| feeling my way through the darkness (noa #2) |
| | (#)Dim 18 Juil 2021 - 18:46 | |
| La nouvelle lui est parvenue la veille au soir. Ses pieds se sont dérobés sous son poids, sans même que la présence en elle du moindre enfant ne soit venu ajouter un gramme supplémentaire. Lily n’a pas eu l’idée de garder la face, tout allait bien trop vite dans son esprit pour qu’elle ne prenne le temps de se demander l’image qu’elle était en train de rendre. Lorsqu’on devient veuve, ce n’est pas ce à quoi on pense. Elle l’a appris douloureusement, ses yeux rendus toujours plus bleus à cause des larmes accumulées. La jeune femme sait que toute la tristesse du monde ne saurait ramener son mari mais elle n’a pas eu la force de se contrôler. Pas cette fois. Déjà, elle se demandait quoi dire à sa famille, à ses amis, aux employés du bar. Elle allait devoir les en informer un à un, processus long et difficile auquel elle n’aurait jamais cru avoir à participer. La nuit ne l’a pas laissée entrevoir le moindre sommeil, elle l’a occupée à gribouiller des mots sur toutes les feuilles qu’elle trouvait. Des débuts d’explications, des éloges funèbres, des souvenirs, des anecdotes. Des excuses, aussi, pour ne pas avoir pleinement su le rendre heureux la dernière année de sa vie. Les papiers se sont abîmés sous ses larmes, ils sont tous gondolés. Ses mains, elles, ont rapidement envoyé voler tous les stylos dans un coin ou l’autre de la pièce, par pure exaspération.
Le soleil levant est synonyme de journée qui débute ; aux aurores, comme toujours. S’il avait encore été là, il aurait déjà repris sa planche sous le bras pour profiter des vagues sans les touristes paresseux. Ils ne l’ont même pas retrouvée, sa planche. Tant mieux, Lily ne veut pas la voir. Elle n’a pas le temps pour ça, de toute façon. Déjà, elle se prépare pour partir au travail, appliquant une couche de maquillage supplémentaire sur ses yeux rouges et fatigués tant par le manque de sommeil que par tout le reste. Il semble pourtant inconcevable de ne pas aller travailler en ce jour, surtout pas alors que ses journées se déroulent non loin de Noa, la meilleure amie de son mari. Est-ce qu’elle a encore le droit de le considérer comme son mari ? Elle a encore du mal à se rendre compte qu’elle ne le reverra plus jamais, ce ne sont pas des questions qui trouveront réponse avant bien longtemps. Lily sait que sa priorité reste d’en informer ses proches ; ce n’est pas le genre de secret qu’elle a le droit de garder pour elle. Pas cette fois. Pas lorsque cela a rapport à Matt et qu’il aurait voulu le meilleur pour tout le monde, comme à son habitude. Il faut arracher le pansement, voilà ce qu’elle doit faire. Ne reste plus qu’à se concentrer sur le comment, pensées qui occupent son esprit lors du trajet la menant jusqu’aux bureaux de l’association.
Elle est en avance, comme toujours. Parfaitement habillée de ses talons autant que de sa jupe, comme toujours. Maquillée sans que ce soit grossier, comme toujours. Cette fois, pourtant, elle ne laisse pas Noa prendre son habituel café avant de l’accabler de toutes ses paroles et annonces de la journée. Elle a toujours respecté son rituel jusqu’à aujourd’hui mais le contexte plus particulier que jamais la force à s’engouffrer dans le bureau de la Jacobs à sa suite, sans même lui en demander l’autorisation ni lui laisser le loisir de l’en dégager.
Lily respire fort, se mord les lèvres, peine à garder ses pupilles stables. Ses paupières ne savent plus rester calmes, ses doigts s’agitent entre eux dans des mains qu’elle garde dans son dos. La porte, elle, se referme le plus doucement possible, parfaite contradiction avec le séisme qu’elle vient apporter. “Assis toi Noa, s’il te plaît.” Elle veut lui éviter de tomber, utilisant une voix aussi stable qu’elle en est encore capable. Le résultat est médiocre, tout sauf digne de l’actrice qu’elle a toujours été. Maintenant, sa bouche s’ouvre et se referme sans qu’aucun son n’en sorte. La vérité, c’est qu’elle n’a aucune idée de quoi lui dire, encore moins de comment débuter une telle discussion. “C’est à propos de Matt.” La dernière fois qu’elle a entendu ce prénom prononcé, c’était par un policier qui y a rajouté un ‘hew’. Ils ne savent pas, eux, que personne n’appelle jamais Matt par son prénom complet. “Il est parti surfer, hier.” Elle devrait en venir à la conclusion avant de conter l’histoire allant avec mais elle est lâche, Lily, et elle tente de gagner du temps là où elle le peut encore, la voix tremblante. “Il … On m’a dit qu’il s’était cogné la tête. Ils pensent ça. Je sais pas, j’étais pas là. Il …” Elle n’a pas vu son corps. Pas encore. Elle ira, c’est promis, mais elle a besoin de temps. Pour le moment, Lily se contente du récit des policiers. Elle n’a aucune raison de douter de leur parole : ce n’est pas comme si les freins de sa voiture avaient été coupés. “Il reviendra pas, Noa. Il reviendra plus jamais.” Et à nouveau les larmes reviennent sans qu’elle ne cherche à les chasser. Certains mots sont plus compliqués que d’autres à prononcer, encore plus lorsqu’il s’agit d’avouer que son mari est mort. |
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 20:34 | |
| Cette soirée d’hier avec été parfaite, retrouver Isaac et Josh m’avait fait le plus grand bien et cette taverne nous avait réellement plongée au Moyen Age. Une ambiance où y s’y serait vraiment cru avec tout le personnel habillé comme à l’époque, une parfaite immersion. J’avais envisagé d’y retourner avec Greg d’ici peu de temps, j’étais persuadée qu’il apprécierait à la fois la carte des bières mais aussi les planches qui y étaient proposées. Une petite concurrence à son bar qui se lançait depuis quelques semaines à présent, mais c’était un tout autre décor qui s’y présentait et un événement exceptionnel pour Brisbane. J’étais aussi curieuse de me rendre aux ateliers d’artisans, très curieuse de voir comment travaillait les maitre d’œuvre à cette époques et aussi, intéressée s’il était possible d’y mettre la main à la patte. J’avais prévu d’en parler aujourd’hui à l’association, peut être que quelques bénévoles seraient partant pour organiser une sortie avec un groupe. C’est d’ailleurs avec de belles cernes que je me pointe au travail aujourd’hui, petite nuit derrière moi, si ce n’était pas à cause de l’alcool, j’ignore pour autant ce qui m’avait empêcher de dormir à point fermé. Impossible de fermer l’œil pendant un moment lorsque j’étais rentrée et je m’étais reveillée à plusieurs reprises dans la nuit, choses assez rares, mais pas exceptionnel en soit. Ceci dit, ce matin, le réveil avait été compliqué et j’avais manqué une fois de plus d’arriver en retard au travail. Je me dans l’entrée, fait signe à l’hotesse d’accueil que je suis bien arrivée, si on me demande, je suis disponible d’ici cinq minutes, le temps de me poser, de prendre mon café et tout serait en route. Petit rituel que tout le monde connait ici et dont je ne dérogeais que rarement. Sauf que j’avais à peine posé mon sac à main dans mon bureau qu’une ombre se dessina juste derrière moi, lorsque je me retourne, c’est Lily que j’aperçois, mine déconfite et fatiguée. Je fronce les sourcils, récupère mon badge pour la machine. « Salut Lily. » j’étais prête à ressortir du bureau pour aller chercher mon saint grâle, mais elle en avait décidé autrement. “Assis toi Noa, s’il te plaît.” Je fais une pause, stoppée dans mon élan, je la regarde un instant, sa voix me percute, me secoue un peu, je ne cherche pas à comprendre et je vais, docilement m’assoir. “C’est à propos de Matt.” Aucune réaction, j’attends la suite. “Il est parti surfer, hier.” L’intonation, son regard, ses gestes. Est-il arrivé quelque chose à Matt ? Un accident ? Il est à l’hopital ? Toujours casse-cou et téméraire, rien ne peut jamais le ramener à la raison, je lui disais souvent pourtant que le surf n’étais plus de son âge. “Il … On m’a dit qu’il s’était cogné la tête. Ils pensent ça. Je sais pas, j’étais pas là. Il …” j’étais prête à reprendre mon sac, à conduire Lily à l’hopital pour aller le voir, pour le soutenir et pour nous assurer que tout allait bien, j’avais déjà la hanse entre mes doigts, sur le point de me lever. “Il reviendra pas, Noa. Il reviendra plus jamais.” Je lâche tout. Pas de réponse. Je lâche tout, je reste assise, je suis silencieuse, sa phrase résonne, un écho qui insiste, pour me pousser à réagir. Mon cœur se serre, petit à petit chaque sentiment s’empare de moi et je comprends. L’arythmie, la poitrine qui bat, mon sang n’a pas le temps de parcourir tout mon corps qu’il en redemande. Mes yeux s’imbibent. C’est douloureux. Qu’est-ce que je suis censée dire ? « Est-ce que tu veux ta journée ? » vraiment ? On parle professionnel là ? J’imagine juste qu’elle n’a pas envie d’être ici tout comme je n’ai plus envie d’être ici. Je lui disais bien qu’il était trop vieux. Et pourtant, dans ses yeux, dans son sourire, dans ses paroles et ses gestes, toujours ce gamin attachant qu’on aimait tant. Que j’aimais tant. « J’suis désolée Lily. » et désolée de quoi ? Désolée qu’elle se retrouve seule, désolée qu’elle ait perdu son mari, désolée qu’elle doive à présent porter cette douleur. C’est douloureux. Je finis par bouger, par me lever et là, mon premier reflex c’est de prendre Lily dans mes bras et de m’écrouler contre son épaule, et si elle le souhaite, elle peut en faire autant. « je peux pas le croire. »
|
| | | | (#)Lun 19 Juil 2021 - 16:23 | |
| Elle n’entend pas les salutations de Noa : elles n’ont pas le temps pour ce genre de choses. Bientôt, la directrice elle-même comprendra qu’elle n’en a pas la force. Son monde tient encore debout par la seule grâce de l’omission, chose que Lily s’apprête à balayer en quelques mots à peine. « Salut Lily. » Au moins, elle ne lui a pas dit bonjour. Si tel avait été le cas, elle aurait sans aucun doute récolté un rire nerveux en retour, ne faisant qu’accroître toute l’incompréhension de la Jacobs. La plus jeune est pourtant d’une gratitude sans nom envers sa supérieure qui ne cherche pas à comprendre, encore moins à lui poser des questions qui feraient plus de mal que de bien. Elle s'assoit, ses grands yeux verts rencontrant leurs homologues bleus sertis de tristesse. Finalement les mots arrivent par vagues, toujours plus douloureuses les unes que les autres. Lily s’étonne sincèrement d’être même capable de pouvoir les aligner. Rapidement, elle se rendra compte que ce n’est la première discussion douloureuse d’une très longue liste qui s’annonce. Elle sait par avance que les sentiments ne se flétriront pas avec le temps : ils resteront toujours aussi douloureux. A chaque fois, elle ressentira ce besoin irrépressible de laisser couler des larmes brûlantes de tristesse. En cet instant, surtout, elle n’a pas eu le moindre temps de préparation pour tenter d’éviter un tel déferlement pathétique.
« Est-ce que tu veux ta journée ? » Elle veut simplement retrouver son mari une dernière fois pour lui dire ô combien elle l’aime plutôt que de lui rappeler de mettre de la crème solaire même entre les omoplates, peu importe à quel point il doit se contorsionner pour. Une journée de repos est la dernière chose à laquelle elle pense mais elle ne s’offusque pas pour autant de la proposition de Noa : elle aussi, elle agit sous le coup de la douleur autant que de la surprise. Elle non plus, elle n’a aucune idée de comment réagir face à une telle annonce. Personne n’est jamais préparé à de telles situations et pour une fois, Lily ne juge pas son interlocutrice. « J’suis désolée Lily. » Le visage tourné en direction du sol, les tambours de sa tête sont bruyants, au point où elle n’entend qu’à peine ses paroles. Les carreaux du bureau sont flous, comme le reste du monde. Ses larmes gouttent une à une et ce n’est que lorsqu’elle voit son ombre arriver sur elle que Lily lui offre naturellement son étreinte, sans même y penser. Il n’est plus question de sauver quelque apparence que ce soit, désormais : une telle peine ne peut être cachée. « Je peux pas le croire. » Lily peut le croire, mais elle ne le veut pas. Pourtant, le temps où elle pouvait régner sur son propre monde imaginaire est révolu, elle n’a plus de pouvoir sur rien, et encore moins celui de vie ou de mort. Elle aurait tout donné pour que ce soit le cas, pourtant. “Il aurait détesté qu’on pleure.” Il aurait détesté l’idée de les laisser dans un monde duquel il ne pourrait plus les protéger et agir en éternel grand frère et mari protecteur. Il aurait détesté bien des choses, Matt, mais sûrement pas qu’elle parle en son nom. Pas lui. Il n’a jamais eu l’ego démesuré que sa femme lui a imposé avec sa propre personne. Il aurait détesté qu’elles pleurent, mais c’est en disant ces mots qu’elle renifle bruyamment contre l’épaule de son amie. Maintenant, Noa est une amie. Pour Matt et pour sa mémoire, cela ne fait désormais aucun doute. Elle sera tout ce que Noa a été pour lui, bien avant même que Lily entre dans sa vie. “T’es la première à le savoir.” Qu’elle fasse ce qu’elle veut de cette information, mais c’était important pour la jeune femme de le lui préciser. Cela veut dire qu’elles partagent le poids de la vérité ensemble, fardeau dont elle n’aurait jamais pu imaginer le poids. Cela veut dire qu’elle sait qu’elle est l’une des personnes les plus importantes au monde pour Matt, et qu’il aurait voulu qu’elle l’apprenne de la moins pire des façons. “Il parlait tout le temps de toi, tu sais. Noa par ci, Noa par là.” Les mots ne portent aucune amertume, bien au contraire. Ils sont teintés de nostalgie, de l’amour que Matt lui portait et qu’elle tente de lui partager aujourd’hui autant que possible. Elle doit se souvenir de lui pour tous leurs bons souvenirs, pas pour cette discussion. “Je suis désolée. J'ai pas su le protéger." Pas même le rendre heureux. |
| | | | (#)Mar 3 Aoû 2021 - 23:32 | |
| « Il aurait détesté qu’on pleure. » Elle a raison, Lily, mais pardon Matt si tu m’entends, j’étais pas prête à ça. Je me redresse, je passe mes pommettes sur mes joues, tapotes doucement et sèche les larmes qui coulent sans avoir la possibilité de contrôler quoi que ce soit, c’est perdu d’avance. « Il détestait que je lui dise que le café colombien était pas si bon, et pourtant, ça ne m’empêchait pas de lui dire. » que je glisse en soufflant avec une mini lueur d’humour capable de sortir. Il détestait aussi qu’on lui dise de faire attention en allant surfer, que c’était plus de son âge, et pourtant, il écoutait pas non plus. Quel idiot Matt. « T’es la première à le savoir. » je secoue la tête et me pince les lèvres. Je sais pas comment le prendre, je sais pas si c’est une bonne chose, si c’est une coïncidence, si c’est parce qu’elle avait aucune idée de à qui en parler en premier, si elle a peur de le dire à ses sœurs, à Swann… Oh Swann… il va falloir plus que jamais se soutenir, plus que jamais être là les uns pour les autres, plus que jamais se dire et redire comme on s’aime et comme c’est important de pouvoir compter sur ses amis, sur sa famille. Comme c’est important de profiter des personnes à qui on tient. Et si Lily même a besoin de soutien, je serai là, toujours, je serai là, si elle veut pas se faire le mal de répéter tant de fois que Matt nous a quitté, si elle veut partager cette peine, si elle veut partager cette douleur. J’peux faire ça, pour la soulager aussi… « J’peux l’annoncer à Swann… » si c’est déjà ça de pris pour elle, j’peux contacter Jill, je sais moins pour Ginny, je serai peut être pas à l’aise. Est-ce que c’est le moment pour ces états d’âme ? Est-ce que c’est le moment de se demander à qui il est plus opportun de faire ce genre d’annonce ? Aucune idée… je veux pas m’imposer, jamais. « Il parlait tout le temps de toi, tu sais. Noa par ci, Noa par là. » et combien de fois j’avais parlé de lui à Greg ? Combien de fois je marchais dans les rues de Brisbane avec à chaque fois une anecdote le concernant qui me revenait, le sourire au lèvre qu’il pouvait m’apporter à chaque détour ? J’arrive pas à croire qu’on se promènerait plus ensemble dans notre ville. « “Je suis désolée. J'ai pas su le protéger. » Lily a pas été un modèle impeccable dans leur relation, sans doute pas la petite amie ou la femme parfaite, celle qu’on aurait apprécié avoir pour toujours à ses côtés, elle a fait des erreurs, mais jamais j’ai lu dans les yeux de Matt une haine envers elle, jamais j’ai lu de la colère. « Il avait toujours une étincelle dans les yeux quand il parlait de toi. Et son sourire niais, bien trop fier de lui de pouvoir dire qu’il t’avait mis la bague au doigt. » et tout le reste, c’était zappé, oublié, jeté. « Il était heureux avec toi. » et c’est ce qui compte, il est parti heureux. « On s’en fou du reste. » |
| | | | (#)Mer 4 Aoû 2021 - 13:00 | |
| « Il détestait que je lui dise que le café colombien était pas si bon, et pourtant, ça ne m’empêchait pas de lui dire. » Et si l’anecdote a le don de laisser un fin sourire émerger sur le visage de Lily, elle se rend surtout compte qu’il y a une chose qu’elle déteste plus que tout : qu’ils parlent de son mari au passé. Pourtant, elle se refuse à nier sa mort et, par extension, sa vie. Elle continuera de parler de lui à tous ceux qu’elle croisera, cela ne changera pas, peu importe à quel point la simple évocation de son prénom a aujourd’hui le don de compresser sa poitrine. “T’as toujours eu raison à ce sujet, en plus.” Maintenant, elle demandera à Deklan de ne surtout jamais retirer le café colombien de la carte, peu importe qu’aucun client ne l’aime non plus au bar. Lily a tout d’une cheffe d’entreprise capable de calculer le rendement optimal de chaque chose, mais parfois le cœur a le dessus sur la raison. Au sujet de Matt, le coeur aura toujours le dessus sur la raison.
Du bout des lèvres, la brune lui avoue qu’elle est la première à être mise dans la confidence. Ces quelques paroles n’ont vocation à rien de particulier, si ce n’est lui démontrer à sa façon qu’elle enterre la hache de guerre définitivement et lui donne sa confiance, comme Matt lui a donné la sienne dès leur première rencontre. Elle ne le remplacera jamais, elle ne jouera jamais la meilleure amie, mais au moins elle veut que Noa sache qu’elle peut compter sur elle comme épaule sur laquelle se reposer, et assistante de direction plus acharnée de travail que jamais : il ne lui reste plus que ça, désormais. « J’peux l’annoncer à Swann… » Lily ferme ses paupières de longues secondes, imaginant la multitude de scénarios dans lesquels elle doit apprendre la nouvelle à ses amis, sa famille, l’équipe du dbd, … et toute l’infinité de personnes qu’il connaissait, parce qu’elle avait un mari qui avait le don de devenir ami avec le homard à côté de lui au restaurant, se prélassant dans son aquarium avant d’être passé à la casserole. “Seulement si tu t’en sens capable.” Elle ne lui déléguera pas un rôle aussi ingrat si Noa ne se sent pas capable de le faire, et Lily n’émettrait aucun jugement à son égard. Elle est bien plus proche de Swann qu’elle ne l’a jamais été, il serait sans doute moins douloureux pour lui d’apprendre la nouvelle de sa part. C’est une bonne idée ; elle n’aurait plus qu’à se charger d’annoncer la nouvelle à l’autre infinité de personnes attendant leur tour. “Je sais pas encore comment l’annoncer à Ezra. Il faudra que ce soit lui qui prévienne Noah.” Parce que Ginny est partie à Sydney et qu’elle est mieux là où elle est, loin de l’agitation de la ville et de l’annonce du décès de son frère. Après tout, Ezra est un bon père et il saura trouver les mots justes pour parler à son fils ; si seulement elle trouve les bons pour lui annoncer la nouvelle. Pour le moment encore, il a pris l’avion pour une conférence Dieu sait où. Le problème se posera dans quelques jours, quand il reviendra, parce qu’il est hors de question qu’elle lui en parle par téléphone. Ses confessions n’ont pas but à trouver de réponse, elle se contente de penser à voix haute pour faire de la place dans un esprit sans dessus dessous.
Les mots de Noa ne changeront rien au passé et encore moins au futur, mais ils sont d’un réconfort nécessaire pour la veuve. Veuve, pour la seconde fois de sa vie, pour peu elle se demanderait presque si Joseph n’a pas encore une fois quelque chose à voir avec l’accident de son double. Si jamais ils ne parlaient pas comme des amis, elle lui aurait réellement posé la question, les yeux dans les yeux. « Il avait toujours une étincelle dans les yeux quand il parlait de toi. Et son sourire niais, bien trop fier de lui de pouvoir dire qu’il t’avait mis la bague au doigt. » Lily sèche ses larmes pour mieux laisser place au sourire sincère qu’elle souhaite lui faire voir et ainsi lui prouver qu’elle peut aller de l’avant et qu’elle le fera rapidement, c’est promis. Les lamentations n’ont pas leur place dans son existence, pas alors qu’elle a tant de choses à s’occuper. Elle aussi, elle continuera de parler de lui avec un sourire niais et fier d’avoir un temps été sa femme ; et dans dix ans rien n’aura changé à ce niveau là. « Il était heureux avec toi. On s’en fou du reste. » On ne s’en fout pas vraiment du reste mais dans l’idée, elle est d’accord avec Noa. Après tout, elles sont encore bien différentes sur de nombreux sujets, elles ne trouveront pas d’accord sur tous, mais désormais Lily tentera toujours de faire de son mieux. Pour elles, pour Matt. “Je le remplacerai jamais mais je veux que tu saches que je suis là, si t’as besoin. Que ce soit professionnel ou personnel.” Elle est sa supérieure autant qu’elle est l’amie de Matt, et l’un et l’autre ne sont pas incompatibles, Lily continuera de mener ses missions de front. “Donne moi juste quarante huit heures. Pour tout gérer. Et je reviens sans toucher au stock de mouchoirs, c’est promis.” Si elle le promet, alors elle n’aura plus d’autres choix que de s’y tenir, non ? |
| | | | (#)Lun 30 Aoû 2021 - 17:52 | |
| “Seulement si tu t’en sens capable.” Je suis pas sûre d’être capable de quoi que ce soit, parce que qui est capable d’annoncer la mort d’un proche ? Qui est capable de supporter la douleur à ce point ? Qui est capable de lire la tristesse dans le regard de l’autre, à l’annonce de la perte d’un être cher ? Pas moi, personne ,je suppose, j’espère, en tout cas. C’est juste qu’on a pas le choix. Et je refuse de laisser Lily prendre toute cette responsabilité, si elle a eu le courage ou plutôt, l’obligation de me l’annoncer aujourd’hui, j’en ferai autant, pour la soulager en partie, pour partager cette difficulté avec elle, pour Matt. Je suis certaine qu’il n’aurait pas voulu qu’elle affronte ça toute seule, je suis certaine qu’il n’a jamais pensé un seul instant que ce serait possible, qu’on soit là à pleurer dans mon bureau parce qu’il n’était plus là. Non, qui peut imaginer sa mort aussi jeune ? Pas moi, pas Lily, encore moins lui. Matt qu’on avait tendance à croire invincible, Matt qu’on voyait tous mourir vieux et toujours aussi jeune dans sa tête. Il faut toujours qu’il marque les esprits d’une manière ou d’une autre, bien joué Matt… c’est bien réussi pour cette fois, mais sincèrement, on s’en serait passé. « Je m’en occupe. » je secoue la tête, pour conforter mes propos, pour conforter que j’suis capable de lui dire, après, capable de l’assumer, on verra… “Je sais pas encore comment l’annoncer à Ezra. Il faudra que ce soit lui qui prévienne Noah.” Les enfants dans l’équation, c’est ce qui rend toujours tout plus difficile encore. « je suppose qu’il y a pas milles façons de faire… » Ezra est passé à l’association, pas plus tard qu’hier, il repassera sans doute à nouveau dans la semaine… peut être que par « magie » il passera le pas de la porte dans trente secondes et que l’annonce sera plus tôt que prévu… en tout cas, le concernant, je ne me sentais pas légitime de lui annoncer… « est-ce que Ginny ne pourrait pas lui dire ? » pourquoi Ezra, plutôt que Ginny d’ailleurs ? Même si, ces derniers temps, elle était loin de Brisbane, elle devrait bien apprendre la mort de son propre frère aussi. Enfin, je n’ai aucune idée de ce qui se trame dans leur famille à vrai dire.
“Je le remplacerai jamais mais je veux que tu saches que je suis là, si t’as besoin. Que ce soit professionnel ou personnel.” La gorge encore un peu plus nouée, je suis touchée par ses mots. C’est vrai qu’il y a depuis le début, une distance de sécurité entre Lily et moi, une distance que nous nous efforcions toutes les deux de maintenir, sans faire l’effort de franchir les limites. Et il aura fallu qu’il ne soit plus là. Je me contente de secouer la tête, et de la remercier à travers mon regard. L’intention sera tout aussi réciproque, qu’elle en soit certaine. “Donne moi juste quarante huit heures. Pour tout gérer. Et je reviens sans toucher au stock de mouchoirs, c’est promis.” Quarante huit heures me semble bien léger, mais si c’est ce dont elle a besoin… elle pourra prendre plus si elle veut, moi, je garde le navire sur les flots, pas le choix, je prendrai une journée pour me rendre à la cérémonie d’adieu, pour lui dire au revoir, à Matt. « tout ce que tu veux, Lily. » c’est un feu vert et surtout, qu’elle prenne soin d’elle. « tu me tiens au courant, si tu as besoin de quoi que ce soit… » je passe ma main sur son épaule, frottant son dos chaleureusement ensuite. « Compte sur moi. » |
| | | | (#)Mar 31 Aoû 2021 - 18:47 | |
| « Je m’en occupe. » Ce serait mentir que de dire qu’elle ne se sent pas un peu soulagée à l’idée que Noa se charge d’annoncer la mort de Matt à son frère. C’est au moins une personne de moins qu’elle aura à prévenir, une personne de moins dont elle observera le monde s’effondrer et ses yeux se gorger de larmes. Déjà, elle imagine que le spectacle sera le même pour tous, peu importe à quel point ils pouvaient ou non être proches du brun. Ils seront tous désolés avant de présenter leurs condoléances et une fois chose faite, Lily devra passer à une autre personne. Les prochains jours s’annoncent longs et difficiles. Puisqu’elle semble avoir abaissée bon nombre de barrières, la jeune femme se permet de partager une ultime fois ses doutes et appréhensions, ne sachant comment annoncer aux Beauregard la mort d’un homme qui a toujours fait partie de sa vie. « Je suppose qu’il y a pas milles façons de faire… » Sûrement pas, non. Pourtant, personne ne lui a un jour fourni un guide intitulé ‘comment annoncer la mort de son meilleur ami à l’homme avec qui vous avez trompé votre mari, ledit meilleur ami’. Sûrement que le titre était trop long pour avoir une chance d’être vendu. Trop précis, aussi, capable de parler à Lily seulement. La jeune femme finit par hocher de la tête en signe d’acceptation : Noa fait face au même problème avec Swann. Toutes deux se feront la voix d’une annonce qu’elles auraient préféré ne jamais avoir à connaître et, finalement, l’assistante de direction essuie une larme du bout de l’index. « Est-ce que Ginny ne pourrait pas lui dire ? » La brune hoche vigoureusement de la tête pour répondre par la négative. Non, absolument pas. Il est hors de question qu’elle lui délègue l’annonce. Noah l’apprendra de sa mère ou de son père, selon ce que les parents jugeront être le mieux pour lui, mais elle ne peut pas laisser qui que ce soit d’autre l’annonce au Beauregard. Après tout ce qu’ils ont vécu et traversé ensemble, elle ne l’abandonnera pas en cet instant. “Je le connais bien. Je lui dirai.” Pour Noa, il n’est que celui avec qui elle a trompé son mari. En réalité, il est infiniment plus et elle aimerait tant qu’elle le sache, qu’il ne soit pas réduit à si peu. Elle aimerait tant qu’elle comprenne, quand bien même ce n’est pas aujourd’hui qu’elle risque de prêcher pour sa paroisse. Sa voix douce tente de se faire entendre sans générer de tensions : ce n’est ni la place ni le moment.
Finalement, Lily lui annonce qu’elle sera là pour elle si jamais la brune en ressent le besoin et ce sont autant de mots qu’elle pèse et qu’elle pense. Les jeunes femmes n’ont jamais été proches mais les choses changent, désormais : il est hors de question qu’elles se battent sur la dépouille du McGrath. Noa lui donne une réponse sans mots que la Keegan n’a aucun mal à comprendre : merci, toi aussi. Quelque chose comme ça. Tout ce qui va en ce sens. Ne souhaitant pas laisser la discussion s’éterniser davantage, l’ancienne infirmière finit par demander deux jours loin de l’association pour faire son deuil et… tout ce qu’elle a à faire. Elle ne peut pas se permettre de demander plus, tout comme elle sait qu’elle n’a aucune envie de rester loin du travail plus longtemps : bien vite, elle aura besoin de s’occuper de nouveau de choses qui ne concernent pas la mort de son mari. « Tout ce que tu veux, Lily. » D’un signe de la tête, elle la remercie de nouveau avec sincérité. « Tu me tiens au courant, si tu as besoin de quoi que ce soit… » Elle ne dégage pas son épaule, geste qu’elle aurait esquissé par habitude en temps normal. Aujourd’hui, les choses changent réellement, et ce n’est pas qu’une façon de parler, ce ne sont pas des paroles en l’air non plus. « Compte sur moi. » - “Merci pour tout.” Pour sa compréhension en cet instant, pour avoir été une amie pour Matt, pour avoir rencontré son chemin, pour être une supérieure digne de ce nom. Pour tout, pour rien, pour autant de choses qu’elle ne peut pas citer. |
| | | | | | | | feeling my way through the darkness (noa #2) |
|
| |