Sous l'épaule du corsaire, le sol est brûlant. Ses paupières s'ouvrent sur une cellule sombre et du sol remonte une poussière âcre, qui monte à la gorge et brûle les yeux. A coup sûr, le corsaire est sur la planète Iota, où il n'a plus mis les pieds depuis des lustres. A ses poignets, Saül remarque qu'on passé des fers. Se trainant dans le sable, le corsaire tente de trouver un rayon de lumière. « Du granit marin. » Fait très rare, ces menottes étant réservées à l'usage des polices spatiales. Elles permettent de contenir les pouvoirs des possesseurs de fruit du démon. Il y a longtemps que personne n'en avait passé aux poignets du plus grand corsaire de l'univers.

Ou du moins, c'est de ce titre qu'il voudrait se vanter. Pourtant, il n'est pas seul. Grâce à la lumière, le corsaire repère une botte. Etalé à quelques mètres de là, Gator gît dans le sable. Il faut quelques tentatives à Saül avant de parvenir à lui donner un coup de pied. « Debout, mon garçon. » La cellule est sombre et aucun bruit ne s'échappe de l'extérieur. Aucun cri. Sur Iota, la Marine n'a installé aucune base. Alors peut-être sont-ils chez les mercenaires, ou pire: chez les chasseurs de pirates.

C'est après s'être échoué sur la planète que les deux pirates ont dû tomber aux mains de leurs geôliers. Saül ne se souvient pas de la bataille qu'il a livrée, envoyant de tous les côtés les flammes qui ne rendent habituellement invincible. Bien sûr, son âge rend l'utilisation de son Pyro-fruit bien plus difficile qu'avant. On a aussi passé les fers à Gator. Alors que le Crocodile essaie d'identifier l'endroit où ils se trouvent exactement, son ennemi semble reprendre ses esprits. « J'espère que tu es fier de toi. Rien de tout cela ne serait arrivé si tu n'avais pas essayé de jouer au plus malin. » Et en plus, Saül n'a plus ce pourquoi Gator l'avait attaqué.

@swann buchanan

Le coup de pied agite à peine la jambe du corsaire. Chaque mouvement est lent et il aurait tôt fait de passer pour un mort, s’il n’avait finalement pas émit un grognement aussi faible qu’agacé. « Debout, mon garçon. » Il aurait envie de l’insulter, de lui demander de se la fermer, de le maudire sur sept générations tout en priant pour qu’il n’en ait justement aucune, de descendance. Un être tel que lui ne devrait pas engendrer, cela ne ferait que créer des abominations. Ses pensées se tournent vers Crocodillo, cela lui évite de penser à son propre sort, à cette douleur qui irradie tout son corps, à l’impossibilité probante de se situer dans le temps ou l’espace - il ne sait même pas où se trouvent ses mains et ses jambes.

Les menottes grincent lorsqu’il tente de bouger les poignets, ne laissant s’élever qu’un grognement de plus dans la pièce qui leur donne de l’écho, l’informant ainsi un peu mieux de l’endroit où ils se trouvent. « J'espère que tu es fier de toi. Rien de tout cela ne serait arrivé si tu n'avais pas essayé de jouer au plus malin. » Avant, ses yeux étaient plein des flammes que Crocodillo envoyait valser. Désormais, elles les lui renvoient en même temps qu’un regard noir. “Rien de tout cela ne serait arrivé si tes hommes avaient au moins vu les chasseurs arriver.” Parce qu’il en est assuré, Gator : l’immense flotte est arrivée de tribord, le côté que son ennemi gardait férocement, bien plus encore que la boussole tant convoitée. “Tu l’as perdue. Elle est perdue. Ça ne sert plus à rien, maintenant. Nous périrons tous par ta faute.” Bien au delà du trésor devenu inaccessible, ce sont désormais leurs vies qu’ils sont en train de jouer et le sort a déjà été décidé : pour les capitaines, ce sera la mort. Lente, très lente, après avoir été vendue et torturée pour avoir le droit au plus grand nombre de leurs précieux secrets. Leurs équipages ne sont sûrement déjà plus de ce monde. “Ça pue le chien galeux, ici, et c’est pas seulement de ta faute. On est pas juste en terrain ennemi, on vient de signer notre arrêt de mort.”

L'endroit est glauque, humide. Les fenêtres ne laissent passer qu'une lumière étrange, propre à la nature sablonneuse de la planète Iota. La faible luminosité dans laquelle baigne l'étroit cachot rend invisibles les traits tirés des deux pirates. « Rien de tout cela ne serait arrivé si tes hommes avaient au moins vu les chasseurs arriver. » « Ils étaient occupés à découper en morceaux les fillettes qui composent ton équipage. » crache le Crocodile, un sourire mauvais accroché aux lèvres. La haine ne leur sera d'aucune utilisé. Les mains enferrées, ils ne peuvent de toute façon pas régler leurs comptes. Les pouvoirs du corsaire fourmillent jusque dans ses doigts, pourtant. Aucune flamme ne vient lécher les menottes de granit, pourtant.

« Tu l’as perdue. Elle est perdue. Ça ne sert plus à rien, maintenant. Nous périrons tous par ta faute. » L'aîné des pirates lève les yeux au ciel. « Ce que tu peux être dramatique. » Le Crocodile est loin d'avoir dit son dernier mot. Leurs geôliers savent qui ils sont, sinon ils ne leur auraient pas passé les fers de granit marin autour des poignets. Pour cela, les deux capitaines ont désormais l'avantage. Ils sont une monnaie d'échange de valeur. « Ça pue le chien galeux, ici, et c’est pas seulement de ta faute. On est pas juste en terrain ennemi, on vient de signer notre arrêt de mort. » « Tais-toi et écoute. » Aucun cri ne vient percer le silence. Ils sont seuls, dans cette prison oubliée. Donc, ils ne sont pas dans une prison de la Marine, lesquelles sont suffisamment bruyantes pour être identifiées. Le Crocodile se redresse un peu, tente de voir à travers les barreaux de la porte qui les contiennent, lui et son ennemi. « Ils ne nous livreront pas à la Marine. Ils savent qu'ils se feront exterminer, depuis que l'Amiral Sakazuki est en haut de la pyramide. » Sakazuki ne traite pas avec les pirates. Pourtant, Saül est un corsaire. De fait, il est un allié de la Marine. Mais n'ont-ils pas tout orchestré pour se débarrasser de la menace que représentait le Crocodile ? « Je vais faire le mort. Tu vas appeler les gardes. Ensuite, on sortira de ce trou. » A l'ancienne.

« Ils étaient occupés à découper en morceaux les fillettes qui composent ton équipage. »
« Va te faire foutre. »
Éternelles querelles de pirates qui ont déjà tout perdu mais s’obstinent à tenter de sauver un ego déjà au bord du gouffre. Quoi qu’il a sûrement déjà sauté, le con, et péri en même temps que tous les membres de leur équipage respectif. Eux n’avaient de toute façon aucune valeur, autant s’épargner des bouches supplémentaires à nourrir.

« Ce que tu peux être dramatique. »
« Quand est ce que je pourrais l’être sinon dans la mort ? »
Il n’y a pas d’autre issue possible et l’Aligator ne comprend pas comment son ennemi de toujours peut continuer à se voiler la face à ce point. Plus aucun espoir n’est permis, il serait stupide avant toutes autres choses. Ils vont mourir, ils devraient demander les derniers sacrements plutôt que de tenter un honneur qui ne les accompagnera jamais dans l’au-delà. Mais il persiste, le vieux loup de mer. Il persiste et il s’accroche, faisant rouler les yeux de Gator toujours plus haut en direction du ciel, lui arrachant les yeux au passage. « Tais-toi et écoute. » Il essaye, au moins. Il se concentre, lui dédie ses derniers souffles. « Ils ne nous livreront pas à la Marine. Ils savent qu'ils se feront exterminer, depuis que l'Amiral Sakazuki est en haut de la pyramide. » « Tu es bien naïf, ça se voit que tu n’es qu’un corsaire. » Les pirates sont plus forts, surtout Gator. Il n’aurait jamais eu de telles pensées vaines et sans fondement. « Je vais faire le mort. Tu vas appeler les gardes. Ensuite, on sortira de ce trou. » Il fait donc le mort et Gator pèse longuement le pour et le contre avant de faire quoi que ce soit, pour finalement hurler et demander de l’aide, ameutant tous les environs dans le même temps. Sa voix grave résonne désormais dans toutes les cellules, au point où personne ne peut les ignorer et qu’on accède enfin à leur demande. « Il a clamsé, le vieux. Voyez par vous-même, vous êtes cons, votre chef va vous tuer pour cette faute. » « Tu mens, on est pas aussi stupides. » Alors Gator devient soudainement l’homme le plus heureux du monde, à enfoncer son pied à plusieurs reprises dans les côtes d’un corsaire forcé à rester immobile, à terre. Après tout, c’était son idée. « Voyez. Clamsé, j’vous dis. Faîtes moi sortir, je veux pas rester avec un cadavre, vous savez toutes les maladies qu’ils amènent, les macchabés ? » Oh oui, le plan était de sortir à deux. Il l’a oublié. Il l’a oublié et n’a surtout jamais rien fait pour attaquer leurs geôliers, se contentant d’un immense sourire en coin.

Il était bien moins grand, son sourire victorieux, quand on s’est contenté de le mettre dans la cellule en face au lieu de lui montrer la lumière du jour comme prévu. Il n’a eu le temps de rien dire, Gator, que les lourds barreaux se refermaient déjà derrière lui, les gardes faisant ainsi demi-tour pour tenter d’emporter le corps d’un Crocodilo faussement décédé. Laissez-le entre les mains de Gator, il s’occupera de rayer la mention ‘faussement’. Finalement, c’est peut-être lui qui a le plus de chances de s’en sortir, le corsaire de pacotille.

« Tu es bien naïf, ça se voit que tu n’es qu’un corsaire. » « Et toi ça se voit que tu n'es qu'un gamin. Ferme ta gueule et fais comme je te dis. » Le plan est foireux, mais le plan est tout ce qu'ils ont. Quand le crocodile est condamné à faire le mort, c'est Gator qui s'en frotte les mains. Le corsaire reste sans bouger, encaissant les coups et les retenant tous contre son adversaire. Pour tous les coups, Gator en prendra le double quand le plan sera en marche et qu'ils seront libres.

« Voyez. Clamsé, j’vous dis. Faîtes moi sortir, je veux pas rester avec un cadavre, vous savez toutes les maladies qu’ils amènent, les macchabés ? » Et bien sûr, on laisse le Crocodile en cellule, par terre. On emmène Gator qui doit se trouver bien idiot, maintenant que les barreaux se referment à nouveau sur lui. Les geôliers ne sont pas si stupides qu'ils en ont l'air puisque, une fois devant le cadavre du vieux, ils considèrent la possibilité de se faire tuer par leur propre chef. « On dira qu'il est mort tué par l'autre. - Ou de maladie ? » S'en suit un débat animé au sujet de ce qui doit être fait du corps et de la manière de l'annoncer au chef sans mourir trop vite. Bientôt, les mercenaires soulèvent le vieux et l'emmènent dans le couloir. « Il pèse un âne mort ! Retire le granit marin, ça va aider un peu. » Et en effet, les menottes tombent. Dans sa barbe, le Crocodile sourit. Du coin de l'œil, il peut apercevoir Gator.

L'instant d'après, d'immenses flammes viennent lécher les barreaux de la prison du pirate. Les cris des geôliers sont bientôt étouffés par le feu et le Crocodile rejoint son ennemi de toujours. D'un tour de clef, ce dernier est libéré. « Je ne suis pas assez stupide pour te libérer de tes menottes. On verra ça une fois dehors. Le vieux va s'occuper de toi encore un petit moment. » Sourire aux lèvres, le corsaire pousse Gator en avant. Bientôt, dans le couloir, on entend les échos des renforts. « Si t'es sage, je te libèrerai peut-être avant ! Mais il faudra être vraiment sage, t'as compris mon agneau ? » qu'il susurre, jubilant du sort réservé à Gator. « Avance. »

« Et toi ça se voit que tu n'es qu'un gamin. Ferme ta gueule et fais comme je te dis. »Un corsaire qui a un besoin viscéral de prouver qu’il n’est plus dans les jupons de sa mère, qui plus est. Pathétique. Il n’en est jamais sorti. Il a toujours le besoin de prouver quelque chose et vit pour le regard d’autrui, là où moi je brille pour que le reste du monde puisse mieux s'éclipser dans mon ombre. “Essaye donc pour voir.” de me faire fermer ma gueule autant que de me faire obéir. L’un ou l’autre, c’est mission impossible.

Les gardes s’amusent sur le cadavre encore chaud (et bien plus que prévu) du Crocodillo qui est pourtant de la couleur des morts. Il est livide, le vieux, et si cela ne tenait qu’à moi alors j’aurais rendu cette scène plus vraie que nature. J’aurais pu m’en délecter longtemps si des flammes n’avaient pas mis fin prématurément à la scène, laissant Crocodillo venant courir à mon encontre comme si nous étions quoi que ce soit de semblable à des amis. « Je ne suis pas assez stupide pour te libérer de tes menottes. On verra ça une fois dehors. Le vieux va s'occuper de toi encore un petit moment. » Connard. - “Si t’en es là, ce n’est que grâce à moi.” Qu’il le reconnaisse, au moins. Nous ne sommes rien qui soit semblable à une équipe, mais il n’aurait tout de même pas pu s’en sortir sans mon aide. Alors, l’espace d’un instant, nous n’avons réellement formés qu’une seule entité. « Si t'es sage, je te libèrerai peut-être avant ! Mais il faudra être vraiment sage, t'as compris mon agneau ? » - “Détache moi, Crocodillo, que j’te pète la gueule ici et maintenant.” Je me moque des cellules en feu, je me moque des cris à l’extérieur, je me moque de quel équipage vient sauver quel capitaine - quand bien même son équipage est sûrement le seul encore en vie. « Avance. » - “Laisse moi m’échapper maintenant. Ton équipage voudra ma tête au bout d’un pique.” Éternelle querelle oblige, esprit de vengeance exige. J’ai pris beaucoup d’âmes de leur vaisseau et eux n’en ont en retour rien à faire de savoir combien ils nous en ont pris.

J’arrête de lutter et me retourne en direction du corsaire, mes yeux dans les siens. “Tu ne voudrais pas qu’on te mâche le travail, pas vrai ? Imagine ta promotion si tu venais à dire que tu as eu le grand Crocodillo.” Qu’il a eu, lui et sa tête. Il pourra l’exposer à tout va, si une telle chose en vient à arriver - ce dont je doute encore - et c’est tout ce que j’ai à lui proposer pour qu’il accepte de me libérer alors que les portes cèdent et que la liberté, aussi paradoxale soit-elle, s’offre à nous. Mes yeux se font presque suppliants désormais. Il est mon dernier et seul espoir.

« Si t’en es là, ce n’est que grâce à moi. » Le crocodile se fend d'un rire alors que d'autres gardes se pointent sur leur chemin. Ils sont rapidement aspirés par les flammes produites par le capitaine corsaire. Bientôt, les couloirs de la prison se changent en fournaise et l'air devient irrespirable. Le Crocodile y est habitué et bien qu'il se serve un peu moins de ses pouvoirs depuis qu'il est à la tête d'un équipage qui fait tout pour lui faciliter la vie, soudain, il se sent vivant. Plus vivant que jamais, en fait. Oui, s'il n'est là, ce n'est que parce que ce fichu pirate a fait irruption sur son chemin.

Les flammes suivantes sont pour faire sauter les loquets des cellules qui libèrent des criminels plus ou moins grands. Ces derniers fuient vers la sortie à la recherche d'un air plus respirable. Le Crocodile et son otage n'ont plus qu'à suivre les fauves qui se ruent dans la lumière. La dernière porte leur fait face et le Crocodile garde tout son sérieux. Ses yeux perçants essaient d'évaluer ce qui se trouve derrière ce rempart. « Détache moi, Crocodillo, que j’te pète la gueule ici et maintenant. » « Ta gueule. » L'aîné soupire et croise le regard d'un homme, dans l'une des cellules. Il n'a rien d'un pirate, tout d'un petit comptable. Le Crocodile le libère de sa cage et le petit homme fuit maladroitement vers ce qu'il doit prendre pour la sortie. Vu la masse d'hommes qui s'agglutinent ici, ce doit être la sortie, en effet. « Laisse moi m’échapper maintenant. Ton équipage voudra ma tête au bout d’un pique. » « Mon équipage ne voudra que ce que je lui demande. Je sais les tenir, moi. » L'équipage du pirate est désormais essentiellement composé de fantômes et il faudra un moment à ce dernier pour recomposer une équipée fiable. Le Crocodile, quant à lui, tenait encore quelques flottes ailleurs. Elles sont peut-être venues chercher leur capitaine... à moins que ses membres n'aient trop peur de leur chef et aient pris la fuite.

Enfin, les portes cèdent sur des visages familiers. L'équipée hurle de joie alors que le Crocodile se fend à nouveau d'un grand sourire victorieux. « Tu ne voudrais pas qu’on te mâche le travail, pas vrai ? Imagine ta promotion si tu venais à dire que tu as eu le grand Crocodillo. » Le regard que lui renvoie le pirate, le Crocodile le savoure. La peur, il s'en nourrit sans peine. C'est un carburant très efficace. « Il n'y a pas de promotion que je convoite, parce qu'il n'y a rien après moi. Je suis au dessus des lois et la Marine le comprendra très bientôt. » D'un mordant "avance", le corsaire pousse son prisonnier en avant. Sur un roc qui surplombe l'entrée de la prison, le corsaire contemple la foule d'hommes et de femmes qui se tiennent devant lui. Ils sont été rejoints par les prisonniers libérés. Tous ont vu celui qui se tient aux côtés de leur capitaine et tous hurlent maintenant pour le voir mort. « Vous ne toucherez pas un seul de ses cheveux. Je veux que vous le traitiez comme un égal des vôtres. Comme l'un de vos frères. » Les hurlements cessent aussitôt. Tous observent leur capitaine, un air un peu dubitatif sur le visage. « Je me chargerai personnellement de le garder en vie. Et il nous aidera à trouver la boussole qu'il nous a fait perdre. Pour tous nos camarades morts et pour tous les siens qui ont péri avec eux. » Les visages des membres de l'équipage ne sont pas tous accueillants. Ils devront se plier aux ordres de leur chef, pourtant. Mais jusqu'à quand ?