En matière d'investissement, Michael Hill ne fait pas les choses à moitié. Quand la boîte a accepté de sponsoriser l'évènement qui couvre Brisbane d'un autre voile de folie, Saül n'a fait que lever les yeux au ciel. Bien sûr, il a donné son aval pour les accords administratifs qui garantissent aux joailliers de présenter des stands qui n'ont absolument rien de médiévaux. De toute façon, qui s'intéresse vraiment à ces choses là à part les fanas d'histoire ? Ou les types souhaitant annoncer à leur frère que leur rejeton va se marier ?

Après la boue, c'est le coin des oiseaux que Saül rejoint. Cette fois-ci, il n'y va pas à reculons. Une fois de plus, il doit venir sur ce site qui sent la poussière et le crottin. Ce n'est pas pour en faire l'inauguration, pas cette fois. Cette fois, Megan doit le rejoindre. Il lui a donné rendez-vous dans un endroit où ils pourront se mêler tranquillement à la foule - et où l'italien est certain de ne croiser personne. Ce n'est pas Ariane et Abel qui risqueraient de se promener par ici tant Ariane a les oiseaux en horreur. Et après l'annonce du mariage de Damon à Auden, ce dernier ne souhaite plus adresser la parole à son aîné - logique.

Megan est facilement identifiable, au milieu de la foule. Saül n'a pas enfilé de costume, mais il n'est pas plus à son aise que debout sur un bateau. Le pas pressé, l'homme d'affaires rejoint la jeune femme. Avant d'entrer là où aura lieu le spectacle, des cages s'alignent les unes derrière les autres. Elles tiennent enfermés dans animaux de proie que des panneaux explicatifs décrivent en plusieurs langues. « Le faucon pèlerin. Pour la chasse au poing, il est idéal. » Petit, Saül adorait ces oiseaux. Il passait des heures à lire tous les livres de fauconnerie qui lui tombaient sous la main. Aujourd'hui, cette fascination pour les oiseaux ne peut être partagée avec personne - et certainement pas avec Ariane.

« Tu n'as pas peur des oiseaux, j'espère. » Ses yeux bleus se posent sur Megan et retournent trouver la cage suivante dans laquelle s'ébroue un splendide aigle d'Australie. « Ils sont magnifiques, n'est-ce pas ? Si tu les voyais à l'œuvre... Ils ne laissent aucune chance à leurs proies. » Bras croisés dans le dos, Saül se tourne vers l'entrée du spectacle. D'un regard, il invite Megan à rejoindre les gradins.

Le spectacle ne fait que commencer.

@megan monroe

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Megan Monroe & @Saül Williams

Lire dans les pensées de Saül Williams, c’est compliqué. Autant que d’anticiper ses prochains mouvements, autant que de savoir à quoi s’attendre en ce qui le concerne de façon générale. Saül ne demande pas, il exige, Saül n’invite pas, il convoque et, s’il m’a convoquée aujourd’hui, je me doute que ce n’est pas pour me parler de la couleur de ma robe de mariée où de l’arrangement floral de la cérémonie. S’il prend sur son emploi du temps de ministre pour cette entrevue qui doit lui être aussi désagréable qu’elle l’est pour moi, c’est que je vais passer un sale quart d’heure et, en quittant mon appartement et en m’engouffrant dans le métro, j’ai eu l’impression de remonter le couloir de la mort.

J’ai hésité quant à l’attitude à aborder en prévision de cette rencontre et, plus précisément, je me suis demandé s’il valait mieux que j’en parle à Damon ou que je passe sous silence l’information. D’instinct, j’ai eu envie de la partager avec lui - il n’a peut-être pas confiance en moi mais il est mon allié dans toute cette mascarade - avant de changer d’avis : son père reste un sujet sensible entre nous et j’ignore ce que l’homme d’affaires a à me dire. Il sera toujours temps de parler ensemble de tout ça lorsque j’en saurai plus, si bien que j’ai tranché pour le silence.

Je ne savais pas quelles étaient les intentions de Saül avant de mettre les pieds sur le lieu de rendez-vous. A peine arrivée sur place, tout devient plus clair : il cherche à m’intimider. Il suffit de poser les yeux sur les rapaces pour réaliser qu’il cherche à impressionner son monde, et à me faire taire moi. « Le faucon pèlerin. Pour la chasse au poing, il est idéal. » - « Je vous ignorais cette passion pour les volatiles. Vous devriez en parler lors de vos interviews, ça vous rendrait un chouilla plus humain. » Si tant est que ce soit possible, de donner à cette hyène des allures de personne plus douce. « Tu n’as pas peur des oiseaux, j’espère. » Ses yeux se posent sur moi, ses yeux me jaugent et je me contente de hausser les épaules. « J’ai rencontré des humains bien plus effrayants. » C’est la perversion qui l’est : et les animaux en sont dénués. Ils ne font pas semblant, chacun est exactement ce qu’il semble être et cela rend les choses bien plus simples à mes yeux. « Ils sont magnifiques, n’est-ce pas ? Si tu les voyais à l'œuvre… Ils ne laissent aucune chance à leurs proies. » - « Je n’en doute pas. » Un idiot en viendrait à présent à ma précédente conclusion : je n’attends plus qu’il me compare à l’une de ces proies pour avoir compris où il venait en venir, je n’ai pas besoin de ça. « Mais si vous m’avez fait venir jusque-là pour savoir si j’acceptais que les alliances soient transportées par des faucons le jour du mariage, la réponse est non. » Je fais la maligne, comme mon grand sourire provocateur en atteste. « Mais j’en doute. Ça aurait été grandiose pourtant, pour le vôtre. » La cérémonie elle l’était, je ne peux pas dire le contraire sans être une parfaite hypocrite.

« Je vous ignorais cette passion pour les volatiles. Vous devriez en parler lors de vos interviews, ça vous rendrait un chouilla plus humain. » « Tu donnerais à la presse des photos de moi en train de m'occuper des oiseaux ? Des photos que tu m'offriras, cela va sans dire. » qu'il réplique, le regard vissé sur un aigle couronné. Bien qu'il vive habituellement en Afrique, l'Australie a la chance d'en accueillir quelques uns. Ils sont, pour sûr, les oiseaux les plus dangereux de la planète. Les plus fascinants, aussi, et Saül a encore beaucoup de qualités à leur attribuer. Mais la presse n'aura que faire de photos de photos du chef d'entreprise avec des oiseaux. Cela dit, Saül pourrait éventuellement en faire son prochain domaine de propagande écolo-gauchiste-responsable, pour satisfaire une clientèle plus à cheval sur les achats durable et l'argent vert. Saül ne laissera pas le public se pencher sur la plus secrète de ses passions. Il est, après tout, un homme secret qui n'apprécie pas donner à ses ennemis les armes pour le connaître.

Mais la gamine n'a pas tort. Peut-être faudrait-il s'occuper de donner à Saül une apparence plus humaine et un peu moins froide. Cela jouera en sa faveur, quand viendra le temps de confronter ceux qui se penchent doucement sur le cas Saül Williams. Ce même petit groupe estime que le grand patron n'a plus sa place en haut de la pyramide et ils sont les gens à faire taire. Un bon coup de com' leur fera peut-être fermer le bec... de façon définitive. « J’ai rencontré des humains bien plus effrayants. » Le visage de l'homme d'affaires se creuse d'un sourire. Megan n'a peur ni de Saül ni des oiseaux. Ou peut-être un peu des deux, qui sait ? « Je n’en doute pas. Mais si vous m’avez fait venir jusque-là pour savoir si j’acceptais que les alliances soient transportées par des faucons le jour du mariage, la réponse est non. » Des faucons ? Pour Ariane qui a peur des oiseaux ? Quel malheur qu'ils ne partagent pas cette passion. Elle aurait fait une fauconnière incroyable. Le sourire de Saül s'affaisse soudain, alors que ses idées convergent vers un seul et même point: l'enveloppe qu'il garde dans sa poche. « Mais j’en doute. Ça aurait été grandiose pourtant, pour le vôtre. »

Doucement, Saül s'avance vers la cage d'un oiseau de nuit. La tête rentrée, le rapace a l'air de dormir, dos aux deux interlocuteurs. « Tu es ici pour un sujet qui a tout à voir avec le mariage. » De sa poche, Saül extirpe l'enveloppe dans laquelle se trouvent les photos de Megan et de son amant. D'un geste sec, l'homme d'affaires confie le tout à la jeune femme. Le sourire de Saül n'est plus: un regard mauvais l'a complètement remplacé. « La fidélité, c'est l'une des valeurs du mariage, Megan. Ou du moins, la discrétion est de rigueur. » Sa voix est piquante. Dans la cage, l'oiseau de nuit a tourné sa tête pour observer ceux qui le dérangent dans son sommeil. « Si quelqu'un a pu prendre ces photos si facilement, c'est que tu ne prends absolument aucune précaution. » Tiens-tu à la vie, Megan ? « Je suis déçu. Et on ne souhaite pas que je sois déçu, n'est-ce pas Megan ? » Un sourire mauvais s'accroche au visage de Saül, qui a croisé ses mains sur ses reins. Faute de les serrer autour du cou de Megan, l'italien se contentera d'enfoncer les ongles de ses doigts dans les paumes de ses mains.

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Megan Monroe & @Saül Williams

« Tu donnerais à la presse des photos de moi en train de m’occuper des oiseaux ? Des photos que tu m’offriras, cela va sans dire. » - « Je donnerais à la presse tout ce qui peut l’intéresser de me rapporter un chèque. Je fais pas la difficile. » Si ce que je préfère, ce sont les secrets qui explosent au visage de leur détenteur, je ne rougis de rien : un contrat est un contrat, un chèque est un chèque. « Et vous auriez tort de vous en priver. Je suis une photographe fantastique. » J’ai du talent, en tout cas. Face à quelqu’un d’autre, je n’aurais peut-être pas employé le terme fantastique puisque je manque au fond de confiance en moi - je n’ai jamais osé me lancer professionnellement dans la photographie - mais face à quelqu’un comme Saül, il ne faut pas hésiter à jouer à celui qui pisse le plus loin. Et il ne faut certainement pas montrer la moindre trace de doute ou de faiblesse, quoi qu’il en coûte.

« Tu es ici pour pour un sujet qui a tout à voir avec le mariage. » Avec lui, tout a rapport avec ce fichu mariage, de toute façon et une part de mon appréhende clairement d’entendre ce qu’il a à me dire. L’italien ne m’aurait pas fait déplacer pour me féliciter ou pour une bonne nouvelle et, surtout, il ne se serait pas donné la peine s’il n’était pas question d’une démonstration de pouvoir. Alors je me tais. J’arrête de fanfaronner pour me concentrer sur la composition d’un visage neutre et froid, pour ne pas lui donner la chance de me déstabiliser. Ses doigts glissent dans sa poche et en tirent une enveloppe dont il sort des photos, toujours et encore des maudites photos à ajouter au dossier qu’il n’a pas cessé de composer sur moi. Je m’en saisis sans ciller, devinant la nature des clichés, observant à mon tour ces instants volés. « Je suis plutôt mignonne sur celle-ci. » Elles nous montrent toutes Cameron et moi, évidemment. Elles nous montrent main dans la main dans le hall d’un hôtel luxueux, ou enlacés sur la terrasse, lui vêtu d’un caleçon et moi dans un ensemble en dentelle. « La fidélité, c’est l’une des valeurs du mariage, Megan. Ou du moins, la discrétion est de rigueur. » - « Vous avez fait suivre votre fils également ? » Je lève un sourcil, presque surprise qu’il s’étonne de constater que ma liaison perdure. « Si quelqu’un a pu prendre ces photos si facilement, c’est que tu ne prends absolument aucune précaution. » J’accuse le coup, je tente de prétendre que je me fiche d’être sermonnée comme une adolescente qui aurait fait le mur quand intérieurement je me décompose. Qu’attend-il de moi ? Que je jure fidélité à son fils semble m’apprécier à peu près autant qu’un caillou dans sa chaussure ? Se prive-t-il de vivre sa vie, Damon ? « Je suis déçu. Et on ne souhaite pas que je sois déçu, n’est-ce pas Megan ? » Je suis tentée de lui rappeler que nous ne le souhaitons ni l’un ni l’autre, mais je ravale mon venin. Si je peux l’entraîner dans ma chute, je n’ai pas envie qu’il me détruise. Je n’ai pas envie que tout ceci ait été en vain. « Si quelqu’un a pu prendre ces photos c’est que vous le payez pour me coller au train. » Ou qu’on lui a dit où et quand regarder. « Vous me faites suivre ? Constamment ? » La paparazzi traquée, c’est un peu l’arroseur arrosé. Je n’aime pas le traitement que je fais pourtant subir aux autres. « Pourquoi, pour savoir si je respecte un serment que je n’ai pas encore prêté ? » Le mariage n’est pas encore prononcé et, si j’apprends à connaître le blond, il me semble impensable de mettre un terme à mes… Aventures annexes. Pensait-il que j’arrêterais de vivre ? Est-il si naïf que ça ?

« Je suis plutôt mignonne sur celle-ci. » La gamine est insolente mais Saül s'attendait à sa réponse. Il s'habitude doucement à la répartie de Megan, qui est un adversaire redoutable en plus d'être sa presque-belle-fille. Le regard mauvais, Saül donne toutes les photos à la jeune femme. Elle a tout de ce que Saül aurait voulu transmettre à Damon. S'il savait se défendre comme elle, s'il avait la moitié de sa répartie et de son mordant, Saül n'aurait pas à le marier de force. Oui, tout cela, il se l'inflige tout seul. Au pire, la faute de l'italien est de ne pas avoir été assez là pour lui apprendre les valeurs et la matière qui fait un homme. « Ton amant doit penser la même chose. Mais pour eux tous, là, tu ne seras qu'une vulgaire prostituée quand tout cela sera fini. » Un déchet qu'on traîne dans la boue. Quand il faudra se débarrasser d'elle, Russo ne lésinera pas sur les moyens. Saül ne le connaît pas assez pour s'assurer qu'il réserve un sort pire qu'humiliant à Megan, mais il aimerait au moins avoir la certitude que la perte de sa réputation, si elle devait advenir, ne ternira pas celle de Damon. « Et mon fils ne fréquente pas les prostituées. Tu comprends ? » Il est hors de question que Damon soit "celui qui marie les putes". Elle sera seule, Megan. Sans réputation, sans couverture, sans avantages, sans protection. Sa vie d'avant n'a pas l'air de la tenter plus que cela, maintenant qu'elle a tout bâti de ses mains. C'est cela que Saül voudrait s'approprier, sans pour autant y parvenir. C'est avec beaucoup de difficultés qu'il tente malgré tout de museler la gamine, qui se laisse aussi peu faire qu'un chien mal dressé.

Ce n'est pas Saül qui donnera des leçons sur la fidélité. Pourtant, jamais personne n'a été capable de l'accuser d'indiscrétion, lui qui s'est montré si prévoyant avec Ariane... du moins, au début. « Vous avez fait suivre votre fils également ? » « Cela ne te regarde pas. » Bien sûr que non, Damon n'est pas suivi. Dans l'imaginaire de Saül, les garçons n'ont pas les mêmes besoins. Pour autant, c'est pour une toute autre raison que Saül pourrait bien faire suivre son garçon. Et cette raison travaille encore à Michael Hill - mais pour combien de temps encore ? Seul le comportement de Damon le dira. Pas besoin de le faire suivre; depuis que Saül l'a menacé de s'en prendre à Angus, il est certain que son fils se tient sage. Megan sait mieux qui quiconque que certains ne prennent pas assez de précautions. Elle est directement témoin des incartades de toutes ces personnes qu'elle prend en photo; qu'elle puisse être la cible des appareils derrière lesquels elle a l'habitude de se tenir ne devrait pas l'étonner. « Si quelqu’un a pu prendre ces photos c’est que vous le payez pour me coller au train. » « Ou que tu n'es pas assez attentive. Ce sont des jours différents. » qu'il souligne en tapotant les photos qu'elle tient toujours entre les mains.

« Vous me faites suivre ? Constamment ? » C'est drôle, comme elle a l'air de s'en offusquer. Un sourire mauvais prend à nouveau place sur le visage de Saül. « Les secrets devraient appartenir au domaine public, Megan. Tu me l'as appris lors de notre première rencontre. Tu as la mémoire courte. » Ses secrets à lui, Saül les sait protégés par ce dossier qu'il constitue au sujet de Megan et qui, si elle parle, sera glissé entre de bonnes mains. « Pourquoi, pour savoir si je respecte un serment que je n’ai pas encore prêté ? » « J'ai épousé une femme avec qui j'entretenais une liaison depuis plus de deux ans. » Et ce n'est pas au vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces. « Mais jamais personne n'a su, sinon des gens en qui j'avais une confiance absolue. Ma femme n'a su que lorsque j'ai bien voulu qu'elle sache. » Les yeux de l'homme d'affaires se reportent sur les oiseaux. Dieu, que Ariane détesterait cet endroit. « Tu as le droit à ta vie d'adolescente jusqu'au mariage. Avant cela, j'attends de la discrétion et de la rigueur. Tu mettras fin à cette lubie avant les noces. » La rencontre est bientôt terminée. Elle fut brève, mais efficace. Déjà, Saül surveille sa montre, à la recherche du temps perdu. « Je refuse qu'un connard comme Russo puisse se vanter de se taper une femme mariée, qui plus est si elle est la femme de mon fils. »

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Megan Monroe & @Saül Williams

« Ton amant doit penser la même chose. Mais pour eux tous, là, tu ne seras qu'une vulgaire prostituée quand tout cela sera fini. Et mon fils ne fréquente pas les prostituées. Tu comprends ? » - « Non, votre fils fréquente des hommes. » Il n’est pas question d’impertinence. Il n’est question que de mon égo de femme, de femme froissée par sa remarque, celle qui me compare à une femme de petite vertu. J’ai répondu sans réfléchir, sans penser aux conséquences, sans me demander si mon impertinence me vaudrait une froide réprimande ou une gifle. Pas ici. Pas en public, c’est bien là la seule chose qui me rassure un minimum.

« Cela ne te regarde pas. »
« On sait tous les deux que non. »

Bien sûr qu’il ne fait pas suivre Damon. Bien sûr que ce dernier est libre de vivre sa vie de jeune homme tel qu’il l’entend, tant qu’il le fait avec des individus de sexe féminin. Saül n’envisagerait même pas de le qualifier de prostitué si tel était le cas, non, il lui donnerait une tape dans le dos en le félicitant d’être un tel tombeur. « Ou que tu n'es pas assez attentive. Ce sont des jours différents. » Bien sûr que ce sont des jours différents. Mais tout ce que cela veut dire, c’est qu’il m’a fait suivre plus d’une fois, peut-être même qu’il me fait suivre tout le temps. Pense-t-il pouvoir ainsi contrôler mes faits et gestes ? « Les secrets devraient appartenir au domaine public, Megan. Tu me l'as appris lors de notre première rencontre. Tu as la mémoire courte. » - « On veut ni l’un ni l’autre que celui-ci soit dévoilé, non ? Pas alors que Damon et moi avons tous les deux annoncé nos fiançailles. » Peut-être qu’une part de moi le veut. Peut-être qu’une mois tente encore de saboter tout ça, de s’enfuir par la grande porte si c’est encore possible. « J'ai épousé une femme avec qui j'entretenais une liaison depuis plus de deux ans. » - « Mazel tov. Ariane devrait envisager d’écrire un compte pour les gosses avec votre histoire. » Le vilain mari infidèle et l’allumeuse ça ferait un tabac au même rayon que cinquante nuance de Grey. « Mais jamais personne n'a su, sinon des gens en qui j'avais une confiance absolue. Ma femme n'a su que lorsque j'ai bien voulu qu'elle sache. » Que cherche-t-il à prouver, à me dire ? Que tant que je reste discrète, je fais ce que je veux ? Que je me méprends sur ses intentions ? J’en doute. « Tu as le droit à ta vie d'adolescente jusqu'au mariage. Avant cela, j'attends de la discrétion et de la rigueur. Tu mettras fin à cette lubie avant les noces. » La phrase tombe telle un couperet, et je ne le quitte pas des yeux. Mon sourire s’efface, pas d’un seul coup mais progressivement alors que mes yeux lancent des éclairs. Je ne suis plus d’humeur à faire preuve d’esprit, mais je n’ai pas l’intention non plus de lui montrer que je suis prête à lui sauter à la gorge. «  Je refuse qu'un connard comme Russo puisse se vanter de se taper une femme mariée, qui plus est si elle est la femme de mon fils. » - « C’est pas le genre de cage pour laquelle j’ai signé. » Je n’ai signé pour rien du tout si ce n’est un vague accord de cessez-le-feu. « Votre fils ne m’aimera peut-être jamais. Je suis censée accepter mon sort et rester les jambes croisées ? » Je suis supposée passer à côté de ma jeunesse.

« Non, votre fils fréquente des hommes. » S'il n'y avait eu personne, il est évident que Saül l'aurait giflée. Il se contente d'un regard plus noir que tous ceux qu'il lui a précédemment envoyé, sa main sagement rangée dans l'une de ses poches. Oh, en pensée, il lui a déjà crevé les yeux quelques fois. Si l'oiseau qui était dans cette cage pouvait les lui bouffer, ces jolis yeux bleus qu'elle fait papillonner d'une façon tout à fait arrogante. Il suffirait qu'on ouvre la cage aux oiseaux. Le poing crispé, Saül s'applique à rester calme. C'est la future femme de son fils et si elle n'est pas en vie, les fiançailles seraient compromises, cqfd. Pour autant, Saül lève lentement son index devant le petit minois de la gamine. « Tu ne parleras plus jamais de mon fils en ces termes. Je me fais comprendre ? » Un "petite conne" aurait probablement ponctué la phrase de Saül si ses yeux ne lançaient pas suffisamment d'éclairs.

« Cela ne te regarde pas. » « On sait tous les deux que non. » « Ce que tu apprends vite ! » Un sourire mauvais s'étale doucement sur le visage de l'italien. La petite conne, en revanche, ne démord pas. Heureusement, le public a bien commencé à s'installer dans les gradins. Plus personne ne passe du côté des cages où se trouvent les oiseaux. L'entrevue se fait plus intime. Plus menaçante, aussi. Megan, en revanche, n'a pas su créer cette intimité avec son amant. Ou du moins, pas sans laisser des traces. Elle n'a probablement pas l'habitude d'être celle qu'on piste. C'est l'arroseur arrosé. Saül pensait qu'elle serait plus maligne, elle qui a l'habitude de suivre tous ces gens. « On veut ni l’un ni l’autre que celui-ci soit dévoilé, non ? Pas alors que Damon et moi avons tous les deux annoncé nos fiançailles. » « Tu joues avec le feu. » qu'il siffle, se rapprochant encore de la gamine. Non, il ne souhaite pas que la liaison de Megan fasse un scandale juste alors qu'elle est maintenant fiancée à Damon. Mais Saül ne souhaite pas non plus que son fils soit couvert de honte par cette liaison. Bien sûr, Saül est loin d'imaginer que Damon puisse faire des cachoteries de son côté. Cette possibilité ne lui effleure même pas l'esprit, maintenant qu'il sait son fils fiancé à la petite "journaliste".

Et voilà que le quarantenaire se lance sur le sentier de la guerre, dévoilant une partie de l'histoire qu'il a vécu avec Ariane pour essayer de secouer Megan. La discrétion, ce n'est pas donné à tout le monde, mais chacun peut s'en pourvoir en faisant quelques efforts. « Mazel tov. Ariane devrait envisager d’écrire un compte pour les gosses avec votre histoire. » C'est là qu'il manque de l'empoigner, sortant presque de ses gonds au moment où un dresseur passe de leur côté. « Je t'apprendrai ce qu'est la discrétion, un jour. » Et elle apprendra assurément à en cacher les marques. Le ton de Saül n'a plus rien d'enjôleur et s'il voulait au départ tenter d'arrondir les angles, rien ne le retient plus dans ses limites - sinon la présence du monde de l'autre côté d'une palissade.

Russo et Megan, ça cessera. C'est Saül qui le demande alors on exécute; c'est ainsi que le monde tourne rond. « C’est pas le genre de cage pour laquelle j’ai signé. » « Tu es bien naïve si tu pensais pouvoir poursuivre cette liaison. J'ai donné mon accord pour ton travail. Pas pour que tu ailles fricoter avec ce type. » Surtout pas si elle se fiche d'être vue. Cela, l'homme d'affaires, ne le laissera pas arriver. « Votre fils ne m’aimera peut-être jamais. Je suis censée accepter mon sort et rester les jambes croisées ? » Un rire mauvais secoue la cage thoracique du quarantenaire. « Tu crois que rester avec Russo t'attirera son amour, alors ? Oh Megan, tu es décevante. Ce n'est pas en couchant avec ce type ou d'autres que tu attireras leur sympathie. » Leur pitié, peut-être. Alors que la foule acclame, Saül attrape le bras de la jeune femme. Sans trop la brusquer, il l'emmène à quelques mètres où l'on peut voir le public et les oiseaux, sur la scène. « Regarde les bien. Tu crois qu'ils sont combien, à dormir pitoyablement sur des rêves dont il ne verront jamais la réalisation ? » Les enfants, les parents, ces petites gens qui se serrent tous les uns contre les autres... Saül les méprise tous. Ils ne sont qu'une tripotée de lâches, des faibles qui ne savent pas ce que sont les véritables réussites. « La vie demande des sacrifices, Megan. Tu le sais aussi bien que moi. » Sur le bras de Megan, Saül resserre sa poigne. « Tu ne vaudras jamais mieux que ces gens si tu te comportes comme eux. Ton petit ami finira par te lâcher comme il a lâché toutes ses amantes. Et tu sais où tu finiras, Megan ? » Du bout de l'index, Saül désigne les cadavres que lancent les dresseurs vers le ciel, là où de majestueux oiseaux déploient leurs ailes. Certains retombent et restent dans la poussière, peu avant qu'un serpentaire aux ailes blanches et noires ne viennent les gober. « Dans l'oubli. »

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Megan Monroe & @Saül Williams

« Tu ne parleras plus jamais de mon fils en ces termes. Je me fais comprendre. » Le regard qu’il me lance m’apprend au moins que j’ai touché un point sensible. Je ne l’ignorais pas, ceci dit. Je n’ai pas lancé une phrase en l’air en espérant le toucher. Je le fais souvent, je parle trop et sans réfléchir mais, cette fois-ci, j’ai frappé là pour une bonne raison. J’ai frappé là parce que je le hais déjà, mon futur beau-père. Et je continuerai à guetter le moindre de ses points faibles, insouciante, inconsciente, certainement trop jeune pour appréhender les conséquences de mes actes.

Quoi qu’il en soit, son regard me cloue les lèvres, une fois n’est pas coutume. Parce que je lis toute sa violence dans ses yeux. Parce qu’alors que je jette un coup d'œil pour vérifier que nous ne sommes pas assez isolés pour qu’il se permette la moindre agression, je me fais la réflexion que le cas contraire, il aurait peut-être levé la main sur moi. Et si je suis imprudente, je ne fais pas dans l’autodestruction. En est-il capable, de me frapper ? De me gifler ou pire ? Prendra-t-il le risque de laisser des traces sur ma peau, des traces que je pourrais montrer à son fils, ou bien agira-t-il de façon plus vicieuse ? Je n’ai pas honte d’admettre que, là, sur l’instant, j’ai peur de Saül Williams. Alors je me tais. Je me tais parce que son poing est crispé et que je n’ai pas envie de voir ce qu’il se passera si je le pousse à bout. « Tu joues avec le feu. » Je ne le quitte pas des yeux. La peur ne me fait pas détourner le regard, ne me fait pas ployer. Flirter avec les limites, c’est ma spécialité, autant qu’il s’y fasse. « Ses amis sont ravis pour nous d’ailleurs, si vous vous posiez la question. Ils m’aiment déjà beaucoup. » Je joue bien mon rôle, vous voyez. Et je le fais dans la lumière. Il est trop tard pour faire marche arrière, pour lui comme pour moi, et nous le savons tous les deux. Si je dois composer avec ses règles, je veux qu’il comprenne qu’il devra lui aussi composer avec certaines des miennes. « Je t'apprendrai ce qu'est la discrétion, un jour. » Et nous savons tous les deux comment. Ce n’est presque plus un sous-entendu. « J’ai hâte. » Ferme la, Megan. Boucle la et contente toi d’acquiescer et de sourire bêtement. J’aurais dû apprendre à jouer de mon apparence de bimbo, j’aurais dû laisser croire aux autres que je n’étais que ça pour l’utiliser à mon avantage. Au contraire, je suis bien trop impulsive pour ça, au contraire, je préfère la ramener et me foutre dans la merde.

« Tu es bien naïve si tu pensais pouvoir poursuivre cette liaison. J'ai donné mon accord pour ton travail. Pas pour que tu ailles fricoter avec ce type. » Ma mâchoire se contracte, mes dents se liment les unes contre les autres et j’encaisse. J’encaisse qu’il ordonne comme si le monde lui appartenait, comme s’il était capable de me dicter ma conduite et ma vie. J’ai donné mon accord. S’il savait comme ce genre de phrase fait bondir l’éprise de liberté et d’indépendance que je suis.

Mais dans quoi me suis-je fourrée ?

« Tu crois que rester avec Russo t'attirera son amour, alors ? Oh Megan, tu es décevante. Ce n'est pas en couchant avec ce type ou d'autres que tu attireras leur sympathie. » Je me fiche bien de leur sympathie, c’est ce que j’allais rétorquer avant que les serres de l’italien ne s’enroulent autour de mon bras pour me tirer fermement aux bords du spectacle. Les gens fixent le dresseur, les gens s’extasient devant les rapaces sans se douter de ce qui se trame à quelques mètres seulement d’eux. « On avait parlé d’un arrangement, pas d’un engagement comme celui-ci. » Il n’a jamais été dit que mes voeux de fidélité m’engageraient réellement à quoi que ce soit. Me sera-t-il fidèle, son fils ? L’est-il déjà ? Je ne suis pas assez naïve pour penser que oui. Je ne suis pas assez naïve pour penser que nos fiançailles ont mis fin à ce qu’il peut ressentir pour d’autres que moi.

Il touche dans le mille l’homme d’affaires. Il touche dans le mille parce qu’il lit en moi mon besoin d’attention, mon besoin d’affection. Je prétends me foutre de n’être que la fille avec laquelle on couche, pas celle avec laquelle on s’engage, mais il n’en est rien. Je ne rêve pas au prince charmant, mais je comble avec mes amants un besoin d’exister pour quelqu’un, un besoin que l’on s’occupe de moi, un besoin de ne plus être qu’une anonyme. « Regarde les bien. Tu crois qu'ils sont combien, à dormir pitoyablement sur des rêves dont ils ne verront jamais la réalisation ? » La question est rhétorique : Williams imagine être quelqu’un de spécial, l’unique personne sur cette planète à avoir tiré son épingle du jeu. Alors je déglutis et jetant un coup d'œil furtif à ses doigts refermés sur mon bras, ceux qui serrent à présent un peu plus fort, un peu trop fort. « La vie demande des sacrifices, Megan. Tu le sais aussi bien que moi. » J’ai cessé de respirer lorsque ses doigts se sont serrés une fois de plus. J’ai retenu mon souffle pendant sa petite démonstration de force. « Tu ne vaudras jamais mieux que ces gens si tu te comportes comme eux. Ton petit ami finira par te lâcher comme il a lâché toutes ses amantes. Et tu sais où tu finiras, Megan ? » Je peux le deviner. Je n’avais pas besoin qu’il désigne les friandises encore chaudes jetées aux rapaces par les dresseurs. « Dans l'oubli. » Il me fait mal. Alors sans douceur je dégage mon bras. D’un coup sec. Je me ferme et je me drape dans ma fierté. « J’ai pas besoin de vos leçons de morale. » Je ne suis pas qu’un numéro pour Cameron. Je ne suis pas qu’une parmi des dizaines. Je ne suis ni naïve, ni aveuglée et pas plus amoureuse. Mais j’existe à ses côtés. Même si ce n’est qu’une heure, même si ce n’est qu’à l’abri des regards. « Je m’astreindrai aux mêmes règles que Damon. » Je prétends ne pas avoir peur, pourtant j’ai reculé de quelques pas une fois libérée. « Je veillerai à ce que le marché soit équitable. A ce qu’on soit sur la même longueur d'onde, lui et moi. » Et si ça peut aider le patriarche à dormir sur ses deux oreilles, je prétendrai même avoir rompu ma liaison dès la semaine prochaine quand, dans les faits, j’apprendrai juste à être plus discrète. « Mais je suis pas votre ex-femme. » Je n’ai pas une once de la patience ou de l’abnégation d’Elise Williams. « S’il devait me ridiculiser, je resterais pas sans rien faire. » Je plonge à nouveau mes grands yeux dans les siens. « Ça, ça n’arrivera pas. » Je veux bien essayer. Pas me battre seule contre ou pour du vent.

« Ses amis sont ravis pour nous d’ailleurs, si vous vous posiez la question. Ils m’aiment déjà beaucoup. » « C'est bien. » Qu'il murmure comme on congratule un chien. Son ton déborde de fausse sympathie et ses yeux n'essaient même pas de mentir. Cette gamine, il la méprise quand elle n'est pas capable de se montrer docile. Elle tient tête à l'italien mieux que beaucoup de ses collaborateurs n'oseront un jour le faire. C'est logique: elle joue bien plus que quelques dollars ou quelques parts dans une entreprise. Elle joue sa vie, sa jeunesse. Elle joue dans un endroit où les enfants ne devraient pas avoir leur place, mais elle a choisi cette position en mettant son nez dans un endroit où jamais elle n'aurait dû le fourrer. C'est tant pis pour elle, c'est tant mieux pour Saül. C'est une femme comme ça qu'il faut à Damon pour redresser un peu la barre, pour sauver ce qu'il lui reste d'honneur. Pour essayer de sauver ce qui est sauvable, en tout cas.

Et lorsqu'il attrape le bras de Megan, ce n'est certainement pas pour l'emmener danser. Devant leurs yeux, le spectacle des oiseaux est splendide. Pourtant, ce n'est pas pour montrer à Megan les sourires heureux des spectateurs que Saül traîne Megan jusqu'à eux. Ce n'est pas non plus pour voir les oiseaux voltiger, bien que tout cela serait grandement satisfaisant à voir. « On avait parlé d’un arrangement, pas d’un engagement comme celui-ci. » Oh, pauvre Megan. « Ne me fais pas croire que tu imaginais que tout ceci serait un mariage blanc. Je t'ai dit que tu mettais un pied dans un monde auquel tu n'appartenais pas. Il ne fallait pas t'en approcher en premier lieu. » Son ton s'est fait plus bas, il est désormais réduit à un murmure qui couvre à peine les cris de stupeur du public, à quelques dizaines de mètres de là. Les doigts de l'homme d'affaires se resserrent autour de la chair de la gamine qui devrait avoir compris la leçon. D'un geste bref, elle se dégage de l'emprise du quarantenaire, qui remet en place son costume. « J’ai pas besoin de vos leçons de morale. » Elle en a bien plus besoin qu'elle ne veut bien l'admettre, si on demandait à Saül son avis. Pourtant, aucun sourire ne fend plus son visage. Pour une fois, le quarantenaire est attentif. « Je m’astreindrai aux mêmes règles que Damon. » Le visage de Saül est resté parfaitement neutre, toujours aussi attentif. Que prétend-elle savoir des lois qui régissent l'éducation de Damon, que prétend-elle connaître de ce qu'elle a le droit de faire en dehors du cadre auquel elle a accepté de s'accorder ?

« Je veillerai à ce que le marché soit équitable. A ce qu’on soit sur la même longueur d'onde, lui et moi. » L'index levé, l'italien s'apprête déjà à lui rappeler qui est en mesure de dicter ce qui est équitable ou non. « Attention. » Le premier avertissement n'a vraisemblablement pas réussi à la faire trembler assez, alors Saül s'avance. A mesure qu'elle recule, il réduit la distance, pas après pas. « Mais je suis pas votre ex-femme. » Elle s'aventure sur un terrain terriblement glissant et elle le sait. Le sourire mauvais qui fend à nouveau le visage de l'italien ne fait que lui confirmer que la suite sera pire encore que ce que leur rencontre lui a laissé entrevoir jusque ici. « S’il devait me ridiculiser, je resterais pas sans rien faire. » Saül croise les bras dans son dos, résolu à affronter le regard qu'elle lui renvoie.

« Ça, ça n’arrivera pas. » « Tu sais ce qui n'arrivera pas non plus ? » Un pas de plus la coince contre la rambarde qui la sépare de la vue du public. A lui d'exposer ce qui est juste et ce qui sera un marché équitable selon ses termes. « Tu n'es pas ici pour jouer les petites révolutionnaires. Je ne sais pas ce que tu imagines mettre en place avec mon fils et je m'en fiche pas mal - tant que tu n'essaies pas de saborder ce que je mets en place pour son bien. » Saül n'a pas besoin d'agiter ses mains pour faire peur à Megan. De sa taille, il la dépasse déjà bien assez. « Tes petites manigances, ton air de petite conne, tous les mots que tu prononces et dont tu ne saisis pas les conséquences. Cela n'arrivera plus. » Il n'est pas nécessaire d'hausser le ton non plus. « Je crois que tu sous-estimes ce que je peux faire dans l'intérêt de mon fils. Et je vais m'assurer que ça non plus, ça n'arrive plus. » La fin de la réplique est accueillie par un silence choisi, apprécié à sa juste valeur et menaçant, qui plus est. « J'ai de très bons avocats, Megan. Et si tu crois que tes petites menaces me font peur, tu te trompes. En revanche, je crois que la femme de Russo sera très heureuse de recevoir les photos de toi et de son mari. Peut-être que je devrais en faire envoyer à ta mère aussi ? » Le regard de Saül n'a pas lâché Megan, mais c'est la pochette qu'il tient encore sous le bras qu'il serre doucement contre son flanc. « Le marché restera équitable si tu t'appliques à fermer ta jolie petite gueule. Et tu es plus jolie quand tu souris. » C'est un sourire qu'il attend, patiemment, assez penché en avant pour que son visage soit au même niveau que celui de Megan. « Souris. » C'est un ordre, petite conne.

how much are we supposed to tolerate ?
Megan Monroe & @Saül Williams

Sa sympathie est forcée et il ne tente même pas de le cacher, de me faire adhérer à une autre version de l’histoire. Il me méprise parce que je l’ai fais chanter, il me méprise parce que je ne ploie pas face à lui comme l’ensemble de son entourage, comme son fils et, surtout, il me méprise parce que nous n’appartenons pas au même monde. Si j’avais été docile, si j’avais courbé l’échine il m’aurait peut-être laissée tranquille : mais jamais je n’aurais eu à ses yeux de quoi m’offrir son respect. Je ne suis pas assez bien née pour ça.

Je ne suis rien à ses yeux de privilégié, et il me le rappelle à nouveau en refermant ses doigt sur mon bras et en resserant sa prise. Je suis dispensable. Je ne suis qu’un joli accessoire, qu’un objet qu’il exhibe pour convaincre les bien pensants de l’hétérosexualité de son fils. « Ne me fais pas croire que tu imaginais que tout ceci serait un mariage blanc. Je t'ai dit que tu mettais un pied dans un monde auquel tu n'appartenais pas. Il ne fallait pas t'en approcher en premier lieu. » Bien sûr que j’y croyais. Pour faire un vrai mariage, il faut être deux et ma première rencontre avec Damon m’a donné l’impression que si d’aventure je décidais de donner une chance à cette mascarade, je le ferais seule. Alors oui, à présent, il y met du sien. Mais ne sommes nous pas que deux étrangers que le sort a poussé l’un vers l’autre sans se soucier de nous trouver des atomes crochus ? Moi, j’ai été surprise de trouver un jeune homme doux, intéressé par autre chose que l’argent et facile à apprendre à apprécier. Mais lui, apprécie-t-il la moindre petite chose à mon sujet, l’héritier Williams ?

« Tu sais ce qui n'arrivera pas non plus ? »

Je recule, il avance et je fais quelques pas de plus en arrière. La scène a des allures de danse mais il n’en est rien : c’est une joute, un combat acharné, David contre Goliath et je ne me fais aucune illusion : l’histoire n’a pas la moindre chance de se répéter. Je le réalise lorsque je sens le fer froidd de la rambarde dans mon dos. « Tu n'es pas ici pour jouer les petites révolutionnaires. Je ne sais pas ce que tu imagines mettre en place avec mon fils et je m'en fiche pas mal - tant que tu n'essaies pas de saborder ce que je mets en place pour son bien. » Ses mots ne trouvent pas leur chemin jusqu’à mon esprit : je suis à la place bien trop occupée à jeter quelques coups d’oeil à droite et à gauche, cherchant un témoin à la scène ou une solution de repli. Je ne trouve ni l’un ni l’autre et, m’accrochant aux derniers lambeaux de mon assurance, je relève mon regard vers celui de l’homme d’affaires. « Tes petites manigances, ton air de petite conne, tous les mots que tu prononces et dont tu ne saisis pas les conséquences. Cela n'arrivera plus. » L’insulte siffle et je suis presque surprise de l’entendre de la bouche de l’italien guindé. Il se fiche bien des apparences à présent. Mais jusqu’à quel point ? « C’est vous qui m’avez choisie. » Sans que je n’ai cherché à mentir sur la marchandise. C’est lui qui m’a choisi pour épouser Damon, à cause de mon chantage mais certainement aussi parce qu’il a vu quelque chose en moi : je veux y croire. Et il ne peut pas être gagnant sur tous les tableaux : je ne peux pas endurcir le jeune homme en oublier celle que je suis. Je lui tiens encore tête, je garde encore mes yeux dans les siens, mais ce n’est guère plus que pour les apparences. Déjà, je sens mes jambes devenir plus légères. Il me fait froid dans le dos, mon futur beau père.

« Je crois que tu sous-estimes ce que je peux faire dans l'intérêt de mon fils. Et je vais m'assurer que ça non plus, ça n'arrive plus. » Dans l’intérêt de son fils. Il y croit, qu’il fait tout ça pour le bien être de Damon. Il en est persuadé et c’est peut être ça le pire. Son bonheur par contre arrive en dernière place des préoccupations de l’homme d’affaires. « Ce sont des menaces ? » Menace-t-il de s’en prendre à moi autrement qu’avec des remarques acides ? Physiquement ? J’ai le menton qui tremble, mais en dehors de ça la performance d’actrice est louable : je suis une dure à cuire. « J'ai de très bons avocats, Megan. Et si tu crois que tes petites menaces me font peur, tu te trompes. En revanche, je crois que la femme de Russo sera très heureuse de recevoir les photos de toi et de son mari. Peut-être que je devrais en faire envoyer à ta mère aussi ? » - « Il faut changer de disque, il est rayé. » Il a déjà menacé de faire éclater le scandale de ma liaison au grand jour. C’est comme ça qu’il m’a amenée à signer ce foutu contrat prénuptial. « Vous voulez vraiment qu’on reparte au point de départ ? » Ce qui est nouveau, c’est l’allusion à ma mère et nous le savons tous les deux. Ce qui est nouveau, c’est que je sais qu’il ne bluffe pas, lorsqu’il avoue à demi-mot savoir où la trouver. Il se trompe de menace, mais l’effet est pourtant réussi. Je me fiche de l’image qu’elle a de moi, mais j’ai terriblement honte d’elle, terriblement honte de mon passé et tout sauf envie qu’il soit exposé au vu et au su de tous. « Le marché restera équitable si tu t'appliques à fermer ta jolie petite gueule. Et tu es plus jolie quand tu souris. » A nouveau, j’ai un terrible pressentiment, une terrible impression, là, dans mon ventre qui se noue. Et il n’arrange rien en approchant son visage du mien, en m’empêchant presque de respirer en m’imposant une proximité que je ne désire guère. Je ne peux pas m’échapper, je ne peux pas reculer, je suis condamnée à rester là, à sentir son haleine de merde. « Souris. » Il est froid, il est presque calme mais pourtant je ne peux m’y tromper, c’est une ordre. J’ai envie de lui cracher au visage, mais pour la première fois de ma vie je suis frappée par ma raison au dernier moment. Je respire fort, je respire mal et je garde mon regard fixé dans le sien. Pense-t-il me faire plier de la sorte ? Croit-il vraiment que, derrière les portes closes, Damon a la moindre intention de jouer au mari parfait avec moi, quoi que je fasse ? Il est hypocrite, le sourire que je lui adresse. Je cède en surface, pour mieux apprendre à être discrète en profondeur. « Je dirais à Russo qu’il peut trouver quelqu’un d’autre pour satisfaire ses envie d’infidélité. » Je n’en ferai rien, mais beau papa va-t-il équiper toutes les caméras des hôtels de la ville ? « Mais vous me contrôlerez pas avec ce genre de manège. Vous pouvez même dire à ma mère que j’ai assassiné Kennedy, pour ce que j’en ai à foutre. » Doucement, en guettant le moindre geste brusque, je me dégage. « Vous pouvez sourire vous aussi. Vous avez gagné aujourd’hui. » Il est clair que le aujourd’hui a son importance. « Et vous avez trouvé à Damon quelqu’un pour l’endurcir. »

Quelqu’un pour le protéger de vous. Par extension.