Il y avait une première fois à tout, paraît-il. Et il y aurait désormais pour Tommy une première fois au fait de regretter de ne pas porter une robe. Rien à voir cependant avec un soudain désir de goûter aux joies du travestissement, non, la réalité était bien plus terre à terre et pratique que cela : elles ressemblaient à des gazelles, les filles qui virevoltaient d’une table à l’autre pour distribuer pintes de bières et autres cocktails baptisés pour l’occasion aux noms de célèbres chevaliers. Elles virevoltaient tandis que lui, ainsi que le reste des extras masculins engagés pour le week-end, se traînait péniblement dans une cotte de mailles et des chaussures inconfortables car trop lourdes – quelle injustice. On peinait à croire que des siècles en arrière les hommes se battaient dans cet accoutrement, tenant à bout de bras une épée trop lourde elle aussi, à moins d’avoir eu la chance d’hériter de talents d’archer.

Le talent de Tommy, lui, résidait dans le dosage des cocktails et dans cette capacité à devenir le meilleur ami de quiconque s’accoudait à son comptoir : des années de bons et loyaux services derrière celui du McTavish pour en arriver là, lui qui dans la vie de tous les jours avait toutes les peines du monde à lancer une conversation. C’était grâce au gérant du McTavish qu’il était là pour le week-end ; Bien que Tommy ait préféré voguer vers d’autres horizons, son ancien patron et lui étaient restés en bon terme, et l’homme pensait souvent à lui lorsqu’il entendait parler de boulots en extra. Jamais contre une rentrée d’argent supplémentaire, Tommy quant à lui sautait généralement sur l’occasion. Le plateau comptant deux pintes de pression, un Galaad qui n’était rien de plus qu’un Mojito rebaptisé pour l’occasion ainsi qu'un verre de soda venant tout juste de partir, le brun n’avait pas été mécontent de voir l’heure de la pause arriver. Il avait chaud, son costume médiéval le gênait dans ses mouvements, et bien qu’il soit parvenu à se défaire de son addiction à la cigarette il avait pris le même chemin que les afficionados du tabac pour rejoindre l’entrée secondaire et profiter d’un peu d’air frais.

Ça c’était pour la théorie, car en pratique son attention avait rapidement été attirée par ce qui ressemblait aux sanglots étouffés d’un enfant. À quelques mètres, assis sur un tas de paille, un garnement haut comme trois pommes pleurait à chaudes larmes en regardant autour de lui. « Eh bonhomme. Tout va bien ? Tu es perdu ? » Posant un genou au sol pour se mettre à la hauteur du bambin, Tommy avait reçu un hochement de tête entre deux hoquets en guise de réponse, et regardant à son tour autour d’eux il avait rassuré « Ne t’en fais pas, tes parents ne sont sûrement pas loin on va les retrouver. » Ses parents, sa nounou, son cousin, sa grande sœur ou peu importe d’ailleurs … Cet enfant appartenait bien à quelqu’un. Certains chevaliers avaient la quête du Graal, Tommy et sa cotte de maille, eux, avaient désormais un enfant à ramener à bon port … et avant la fin de sa pause, de préférence.

Maddy étouffe dans le corset de robe de princesse. Le résultat est incontestablement super sur la demoiselle mais ce n’est pas la tenue la plus confortable pour passer une soirée à boire entre amis. Mais que voulez-vous, elle s’est laissée entrainer par sa bande de potes. Elle en a eu marre d’entendre des « Allez Maddy, tu viens jamais, tu es constamment enfermée dans ta grotte avec ton chat » à répétition. Alors non, Maddy n’est pas une casanière de compétition. Elle apprécie sa nouvelle tranquillité. Elle ne vit pas non plus dans une grotte mais plutôt dans son atelier. Elle est une artiste, artiste souvent incomprise au passage. Elle aura tout fait et tout vu, fut un temps son visage était plutôt familier. Elle a eu son heure de gloire du temps où elle était actrice. Elle a fait son temps et surtout la vie en a décidé autrement. À présent elle est bien plus heureuse et épanouie dans ce qu’elle fait. La demoiselle travaille sur son prochain conte pour enfants. Elle ne sait pas encore tout à fait sur quelle thématique il va porter précisément mais elle y travaille dur. Mais quoi de mieux qu’une soirée médiévale et une robe de princesse pour trouver l’inspiration, non ? C’est ce qui l’avait convaincu à venir.

Maddy a une mission, elle veut offrir la prochaine tournée à ses amis. Elle essaye tant bien que mal de graviter entre tout ce beau monde avec les pans rouge bordeaux de sa robe. Elle y est presque, elle voit son but à quelques mètres d’elle sauf qu’elle se heurte à quelque chose. Sans doute un tabouret ou une table qu’elle n’a pas vu sur son passage avec sa tenue encombrante. « Aie ! Pardon. » Oui Maddy est le genre de personne qui s’excuse d’avoir cognée un objet, cependant elle relève ses deux grandes billes bleues pour découvrir la chose qu’elle avait heurté sur son passage. « Ah non vous n’êtes pas une table, ni un tabouret.. mais plutôt un chevalier. » Maddy pense à voix haute aussi, cela donne des jolies scènes de maladresse. Son regard oscille entre le grand gaillard et un enfant qui tenait la main de l’homme. Oh mon dieu, c’était lui qu’elle avait heurté. L’instinct maternel de la Griffiths revient immédiatement au galop et blondie se confond en excuses « Oh mon dieu ! Je suis désolée d’avoir bousculé votre fils ! » qu’elle s’exclame avant d’adresser un regard tendre vers le petit enfant déguisé en mini chevalier. Il est tellement chou que Maddy ne se rend pas compte -pour l’instant- que l’enfant en question ne ressemble pas du tout au fameux père. En même temps avec tous ces costumes, les apparences sont trompeuses. « Je ne t’ai pas fait mal petit bonhomme ? »

Trente ans de moins et Tommy aurait été le plus heureux des garnements, ainsi déguisé. Aujourd’hui il regrettait simplement que ni Scarlett ni Oakley ne soient à portée de main pour dégainer leur smartphone et immortaliser le chevalier éphémère qu’il était – sa fille devenait trop grande pour que la chose n’ait encore une chance de l’émerveiller, mais elle l’aurait au moins fait rire. Du côté du petit homme assis sur son tas de paille en revanche l’humeur n’était pas à rire, et de grosses larmes accompagnaient les hoquets désespérés que lui inspiraient le fait de s’être perdu. Pourtant ses parents ne devaient pas être loin – si les enfants échappaient à la surveillance de leurs parents ce n’était jamais pour très longtemps. « Ça fait longtemps que tu es là ? » avait tout de même demandé Tommy avec douceur, n’obtenant en réponse qu’un haussement d’épaules et un nouveau hoquet. « Tu viens ? On va chercher ensemble. » Si une partie du brun était un peu dubitative devant la facilité avec laquelle il avait convaincu le petit garçon de se saisir de sa main et de le suivre – ne lui avait-on pas appris à se méfier des inconnus ? – l’autre n’était pas mécontente de ne pas avoir à négocier ce premier point … Et au fond peut-être était-ce simplement le costume de chevalier qui inspirait confiance. Un pourfendeur de dragons ne pouvait pas vraiment être une mauvaise personne, et Tommy assurerait à qui voulait l’entendre que Microbe – son chat – avait parfois aussi mauvais caractère qu’un dragon de conte de fées. « Tu te souviens par où tu es ar-… » – « Aïe ! Pardon. » Une taverne, un chevalier, un garçon perdu et maintenant … Une princesse ? Entre le conte de fées et le début d’une blague sur qui tomberait à l’eau, son cœur balançait. « Ah non vous n’êtes pas une table, ni un tabouret … mais plutôt un chevalier. » Arquant un sourcil, Tommy n’avait pas pris le temps de tourner sept fois sa langue dans sa bouche pour demander « Désolé de ne pas être un tabouret … je suppose ? » Ils semblaient placés plus haut que les chevaliers dans la liste des choses auprès de qui (de quoi) s’excuser de les avoir bousculés. Reste que grand gaillard qu’il était le Warren n’avait pas été le plus bousculé des deux, son petit protégé (momentané) n’ayant quant à lui pas retrouvé pour autant l’usage de la parole. « Oh mon dieu ! Je suis désolée d’avoir bousculé votre fils ! Je ne t’ai pas fait mal petit bonhomme ? » Visiblement intimidé par l’arrivée de cette nouvelle inconnue – à moins que ce ne soit le fait d’avoir affaire à une vraie princesse – le garnement avait secoué la tête en se cachant à moitié derrière Tommy, et ce dernier avait rectifié aussitôt « Oh, non c’est pas mon … Il s’est perdu. On essaye de retrouver ses parents. » Lesquels devaient probablement être morts d’inquiétude. « Vous travaillez ici ? » Elle portait un costume, après tout. « Vous … n’auriez pas un mouchoir, par hasard ? » Pour parfaire le tableau, l’enfant venait en effet d’essuyer son nez qui coulait avec le revers de sa manche. « Je suis en pause, je vais pas pouvoir parcourir toutes les allées avec lui … » Était-il en train d’essayer de lui refourguer le gamin et la chasse au trésor sans la moindre vergogne ? Peut-être. L’enfant pourtant serrait fermement sa main de ses petits doigts, et le cœur de papa de Tommy se sentait déjà coupable à l’idée de refourguer le petit à la première inconnue tel un paquet de linge sale …

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« Désolé de ne pas être un tabouret … je suppose ? » Son teint vire au rouge, ce n’est pas du tout ce que Maddy a voulu dire. Pourquoi a-t-elle pensé à voix haute ? « Non.. je.. » Le petit enfant arrive dans le champs de vision de la blonde et la sauve de sa maladresse. Dieu merci. Son cerveau ne pense plus au précédent accrochage et s’oriente plutôt sur le petit garçon. Elle lui sourit doucement s’excusant de l’avoir bousculé, cependant il se cache derrière le grand chevalier. « Oh, non c’est pas mon … Il s’est perdu. On essaye de retrouver ses parents. » Ses yeux s’arrondirent, non pas parce qu’elle a fait une mauvaise supposition mais plutôt pour la seconde partie de la réplique masculine. L’enfant s’est perdu, il est sans ses parents. Sa mission initiale tombe soudainement à l’eau et Maddy ressent le besoin d’aider l’âme égarée. Son instinct maternel a parlé, l’alcool attendra. « Vous travaillez ici ? » Elle secoue la tête des deux côtés. « Non, je suis venue avec des amis et vous ? » qu’elle lui demande déposant son regard sur le chevalier qui doit bien faire une tête de plus que blondie. « Vous … n’auriez pas un mouchoir, par hasard ? » Maddy fouille dans les pans de sa robe, malgré son costume d’époque ce dernier est plutôt bien pensé et elle sort un mouchoir en tissu d’une poche. Elle s’accroupie pour être à la hauteur du petit garçon. Elle s’adresse d’une voix douce à l’enfant. « Salut toi, je m’appelle Maddy et toi ? » Elle lui tend ledit mouchoir avec délicatesse. « Tiens c’est pour toi, je te l’offre. Il te sera utile, il ne faudrait pas salir l’armure du chevalier.. » Trou noir, comment s’appelle-t-il ? Elle redresse un instant ses deux billes bleutées en direction du chevalier en question pour qu’il termine sa phrase. Timidement le petit garçon attrape le mouchoir et essuie les larmes qui perlent ses petites pommettes rosies. « Je suis en pause, je vais pas pouvoir parcourir toutes les allées avec lui … » Maddy se relève aux mots masculins. Était-il réellement en train de lui refourguer l’enfant ? Elle comprend par la même occasion qu’il travaille à la taverne. La princesse d'un jour n’est pas de cet avis, alors elle lui ajoute d’une voix posée. « A deux on sera plus efficaces pour retrouver ses parents, quitte à rallonger votre pause. » La bouche masculine est sur le point de répliquer que Maddy prend les devants. « Et si votre patron n’est pas content, j’irai lui toucher deux mots. » Lorsqu’il s’agit d’enfants la Griffiths est prête à tout quitte à attirer les foudres d’autrui, mais il est hors de question pour Maddy de laisser cet enfant seul livré à lui-même.

La place du garnement perdu, Tommy l’avait expérimenté à de – trop – nombreuses reprises lorsqu’il n’était lui aussi pas plus haut que trois pommes. Et là où la mésaventure aurait servi de leçon à n’importe quel enfant sage, le brun lui avait rapidement compris qu’il tenait là un moyen imparable de s’accaparer l’attention de ses parents, lesquels étaient bien trop occupés à couver la benjamine et à vénérer l’aîné pour consacrer au troisième de la fratrie l’intérêt que celui-ci estimait mériter. Il avait bien fallu compter avec quelques punitions et quelques fessées, certes, mais pendant les brefs instants que duraient sa disparition dans les allées d’un supermarché ou dans la foule d’une fête foraine, petit Tommy avait l’assurance que les pensées de son père et de sa mère étaient entièrement tournées vers lui – et ça, cela n’avait pas de prix. Pour autant, les sanglots désespérés de son petit acolyte du jour indiquaient au brun que celui-ci ne se rangeait pas dans la même catégorie que lui, et s’ils n’étaient pas coutumiers du fait de lui courir après ses propres parents devaient être morts d’inquiétude. « Non, je suis venue avec des amis et vous ? » avait de son côté indiqué la princess-like venue se joindre à eux par maladresse, et manquant sans doute un peu de tact le brun avait répondu « J’me serais pas déguisé comme ça par plaisir. » en réalisant un peu tard que c’était justement ce que la blonde avait fait, elle. « Enfin j’veux dire … » Oh, et puis rien. Elle l’avait comparée à un tabouret, il avait remis en question le bien fondé de se déguiser en héros moyenâgeux passé l’âge de dix ans … Un partout, la balle au centre, comme disaient certains. Reniflant en s’essuyant le museau avec sa manche l’humain miniature avait vite fait d’accaparer à nouveau l’attention, et quémandant auprès de la jeune femme pour un mouchoir à défaut d’en avoir lui-même il l’avait laissée tendre le bien précieux au petit garçon en se mettant à sa hauteur. « Salut toi, je m’appelle Maddy et toi ? Tiens c’est pour toi, je te l’offre. Il te sera utile, il ne faudrait pas salir l’armure du chevalier … » Hésitant un instant, l’enfant s’en était saisi sans que sa langue ne se délie pour autant, prenant peut-être un peu trop au pied de la lettre le fait de ne pas devoir parler aux inconnus. « C’est toujours au chevalier le plus brave que la princesse donne son mouchoir, tu en as de la chance. » avait de son côté fait remarquer Tommy avec attendrissement, passant brièvement ses doigts dans la tignasse blonde du garnement pour la remettre en ordre comme il l’aurait fait avec son propre rejeton. « Merci. » avait-il ensuite adressé à la dénommée Maddy, non sans faire remarquer ensuite que puisqu’il n’était pas là par simple plaisir contrairement à elle, il n’allait pas pouvoir parcourir toute la foire en long et en large à la recherche des parents du garçon … Pas s’il espérait être payé l’intégralité de ce qu’on lui avait promis à l’embauche, en tout cas. « À deux on sera plus efficaces pour retrouver ses parents, quitte à rallonger votre pause. » Plus sûre d’elle qu’elle ne l’avait montré au premier abord, elle avait ajouté d’un ton résolu « Et si votre patron n’est pas content, j’irai lui toucher deux mots. » et arraché à Tommy un bref éclat de rire « La princesse à la rescousse du chevalier, c’est très vingt-et-unième siècle. » Pas sûr que le dit patron voit cela du même œil, cela dit … Mais soit, pour l’heure il avait encore quelques minutes devant lui, et les parents du petit ne pouvaient pas être bien loin. « Tommy. » avait par ailleurs fini par se présenter le Warren en tendant une main vers la blonde. Et comme si la rime qui se profilait lui brûlait soudainement trop la langue pour y résister, la petite voix entre eux avait fini par s’élever timidement « Sammy. » Ils avaient changé, les trois mousquetaires. « On aurait voulu le faire exprès, on n’aurait pas fait mieux. » Frottant ses yeux, rouges d’avoir pleuré, le petit avait tiré sur un pan de la robe de la blonde et demandé d’une petite voix « Est-ce que tu es une vraie princesse ? » tandis que Tommy utilisait toute la volonté qui lui restait pour ne pas se fendre d’un « awww » attendri.

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« J’me serais pas déguisé comme ça par plaisir. » Elle fronce légèrement des sourcils à la réplique masculine. « Enfin j’veux dire … » Elle se pince les lèvres retenant une moue vexée, Maddy fait abstraction de ce commentaire maladroit. Ce n’est pas le moment de se prendre la tête. L’instinct maternel de la Griffiths est en éveille. Elle ne comprend pas comment des parents ont pu oublier de surveiller leur progéniture. A cet instant, elle ne laisse aucune chance au bénéfice du doute et que le chevalier miniature se soit accidentellement perdu dans cette foule déguisée. Maddy n’a jamais été une mère, mais elle est convaincue que si un jour cela lui arrive, elle ne quittera pas des yeux son propre enfant. Bon okey, peut-être que Maddy est le cliché de la maman poule un peu alarmiste sur les bords. Elle s’accroupie pour se mettre à la hauteur du gamin et lui parle d’une voix douce et bienveillante. En un sourire, elle tend délicatement le morceau de tissu en guise de mouchoir. « C’est toujours au chevalier le plus brave que la princesse donne son mouchoir, tu en as de la chance. » La main masculine vient se perdre un instant dans la tignasse du garnement. Elle oublie la précédente altercation et se concentre sur le bien-être du petit bonhomme. « Merci. » Elle se relève accordant un sourire au grand chevalier mais ce rictus sur son visage s’évanouie lorsque l’homme lui fait comprendre qu’il n’a pas forcément beaucoup de temps devant lui pour retrouver les parents disparus. Ni un, ni deux, Maddy impose son plan : ils vont retrouver les parents de l’enfant ensemble. « La princesse à la rescousse du chevalier, c’est très vingt-et-unième siècle. » Les propos masculins lui arrachent un sourire. Blondie se détend quelque peu. « Exactement, on n'est plus au Moyen-Age Tommy. » qu’elle lui répond en serrant sa main en retour. Une petite voix s’élève entre eux et le timide décide enfin de se présenter « Sammy. » Son cœur est attendri et un sourire se dessine sur le visage de la princesse. Elle est amusée par la ressemblance de leurs trois prénoms. Le destin a donc décidé de les réunir au milieu de cette foule médiévale aujourd'hui. « Est-ce que tu es une vraie princesse ? » Maddy n’a pas qu’une seule corde à son arc. A défaut de pouvoir être une mère, elle a été une actrice fut un temps. Il est facile pour elle de s’imprégner d’un rôle le temps d’une soirée. « Bien sûr que oui et comme tu peux le voir Tommy est mon chevalier. » Son regard se tourne vers le jeune homme l’incitant à improviser également. Elle espère qu'il ne le prendra pas mal. « Et on va t’aider à retrouver tes parents. » Son sourire se veut réconfortant. On ne laisse pas des âmes perdues dans le royaume de la princesse. « Tu te souviens où étaient tes parents avant que tu te perdes ? Comment sont-ils déguisés ? » Le petit garçon se met alors à décrire ses parents. Son père est déguisé en Merlin l’enchanteur et sa mère en elfe. Maddy se pince les lèvres. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Il y a littéralement une dizaine de Merlin l’enchanteur dans la taverne et une trentaine de femmes déguisées en créatures magiques. Le trio se lance alors dans leur quête, de part et d’autre Tommy et Maddy tiennent une main de l’enfant pour ne pas le perdre, mais leur chemin est semé d’embuches. Le premier drame arrive lorsque les trois mousquetaires rencontrent -ou plut s'entrechoquent- avec une princesse complètement éméchée. Le petit Sammy se prend les pieds dans la longue traine de la robe de la princesse. Il tombe à genoux et crée une espèce de contre-poids, ce qui provoque le déséquilibre de la demoiselle et son verre de vin se renverse littéralement sur sa magnifique tenue. On dirait une scène de crime, l'élixir rouge coule le long des pans de la robe et se déverse sur le sol en pierres. D'un côté la demoiselle hurle au scandale et de l'autre le petit Sammy se remet à pleurer. Catastrophe.

les dés ont décidé le fail:

C’était l’un de ces regrets avec lesquels Tommy ne ferait probablement jamais la paix : le fait que ses mauvaises décisions l’aient privé de tout un tas de souvenirs qu’il aurait normalement dû partager avec sa fille. L’âge où l’on commençait à s’émerveiller des histoires racontées le soir avant de dormir était aussi celui auquel le brun avait dû laisser, à contrecœur, la garde de Moïra à son frère aîné ; Et lorsqu’il avait retrouvé la liberté et arraché à Marius la fillette qu’il avait tenté de s’accaparer, cette dernière rechignait à écouter un adulte faire son cinéma au chevet de son lit. Le temps que père et fille s’apprivoisent à nouveau suffisamment, cet âge avait été révolu et jamais au bout du compte Tommy n’avait-il eu l’occasion d’imiter tour à tour la grosse voix du dragon et celle fluette de la princesse. Et sans doute y’avait-il un peu de cela dans la facilité avec laquelle le brun s’était laissé attendrir par l’innocente question de Sammy et la candeur avec laquelle il posait les yeux sur la blonde s’étant ajoutée à leur duo. « Bien sûr que oui et comme tu peux le voir Tommy est mon chevalier. » La bouche du brun s’était ouverte, prête à bafouiller, avant qu’elle regard de Maddy ne l’en dissuade. « Hmhm. » avait-il alors simplement confirmé d’un hochement de tête, de plus en plus résigné quant au fait que sa pause risquait de déborder et que l’excédent serait déduit de son salaire. Mais soit, il aurait aimé qu’on en fasse de même pour Moïra si la situation avait été inverse, aussi s’était-il laissé embarquer  lorsque la jeune femme avait repris « Et on va t’aider à retrouver tes parents. Tu te souviens où étaient tes parents avant que tu te perdes ? Comment sont-ils déguisés ? » À leur grande surprise la langue du garnement s’était aussitôt déliée, peut-être en estimant que parler à une princesse et à un chevalier, ce n’était pas vraiment comme parler à des inconnus … « Un Merlin l’enchanteur et un elfe … Bon, bah y’a plus qu'à. » Plus qu’à chercher une aiguille au milieu d’une botte de foin remplie d’aiguilles, oui.

Bien qu’ayant déjà largement eu l’occasion de s’en rendre compte à mesure qu’il avait servi des verres, force avait été de constater pour Tommy que plus de personnes qu’il ne l’aurait imaginé étaient séduites par l’idée de se déguiser. Soit. Si les enchanteurs et les elfes ne manquaient pas dans la cohue de l’après-midi, les princesses elles aussi étaient légion, mais pas toutes aussi sympathiques que celle dont Sammy et lui étaient accompagnés … En était pour preuve celle qui, déambulant sans trop regarder devant elle, laissait le voilage de sa robe traîner nonchalamment derrière elle sans se soucier de qui ou de quoi s’y accrocherait. Les pieds maladroits d’un enfant, par exemple, et un drame survenu presque au ralenti mais qu’aucun des protagonistes n’avait été en mesure d’empêcher. « Ma roooooobe ! Vous ne pouvez pas lui apprendre à regarder où il met les pieds, à ce gosse ?! » À peine sèches de sa précédente crise de larmes, les joues de Sammy s’étaient mouillées à nouveau tandis que, les quatre fers en l’air, il massait ses petits genoux endoloris par la chute. « On en reparle quand vous aurez appris à regarder devant vous ? » Laissant à Maddy le soin d’aider le petit garçon à se remettre debout, Tommy s’était dressé entre eux et la princesse mal-élevée d’un air sévère. « Z’avez la moindre idée de combien va me coûter le pressing pour nettoyer ça ? C’est ton morveux qui va payer ? » Elle avait l’air à peine majeure, à bien y regarder, et les réflexes de barman revenant au galop il avait repris « Vous feriez mieux de dégager avant que j’appelle la sécurité, sinon y’a pas que du vin qui risque de tâcher cette robe quand vous finirez en cellule de dégrisement. » Et si elle avait déjà mis les pieds dans un tel endroit, elle voyait probablement de quoi il voulait parler.

Mais les taches de vin rouge de Miss Bordeaux n’étaient pas le bout des peines du trio, car si la princesse éméchée avait préféré battre en retraite devant la menace d’appeler la sécurité une autre voix – d’homme, cette fois-ci – avait interpelé les trois mousquetaires d’un ton menaçant « Lâchez mon fils tout de suite ! » Fausse barbe grise de travers et chapeau à la main, un Merlin de mauvaise humeur avançait dans leur direction en les pointant du doigt, lui donnant des airs de Gandalf et son « you shall not pass » plutôt que du gentil barbu en chemise de nuit bleue de Walt Disney. « Qu’est-ce que … ? » Mais comment en vouloir au bonhomme ? Les apparences étaient contre eux, Sammy sanglotait la main de Maddy dans la sienne et celle de Tommy sur son épaule, et ils auraient tout aussi bien pu être en train de l’aider que d’essayer de le kidnapper. « Sammy ! Viens là ! » Ne sachant plus où donner de la tête mais en oubliant de continuer à pleurer, le garnement avait jeté un regard surpris mais soulagé « Papa ! » Soit, tout cela n’était qu’un malentendu qui ne demandait qu’à être dissipé … Mais décidant visiblement de ne pas en louper une, la princesse casse-pied avait à nouveau fait des siennes « Oh mon dieu ! Ils essayaient d’enlever cet enfant ? Appelez la sécurité ! » Mais quelle sale petite peste. « C’est une blague ? » La question, adressée à Maddy autant qu’à lui-même, ne changeait plus rien au fait que tous les regards aux alentours étaient maintenant vrillés sur eux, et voilà que de bons samaritains ils risquaient de passer pour de grands méchants loups.

Spoiler:

@MADDY GRIFFITHS

Chevalier Tommy et Princesse Maddy se lancent dans cette nouvelle quête en compagnie du petit Sammy. La tâche est plus délicate que prévue et leur chemin est parsemé de pièges en tous genres. Le premier se matérialise par une princesse complètement éméchée, bien loin de la légendaire princesse douce et calme que l’on peut retrouver dans les contes. Tiens, cette aventure pourrait devenir une nouvelle source d’inspiration pour son prochain ouvrage. Maddy garde cette idée dans un coin de sa tête.

Revenons à nos moutons, l’horrible princesse se met à geindre de toutes ses forces. Maddy roule des yeux, exaspérée. « Ma roooooobe ! Vous ne pouvez pas lui apprendre à regarder où il met les pieds, à ce gosse ?! » Blondie n’a le temps de rétorquer, que son instinct maternel s’oriente vers le petit Sammy qui s’est entremêlé les pieds dans la robe de la princesse maudite. Il y a une espèce de brouhaha entre les cris de la femme et les pleurs de l’enfant. Une vraie cacophonie. « On en reparle quand vous aurez appris à regarder devant vous ? » Les yeux de Maddy s’arrondirent face à la voix masculine qui s’élève dans les airs sur un ton sévère. L’australienne ne préfère rien dire et s’approche de Sammy pendant que Tommy fait rempare entre la princesse en furie et eux. Elle s’approche du petit garçon et l’aide à se relever. Silencieuse, elle inspecte ses genoux. Plus de peur que de mal. Aucune trace de sang ou d’égratignure. « Tu vas bien Sammy ? » qu’elle lui demande d’une voix douce et bienveillante, tout le contraire de l’autre folle. « Z’avez la moindre idée de combien va me coûter le pressing pour nettoyer ça ? C’est ton morveux qui va payer ? »  Aux mots féminins, elle met ses deux mains sur les oreilles du petit garçon, il ne doit pas entendre de telles horreurs. Maddy veut répliquer mais Tommy est plus rapide qu’elle. C’est peut-être mieux ainsi. Elle juge plus sage de surveiller Sammy, qu’il ne s’enfuit pas de nouveau face à cette altercation. « Vous feriez mieux de dégager avant que j’appelle la sécurité, sinon y’a pas que du vin qui risque de tâcher cette robe quand vous finirez en cellule de dégrisement. »

Maddy pousse un soupir de soulagement et passe une main sur son front. Elle n’a pas fait grand-chose et elle remercie intérieurement la présence de Tommy. « Ouf, on l’a échappé belle. » qu’elle adresse -un peu trop vite- au chevalier en croisant son regard. La princesse n’a pas assez surveillé ses arrières qu’une nouvelle voix arrive à l’assaut. « Lâchez mon fils tout de suite ! » Un Merlin fonce droit sur eux brandissant son bâton. « Oh mon dieu.. c’est lui ? » Son père, elle veut dire, mais pas besoin de la suite pour comprendre ses pensées. « Qu’est-ce que … ? » Elle regarde Tommy. Elle aussi, elle est sans mot face à cette vision. Maddy sent la main de Sammy trembler dans la sienne. Elle sent son hésitation mélangée au soulagement de revoir l’un de ses parents. « Sammy ! Viens là ! » La main de Sammy lâche celle de Maddy, et elle a sa réponse, comme une évidence. « Papa ! » La suite des événements s’enchainent d’une façon assez surprenante et incompréhensible. La Griffiths passe du soulagement -d’avoir retrouvé les parents de Sammy- à l’énervement face à la princesse en furie, cette dernière jouant dangereusement avec sa patience. « Oh mon dieu ! Ils essayaient d’enlever cet enfant ? Appelez la sécurité ! » « C’est une blague ? » Maddy décide de prendre la situation en main et se penche vers l’enfant. « Sammy, va rejoindre ton papa, tu as été un courageux garçon. » Elle lui sourit avant de pousser légèrement sur son épaule l’incitant à franchir ce champ de bataille et rejoindre son papa. A présent, c’est à Tommy et Maddy de se sauver de cette épineuse situation. Blondie intercepte un serveur qui passa sur leur chemin et s’empare d’un verre de vin. Elle regarde la princesse de haut en bas avant de renverser d’un geste théâtrale le contenu du verre sur la robe. « Il manquait une touche finale, je trouve. » qu’elle lance sarcastique. La princesse est sans mot. Maddy est souriante et pendant un instant elle a l’impression de retourner dans le passé, au temps où elle écrit actrice. Ce n’est qu’un rôle, une scène qu’elle interprète pour se sauver. Elle se tourne vers Tommy cette fois-ci et attrape sa main. « Maintenant, c’est le moment où on se sauve. » s’ils veulent en ressortir vivants. Ni un, ni deux, Maddy tire sur la main masculine avant d’entrainer Tommy dans une course, ou plutôt leur fuite.

Il ne connaissait Sammy que depuis quelques minutes, un quart d’heure tout au plus, et il était prêt à le laisser à la charge de la première blonde en costume de princesse venue sans la moindre hésitation, mais malgré cela il avait suffi d’un geste maladroit et d’une phrase un peu trop vindicative de la part d’une inconnue pour réveiller ses instincts de père. Il n’y avait pourtant pas mort d’homme, tout juste une tache de vin qu’un simple passage en machine ne suffirait peut-être pas à résoudre, mais la cohue ambiante et la quantité d’alcool ingurgitée par leur interlocutrice suffisait à échauffer un peu les esprits. Un court instant le trio pensait cependant s’être débarrassé du problème, Maddy se fendant même d’un « Ouf, on l’a échappé belle. » soulagé, avant que l’irruption brusque du père de Sammy ne vienne rebattre les cartes. Car loin de sembler reconnaissant à l’idée que deux bonnes âmes aient veillé sur sa progéniture en attendant qu’il la retrouve, le Merlin du dimanche semblait s’être fait une fausse idée de la situation, et de bons samaritains les deux mousquetaires adultes étaient désormais à ça de passer pour des kidnappeurs d’enfants. « C’est pas du tout ce que vous croyez. » avait-il alors vainement tenté de justifier tandis que les regards des badauds se tournaient vers eux avec suspicion. « Sammy, va rejoindre ton papa, tu as été un courageux garçon. » avait de son côté poussé Maddy, l’enfant s’exécutant docilement entre soulagement de retrouver son paternel et incompréhension de la situation.

La chose la plus raisonnable à faire aurait probablement été d’attendre que le garnement explique lui-même la situation et les dédouane tous les deux auprès de son géniteur. La réalité, elle, était toute autre – et si Tommy semblait plus tétanisé qu’un lapin dans les phares d’une voiture, un tête-à-tête avec un policier même pour un malentendu étant l’une des dernières choses auxquelles il tenait à se confronter, la blonde avait quant à elle décidé de prendre le taureau par les cornes et de donner une bonne leçon au véritable dragon de cette épopée chevaleresque contemporaine. Verre de vin en guise d’épée et nouvelle tache indélébile comme blessure, la robe de celle qui les avait importunés en premier lieu venait de faire les frais du manque de savoir-vivre de sa propriétaire … « Il manquait une touche finale, je trouve. » Presque aussi bouche bée que leur “victime” Tommy scrutait Maddy avec un mélange de surprise et … d’admiration. Pour autant, lorsqu’elle l’avait attrapé par la main en s’exclamant « Maintenant, c’est le moment où on se sauve. » il n’avait pas réfléchi et s’était élancé avec elle, tentant au mieux de se frayer un passage dans la foule pour mettre autant de distance que possible entre eux et l’affreux dragon en jupon.

Avait-on la moindre idée de l’enfer qu’était le fait de courir en portant une cotte de mailles ? C’était encore pire que de servir des pintes avec, ou au moins était-ce l’impression qu’en avait le brun après quelques centaines de mètres à fendre la foule dans cette tenue. De la main qui ne tenait pas la sienne, Maddy semblait quant à elle maîtrise admirablement l’art de courir en robe de princesse, et lorsqu’enfin ils avaient fini par s’immobiliser pour reprendre leur souffle et leurs esprits il n’avait pu s’empêcher de faire remarquer entre deux respirations « On croirait que tu as fait ça toute ta vie. » Courir en robe, ou jeter des verres de vin au visage de harpies, d’ailleurs – les deux se tenaient. Quelques secondes avaient continué de s’écouler ensuite, avant qu’il ne réalise subitement qu’il n’avait toujours pas lâché la main de la blonde : bafouillant un « Oh, pardon. » il la lui avait aussitôt rendue, le peu de contenance dont il était doté en présence de Sammy semblant subitement s’être envolé maintenant que la jeune femme et lui étaient en tête à tête. « Bien, je … C’était inattendu, comme pause. » Bien plus que l’habituel café-clope auquel il ne s’attelait même plus depuis qu’il tentait de se sevrer du tabac. « Merci de m’avoir aidé, avec le petit. » Restait juste à espérer que le père n’allait pas revenir à la charge pour leur créer des histoires. « Faut que je retourne bosser … et puis tes amis doivent s’imaginer que tu es perdue toi aussi, depuis le temps. » avait-il finalement ajouté d’un ton hésitant, ne sachant pas trop comment prendre congé mais s’attendant déjà à ce qu’on lui tombe dessus pour la longueur de sa pause.