| (yassan) storm in your heart |
| | (#)Sam 10 Juil 2021, 20:49 | |
| yasmine & hassan storm in your heartListen, listen, to the message of hope in the whispers of ghosts listen, listen. Listen for the children will grow on the seeds that we sow, brothers and sisters listen, listen, i swear we'll never find a way to where we're going, all alone. ☆☆☆ Il avait pourtant l’habitude, Hassan. Occuper la moindre seconde de temps libre et se cacher derrière une montagne d’obligations, d’engagements et de projets pour ne jamais avoir à risquer de se retrouver (trop) longtemps seul avec ses pensées. Même prendre sa douche chaque matin ne se faisait plus sans la compagnie de la radio ou d’un podcast pioché au hasard afin de s’éviter le silence, et à force de temps ce qui n’était d’abord qu’une stratégie d’évitement était finalement devenu la norme de l’enseignant. Mais plus depuis dix jours. Depuis dix jours il se surprenait, entre deux tâches effectuées pour la plupart de façon totalement automatique, à fixer le vide et écouter le silence sans pouvoir s’en empêcher – parfois sans même s’en rendre compte. Amjad allait mieux – mieux que lorsque les médecins n’avaient pas de certitude à fournir quant à sa survie, du moins – et autour de lui un roulement attentif et quasi-continu s’opérait de la part de ses proches afin qu’il ne soit (presque) jamais seul … Mais Hassan avait beau faire, il ne parvenait pas à se sortir de la tête l’image du patriarche Khadji allongé dans son lit d’hôpital la première fois qu’il avait passé la porte de sa chambre. Il vieillissait bien sûr, comme chacun d’eux, mais c’était la première fois que l’homme lui avait véritablement semblé âgé ; Et sans que le brun ne parvienne véritablement à mettre des mots dessus, cette soudaine réalisation n’avait cessé de le tarauder depuis. « Et m- … » S’écrasant sur le carrelage de la cuisine les deux derniers œufs de la boîte avaient fait les frais de son inattention, et enjambant les sacs de courses à moitié défaits le brun avait attrapé l’éponge sur le bord de l’évier pour nettoyer sa bêtise. Lorsqu’il avait croisé Fatima ce matin-là – il était passé voir Amjad avant son premier cours de la matinée, elle avait été déposée par Yasmine (ou était-ce Sohan ? Il ne savait plus) peu de temps avant qu’il ne reparte – il lui avait proposé de lui faire quelque courses en sortant de l’université, et le simple fait de ne pas avoir eu à insister plusieurs fois ni à assurer que cela ne le dérangeait pas était une énième preuve que la marocaine était particulièrement chamboulée par la situation. Les légumes étaient dans le bac à légumes, les fruits dans la corbeille à fruits, le frigo ressemblait à nouveau à quelque chose et si Fatima n’avait pas expressément fait savoir son besoin de cuisiner pour s’occuper l’esprit lorsqu’elle était chez elle – sans son époux – sans doute l’aurait-il fait à sa place car c’était un point qu’Hassan et elle avaient en commun : rien ou presque ne les détendait plus que de passer des heures derrière les fourneaux. À la maison Qasim attendait son retour pour le laisser prendre le relai avec Reda pour l’après-midi, et pouvoir à son tour aller tenir un peu compagnie à Amjad. Capable de travailler partout pourvu qu’il ait son ordinateur et une connexion internet, son aîné avait décidé de monter à Brisbane quelques jours et embarqué avec lui son petit dernier, le seul qui n’allait pas encore à l’école, pendant qu’Olivia restait à Brisbane pour gérer les deux plus grands. Attrapant une pomme et la passant rapidement sous l’eau, il avait mordu dedans et récupéré ses clefs de voiture sur le plan de travail après avoir vérifié l’heure sur l’horloge accrochée au mur. S’il arrivait à mettre Reda à la sieste une heure ou deux il aurait peut-être le temps de gérer quelques mails, à défaut d’avancer la paperasse qui s’empilait sur son bureau du campus comme il le faisait habituellement le mardi après-midi. « Amme ? » Le bruit d’une clef qu’on tournait dans la serrure de la porte d’entrée l’avait à nouveau sorti de ses pensées, et quittant la cuisine en s’attendant à tomber sur la matriarche il s’était retrouvé nez-à-nez avec Yasmine. « Oh, c’est toi. » Elle ne semblait pas aussi surprise de le trouver là que l’inverse, et s’il s’était brièvement demandé pour quelle raison il avait aussitôt réalisé que sa voiture était garée devant la maison. « J’étais venu déposer des courses. J’ai proposé à ta mère de passer en faire en sortant du campus. » Forçant un sourire prudent, il avait détaillée la jeune femme du regard un instant. Son teint était moins pâle que lorsqu’il l’avait retrouvée à l’hôpital dix jours plus tôt, mais ses cernes eux étaient plus marqués ; Autant qu’ils l’étaient à l’époque où elle était revenue d’Afrique. Assez pour qu’une ride soucieuse ne se creuse entre les yeux de l’enseignant, mais pas suffisamment pour qu’il n’envisage de faire une remarque à ce sujet – elle avait toutes les raisons du monde d’avoir le sommeil agité. « Tu as mangé ? Tu veux que je prépare quelque chose ? » La cuisine, à nouveau, sa meilleure parade, comme pour tenter d’endiguer le pincement supplémentaire au plexus chaque fois que Yasmine et lui se retrouvaient seuls tous les deux, et auquel il ne s’était toujours pas habitué.
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| | | | (#)Mer 21 Juil 2021, 12:47 | |
| ≈ ≈ ≈ {storm in your heart} crédits gif & code fiche/ (wifeymakesgifs & malibu) ✰ w/ @Hassan Jaafari En s’engageant dans la quartier au volant de sa vieille Jeep, Yasmine constata que Logan City avait retrouvé sa tranquillité. Les mains fermement cramponnées à son volant, les lèvres mordues par mauvaise manie, elle comprit que cette quiétude à laquelle elle était habituée, élevée dans ce quartier qu’elle aimait justement pour sa sérénité, l’aidait à envisager la proposition qu’elle avait faite à sa mère un peu plus paisiblement. Derrière le vert clair de ses yeux, le souvenir de gyrophares bleu électrique passait bien trop souvent, le son qui s’en était échappé accompagnant désagréablement ses nombreuses errances pensives. Yasmine était fatiguée — non, elle était épuisée —, plus qu’à l’accoutumée, et son anxiété, même si elle s’efforçait de la canaliser en s’en remettant à la présence d’Edgerton et à son train-train bousculé par ses visites quotidiennes à l’hôpital, avait atteint un point où elle ne la sentait plus tant elle était constamment là, à former quelque chose de trop consistant pour elle au creux de son estomac noué en permanence. Les temps étaient étranges, la tension était palpable, et son besoin de se reposer frôlait le pathologique… mais bien souvent, le temps lui manquait, alors elle prenait sur elle. Ça avait été difficile pour tout le monde, elle ne se plaignait pas plus que ses proches, d’autant qu’elle savait par où Amjad était passé et qu’elle était reconnaissante envers la bonne étoile qui semblait veiller sur lui et sa destinée. La prière avait été une échappatoire heureuse pour la jeune femme, sa mère ne pouvait que s’en réjouir, elle aussi. Bien qu’il avait encore des mois de rééducation devant lui, les médecins se montraient optimistes, et le cocon que sa famille avait su créer en lui rendant régulièrement visite lui permettait une guérison sous de bonnes auspices. Son père n’avait plus grand-chose à craindre, si ce n’était de devenir fou à cause de l’enfermement. Il n’était pas le seul à se plaindre en grognant de son alitement prudent. Fatima ne le disait pas de cette façon, seulement la présence de son époux à la maison lui manquait, et plusieurs fois elle avait émis la possibilité de passer quelques nuits avec lui dans l’aile qui l’accueillerait encore quelques temps. Le personnel était d’accord sur le fond, mais sur la forme, elle n’était plus toute jeune elle non plus, et la literie de l’hôpital n’était pas tout confort pour les visiteurs. De fait la décision n’avait pas eu besoin d’être voté à l’unanimité par ceux qui formaient le clan Khadji, Yasmine avait fait savoir à sa mère qu’elle viendrait s’installer quelques temps à la maison. Son ancienne chambre l’attendait, tout comme les traces indélébiles de la jeunesse qu’elle y avait passée entre ses deux parents, son frère et les frères Jaafari. Il y aurait du monde qui passerait, c’était une certitude. Entre Edgerton, Molly et Sloan qui s’étaient greffés au ballet des visites au patriarche, il y avait fort à parier que l’état de solitude dans lequel Fatima se sentait se tasserait — sans pour autant disparaître puisque Yasmine le comprenait mieux que personne ça aussi, ce n’était pas de la présence des autres dont elle avait besoin dans le fond, mais de celle de l’homme avec qui elle avait construit sa vie au point d’être perdue lorsqu’il n’était pas à ses côtés.
Elle avait quitté l’Hibiscus plus tôt pour repasser chez elle et rassembler ce dont elle avait besoin pour passer le temps nécessaire à la maison familiale, puis elle s’était hâtée de reprendre la route dans la foulée. Sasha resterait avec Molly, elle lui faisait confiance pour prendre soin de lui, comme du reste de l’appartement qui souffrait des passages express de sa propriétaire ces derniers temps. Le désordre y était relatif, Yasmine se soignait souvent par l’exécution compulsive de taches ménagères, mais les plantes paraissaient manquer de soins, et elle se promit de demander à Edge d’y jeter un oeil expert quand il viendrait dîner ce soir-là chez ses parents. Il fallait qu’elle voit avec lui pour s’occuper un peu du potager de son père d’ailleurs, elle avait entendu une discussion à ce sujet entre lui et Fatima, mais ils n’étaient pas revenus dessus, pressés par beaucoup plus urgent et surtout par le temps qui paraissait leur filer entre les doigts ces derniers temps. Elle se força à prendre une profonde inspiration quand, arrivant à l’angle de la rue où se trouvait la maison de ses parents, elle refoula une vague d’elle ne savait trop quoi. La voiture d’Hassan était parquée près de la boîte aux lettres, et si elle n’était pas plus étonnée que ça au demeurant, elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Il lui semblait que c’était Sohan qui s’était chargé d’accompagner Fatima à l’hôpital ce matin, mais elle n’était pas à l’abri de se tromper sur la tenue du planning serré qu’ils s’étaient donnés pour y voir plus clair. Le visage fermé, elle faufila son véhicule dans l’allée du garage, coupa le moteur sans se faire prier et empoigna son sac de voyage. Les deux mains pleines, l’une par son sac et l’autre par ses clefs et son téléphone portable, elle sortit d’un bond mesuré de l’habitacle, s’avança à bon rythme vers la porte d’entrée, faisant crisser le gravier sous ses pieds, et poussa la porte avec le geste de l’habitude pour mieux se diriger droit vers la cuisine où elle trouva Hassan. Elle posa son sac de voyage, ses clefs et son portable sur la table "Merci, j’allais m’en charger tout à l’heure." Elle avait l’impression d’avoir beaucoup trop de choses à faire, si bien qu’un léger soupir s’échappa de ses lèvres "Je vais passer quelques temps à la maison, j’aime pas la savoir seule, surtout la nuit." lui fit-elle savoir, se défaisant de sa veste en jean qu’elle posa, elle, sur une chaise. Elle secoua la masse de ses longs cheveux bouclés qui s’étalèrent sur ses épaules et enfin, elle s’approcha du jeune homme pour l’embrasser sur la joue gauche. Yasmine agita aussitôt la tête à l’entente de sa proposition tandis qu’elle appuyait ses reins contre le bord de l’évier "J’ai pas très faim, je prendrais juste un thé si tu te proposes pour me le préparer." Elle se sentait un peu barbouillée. Elle ne précisa pas sa pensée, posant son regard sur l’ensemble de la cuisine et tenta un sourire qui creusa une fossette au coin de sa bouche quand elle se laissa envelopper par le silence feutré "C’est tellement calme ici, c’est presque étrange de ne pas l’attendre bricoler de l’autre côté de la cloison." murmura-t-elle après quelques secondes, puis elle jeta un regard par-dessus son épaule pour le perdre un instant vers la petite fenêtre de la cuisine, à l’extérieur, là où elle savait que l’atelier de son père était installé.
Dernière édition par Yasmine Khadji le Ven 03 Sep 2021, 09:47, édité 3 fois |
| | | | (#)Ven 13 Aoû 2021, 20:55 | |
| Il n’y avait aucun autre endroit au monde qui donnait autant à Hassan l’impression de ne pas être tout à fait un adulte que la maison des Khadji. Forte de la patte qu’y avaient laissés les précédents propriétaires durant les deux décennies où ils l’avaient habitée, la maison d’Hassan possédait bien un charme familier que le brun apprivoisait tout en y apportant sa propre touche au gré de ses sessions de bricolage, mais c’était véritablement chez les Khadji que l’enseignant sentait son cœur et son esprit divaguer plus près de l’adolescent qu’il était autrefois. Il en avait passé plus qu’il ne pouvait les compter, des après-midi assis sur le rebord du lit de Sohan à jouer à la console avec lui, de même que des dimanches attablé dans la salle à manger pour faire honneur aux festins que Fatima ne se lassait pas de préparer. Il s’y était senti à l’abri dans le tumulte des jours ayant suivi la mort de ses parents, et y avait trouvé un peu de baume au cœur lorsqu’aux prémices de sa rémission l’appartement vide de la présence de son frère lui avait semblé trop difficile à affronter, lui qui passant de Qasim à Joanne n’avait auparavant jamais vécu seul. Il y avait toujours eu de la vie dans cette maison, dans les bons comme dans les mauvais moments, et peut-être était-ce la raison pour laquelle le silence qui y régnait ce midi-là semblait aussi lourd … C’était contraire à l’ordre des choses, et pour la première fois depuis longtemps (toujours) Hassan n’avait aucune envie de s’y attarder. Ses clefs dans une main, une pomme dans la seconde, il aurait probablement déjà eu un pied dehors si le cliquetis de la serrure ne l’avait pas interrompu et si, quelques instants plus tard, la fille qu’il avait à tort prise pour la mère n’avait pas fait irruption dans la cuisine. À ses pieds, Yasmine avait abandonné un sac de voyage et s’était délestée la seconde suivante de ses clefs, de son téléphone, et d’un soupir lui ayant échappé lorsqu’Hassan avait instinctivement justifié de sa propre présence dans la maison familiale. « Merci, j’allais m’en charger tout à l’heure. » L’expression perdant aussitôt en assurance, l’enseignant s’était fendu d’un « Oh. » confus. « Désolé, ta mère ne me l’avait pas dit. » Elle avait oublié, sans doute, l’esprit partout et nulle part à la fois, inquiet sans interruption sans doute aussi longtemps que sa moitié n’aurait pas retrouvé la chaleur du foyer. « Je vais passer quelques temps à la maison, j’aime pas la savoir seule, surtout la nuit. » avait d’ailleurs aussitôt rebondi la jeune femme au sujet de sa mère, et hochant doucement la tête Hassan avait accueilli l’information avec un sourire timide. « Tu as raison, et ça lui fera plaisir. » Elle ne le dirait peut-être pas, assurerait probablement que ce n’était pas nécessaire pour le principe, mais de la même façon qu’il n’avait pas eu à insister beaucoup pour s’occuper des courses Yasmine n’aurait pas à le faire beaucoup pour retrouver sa place dans la maison qu’elle n’avait en réalité pas quittée depuis si longtemps. Sa veste déposée sur un dossier de chaise et la cascade de ses cheveux libérée de leur élastique, elle avait parcouru l’espace qui les séparait pour gratifier Hassan d’un baiser et secoué la tête tandis qu’il proposait de lui préparer un encas après lui avoir furtivement rendu, ses lèvres effleurant à peine sa tempe. « J’ai pas très faim, je prendrais juste un thé si tu te proposes pour me le préparer. » Thé ce serait, donc. Trop heureux d’avoir une occasion d’occuper ses mains pour se faire prier, il allait de la bouilloire à l’évier, de l’évier à la gazinière et marquait un stop dans le placard à thé avec habitude, optant pour un thé vert plus adapté au besoin que Yasmine et lui – et pas que – partageaient de calmer l’angoisse plutôt que de chercher l’énergie. Dans sa vision périphérique l’infirmière était allée s’adosser au rebord de l’évier, près de la fenêtre, et tandis qu’il sortait deux tasses d’un autre placard et les déposait sur la table de la cuisine elle avait repris la parole d’un air pensif, l’attention allant se perdre du côté de la fenêtre derrière elle, où l’arbre du jardin exhibait ses branches hivernales dénuées de feuilles. « C’est tellement calme ici, c’est presque étrange de ne pas l’entendre bricoler de l’autre côté de la cloison. » Troublé par le retour d’une pensée qui l’avait justement traversé peu avant l’arrivée de Yasmine, le brun avait instinctivement tourné la tête dans la même direction et esquissé un sourire songeur « Et gare à celui qui oserait mettre les pieds dans sa caverne sans y avoir été invité. » Plus jeune cela l’amusait, cela lui rappelait un peu son père à lui, et il ne comprenait pas trop pourquoi un tel entêtement … Et puis il avait eu son propre garage, son propre établi et ses propres outils, et il avait compris. « Mais raison de plus pour tenir compagnie à ta mère. Qu’elle ait autre chose pour lui tenir compagnie que le silence, le soir. » Il aurait bien pu lui peser atrocement qu’elle n’aurait probablement osé réclamer à sa fille ou à qui que ce soit d’autre d’y remédier, alors l’initiative la soulagerait probablement. « Tu es passée à l’hôpital aujourd’hui ? » L’eau prenait son temps pour bouillir, et le temps qu’elle le fasse l’enseignant avait tiré l’une des chaises pour s’y asseoir, faisant désormais face à Yasmine.
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| | | | (#)Ven 03 Sep 2021, 10:39 | |
| ≈ ≈ ≈ {storm in your heart} crédits gif & code fiche/ (wifeymakesgifs & malibu) ✰ w/ @Hassan Jaafari Il n’y avait aucun mal à ce qu’Hassan se soit chargé du plein de courses de la semaine, bien au contraire. Yasmine le lui fit savoir par un signe de la tête avenant et par un baiser sur la joue. Ce n’était pas étonnant, à ses yeux, qu’il agisse avant qu’elle ne puisse le faire. Ils avaient partagé trop de choses pour ne pas cultiver les mêmes habitudes et les mêmes intentions envers leurs aînés qu’ils choyaient comme ils le pouvaient, n’étant pas les derniers à prendre soin d’eux et à rester à leurs côtés. Un cerveau pour plusieurs, c’était en l’expliquant de cette façon que, dans sa jeunesse, elle s’amusait des fois où Qasim, Hassan, Sohan et elle-même prenaient le coche avant que les autres ne puissent le faire. Avec les années et la distance, sans doute que tout ça s’était un peu estompé, mais ils avaient trop souvent été au contact les uns des autres pour avoir totalement perdue, cette connexion spéciale qu’il y avait entre eux et qu’aucun ne pouvait renier, même pas pour plaisanter. La preuve en était, et c’était réconfortant pour elle, plus qu’elle ne l’aurait imaginé, de pouvoir s’en remettre à quelqu’un qui n’avait pas besoin qu’elle s’épanche verbalement pour comprendre ce qu’il fallait faire, comment il fallait agir. Hassan, comme les deux autres, avait ce don particulier qui, dans les moments les plus compliqués, s’avérait être aussi utile qu’apaisant. C’était probablement ce qu’il lui fallait, un peu de paix. Et l’environnement s’y prêtait à ce moment-là. Le silence était épais entre les murs de la maison familiale. Quelqu’un d’autre aurait profité du moment pour faire le point et se reposer seulement, c’était tellement inhabituel, de ne pas avoir de fond sonore, que le coeur de Yasmine se serra, et qu’elle se mit à penser davantage à son père. Son regard se perdit du côté opposé à celui où elle s’était appuyée, et ses bras se croisèrent pour empêcher son coeur de s’échapper de sa poitrine qui se souleva légèrement quand Hassan répondit à ses paroles et qu’un petit rire fila de ses lèvres avant qu’elle ne s’enfonce un peu plus dans ses souvenirs, la tête penchée sur le côté, les yeux faisant le point sur ce qui lui trottait dans la tête. Elle n’avait jamais fait partie de la liste des persona non grata dans l’atelier de son père ; elle adorait s’y faufiler, adorant y dénicher des trésors qui n’en étaient pas vraiment, et respirant à pleins poumons l’odeur particulière qui y régnait, entre poussière et copeaux de bois, et qu’elle accolait à l’image qu’elle s’était faite de son père au fil des années — c’était son odeur, celle dans laquelle elle aimait plonger son nez quand elle se pelotonnait à ses côtés pour le câliner. Elle savait que sa curiosité pour tout l’avait toujours beaucoup amusé, son père, et qu’il aimait l’alimenter pour qu’elle lui pose les bonnes questions. C’était Amjad qui avait rendu sa fille aussi logique qu’elle l’était aujourd’hui, à toujours mettre le doigt sur ce qui ne lui semblait pas normal pour le solutionner. Ça pouvait lui prendre des heures, ça pouvait lui donner envie de pleurer tant parfois elle ne parvenait pas mettre le doigt sur l’issue d’un problème de géométrie à résoudre pour permettre à son père de prendre les bonnes mesures et réussir à réparer l’armoire, la commode, ou l’étagère qu’il avait chiné à la brocante du coin… mais il l’encourageait avec un élan qu’elle n’avait jamais retrouvé chez n’importe qui depuis et qui lui manquait atrocement aujourd’hui.
Elle fût tirée de sa courte rêverie par les mouvements d’Hassan. Clignant des yeux pour se réintroduire dans le moment présent, elle en profita pour se décoller de son coin de meuble pour le rejoindre au centre de la pièce. Le thé serait bientôt près, un gage supplémentaire de réconfort pour eux "Je crois que j’ai toujours été la seule à avoir droit à ce privilège. J’ai vu des choses dont je n’ai toujours pas le droit de parler aujourd’hui tu sais, j’ai promis…" plaisanta-t-elle en s’installant en face de lui, plissant un oeil pour parfaire le côté mystérieux des choses alors qu’elle savait très bien qu’ils avaient, tous, au moins une fois réussi à s’infiltrer dans l’atelier de son père pour vérifier que tout ce qu’elle disait à propos du caractère magique de l’endroit était vrai ; c’est qu’elle savait bien raconter les histoires Yasmine, et qu’elle était douée pour faire croire n’importe quoi à ceux qui se laissaient charmer par son accent et sa voix. Elle posa ses coudes sur le bord de la table, et tira sur les manches de son sweat pour y dissimuler ses bagues pour mieux soutenir sa tête, un peu trop lourde de fatigue et d’autres choses encore, dans le creux de ses mains "C’est une bonne occasion pour se retrouver un peu. Même si les circonstances ne sont pas idéales, je sais qu’elle m’en veut toujours un peu d’avoir quittée la maison à nouveau." Elle opina du chef pour appuyer ses paroles, non sans très vite passer l’éponger sur cette impression qu’elle avait pour s’attarder sur la question qu’Hassan lui posa "Pas encore. C’était le tour de maman et Sohan ce matin… mais je comptais y passer ce soir en rentrant du travail. On peut y aller tous les deux si tu veux ?" lui demanda-t-elle en cherchant son regard avec détermination, et en finissant par lui demander avec douceur "Comment tu gères tout ça, toi ?" Les passages réguliers à l’hôpital, le parfum aseptisé des locaux et le chant désagréables des appareils… Yasmine n’était pas sans s’imaginer que ça devait réveiller de mauvais souvenirs chez lui et elle voulait s’assurer qu’il soit en capacité de le gérer sans se sentir honteux de lui en parler si ce n’était pas le cas. |
| | | | (#)Ven 24 Sep 2021, 20:54 | |
| D’avoir déjà perdu tant de repères au fil de ces dernières années, Hassan avait sans même en avoir conscience tendance à s’accrocher bec et ongles à ceux qui lui restaient, et à encaisser avec difficultés chaque accroc qui y était fait. Il n’était pas aussi aventureux qu’il l’aurait voulu – il était attaché à son quotidien, à ses habitudes, aux choses et aux gens qui en faisaient partie, et chaque illusion perdue prenait dès lors des allures de drame. Et comme à chaque fois qu’il sentait les choses lui échapper, le brun optait pour la même stratégie : celle de l’autruche. Il occupait chaque seconde de son temps libre du moment où il quittait son lit le matin au moment où il le retrouvait le soir, ne se laissait ni le temps de se poser ni celui de cogiter, et tentait de compenser son impuissance par le fait de se rendre utile. Au chevet d’Amjad où se succédait tant de monde Qasim et lui rasaient les murs, partagés entre l’envie (le besoin) d’être là et l’impression d’être parfois de trop, s’y faufilant lorsque personne d’autre ne revendiquait la place et tâchant le reste du temps de se rendre utile. En servant de chauffeur à Fatima, en proposant de passer un coup de tondeuse dans le jardin, en passant faire des courses pour remplir le frigo. En faisant du thé. Pour réconforter l’autre, pour se réconforter, et dans le cas présent pour emplir un peu mieux son estomac que seules la pomme entamée avant l’arrivée de Yasmine et la première tasse de thé du matin occupaient jusque-là. « Je crois que j’ai toujours été la seule à avoir droit à ce privilège. J’ai vu des choses dont je n’ai toujours pas le droit de parler aujourd’hui tu sais, j’ai promis … » Contre toute attente, la plaisanterie avait arraché au brun un sourire franc et le bref rire qui allait avec. « Zut, moi qui espérait obtenir une exclusivité. » Mais il y avait presque quelque chose de solennel aux moments qu’Amjad leur autorisait à passer dans son royaume en sa compagnie. Et parmi les souvenirs d’Hassan, les quelques après-midis passés à observer en silence les faits et gestes de l’homme durant l’été qui avait suivi la mort de ses parents avaient une valeur particulière – Amjad ne se perdait pas en mots vains, n’attendait pas de lui qu’il partage sa pensée, et acceptait de l’adolescent qu’il était alors qu’il ne soit qu’une compagnie silencieuse. « C’est une bonne occasion pour se retrouver un peu. » avait ensuite rebondi Yasmine, la discussion dérivant d’un parent à l’autre. « Même si les circonstances ne sont pas idéales, je sais qu’elle m’en veut toujours un peu d’avoir quitté la maison à nouveau. » S’installant à son tour à table, elle soutenait son menton du creux de sa main d’un air pensif. « Tu penses ? » Il imaginait sans peine la mère de famille s’être réjoui d’héberger à nouveau sa cadette, mais elle devait bien se douter dès le départ que la chose était temporaire. « Ma théorie c’est qu’elle ne sait pas cuisiner pour deux personnes. Trois c’était déjà un challenge. » Sourire taquin à l’appui, il avait penché la tête sur le côté tout en faisant tourner entre ses doigts le reste de pomme qu’il n’avait pas encore mangé « Plus sérieusement. Je suis sûr que comme toutes les mamans elle rêverait de garder ses bébés avec elle pour toujours … Mais je ne pense pas qu’elle t’en veuille réellement. » Ou pas de façon sérieuse. Pas sans elle-même savoir que cela n’avait pas vraiment de sens. Engloutissant le dernier quart de sa pomme, il s’était levé à nouveau pour aller jeter le trognon à la poubelle et avait machinalement vérifier où en était la bouilloire, questionnant au passage Yasmine sur l’endroit d’où elle venait – l’hôpital ou non, en réalité. « Pas encore. C’était le tour de maman et Sohan ce matin… mais je comptais y passer ce soir en rentrant du travail. On peut y aller tous les deux si tu veux ? » Dosant le thé dans la théière avec habitude, il avait secoué la tête et attendu de pouvoir à nouveau faire face à la jeune femme pour expliquer « Je garde Reda cet après-midi pour que Qasim puisse y faire un saut, je ne sais pas s’il sera rentré avant que tu sortes du boulot … Et puis je ne vais pas priver ton père de l’occasion d’avoir sa fille pour lui tout seul. » Il n’avait pas envie de s’imposer, en sous-texte, la petite mine que portait son amie laissant par ailleurs à penser que toutes les occasions mises à sa portée de profiter de son père pour se rassurer devaient être saisies. D’autant que fidèle à sa vocation d’infirmière, la brune ne perdait jamais une occasion de s’inquiéter pour autrui : « Comment tu gères tout ça, toi ? » Lui ? Sentant bien qu’elle donnait plusieurs sens à sa question, il avait dodeliné la tête en semblant chercher la meilleure réponse « Ça va. Compte tenu des circonstances, je veux dire. » Il était inquiet, mais comme eux tous, il ne dormait pas très bien, mais n’était assurément pas le seul … Il se sentait un peu spectateur d’une situation qu’il ne maîtrisait pas, mais avait suffisamment de choses en tête pour s’occuper et ne pas trop y penser. « C’est la deuxième rentrée que je passe à arpenter les couloirs d’un hôpital, alors j’espère juste que ça ne va pas devenir une habitude. » avait-il finalement ajouté en détournant le regard, soucieux de se porter malheur à le verbaliser ainsi. Rhett l’année précédente, Amjad cette année … Il n’avait jamais autant souhaité faire mentir l’adage du “jamais deux sans trois”. De se retrouver dans la position de celui qui restait au chevet du malade lui faisait en tout cas prendre conscience de l’énergie perdue et de l’inquiétude générée lorsque l’on était soi-même coincé dans un lit d’hôpital, réveillant au passage sa culpabilité à l’idée d’avoir fait endurer cela durant des semaines à son entourage lorsqu’il était malade. « Comment ça se passe, entre Sohan et ta mère ? » avait-il finalement questionné, pour changer de conversation et parce que cette question-là, en vérité, il n’osait pas la poser au principal intéressé de peur de le brusquer.
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| | | | (#)Dim 10 Oct 2021, 12:34 | |
| ≈ ≈ ≈ {storm in your heart} crédits gif & code fiche/ (wifeymakesgifs & malibu) ✰ w/ @Hassan Jaafari La théorie d’Hassan n’en était pas vraiment une, c’était une réalité qui fit sourire l’infirmière. Amjad était à l’hôpital depuis quelques jours seulement et déjà, Fatima gratifiait le personnel de l’hôpital de ses recettes favorites, les leur apportant avec un air bienveillant, qui devenait un peu sévère, quand elle les sommait d’en profiter pour prendre quelques kilos. C’était l’anti-dépresseur de maman Khadji, de passer derrière les fourneaux avec la perspective de remplir l’estomac des autres. Ça reflétait sa capacité exceptionnelle à prendre soin de chaque personne qu’elle rencontrait, elle qui était d’une générosité qu’elle avait su inculquer à sa tribu en leur rappelant que c’était naturel de s’occuper de ceux qu’on aimait. Elle n’était pas bien difficile cependant, elle s’occupait de tous ceux qui lui donnaient l’impression d’en avoir besoin, et alors elle devenait une coqueluche, la maman que chacun aurait aimé avoir tant elle était miséricordieuse dans sa manière de prendre soin des autres. Dans ces moments-là, ça permettait à Yasmine d’oublier les travers moins faciles à supporter de sa personnalité, et l’amour qu’elle lui portait décuplait. Elle aimait sa mère. Elle admirait sa mère. Même si elle n’était pas parfaite.
"Je pense pas non plus. Elle me pense juste suffisamment influençable pour croire le contraire, et bousculer mes projets pour revenir dans son cocon. Elle est maline." s’amusa-t-elle dans un plissement de paupières. Tout le monde savait à quel point Fatima pouvait se montrer dramatique lorsqu’elle tenait à avoir gain de cause. Mais effectivement, Yasmine ne croyait pas sincèrement aux petits reproches qu’elle lui faisait à propos de sa décision de partir de la maison. Elle était une vraie maman, elle s’inquiétait pour sa fille et ce n’était que normal. Encore qu’il y avait des moments où Yasmine jugeait qu’elle exagérait dans sa façon de supporter les choix qu’elle faisait… il fallait reconnaître qu’elle avait tout de même fait de gros progrès pour les accepter. Ainsi, elle s’étonnait de l’entendre demander souvent après Edge, et apprécier le temps qu’il passait au chevet d’Amjad. Si elle devait trouver une issue positive aux soucis de santé de son père, c’était celle-ci. Quelque part, la présence de son partenaire à ses côtés dans cette épreuve en particulier avait terminé de convaincre Fatima que, malgré le mauvais jugement dont elle avait jugé bon l’allouer quand ils s’étaient rencontrés la toute première fois, il faisait du bien à sa fille. Elle prit sa tasse brûlante entre ses mains "Ce sera pour une prochaine fois. Ça fait des lustres que je suis pas montée sur ta moto, ça aurait été l’occasion. Mais je comprends." répondit-elle à Hassan quand il rejeta sa proposition de l’accompagner voir son père ce soir-là. Elle avait arrêté de se sentir profondément blessée par la manière dont leur relation avait évoluée. Mais sur le coup, elle songea a un passé pas si lointain où ça n’aurait pas existé, ce genre d’excuses qu’il venait de lui donner. Elle préféra vite se défaire de cette pensée, portant son thé à ses lèvres pour souffler doucement dessus, et en but une gorgée chaude et réconfortante. Un réconfort qu’elle accueillit avec un léger soupir tandis qu’elle s’inquiétait de la manière dont Hassan gérait ses allers et venues à l’hôpital. A dire vrai, il n’était pas étranger aux couloirs de l’établissement, en bon bénévole qu’il était, mais c’était toujours compliqué d’être confronté à l’image d’un proche allongé sur un lit d’hôpital. Elle en savait quelque chose, et elle ne voulait pas qu’il se sente mal à propos de tout ça ; elle lui offrait une occasion de se confier à ce sujet-là "Comment va Rhett d’ailleurs ?" lui demanda-t-elle en comprenant où il voulait en venir. Le regard qu’elle posa sur son visage se fit scrutateur pour déceler la moindre variation de son expression. La sienne, elle se fronça un peu à la question qu’il lui posa "Ça se passe bien, mais c’est étrange." admit-elle en s’inclinant en arrière, faisant quitter son menton de la paume de sa main, et la posant sur son abdomen dissimulé sous un t-shirt beaucoup trop large pour elle — et qu’Edge chercherait sans doute des heures avant de se rendre compte qu’elle l’avait sur le dos "C’est tout ce que j’ai toujours redouté, qu’on soit tous réunis à cause de quelque chose qui serait arrivé à l’un d’entre nous." Elle marqua un temps en fronçant les sourcils avant de reprendre, se recentrant sur la question du jeune homme "J’ai l’impression qu’ils ne peuvent pas faire autrement que faire amende honorable dans ces circonstances, tu comprends ce que je veux dire ? Je sais pas s’ils auront une vraie discussion à propos des dernières années, ou s’ils laisseront la convalescence de papa balayer tout ce qu’il s’est passé pendant ce temps-là." Elle pencha la tête, affrontant le regard d’Hassan en même temps alors que les volutes de son thé parfumé lui chatouillait les narines "Je suis heureuse de les voir se parler, ça fait du bien. Maman a l’air soulagé que Sohan passe régulièrement, et elle est toujours pressée qu’il passe la prendre pour qu’ils aillent voir papa tous les deux. C’est devenu leur moment à eux." Elle laissa un sourire filer quand, s’accoudant de nouveau à la table, et reprenant sa tasse de thé dans sa main, elle ajouta avec hésitation "Mais j’aurais aimé que leurs retrouvailles soient moins… j’ai pas envie de dire forcées…" Pourtant, c’était le meilleur terme à employer. |
| | | | (#)Sam 23 Oct 2021, 07:58 | |
| L'odeur de thé mélangée à celle familière de la cuisine avait enveloppé Hassan dans un sentiment de réconfort particulièrement bienvenu, et dès lors que la boisson avait été servie les doigts de ses deux mains s'étaient refermés autour de sa tasse comme autour d'un objet précieux. Il se forçait à garder une posture prudente et raisonnable, même lorsque Qasim et lui se retrouvaient en tête-à-tête le soir, mais en vérité il aurait il aurait bien eu besoin de quelqu'un pour lui promettre « ça va aller » avec suffisamment de persuasion pour qu'il se laisse convaincre, même quelques instants. Dans des moments comme celui-ci il regrettait l'optimisme dont il avait tellement débordé à une époque – peut-être trop, peut-être au point d'avoir épuisé son stock. Et si la proposition de Yasmine lui faisait envie il n'avait malgré tout pas osé l'accepter, persuadé qu'elle devait nourrir la volonté de se retrouver un peu en tête-à-tête avec son père et ne souhaitant pas non plus revenir sur la promesse faite à Qasim de garder Reda aussi longtemps qu'il le voudrait. Il avait douté lorsqu'elle avait répondu par un « Ce sera pour une prochaine fois. Ça fait des lustres que je suis pas montée sur ta moto, ça aurait été l’occasion. Mais je comprends. » cependant, et avec un brin de tristesse il s'était entendu murmurer « C'est vrai que ça fait longtemps. » Une chose parmi tant d'autres qu'Hassan avait cessé de proposer, usé par la perpétuelle impression de devoir peser chaque mot et chaque geste en présence de la jeune femme, et encore un peu heurté de la volonté qu'elle avait mise lors de leur dernier séjour à Sydney à montrer qu'elle aurait préféré être ailleurs. L'optimisme s'était estompé mais l'amertume s'était affirmée, elle. Fallait-il donc voir une main tendue ou simplement de la politesse dans la proposition de l'infirmière, cette fois-ci ? Les lèvres se pinçant avec hésitation tandis qu'une gorgée de thé un peu trop chaude lui glissait dans la gorge, il s'était risqué à proposer « Je peux t'envoyer un message quand Qasim rentre, tu me diras si tu es encore dans les parages ou si c'est trop tard ? » en lui laissant ainsi une porte de sortie, le cas échéant. La tête se penchant sur le côté, il avait néanmoins ajouté d'un ton plus assuré « Mais je n'ai pas envie de demander à Qasim de surveiller sa montre. Il n’a pas pu le voir hier. » Et si son frère tentait de conserver le masque de la tranquillité sitôt que Reda était dans son champ de vision, Hassan ne l'avait pas vu aussi soucieux depuis longtemps. Si le bénévolat lui avait permis de faire la paix avec l’hôpital, le poussant à l’associer à d’autres souvenirs et d’autres habitudes qui ne soient pas directement liées à la période où il en était patient, cela ne rendait en rien plus simple le fait d’en arpenter les couloirs en nourrissant l’inquiétude pour un proche. Il y avait eu Rhett l’année précédente, il y avait Amjad cette année, de quoi y voir le début d’un pattern qu’Hassan priait ne pas voir se reproduire l’année suivante. Lorsque Yasmine avait demandé « Comment va Rhett d’ailleurs ? » pourtant, le brun n’avait pas été en mesure d’apporter une réponse aussi légère qu’il l’aurait souhaité, et avait haussé les épaules en soupirant pour témoigner de son désarroi. « Je ne sais pas trop … Certains jours j’ai l’impression que ça va, et d’autres j’ai l’impression de ne pas savoir ce qu’il a dans la tête. » Souvent il se demandait si Rhett le savait seulement lui-même, d'ailleurs. L'overdose était un accident, il continuait de le jurer – et Joanne et lui continuaient d'en douter, sans oser en parler de peur de le braquer pour de bon. Parfois Hassan se disait qu'il projetait peut-être simplement ses propres démons sur autrui. « C'est frustrant de ne rien pouvoir faire de plus pour l'aider. » Mais on n'aidait pas quelqu'un qui n'avait pas envie de s'aider lui-même – et ça Hassan était bien placé pour le savoir. Semblant d'ailleurs déceler chez Yasmine un regard entendu à ce sujet, il s'était fendu d'un bref soupir et d'un « Je sais … je sais. » tout aussi entendu, avant de plonger à nouveau son nez dans sa tasse de thé d'un air pensif. La décision d'envoyer sa précédente voiture dans le décor avait peut-être mis la lumière sur sa dépression, mais la décision de s'en soigner, elle, n'avait vraiment eu de sens que lorsqu'il l'avait prise pour lui, et non pas uniquement pour faire plaisir à ses proches. La question lui brûlant les lèvres depuis un moment sans jamais qu'il n'ose la poser au principal intéressé, de peur de verser du sel sur des plaies peut-être à nouveau à vif, le brun avait fini par questionner Yasmine sur la façon dont se déroulaient les choses entre son frère et leur mère. « Ça se passe bien, mais c’est étrange. » lui avait alors répondu la jeune femme d'un ton dubitatif. « C’est tout ce que j’ai toujours redouté, qu’on soit tous réunis à cause de quelque chose qui serait arrivé à l’un d’entre nous. » Se fendant d'un sourire désolé, il n'avait pas jugé utile de commenter ce qui était l'évidence mais avait la certitude que tous le redoutaient un peu – les deux principaux concernés y compris. « J’ai l’impression qu’ils ne peuvent pas faire autrement que faire amende honorable dans ces circonstances, tu comprends ce que je veux dire ? Je sais pas s’ils auront une vraie discussion à propos des dernières années, ou s’ils laisseront la convalescence de papa balayer tout ce qu’il s’est passé pendant ce temps-là. » Il voyait où elle voulait en venir, oui, mais se contentant de hocher la tête il avait pris une gorgée de thé et l'avait laissée continuer, sentant qu'un "mais" se cachait au milieu et que la situation dans son ensemble provoquait chez la brune des sentiments ambivalents. « Je suis heureuse de les voir se parler, ça fait du bien. Maman a l’air soulagée que Sohan passe régulièrement, et elle est toujours pressée qu’il passe la prendre pour qu’ils aillent voir papa tous les deux. C’est devenu leur moment à eux. Mais j’aurais aimé que leurs retrouvailles soient moins … j’ai pas envie de dire forcées … » … mais c'était l'idée. Et il ne comptait pas la blâmer pour ça – cela ressemblait à une demi-victoire, à la saveur un peu douce-amère. Quittant finalement le plan de travail contre lequel il s'était à nouveau appuyé, l'enseignant avait repris sa place à table et y avait déposé sa tasse. « Ce n'est pas idéal, c'est vrai, mais c'est déjà quelque chose. » Son regard accrochant celui de Yasmine avec sérieux, il lui avait offert un sourire encourageant. « Peut-être qu'ils auront une vraie discussion une fois qu'ils auront l'esprit moins préoccupé. S'ils sentent qu'ils en ont besoin. » Il y avait probablement des choses qui méritaient d'être dites, d'autres qui méritaient d'être entendues … Mais pour ça aussi, au fond, il fallait peut-être que le déclic viennent d'eux-mêmes. « Y'a encore six mois ta mère aurait à peine toléré la présence d'Edge … Elle a vraiment l'air de vouloir faire des efforts, je suis sûr que ça vaut pour Sohan aussi. » Ou plutôt il l’espérait sincèrement, à défaut d’en être sûr, ayant envie d’y croire autant qu’il voulait croire au rétablissement prochain d’Amjad. S’il fallait choisir un moment pour travailler à nouveau son optimisme, maintenant était peut-être le meilleur.
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| | | | (#)Mer 27 Oct 2021, 16:46 | |
| ≈ ≈ ≈ {storm in your heart} crédits gif & code fiche/ (wifeymakesgifs & malibu) ✰ w/ @Hassan Jaafari Elle avait appris à ne pas insister. De fait, elle hocha simplement la tête quand Hassan sembla revoir son jugement. Dans la foulée, il lui proposa une autre alternative à son désir de passer un peu de temps avec lui et Amjad — un combo qui la ravissait et raviverait quelques souvenirs qu’elle gardait précieusement pour elle, verrouillés dans son cœur qu’elle sentait battre à un rythme régulier dans sa poitrine. Yasmine ne proposait jamais rien par politesse, c’était ce même cœur qui parlait, n’en déplaise à ceux qui la soupçonnait d’être plus mauvaise qu’elle ne l’était vraiment., à alimenter des complots visant à heurter qui se dressait face à elle. Ces trois dernières années, elle avait passé un nombre incalculable de semaines à se dire que c’était dommage d’avoir été aussi proche de quelqu’un toute sa vie pour finalement avoir l’impression de s’adresser à un inconnu chaque fois qu’ils se retrouvaient dans la même pièce. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, c’était une maxime qu’elle se répétait, bonne coupable qu’elle faisait, jusqu’à ce que sa conscience lui soufflait que non, en vérité, elle n’était pas la seule responsable. C’était des automatismes à prendre, un nouveau rythme à envisager… si elle avait été prête à faire des efforts, malgré le besoin qu’elle avait eu de se protéger à un moment donné, étant sortie avec un amour propre gravement écorché d’une conversation qu’elle aurait mieux fait de ne jamais entamer, il y avait quelque chose qui bloquait du côté du jeune homme. Elle le sentait, c’était aussi clair que ça la blessait. Aussi, à part lui proposer de passer du temps avec lui, elle ne savait pas quoi faire de plus, ayant déjà essuyé assez de refus pour comprendre qu’elle avait perdu la place de choix qui avait toujours été la sienne avant qu’elle ne se laisse berner par sa fâcheuse manie de trop ressentir et de s’attacher.
Elle nota l’ironie de la réponse qu’il lui accorda quand elle lui demanda des nouvelles de Rhett. Là encore, tout passa dans le regard, et dans la façon qu’ils avaient de communiquer en silence. Elle lui lança une oeillade appuyée, refusant de lui retourner une rhétorique qui commencerait pas, ah tu vois maintenant, ce qu’on ressent. Elle n’était pas puérile, loin de là. Elle était encore moins à l’aise avec l’idée de parler d’une période de la vie d’Hassan où chacun avait eu peur pour lui ; il allait mieux, à tout point de vue, c’était ce qui comptait, et elle ne pouvait qu’espérer que rien de tragique ne mènerait Rhett à emprunter le même chemin que son meilleur ami. Elle serra sa tasse dans ses deux mains, sentant sa chaleur lui marquer les paumes et lui réchauffer les doigts "Il faut bien l’entourer. Il s’en sortira, j’en suis persuadée." Comme elle avait été persuadé qu’Hassan s’en sortirait, parce qu’il avait toutes les armes pour se battre contre ce qui le tirait vers le bas. Elle n’avait pas eu tort, la preuve en était. Pour autant, elle ne s’en félicitait pas souvent, car la vraie résilience venait du jeune homme avec qui elle partagea son ressenti à propos du retour de Sohan dans la dynamique de leur famille. Elle arqua un sourcil en l’entendant dire ce qu’elle savait déjà. Non, ce n’était pas des circonstances idéales, il fallait pourtant s’en contenter et traiter avec de la meilleure façon qu’ils le pouvaient. Elle avait attendu ça durant des années, elle avait oeuvré pour que tout s’arrange et qu’ils s’entendent sur l’idée que ce conflit là, en particulier, était idiot à bien des niveaux. Alors pourquoi semblait-elle si insatisfaite dans le fond ? Elle soupira très doucement "Sohan en a besoin. Quand il est venu le voir à l’hôpital la première fois, il avait l’impression de ne pas être à sa place. Ça me brise le coeur... si lui n’est pas à sa place, qui d’autre l’est ?" Elle secoua la tête, retenant une mèche de cheveux du bout des doigts, et qu’elle finit par coincer derrière son oreille après quelques secondes à peine "J’ai dû le rassurer, m’avancer sur le ressenti de papa pour qu’il se sente légitime de mettre les pieds dans sa chambre. Je supporte pas ça, qu’il soit blessé au point de croire qu’il ne fait plus partie de cette famille, et qu’il a perdu le droit de se comporter comme un fils quand un drame de ce genre arrive." Elle pencha la tête sur le côté, se mordant très brièvement la lèvre en posant prudemment sa tasse devant elle. Elle garda son regard rivé dessus "Mais t’as raison. Tout ça, c’est un gros morceau à avaler et je me dis que ça ne pourra aller qu’en s’arrangeant. Tout comme l’état de papa d’ailleurs, ça va aller." fit-elle avec une conviction dont elle seule était capable, et qui sembla communicative quand elle l’entendit se montrer plus optimiste qu’il ne l’avait été ces dernières années. Un sourire fendit son visage, des fossettes se creusèrent sur ses joues "Ecoutez-le, monsieur optimisme. A croire que c’est comme la sagesse, ça vient avec l’âge." Elle fronça le haut de son nez, lui adressant un nouveau sourire, un peu moqueur celui-ci, en remuant la tête pour faire la blague. Et puis elle se redressa, se perdant un très court instant dans ses pensées. Quand elle reprit la parole, elle ne perdit pas l’occasion de l’entendre parler d’Edge pour lui dire "C’est un bon exemple cela dit, même si on sait toi et moi qu’elle fait des efforts uniquement parce qu’elle a conscience qu’il n’y a rien à reprocher à Edge." Plus maintenant en tout cas. Et puisque Fatima ne connaîtrait jamais l’histoire autour de leur première rupture, il n’était pas nécessaire de revenir dessus "Il est génial avec elle. Il est génial avec tout le monde." laissa-t-elle filer avec reconnaissance pour le jeune homme qui n’était pas là, qui méritait largement qu’on lui rende ce qui lui appartenait néanmoins ; il faisait tout son possible pour soulager les membres de sa famille, rendant des services à tours de bras, et ne lésinant pas sur le soutien à apporter — personne ne le lui reprocherait. Enfin, elle prit une nouvelle gorgée de son thé, et parce qu’elle se rendit compte qu’elle était devenue silencieuse, elle se ranima doucement "Pour en revenir à Sohan. Comment il te parle de tout ça, t’as pu le voir récemment ?" Elle avait un point de vue de petite sœur finalement, elle ne se vexerait pas d’apprendre qu’il en parlait plus en détails avec Hassan. C’était établi que depuis des années, il disposait du statut de confident attitré de son frère aîné. |
| | | | (#)Dim 09 Jan 2022, 20:19 | |
| Hassan n'aurait pas su comment l'expliquer, mais son inquiétude à l'égard de Rhett n'était pas constante. Elle allait et venait par vagues successives, tantôt enfouie dans un coin de son esprit, tantôt exacerbée par un détail insignifiant, mais s'il devait faire un constat général de la situation une chose lui semblait certaine : Rhett n'allait pas bien. Il n'allait même pas mieux, et se laissait glisser dans un pessimisme que ni les mots ni les initiatives de son entourage ne semblaient pouvoir combler. La chose frustrait Hassan en plus de l'inquiéter, parce qu'à défaut d'autre chose il aurait espéré que ses propres démêlés avec la dépression lui aient au moins donné les armes pour savoir quoi dire et quoi faire face à quelqu'un qu'il voyait sombrer. « Il faut bien l’entourer. Il s’en sortira, j’en suis persuadée. » avait de son côté tenté de rassurer Yasmine, et bien que peinant à s’en convaincre pour se le répéter déjà suffisamment sans que rien n’y fasse, il avait acquiescé en silence et camouflé sa moue soucieuse derrière la porcelaine de sa tasse. Il ne pouvait rien faire de plus que de laisser du temps au temps, une solution frustrante mais qui avait finalement fait ses preuves sur un tout autre sujet : la relation tumultueuse entre Sohan et ses parents. Les choses étaient là aussi loin d’être réglées, éviter les sujets qui fâchaient n’était jamais qu’une solution temporaire … Mais elle était déjà un premier pas, après des années de dialogue totalement rompu. « Sohan en a besoin. Quand il est venu le voir à l’hôpital la première fois, il avait l’impression de ne pas être à sa place. Ça me brise le coeur ... si lui n’est pas à sa place, qui d’autre l’est ? » La question n’appelait pas réellement de réponse, et parce qu’il sentait que Yasmine n’était pas au bout de sa réflexion il ne l’avait pas interrompue et avait attendu qu’elle ajoute « J’ai dû le rassurer, m’avancer sur le ressenti de papa pour qu’il se sente légitime de mettre les pieds dans sa chambre. Je supporte pas ça, qu’il soit blessé au point de croire qu’il ne fait plus partie de cette famille, et qu’il a perdu le droit de se comporter comme un fils quand un drame de ce genre arrive. » Mais n’en était-ce pas justement un, de drame, qu’il ait fallu en attendre un pour voir la situation sortir de l’enlisement dans laquelle elle se trouvait depuis des années ? « Il avait peut-être simplement peur que sa présence ne contrarie ta mère, et il ne voulait pas ajouter cette contrariété-là au reste. » avait alors suggéré le brun, non moins désolé de la situation. Il n’imaginait pas Fatima se répandre en sujets fâcheux dans pareille situation, mais ne pourrait pas jeter la pierre à Sohan s’il l’avait envisagé. Reste qu’à ses yeux, la discussion devrait avoir lieu entre mère et fils sans que personne ni même Yasmine ne tente de forcer la situation – ils iraient à leur rythme. « Mais t’as raison. Tout ça, c’est un gros morceau à avaler et je me dis que ça ne pourra aller qu’en s’arrangeant. Tout comme l’état de papa d’ailleurs, ça va aller. » A cela Hassan avait acquiescé, se fendant d’un « Bien sûr que ça va aller. » dont il réfuterait tout excès d’optimisme. On n’était jamais trop optimiste. Pour cela et pour la suite de ce qu’il avait avancé, mettant en lumière les efforts déjà conséquents (en cela qu’ils devaient lui coûter beaucoup) de Fatima pour se familiariser avec la manière dont ses deux enfants avaient décidé de mener leur barque en dépit de ses propres opinions, la cadette avait taquiné « Écoutez-le, monsieur optimisme. À croire que c’est comme la sagesse, ça vient avec l’âge. » et arraché à Hassan un regard malicieux. « Sois pas jalouse, pour toi aussi ça viendra quand tu seras grande. » Un temps songeuse, la jeune femme semblait en tout cas avoir pris le temps de peser les précédentes paroles de son ami : « C’est un bon exemple cela dit, même si on sait toi et moi qu’elle fait des efforts uniquement parce qu’elle a conscience qu’il n’y a rien à reprocher à Edge. Il est génial avec elle. Il est génial avec tout le monde. » La réserve d’Hassan quant à la dernière partie de la phrase était naturelle, compte tenu de l’animosité et de la méfiance dont Edge, mais aussi – surtout – Molly faisaient preuve à son égard sans qu’il ne puisse se sentir autre chose que profondément impuissant, mais résigné quant au fait que soulever la question ne ferait que creuser encore un peu plus la distance déjà mise entre Yasmine et lui il s’était contenter d’acquiescer la tête, et de terminer son thé en attendant la question suivante. « Pour en revenir à Sohan. Comment il te parle de tout ça, t’as pu le voir récemment ? » Laissant la réponse en suspens quelques instants, il avait passé sa tasse sous le jet d’eau du robinet et attrapé l’éponge sur le rebord de l’évier. « On n’en parle pas vraiment. » avait-il finalement admis, avant de se tourner pour faire de nouveau face à la brune, une grimace un brin soucieuse sur le visage. « J’veux dire, il n’a pas abordé le sujet avec moi jusqu’à présent, et je pense pas être le mieux placé pour le faire à sa place. » Ils étaient rares, les sujets sur lesquels les deux hommes possédaient une réserve l’un avec l’autre, mais l’évolution des relations de Sohan avec ses parents en faisait partie. « J’ai plus côtoyé vos parents que lui ces dernières années. C’est … je sais pas. Ça rend les choses un peu compliquées. » Souvent le brun avait craint que son ami, un jour, ne finisse par le lui reprocher. Par les accuser, Qasim et lui, de déborder sur la place de fils que son absence laissait vacante auprès des Khadji. Les deux frères pourtant savaient bien où était leur place, mais ni l’un ni l’autre n’avaient jamais, sauf depuis récemment, eu le coeur à faire un pas en arrière pour se mettre en retrait … Ils avaient déjà perdu leurs parents, et la vérité c’est qu’ils n’imaginaient pas pouvoir se priver des deux personnes ayant veillé sur eux comme sur deux fils supplémentaires au cours des vingt-cinq dernières années. Et Qasim, presque comme s’il avait senti qu’à l’autre bout du quartier on songeait à lui, avait fait s’afficher son nom sur l’écran de téléphone d’Hassan, arrachant à ce dernier un léger sursaut lorsque l’appareil s’était mis à vibrer dans le fond de sa poche. « Que puis-je faire pour vous, vieil homme ? » avait-il aussitôt questionné d’un ton narquois tout en fixant Yasmine ; On n’était toujours le vieil homme de quelqu’un semblait-il. « J’y suis toujours, Yasmine est là, on s’est posés deux minutes. » En fond sonore, les vocalises de Reda témoignaient de la sieste qui, soit s’était écourtée soit n’avait pas eu lieu, et avaient poussé son oncle à éloigner un instant le combiné de son oreille. « Non pas de problème, amène-le comme ça tu pourras partir directement. C’est ça, à tout de suite. » La grimace d’Hassan lorsqu’il avait raccroché était à la fois amusée et compatissante, et désignant du menton la tasse de thé de Yasmine il avait commenté en rangeant le cellulaire dans sa poche « Si tu tiens à terminer ça dans un silence relatif, j’te conseille de pas trop traîner, j’en connais un qui déborde d’énergie aujourd’hui. » Chaque jour qui passait Reda donnait un peu plus de grain à moudre à l’idée pour son oncle d’en faire un rugbyman – il faudrait au moins cela pour épuiser un peu de son énergie, et le fait que la chose ait (un peu) fait ses preuves avec son oncle n’était qu’un argument supplémentaire. Les différents os qu’avaient pu se casser Hassan dans son enfance jouaient quant à eux peut-être en la défaveur de cette idée, mais à la vitesse à laquelle Reda grimpait, escaladait, courait et gesticulait ses parents auraient tout aussi vite fait de se faire une raison : le mouflet finirait avec un plâtre ou des points de suture un jour ou l’autre.
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| | | | | | | | (yassan) storm in your heart |
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