d'un signe de tête impressionnée en entendant la profession de Leslie. Et son regard s'adoucit aussitôt en entendant le prénom d'Abby, quatre ans. Quatre ans ? Les quatre ans de Leonard remontent à … loin, bien trop loin. « Et toi ? Tu vis ici depuis longtemps ?» Kendall rentre sa tête dans ses épaules avant de soupirer, à la recherche de ce qu'elle pourrait lui dire. «Je suis venue ici il y a quoi, deux ans je crois, quelque chose comme ça.» Évidemment, elle sait exactement quand elle a décidé de venir à Brisbane. «J'ai quitté la Navy et bosse à l'hôpital de St Vincent. J'ai gentiment suivi la voie choisi par le Père Dawson » Elle grimace avant de sourire avec tendresse. «J'ai décidé de venir à Brisbane, me rapprocher de la famille. Pour Leonard, mon fils. Il a quinze ans et va sur ses seize ans ...» Elle pose sa main sur l'avant-bras de Leslie pour lui dire sur le ton de la confidence : « Profite d'Abby le temps qu'elle est mignone, douce et te voit comme une super héroine … crois-moi, la crise d'ado, c'est moyen.» Un éclat de rires avant de lever son verre en direction de Leslie, les verres se rencontrent et elle porte son verre à ses lèvres pour en boire une longue gorgée.

« Il n'y a que Lenny et moi.» Ça met tout le monde mal à l'aise quand tu dis que Abby n'a pas de père. Tu comprends soudainement ce qu'ils ressentent, cette culpabilité d'avoir posé la question. Personnellement, ça ne te fait absolument rien d'en parler. Rager sur Dale, ton hobby préféré. Ce n'est toutefois pas tout le monde qui pense ainsi. Tu comprends pourquoi ça met les autres mal à l'aise; c'est parce qu'on ignore complètement comment l'autre se sent vis-à-vis de tout ça. C'est qu'on ne veut pas remuer le couteau dans la plaie. « Le paternel a mis les voiles il y a quinze ans maintenant … devine l'âge de mon fils.» Quinze ans ? Bon, ça va, en quinze ans, elle a dû tourner la page sur cette histoire avec son ex - ou son plan cul ou peu importe qui c'est. Tu n'as pas trop merdé. « Moi aussi, il est parti. » que tu lui dis comme si tu voulais partager sa douleur. Tu te gardes le fait que toi, il a finit par revenir ou plutôt par vouloir revenir. C'est pas parce qu'il veut qu'il peut. Tu l'envie presque Kendall que le sien soit jamais revenu. On est bien mieux sans eux. Dit ça à ta fille voir si elle est du même avis.

«Je suis venue ici il y a quoi, deux ans je crois, quelque chose comme ça.» Deux ans et c'est la première fois que vos chemins se croisent. Bon, après, Brisbane, c'est grand. Vous ne fréquentez pas forcément les mêmes endroits. Sauf les bars gay de temps en temps apparemment. «J'ai quitté la Navy et bosse à l'hôpital de St Vincent. J'ai gentiment suivi la voie choisi par le Père Dawson » La Navy, c'est impressionnant. Ça prend énormément de courage pour s'enrôler dans l'armée. Tu ne l'aurais jamais eu. Tu es beaucoup trop pacifiste et nonchalante pour t'engager dans l'armée. Tu la trouve courageuse même si ce n'était visiblement pas son choix. « Tu n'aimes pas ce que tu fais ? » C'est ce que tu trouves le plus triste dans son récit. Tu serais incapable de t'imaginer exercer un métier qui ne t'épanouirait pas. Vous avez eu la chance, tes soeurs et toi, d'avoir grandis dans une famille où chaque rêve - même les plus bizarres - était encouragé. Pas pour te vanter, mais c'est toi qui a les meilleurs parents du monde. « Ma soeur Emily est pédiatre au St-Vincent. Peut-être que tu la croisera. » Parce que ça te semble impossible que Em ne t'en ait pas glisser un mot si elles s'étaient croisées auparavant. C'est que tu lui a souvent cassé les oreilles avec tes histoires de cœur. Kendall, c'est un prénom qu'elle a souvent entendue.

«J'ai décidé de venir à Brisbane, me rapprocher de la famille. Pour Leonard, mon fils. Il a quinze ans et va sur ses seize ans ...» Tu hoches la tête. Tu comprends. La famille, c'est important. Surtout lorsqu'on a des enfants. Tu n'es pas certaine que tu vivrais encore ici si tes soeurs ne partageaient pas la même ville que toi. Tu n'y arriverais jamais sans elles. Kenny vient poser sa main sur ton avant-bras et c'est la bouffée de chaleur qui envahit tout ton corps. Comme quoi la nostalgie n'est jamais vraiment bien loin. « Profite d'Abby le temps qu'elle est mignone, douce et te voit comme une super héroine … crois-moi, la crise d'ado, c'est moyen.» Elle est magnifique quand elle éclate de rire. Vos verres viennent se cogner ensemble alors que tu reproduis son miroir en venant avaler une gorgé de ton verre. « Mignonne et douce ? Tu connais pas Abby. » que tu ajoutes en riant. Ce n'est clairement pas ainsi que tu décrirais Abby. Tu redoutes encore la rentrée scolaire et les mauvais mots qui viendront à son agenda. Une étape à la fois.

« Tu traines encore avec Milo ? » que tu lui demandes ensuite. Tu te demandes si leur amitié a su surmonter le temps et les épreuves de la vie. Aux dernières nouvelles, oui, mais elles remontent à loin. Ils t'ont toujours fait penser un peu à toi et Boyd. Vous avez survécu. Et eux ?

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Mars 2021.
« Moi aussi, il est parti. », et en guise de réponse, elle lui adresse un sourire réconfortant. Elles connaissent par conséquent la même peine, les mêmes aventures, celles de la maternité en solitaire. « Tu n'aimes pas ce que tu fais ? » Kendall oscille doucement la tête, tout en se pinçant les lèvres. « Oh si si. Crois-moi, quitter la Navy était la meilleure des choses à faire, sans doute la meilleure idée que j'ai pu avoir depuis pas mal d'années. » dit-elle aussitôt tout en tenant son verre dans sa main. La Navy, l'adrénaline, la mysogynie latante, le besoin de faire ses preuves, tout le temps. Elle avait mis cela derrière avec une larme au coin de l'oeil et un sourire aux lèvres. Elle avait été soulagée de retrouver le monde civil, car cela signifiait également retrouver la terre ferme et Lenny. Elle avait manqué bien trop de choses, qu'elle ne pourrait plus jamais revivre. «Ma soeur Emily est pédiatre au St-Vincent. Peut-être que tu la croisera. » Kendall acquiesce en se tapant la tempe de l'index. Il ne manque plus que le Eurêka pour qu'elle ait l'air d'un génie. « Oui, on a eu l'occasion de se croiser … vraiment rapidement. » Pas vraiment le temps de discuter. Kendall avait du mal avec tout ce et tout ceux qui lui rappelaient Milo. Milo et ce terrible malaise qui désormais les unissait. « Mignonne et douce ? Tu connais pas Abby. » Le regard de Kendall pétille d'amusement. Les quatre ans de Leonard, elle n'avait pas eu la chance de les vivre autant qu'elle aurait souhaité. « Oh je vois … Alors, je croise les doigts pour que l'adolescence soit l'opposé d'aujourd'hui. » Elle avale une nouvelle gorgée de bière avant de stopper net quand la question redoutée apparaît … « Tu traînes encore avec Milo ? »

Elle sourit en reposant son verre sur la table. « Disons que depuis mon emmènagement à Brisbane, c'est un peu plus compliqué … mais oui, il n'a pas bougé. » Les traits de son visage se détendent. « On a continué notre chemin ensemble … y compris la Navy. » Elle rit. « Parrain de mon fils. Bref, Kenilo n'est pas prêt de s'arrêter ... », et même si sa voix chante la certitude, au fond d'elle, elle doute et a peur. Elle a peur que Kenilo soit de l'histoire ancienne parce que l'histoire nouvelle, elle fait peur … bien trop peur. Ses sentiments nouveaux. Cette semaine passée ensemble. Elle a si peur qu'elle a fui … elle a fui mais a envie de le retrouver. Le retrouver pour lui dire quoi ? Pour faire quoi ? Pourquoi tant d'interrogations … ? Tout avait été si simple par le passé. Lâchant sa bière, elle pose sa main froide sur l'avant-bras de Leslie. « Et donc Brisbane, hein ? Toute la fratrie est ici ? » demande-t-elle, curieuse. Mais à peine a-t-elle fini sa question qu'une de ses amies vient se poster à côté d'elle, enroule ses bras autour de son cou pour déposer un bruyant baiser sur sa joue.
« J'y vais, Ken. On s'appelle demain. » Kenny lui tapote le dessus de la main qu'elle a déposé sur son épaule avec la tendresse d'une amie. « Ca marche. Fais attention à toi. » Et avant même de disparaître, elle lève son index inquisiteur en direction de Leslie : « J'te préviens, c'est une perle rare ma Ken. Tu viens de choper le gros lot » Un éclat de rire plus gêné qu'autre chose et Kendall accompagne ce rire d'un geste de la main pour la faire fuir avant de se tourner vers Leslie, les joues légèrement rosies : «  Une collègue. » Pourquoi le besoin de préciser ? Elle se le demande, gênée.

« Oh si si. Crois-moi, quitter la Navy était la meilleure des choses à faire, sans doute la meilleure idée que j'ai pu avoir depuis pas mal d'années. » Tu hoches la tête. Tu n'as absolument aucune difficultés à le croire. Ça ne devait pas être la meilleure ambiance du monde là-bas et tu as déjà entendu que, dans l'armée, on est plus souvent parti qu'à la maison. C'est sûrement ce qui l'a décidé à partir. Pour profiter de sa famille. « Oui, on a eu l'occasion de se croiser … vraiment rapidement. » Ah, alors, elle ne t'a pas dit. Il faut croire que tu es vraiment plus que dû pour vraiment te poser avec Emily et prendre le temps de parler pour de vrai et pas juste une petite discussion dans le cadre de porte. « Ah, je ne savais pas.. » que tu lui dis comme si c'était vraiment une information cruciale qu'elle aurait dû communiquer avec toi. « Oh je vois … Alors, je croise les doigts pour que l'adolescence soit l'opposé d'aujourd'hui. » Tu rigoles. « J'ai pas trop espoir, mais bon, on verra. » Tu imagines qu'à quinze ans, elle va plus mordre personne. Ce sera déjà ça de gagner.

« Disons que depuis mon emmènagement à Brisbane, c'est un peu plus compliqué … mais oui, il n'a pas bougé. » Ça ne te surprend pas le moins du monde qu'il soit encore dans les parages. Tu ne comprends pas trop pourquoi c'est plus compliquées. La distance peut-être ? « Il est toujours à Sydney ? » Tu as gardé contact avec Milo plus longtemps que Kendall, mais il te manque quand même un bon dix ans au compteur. Tu n'as aucune idée d'où il est et de ce qu'il fait aujourd'hui. « On a continué notre chemin ensemble … y compris la Navy. Parrain de mon fils. Bref, Kenilo n'est pas prêt de s'arrêter ... » Qu'est ce que tu disais ? Vraiment identique à ton amitié avec Boyd. Il n'est pas encore né celui ou celle qui brisera ce qui a entre vous deux. Après trente ans d'amitié, tu sais que tu vas vieillir à ses côtés. C'est bien le seul que tu es convaincu qu'il est là pour rester.

« Et donc Brisbane, hein ? Toute la fratrie est ici ? » À ton plus grand bonheur, oui. Tu hoches la tête, mais avant que tu n'aies le temps de vraiment répondre, il y a une fille qui arrive derrière Kendall, qui enroule ses bras autour de ses épaules. « J'y vais, Ken. On s'appelle demain. » Son amie de toute à l'heure visiblement. Tu sirotes ton verre discrètement, leur laissant faire leur au revoir entre elles. Ça te rappelle que tu ne sais pas tes mecs sont rendus où. « Ca marche. Fais attention à toi. » Tu fouilles pour trouver ton téléphone, au cas où ils t'aient envoyé leurs messages d'adieu. « J'te préviens, c'est une perle rare ma Ken. Tu viens de choper le gros lot » Oh, ça, ça te fait relever la tête. Qu'est-ce qu'elle raconte celle-là ? Pourquoi elle sous-entend ça ? C'est un rire nerveux ? timide ? qui se fait entendre de la part de la rousse. Ça devient très très intéressant tout ça. Aussitôt que son amie part, tu viens poser tes bras sur la table en te penchant un peu vers elle pour réduire la distance entre vous. « Une collègue. » qu'elle précise. Une collègue qui la connait bien ou qui raconte n'importe quoi ? « Tu fréquentes des filles maintenant ? » que tu lui demandes un peu trop curieuse. C'est nouveau ? Elle était en questionnement durant l'adolescence ? Elle l'a toujours su ? C'est peut-être juste toi qui n'était pas son genre. À entendre parler son amie, elle est célibataire. Tu ne peux juste pas croire que tout ça s'aligne sous tes yeux.

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Mars 2021.
« Il est toujours à Sydney ? » Parler de Milo met la rouquine toujours mal à l'aise. Alors quand on y ajoute l'ingrédient Brisbane, ça rend le tout imbuvable. Elle est désormais à Brisbane, dans la ville interdite pour Milo et pourtant. Le chaos de sa vie privée vient s'accrocher à la question innocente de Leslie. Elle sait que dès qu'elle mettra le doigt dans le rouage, elle en perdra sa main. Une certitude. « Milo est toujours dans la Navy, il va, il vient … Il fait son petit bonhomme de chemin. » qu'elle dit en agitant la main pour accompagner ses propos d'un peu de gestuel. Et, elle gagne au passage l'Oscar de celle qui évite le sujet. Pathétique. Elle se déteste de se conduire de la sorte mais elle n'a auucne autre issue de secours. Une issue de secours, elle aurait sans doute besoin d'une autre issue de secours maintenant que Leslie arbore un sourire amusé et use de sa curiosité pour lui demander : « Tu fréquentes des filles maintenant ? » Droit au but. Elle ne passe pas par quatre chemins et pose les questions de but en blanc. Ca a un côté rafraichissant et surtout rassurant. Kendall en a assez des ronds de jambe, des discours bien enveloppés qui ne sont que des demi vérités. Les mensonges, elle a atteint le quota avec Doug. Alors, cette question la fait sourire. « Je n'ai plus quinze ans, Leslie » qu'elle dit sans perdre son sourire. « J'crois que je m'en suis rendue compte pendant mes études --- oui, ça doit être ça. » Elle se gratte le dessus de la tête tout en continuant son discours. « Si tu te souviens de mes parents, tu sais combien il est essentiel pour eux de ne pas dévier du chemin de la famille traditionnelle : un papa, une maman et si possible une tripotée de gamins. Il m'a fallu quitter la maison familliale pour découvrir qui je suis ... » Elle ricane. « D'ailleurs, j'ai toujours été un peu jalouse de toi » Un haussement d'épaules et elle plante son regard dans celui de Leslie. « Vraiment. Tu étais bien plus mature que moi à l'époque. Tu pouvais être toi-même, peur de rien ni personne … J'ai toujours trouvé ça impressionnant. » et elle la bouscule doucement avec son coude sans la quitter du regard. Kendall était l'adoscente studieuse, brillante, sportive. La petite miss parfaite qui n'abandonnait jamais l'idée de plaire à son Paternel, de le rendre fier. Elle était l'adolescente qui ne faisait pas de vague, qui passait souvent inaperçu. Leslie, elle, était à ses yeux cette fraîcheur, ce vent de liberté qu'elle ne pensait jamais pouvoir vivre. Les voilà à l'âge adulte, ensemble, et peut-être pour la première fois de leur vie sur la même longueur d'ondes.

« Milo est toujours dans la Navy, il va, il vient … Il fait son petit bonhomme de chemin. » Tu n'arrives pas à mettre le doigt sur la raison soudaine de ce malaise qui semble prendre place dans le discours de Ken. Ce n'est certainement pas ton genre d'aller creuser là où tu n'es clairement pas invité. Et puis, l'arrivée inopinée de son amie suffit pour clore le sujet Milo. Soudainement, c'est toute autre chose qui t'intéresse. « Je n'ai plus quinze ans, Leslie » Et alors ? C'est pas une réponse ça. Personne n'a besoin d'avoir plus de quinze ans pour savoir qui il est. Certains en ont besoin pour l'accepter. Tu ne les comprendras jamais. Tu as de la peine pour eux en fait. Le monde n'est plus ce qu'il était non plus. L'homosexualité n'est plus un sujet tabou comme il l'a jadis été. « J'crois que je m'en suis rendue compte pendant mes études --- oui, ça doit être ça. » « Ah, les expériences universitaire. » que tu commentes en rigolant. Il y a toujours une hétéro qui essaie l'autre côté. Même si la plupart du temps, ça ne va jamais plus loin qu'un baiser langoureux (alcoolisé surtout). « Si tu te souviens de mes parents, tu sais combien il est essentiel pour eux de ne pas dévier du chemin de la famille traditionnelle : un papa, une maman et si possible une tripotée de gamins. Il m'a fallu quitter la maison familliale pour découvrir qui je suis ... » Non, tu ne t'en souviens pas. Tu l'as probablement même jamais remarqué. Tu n'avais de yeux que pour Kendall dès l'instant où tu passais la porte de chez elle. Tu en oubliais presque ce qui se passait autour de vous deux. La faute aux papillons dans le ventre et toutes ses conneries là. « Tu n'avais peut-être juste pas rencontré la bonne personne encore. » Celle qui nous fait comprendre des sentiments et des sensations qu'on ne pensait pas ressentir. Kenny, c'est les filles. Toi, c'est les hommes.

« D'ailleurs, j'ai toujours été un peu jalouse de toi » « De moi ? » que tu répètes, curieuse. « Vraiment. Tu étais bien plus mature que moi à l'époque. Tu pouvais être toi-même, peur de rien ni personne … J'ai toujours trouvé ça impressionnant. » Ça n'a absolument pas changé même aujourd'hui. Tu sais qui tu es. Tu sais ce que tu aimes. Tu ne comptes pas changer pour personnes. Tu t'en contre fou de ce que les autres peuvent bien penser de tes mauvais choix (oh oui il y en a quelques-uns). « J'ai eu la chance d'être bien entourée j'supposes. » que tu réponds en haussant les épaules. Ça n'a jamais été un fardeau ou même anxiogène de le dire à tes parents. C'est peut-être pour ça que tu t'es toujours affirmé. T'en sais rien. Tu as du mal à imaginer ta vie autrement. Tu aurais sûrement défoncé tous les murs si on t'aurait mise dans une cage, si on t'aurait empêcher d'être qui tu es.

« Oh, j'adore cette chanson. » que tu lui dis en remarquant soudainement la vie qui continuait de s'animer autour de vous. « Danse avec moi. » que tu ajoutes, le sourire espiègle bien en place. Tu viens attraper sa main pour l'entraîner avec toi sur la piste de danse.

"The phone rings, in the middle of the night
My father yells "What you gonna do with your life?"
Oh daddy dear, you know you're still number one
But girls they wanna have fun
Oh girls just wanna have
That's all they really want
Some fun
When the workin' day is done
Oh girls, they wanna have fun
Ho hoo girls just wanna have (girls) fun (they want)"  – @leslie cohen  

Mars 2021.
« Ah, les expériences universitaires. » et elle ajoute même un éclat de rire, qui fait également sourire Kendall. En guise de self-défense, elle la pousse doucement : « Arrête ! C'est pas c'qu'j'voulais dire. » qu'elle précise car même si la vie de Kendall correspond à de nombreux clichés, cela ne veut pas dire que celui-ci en fait également partie. Disons que Kendall a pu être elle-même quand l'ombre de son Paternel ne trônait plus au-dessus d'elle. Le jour où ses parents l'ont déposé sur le campus de son université et ont mis les voiles, elle a eu le sentiment de se délester de nombreux kilos en une seule fois. Être elle-même. Être soi-même. Ne plus avoir peur que le regard sombre du Paternel soit ancré dans son dos, à l'affut du moindre vacillement, du moindre mauvais gestes. Un havre de paix. Une liberté nouvellement trouvée. « Tu n'avais peut-être juste pas rencontré la bonne personne encore. » Pas si sûr. Elle avait tellement peur qu'elle ne se posait pas ce genre de questions. Alors, elle hausse les épaules, préférant semer le doute. « De moi ? » La surprise de Leslie l'amuse et elle acquiesce d'un signe de tête tout en commencant ses explications. « J'ai eu la chance d'être bien entourée de j'suppose. » Et, Kendall aimerait pouvoir lui dire que oui, elle la jalousait – elle et sa tribu, elle et sa famille, elle et l'harmonie qui se dégageait d'eux. La famille bien trop parfaite, diamètralement opposée à la sienne. Kendall jalousait la Terre entière à vrai dire, étant gamine. Les seuls moments de répit étaient ceux passés loin de ses parents, chez son parrain. Là-bas, elle avait le sentiment d'exister, d'être quelqu'un, quelqu'un de bien.

« Oh, j'adore cette chanson.  » Aussitôt, elle se redresse sur sa chaise car elle sait ce que signifie dans la majorité des cas ce genre de phrase. Invitation à se bouger, à danger, à profiter de cette chanson qu'on adore. « Danse avec moi » Bingo ! Kendall s'empare de sa bière pour en boire une dernière gorgée alors qu'elle s'est levée … et laisse sans regret le reste de son verre derrière elle quand la main de Leslie vient saisir la sienne pour l'emporter sur la piste de danse. La musique. L'ambiance. Le mouvement de groupe. Les lumières. Les verres d'ores et déjà ingurgitées. L'euphorie et l'enthousiasme de retrouver un souvenir comme Leslie. Le sourire de Leslie. Tous ces éléments font que la chirurgienne lâche les rênes et danse sans se soucier de quoique ce soit. Les hanches basculent au rythme de la musique, les bras se font indépendants alors que son regard vient à la rencontre de celui de Leslie. Sans le vouloir, les corps se rencontrent et personne ne semble s'en offusquer. Ils se rencontrent, s'effleurent et se séparent dans des éclats de rire et parfois même en laissant s'échapper quelques paroles de la chanson entre leurs lèvres. La minuscule Kendall oublie tout, comme elle avait prévu en fermant la porte derrière elle.

La piste de danse est bondée de monde. Tu ne saurais dire si c'est ça qui te donne aussi chaud ou si c'est le dernier verre. Peut-être bien, aussi, que c'est lorsque ton corps entre légèrement en contact avec celui de Kendall que la bouffée de chaleur t'envahit. Tant de possibilités. Elle est belle quand elle rit. Par ses mouvements, elle semble complètement libre. Elle semble libérée de toutes ses obligations de sa vie d'adulte. Ta main se glisse de nouveau dans la sienne simplement pour la faire tourner sur elle-même. Ton coeur manque un bond devant ce sourire tout-à-fait charmant qu'elle affiche sans aucun effort. « T'es belle. » que tu perds à son oreille, pas très certaine si elle l'a vraiment compris à cause de la musique qui est particulièrement forte. Ici, ce n'est clairement pas le meilleur endroit pour parler. Tu n'es pas certaine non plus qu'elle réalise tout le charme qu'elle dégage Kendall. Tu devrais peut-être pas dire ça. Ce serait particulièrement humiliant de se faire rejeter une deuxième fois vingt ans plus tard. Les derniers verres suffisent toutefois à te faire ignorer cette hypothèse. De toute façon, plus rien n'est pareil à cette époque là. Ton petit coeur sera très bien épargné si elle te sort la carte de juste amie encore une fois. Quoique une amitié perdu de vue aussi longtemps, peut on encore qualifier ça d'une amitié ? Probablement pas.

« J'rêve de t'embrasser depuis que j'ai treize ans. » Tu éclates de rire à ce souvenir qui te semble si lointain. Pourtant, tu te souviens parfaitement de la première fois que tu l'as vue chez Milo. De tes yeux qui n'arrivaient pas à se détacher d'elle tellement tu la trouvais belle et drôle. Elle t'a chaviré le coeur un peu trop facilement aux yeux de la Leslie d'aujourd'hui. Vous avez tous deux changé de toute manière, mais l'attirance est pas toujours là. De ton côté du moins. Du sien ? C'est ce que tu vas découvrir en osant laisser le bout de tes doigts se glisser contre sa mâchoire jusqu'à ce que tes deux mains se lovent contre ses joues. Ton regard cherche le sien, le trouve aisément. Alors ? Vous vous embrassez ou pas ? Tu attends un signal de sa part, aussi minuscule peut-il être avant de te lancer. C'est toujours moins pire de se faire dire non que de se faire repousser. Enfin, tu penses. Tu ne sais plus trop. L'alcool et la décharge électrique t'empêche de réfléchir convenablement.

"The phone rings, in the middle of the night
My father yells "What you gonna do with your life?"
Oh daddy dear, you know you're still number one
But girls they wanna have fun
Oh girls just wanna have
That's all they really want
Some fun
When the workin' day is done
Oh girls, they wanna have fun
Ho hoo girls just wanna have (girls) fun (they want)"  – @leslie cohen  

Mars 2021.
Les corps des jeunes femmes se mêlent à la foule. Leurs mouvements deviennent anodins et banals parmi cette foule qui se défoule, qui ondulent au rythme de la musique qui devient rapidement un accessoire. Kendall pétille. Enthousiaste, libérée, heureuse, elle est simplement une femme parmi tant d’autres et elle ne cessera jamais d’apprécier cette banalité. Les corps des deux jeunes femmes s’harmonisent, s’unissent quand la main de Leslie vient se glisser dans la sienne pour la faire tourner dans un éclat de rire libérateur. Et, elle l’entend ce compliment soufflé du bout des lèvres au creux de son oreille. Belle. Ses joues prennent une teinte légèrement rosie et on ne saurait dire si cette teinte est causée par cette danse électrique ou par ce compliment, qui aurait alors de drôles de conséquences sur elle. Kendall plisse doucement les yeux alors qu’elle continue de danser. „J’rêve de t’embrasser depuis que j’ai treize ans.“ Une confidence qui est rapidement suivie par un éclat de rires. Kendall, elle, elle ne rit pas. Elle a un petit air surpris, sans doute parce que cette confidence a son petit effet sur elle. Elle la connaît. Elle appartient à son passé. Kendall ne se souvient pas avoir eu une quelconque attirance pour Leslie au cours de son adolescence, sans doute pas … bien trop aveuglée et freinée par les règles du Paternel Dawson. Mais soudainement, elle se demande si tout cela n’était pas caché au plus profond d’elle, à cette époque. Son regard s’ancre alors dans celui de Leslie. Et tout semble ralentir. C’est comme si Chronos venait de mettre tout le monde en slow-motion. La musique devient un bourdonnement lointain. Les personnes autour d’elle deviennent comme floutées. Il n’y a plus que Leslie, face à elle. Son sourire. Son regard. Ses doigts qui viennent délicatement à la rencontre de sa peau de porcelaine. Quelque chose brûle au creux de son estomac, l’excitation, l’attirance pour la femme qu’elle est devenue.

„Rêve ? Rien que ça …“ dit-elle d’une voix amusée, essayant de cacher sa gêne derrière cette minuscule touche d’humour. Mais alors que ses paroles jouent la carte de l’humour, son corps s’est rapproché lui de celui de Leslie sans la quitter des yeux. Insouciante, inconsciente, peut-être un peu alcoolisée ou bien trop enthousiaste, qu’importe ! Ses lèvres viennent à la rencontre de celles de Leslie au ralenti, plongeant son regard dans le sien pour finalement clore les paupières lorsque ses lèvres viennent toucher celles de Leslie. Un baiser délicat vient alors les unir au milieu de cette piste de danse, au milieu de cette foule qui ne prête en aucun cas attention à elles. Kendall lui offre ou leur offre ce baiser délicat et instinctivement, sa main vient se poser sur sa hanche alors qu’elle sent une horde de Valkyries se battre dans le creux de son estomac. Détachant lentement ses lèvres des siennes, sans pour autant ôter sa main de sa hanche, elle rouvre les yeux pour pouvoir lui offrir le plus malicieux des sourires. Son regard pétille toujours autant quand elle finit par murmurer, amusée : „[color=indianred]Pas trop déçue j’espère[/color“ Et une fois encore, elle se munit de sa meilleure arme pour ne pas mourir de gêne : son humour.

Tu crains pendant un instant d'avoir créer un malaise. Trop vite ? Peut-être bien. L'alcool délie les langues. Tes paroles ont dépassé tes pensées. En même temps, tu es plutôt du genre direct. Tu aimes quand les choses sont claires, nettes et précises. Tu n'aimes pas quand c'est trop flou, quand on avance sans vraiment savoir où on va. Tu préfères dire directement les choses. Après, on verra où ça nous mène. Tu ne comptes pas perdre du temps à courir après une fille si elle n'est pas intéressée. La vie est trop courte pour gaspiller son temps et son énergie pour rien. « Rêve ? Rien que ça … » Ouais, bon, rêve. Tu y es peut-être allé un peu fort. Tu en as longtemps rêvé par contre. Ça, c'est totalement vrai. Donc, ce n'est qu'un demi-mensonge. Il y a longtemps que tu n'avais pas repensé à Kendall. Des années, même. Pourtant, à peine recroises-tu son chemin que tu espères déjà la revoir à nouveau. Est-ce qu'elle te taperait autant dans l'œil que lorsque tu n'étais qu'une adolescente ? À suivre. Pour l'instant, tu oses quand même glisser tes mains contre son visage sans pour autant être certaine de ce dont elle a envie, elle. Si tu n'essaie pas, tu ne sauras pas.

Contre tout attente, elle réduit les derniers centimètres qui vous séparent. Ses lèvres sont douces sur les siennes. Son baiser est doux, délicat. Ton corps s'embrase quand tu sens sa main se glisser contre ta hanche. La température monte d'un cran. Le temps semble s'être arrêté pour vous deux alors qu'autour de vous, la vie continue. Les autres continuent de danser sans se soucier une seule seconde de vos corps qui ne suivent absolument plus le rythme de la musique. « Pas trop déçue j’espère » qu'elle ajoute en riant doucement. Oh, bien sûr que ce rire cache (ou tente de) son malaise, sa gêne. Ça la rend encore plus belle. « Non. Pas du tout. » que tu lui réponds, ton regard pétillant se perdant dans le sien. Ça l'aurait sûrement été plus maladroit des années auparavant, quand toi tu n'avais que très peu d'expérience (tu ne peux pas dire pour elle). Pas aussi facile qu'aujourd'hui d'être catalogué lesbienne dans un lycée ou personne n'assume sa sexualité. Kendall en est le parfait exemple. Les années amènent avec elles l'expérience et la maturité. Ce qui est probablement une bonne chose.

Tes lèvres viennent de nouveau s'emparer des siennes. Écoute, y'a des années de baisers à rattraper. Le bout de tes doigts se glissent contre sa nuque, se perdent dans les mèches de sa chevelure de feu, rêvent de s'aventurer sur son épiderme. « J'aimerais te revoir. » que tu glisses à son oreille, pressant un peu plus ton corps au sien. Tu voudrais la revoir ailleurs, dans un endroit plus tranquille où tu pourras vraiment découvrir ce qu'elle est devenue durant toutes ses années. Parce que le temps continue d'avancer même s'il semble s'être figé. Il avance et la soirée tire à sa fin.

"The phone rings, in the middle of the night
My father yells "What you gonna do with your life?"
Oh daddy dear, you know you're still number one
But girls they wanna have fun
Oh girls just wanna have
That's all they really want
Some fun
When the workin' day is done
Oh girls, they wanna have fun
Ho hoo girls just wanna have (girls) fun (they want)"  – @leslie cohen  

Mars 2021.
La vie vous réserve bien des surprises.
Kendall l’avait appris à ses dépens. Elle avait essayé de se battre et de combattre le pouvoir de la vie avant de finir par baisser les bras, d’accepter de n’être qu’un personnage secondaire, victime de la narratrice. Parfois, la vie vous apporte une ribambelle de bonnes nouvelles et … parfois, elle vous place dans l’oeil du cyclone. Kendall avait été à des années lumières de s’imaginer la soirée se dérouler de la sorte. Des années lumières de se retrouver face à un passé auquel elle ne pensait plus depuis des années. Un simple baiser. Rien de spectaculaire en soi. Dans cet endroit, il y en a un paquet. Mais celui-ci a le goût de la nostalgie. Un baiser puéril, un baiser adolescent. Un baiser libérateur peut-être. Les lèvres se détachent à regret et les paupières s’ouvrent de nouveau pour se retrouver face à la réalité. Elles sont bel et bien dans cette boîte de nuit. Elles sont bel et bien au milieu de la piste de danse. Elles sont bel et bien plus âgées. Et, elles sourient. « Non. Pas du tout. » lui dit-elle avec la plus grande simplicité, ne détachant pas son regard du sien. Happé par son regard, Kendall s’y perd même. Ses lèvres s’étirent en un sourire attendri alors que Leslie vient de nouveau mettre un terme à la distance qui les sépare pour venir s’emparer de ses lèvres et lui offrir un nouveau baiser. Si elle avait pu croire qu’il s’agissait que d’un baiser quelques minutes plus tôt, elle prenait désormais conscience que ce dernier était le premier d’une série. D’une série ? Elle répond à ce baiser avec la même tendresse alors que Leslie vient lui souffler quelques mots à l’oreille. « J’aimerais te revoir. » Ces mots la font frissonner, quoique ce ne sont peut-être pas que les mots qui sont coupables de ses frissons, peut-être que le souffle de la jeune femme sur sa peau a également sa part de responsabilité. Les paupières à demi-closes, elle se mordille la lèvre inférieure pendant une demi-seconde avant de se détacher d’elle pour pouvoir la regarder avec le plus grand sérieux. « C’est plus qu’envisageable, tu sais. » dit-elle avec ce ton amusé et détaché. « il va falloir par commencer par me donner ton numéro afin qu’on puisse s’organiser tout ça … parce que je serai également ravie de pouvoir te revoir.  », qu’elle finit par dire en acquiesçant d’un signe de tête à ses propres paroles.

Elle est venue ici pour lâcher prise, pour ne penser à rien du tout. Et la voilà en train de se comporter comme une adolescente. Euphorique, enthousiaste, elle est sur un petit nuage d’insouciance. Et croyez-moi en tant que mère de famille, elle n’a hélas plus vraiment l’occasion de trôner sur ce genre de nuage. Les responsabilités, son fils, l’autisme, les soucis médicaux, les patients, les collègues, les heures de service, les factures, elle en a un paquet de problèmes avec lesquelles elle doit jongler tout en marchant sur un fil à l’instar d’une équilibriste. Leslie vient de lui montrer à quoi peut ressembler une vie avec une „pause“.